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Quelles politiques économiques contre la crise et le chômage ? Jacques GOUVERNEUR 3

Politique economique

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Comment agir en temps de crise

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  • Quelles politiquesconomiquescontre la criseet le chmage ?

    Jacques GOUVERNEUR

    3

  • Universit catholique de Louvain

    Dpartement des Sciences de la Populationet du Dveloppement

    Quelles politiquesconomiquescontre la criseet le chmage ?

    Jacques GOUVERNEUR

    Document de Travail n 3Aot 1999

    Texte publi sous la responsabilit de l'auteur

  • Universit catholique de LouvainDpartement des sciences de la population et du dveloppement1, Place Montesquieu, bte 4 B-1348 Louvain-la-NeuveTel. : (32 10) 47 40 41 Fax : (32 10) 47 29 52E-mail : [email protected]

  • QUELLES POLITIQUESECONOMIQUES CONTRELA CRISE ET LE CHOMAGE ?1

    Jacques GOUVERNEURInstitut dEtude du Dveloppement

    Pour sortir de la crise et rsoudre le problme du chmage, faut-ilrduire ou faudrait-il au contraire augmenter les salaires, les prestationsde scurit sociale (allocations de chmage, pensions, remboursements desoins de sant, allocations familiales), les dpenses publiques (enseignement,culture, travaux publics, ) ? En dautres termes : faut-il continuer mettreen uvre des politiques restrictives dinspiration no-librale (comme on lefait depuis le dbut des annes 1980) ou faut-il au contraire prconiser unretour des politiques expansives dinspiration keynsienne2 (appliquespendant la priode de croissance 1945-1975) ?

    Pour y voir plus clair ce sujet, on commencera par montrer lescontradictions que reclent aussi bien les salaires que les dpenses publiques(point 1), et l'on signalera les conditions qui doivent tre remplies pour sur-monter ces contradictions (point 2). Cela fait, on prcisera les circonstancesayant favoris lmergence des politiques no-librales actuelles, ainsi queles impasses auxquelles ces politiques conduisent (point 3). Aprs avoir not

    1 Ce texte est galement publi dans les Cahiers de la FOPES (UCL), srie Recherches, n 1,

    mai 1999.2 Du nom de lconomiste anglais Keynes, qui prconisait ce genre de politiques pour sortir

    de la grande crise des annes 1930. Outre les dpenses publiques, les politiques keynsien-nes visent relever prioritairement les salaires infrieurs (qui par la force des choses sontconsacrs essentiellement la consommation plutt qu' l'pargne) : elles constituent doncune forme de redistribution des revenus.

  • 2 Jacques GOUVERNEUR

    les limites dun retour des politiques keynsiennes, on proposera des pistesde solutions alternatives (point 4).

    1. Les contradictions inhrentes aux salaireset aux dpenses publiques

    Les entreprises ont besoin, la fois, de profits (cest la finalit de laproduction capitaliste) et de dbouchs (les biens et services offerts sur lemarch doivent pouvoir tre vendus).

    Or les salaires aussi bien les salaires directs (ou salaires nets) queles revenus indirects (les prestations de scurit sociale) ont des effetscontradictoires sur les profits et dbouchs globaux. Dun ct, ils constituentun pouvoir dachat distribu la population, pouvoir dachat que les entre-prises ont intrt voir augmenter : cela largit les dbouchs globaux. Maisdun autre ct, les salaires nets et les cotisations sociales (prleves pourfinancer les prestations de scurit sociale) constituent lessentiel du cotsalarial des entreprises. De ce point de vue, les entreprises ont intrt voirdiminuer les salaires et cotisations sociales : cela rduit les cots de produc-tion et accrot les profits.

    On trouve une contradiction analogue en ce qui concerne les dpen-ses publiques. Dun ct, celles-ci influencent favorablement les profits etdbouchs des entreprises : ainsi, les subsides publics et les intrts de ladette publique amliorent directement la rentabilit (le taux de profit) ; lesrseaux denseignement financs par les pouvoirs publics assurent la forma-tion de base de la main-duvre 3, ce qui rduit les cots et augmente lesprofits des entreprises ; les salaires verss aux fonctionnaires et enseignants,de mme que les commandes publiques4, largissent les dbouchs des en-treprises productrices de moyens de consommation et de moyens de produc-tion. Si lon tient compte de tous ces avantages, les entreprises ont intrt ceque les dpenses publiques augmentent : cela accrot leurs profits ou leursdbouchs. Mais dun autre point de vue, toutes ces dpenses supposent queles pouvoirs publics prlvent des impts sur les entreprises et sur les mna-ges : les impts sur les entreprises rduisent directement les profits, les im-pts sur les mnages rduisent le pouvoir dachat de la population, donc lesdbouchs des entreprises. De ce point de vue, les entreprises ont intrt ceque les dpenses publiques diminuent.

    3 Apprentissage de la lecture, de lcriture, du calcul, etc. (sans parler de lapprentissage de

    lidologie dominante : comptitivit, soumission lautorit, etc.).4 Cest--dire les achats effectus par les pouvoirs publics : achats de btiments et quipe-

    ments administratifs, scolaires, militaires, achats de routes et autoroutes, etc.

  • Quelles politiques conomiques contre la crise et le chmage ? 3

    2. Une rconciliation entre profits et dbouchs ?

    Est-il possible de rconcilier les aspects contradictoires signals ci-dessus ? En dautres termes : les entreprises peuvent-elles augmenter simul-tanment leurs profits et leurs dbouchs ? Il faut pour cela que deux condi-tions soient remplies.

    La premire condition consiste en une augmentation de la producti-vit gnrale, en ce sens quavec un mme nombre de travailleurs (oudhabitants), lconomie produit un volume plus grand de biens et services.De manire image, une augmentation de la productivit sur une priodedonne (entre une anne t0 et une anne t1) largit la taille du gteau produit, augmente le nombre de parts de gteau rpartir : dans leschma 1, le nombre de ces parts de gteau passe de 16 20 ( populationinchange, cela reprsente une augmentation de la productivit gnrale de25 %).

    Schma 1. Laugmentation de la productivit gnrale

    t0

    t1

    Laugmentation de la productivit est un processus pratiquementcontinu, plus ou moins rapide selon les poques. Elle sexplique essentielle-ment par le progrs technique, cest--dire par la production et lutilisationdquipements et procds (machines, robots, processus automatiques, ordi-nateurs, etc.) de plus en plus nombreux, varis et performants. Le progrstechnique, son tour, sexplique en bonne partie par la concurrence que selivrent tant les producteurs que les utilisateurs de ces quipements et proc-ds5.

    Dans une priode o la productivit augmente, la mise en uvre depolitiques keynsiennes constitue la deuxime condition pour que les entre-

    5 Dans les branches productrices, chaque entreprise cherche largir ses dbouchs en lan-

    ant sur le march des quipements et procds nouveaux, plus performants ; et dans lesbranches utilisatrices, cest en introduisant des quipements et procds nouveaux, plus per-formants, que les entreprises se font concurrence.

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    prises disposent simultanment de profits plus levs et de dbouchs largis.Cest ce que montre le schma 2. On y suppose quentre t0 et t1, les salairesnets augmentent en termes rels de 17 % (on passe de 6 7 rectangles N) ;les cotisations et prestations de scurit sociale augmentent de 25 %, demme que les impts et dpenses publiques (pour SS comme pour E, onpasse de 4 5 rectangles). La situation nouvelle (en t1) est videmment favo-rable aux travailleurs : leur pouvoir dachat augmente tant par le biais dessalaires nets que par le biais des prestations de scurit sociale et ils bnfi-cient en outre de services publics plus toffs (dans lenseignement,ladministration, lamnagement du territoire, les services la population,etc.). La situation nouvelle est galement favorable aux entreprises, et elleleur est mme doublement favorable : leurs profits nets augmentent (on passede 2 3 rectangles P dans lexemple), et simultanment leurs dbouchsaugmentent (grce laugmentation du pouvoir dachat salarial et des dpen-ses publiques).

    Schma 2. Laugmentation de la productivit gnraleet la mise en uvre de politiques keynsiennes

    t0 N N N SS SS E E P

    N N N SS SS E E P

    t1 N N N N SS SS E E E P

    N N N SS SS SS E E P P

    Les entreprises accroissent leurs profits (P) ; en outre, elles disposent de dbouchs largisgrce l'augmentation du pouvoir d'achat salarial (N+SS) et l'augmentation des dpensespubliques (E).

    Schma 3. Laugmentation de la productivit gnraleet la mise en uvre de politiques no-librales douces

    t0 N N N SS SS E E P

    N N N SS SS E E P

    t1 N N N SS SS E E P P P

    N N N SS SS E E P P P

    Les entreprises accroissent davantage leurs profits (P) ; mais leurs dbouchs stagnent suite la stagnation du pouvoir d'achat salarial (N+SS) et des dpenses publiques (E).

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    Schma 4. Laugmentation de la productivit gnraleet la mise en uvre de politiques no-librales dures

    t0 N N N SS SS E E P

    N N N SS SS E E P

    t1 N N N SS E E P P P P

    N N SS SS E P P P P P

    Les entreprises augmentent encore plus leurs profits (P) ; mais leurs dbouchs diminuentsuite la rduction du pouvoir d'achat salarial (N+SS) et des dpenses publiques (E).

    Lgende :N = salaire net (ou salaire direct)SS = salaire solidaris (ou salaire indirect) = cotisations et prestations de scurit socialeE = interventions de lEtat = impts et dpenses publiquesP = profit net des entreprises

    Note :Toutes les grandeurs sont exprimes en termes rels (en francs constants) plutt quen termesnominaux (en francs courants) : on neutralise ainsi les effets de linflation ventuelle, cest--dire de la hausse des prix entre t0 et t1.

    Que se passe-t-il si la deuxime condition nest pas remplie, si lonapplique des politiques no-librales ? Les politiques no-librales douces (schma 3) consistent bloquer (ou freiner au maximum) le pouvoirdachat salarial direct et indirect ainsi que les dpenses publiques. Lespolitiques no-librales dures (schma 4) consistent rduire ces diversesgrandeurs (ou du moins certaines dentre elles). Pour les travailleurs, lespolitiques no-librales se traduisent par un statu quo ou une rgression dansles conditions de vie : leur pouvoir dachat global et les services publics dontils disposent restent constants (schma 3) ou se rduisent (schma 4). Pourles entreprises, ces mmes politiques no-librales prsentent des effetscontradictoires (dautant plus marqus que les politiques mises en uvre sont dures ) : dune part, les profits globaux augmentent ; par contre, les d-bouchs globaux stagnent (schma 3) ou diminuent (schma 4).

  • 6 Jacques GOUVERNEUR

    3. Origine et rsultats des politiques no-librales

    Pour assurer leur profit (condition ncessaire leur survie ou leurcroissance), les entreprises se doivent dtre suffisamment comptitives parrapport leurs concurrents nationaux et trangers6. Cette exigence de com-ptitivit les pousse spontanment dans une double voie : dune part, intro-duire des progrs techniques (ce qui tend rduire lemploi) ; dautre part,limiter les salaires et faire pression sur lEtat pour que celui-ci uvre dans lesens souhait, cest--dire la rduction des cots salariaux et laugmentationdes profits (via la non-indexation des salaires, les normes de modrationsalariale, la rduction des cotisations patronales, la rduction des impts surles socits, etc.). Le systme capitaliste, bas sur la recherche du profit etsur la concurrence, prsente donc une tendance spontane ladoption depratiques et de politiques no-librales.

    Pour contrecarrer cette tendance, il faut quexiste un rapport de for-ces relativement favorable aux travailleurs, permettant ceux-ci dexiger etdobtenir, de la part des entreprises et de lEtat, des mesures allant dans lesens inverse : hausse des salaires, dveloppement de la scurit sociale, crois-sance des dpenses publiques. Durant la priode 1945-70, le rapport de forcesest effectivement favorable aux travailleurs : cela sexplique en particulierpar le danger de la contagion communiste (il faut dtourner les travail-leurs de lalternative que reprsente lconomie planifie)7 et par la pnurierelative de main-duvre (qui stimule le recours limmigration et le dve-loppement du travail fminin). Durant toute cette priode, ce sont donc despolitiques keynsiennes qui sont mises en uvre, accroissant la demandeglobale ( la fois les dpenses manant des salaris et les dpenses manantdes pouvoirs publics). Dans un contexte de productivit croissante, les entre-prises bnficient la fois de profits levs et de dbouchs largis (voirschma 2). Disposant de dbouchs en extension, les entreprises rinvestis-sent leurs profits et augmentent leur production. Cest lge dor du capi-talisme, avec une croissance rapide de la production, de lemploi, de laconsommation. La concurrence entre entreprises subsiste l'intrieur de cha-que pays comme par-del les frontires nationales ; cependant, grce aux

    6 La contrainte de comptitivit peut tre attnue ou diffre dans le cas d'ententes entre

    producteurs. Mais elle n'est jamais supprime : aucun des producteurs ne peut se permettred'avoir des cots de production excessifs ; cela est d'autant plus vrai que l'entente est tou-jours susceptible d'tre remise en question.

    7 LURSS bnficiait dune force dattraction considrable au lendemain de la deuximeguerre mondiale. Sur le plan politique, elle avait contribu dune manire dcisive la d-faite du rgime nazi. Sur le plan conomique et social, son systme de planification lui avaitpermis de connatre des taux de croissance importants, dchapper la grande crise des an-nes 1930, dassurer emploi et scurit dexistence aux travailleurs (do la pression quisexerait, dans les pays occidentaux, en faveur dun relvement des salaires et pour la miseen place dun systme de scurit sociale).

  • Quelles politiques conomiques contre la crise et le chmage ? 7

    politiques keynsiennes, cette concurrence se droule dans le cadre dunehausse gnralise des salaires et de lemploi.

    Depuis les annes 1980, dans tous les pays, le rapport de forces sestretourn au dtriment des travailleurs. De nombreuses circonstances contri-buent ce retournement : la baisse des profits dans les annes 19708 faitchuter les investissements des entreprises, provoquant ainsi une monte duchmage ; la mobilit internationale du capital accentue les contraintes decomptitivit et les menaces de fermeture ou de dlocalisation ; face uneconomie de plus en plus mondialise, les organisations syndicales (nationa-les et internationales) manquent de force ou de combativit pour dfendre etpromouvoir les droits des travailleurs ; et l'effondrement politique des paysd'conomie planifie rduit encore la capacit de rsistance des salaris.

    Dans ces conditions, la tendance spontane du capitalisme reprend ledessus : les diverses entreprises et pays retournent des pratiques et despolitiques no-librales. Se prvalant des exigences de comptitivit et derentabilit, les entreprises et les gouvernements de chaque pays font pressionsur les salaires et l'emploi, sur les dpenses de scurit sociale, sur les dpen-ses publiques9. Mais on entre alors dans un cercle vicieux gnral, car lespolitiques restrictives adoptes dans un pays appellent des politiques analo-gues dans dautres pays : si les entreprises belges, par exemple, sont plus performantes pour matriser les salaires et lemploi, elles dveloppentleurs parts de march au dtriment des pays concurrents ; ceux-ci doiventragir en adoptant les mmes mesures de compression des salaires et delemploi. Rationnelles au plan micro-conomique (chaque pays veut amlio-rer la comptitivit de ses entreprises pour que celles-ci puissent survivre etse dvelopper), les politiques no-librales aboutissent ainsi un rsultatmacro-conomique absolument contraire : la rduction gnralise des salai-res et de lemploi entrane une rduction de la demande globale et donc unediminution de la production globale, de lemploi et de la consommation, etcela dans lensemble des pays10. 8 Cette baisse des profits est due essentiellement au ralentissement des progrs de la produc-

    tivit gnrale (essoufflement de linnovation dans lindustrie, retard technologique dusecteur tertiaire en croissance) ; elle est aggrave par la flambe ultrieure des prix du p-trole (en 1974 puis en 1980).

    9 Voir les politiques inaugures sous le gouvernement Martens-Gol en Belgique (notammentla dsindexation des salaires en 1981, 82, 83), les politiques franaises sous Mitterrand (en-core keynsiennes en 1981-82, no-librales depuis lors), les politiques de Mrs Thatcher enGrande-Bretagne, de Reagan aux Etats-Unis, etc.

    10 Lidologie de la comptitivit prsente deux aspects :(a) Dune part, cest une application de lidologie selon laquelle la recherche de lintrt

    particulier (par chaque individu, chaque entreprise, chaque pays) tend raliser aumieux l'intrt gnral. En ralit, comme on vient de le voir, une mesure pertinente dupoint de vue micro-conomique peut avoir des effets absolument contraires au niveaumacro-conomique.

    (b) Dautre part, la comptitivit est assimile la vie (survie ou croissance). En ralit,dans la mesure o la demande globale est stagnante, la recherche de la comptitivit

  • 8 Jacques GOUVERNEUR

    Quels sont finalement les effets des politiques no-librales mises enuvre depuis les annes 1980 ? Comme on le sait au plan thorique (voirplus haut, schmas 3 et 4), et comme le confirment les donnes empiriques(voir graphiques 1 et 2), les effets sont contradictoires. Dune part, ces politi-ques redressent le profit global des entreprises, et donc leurs possibilitsfinancires dinvestir : ctait le rsultat recherch. D'autre part, ces mmespolitiques ont un rsultat non recherch mais invitable : faisant pression demanire cumulative sur la demande des salaris et de lEtat, elles contractentles dbouchs globaux et rduisent ainsi les occasions dinvestissement ren-table pour les entreprises.

    Faute de dbouchs suffisants, les entreprises ne rinvestissent doncquune fraction rduite de leurs profits dans des accroissements de produc-tion. Le profit global sinvestit alors massivement dans des oprations detransfert de proprit, qui ont pris une ampleur considrable depuis les an-nes 1980 :

    fusions ou absorptions dentreprises prives ;11 rachats dentreprises publiques (cest le phnomne des privatisa-

    tions) ;12 spculation sur les monnaies et sur les titres (cest le phnomne de la

    bulle financire )13.

    De telles oprations redistribuent la proprit des moyens de pro-duction et de largent, renforcent le processus de concentration de la produc-tion et du pouvoir de dcision conomique. De nombreuses entreprises et

    prsente un caractre la fois meurtrier ( court terme) et suicidaire ( long terme). Eneffet : 1. une entreprise ou un pays particulier ne peut amliorer sa position comptitivequau dtriment dautres entreprises ou pays (si nous sauvons notre emploi, dautresperdent le leur) ; 2. le maintien dune position favorable exige plus long terme de nou-velles concessions de la part des travailleurs ; 3. toutes ces concessions salariales rdui-sent les dbouchs globaux et entranent tout le systme la faillite.

    11 Un pisode marquant en Belgique dans les annes 1980 : la lutte entre le groupe franaisSuez et le groupe italien De Benedetti pour le rachat de la Socit Gnrale de Belgique(finalement acquise par Suez). Sur un plan gnral, les investissements directs l'trangerprogressent plus vite que le commerce mondial, et la grosse majorit de ces investissementsconsiste en rachats ou fusions d'entreprises. D'o une acclration de la concentration mon-diale dans tous les secteurs de l'conomie : aronautique, microprocesseurs, tlcommuni-cations, crales, etc. (Voir E. Toussaint, La bourse ou la vie, Bruxelles, Ed. Luc Pire,1998, pp. 49-54).

    12 Exemples en Belgique : privatisation de la SABENA, privatisation de la RTT (devenueBELGACOM), de la CGER

    13 Le dveloppement de la bulle financire est gnralement considr comme une causede la faible croissance de lconomie : attirs par les perspectives de profits spculatifs, lesinvestisseurs ngligeraient dlibrment la sphre de la production, moins rentable. A notreavis, le dveloppement de la bulle financire est plutt une consquence de la faiblecroissance de lconomie, elle-mme due aux politiques no-librales : limits parltroitesse des dbouchs (en raison de la pression sur les salaires et les dpenses publi-ques), les investisseurs cherchent valoriser leurs capitaux par dautres moyens, cest--dire par diverses oprations de transfert.

  • Quelles politiques conomiques contre la crise et le chmage ? 9

    groupes y trouvent un moyen privilgi pour se dvelopper et largir leursphre dinfluence. Mais ces oprations nlargissent pas la production etlemploi : la croissance reste faible et le chmage continue svir.

    Graphique 1. Rentabilit nette du stock de capital(ensemble de lconomie) ; 1973 = 100

    Graphique 2. Part des salaires (ensemble de lconomie), en % de la valeur ajoute.

    En Europe, de 1960 1970, des taux de profit levs coexistent avec des parts salariales le-ves ; de 1970 1980, les taux de profit baissent alors que les parts sala riales augmententencore lgrement ; depuis 1980, les politiques no-librales se traduisent par une remonte destaux de profit et une rduction des parts salariales (= contraction des dbouchs).

    Source des graphiques : Isabelle Cassiers et Philippe De Vill, Croissance conomique et em-ploi en longue priode, in Les grandes interrogations de lan 2000,12me Congrs des conomistes belges de langue franaise,Bruxelles, 1996, p. 85 et 87.

  • 10 Jacques GOUVERNEUR

    La perptuation des politiques no-librales apparat donc commeabsurde lchelle du systme pris globalement : elles assurent le redresse-ment des profits (et donc des possibilits dinvestissement) au dtriment desdbouchs (et donc des occasions dinvestissement rentable). Mais ce qui estabsurde au niveau du systme pris globalement peut parfaitement rpondreaux intrts des entreprises et groupes dominants : ceux-ci tiennent le coup etse dveloppent, alors que leurs rivaux moins bien placs priclitent et dispa-raissent. Do la pression exerce par les groupes les plus forts (en particulierceux qui oprent lchelle mondiale) pour que les dcideurs politiques na-tionaux et internationaux continuent imposer de telles politiques.

    4. Quelle issue la crise actuelle ?

    Lanalyse qui prcde semble suggrer la conclusion suivante : pourretrouver une croissance soutenue et rsoudre le problme du chmage, ilconvient de remplacer les politiques no-librales par des politiques keyn-siennes gnralises, afin daugmenter significativement la demande globale.

    La simple relance de la croissance ne suffirait cependant pas r-soudre le problme du chmage : les progrs techniques actuels permettentdes accroissements de productivit dune telle ampleur quune croissancemme rapide ne peut assurer par elle-mme le plein emploi. Dautre part, larelance de la production et de la consommation aggraverait les problmescologiques actuels : rarfaction des matires premires en amont, multipli-cation des dchets et pollutions en aval. Enfin, et dune faon plus gnrale,la relance de la croissance ne modifierait en rien les traits fondamentaux quise trouvent lorigine des problmes sociaux endmiques du systme capita-liste (non seulement le chmage et les dgts cologiques de la croissance,mais toutes les ingalits, exclusions et atteintes au dveloppement humain).Ces traits fondamentaux sont les suivants : 1. labsence de dmocratie : unnombre restreint de dirigeants concentre le pouvoir de dcision conomique(que produire, o et comment produire ? comment rpartir les produits etrevenus crs ?) ; 2. la recherche du profit : les dcisions sont prises en vuedaccrotre les profits plutt que de rpondre aux besoins des populations(emploi, sant, logement, ducation, qualit de vie en gnral) ; 3. la concur-rence : les diverses entreprises et groupes se font mutuellement concurrencepour augmenter leur profit particulier (do lobligation dtre comptitif).

    Cela tant, quelles politiques alternatives convient-il denvisager ?

  • Quelles politiques conomiques contre la crise et le chmage ? 11

    4.1. La taxation des profits et la cration demplois socialement utiles

    Les progrs de la productivit gnrale et la persistance des politi-ques no-librales ont accru les profits des entreprises au dtriment du niveaude vie des populations et au dtriment des dbouchs mmes des entreprises(schma 4). En augmentant substantiellement la taxation des profits (lutteeffective contre la fraude fiscale et les paradis fiscaux, augmentation desimpts sur les profits des socits, sur les revenus des capitaux, sur les tran-sactions financires, etc.), et en investissant massivement cet argent dans desproductions socialement utiles (amlioration de lencadrement dans les coleset les hpitaux, ducation permanente, soins domicile, attention aux per-sonnes ges, accueil des enfants, logements sociaux, loisirs valorisants,mobilit des personnes en ville et la campagne, amlioration du cadre devie, ), les pouvoirs publics obtiendraient simultanment trois rsultats : une rsorption significative du chmage ; une rduction de lcart entre la croissance des profits et la croissance

    des dbouchs (do rduction, notamment, de la bulle financire etdes risques dinstabilit que celle-ci implique) ;

    une rponse des besoins sociaux actuellement insatisfaits ou mal satis-faits (faute de rentabilit).

    Largent prlev par les pouvoirs publics servirait subsidier par-tiellement ou financer totalement des units de production orientes vers lasatisfaction de besoins sociaux reconnus. Ces units de production pourraientvendre bas prix les biens ou services produits (entreprises capitalistesventuellement ; plus vraisemblablement entreprises publiques ou prives finalit sociale) ; dautres pourraient fournir gratuitement ou quasi gratuite-ment les biens ou services produits (institutions publiques ou prives, asso-ciations volontaires, rseaux dchanges non montaires, auto-production desmnages)14.

    4.2. Une traduction alternative des gains de productivit

    La productivit est le rapport entre la quantit produite (le volume deproduction) et la quantit de travail (laquelle est gale au nombre de travail-leurs multipli par la dure moyenne de leur travail). On peut crire :

    14 Toutes ces units de production subsidies par les pouvoirs publics seraient dlibrment

    orientes vers la satisfaction des besoins des populations ( lencontre du critre du profit).Les entreprises finalit sociale, les associations volontaires, les rseaux dchanges nonmontaires semblent en outre les plus susceptibles de favoriser les principes de dmocratieet de coopration ( lencontre des deux autres traits signals : concentration du pouvoir dedcision et concurrence).

  • 12 Jacques GOUVERNEUR

    productivit = quantit produitequantit de travail

    = production

    emploi x dure du travail

    Les progrs techniques et les gains de productivit jouent un rlefondamental et minemment progressiste. Dun ct, ils permettent de fairecrotre sans limite apparente la masse des biens et services mis la disposi-tion de lhumanit. Dun autre ct, ils permettent aux tres humains de se dsaliner du travail, de travailler moins et davoir plus de temps libre.Une fois satisfaits les besoins de consommation courants des populations, lafinalit ultime du dveloppement, pourrait-on dire, consiste, dune part, r-duire lespace du travail pour largir celui du temps libre et, dautre part, r-partir quitablement entre tous les individus les possibilits de travail et detemps libre 15. Ce ne sont donc pas les gains de productivit quil faut remet-tre en cause, mais bien la manire dont les gains de productivit sont traduitsen pratique.

    Dans la logique capitaliste, les accroissements de productivit setraduisent essentiellement par une augmentation de la production et par unerduction de lemploi (la dure du travail volue comparativement peu)16.

    Dans une logique alternative, les accroissements de productivitpeuvent se traduire de manire toute diffrente. Un premier changement con-siste rduire suffisamment la dure normale du travail, de manire aug-menter lemploi. Cette rduction du temps de travail doit se faire sans accro-tre lintensit du travail ni recourir aux heures supplmentaires : si ncessaire,les entreprises doivent procder des embauches compensatoires. Et elle doitse faire sans perte de salaire : une rduction parallle des salaires serait insup-portable pour la plupart des travailleurs ; et elle ne rsoudrait pas le problmedes dbouchs insuffisants auquel le systme est confront lheure actuel-le17. La mesure prconise qui quivaut une augmentation du salaire ho-raire doit tre finance par les profits disponibles et par les gains de produc-tivit : ceux-ci seraient traduits, non pas en augmentations des rmunrations,mais en rductions de la dure du travail18.

    15 Alors que dans le travail (mme gratifiant), lindividu ne peut dvelopper au mieux que des

    aptitudes limites, cest dans le temps libre quil peut en principe panouir son gr les di-verses autres facettes de sa personnalit.

    16 Laugmentation de la production constitue une finalit en soi ( la croissance pour lacroissance ), qui simpose aussi bien au niveau de chaque entreprise quau niveau du sys-tme pris globalement ; cette mme finalit entrane le dveloppement dune consommation de masse artificiellement renouvele. Quant la rduction de lemploi,elle permet chaque entreprise de rduire ses cots de production ; au niveau macro-co-nomique, elle divise les salaris (entre travailleurs intgrs et chmeurs exclus) et renforcelalination des travailleurs (par manque de temps libre et par soumission aux impratifs dela consommation de masse).

    17 Une perte de salaire peut tre envisage pour les traitements les plus levs, de manire rduire les disparits de revenus.

    18 La rduction du temps de travail, mme avec embauches compensatoires, prsente cepen-dant des limites. Elle nassure pas le ncessaire dveloppement de productions rpondant

  • Quelles politiques conomiques contre la crise et le chmage ? 13

    Un deuxime changement consiste limiter la croissance de la pro-duction, ce qui permet de rduire encore davantage la dure normale du tra-vail pour tous les travailleurs. Ce frein la croissance de la production navidemment de sens qu partir dun seuil de dveloppement o les besoinsde consommation courants des populations sont satisfaits (ou peuvent tresatisfaits moyennant une redistribution adquate des revenus). Outre quilpermet une extension du temps libre, le freinage de la production et de laconsommation contribue limiter les problmes cologiques.

    4.3. Un glissement dans la composition des salaires

    Le salaire-cot charge de lentreprise comprend trois composantesdistinctes : 1. la composante individualise, savoir le salaire net (ou salairedirect) : celui-ci permet au travailleur lachat direct de moyens de consom-mation personnels ; 2. la composante solidarise, savoir les cotisationssalariales et patronales la scurit sociale : celles-ci financent les prestationssociales (ou salaire indirect), lesquelles permettent galement lachat demoyens de consommation personnels, mais sur une base de solidarit entreles travailleurs ; 3. la composante collectivise, savoir les impts sur lerevenu : par ce biais, chaque salari participe au financement des produitscollectifs non marchands.

    Le glissement prconis consiste accrotre en priorit les deux der-nires composantes. Pourquoi cela ?

    Si le salaire net constitue la composante unique ou essentielle, onfavorise l'achat des biens et services offerts sur le march. Comme on le sait,ces biens et services sont lancs sur le march, non pas en fonction des be-soins sociaux satisfaire, mais en fonction du profit escompt par les entre-prises productrices. D'autre part, les biens et services lancs sur le marchsont accessibles aux salaris de manire ingalitaire, en fonction du pouvoird'achat de chacun ; et ce pouvoir d'achat peut s'avrer nul ou insuffisant dansdes circonstances telles que la cessation d'activit, la maladie, la charge d'en-fants, etc.

    Si la part des cotisations sociales augmente, on favorise toujoursl'achat de productions marchandes, mais on dveloppe des consommationssolidarises : les produits sont certes lancs sur le march en fonction du cri-tre de profit ; mais ils sont accessibles aux salaris de manire plus galitai-re, grce aux prestations sociales verses (on assure des revenus de remplace-

    des besoins sociaux non satisfaits. Dautre part, si elle ne concerne que le secteur de pro-duction capitaliste, elle introduit une nouvelle dualisation entre les salaris de ce secteur(bnficiant de temps libres accrus) et les autres travailleurs (qui nen bnficieraient pas).Do lintrt de crer simultanment des emplois dans des productions socialement utileset dy rduire galement la dure du travail.

  • 14 Jacques GOUVERNEUR

    ment en cas de cessation dactivit, des revenus complmentaires en cas desoins de sant, charge denfants). Des cotisations sociales importantes per-mettent donc dassurer une importante redistribution des revenus et de laconsommation et constituent un facteur de stabilit conomique, sociale etpolitique19.

    Si la part des impts augmente, les pouvoirs publics disposent deplus de moyens pour dvelopper la production de biens et services rpondant deux caractristiques entirement diffrentes : plutt que dtre soumises la logique du profit, les productions sont en principe orientes vers la satis-faction des besoins sociaux ; et plutt que dtre accessibles en fonction dupouvoir dachat (direct et indirect) de chacun, les productions collectives nonmarchandes sont en principe accessibles tout le monde sur un pieddgalit20.

    Laccroissement de la composante collectivise du salaire ne signifievidemment pas un accroissement de la part des impts reposant sur les tra-vailleurs : conformment aux principes dvelopps plus haut, cest dabordsur les profits que les pouvoirs publics doivent prlever les ressources nces-saires pour dvelopper les productions socialement utiles.

    Dune manire analogue, laccroissement de la composante solidari-se du salaire nimplique pas que les cotisations sociales doivent tre peruessur les seuls revenus du travail : la solidarit sera largie avec ltablissementdune cotisation sociale gnralise (CSG), portant sur lensemble des reve-nus (y compris les revenus mobiliers et les profits)21.

    Les effets des politiques prconises (renforcement de la taxationdes profits et glissement dans la composition des salaires) sont illustrs auschma 5. Celui-ci est construit sur le mme modle que les prcdents, maison y ajoute la distinction entre salaire-cot (= salaire net + cotisations descurit sociale + impts sur le salaire = N+SS+E1) et profit brut (= profit net+ impts sur le profit = P + E2). L'augmentation de la productivit gnrale etla mise en uvre des politiques alternatives se traduisent par une amliora- 19 En thorie et en pratique, les prestations sociales peuvent galement tre finances par les

    impts. Lavantage des cotisations sociales est quelles sont ncessairement affectes desprestations sociales, alors que les impts peuvent tre utiliss de multiples fins.

    20 Le dveloppement de consommations collectives galitaires suppose videmment deuxautres conditions : il faut que les impts perus soient effectivement orients vers la production de biens et

    services accessibles l'ensemble de la population de manire gratuite ou quasi-gratuite(plutt que vers des utilisations telles que loctroi de subsides aux entreprises ou lepaiement dintrts sur la dette publique) ;

    il faut en outre que le principe de lgalit daccs soit effectivement traduit dans lesfaits (accs rel tous les niveaux denseignement, par exemple).

    21 Pour renforcer la solidarit et contribuer une plus grande galit, il convient que lescotisations sociales soient perues sur des revenus non plafonns et des taux progressifs(cest--dire dautant plus levs que les revenus sont levs). Le principe des taux progres-sifs doit sappliquer aussi aux impts sur les revenus.

  • Quelles politiques conomiques contre la crise et le chmage ? 15

    tion des conditions de vie des salaris : cette amlioration ne consiste cepen-dant pas en une augmentation des salaires nets (N reste constant) ; elle prendla forme d'un accroissement des salaires indirects (SS) et d'une extension desproductions collectives accessibles gratuitement ou quasi-gratuitement (grce l'augmentation des prlvements E1 et E2 sur les salaires et surtout surles profits). Les entreprises voient certes diminuer leurs profits nets (P), maiselles sont stimules les rinvestir productivement vu la croissance des d-bouchs globaux (croissance des salaires indirects, SS, et des dpenses publi-ques, E1 et E2).

    En creusant lcart entre profits et dbouchs, les politiques no-li-brales actuellement en vigueur renforcent, on la vu plus haut, la tendance la concentration de la production et du pouvoir de dcision conomique :fusions et absorptions, privatisations, spculation dans la bulle financire .Les politiques alternatives prconises nlimineraient pas cette tendance laconcentration : celle-ci est inhrente au systme capitaliste, fond sur laconcurrence. Mais elles attnueraient le processus : les moyens accrus delEtat permettraient de reconstituer et de dvelopper un secteur public ;dautre part, la rduction des profits nets et lextension des dbouchs ren-draient les fusions et absorptions la fois plus difficiles et moins ncessai-res ; et elles contribueraient conjointement rsorber la bulle financire .

    Schma 5. Laugmentation de la productivit gnraleet la mise en uvre de politiques alternatives

    t0 N N N SS SS E1 E2 P

    N N N SS SS E1 E2 P

    t1 N N N SS SS SS E1 E2 E2 E2

    N N N SS SS E1 E1 E2 E2 P

    Lgende :N = salaire net (ou salaire direct)SS = salaire solidaris (ou salaire indirect) = cotisations et prestations de scurit socialeE1 = salaire collectivis (= impts sur le salaire)E2 = profit collectivis (= impts sur le profit)P = profit net des entreprisesE1 + E2 = interventions de lEtat = impts et dpenses publiquesN + SS + E1 = salaire - cotE2 + P = profit brut = profit avant impts

    Note :Comme dans les schmas 2 4, toutes les grandeurs sont exprimes en termes rels : onlimine les phnomnes de hausse des prix.

  • 16 Jacques GOUVERNEUR

    Conclusion

    La perptuation des politiques no-librales multiplie les drames so-ciaux et dbouche sur une contradiction conomique majeure : elle accentuele divorce entre la croissance des profits globaux et celle des dbouchs glo-baux. Mais elle favorise les entreprises et les groupes dominants : ceux-cicontinuent donc exercer une pression efficace sur les pouvoirs publics (na-tionaux et supranationaux) en vue de prolonger ces politiques globalementnfastes.

    Le retour des politiques keynsiennes supposerait un changementdans le rapport de forces actuellement en vigueur ; il ne suffirait cependantpas pour rsoudre les problmes conomiques et sociaux mis en vidence parla crise structurelle du systme capitaliste. La solution ces problmes passepar la mise en uvre de politiques alternatives : augmentation des prlve-ments publics (essentiellement sur les profits) pour financer des productionssocialement utiles, rductions du temps de travail pour dvelopper lemploi etle temps libre, glissement dans la composition des salaires pour promouvoirla solidarit.

    Idalement, ces politiques devraient tre adoptes de manire coor-donne lchelle mondiale : la fois parce que les problmes sont mon-diaux, et pour viter des distorsions de concurrence entre partenairescommerciaux. Plus ralistement, on peut envisager que ces politiques soientmises en uvre lchelle dune entit comme lUnion Europenne, dont 85% des changes internationaux se ralisent au sein mme de lUnion (sanscompter la multitude des changes qui se ralisent lintrieur de chacun despays). A dfaut de politiques concertes lchelle supranationale, le dilem-me est le suivant. Ou bien certains pays se risquent prendre linitiative depolitiques alternatives, en escomptant un effet dimitation et de propagationdans dautres pays. Ou bien chaque pays continue mener des politiquesno-librales dans le but de dfendre le profit et la comptitivit de ses entreprises : dans ce cas, tout le systme continue senfoncer dans la criseconomique et sociale, avec dinvitables consquences : accentuation de larpression, guerres commerciales et militaires.

    Etant donn la pression exerce par les entreprises et groupes domi-nants en faveur de la perptuation des politiques no-librales, les politiquesalternatives prconises ne seront mises en uvre par les pouvoirs publics(nationaux et supranationaux) que si ceux-ci subissent une contre-pressionsuffisamment forte de la part des mouvements sociaux. Ces derniers sontactifs en de multiples points, commencent sorganiser, demandent treappuys et globaliss. Et si le systme rsiste aux rformes ncessaires et

  • Quelles politiques conomiques contre la crise et le chmage ? 17

    urgentes, cest de plus en plus le systme lui-mme que les mouvementssociaux devront remettre en cause.

    Jacques GouverneurMai 1999

    Post-scriptum : Vous voudriez mieux comprendre les analyses ici esquis-ses ? Vous voudriez discuter des politiques envisages ?

    1. Vous trouverez plus de dtails sur le fonctionnement et sur les grandestendances de lconomie capitaliste dans mon dernier livre Dcouvrirlconomie. Phnomnes visibles et ralits caches, Paris (Editions So-ciales) et Bruxelles (Contradictions) , 1998, 320 p. En Belgique, pourobtenir le livre des conditions avantageuses, vous pouvez contacterlditeur Contradictions (tl. et fax : 010/65.70.85).

    2. Jassure volontiers des confrences-dbats sur la crise actuelle (origines,consquences, issues possibles) ainsi que des cycles de formation lana-lyse conomique (pour des groupes constitus dau moins 7 personnes).Ces confrences et cycles de formation sont proposs titre bnvole(seuls doivent tre pris en charge les frais de dplacement et ventuelle-ment de sjour). Pour tout renseignement, vous pouvez me contacter au96 rue du Collge, B-1050 Bruxelles ; tl. : (00/32/2) ou (02) 647.45.56.

  • 18 Jacques GOUVERNEUR

    Table des matires

    1. Les contradictions inhrentes aux salaires et aux dpenses publiques.... 2

    2. Une rconciliation entre profits et dbouchs ?................................... 3

    3. Origine et rsultats des politiques no-librales...................................... 6

    4. Quelle issue la crise actuelle ?.............................................................. 10

    4.1. La taxation des profits et la cration d'emplois socialement utiles... 11

    4.2. Une traduction alternative des gains de productivit 11

    4.3. Un glissement dans la composition des salaires... 13

    Conclusion. 16