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Courrier de l'environnement de l'INRA n°44, octobre 2001 119 étude Plantes : usages et statuts juridiques L'étude du statut juridique des plantes implique le fait de parler de leurs usages. En effet, c 'est en découvrant de nouveaux usages aux végétaux que l'homme s'est vu contraint de réglementer leurs usages. Ainsi, la préoccupation actuelle sur les espèces menacées d'extinction se déduit des usages de ces plantes. En effet, si les nombreuses plantes exotiques qui sont menacées par la déforestation n 'avaient aucun intérêt pour l'homme, celui-ci n 'aurait peut-être pas instauré des lois pour les protéger. L'idée de propriété, d'appartenance du vivant aussi, est venue des usages que l'homme pouvait faire des végétaux : à qui appartient ce que l'homme cultive et « améliore » depuis des siècles ? De même, la découverte des drogues et de leurs effets sur le psychisme a entraîné leur réglementation (par exemple, au niveau pharmaceutique), voire leur prohibition. Cet article propose une vue d'ensemble sur la législation en vigueur aujourd'hui concernant les plantes protégées, les nouvelles variétés, les OGM, les plantes à usages médicinal, cosmétique ou psychotrope. L'aspect alimentaire n 'est pas traité ici. Plantes protégées au titre de la conservation de la flore sauvage Dans le monde, il disparaît une espèce végétale par jour du fait de l'homme : déforestation, développement industriel et touristique, urbanisation, agriculture, introductions d'espèces animales et végétales dites « invasives » bouleversant les écosystèmes... Malgré les bouleversements qu'il a apportés à la nature, l'homme essaye maintenant de la protéger du mieux qu'il peut en instaurant des espaces où la vie humaine n'empiète pas sur la faune et la flore sauvage et en réglementant cette protection. Les institutions réservées aux plantes rares et protégées Des institutions ont été créées pour protéger les espèces végétales sous forme de plant ou de semence. Les scientifiques distinguent deux types de conservation selon que celle-ci a lieu dans l'habitat d'origine (conservation in situ) ou dans un habitat créé par l'homme (conservation ex situ). Conservation in situ : c'est la conservation des écosystèmes et des habitats naturels, et le maintien et la reconstitution de populations viables d'espèces dans leur milieu naturel ou, dans le cas des espèces domestiquées et cultivées, dans le milieu où se sont développés leurs caractères distinctifs (Convention sur la diversité Étude proposée par Marie Veuillot, stagiaire à la ME&S durant l'été 2001 mariev@club-internet. fr biologique, PNUE, 5 juin 1992, article 2). - Réserves naturelles (créées par la loi du 1 er juillet 1957) Elles ont pour objectif d'assurer la conservation d'espaces naturels de haute valeur écologique et les espèces animales ou végétales, menacées de disparition. La loi du 10 juillet 1976 sur la protection de la nature introduit la notion de réserve naturelle. Ces réserves sont définies comme « des parties de territoire d'une ou de plusieurs communes, lorsque la conservation de la faune, de la flore, du sol, [...] présente une importance particulière et qu'il convient de les soustraire à toute intervention artificielle susceptible de les dégrader ». Il en existe actuellement 149 sur le territoire français 1 . - Parcs nationaux (loi du 22 juillet 1960) Ce sont de grandes étendues rurales dont les richesses naturelles justifient une protection rigoureuse pour des raisons « écologiques, géomorphologiques et esthétiques ». Il existe aujourd'hui 7 parcs nationaux en France : les Cévennes, les Écrins, la Guadeloupe, le Mercantour, Port-Cros, les Pyrénées et la Vanoise. Leur création résulte d'un décret en Conseil d'État, publié au Journal officiel, après des études faites à l'initiative du ministre de l'Environnement. Un parc national comprend 3 zones. La zone centrale est vouée à la conservation de la flore et de la faune et à la recherche scientifique. La zone de réserve intégrale est le cœur du parc. La protection y est renforcée. La zone périphérique représente la partie ouverte au tourisme et où le public peut venir découvrir la nature. Cependant, la cueillette de 1 Pour en savoir plus : www.reserves-naturelles.org

Plantes : usages et statuts juridiques - inra.fr · nouvelles variétés, les OGM, les plantes à usages médicinal, cosmétique ou psychotrope. ... de leur habitat ou des menaces

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Courrier de l'environnement de l'INRA n°44, octobre 2001 1 1 9

étude

Plantes : usages et statuts juridiques

L'étude du statut juridique des plantes implique le fait de parler de leurs usages. En effet, c 'est endécouvrant de nouveaux usages aux végétaux que l'homme s'est vu contraint de réglementer leursusages. Ainsi, la préoccupation actuelle sur les espèces menacées d'extinction se déduit des usages deces plantes. En effet, si les nombreuses plantes exotiques qui sont menacées par la déforestationn 'avaient aucun intérêt pour l'homme, celui-ci n 'aurait peut-être pas instauré des lois pour lesprotéger. L'idée de propriété, d'appartenance du vivant aussi, est venue des usages que l'hommepouvait faire des végétaux : à qui appartient ce que l'homme cultive et « améliore » depuis dessiècles ? De même, la découverte des drogues et de leurs effets sur le psychisme a entraîné leurréglementation (par exemple, au niveau pharmaceutique), voire leur prohibition. Cet article proposeune vue d'ensemble sur la législation en vigueur aujourd'hui concernant les plantes protégées, lesnouvelles variétés, les OGM, les plantes à usages médicinal, cosmétique ou psychotrope. L'aspectalimentaire n 'est pas traité ici.

Plantes protégées au titre de la conservationde la flore sauvage

Dans le monde, il disparaît une espèce végétalepar jour du fait de l'homme : déforestation,développement industriel et touristique, urbanisation,agriculture, introductions d'espèces animales et végétalesdites « invasives » bouleversant les écosystèmes...Malgré les bouleversements qu'il a apportés à la nature,l'homme essaye maintenant de la protéger du mieux qu'ilpeut en instaurant des espaces où la vie humainen'empiète pas sur la faune et la flore sauvage et enréglementant cette protection.

Les institutions réservées aux plantes rares

et protégées

Des institutions ont été créées pour protéger lesespèces végétales sous forme de plant ou de semence. Lesscientifiques distinguent deux types de conservation selonque celle-ci a lieu dans l'habitat d'origine (conservationin situ) ou dans un habitat créé par l'homme(conservation ex situ).

Conservation in situ : c'est la conservation desécosystèmes et des habitats naturels, et le maintien et lareconstitution de populations viables d'espèces dans leurmilieu naturel ou, dans le cas des espèces domestiquées etcultivées, dans le milieu où se sont développés leurscaractères distinctifs (Convention sur la diversité

Étude proposée par Marie Veuillot, stagiaire à la ME&S durant

l'été 2001mariev@club-internet. fr

biologique, PNUE, 5 juin 1992, article 2).- Réserves naturelles

(créées par la loi du 1er juillet 1957)Elles ont pour objectif d'assurer la conservationd'espaces naturels de haute valeur écologique et lesespèces animales ou végétales, menacées de disparition.La loi du 10 juillet 1976 sur la protection de la natureintroduit la notion de réserve naturelle. Ces réserves sontdéfinies comme « des parties de territoire d'une ou deplusieurs communes, lorsque la conservation de la faune,de la flore, du sol, [. . .] présente une importanceparticulière et qu'il convient de les soustraire à touteintervention artificielle susceptible de les dégrader ». Il enexiste actuellement 149 sur le territoire français1.

- Parcs nationaux

(loi du 22 juillet 1960)Ce sont de grandes étendues rurales dont les richessesnaturelles justifient une protection rigoureuse pour desraisons « écologiques, géomorphologiques etesthétiques ». Il existe aujourd'hui 7 parcs nationaux enFrance : les Cévennes, les Écrins, la Guadeloupe, leMercantour, Port-Cros, les Pyrénées et la Vanoise. Leurcréation résulte d'un décret en Conseil d'État, publié auJournal officiel, après des études faites à l'initiative duministre de l'Environnement. Un parc national comprend3 zones. La zone centrale est vouée à la conservation dela flore et de la faune et à la recherche scientifique. Lazone de réserve intégrale est le cœur du parc. Laprotection y est renforcée. La zone périphériquereprésente la partie ouverte au tourisme et où le publicpeut venir découvrir la nature. Cependant, la cueillette de

1 Pour en savoir plus : www.reserves-naturelles.org

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toutes les espèces de plantes à fleurs que l'on peut trouverdans les parcs nationaux est rigoureusement interdite. Laréglementation commune à l'ensemble des parcsnationaux interdit notamment le camping, les feux, lacueillette et l'abandon d'ordures dans la zone centrale duparc.

La création d'autres parcs nationaux estactuellement à l'étude (les Hauts de la Réunion, la Forêtéquatoriale de Guyane, mer d'Iroise). Le projet d'un parcmarin en mer d'Iroise a été pris en considération parl'Etat français, il va maintenant être soumis à une enquêtepublique2.

- Parcs naturels régionaux

(décret du 1er mars 1967)Les parcs naturels régionaux ont un rôle dansl'aménagement des zones rurales, en particulier à traversle tourisme. Il en existe aujourd'hui 40. La protection yest moins rigoureuse que dans les parcs nationaux et iln'existe pas de réglementation particulière. Chaque parcdéfinit ses buts pour mettre en valeur le patrimoinenaturel. Ce sont les collectivités régionales qui sont àl'origine de la création d'un parc. Celui-ci est régit parune charte qui engage pour 10 ans ses signataires et quipermet l'attribution de la marque « Parc naturelrégional »3.

- Listes des espèces végétales protégées

En France, la loi de 1976 sur la préservation dupatrimoine biologique (loi n° 76-629 du 10 juillet 1976relative à la protection de la nature, JO du 13 juillet etrectificatif du 28 novembre 1976), reprise dans dans leCode de l'environnement à l'article L. 111-1, interdit « ladestruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, lacueillette ou l'enlèvement de végétaux ou de leursfructifications, leur transport, leur colportage, leurutilisation leur mise en vente, leur vente ou leur achat ».Ceci « lorsqu'un intérêt scientifique particulier ou que lesnécessités de la préservation du patrimoine biologiquejustifient la conservation d'espèces animales nondomestiques ou végétales non cultivées » .

Depuis cette loi, des mesures ont été prises pourprotéger les espèces végétales en voie de disparition surle territoire français. Ainsi, un arrêté ministériel du 20janvier 1982, modifié en 1995, a fixé une liste desespèces protégées « du fait de leur rareté, de la disparitionde leur habitat ou des menaces qui pèsent sur elles », surl'intégralité du territoire national comptant plus de 400espèces. Cette liste a été réactualisée au 31 août 1995.Compte tenu de la variété spécifique de la flore decertaines régions excentrées, des listes régionales ont étéadoptées dans un premier temps pour la Corse (arrêté du24 juin 1986 : 62 espèces) et pour la Réunion (arrêté du 6février 1987 : 61 espèces). Dans un second temps, des

listes ont été adoptées pour de nombreuses autres régionsfrançaises.

De plus, un arrêté ministériel du 12 octobre1987 fixe les conditions de production et decommercialisation des exemplaires issus de cultures deces plantes protégées. La mention « matériel végétal issude culture, espèce protégée au titre de la loi sur laprotection de la nature. Ne pas réintroduire dans le milieunaturel » doit figurer sur la plante en vente. Mais cecin'est que rarement respecté5.

En ce qui concerne la Guyane française, uneliste des 83 espèces végétales à protéger vient d'êtreconstituée. C'est, en effet, la seule région d'Outre-merqui ne possède pas d'« arrêté relatif à la liste des espècesvégétales protégées en région complétant la listenationale ». La base Aublet (du nom du premier botanisteayant réalisé la flore de Guyane) de l'Herbier de Guyaneregroupe des informations sur plus de 5 210 espèces decette flore. Elle a été utilisée pour établir une liste desespèces répondant à des critères de menace et/ou de raretésolidement argumentes. Cette « Liste provisoire desplantes rares, endémiques, menacées et patrimoniales dela Guyane française » a été validée en février 2000 par leconseil scientifique régional du Patrimoine naturel deGuyane. 83 taxons ont été retenus pour bénéficier d'unstatut officiel de protection. Beaucoup d'aracées, debroméliacées et d'orchidées figurent sur cette liste car cesont des plantes souvent cueillies à des fins horticoles6.

Conservation ex situ : c'est la conservationd'éléments constitutifs de la diversité biologique endehors de leur milieu naturel.

- Conservatoires botaniques nationaux (CBN)Créés en 1975 par le ministère de l'Environnement, ilssont au nombre de 6 (Bailleul, Brest, Gap-Charance,Mascarin, Nancy, Porquerolles). Leur rôle est deconserver ex situ des espèces de la flore en situationcritique, voire en limite extrême d'extinction. De tellesespèces nécessitent en effet des mesures de sauvetageparticulières avec une mise en culture de matériel végétal(graines, boutures) provenant des derniers spécimensvivants.

Le conservatoire de Porquerolles regroupe descollections de milliers d'arbres fruitiers méditerranéens etil est aidé par de nombreuses associations qui échangentdes graines entres elles et créent ainsi des mini-conservatoires privés.

Certaines espèces font l'objet de programmesactifs de multiplication in vitro lorsqu'elles sont éteintesen milieu naturel (ex. : Bulbophyllum herbula,

Orchidacée conservée uniquement à Brest et confiée au

2 www.parcsnationaux-fr.com3 www.parcs-naturels-regionaux. ttn.fr4 Voir le site du ministère de l'Environnement :www.environnement.gouv.fr

5 Voir l'ouvrage de Philippe Danton et Michel Baffray : Inventairedes plantes protégées en France, 1995, éd. Nathan, Paris, 296 p.6 La base Aublet 2 de l'Herbier de Guyane :www.ird.fr/fr/inst/infotheque/multimediaRomi R., 1999. Droit et administration de l'environnement.Montchrestien, Paris, 535 p.

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Jardin botanique de Kew, en Angleterre, pour l'essai demultiplication in vitro).

- Banques de semences

Outre les conservatoires botaniques, diversorganismes, privés ou publics, on* mis sur pied des« banques de gènes » rassemblant les semences denombreuses espèces et variétés végétales. Vu qu'il estimpossible de garder toutes les espèces existantes, il fautchoisir judicieusement celles que l'on veut conserver. Ilfaut ainsi préserver des formes dont l'intérêt immédiatn'est pas forcément évident, mais qui pourront se révélerprécieuses dans dix ou vingt ans. Le Conservatoirebotanique national de Porquerolles , par exemple, a misen place une banque de semences particulièrementimportante, des protocoles de test de viabilité et degermination de ces semences, ainsi que des suivis descultures.

Les textes internationauxsur les espèces protégéesDes conventions internationales et des directives

ont été signées, dans les dernières décennies, afind'harmoniser la protection des espèces végétales entre lesdifférents pays concernés.

Un exemple de protection des écosystèmes :les forêtsOutre la protection des plantes en tant

qu'espèces, il existe un autre type de protection quienglobe tout un écosystème. Dans le cadre de laprotection de paysages, les forêts tiennent une placeimportante car elles sont le lieu de promenades, de visitestouristiques... Cet exemple s'inscrit donc dans ledomaine d'une protection globale, où chacun peut aider àmaintenir un équilibre dans les écosystèmes existants.

Sur les 100 000 espèces d'arbres que contient laflore mondiale, 8 750 espèces sont menacées d'extinctionselon l'Union mondiale pour la nature (UICN). Lesmenaces proviennent de l'exploitation forestière,l'agriculture, les besoins en terres nouvelles pour desinstallations humaines, le pâturage, le feu et les plantesenvahissantes.

La Conférence des Nations unies surl'environnement et le développement (CNUCED), en1992, à Rio, est une première prise de conscience globalede la nécessité de protéger les forêts. Un an plus tard, laDeuxième Conférence ministérielle pour la protection desforêts en Europe, qui s'est tenue en 1993, à Helsinki, aintroduit la notion de gestion durable qu'elle définitcomme « la gérance et l'utilisation des forêts et desterrains boisés, d'une manière et à une intensité tellesqu'elles maintiennent leur diversité biologique, leurproductivité, leur capacité de régénération, leur vitalité etleur capacité à satisfaire, actuellement et pour le futur, lesfonctions écologiques, économiques et socialespertinentes, aux niveaux local, national et mondial ; et

qu'elles ne causent pas de préjudices à d'autresécosystèmes ». L'écocertification permettant de prouverque les forêts exploitées sont soumises à une gestiondurable doit être volontaire et contrôlée par un organismeindépendant, neutre et reconnu au niveau international, telque le Forest Stewardship Council (FSC) créé àl'initiative du Fonds mondial pour la nature (WWF).

En Europe, la Suisse dispose d'une loi visant àprotéger les forêts. La loi sur la police des forêts, vieillede 125 ans, inscrivait pour la première fois dans un textelégal le principe de la gestion durable d'une ressourcenaturelle : il ne faut pas abattre plus de bois qu'il n'enpousse. La loi, révisée en 1993, énonce le fait que « lesforêts doivent être gérées de manière à ce que leursfonctions soient pleinement et durablement garanties ».La loi protège ainsi les diverses fonctions de la forêt « entant que biocénose naturelle ». Elle prévoit, en outre, demaintenir et de promouvoir l'économie forestière. Lasuperficie des forêts doit être conservée. Ainsi, lesdéfrichements ne sont autorisés qu'à titre exceptionnel etils doivent être remplacés par d'autres arbres le caséchéant. Les forêts restent accessibles au public sauf si« la conservation des forêts ou un autre intérêt publicl'exigent, par exemple la protection de plantes oud'animaux sauvages ».

La France, elle, vient d'adopter en juin 2001 laloi d'orientation sur la forêt. Selon Jean Glavany, ministrede l'Agriculture, cette loi va permettre de développer unepolitique de gestion durable et multifonctionnelle, elle vafavoriser le développement et la compétitivité de la filière

www.see. it/cbn/

De nombreux arbres sont considérés comme dessymboles sacrés dans diverses civilisations. C'est le casde Gingko biloba, l'« arbre de vie » qui, en Chine et auJapon, était vénéré et cultivé autour des temples, palaiset monastères. On ne connaît pas bien son originegéographique mais il vient probablement de la région deTchekiang en Chine. Après son introduction auXIIe siècle, il a perduré grâce auxs moines qui leconsidéraient comme sacré. C'est ainsi qu'on leretrouve encore de nos jours alors que toutes les autresespèces de Ginkgoales, apparues il y a environ 260millions d'années, sont éteintes.

Dans la plupart des civilisations, l'arbre est considérécomme un symbole vivant des rapports qui s'établissententre la terre et le ciel. Selon les légendes, l'arbretraverse les trois mondes : le souterrain avec lesracines, la surface de la terre avec le tronc et le cielavec les branches.

Si l'arbre est sacré, la forêt constitue alors un véritablesanctuaire comme la mythique Brocéliande enBretagne. Appelée maintenant forêt de Paimpont,Brocéliande est le cadre des aventures du Roi Arthur etde ses Chevaliers de la Table ronde à la quête du Graal.Cette légende remonte au Moyen Âge. Il ne faut pasoublier celle de Merlin l'enchanteur, personnagemythique, enfant né de la rencontre d'une jeune filleavec le Diable, retenu à jamais dans une prison d'airque sa belle, la Fée Viviane, a tracé de neuf cerclesmagiques autour de lui. Aujourd'hui le tombeau deMerlin est devenu un véritable lieu de culte.

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forêt-bois, inscrire la politiqueforestière dans la gestion desterritoires et renforcer la protectiondes écosystèmes forestiers ounaturels.

La protection des arbresne s'inscrit pas uniquementdans une politique deprotection des forêts. Parexemple, Gingko biloba, (voirencadré ci-dessus) est une desespèces médicinales les plusmenacées. Il faut repenser à sonexploitation, car ses populationsen Chine, en Corée et au Japonsont aujourd'hui précaires. C'estpourquoi l'UICN l'a classé parmi lesespèces « en danger ». Et il est actuellementcultivé dans de nombreux pays occidentaux,dont la France (dans les Landes), et ses feuillessont vendues aux industries pharmaceutiques.

L'Office national des forêts (ONF) s'est chargéde répertorier les « arbres remarquables » de nos forêts.Le recensement a débuté en 1996, et on compteaujourd'hui 298 arbres d'intérêt national sur plus de2 000 arbres remarquables dans le domaine public. Ils'agit de noter sur une échelle de 1 à 4 les spécimensdignes d'intérêt. Ces arbres peuvent avoir desparticularités intrinsèques (taille, âge, essence rare), desparticularités morphologiques (troncs tordus ou soudés)ou alors ce sont des arbres rattachés à une légende ou unecroyance. Leur protection repose sur la législation desmonuments et des sites naturels (loi de 1930), sur celledes biotopes (loi du 10 juillet 1976), sur le code del'urbanisme, sur le POS (plan d'occupation des sols) ou leOLU (plan local d'urbanisme) qui lui a succédé, mais iln'existe pas de texte spécifique. Les directives de l'ONFindiquent que de tels spécimens doivent être protégés :installation de barrières, aménagement de sentierscontournant l'arbre, mise en place d'une signalétique,soutient des branches dangereuses... Le but d'une telleprotection est de faire connaître ce patrimoine au public8.

La prise en compte du patrimoine paysager estcomplexe. Le cas des forêts, abordé dans cet article, nereprésente qu'une partie des écosystèmes en danger. Ils'agit aussi de protéger des écosystèmes tels que lestourbières, qui sont les seuls lieux de vie de plantescarnivores comme les droseras, les zones humides, leslittoraux...

Les conventions internationalesConvention sur le commerce international des

espèces de faune et de flore menacées d'extinction(CITES), dite convention de Washington, signée en 1973et ratifiée par la France en 1977 (loi n°77-1423 du27 décembre 1977). Les espèces concernées sont réparties

dans deux annexes, qui sontrévisées régulièrement comme enavril 2000 au Kenya : - Annexe1 : espèces dont le commerceinternational est interdit sauf pourdes raisons scientifiques ; -Annexe 2 : espèces dont le

commerce international estcontrôlé par un système de

permis d'import ou d'export. Lenouveau règlement Communauté

européenne a introduit untraitement plus strict en ajoutantcertaines espèces, réparties en 4

annexes.Convention de Berne relative

à la conservation de la vie sauvage etdu milieu naturel en Europe, ouverte à

la signature en 1979 et ratifiée par laFrance en 1990 (décret n°90-756 du

22/08/90). L'article 5 fait référence à des« mesures législatives et réglementaires que les Étatssignataires s'engagent à prendre à propos de laconservation particulière des espèces de flore sauvageénumérées dans l'annexe 1. Seront interdits la cueillette,le ramassage, la coupe ou le déracinage intentionnels desplantes visées » (modifiée périodiquement)9.

La Convention sur la diversité biologique,signée en juin 1992 à Rio, vise à favoriser la conservationde la diversité biologique et son utilisation durable. Laconvention est actuellement ratifiée par 177 États dont laFrance. Elle reconnaît aux États le droit de souverainetésur leurs ressources et elle requiert un partage équitabledes bénéfices tirés de l'exploitation commerciale desressources biologiques. Cependant, sa mise en pratiqueest difficile car rien ne précise la positionnement de cetexte par rapport aux autres textes internationaux .

Les directives communautairesDirective 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai

1992, concernant la conservation des habitats naturelsainsi que de la faune et de la flore sauvages (dite directiveHabitat).

Elle précise la liste des habitats et des espècesnécessitant soit la désignation de zones spéciales deconservation, soit une protection stricte au niveaueuropéen.

Directive 2000/29/CE du Conseil du 8 mai2000, concernant les mesures de protection contrel'introduction dans la Communauté d'organismesnuisibles aux végétaux et contre leur propagation àl'intérieur de la Communauté (JO des Communautéseuropéennes du 10 juillet 2000) .

8 Pour en savoir plus : www.iucn.org et www.onf.fr

9 Texte disponible sur legifrance.gouv.fr10 Texte disponible sur europa.eu.int (93/626/CEE : Décision duConseil, du 25 octobre 1993, concernant la conclusion de laconvention sur la diversité biologique).11 Textes disponibles sur : europa.eu.int

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Cas des espèces introduites

On considère comme des espèces introduites, lesvégétaux développant tout ou partie de leur cyclevégétatif en dehors de leur aire biogéographiqueoriginelle, dans des stations où leur présence estrécente et pouvant être attribuée aux activitéshumaines. Il s'agit des espèces introduites par l'homme.

L'UICN (Union mondiale pour la nature) a mis en placeun programme mondial sur les espèces envahissantesdont le but est d'atténuer les effets biologiques, sociauxet économiques dévastateurs des espècesenvahissantes. Elle travaille actuellement sur des lignesdirectrices pour la préservation de la perte de diversitébiologique due aux invasions biologiques, destinées àaider les gouvernements à mettre en œuvre despolitiques efficaces pour limiter les introductions àrisque, contrôler ou éradiquer les espèces menaçant lesécosystèmes.

En France, les espèces introduites représentent environ11% de la flore. En 1997, le conservatoire botanique dePorquerolles a dressé une liste classant les espècesinvasives du secteur méditerranéen suivant lesmenaces qu'elles constituent. Ainsi des plantesterrestres ou marines peuvent s'avérer nuisibles pourles habitats naturels ou pour les activités humaines.Citons l'ambroisie (Ambroisia artemisiifolia L.) venantd'Amérique et dont le pollen très allergisant pose desproblèmes de santé publique dans la région lyonnaise.Depuis le 20 juillet 2000, la plante est illégale dans ledépartement du Rhône et un arrêté préfectoral exigeson arrachage systématique sur tous les terrains,publics ou privés, cultivés ou en friche. L'ambroisie ou« absinthe du Canada » est une mauvaise herbeannuelle qui émet de grandes quantités de pollen (2milliards de grains de pollen par pied) jusqu'à la finseptembre. Elle déclenche ainsi un rhume des foinsd'automne chez les personnes allergiques, soit environ12% de la population. La rhinite n'est cependant pas leplus grave, l'allergie au pollen de cette plante peutengendrer des affections cutanées, respiratoires et cecipeut aller jusqu'à la crise d'asthme violente, voiremortelle. Le séneçon du Cap {Senecio inaequidens DC.)est une autre espèce envahissante présente depuis1935 en France. On pense qu'elle est arrivée d'Afriquedu Sud avec des cargaisons de laine. La fauche permetde limiter sa production de graines et, ainsi, lavégétation naturelle peut concurrencer cette pestevégétale sur les terrains envahis. On trouve aussi desespèces cultivées comme le brome cathartique (Bromuscatharticus Valh), des espèces forestières comme lerobinier (Robinia pseudo-acacia L.). Une deuxième listerassemble les « espèces invasives potentielles àsurveiller attentivement ». Parmi elles, le cèdre del'Atlas (Cedrus atlantica (Endl.) Carrière), le genêtmultiflore (Cytisus multiflorus (L'Hér.) Sweet) employécomme fixateur des talus de bord de route. Un troisièmeliste, « d'attente », est réservée aux espèces à fortdynamisme, pour lesquelles il manque des informationsprécises.

Cependant la lutte contre les espèces invasives n'estpas simple car la liste nationale des espèces protégéesen France contient quelques espèces d'origineétrangère dont de nombreuses sont des messicoles. Demême, toutes les tulipes sont protégées en France alorsque certaines comme Tulipa praecox ne sont pas desespèces indigènes.

Pour en savoir plus : www.iucn.org (PPME : programmemondial sur les espèces envahissantes), La GaranceVoyageuse n°48 sur les plantes invasives. Le Courrier del'Environnement n°32, décembre 1997, article de F. Bretonsur les invasions biologiques.

Plantes protégées au titre de la création

de nouvelles variétés

Avec la création de nouvelles variétés, lalégislation française et internationale a dû se doter denouveaux textes de loi bien spécifiques. Dans une mêmeespèce, il peut exister plusieurs variétés qui diffèrententre elles par des propriétés spécifiques que l'homme asélectionnées. En France, il existe un catalogue officieldes nouvelles variétés qui confère à leurs inventeurs undroit de « propriété ».

Commercialisation des semencesFrance : Décret n°81-605 du 8 mai 1981

concernant le commerce des semences et des plants,modifié par le décret n°93-46 du 14 janvier 1993.

Europe : Directive du Conseil du 29 septembre1970 concernant le catalogue commun des variétés desespèces de plantes agricoles. « La présente directiveconcerne l'admission des variétés de betteraves, deplantes fourragères, de céréales, de pomme de terre ainsique de plantes oléagineuses et à fibres à un cataloguecommun des variétés des espèces de plantes agricolesdont les semences ou plants peuvent êtrecommercialisés ».

Directive du Conseil du 29 septembre1970 concernant la commercialisation des semences delégumes.

Protection des obtentions végétalesFrance : Convention UPOV (Union

internationale pour la protection des obtentions végétales)du 2 décembre 1961, révisée le 19 mars 1991, pour laprotection des obtentions végétales.

Europe : Règlement du Conseil n°2100-94 du 27juillet 1994 instituant un régime de protectioncommunautaire des obtentions végétales.

Le GEVES (Groupe d'étude et de contrôle desvariétés et des semences) est chargé d'homologuer lesnouvelles variétés. L'inscription d'une variété nouvelleau catalogue officiel est, en effet, une conditionnécessaire à sa commercialisation. Cette variété doit êtredistincte, homogène et stable (homologation DHS- distinction, homogénéité et stabilité) et elle doit apporterun progrès aux plans agronomique et technologique.

Distincte : une variété doit être distincte desautres variétés inscrites ou connues dans la même espèce.Pour établir ce critère, la variété est cultivée et comparéepar le GEVES aux variétés de la collection de référence.

Homogène : dans une même variété toutes lesplantes doivent être suffisamment homogènes.L'homogénéité est observée selon des dispositifsexpérimentaux adaptés à chaque espèce.

Stable : une variété doit enfin être stable dans letemps, c'est-à-dire que ses caractéristiques doivent êtreles mêmes à chaque cycle de production de semences.

Pour pouvoir être commercialisées, lessemences doivent donc subir une expérimentation au

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champ pendant 2 ans. Si ces études concluent que lavariété répond aux normes DHS et qu'elle possède unevaleur agronomique supérieure à celle des semencesexistant sur le marché, alors sa commercialisation estautorisée.

Le GEVES expertise les nouvelles variétés et ladécision finale d'inscrire ou non une variété au catalogueofficiel est prise par le ministre de l'agriculture.

En ce qui concerne la protection juridique desobtentions végétales, une nouvelle variété peut bénéficierd'une protection légale par le certificat d'obtentionvégétale (COV). Le COV est en fait un certificat quipermet à l'obtenteur de protéger son matériel végétal,selon sa demande, sur le territoire français ou surl'ensemble des pays de l'Union européenne. Cependant,le COV diffère du brevet par ce que l'on appelle« l'exception du sélectionneur » ; c'est-à-dire lapossibilité pour chaque sélectionneur d'utiliser unevariété concurrente ou disponible sur le marché pour sespropres programmes.

La délivrance du certificat d'obtentionvégétale est assurée par le CPOV (Comité deprotection des obtentions végétales). Cecomité a été créé par le législateur en 1970,suite à la signature par la France de laConvention internationale pour la protectiondes obtentions végétales du 2 décembre1961. L'application en France de laConvention est assurée par le Code de lapropriété intellectuelle, Livre VI , TitreI I , chapitre I I I . L'article L. 623-4annonce que le « certificatd'obtention végétale confère à sontitulaire un droit exclusif àproduire, à introduire sur leterritoire où le présent chapitreest applicable, à vendre ou àoffrir en vente tout ou partie dela plante, ou tous éléments dereproduction ou demultiplication végétale de lavariété considérée et desvariétés qui en sont issuespar hybridation lorsque leurreproduction exige l'emploirépété de la variétéinitiale ».

La durée de la protection est de 20 ans.Toutefois, cette durée est de 25 ans pour les arbresforestiers, fruitiers et d'ornement, pour la vigne ainsi quepour les graminées et légumineuses fourragères pérennes,les pommes de terre et les lignées endogames utiliséesexclusivement pour la production de variétés hybrides.

Toute obtention végétale protégée est désignéepar sa dénomination variétale .

12 Pour en savoir plus : www.geves.fr

Le cas des plantes génétiquement modifiées

La définition légale des OGM est donnée par ladirective européenne 90/220. On entend par organismegénétiquement modifié un « organisme dont le matérielgénétique a été modifié d'une manière qui ne s'effectuepas naturellement par multiplication et/ou parrecombinaison naturelle ». Il s'agit donc de tout micro-organisme, plante ou animal, dans lesquels on a manipuléle génome de manière à modifier sa production deprotéines.

Les plantes génétiquement modifiées

autorisées à la commercialisation

Plantes autorisées à la culture :- le maïs 176 (société Novartis) résistant à la

Pyrale du maïs (Ostrinia nubilalis), insecte ravageur ;- le maïs MON 810 (société Monsanto) résistant

à la Pyrale du maïs et à la Sésamie (Sesamia

nonagrioides) ;- le maïs T25 (société AgrEvo)

tolérant à un herbicide : le glufosinateammonium.

L'événement T25 a été autorisé parles instances communautaires, mais lesvariétés devraient être inscrites au Catalogueen 2001. L'herbicide est en coursd'homologation pour le maïs.

Plantes transgéniques

importées :le soja transgénique

n'est pas autorisé à la culture enFrance. 80% du soja consomméen Europe est importé,principalement d'Amérique duNord. Il est utilisé pourl'alimentation du bétail et, aprèstransformation, comme

ingrédient dans certains platscuisinés et dans de nombreux

autres aliments. En 1999, lamoitié du soja nord-américain était issu decultures transgéniques et lesrécoltes sont mélangées avecle soja « non modifié ».

Depuis mars 2001,une liste des essais en plein champ d'organismesgénétiquement modifiés doit être communiquée par lespouvoirs publics. Cette décision du tribunal administratifde Paris fait suite à une demande de France NatureEnvironnement afin d'informer le public sur les essaispratiqués en France.

L'étiquetage des produits à base d 'OGMDepuis le 2 septembre 1998, l'étiquetage des

denrées alimentaires qui contiennent des « produits à based'OGM » est obligatoire en Europe. Le règlement

Courrier de l'environnement de l'INRA n°44, octobre 2001 1 2 5

européen n°l1139/98 du Conseil du 26 mai 1998 oblige lesfabricants à marquer la mention « contient des OGM »sur l'emballage de tous les produits contenant protéinesou ADN résultant d'une transformation génétique. Cetétiquetage s'applique en particulier aax aliments obtenusà partir de fèves de soja et de maïs génétiquementmodifiés. En effet, des OGM peuvent se trouver dans desproduits dérivés du maïs et du soja (farines, protéines,huiles, lécithine, maltodextrine, sirop de glucose,dextrose, etc.). Quand aucune trace de la transformationgénétique ne subsiste dans le produit, comme c'est le casdes huiles, l'étiquetage n'est pas obligatoire. Il faut aussisavoir que la mention « contient des OGM » doit figurersur un produit dès lors que 1% de chaque ingrédientconsidéré individuellement est génétiquement modifié.

De plus, depuis le 10 avril 2000 (règlementeuropéen n°50/2000), les fabricants doivent faire figurersur les emballages de leurs produits la mention « issu demaïs/soja génétiquement modifié » lorsque les ingrédientsde ces produits contiennent plus de 1% d'OGM oulorsque les additifs ou les arômes de ces produits encontiennent. Ces additifs et arômes n'étaient pas inclusdans le précédent règlement concernant l'étiquetageobligatoire.

Greenpeace publie sur son site Internet(www.greenpeace.fr) une liste noire des produitssusceptibles de contenir des OGM. On y trouve desmarques de biscuits et gâteaux, de chocolats, de platscuisinés, etc.

La demande d'étiquetage par les consommateursne se limite pas seulement à l'Europe, les Américainsréclament aussi une réglementation dans le domaine desOGM commercialisés. Ainsi « en décembre 1999, un

texte de loi, soutenu par les deux partis, a été déposé auCongrès sur l'étiquetage obligatoire des fruits et légumesfrais et des aliments préemballés signalant la culture àpartir de semences génétiquement modifiées ou laprésence d'OGM » (Courrier international n° 475, du 9au 15 décembre 1999).

Les procédures de contrôle et de suiviAvant d'être mis sur le marché, les produits

subissent des contrôles rigoureux effectués, d'une part,par les industriels et, d'autre part, par des comitésd'experts indépendants.

En France et en Europe, les produits, avant toutecommercialisation, doivent être soumis à des testsmontrant une absence de toxicité et à des tests sur laprésence éventuelle d'allergènes. De plus, des étudesd'impact sur l'environnement sont menées.

Ainsi le maïs Bt, qui comprend 3 gènes de lasociété Novartis, a franchi toutes les étapes d'unprocessus particulièrement long et rigoureux qui s'estétendu sur 4 années avant d'obtenir l'autorisation de misesur le marché français. Les études en champ se sont faitessur 7 saisons agricoles, de 1992 à 1998. Cette AMM a étéensuite annulée provisoirement en septembre 1998 par leConseil d'État.

Au niveau des comités d'experts indépendants,la France exige que chaque modification génétiquenouvelle soit examinée par la Commission du géniegénétique (CGG), puis par la Commission du géniebiomoléculaire (CGB). La CGG autorise les essais enlaboratoire et la CGB, créée en 1986 par le ministre del'agriculture, autorise les essais en champs. Elle estconstituée d'experts scientifiques (11) et de représentantsde la société civile (7) et elle a pour mission d'évaluer lesrisques liés à la dissémination d'OGM pour la santé etpour l'environnement. Cette commission est constituée de« personnalités désignées en raison de leur compétencescientifique dans des domaines se rapportant au géniegénétique et à la protection de la santé publique et del'environnement» (décretn°93-75 du 18janvier 1993,article 3-1). Son rôle est consultatif, la décision revenantau ministre de l'Agriculture.

En plus de ces commissions, l'Agence françaisede sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) est chargéed'évaluer les risques sanitaires liés à la consommationd'aliments composés ou issus d'OGM. Tous ces tests sonteffectuées en plus du protocole habituel pour la mise surle marché des aliments.

Actuellement et depuis juin 1999, la France,avec d'autres pays européens, a suspendu les nouvellesautorisations de mise en culture et de mise sur le marchéeuropéen de plantes génétiquement modifiées. Lesanciennes autorisations ne sont pas retirées. Il reste donc18 OGM disponibles sur le marché européen13.

13 Pour en savoir plus : www.infogm.frLe ministère de la recherche met à disposition du public unebrochure pour expliquer les enjeux relatifs aux OGM :www. recherche.gouv.fr

Courrier de l'environnement de l'INRA n°44, octobre 2001 127

La brevetabilité du vivant

Un brevet est une garantie de monopole donnéepar l'État à un inventeur en échange de la description deson procédé. Le produit (ou le procédé) breveté peut alorsêtre utilisé par un tiers moyennant le paiement del'inventeur. Au bout de 20 ans, l'invention « tombe dansle domaine public ».

Depuis les années 1980, il est possible dedéposer des brevets sur le vivant, entre autres sur desplantes. Tout a commencé aux États-Unis, en 1980,quand la Cour Suprême a autorisé le dépôt d'un brevetsur une bactérie génétiquement modifiée, capable dedégrader les hydrocarbures. Trois ans plus tard, uneplante entière est brevetée. Les plantes brevetées sontessentiellement des organismes génétiquement modifiés.Ainsi, en 1987, le ministère de l'Agriculture américain etla firme Deltaline Land Co (sous contrôle de Monsanto)brevettent un procédé qui consiste à libérer une toxinerendant les graines stériles : il s'agit du fameux gènesurnommé « Terminator ». L'agriculteur ne peut faireautrement que de racheter ses semences chaque année.Mais l'introduction de ce gène permet aussi d'éviter lesrepousses. Toujours est-il que des protestations venant dumonde entier obligèrent Monsanto à renoncer à son projeten octobre 1999.

Aujourd'hui, le brevet est devenu une armepuissante pour l'entreprise qui souhaite s'engager sur lesmarchés internationaux des biotechnologies. Maisl'Europe, dont le système juridique est moins avantageuxpour les firmes de biotechnologies, n'est pas sur le mêmepied d'égalité que les États-Unis en ce qui concerne lebrevet sur le vivant. La Commission européenne présentela proposition de directive sur la protection desinventions biotechnologiques en 1988, cependant en1994, la loi de bioéthique (L 611-17) interdit la prise debrevets sur des « séquences brutes ». Mais, sil'identification d'un gène ou d'une séquence génétiqueest une découverte (non brevetable), l'identification de lafonction de ce gène (son isolement et son rôle dansl'organisme) est considérée comme une invention. Ceciautorise donc l'acquisition d'un titre de propriétéindustrielle.

En 1995, les États membres de l'Organisationmondiale du commerce (OMC) ont signé un accordobligeant ces États à protéger les inventions de produitset de procédés. L'article 27 légalise la possibilité debreveter des organismes vivants.

En 1998, la Commission européenne adoptefinalement la directive 98/44 qui légalise les brevets surle vivant, « une matière biologique isolée de sonenvironnement naturel ou produite à l'aide d'un procédétechnique peut être l'objet d'une invention mêmelorsqu'elle préexistait à l'état naturel ». Pour le moment,seuls le Danemark, la Finlande et le Royaume-Uni l'onttransposée. La directive n'est pas transposée dans le droitfrançais pour l'instant mais elle doit faire l'objet d'undébat parlementaire courant 2001. Ce texte confirme le

principe de non-brevetabilité des variétés végétales, touten préservant, comme dans les accords de l'OMC, laprotection par brevet de la matière vivante, dès lors quecelle-ci est reproductible et qu'elle contient del'information génétique. Avec cette définition, une plantemodifiée génétiquement serait brevetable mais pas lavariété correspondante. Il est cependant difficile de fairela distinction du point de vue juridique.

Cette directive va à rencontre de plusieurstraités internationaux dont la Convention européenne desdroits de l'homme, la Convention de Rio sur labiodiversité... Cette dernière reconnaît aux 177 Étatssignataires le droit de souveraineté sur leurs ressources.Elle requiert également un partage équitable desbénéfices tirés de l'exploitation commerciale desressources biologiques. Sa mise en pratique est difficile etrien n'indique la préséance de ce texte par rapport auxautres textes internationaux. Mais cette convention estl'un des rares mécanismes permettant aux États de seprémunir contre le détournement de leurs ressources.C'est ainsi qu'une université américaine a récemmentbreveté une variété traditionnelle de quinoa, sorte desarrasin cultivé dans les pays andins. Ce brevet peuts'étendre à toutes les variétés issues du quinoa y compriscelles utilisées par les paysans de Bolivie, du Péroud'Equateur et du Chili. Les bénéfices n'iraient, dans cecas, pas à la population locale et les paysans pourraientmême se voir interdire de cultiver le quinoa.

Les hybrides

La technique d'hybridation est mise au point par deuxbiologistes américains (G. Shull et E. East) en 1908-1909pour le maïs. Elle s'applique maintenant à 23 espècesvégétales. Elle utilise le phénomène de « dépressionconsanguine », c'est-à-dire la perte de vigueur quiaccompagne le croisement d'organismes ayant unehérédité proche, pour faire des plantes que l'agriculteur nepeut reproduire dans son champ. Une « variété hybride »est constituée de plantes génétiquement identiques. Cesplantes « hybrides » peuvent se croiser mais cela aboutità une autofécondation à l'échelle du champ, car elles sonttoutes identiques. La génération issue d'un tel croisementsouffre alors de « dépression consanguine ». L'agriculteurne peut donc pas semer les graines obtenues et il doit enracheter chaque année. En France, le coût des semencesde maïs est de l'ordre de 150 (900 à 1 000 francs) parhectare.

Depuis le début du siècle, la majorité des variétés deplantes cultivées a disparu. Elles sont remplacées par desvariétés hybrides F1 qui ne sont pas reproductibles. Avecle système des obtentions végétales et des brevets, unedizaine de multinationales contrôlent aujourd'hui près de40% du marché mondial de la semence dont les 4principales sont Du Pont, Novartis, Limagrain etMonsanto. Afin de protéger les ressources génétiques, unarrêté ministériel, publié au Journal Officiel le 26/12/1997,a ouvert un registre « variétés anciennes pour jardiniersamateurs ». Ces variétés doivent avoir plus de 20 ansd'âge, et être distinctes, homogènes, stables...L'inscription ne permet la vente qu'en France et lamention « variété destinée exclusivement aux jardiniersamateurs » doit figurer sur le sachet.

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Ce cas de brevet sur des végétaux des pays duTiers-monde n'est pas un fait isolé. En effet, depuisquelques années, Européens et Américains ont prisconscience de l'immense potentiel des plantes de cespays, et de l'intérêt de leur exploitation pharmaceutique.Les populations dont les traditions ont été exploitées neverront jamais les royalties qu'on devrait leur concéder.Or, selon la Convention de Rio, il est obligatoire d'avoirl'accord d'un pays pour mettre au point une nouvellemolécule à partir de plantes de ce pays.

Moins connu du grand public, l'Engagementinternational de la FAO (Organisation des Nations uniespour l'agriculture et l'alimentation), signé en 1983, apour objectif de préserver le libre accès aux ressourcesgénétiques pour l'agriculture et l'alimentation pour larecherche et l'amélioration des variétés cultivées, afin depréserver la biodiversité agricole. Contrairement àl'OMC, qui cherche à imposer les brevets commesystème de propriété du vivant, la FAO a conclu unaccord en juillet 2001 pour protéger les ressourcesphytogénétiques de la planète. Cet engagement serasoumis par les États membres de la FAO pour adoptionen novembre 2001.

Les plantes qui soignent, parfument etembellissent

Un plante médicinale est « une planteprésentant des propriétés médicamenteuses, sans avoir nine pouvant avoir aucune utilisation alimentaire,condimentaire et hygiénique » (circulaire n°346 du 2juillet 1979). Ainsi, le thym, malgré ses propriétésthérapeutiques et son inscription à la Pharmacopée, n'estpas une plante médicinale ; en revanche, la racine devalériane en est une.

Pour les plantes présentant des propriétés autresque des propriétés médicamenteuses, elles sontconsidérées comme des plantes aromatiquescondimentaires et leur vente, en gros ou au détail, estlibre.

Plantes médicinalesLes plantes médicinales, si elles sont inscrites à

la Pharmacopée, relèvent du monopole pharmaceutique.D'après le code de la santé publique, article L. 512, « lavente des plantes médicinales inscrites à la Pharmacopéeest réservée aux pharmaciens ». Il en est de même pour« les huiles essentielles ainsi que leurs dilutions etpréparations ne constituant ni des produits cosmétiques,ni des produits à usage ménager, ni des denrées ouboissons alimentaires ». La vente au public des huilesessentielles a été ajoutée au monopole des pharmaciensen 1984. Le décret d'application de cette loi a été pris le23 juin 1986. Il fixe la liste des huiles essentiellesrelevant désormais du monopole pharmaceutique :absinthe grande, absinthe petite, armoise, cèdre, hysope,sauge, tanaisie, thuya. Avant cette loi, leur vente étaitlibre, à l'exception des huiles essentielles à anéthole

Plantes magiquesLe trio infernal : jusquiame, belladone et datura

La belladone (Atropa belladona L.), la jusquiame(Hyoscyamus niger L.) et la datura (Datura stramoniumL.) font partie des plus dangereuses espèces deSolanacées, famille de la pomme de terre, de la tomate,du tabac, d'Europe occidentale. Les Solanacées secaractérisent souvent par la présence d'alcaloïdes,substances aux propriétés sédatives ou au contraireprovoquant une excitation psychique. Ce trio infernal ou« plantes des sorcières » provoquent délires, visions ethallucinations pouvant aller jusqu'à une démencedéfinitive. Les sorcières les utilisaient comme onguent, aucours des cérémonies du sabbat, afin d'entrer en transeet de pouvoir communiquer avec le diable. En effet, lesalcaloïdes contenus dans ces plantes (principalementl'atropine) peuvent traverser la peau et ainsi provoquer ceque l'on appelait l'état de transe.

La mandragore : plante réelle ou mythe ?

La plante connue pour sa racine ayant une formehumaine serait en fait une herbacée de la famille desSolanacées. Elle est vivace par une souche souterraine,volumineuse et souvent bifide d'où la légende : ces deuxparties étaient prises pour les jambes d'un corps humain.Aujourd'hui en voie de disparition, on la trouve en régionméditerranéenne plutôt sèche (Maroc, Crète, Espagne,Italie...). Selon certains botanistes, il existe deux espècesdistinctes : la mandragore officinale (Mandragoreofficinarum L.) dont les pétales sont blanc-verdâtre et lamandragore automnale (Mandragora automnalis Berthol.)à pétales blanc-violet. D'autres pensent que lamandragore apparaissant dans de nombreux grimoires duMoyen-Age a progressivement été remplacée par labryone. Cette Cucurbitacée appelée également « vignedu diable » possède une racine volumineuse et parfois àforme humaine et elle se trouve couramment en Francealors que la mandragore pousse sous des climats plussecs. Plante entièrement toxique, la racine de la bryoneétait utilisée pour soigner les rhumatismes, les œdèmeset elle passait pour avoir des propriétés abortives.

Depuis l'Antiquité, la mandragore est définie comme uneplante ayant des pouvoirs magiques. Ainsi, sa récolteexigeait tout un rituel. Au Moyen Âge, la mandragore étaitperçue comme la plante des sorcières. Selon la légende,la plante poussait un cri effroyable quand on voulaitl'arracher et ceux qui tentaient de s'en emparer étaientfoudroyés. Tout comme le trio infernal, la mandragoreentrait dans la préparation des philtres magiques. Lamandragore est aussi connue pour être la plante qui naîtde la terre fécondée par le sperme des pendus innocents.On lui prête pendant cette période des propriétéssurnaturelles et effrayantes. À la Renaissance, sesalcaloïdes sont utilisés comme anesthésiques parAmbroise Paré.

Aujourd'hui encore, des jardins botaniques ont dû enleverles étiquettes de détermination afin de protéger lamandragore en évitant le vol de sa fameuse racine.

Pour en savoir plus : Drogues et plantes magiques, par Jean-Marie Pelt, Éd. Fayard, 1996 et La Garance Voyageuse n°52sur les drogues et plantes magiques.

Courrier de l'environnement de l'INRA n°44, octobre 2001 1 2 9

relevant de la Régie des alcools(badiane, anis, fenouil...).

Selon l'article L.659 du Code de la santépublique : « Les herboristesdiplômés peuvent détenir pourla vente et vendre pour l'usagemédical, les plantes ou partiesde plantes médicinales,indigènes ou acclimatées, àl'exception de celles qui figurent dansles tableaux des substancesvénéneuses ». Mais le diplôme d'Étatd'Herboristerie fut abrogé en 1941par le régime de Vichy (art. 59de la loi du 11 septembre 1941).

Le décret n°79-480 du15 juin 1979 définit une listetrès restrictive de 34 plantesmédicinales, dont la vente estlibre dans tout commerce àcondition qu'aucuneindication thérapeutiquemajeure ne soit mentionnée. Cesplantes sont les suivantes : bardane,bouillon blanc, bourgeons de pin,bourrache, bruyère, camomille, chiendent,cynorrhodon, eucalyptus, frêne, gentiane,guimauve, hibiscus, houblon, lavande, lierreterrestre, matricaire, mauve, mélisse,menthe, ményanthe, olivier, orange, ortie blanche,pariétaire, pensée sauvage, pétales de rosés, queues decerise, reine des prés, feuilles de ronce, sureau, tilleul(fleurs et bractées), verveine, violette. Ces plantes nepeuvent être vendues mélangées entre elles ou avecd'autres à l'exception des 7 plantes suivantes : tilleul,verveine, menthe, oranger, camomille, cynorrhodon,hibiscus.

Cependant, une centaine d'autres plantes sonttolérées dans les rayons des plantes médicinales, dans lamesure où ce sont des plantes à usage condimentaire,aromatique ou cosmétique. C'est ainsi que le thym et leromarin, qui ne figurent pas dans la liste des plantes envente libre, font partie de la liste des plantescondimentaires. Toutes les plantes qui ne figurent pasdans ces deux listes tombent sous le monopole despharmaciens. Les plantes en vente libre doivent êtreconditionnées « en l'état », c'est-à-dire qu'elles nedoivent pas être transformées, afin qu'on ne les assimilentpas à des médicaments.

Il est à noter que dans d'autres pays de l'Unioneuropéenne, ce monopole est nettement moins important :360 plantes sont en vente libre en Belgique et 200 enItalie.

En ce qui concerne la production française deplantes médicinales, la culture a aujourd'hui remplacé lacueillette. Elle occupe environ 13 000 ha. L'espèce laplus cultivée est le pavot œillette (Papaver somniferum)

avec 7 000 ha. La production deplantes a deux débouchés :l'industrie allopathique et laphytothérapie. La première est

constituée des laboratoirespharmaceutiques quiextraient de ces plantes une

molécule afin de l'incorporerdans un médicament. Il s'agit

principalement du pavot(duquel on extrait la

morphine), de la digitalelaineuse (digitaline) et del'ergot de seigle(antimigraineux). Enphytothérapie, la plante estconsommée telle quelle,c'est-à-dire sans extractionde molécule particulière. Il

existe différentes formes deconditionnement comme les

tisanes, les poudres, les gélules, lescomprimés... Actuellement,l'engouement pour les médecinesdouces à permis à ce secteur de sedévelopper. Mais il reste très

minoritaire sur le marché des plantesmédicinales, sauf peut-être pour le Gingko.

Plantes aromatiques, à parfum etcosmétiquesLes plantes aromatiques et les épices à usage

alimentaire relèvent de la réglementation alimentaire (loidu 1er août 1905) et donc de la Répression des fraudes(DGCCRF).

Les matières premières aromatiques utiliséesdans l'industrie sont :

- les huiles essentielles de plantes, brutes ourectifiées (dont la réglementation a été traitéeprécédemment), et les eaux aromatiques. Les huilesessentielles sont souvent classées comme préparationsdangereuses en raison de leur forte concentration. Lescaractéristiques de ces dernières ont été définies dansl'arrêté du 21 février 1990 « définissant les critères declassification et les conditions d'étiquetage etd'emballage des préparations dangereuses » (JO du 24mars 1990). La définition des substances et préparationsdangereuses se retrouve dans l'article R. 5152 du code dela santé publique ;

- les parties de plantes fraîches pour l'extractiondes concrètes, les parties de plantes séchées pourl'extraction derésinoïdes ou d'oléorésines.

Les produits utilisés en cosmétique et enparfumerie relèvent de la réglementation de ces secteurssur la toxicité des produits et des normes élaborées parl'industrie de la parfumerie ou de la Pharmacopée.

La sélection des plantes destinées au secteur dela cosmétique est très rigoureuse. Elle fait appel à des

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contrôles analytiques et microbiologiques systématiques.La réglementation européenne définit un produitcosmétique comme « toute substance ou préparationdestinée à être mise en contact avec les diverses partiessuperficielles du corps humain... en vue de les nettoyer,de les parfumer, de les protéger, de les maintenir en bonétat, d'en modifier l'aspect et/ou de corriger les odeurscorporelles ». Tous les produits correspondant à cettedéfinition doivent se soumettre à la législation prévue parla directive européenne 76/768/CEE. L'étiquetage desproduits cosmétiques doit, de plus, comporter une liste dela totalité des ingrédients.

On trouve aussi des produits végétauxinclassables comme certains produits diététiques ou para-pharmaceutiques pour lesquels il n'existe pas encore deréglementation spécifique.

La production de plantes à parfums, aromatiqueset médicinales (PPAM) en France se tourne actuellementvers l'agriculture biologique. En 1998, celle-cireprésentait 4% des surfaces nationales (soit 30 000 ha)avec la majorité de la production en Rhône-Alpes etProvence-Alpes-Côte d'Azur. Or, se pose le problème dela certification biologique des produits non alimentaires.Pour les produits alimentaires, il existe un règlement surles productions végétales biologiques mais les produitscosmétique ne peuvent pas porter le logo AB. Cependant,la Commission européenne a assoupli sa position et,aujourd'hui, « des certificats privés ou desréglementations nationales sont possibles pour lesproduits non couverts par le règlement 2092/91, commeles huiles essentielles à usage non alimentaire, ou lescosmétiques ». chaque pays doit donc définir ses proprescahiers des charges14.

De nombreux produits sont commercialisés sousle nom de « compléments alimentaires » (extraits de fruitsou de légumes en comprimés, par exemple). Ainsi desplantes exotiques, venant principalement de Chine, sontmises en vente libre sous le couvert de cette appellation.Elles échappent au monopole pharmaceutique car ellesne figurent pas dans les pharmacopées françaises eteuropéennes. Des discussions sont en cours pourredéfinir la notion de complément alimentaire et pourrevoir la liste des plantes libérées qui est aujourd'huicomplètement dépassée.

Les drogues légales et les autres

Le tabacLa culture du tabac remonte à plus de

3 000 ans, en Amérique. En effet, les Indiens fumaient le« tabaco », l'ancêtre du cigare. Il s'agit d'une plantesacrée pour eux : les prêtres s'en servent pourcommuniquer avec les esprits et pour apaiser les

douleurs. En 1492, Christophe Colomb découvre le tabacà Cuba et le rapporte en Europe. Il est alors utilisé commeune plante ornementale à la Cour espagnole et portugaise.Au milieu du XVI e siècle, le tabac est considéré commeun « médicament universel » grâce au médecin personnelde Philippe IL Mais c'est grâce à Jean Nicot que le tabac,en tant que plante médicinale, connaît un véritable essoren France. Celui-ci fait envoyer de la poudre de tabac à lacour d'Espagne pour soigner le fils de Catherine deMédicis qui souffre de graves migraines. Le tabac prendalors le nom de Nicotiana tabacum et sa vente sous forme

14 Code de la santé publique disponible sur : ordmed.orgDécret de 1979 sur la vente des plantes médicinales :legifrance.gouv.frPlantes à parfum, aromatiques et médicinales : onippam.fr

Le henné

Nous pouvons citer, du côté des plantes utilisées encosmétique, le henné, Lawsonia inermis L. Depuisl'Antiquité, cette plante tient une grande place dans lacosmétologie orientale.

C'est un arbuste originaire d'Arabie dont le commerce estactuellement l'un des plus importants en ce qui concernela botanique. Le henné est employé pour la décoration ducorps (principalement des pieds et des mains) et pour lateinture des cheveux. Chaque année, la récolte desfeuilles se fait en trois étapes. Lors de la première récolte,la sève présente dans les feuilles a un pouvoir colorantintense et ces feuilles sont ainsi utilisés pour peindre lecorps. Le dessin au henné dure de 10 à 15 jours et sapose n'est pas douloureuse car, contrairement autatouage, il n'y a pas d'effraction dans l'épiderme de lapeau. Le henné servant à la coloration des cheveux estissu des feuilles de la troisième récolte. Les constituantsprincipaux de cet arbuste sont l'acide gallique, les tanins,les polysaccharides et une naphtoquinone, la lawsone, quireprésente la matière colorante principale du henné.

À la vente, le henné se présente sous forme de feuillesséchées en vrac et de poudre en sachets. Les principauxpays cultivateurs sont l'Inde (variété la moins chère :gujara) et l'Egypte. Sa fleur est, pour sa part, utiliséecomme parfum dans la civilisation islamique.

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de poudre est désormais réservée auxapothicaires. Le tabac commence àêtre fumé par plaisir sous Louis XIII .Les premières plantations de tabacen France datent du milieu du XVII e

siècle, à Clairac dans le Lot-et-Garonne. Elles font suite àl'instauration d'un droit dedouane à l'entrée du tabac enFrance par le Cardinal deRichelieu. Puis, sous Louis XIV, lecommerce du tabac devient unmonopole avec le « privilège defabrication et de vente »instauré par Colbert. Cemonopole sera remis enquestion après la Révolution.Aujourd'hui, le règlementde la Communautéeuropéenne (21 avril 1970)portant sur l'établissementd'une organisation

commune des marchés dans le secteur du tabac brut est envigueur. Le monopole est donc définitivement aboli etdes coopératives régionales se créent parmi lesproducteurs.

L'UCAPT (Union des coopératives agricoles deproducteurs de tabac), née en 1979, réunit 10coopératives. Elles assurent toute la production, lacollecte et l'encadrement technique des producteurs. EnFrance, il existe 7 000 exploitations qui cultivent du tabacet cette production couvre environ 10 000 ha du territoire.

Du point de vue botanique, toutes les variétés detabac appartiennent au genre Nicotiana (famille desSolanacées), nom créé en 1565 en l'honneur de JeanNicot. L'espèce Nicotiana tabacum regroupe l'essentieldu tabac produit dans le monde. On compte 5 grandstypes de tabacs : les tabacs bruns, les variétés claires(Burley et Virginie), les orientaux et les tabacs séchés à lafumée. Les trois premières variétés sont cultivées enFrance. Les tabacs bruns sont utilisés dans la fabricationdes cigares, des tabacs à pipe et des cigarettestraditionnelles de goût français. Ils représentent 35% de laproduction française. Le Burley est un tabac clair entrantdans la composition des mélanges de goût américain et ilconstitue 30% de notre production. Le Virginie cultivé enFrance (35% de la production) présente un caractèreneutre et léger qui est très recherché par les industriels.

Le cannabis et autres substances illégalesComme beaucoup d'autres pays, la France a

mis en place un dispositif législatif pour interdirel'usage, le commerce et la détention de certainessubstances végétales toxiques, psychotropes oustupéfiantes...

Il faut savoir qu'on entend comme psychotropeune substance qui agit sur le système nerveux central etle psychisme. Un stupéfiant est une substance

psychotrope dont l'utilisation entraîne uneaccoutumance et une dépendance. La notion de

« psychotrope » est d'ordre médical, celle de« stupéfiant » est plutôt d'ordre légal.

Le Code de la santé publiqueinterdit les substances pouvant êtredangereuses pour la santé, c'est-à-dire lessubstances vénéneuses. Selon l'article R.5149, « seront comprises commesubstances vénéneuses les substances

dangereuses énumérées à l'article R.5152, les substances stupéfiantes, les

substances psychotropes et lessubstances inscrites sur la liste I etla liste II définies à l'article R.5204 ». L'article R. 5152 classe les

substances en fonction de leursactions considérées comme trèstoxiques, toxiques, corrosives,

irritantes, cancérogènes,tératogènes, mutagènes.

Le cannabis faitl'objet d'une réglementation énoncée dans l'article R.5181. « Sont interdits la production, la mise sur lemarché, l'emploi et l'usage du cannabis, de sa plante etde sa résine, des préparations qui en contiennent ou decelles qui sont obtenues à partir du cannabis, de sa planteou de sa résine ». De plus, l'article R. 5180 réglemente dela même façon le khat et les préparations contenant oupréparées à partir du khat. Des sanctions sont prévuespour ceux qui dérogeraient à ce règlement. En effet,l'article L. 626 du même code nous informe que « sontpunis d'un emprisonnement de deux ans et d'une amendede 25 000 francs, ou de l'une de ces deux peinesseulement, ceux qui auront contrevenu aux dispositionsdes décrets en Conseil d'État concernant la production, letransport, l'importation, l'exportation, la détention,l'offre, la cession ou l'acquisition et l'emploi dessubstances ou plantes, ou la culture des plantes classéescomme vénéneuses par voie réglementaire, ainsi que toutacte se rapportant à ces opérations. » Et l'article L. 628ajoute que « sont punis d'un emprisonnement d'un an etd'une amende de 25 000 francs, ou de l'une de ces deuxpeines seulement, ceux qui auront, de manière illicite, faitusage de l'une des substances ou plantes classées commestupéfiantes ».

Les risques de condamnation prévue pour ceux

Le chanvre textile

Le chanvre est aussi apprécié dans l'industrie textile pourses fibres très résistantes et qui ressemblent beaucoup àcelles du lin une fois tissées. Son utilisation a longtemps étéliée à la marine, pour la réalisation de voiles et de cordagesà partir du XVIe siècle.

Abandonné au début du siècle à cause de son utilisationpsychotrope, il connaît depuis une quinzaine d'années undéveloppement important dans le textile. La laine dechanvre sert à la fabrication de vêtements et le chanvreintervient aussi dans les matériaux de construction (fibresde chanvre dans les enduis, le béton, laine isolante...). Onle retrouve aussi en cosmétique et il est utilisé dans lafabrication de certaines bières bretonnes.

1 3 2 Courrier de l'environnement de l'INRA n°44, octobre 2001

qui favorisent la prise de telles substances ou plantes sonténoncés dans l'article L. 630 : « le fait de provoquer audéfit... ou de présenter ces infractions sous un jourfavorable est puni de cinq ans d'emprisonnement et de500 000 francs d'amende. » Des dispositions particulièresde ces lois sont prévues lorsque le délit est commis par lavoie de la presse écrite ou audiovisuelle.

D'autre part, l'arrêté du 22 février 1990 fixe laliste des substances classées comme stupéfiantes. En cequi concerne les plantes, on y trouve le cannabis et sarésine, la feuille de coca (et la cocaïne), le concentré depaille de pavot ou matière obtenue lorsque la paille depavot a subi un traitement en vue de la concentration deses alcaloïdes (capsules, tiges). Au niveau des plantesconsidérées comme psychotropes, on y retrouve le khat etles champignons hallucinogènes (notamment les genresStropharia, Conocybe et Psilocybe). Le khat est un arbre

L'absinthe

Autre substance prohibée, l'absinthe (Artemisiaabsinthium L.) est une plante vivace qui est reconnuepour ses propriétés vermifuges depuis l'Antiquité. Elleétait utilisée par les Latins comme breuvage tonifiant etson feuillage, très aromatique mais amer, était autrefoisutilisé comme condiment pour les sauces. Par ailleurs,au XIXe siècle, la grande absinthe servait à lapréparation d'une liqueur alcoolisée à la mode appeléeabsinthe ou la fée verte. Elle fut cependant prohibéedans de nombreux pays d'Europe car sa consommationabusive provoqua des troubles mentaux importants. Seseffets toxiques sur le système nerveux provoquèrentcrises d'épilepsie, pertes des facultés intellectuelles...La fée verte est même à l'origine de la mort de Verlaine.

La Belgique prohibe l'absinthe en 1906 et la Suisse en1910 à la suite d'un triple meurtre commis par unpaysan rendu fou par le breuvage. En France, elle estd'abord taxée en 1907 puis la loi du 16 mars 1915interdit « la fabrication, la vente en gros et en détail,ainsi que la circulation de l'absinthe et des liqueurssimilaires ». En cas de récidive, une amende fiscale de500 F est encourue, avec la possibilité de fermeture del'établissement en cause. Aujourd'hui, malgré plusieurstentatives pour lever l'interdiction touchant l'absinthe, laliqueur est toujours hors la loi.

qui pousse dans les régions de la Corne de l'Afrique, enAfrique centrale. Ses feuilles, cueillies et consomméefraîches, contiennent des alcaloïdes stimulants, de typeamphétaminique et du tanin (7 à 20%), très nocifs pourl'organisme. Les feuilles sont en général mâchées etparfois consommées en infusions.

Enfin, d'après le Code pénal, laculture d'un unique pied de cannabisest passible de vingt ans de prison,car elle est considérée comme« production de stupéfiant ».

Le chanvre (Cannabissauva L.) est une plante qui est aussiutilisée dans l'industrie du textile.Cependant, sa culture en France esttrès réglementée car c'est cettemême espèce qui est aussiconsidérée comme psychotrope.D'après la loi française, lechanvre est considéré commepsychotrope lorsque la variétécontient plus de 0,2% de THC(tétrahydrocanabinol). Le THCest l'agent psychotrope qui fait ducannabis une drogue. Après avoirdisparu dans les années 1960, lechanvre connaît aujourd'hui unengouement certain avec12 000 ha de culture en France.Pour pouvoir cultiver duchanvre en France, lesagriculteurs doiventsigner un accord avec unacheteur pour leurproduction. De plus, il leur fautl'accord de la Fédération deschanvriers qui est la seule à pouvoirvendre les semences certifiées de chanvreavec moins de 0,2% de THC.

En ce qui concerne les propriétés thérapeutiquesdu cannabis, elles sont bien connues mais la législationfrançaise (comme américaine) ne permet pas d'y avoirrecours. Un médicament à base de THC synthétiqueexiste sur la marché et il est utilisé par les malades duSIDA pour lutter contre la perte de poids mais ceux-ciaffirment que son efficacité est moins importante quecelle du cannabis « naturel ».

Aux État-Unis et dans la plupart des paysoccidentaux, la culture du chanvre, quel que soit le tauxde THC qu'il contient, est interdite depuis 1937, date dela prohibition du cannabis. Au contraire, en Inde, lechanvre fait partie de la religion et de la vie socialedepuis des millénaires et il est ainsi absorbé par de saintshommes lors des rituels religieux.

// est clair que le statut juridique des plantes est amené à évoluer avec les différents usages que l'onpeut en faire. La réglementation la plus rigoureuse revient aux plantes utilisées en pharmacie dont lemonopole, pour certaines plantes, est actuellement discuté en France.

En ce qui concerne les réglementations internationales, surtout sur la protection des espèces rares, ilsemble y avoir quelques désaccords entre les textes et des problèmes pour appliquer les directivesdans le droit national.

Soja, maïs (fleur mâle et Blanc des Landes), henné, tabac,chanvre (cuscute) et absinthe sont repris du Larousse agricole(édition 1922).