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Avec vos élus, parlons-en L’allongement de la vie active a rendu indispensables le renforcement de la prévention des risques professionnels et un départ anticipé pour les plus exposés. Mais le compte pénibilité apporte-t-il une réponse adaptée ? PÉNIBILITÉ Quelles avancées au bout du compte ?

PÉNIBILITÉ · 2017. 4. 19. · 3 Mars 2017 Avec vos élus, parlons-en PÉNIBILITÉ Quelles avancées au bout du compte ? Le travail n’est pas sans danger. Exposés à des risques

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Avec vos élus, parlons-en

L’allongement de la vie active a rendu indispensables le renforcement de la prévention des risques professionnels et un départ anticipé pour les plus exposés. Mais le compte pénibilité apporte-t-il une réponse adaptée ?

PÉNIBILITÉ Quelles avancées au bout du compte ?

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Tout comité d’entreprise a pour objet d’assurer une expression

collective des salariés, permettant la prise en compte de leurs intérêts.

Le Code du travail a doté les comités d’entreprise de moyens

de contrôle de la gestion de l’employeur. Ses membres, élus par les salariés pour les représenter, sont consultés sur les orientations stratégiques de l’entreprise et sur leurs

conséquences sur l’activité, l’emploi, l’évolution des métiers et des compétences,

et enfin l’organisation du travail.

Depuis 1990, les élus du personnelde la RATP assurent leur mission économique :

- au niveau de 11 comités d’établissement, les élus des CDEP – Comités Départementaux Économiques et

Professionnels - traitent des questions professionnelles qui concernent leur

secteur respectif dans l’entreprise.

- au niveau du comité d’entreprise aux attributions élargies, 27 élus du CRE - Comité Régie d’Entreprise -

prennent en charge les questions transversales. Pour cela,

ils sont appelés à se prononcer chaque mois, en séance,

sur des dossiers qui structurent la vie de l’entreprise.

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Mars 2017 ▪ Avec vos élus, parlons-en ▪ PÉNIBILITÉ Quelles avancées au bout du compte ?3

Le travail n’est pas sans danger. Exposés à des risques d’accidents et de maladies pro-fessionnelles, nombre de salariés sont aussi confrontés à la pénibilité. Cette usure détériore l’état de santé et accélère le vieillissement. Elle réduit l’espérance de vie et augmente la probabilité de pathologies à effet différé. La pénibilité se trouve au carrefour de plusieurs enjeux dont ceux liés au recul de l’âge de la retraite et au maintien à leur poste des salariés les plus âgés. Sa reconnaissance s’est retrou-vée au cœur des débats sur les réformes des retraites ces dix dernières années. Le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P), dernier dispositif mis en place, pose à nouveau des questions de prévention de ces risques et de compensation sous forme de départ anticipé.

Les lois sur la réforme des retraites du 9 novembre 2010 et

du 20 janvier 2014 ont relancé la définition des facteurs de

pénibilité. L’allongement de la vie professionnelle est en

effet conditionné par la capacité des salariés à occuper leur

emploi jusqu’à leur retraite. Or, le maintien dans l’emploi, no-

tamment pour les seniors, n’est possible sans une prise en

compte de l’ensemble des situations de travail. Les critères

de pénibilité ont été posés en 2003 dans deux rapports :

Pénibilité et Retraite, d’Yves Struillou (conseiller d’État), puis

en 2005 dans Départs en retraite et Travaux pénibles, de

Gérard Lasfargues (médecin du travail), tous deux rédigés

à la demande du Conseil d’orientation des retraites (COR).

Depuis le législateur caractérise la pénibilité par le fait d’être

ou d’avoir été exposé durant sa carrière à des risques pro-

fessionnels liés à « des contraintes physiques marquées »,

à « un environnement physique agressif » ou « à certains

rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables,

identifiables et irréversibles sur la santé du travailleur » (C. trav.,

art. L. 4161-1).

« L’allongement de la vie professionnelle est conditionné

par la capacité des salariés à occuper leur emploi »

PÉNIBILITÉQuelles

avancées au bout du compte ?

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Mars 2017 ▪ Avec vos élus, parlons-en ▪ PÉNIBILITÉ Quelles avancées au bout du compte ? 4

Un décret du 30 mars 2011 énumère les facteurs de risques

susceptibles de répondre à cette définition (encadré ci-

dessous). Sont visées les pénibilités objectives : manutentions

manuelles de charges, postures pénibles définies comme

positions forcées des articulations, vibrations mécaniques,

agents chimiques dangereux, bruit, travail en milieu hyperbare

ou par température extrême, travail de nuit, en équipes

successives ou alternantes, travail répétitif. Ces facteurs

sont tous de nature physique ou matérielle, la pénibilité

vécue ou mentale qui prend en compte les sollicitations

psychiques, a été ignorée par le Code du travail.

ATTEINTES À LA SANTÉ

La notion de pénibilité est liée à des expositions profession-

nelles porteuses de risques pour la santé. Cette évaluation

peut être immédiatement visible comme les troubles pro-

fessionnels et les accidents du travail. La connaissance des

atteintes à la santé au travail repose essentiellement sur les

statistiques établies par la Caisse nationale de l’assurance

maladie des travailleurs salariés (Cnamts). Si les accidents

ont nettement diminué (pour 1 000 salariés 43 en 2002 et

33,8 en 2013), les maladies professionnelles indemnisées

ont été multipliées par dix depuis les années 1980. Bien

que ces évolutions soient liées à l’élargissement du champ

des maladies reconnues, et d’une meilleure information des

médecins et des salariés, la situation reste préoccupante. Le

régime général et le régime agricole ont reconnu en 2012

plus de 56 100 nouveaux cas de maladies professionnelles

(Dares Résultats, décembre 2016 N° 081). Avec entre 2005

et 2012, une augmentation de 4 % en moyenne par an.

« Les maladies professionnelles indemnisées

ont été multipliées par dix depuis les années 1980 »

Ces données comportent cependant de nombreuses carences

qui empêchent d’appréhender l’ampleur du phénomène.

Tous les accidents et maladies ne sont pas déclarés - ou

alors qu’au-delà d’une certaine gravité - et pas toujours

reconnus. Deux éléments peuvent expliquer les sous-

déclarations d’accidents : pressions de l’employeur ou

renoncement de la victime par peur de perdre son emploi.

Quant aux maladies, de nombreux cas sont ignorés par

manque de connaissances des victimes à qui il revient

de lancer les procédures de déclaration. Aux démarches,

longues et fastidieuses, s’ajoutent la crainte de l’inaptitude

et une baisse de revenu. Par ailleurs, selon le code de la

Sécurité sociale est présumée d’origine professionnelle

toute maladie désignée dans un tableau. Ainsi la Caisse

élabore des statistiques ne tenant compte que des maladies

figurant sur une liste modifiable uniquement par décret.

Ces données disponibles masquent un déficit d’évaluation

des autres maladies.

Que dit la législation ?

L’article D. 4161-2 du Code du travail classe et détaille dix facteurs de pénibilité :

Contraintes physiques marquées

1 Manutentions manuelles de charges.

2 Postures pénibles définies comme positions forcées des articulations.

3 Vibrations mécaniques.

Environnement physique agressif

4 Agents chimiques dangereux y compris les poussières et les fumées.

5 Activités exercées en milieu hyperbare.

6 Températures extrêmes.

7 Bruit.

Certains rythmes

8 Travail de nuit.

9 Travail en équipes successives alternantes.

10 Travail répétitif caractérisé par la répétition d’un même geste à une cadence contrainte.

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LES SALARIÉS EN DANGER

Cette situation relève avant tout de la méconnaissance de

l’origine professionnelle d’une maladie ou de la difficulté

à en établir la cause, aussi bien de la part des salariés que

des médecins traitants. La grande majorité de ces maladies

ne relève en effet que de deux catégories de pathologie :

les troubles musculo-squeletiques (TMS) et les affections

causées par l’amiante : respectivement 86 % et 8 % (graphique

ci-dessus). En définitive, une grande partie des atteintes

à la santé par le travail et les problèmes qu’elles posent en

matière de prévention restent méconnus. Cette sous-

estimation est confirmée par l’écart entre les chiffres de la

Cnamts et les études épidémiologiques. Le programme de

surveillance des maladies à caractère professionnel, mis

en place depuis 2007 par l’InVS (devenu Santé publique

France depuis mai 2016), décrit les effets délétères du travail.

Toutes les maladies à caractère professionnel (MCP) observées

par la médecine du travail ainsi que les facteurs d’exposi-

tion sont signalées. En 2012, 6,4 % des salariés présentaient

une maladie jugée imputable au travail. Plus de la moitié

sont des TMS. Si l’on applique ce taux aux 18 millions de

salariés du régime général, on obtient un peu plus d’un

million de cas de maladies à caractère professionnel (Les

Risques du travail, de Philippe Davezies, 2015). Soit 20

fois plus que ce que les statistiques de la Cnamts révèlent.

« 6,4 % des salariés présentaient une maladie jugée imputable

au travail »

Les médecins du travail soulignent que la santé des salariés

est indissociable de leurs conditions de vie. Il convient en

effet de reconnaître l’imbrication des causes profession-

nelles et des facteurs liés à l’histoire privée du salarié. La

multiplicité des risques rend ainsi complexe la question de

la santé au travail. Certaines expositions professionnelles

ne provoquent des pathologies que vingt ou trente ans

plus tard. Ce décalage entre l’exposition et l’apparition

des symptômes (cancers, amiante) et l’usure physique du

corps (TMS, surdité) impose de se préoccuper en priorité

des salariés les plus âgés. Pour preuve, les plus de 50 ans

sont à l’origine de plus de la moitié des maladies profes-

sionnelles reconnues contre à peine 20 % pour les moins

de 40 ans.

QUANTIFIER LA PÉNIBILITÉ

Souvent difficile à supporter, le travail pénible n’est pas

nécessairement un travail immédiatement dangereux.

L’accident et la maladie étant le degré ultime des multiples

risques auxquels sont exposés les salariés. Dans son sens

courant, la pénibilité est liée à des conditions de travail et

à des expositions dégradées et mal vécues susceptibles de

détériorer l’état de santé. Elle peut entraver directement la

capacité de travailler, ce qui peut influencer le souhait des

travailleurs vieillissants de quitter rapidement leur vie profes-

sionnelle. Les conditions de travail ayant des conséquences

sur le bien-être sont multiples. Elles incluent des aspects

matériels (outils de travail, contraintes physiques, conditions

sanitaires, expositions à des substances dangereuses, etc.),

organisationnels (temps de travail, rythme, autonomie, etc.)

et psychosociaux (relations avec les clients, hiérarchie et

collègues, conflits de valeurs, satisfaction et difficultés, etc.).

Notons que ces contraintes ne sont pas toujours vécues

comme pénibles. L’exposition à des substances cancérigènes

en est une illustration. Les pénibilités qui ont des effets

indéniables sur la santé mentale (dépression, anxiété) sont

également reconnues pour conduire à des troubles de la

santé physique, les principales étant les TMS et les maladies

cardiovasculaires. Ces facteurs influent par ailleurs sur

l’hypertension, le cholestérol ou le diabète et augmentent

Les maladies professionnelles reconnues en 2012

1% Rhinites et asthmes

1% Dermatoses

2% Surdités

2% Autres maladies

8% Affections de l’amiante86% Trouble musculo-squelletique

Source : CnamTS – MSA – Insee, calcul Dares

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les comportements à risques individuels (tabagisme, alcoo-

lisme). Selon l’InVs, 2 % des salariés présentent directement

une souffrance psychique pathologique attribuable au

travail.

« 23 % des salariés

se déclarent en situation

de job strain »

Plusieurs études sur les nouvelles formes d’organisation du

travail ont établi des corrélations montrant une augmentation

des risques psychosociaux en fonction de l’intensification

des rythmes. Sous la pression des logiques de rentabilité,

les salariés sont de plus en plus contraints par les délais à

respecter, par les normes de production ou les rapports à la

clientèle. Leurs marges d’initiative ont tendance à se réduire

sans diminuer le contrôle hiérarchique. Or la progression

de la pénibilité mentale naît principalement du cumul de

ces contraintes. Plusieurs modèles ont été proposés pour

intégrer cette complexité. Celui de Karasek, utilisé par la

Direction de l’animation de la recherche, des études et des

statistiques (Dares), combine l’intensité de la demande

psychologique à laquelle le salarié est soumis, sa latitude

décisionnelle et le soutien social qu’il reçoit sur son lieu de

travail. Il en ressort que la tension est supportable quand elle

va de pair avec une latitude suffisante. À l’inverse, quand les

individus n’ont pas de marges de manœuvre, cela génère

de la tension (job strain). 23 % des salariés se déclarent en

situation de job strain, ce qui correspond à près de 4 millions

si on extrapole aux 18 millions de salariés.

LES INÉGALITÉS FACE AUX RISQUES

Cette question des risques en milieu professionnel et de leur

intensité se pose depuis plusieurs décennies et la Dares a

produit des enquêtes permettant d’évaluer la situation :

Conditions de travail, Surveillance médicale des expositions

aux risques professionnels (Sumer), Santé et itinéraire pro-

fessionnel (Sip). Les données montrent qu’en 2013, plus de

60 % des ouvriers déclarent subir au moins trois contraintes

physiques (tableau page 7), contre seulement 11 % des

employés administratifs et 8 % des cadres. 54 % des ouvriers

qualifiés déclarent être soumis à plus de trois contraintes

de rythme (contre 35 % pour l’ensemble des salariés). 46 %

des ouvriers non qualifiés disent qu’ils ne peuvent pas régler

eux-mêmes les incidents (contre 30 % des salariés). Les

cadres sont soumis à une pression temporelle plus forte :

74 % déclarent devoir souvent s’interrompre pour effectuer

une tâche non prévue (contre 64 % des salariés), mais ils

disposent de plus d’autonomie car 84 % peuvent régler eux-

mêmes les incidents. 20 % des salariés déclarent avoir subi

au cours des douze derniers mois une agression verbale,

physique ou sexuelle de la part du public ; principalement

chez les employés et les professions intermédiaires. Concer-

nant le sentiment de reconnaissance, 65 % estiment que leur

travail est apprécié à sa juste valeur : c’est moins souvent le

cas chez les employés administratifs et les ouvriers (62 %),

mais plus fréquent chez les cadres (73 %). 9 % des salariés

déclarent devoir toujours ou souvent faire des choses qu’ils

désapprouvent. Ces conflits de valeurs sont un peu plus

souvent signalés par les employés de commerce et de service

et les ouvriers qualifiés (11 %). La crainte de perdre son emploi

dans l’année est exprimée par un quart des salariés. C’est

notamment le cas parmi les ouvriers non qualifiés : 32 %.

« 63 % des ouvriers déclarent subir au moins trois contraintes

physiques, contre seulement 11 % des employés et

8 % des cadres »

Il apparaît que certaines catégories comme les ouvriers sont,

de loin, les plus durablement touchés De même, les salariés

sont inégalement exposés au job strain selon leur catégorie

socioprofessionnelle. Le personnel exécutant comme les

employés administratifs, les ouvriers non qualifiés et les

employés de commerce et de service sont plus souvent en

situation d’être tendus (tableau page 8) : ils cumulent une

forte demande psychologique à une faible latitude déci-

sionnelle. À l’inverse, les métiers de cadre, notamment les

ingénieurs et les cadres techniques de l’industrie, sont sou-

mis à une forte exigence, donc au stress, mais bénéficient

davantage de marges de manœuvre pour y répondre. Ces

différences d’exposition aux risques reflètent les inégalités

sociales dans les parcours professionnels. Le thème de la

pénibilité est au premier plan de la réflexion sur l’amélioration

de la qualité de vie au travail, mais il est aussi porteur d’un

autre enjeu fondé sur l’équité sociale.

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Mars 2017 ▪ Avec vos élus, parlons-en ▪ PÉNIBILITÉ Quelles avancées au bout du compte ?7

Conditions de travail des salariés en 2013 par catégorie sociale (en %)

* Parmi les cinq contraintes : rester longtemps debout, rester long-temps dans une posture pénible, effectuer des déplacements à pied longs ou fréquents, devoir porter ou déplacer des charges lourdes, subir des secousses ou des vibrations.** Parmi les sept contraintes de rythme suivantes : rythme de travail imposé par le déplacement automatique d’un produit ou d’une pièce, la cadence automatique d’une machine, d’autres contraintes

techniques, la dépendance immédiate vis-à-vis des collègues, des

normes de production à satisfaire en une journée, une demande

extérieure, les contraintes ou surveillances permanentes exercées

par la hiérarchie.

*** Au cours des 12 derniers mois, agression verbale, physique ou

sexuelle.

Cadres

Profe

ssions

inte

rmédia

ires

Emplo

yés

admin

istratif

s

Emplo

yés

de comm

erce

Ouvriers

qualifiés

Ouvriers

non qualifi

és

Ensemble

Contraintes et risques physiques

Avoir au moins trois contraintes physiques * 8 25 11 46 63 64 34

Intensité du travail et pression temporelle

Avoir au moins trois contraintes de rythme ** 26 35 32 28 54 45 35

Devoir se dépêcher 51 47 44 46 44 40 46

S’interrompre pour effectuer une tâche

non prévue

74 72 72 58 52 44 64

Autonomie, marges de manœuvre

Avoir un travail répétitif 11 27 44 58 61 72 41

Ne pas pouvoir régler soi-même les incidents 16 24 34 37 36 46 30

Coopération, soutien

Être aidé pour mener les tâches à bien par :

les supérieurs hiérarchiques 75 74 77 67 72 69 72

les collègues 86 83 77 67 77 72 78

Conflits, harcèlement

Victime d’une agression *** de la part :

du public 15 25 25 26 12 8 20

de collègues ou supérieurs hiérarchiques 13 14 13 12 13 12 13

Reconnaissance

Au vu des efforts, recevoir l’estime

et le respect que mérite le travail

73 65 62 66 61 62 65

Conflits de valeur

Devoir faire des choses que je désapprouve

(toujours, souvent)

7 9 9 11 11 9 9

Insécurité économique

Crainte de perdre son emploi 19 22 23 24 31 32 24

Source : Dares-Drees-DGAFP-Insee, enquêtes Conditions de travail 2013 ; traitement Dares

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Mars 2017 ▪ Avec vos élus, parlons-en ▪ PÉNIBILITÉ Quelles avancées au bout du compte ? 8

L’USURE EN DÉBAT

Les statistiques sur l’espérance de vie et les risques de pa-

thologies font ressortir des inégalités selon les catégories

socioprofessionnelles. Les ouvriers ont une vie plus courte

que les cadres (graphique page 9). Un ouvrier de 35 ans peut

espérer vivre jusqu’à 77,6 ans contre 84 ans pour un cadre

du même âge soit six ans d’écart (Insee Première N° 1584,

février 2016). Une étude plus ancienne de l’Institut national

d’études démographiques (Ined) montrait que les ouvriers

passent moins de temps indemnes de toute incapacité que

«ACTIFS» «PASSIFS» «DÉTENDUS» «TENDUS»

ENSEMBLEforte demande psychologique et forte latitude

décisionnelle

faible demande psychologique

et faible latitude décisionnelle

faible demande psychologique et forte latitude

décisionnelle

forte demande psychologique

et faible latitude décisionnelle

Ensemble 22 26 29 23 100

Sexe

Hommes 24 28 27 21 100

Femmes 20 22 32 26 100

Catégorie sociale

Cadres et professions intellectuelles supérieures

51 27 7 15 100

Professions intermédiaires

28 30 20 22 100

Employés administratifs

15 21 34 30 100

Employés de commerce et de service

11 22 41 26 100

Ouvriers qualifiés 16 30 33 21 100

Ouvriers non qualifiés, ouvriers agricoles

8 20 45 27 100

Source : Dares-DGT-DGAFP, enquête Sumer 2010.

les cadres. À 60 ans, ces derniers peuvent espérer vivre en-

core en moyenne 23 ans, dont 21 sans incapacité. Alors que

les ouvriers ont une espérance de vie à 60 ans de 19 ans,

dont 16 sans incapacité. Non seulement ils vivent moins

longtemps, mais aussi en moins bonne santé. Ces inégali-

tés résultent du cumul de plusieurs facteurs : travail, condi-

tion de vie, qualité des soins médicaux, comportements à

risques liés à des déterminants sociaux importants.

Les risques psychosociaux selon les caractéristiques du salarié (en%)

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Si l’usure au travail accélère le vieillissement et augmente

les troubles pathologiques à long terme, les travailleurs

exerçant des tâches pénibles profiteront donc de leur retraite

moins longtemps sans incapacité et dans des conditions

économiques plus modestes. Cette question a été examinée

lors des réformes successives qui ont fait reculer l’âge légal

du départ à la retraite. La loi du 21 août 2003 avait déjà

ouvert le débat en invitant les partenaires sociaux à négocier

sur « la définition et la prise en compte de la pénibilité » tout

en insistant sur le « traitement équitable des assurés ».

La pénibilité a toujours été un sujet de désaccord entre le

gouvernement et les partenaires sociaux. Les discussions

achoppent la plupart du temps sur l’instauration d’un

mécanisme de compensation sous forme d’un droit à la

cessation anticipée d’activité que le patronat refuse de

financer. Non seulement l’allongement de la durée de la

vie active accentue les inégalités sociales, mais il durcit

également les difficultés de ceux usés par leurs mauvaises

conditions de travail. Pour de nombreux salariés vieillissants

se pose en effet la question de leur capacité à lier au

quotidien leur problème de santé aux exigences de leur

activité professionnelle.

« Une santé plus fragile du fait des expositions

professionnelles passées contraint nombre de

salariés à une sortie de l’emploi avant l’âge de la retraite »

Selon l’enquête Santé et itinéraire professionnel (Dares

Analyses, N°20, Mars 2011), les personnes de 50 à 59 ans,

qui ont été longtemps exposées à des pénibilités physiques,

sont moins souvent en bonne santé : 24 % se déclarent limi-

tées dans leurs activités quotidiennes du fait d’un problème de

santé contre 17 % des autres seniors. Elles sont également

moins souvent en emploi après 50 ans, notamment après

un cumul de pénibilités : 68 % des personnes exposées à au

moins une pénibilité et 62 % de celles exposées à au moins

trois pénibilités sont en emploi après 50 ans contre 75 % de

celles qui n’ont pas été exposées ou qui l’ont été moins de

quinze ans. Une santé plus fragile du fait des expositions

professionnelles passées contraint nombre de salariés

à une sortie de l’emploi avant l’âge de la retraite. Cet état

de fait place la prévention de la pénibilité au premier plan

des politiques d’amélioration des conditions de travail afin

d’éviter l’exclusion des travailleurs de plus de 50 ans usés

mais aussi de permettre aux plus jeunes de construire leur

santé au travail. Ces données posent aussi la question de

la réparation en accordant un départ anticipé à la retraite.

Lecture : en 2009-2013, l’espérance de vie à 35 ans des femmes cadres

est de 53 ans.

Source : Insee

Évolution de l’espérance de vie à 35 ans par sexe pour les cadres et les ouvriers (en année)

19761984

19831991

19911999

20002008

20092013

Homme cadre Femme cadre

Homme ouvrier Femme ouvrière

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Mars 2017 ▪ Avec vos élus, parlons-en ▪ PÉNIBILITÉ Quelles avancées au bout du compte ? 10

ÉTAT DES LIEUX DE LA PÉNIBILITÉ

La dernière enquête Sumer (Dares Analyses, n° 95, décembre

2014), réalisée à partir d’un questionnaire de 2010, apporte

des éclairages sur l’ampleur de l’exposition des salariés.

Cette enquête montre que plus de 8 millions de salariés,

soit près de 40 %, apparaissent exposés à au moins un des

facteurs de pénibilité (tableau page 11). 10 % des salariés

(soit environ un quart des salariés exposés) subissent le

cumul d’au moins trois des pénibilités retenues. Les ouvriers

sont toujours en première ligne. 70 % d’entre eux sont

exposés à au moins un des facteurs, contre seulement 12 %

des cadres et professions intellectuelles supérieures. Les

employés de commerce et de services sont eux aussi large-

ment concernés (48 %).

« Plus de 8 millions de salariés, soit près de 40 %,

sont exposés à au moins un des facteurs de pénibilité »

Au regard des trois catégories de facteurs (contraintes

physiques marquées, environnement physique agressif,

rythmes de travail contraints), les plus touchés restent les

ouvriers : 43 % d’entre eux subissent des contraintes physiques

marquées (manutention manuelle des charges, postures

pénibles, vibrations mécaniques) contre 26 % des employés

de commerce et de services, et 48 % sont exposés à un fac-

teur de pénibilité lié à un environnement physique agressif

(produits chimiques, travail en températures extrêmes, bruit

nocif) contre 20 % des employés de commerce et de ser-

vices. Ces derniers sont par ailleurs souvent exposés aux

produits chimiques (16 %). La pénibilité relative aux rythmes

de travail (travail de nuit, travail en équipe et travail répétitif)

révèle une vision plus équilibrée de l’exposition puisque

29 % des ouvriers sont concernés contre 24 % des employés

de commerce et de services.

Dans certains secteurs, la proportion de salariés exposés

est particulièrement élevée. Il en est ainsi de la construction

(66 %), de l’industrie manufacturière (56 %), de l’agriculture et

du secteur de l’eau et de la gestion des déchets (52 %) et de la

santé, du commerce et de la réparation d’automobiles (40 %).

La Dares souligne que la proportion de salariés exposés à

la pénibilité diminue avec la taille de l’établissement. Dans

ceux de 50 à 499 salariés, 44 % sont exposés contre 34 %

dans les établissements de 500 salariés ou plus. D’autre

part les hommes sont plus exposés que les femmes (46 %

contre 31 %), ce qui s’explique notamment par la différence

de fonctions, les hommes étant plus présents dans les sec-

teurs de la production, de la construction, de la réparation,

de la manutention ou encore de la logistique. Néanmoins

des écarts subsistent entre hommes et femmes à fonction

identique. Ainsi, dans la « production », 75 % des hommes

sont exposés contre 61 % des femmes.

Autre élément, la pénibilité touche davantage les jeunes. Un

salarié de moins de 25 ans sur deux est exposé à au moins

un facteur de pénibilité contre un tiers (32 %) des 55 ans ou

plus. Enfin, plus un salarié est exposé plus le risque d’ac-

cident du travail est élevé. 12 % des salariés exposés ont

connu au moins un accident de travail au cours des douze

derniers mois contre 5 % pour les non-exposés.

Une enquête indispensable

L’enquête Sumer (Surveillance médicale

des expositions aux risques professionnels)

est une étude transversale réalisée par les

médecins du travail et coordonnée par la

Dares et la DGT (Direction générale du travail).

L’intérêt de cette enquête est de reposer

d’une part sur l’expertise professionnelle du

médecin du travail, et d’autre part sur un

grand nombre de salariés interrogés. Elle

permet de cartographier les expositions

aux risques professionnels, la durée de ces

expositions et les protections collectives ou

individuelles éventuelles mises à disposition

du personnel.

Par ailleurs, un auto-questionnaire est pro-

posé aux salariés sur leur vécu au travail afin

d’évaluer les facteurs psychosociaux. Répé-

tée tous les sept ans, l’enquête Sumer offre

ainsi un suivi de l’évolution des principales

expositions et sert à orienter les politiques

publiques de prévention.

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Mars 2017 ▪ Avec vos élus, parlons-en ▪ PÉNIBILITÉ Quelles avancées au bout du compte ?11

ETRE EXPOSÉ À AU MOINS UN FACTEUR DE PÉNIBILITÉ

Ensemble des

salariés

Employés de commerce

et de service

Ouvriers

Ouvriers

qualifiés

Ouvriers

non qualifiés

Ensemble

ouvriers

Contraintes physiques marquées

21,1 26,1 42,2 43,7 42,8

Dont : manutention

manuelle de charges lourdes *10,1 15,4 19,2 23,2 20,7

posture pénible * 11,3 15,2 19,4 22,1 20,4

vibrations mécaniques * 6,9 2,0 22,0 18,0 20,5

Environnement physique agressif

21,2 19,6 48,2 48,3 48,2

Dont : exposition

aux produits chimiques *14,2 16,4 30,9 31,0 30,9

travail en températures extrêmes * 1,8 1,3 4,1 4,9 4,4

bruit nocif * 11,4 3,3 31,7 28,9 30,7

Certains rythmes de travail

17,9 23,7 26,0 33,6 28,9

Dont : travail de nuit

(entre minuit et 5 h) *4,7 6,3 9,6 5,5 8,0

travail en équipe

en 3x8, 4x8 et 2x12 *3,1 3,3 5,2 4,5 4,9

travail répétitif * 12,4 16,0 16,0 28,4 20,7

Etre exposé à au moins une pénibilité

39,2 48,0 69,2 70,3 69,6

Salariés exposés aux différents types de pénibilités* (en%)

* Avec les seuils retenus pour l’étude.Lecture : 26,1 % des employés de commerce et de service sont exposés aux contraintes physiques marquées.

Champ : salariés France métropolitaine et Réunion.Source : Dares-DGT-DGAFP, enquête Sumer 2010.

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Mars 2017 ▪ Avec vos élus, parlons-en ▪ PÉNIBILITÉ Quelles avancées au bout du compte ? 12

Facteurs Action ou situation de pénibilité et intensité minimale d’exposition Durée d’exposition

Manutention manuelle de charges lourdes

• Lever ou porter des poids de 15kg et plus (seuil abaissé à 10kg en cas de prise au sol ou au-dessus des épaules ou de déplacement en charge)

• Pousser ou tirer des poids de 250kg et plus• Cumul de manutention de charges de 7,5t et plus/jour

• Alternativement ou en cumul temps

de manutention de 600 heures/an

• 120 jours/an

Postures pénibles (positions forcées des articulations)

• Accroupi, à genoux• Bras au-dessus des épaules

• Torsion du torse (plus de 30°)• Torse fléchi (plus de 45°)

• Alternativement ou en cumul temps de 900h/an

Vibrations mécaniques

Valeur d’exposition rapportée à une période de référence de 8h• 2,5 m/s2 pour les mains et les bras• 0,5 m/s2 pour le corps entier

• 450 heures/an

Agents chimiques dangereux, y compris poussières et fumées

• Seuil déterminé, pour chacun des agents chimiques dangeureux, par application d’une grille d’évaluation prenant en compte le type de pénétration, la classe d’émission ou de contact de l’agent chimique concerné, le procédé d’utilisation ou de fabrication, les mesures de protection collective ou individuelle mises en œuvre et la durée d’exposition, qui est définie par arrêté

• 150 heures/an

Milieuhyperbare

• 60 interventions ou travaux par an à plus de 1200 hectopascals

Températures extrêmes

• Température ≤ 5°C • Température ≥ 30°C • 900 heures/an

Bruit • Niveau d’exposition au bruit rapporté à une période de référence de huit heures d’au moins 81 décibels

• Exposition à un niveau de pression acoustique de crête au moins égal à 135 décibels

• 600 heures/an• 120 jours/an

Travail de nuit • Une heure de travail entre 24 heures et 5 heures • 120 nuits/an

Travail en équipes successives alternantes

• Travail en équipes successives alternantes impliquant au minimum une heure de travail entre 24 heures et 5 heures

• 50 nuits/an

Travail répétitif

Réalisation de travaux impliquant l’exécution de mouvements répétés, sollicitant tout membre supérieur à une fréquence élevée et sous cadence contrainte :• Temps de cycle inférieur ou égal à 30 secondes : 15 actions techniques

ou plus• Temps de cycle supérieur à 30 secondes, temps de cycle variable ou

absence de temps de cycle : 30 actions techniques ou plus par minute.

• 900 heures/an

Seuils d’exposition applicables selon le Code du travail

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Mars 2017 ▪ Avec vos élus, parlons-en ▪ PÉNIBILITÉ Quelles avancées au bout du compte ?13

DE NOUVEAUX DROITS

Notons que les seuils de pénibilité proposés par la Dares

sont différents de ceux retenus par la législation (tableau page

12). Ces derniers ont été définis par la loi du 20 janvier 2014

« garantissant l’avenir et la justice du système de retraites ».

La législation assure une nouvelle orientation avec la création

du « compte personnel de prévention de la pénibilité » (C3P).

Ce compte ouvre, à mesure de l’exposition, des droits aux

salariés qu’ils peuvent utiliser pour se former en vue d’occuper

un autre emploi, pour réduire leurs temps de travail avec

compensation de la perte de salaire ou pour anticiper leur

départ à la retraite dans la limite de 8 trimestres, soit 2 ans.

Avec le compte personnel de formation (CPF), le C3P figure

dans le nouveau compte personnel d’activité (CPA) que

chacun peut consulter depuis janvier 2017.

« le C3P figure dans le nouveau compte personnel d’activité

(CPA) que chacun peut consulter depuis janvier 2017»

La réforme de 2014 fait suite à deux précédentes qui

avaient posé les premiers jalons de la reconnaissance de

la pénibilité. La loi de 2003 a renvoyé ces questions à une

négociation interprofessionnelle entre 2005 et 2008 qui n’a

pas abouti. Celle de 2010 a promu des dispositifs de négo-

ciations collectives et de traçabilité. Mais concernant les

départs anticipés, la réforme s’est focalisée sur des incapa-

cités permanentes dont l’origine professionnelle ne fait pas

de doutes. Seuls les salariés pouvant justifier d’une maladie

professionnelle ou d’un accident du travail reconnus par

l’assurance maladie (incapacité permanente d’au moins

20 % avec une exposition de 17 ans à au moins un facteur de

pénibilité) pouvaient prétendre à un départ en retraite à 60

ans à taux plein. Les syndicats ont dénoncé cette approche

médicale et individualisée qui excluait de nombreuses

victimes de pathologies non déclarées ou non signalées

dans la liste des maladies professionnelles.

En revanche, le C3P s’intéresse à l’exposition dans des situa-

tions réelles de travail à partir de critères identiques pour tous,

quels que soient la branche et le métier. Il permet dans une

logique de parcours professionnel de cumuler des points à

raison d’un point par trimestre d’exposition (deux s’ils sont

soumis à plusieurs facteurs), dans la limite de cent points. Les

vingt premiers sont obligatoirement consacrés à la formation.

Il revient à l’employeur de déterminer pour chaque salarié les

différents niveaux d’exposition dans une fiche de prévention

et de transmettre les informations dans la déclaration annuelle

de données sociales (DADS) ou dans la déclaration sociale

nominative (DSN). Toutefois la loi n’impose pas une identifi-

cation salarié par salarié. Pour établir sa déclaration, l’employeur

peut utiliser les postes, métiers ou situations de travail défi-

nis par un accord collectif de branche étendu ou, à défaut,

par un référentiel professionnel de branche homologué par

le ministère du Travail. Lorsqu’ils existent, ces documents

d’aide à l’employeur déterminent l’exposition des travailleurs

aux facteurs de pénibilité en tenant compte des mesures de

protection collective et individuelle (D. 4161-1).

La politique de santé au travail

le C3P s’inscrit dans le cadre des lignes

directrices qui ont guidé l’élaboration et

l’adoption, par le Conseil d’orientation des

conditions de travail (COCT), du 3ème plan

santé au travail (PST3) 2016-2020, le 8

décembre 2015 : « faire de la prévention

une priorité, en rupture avec une approche

faisant prévaloir la réparation ».

Axes stratégiques du PST3

Axe 1 - Développer la prévention primaire

1. Favoriser la culture de prévention

2. Prévenir l’usure professionnelle et la

pénibilité

3. Cibler des risques prioritaires (produits

chimiques, chutes, RPS, risque routier)

Axe 2 - Qualité de vie au travail, maintien en emploi et performance

1. Favoriser la qualité de vie au travail

2. Prévenir la désinsertion professionnelle

3. Agir en transversalité pour promouvoir

un environnement de travail favorable

à la santé

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Mars 2017 ▪ Avec vos élus, parlons-en ▪ PÉNIBILITÉ Quelles avancées au bout du compte ? 14

La loi du 20 janvier 2014 exclut du compte pénibilité, les salariés affiliés à un régime spécial de re-

traite comportant un dispositif de reconnaissance et de compensation de la pénibilité (L. 4162-1). Les

agents statutaires ne sont donc pas éligibles à ce compte. Le décret n° 2014-1617 du 24 décembre

2014 fixe la liste des entreprises écartées du dispositif. Ce droit nouveau est cependant ouvert aux

contractuels de la RATP, soit 2 652 agents sur 45 315 (bilan social RATP 2015).

Dans le cadre de la réforme de son régime spécial de retraite en décembre 2007, la RATP a mené

des réflexions sur la pénibilité liée à l’allongement de la durée de vie professionnelle. Elle a défini un

plan d’action dans lequel elle s’engage à créer un observatoire des conditions d’exercice des métiers

(OCEM). L’activité de l’observatoire devait s’articuler « autour de la réflexion nationale sur la pénibilité

des métiers ». Un protocole d’accord sur le fonctionnement, le champ de compétences et les mis-

sions de l’observatoire a été signé en juin 2009 puis renouvelé en 2013 pour une durée de quatre ans.

L’OCEM a pour mission « de contribuer, par ses travaux à la politique de prévention de l’entreprise.

Il est un lieu d’informations, d’échanges, d’analyses et de recommandations. Ces échanges peuvent

donner lieu à des recommandations transversales sur les bonnes pratiques de l’entreprise, notamment

des préconisations en matière de prévention des risques professionnels et de protection de la santé »

(Article 1.2).

Ces premiers travaux ont conduit à la « constitution d’une cartographie des contraintes pesant sur les

métiers de l’entreprise afin d’en suivre l’évolution en fonction d’actions de prévention mises en œuvre

dans le cadre d’une politique globale de prévention en santé au travail » (Etat des lieux pour l’Obser-

vatoire des conditions d’exercice des métiers, Département GIS, novembre 2008).

Identification des contraintes

génératrices de pénibilité

Identification des métiers

représentatifs exposés :

Rythmes de travail (travail de nuit, rythmes

alternants, repos décalés…).

15 métiers d’exploitation (environ 26 000

salariés),

Charge physique (port de charges,

mouvement des membres déplacement…).

27 métiers de maintenance (environ 7 600

salariés),

Environnement de travail (bruit, luminosité,

qualité de l’air…).

25 métiers du secteur tertiaire (environ 450

salariés).

Charge mentale inhérente à l’activité

(vigilance liée à la conduite, à certains

travaux sur des installations électriques…).

Facteurs psychosociaux, entendus comme

des éléments environnementaux pouvant

induire chez un salarié une inquiétude quant

à son intégrité physique ou psychologique.

Le traitement de la pénibilité à la RATP

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Mars 2017 ▪ Avec vos élus, parlons-en ▪ PÉNIBILITÉ Quelles avancées au bout du compte ?15

ARTICULER PRÉVENTION ET COMPENSATION

La particularité du dispositif est d’articuler compensation

et prévention. Le financement du compte personnel de

pénibilité est à la charge des entreprises. Ainsi les employeurs

sont d’autant plus incités à réduire la pénibilité que la

cotisation à verser dépend en partie du niveau d’exposition

de leurs salariés (A. Jolivet, économiste, Cee). Par ailleurs,

même si l’employeur n’identifie pas de risques de pénibilité,

son obligation générale de sécurité demeure. En effet, l’en-

treprise est tenue d’évaluer les risques liés à ses activités, de

retranscrire les résultats de son évaluation dans le document

unique (DUER) et de prendre les mesures nécessaires pour les

prévenir et garantir la santé et la sécurité des travailleurs

(L. 4121-1). À cet égard, les entreprises (dont 50 % de l’effec-

tif est exposé à des facteurs de pénibilité) ont l’obligation de

conclure un accord collectif ou à défaut d’élaborer un plan

d’action en faveur de la prévention. Ce dispositif (L. 4163-1,

D. 4163-1) permet aux salariés exposés de bénéficier d’actions

de suppression ou de réduction de ces risques.

« Les employeurs sont d’autant plus incités à réduire la pénibilité que la cotisation à verser dépend en partie du niveau d’exposition

de leurs salariés »

La mise en place du compte pénibilité a soulevé de nombreuses

critiques de la part des employeurs. Les plus réfractaires

s’opposent à prendre en charge l’évaluation des postes

et se livrent à un bras de fer en invoquant la complexité

de l’application des seuils d’exposition et l’augmentation

des coûts. Parallèlement, les représentants patronaux misant

sur une éventuelle suppression du C3P que plusieurs

candidats à la présidentielle ont promis d’abroger, sont

suspectés de faire pression pour retarder les dépôts de

référentiels de branche. Le dispositif souffre néanmoins de

plusieurs défauts (rapport au ministre « Améliorer la santé

au travail, l’apport du dispositif Pénibilité », novembre 2016)

dont la non-prise en compte de certaines formes de pénibi-

lité comme les risques psychosociaux (RPS) ou la pénibilité

subjective liée à l’état de santé précis d’un salarié (S. Volkoff,

statisticien et ergonome, Creapt). Autres critiques, l’effet per-

vers des seuils qui exclut les travailleurs dont l’exposition se

situe à la limite des critères retenus. Restent sur la touche

ceux qui sont exposés à plusieurs facteurs (pluri-exposition).

Enfin, le dispositif résout imparfaitement la question de la

réparation qui est seulement réservée aux personnes très

exposées. Pour partir à la retraite à 60 ans plutôt qu’à 62

ans, il faudra cumuler 10 ans d’exposition à 2 facteurs de

pénibilités et 20 ans d’exposition à un seul (25 ans en fait

puisque les premiers points sont affectés à la formation). De

quoi douter de l’efficacité du C3P pour diminuer la pénibilité

et envisager une retraite anticipée pour les plus exposés.

Le C3P en chiffres

512 162 comptes personnels ont été ouverts

en 2015 première année d’application du

dispositif par 25 820 entreprises en faveur

de leurs salariés exposés. La principale ex-

position est le travail de nuit (au seuil de

120 nuits par an), qui représente 241 989

déclarations, dont 75 % pour les hommes,

essentiellement les plus de 40 ans. Le travail

en équipes successives alternantes (avec

au moins 50 nuits par an) concerne

148 039 salariés, à 84 % des hommes. Le

travail répétitif reste une contrainte pour

80 063 salariés, dont 25 % de femmes de

plus de 40 ans.

Source : Cnav

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Supplément au N°189 (janvier - mars2017) de la revue Connexions de la Direction de Analyses Economiques du CRE-RATP

E-Mail : [email protected] Pour plus d’informations / portailde la DAE : www.ce-eco.ratp.fr

P É N I B I L I T É Quelles avancées au bout du compte ?

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