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Rapport moral 2007 Mouvement ATD Quart Monde en France Pour un monde riche de tout son monde

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Rapport moral 2007

Mouvement ATD Quart Monde en France

Pour un monde richede tout son monde

Éditions Quart Monde33, rue Bergère 75009 Paris, [email protected] 978-2-913046-70-2

Réalisation couverture : Dominique Rouffet,le titre de la couverture est emprunté auCollectif pour un Québec sans pauvreté,photos ATD Quart Monde /Vladimiro Pino Amachi/FRANÇOIS Phliponeau (EFPAIX)

Rapport Moral ATD Quart Monde France 2007

Introduction ............................................................................................5

PréambuleDe la présence à l’action : habiter et apprendre ensemble ............................................7

I - Faire connaissance pour agir autrement ....................................11– 1.1- Partager la vie quotidienne pour la changer ............................................................111.1.1- Regards croisés : des gestes, des actes et des paroles ............................................111.1.2- Lieux de présence : refuser les ghettos, rejoindre le quotidien

et le combat des habitants ....................................................................................161.1.3- La promotion au quotidien ....................................................................................17

– 1.2- Apprendre ensemble une autre manière de faire société ......................................191.2.1- L’Université populaire Quart Monde ....................................................................191.2.2- Les co-formations ..................................................................................................201.2.3- Antigone ..............................................................................................................221.2.4- L’île de La Réunion : le rassemblement..................................................................24

– 1.3- Faire comprendre, casser les préjugés ......................................................................271.3.1- Le Centre international Joseph Wresinski et l’Institut de recherche ........................271.3.2- Les Éditions Quart Monde ....................................................................................291.3.3- Le réseau Wresinski Famille/Petite enfance............................................................301.3.4- Le réseau Wresinski Habitat/Ville ..........................................................................31

II - Créer un courant civique et politiquepour un monde riche de tout son monde ................................33

– 2.1- Faire campagne pour révéler, réveiller les solidaritésinitiées par les plus démunis ....................................................................................33

2.1.1- Campagne mondiale : refuser la misère, un chemin vers la paix............................332.1.2- Tapori France ........................................................................................................352.1.3- Les Caravanes européennes de la fraternité ..........................................................372.1.4- La Déclaration de Solidarité ..................................................................................402.1.5- Bilan de la Journée du 17 octobre 2007 au Trocadéro à Paris ................................442.1.6- Lancement des Comités « Solidaires pour les droits » ............................................46

– 2.2- Prendre position dans l’espace public :quand le Quart Monde fait avancer la démocratie pour tous ................................47

2.2.1- Rencontre avec Mme Dominique Versini, défenseure des enfants............................472.2.2- Hébergement/logement : conférence de consensus ..............................................482.2.3- Les dangers de l’écrémage ....................................................................................492.2.4- Le surendettement ................................................................................................502.2.5- Engagement du Conseil économique et social ......................................................512.2.6- Réclamation collective auprès du Conseil de l’Europe - suite ................................51

III -L’évaluation/programmation pour inventer desactions significatives de changement ........................................53

– La démarche d’évaluation/programmation au pas de tous dans le monde ....................53– Une démarche rigoureuse et innovante..............................................................................54

IV - Les moyens financiers au service de l’action............................55

Perspectives 2008 - 2012 ....................................................................61

Annexes : ................................................................................................64Charte du croisement des savoirs et des pratiques ..............................................................64Glossaire ....................................................................................................................................67Cartes..........................................................................................................................................70

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Sommaire

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20e Journée mondiale du refus de la misère et 50è anniversaire du Mouvement ATD Quart Monde, Trocadéro, à Paris.

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Qui sommes nous ?

En lisant les pages de ce rapport moral « Pour un monde riche de tout son monde », vousverrez que nous cherchons sans cesse à répondre à cette question : qui sommes- nous ?– Qui sommes-nous ensemble, rassemblés dans ce Mouvement ATD Quart Monde ?– Qui sommes-nous aux côtés et avec ces hommes et ces femmes si malmenés dans leur viequotidienne et risquant d’être abandonnés de tous ?– Qui sommes-nous dans une société française qui tourne le dos au droit pour tous, risquant ainside perdre un des repères majeurs de sa démocratie ?– Qui sommes-nous dans un monde tellement mené par l’argent qu’il accule des millions depersonnes à la faim alors que les richesses produites ne cessent d’augmenter ?

Si nous insistons tant sur cette interrogation, ce n’est pas par nombrilisme malsain. Maisc’est parce que nous savons qu’aujourd’hui, c’est autant par ce que nous tentons d’être et de vivreensemble que par les actions menées que nous obligerons notre monde à changer, que nous luipermettrons d’avoir les repères dont les plus fragiles ont besoin et qu’ils nous proposent sans cesse.Par notre façon d’être et de vivre ensemble, nous signifierons cette « démocratie de l’essentiel » àlaquelle nous appelle Joseph Wresinski, une démocratie fondée, enracinée, sur les droits del’homme partagés par tous et une démocratie où les hommes s’unissent pour que ces droits soientconstruits, mis en œuvre et respectés avec ceux qui en sont les plus éloignés.

Pour faire face au malheur et à l’humiliation que vivent nos concitoyens les plus pauvres,notre première démarche est de solliciter certains, principalement parmi les volontaires duMouvement ATD Quart Monde, pour être, humblement et silencieusement, à leurs côtés, et pourse « lier » très quotidiennement avec eux. Alvaro et Marina ont vécu ainsi avec leurs enfants cesdernières années et ils nous redisent tout ce qu’ils ont appris. Ils nous redisent le quotidien sidifficile dans certains quartiers abandonnés de tous ou catalogués par la collectivité. Ils nousredisent aussi le cheminement quotidien qui permet de tisser la confiance comme avec cet hommetellement humilié qu’il ne cesse de s’excuser de tout. Ils nous redisent comment, petit à petit,certains habitants de leur cité se sont reconnus dans le Mouvement ATD Quart Monde qu’Alvaroet Marina leur ont fait découvrir. Ils nous disent comment ils se le sont approprié au point,maintenant, de continuer à le faire vivre pour les habitants de leur cité, alors qu’Alvaro et Marinasont partis rejoindre d’autres populations au Guatemala.

Faire face au malheur, n’est-ce pas refuser que certains soient à ce point humiliés commecette femme, cataloguée à sa mort comme indigente et dont personne ne veut habiller le corps auprétexte que la mairie n’en a donné ni l’ordre ni le financement.

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Introduction

Pour un monde richede tout son monde

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Faire face au malheur, n’est-ce pas nous mettre ensemble, aujourd’hui, aux côtés de celles etceux qui sont obligés de vivre à la rue, dans des squats ou des taudis infâmes, ceux qui errentd’hôtel en hôtel ? En nous mettant à leurs côtés, en nous donnant le temps de tisser la confiance,nous pourrons nous redire que nous refusons, ensemble, un tel malheur. Nous pourrons les soutenirpour qu’ils puissent déposer le recours auquel ils ont droit depuis que nous avons gagné le vote decette loi DALO, en mars 2007, instituant en France un droit au logement opposable. Tout le mondes’accorde à penser que près de 600 000 personnes peuvent utiliser cette loi pour obtenir justice or,ils ne sont que quelques milliers à l’avoir fait jusqu’à maintenant. N’est-ce pas parce qu’on nepeut, seul, mener bataille, faire une telle démarche, croire qu’enfin on va être respecté commecitoyen de droit, quand toute sa vie vous a montré le contraire ? N’est-ce pas parce qu’il fautabsolument s’unir, se mettre ensemble pour y parvenir ?

Voilà la démocratie à laquelle nous croyons et que nous bâtissons.Une démocratie où le plus souffrant n’est pas abandonné, mais conforté, une démocratie où descitoyens choisissent de se « lier » très profondément avec le plus méprisé et le plus éloigné du droitcommun.Une démocratie se donnant comme priorité le respect intangible du droit accessible à tous etpartagé par tous car, sans le droit, il n’y a pas égal respect.Une démocratie qui fait sienne la devise que s’est donné le Conseil économique et social en février2007, en se référant à ce que lui a appris Joseph Wresinski : « Considérer les progrès de la sociétéà l’aune de la qualité de vie du plus démuni et du plus exclu, est la dignité d’une Nation fondée surles droits de l’homme. »Une démocratie où s’unir avec les plus malheureux n’est pas une option mais une obligationcomme l’a rappelé Joseph Wresinski dans son appel aux défenseurs des droits de l’homme, le 17octobre 1987 : « s’unir est un devoir sacré »

Parce que nous nous efforçons de vivre ainsi, nous sommes un mouvement de paix.

Pierre SaglioPrésident

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Arrivée au quartier. Être là sans savoir y« être », une situation à dépasser

Quand nous avons accepté la mission d’aller habiterdans une cité pour partager la vie des familles trèspauvres, nous n’avions pas beaucoup d’expérience,mais beaucoup d’enthousiasme. Pour nous, cela évo-quait l’expérience fondatrice de Joseph Wresinski :partager le quotidien avec les gens sans offrir dessolutions magiques, mais en étant là. Nous nous sen-tions capables de faire cela : être là.Mais quelques semaines après notre arrivée, nousavons commencé à comprendre que ce n’était passi simple d’« être là ». Nous n’arrivions pasfacilement à parler aux gens. Tout se passait dans lacage d’escalier ou alors dans la cour entre les troisimmeubles. Cela n’était pas pareil que dans lequartier où nous avons grandi. Nous avionsl’impression de ne pas avoir d’intimité. Nous noussentions observés. Et nous étions aussi plus ensituation d’observateurs que dans un espritd’habitants, même si nous étions prêts à nousarrêter avec tout le monde pour discuter à lamoindre occasion.

Il nous manquait l’expérience d’habiter un tel lieu,de travailler dans de tels emplois pour être capablesd’être naturels, mais aussi pour comprendre. Alors,parfois, nous arrivions à des conclusions erronées.Nous pouvions nous tromper en jugeant trop viteles gens : « C’est lui le violent, c’est lui qui a bu,celui-là ne travaille pas car il se lève trop tard... ».Et nous rendre compte après, par exemple, qu’iltravaillait les après-midi et les soirs.

Certaines fois, nous nous disions qu’en habitant là,nous étions aussi au courant de toutes les misèresdes gens : nous voyions un tel ivre, un autrementant, un autre cassant tout dans l’appartement,cassant les boîtes aux lettres... Plein de choses quiparfois nous font douter des gens, nous méfier.Mais quand on commence à apprécier les gens, ona envie d’aller plus loin. On croit que les gens sontplus que la violence.

Nous sommes là avec l’ambition de « nouslier » aux gens

« Se lier » veut dire, pour nous, chercher à secomprendre, s’apprécier, s’intéresser à l’autre et puisaccepter de faire un bout de chemin ensemble. Etpour cela on accepte de prendre des risques. Le risqueque l’autre nous déçoive par exemple. Alors pourcréer des liens, pour dépasser les méfiances, les peurs,il faut du temps... Pour quoi les gens allaient-ils selier avec nous, deux jeunes un peu bizarres, venantclairement d’un autre univers et qui pouvaient êtrelà juste pour trois jours et puis adieu ?

La vie quotidienne est fondamentale pour créer desliens. Et cela ne passe pas toujours par dire ou fairedes choses, mais écouter, chercher à comprendre,observer et apprendre. Sinon, nous obligeons les gensà vivre avec nous, mais nous n’arrivons pas vraimentà vivre ensemble.

Quand nous avons été capables d’être nous-mêmes,quand peu à peu nous avons pu ou su montrer deschoses de nous-mêmes, quand la rencontre s’est faiteà partir de notre intérieur, sincèrement, sans idéesderrière la tête, alors nous nous sommes liés.Mais pour arriver à être nous-mêmes, il a fallu quenous sortions du rôle d’observateurs. Grâce autemps passé, au fait d’être liés peu à peu à l’histoirede la cité et aux gens, d’avoir senti les geste desolidarité de ceux-ci envers nous (par exemple, lesenfants qui surveillent notre maison lors d’unesoirée où nous partons nous promener en oubliantde fermer notre porte, ou bien ces jeunes, mal vuset jugés par tout le monde, qui ont réparé notrevieille voiture sans hésiter), mais aussi au fait desubir certaines conditions semblables à celles denos voisins (jugement extérieur), nous sommesdevenus habitants citoyens du quartier avecd’autres.Vivre ensemble donne une autre compréhension dela vie des gens, de leur force, de leurs efforts et desobstacles auxquels ils font face au quotidien. Il y acette contradiction entre se dire qu’un quartiercomme ça ne devrait pas exister (avec les portescassées, sans presque de boîtes aux lettres, avecl’humidité, sans intimité...) et la certitude que tout

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PréambuleDE LA PRÉSENCE À L’ACTION : HABITER ET APPRENDRE ENSEMBLE

par Alvaro Iniesta et Marina Mingot

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n’est pas à démolir dans un quartier comme cela oùrègne moins d’individualisme qu’ailleurs.Habiter le quartier nous a effectivement permisd’être témoins de la solidarité des gens : Jean, notrevoisin de palier qui loge chez lui un autre jeune quiserait sinon à la rue, Martine qui cache chez elle unevoisine quand son compagnon devient agressif,David en chômage depuis 15 ans et toujours dispo-nible pour rendre service aux voisins avec savoiture ou Jean-Marie qui n’hésite pas à donner uncoup de main que ce soit pour démonter un meublechez la voisine du dessus ou remettre du papierpeint chez la voisine d’enface. Des gestes quotidiensqui permetent aux gens de vivre plus dignement.

Nos efforts étaient mis dans la cité, avec nos voi-sins mais pour que les choses changent, il faut aussid’autres citoyens. Nous avons cherché, à travers desactions publiques (17 octobre, les Caravanes euro-péennes de la Fraternité) à mettre d’autres en rela-tion avec les familles de notre cité pour que chacunpuisse se découvrir d’une façon qui valorise tout lemonde.

Qu’est-ce que notre présence a permis auxfamilles ?

Lors de nos premières conversations avec Jean-Marie, le voisin du rez-de-chaussée, il demandaitconstamment pardon, il s’excusait toujours aprèsavoir dit quelque chose, il finissait souvent sesphrases en disant : « Je ne dis rien de mal, hein ? »,demandant à chaque fois notre approbation. Queltype de relations a-t-il vécu qui le poussaient às’excuser à chaque fois qu’il parlait ?

Nous étions déjà en lien quand son fils a eu un acci-dent. Les services ont voulu placer très vite les enfantsen lui faisant donner son accord, sans lui donner vrai-ment le temps d’assumer ce qui se passait ; il a eucomme un choc qui lui a permis de réagir et de sebattre. À ce moment-là, notre relation est passée à unautre " niveau " et pendant tout un temps, il a arrêtéde s’excuser quand il nous parlait et a commencé àse mettre en valeur. Il a dit un jour : « Tu dois te direque je n’arrête pas de me battre en ce moment, hein ?Mais il le faut ! »

Il a gagné cela déjà. Mais la vie reste dure, tout n’estpas gagné parce qu’on se lève et qu’on lutte. Maisen même temps, cela change tout. En plus, il agagné un ami avec lequel il a vécu des momentsforts, quelqu’un qui l’a mis en lien avec d’autresqui l’ont respecté. Après le passage de la Caravanede la Fraternité, il nous a dit : « Je me suis sentirespecté dès le premier moment »Alvaro dit : « J’ai voulu qu’il se sache un hommeavec de la valeur par lui-même, capable d’avoir unavis sur les choses, une opinion, sans besoin dedemander à l’autre s’il est d’accord, sans demanderla permission, qu’il sache qu’il était important etm’importait et que personne n’avait le droit de l’a-baisser. J’aurais voulu qu’il s’aime plus et ne sedétruise pas avec l’alcool. Qu’il ait confiance en lui-même, prenne sa vie en main... J’aurais voulu que lamisère disparaisse ! »Il y a aussi Elisabeth, la voisine du dessus. Nousavons voulu qu’elle soit fière de sa façon d’êtreprésente aux gens, qu’elle sache combien cela étaitimportant, pour les gens, pour le quartier. Nousavons pu lui dire qu’il y avait le Mouvement ATDQuart Monde qui rassemblait des gens comme elle,des gens qui se veulent présents à ceux qui souffrentà cause de la misère... Et puis il y a ce trésor qu’elle

Réalisation d’une fresque, à Liévin(Nord-Pas de-Calais).

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nous a offert récemment dans la dédicace du livrequ’ils nous ont donné : « Vous nous avez apportéune petite lumière d’espoir ». Un trésor et uneresponsabilité. Mais qu’on porte ensemblemaintenant, parce qu’elle aussi apporte de l’espoirautour d’elle.

Marina dit : « C’est avec Elisabeth que j’ai vouluvivre l’idéal du Mouvement atd quart monde. Noussommes devenues amies. Je voulais apprendred’elle, je voulais qu’on avance et qu’on apprenneensemble. Je voulais qu’elle valorise sa façond’être là, son expérience, même les choses dures.Oui, nous sommes devenues amies et c’est ça quiest génial. L’amitié peut nous aider à sortir lemeilleur de nous-mêmes, à vouloir le meilleur pourl’autre, à mieux l’écouter, à changer d’avis grâce àl’autre, à dire la vérité. »

Nous voulions que Josette sache combien elle estextraordinaire et qu’elle n’avait pas à avoir hontede ce qu’elle avait vécu, qu’elle pouvait sortir,rencontrer d’autres, vivre au-delà des murs de samaison, de sa famille... Et elle a commencé à lefaire avec le groupe de préparation de l’Universitépopulaire Quart Monde que nous avons lancéensemble. Nous avons voulu que nos amis gagnentle Mouvement ATD Quart Monde, c’est-à-dire uneouverture, une appartenance, un soutien, unengagement par soi-même, avec d’autres, pour lessiens et pour le monde, une compréhension de savie et du monde. Qu’ils gagnent la certitude que leschoses peuvent changer parce qu’ils prennent leurvie en main...

Mais nous aussi, nous gagnons des choses.C’est cela la vie, la réciprocité

Nous avons appris tellement de choses de nosvoisins, de nos amis. Nous avons tous tellement àapprendre de ce qui se vit dans des quartiers commecelui-là !Nous avons appris à reconnaître les raisons desgens pour agir, à valoriser leurs stratégies pour seprotéger, rester maîtres des espaces de leur vie, voircela comme une force à développer, sur laquelles’appuyer. Comme Jean-Marie qui allait rencontrerson éducateur quand il avait quelque chose depositif à mettre en avant et non pas quand celui-cile lui imposait.Nous avons appris d’Elisabeth l’importance d’êtreexigeant avec les gens parce que chacun restetoujours responsable de ses actes, parce qu’on estcapable de résister face aux mauvais coups de la vie

et changer nos attitudes, mais surtout parce qu’onaime les gens et qu’on ne veut pas qu’ils sedétruisent.J’ai appris d’Ahmed l’importance du respect entreles êtres humains pour que la vie ensemble soitpossible, de David qu’on doit rester positif malgrétout face aux mauvais coups de la vie, de Jérôme,que derrière un jeune silencieux peut se cacher unmonde plein de poésie, de richesses et de surprises,de Pierre, que l’important c’est d’être pardonné,pris en compte malgré les erreurs possibles et qu’onpeut toujours changer, devenir meilleur que cequ’on a été, de Josette, combien nous sommes fortsà l’intérieur, les êtres humains, mais que tout nepeut pas rester dedans parce que sinon, on craque..Nous avons appris sur nous-mêmes, nous avons sur-monté des peurs et des préjugés. C’était l’envie queles choses changent qui nous faisait réagir. Marinadit : « J’ai trouvé un courage que je ne savais pasque j’avais. »

Alvaro dit : « Je crois que je veux nuancer plusmes propos et entendre les propos des autres plusnuancés, que je suis plus radical maintenant maisaussi plus compréhensif, que je veux comprendremieux ce que l’autre vit, sent, et prendre le tempspour me faire une opinion. Je sais maintenant quevivre ensemble et avancer entre personnes dedifférents pays, cultures, expériences de vie estpossible s’il y a la volonté. »

Un Mouvement derrière, en soutien, etdevant, en construction avec nos voisins

Elisabeth nous a dit lors de notre dernière réunion :« Je croyais qu’ils étaient fous, qu’ils voulaient chan-ger le monde rien qu’à eux deux, mais je ne savaispas qu’il y avait tout ce monde derrière. »

Appartenir au Mouvement ATD Quart Monde nousa permis d’aller au-delà de nos incompréhensions,de nos désillusions. Grâce aux rencontres etdiscussions avec les uns et les autres, avec l’équipenationale nous avons pu comprendre ce que nousétions en train de vivre, ce que nos voisins vivaientet trouver des chemins pour nous rapprocher etavancer. Surtout, cela nous aidait à y croire.

Nous avons vécu sans doute quelque chosed’essentiel du volontariat : la vie partagée, faire lepari que l’on peut vivre ensemble et l’essayer enfaisant tout pour que cela devienne possible. C’estcela le meilleur que le volontariat peut apporter à lasociété.

Rapport Moral ATD Quart Monde France 2007

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À Liévin, parents et enfantsont participé à la réalisationd’une fresque avec les jeunesdes Caravanes européennes

de la fraternité et lesmembres du Mouvement ATD

Quart Monde.

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« Je t’aime tant, papa - Moi aussi mon coeur ! »,canton d’Antrain, Bazouges-la-Pérouse en Bretagne.

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Panier pour recevoir les signatures de laDéclaration de Solidarité, sur le parvis du

Trocadéro à Paris, le 17 octobre 2007.

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1.1.1- Regards croisés : des gestes,des actes et des paroles

La rencontre avec le juge« Lundi 5 février, Monsieur et Madame Bonnet,militants Quart Monde, avaient rendez-vous avecle juge des enfants, dans son bureau. C’estMonsieur Bonnet qui avait sollicité cette rencontre,hors audience. La famille avait demandé que je lesaccompagne, ce que le juge avait accepté.

Il faut dire que M. et Mme Bonnet ne s’étaient pasprésentés à l’audience du mois dernier. Lesréférents de l’aide à l’enfance s’étaient retrouvésseuls devant le juge. Monsieur Bonnet, par sonabsence, voulait manifester sa révolte : ses enfants(2 filles et 1 garçon) sont placés depuis deux ans etdepuis un an environ n’ont plus le droit de revenirchez leurs parents. Les visites ont lieu dans lesbureaux des services de l’Aide sociale à l’enfance(ASE) : ce sont des visites médiatisées en présenced’un éducateur.L’attitude de refus de M. et Mme Bonnet allait dansune impasse et j’ai suggéré à Monsieur Bonnetd’écrire au juge pour lui demander un rendez-vous.Celui-ci a répondu très vite et nous a donc reçus le5 février après-midi. M. et Mme Bonnet étaient trèscalmes. Monsieur Bonnet s’est exprimé de façonrespectueuse mais très clairement. Il demande queses filles reviennent deux week-ends par mois à lamaison (pour le fils qui est malade, en hôpitalpsychiatrique, il faudra revoir plus tard). Il expliquequ’il n’a jamais frappé ses enfants mais que,comme lui-même a toujours été en foyer, il ne saitpas bien faire et que ce n’est pas à la légion qu’onapprend à élever des enfants. « J’ai besoin d’aide,je ne refuse pas d’être aidé, au contraire ! »

Le juge écoute attentivement, d’abord tout droit surson siège - et nous au fond de la pièce. Il penchepeu à peu sa tête vers nous et se retrouve bientôtpresque à l’horizontale sur son bureau. C’estspectaculaire !

Le juge : « Et vous, Madame Bonnet, vous ne parlezpas ? »

Madame Bonnet : « Je veux que mes filles revien-nent le week-end à la maison. J’ai une nouvellemaison, très belle et mes filles ne la connaissentpas. »Le juge : « Mais c’est la première fois que nouspouvons aller ainsi jusqu’au bout d’un entretien. »Monsieur Bonnet : « Ah oui, monsieur le Juge, jevoudrais aussi aller au " gîte " » (Espace de Vie) (1)

Le juge : « Mais bien sûr, je connais l’Espace deVie et je vais faire une note à l’ASE. Et puis pour laprochaine audience, j’inviterai moins de monde, jeverrai les médecins avant (pour le garçon). Nousserons moins nombreux, vous serez ainsi plus àl’aise. Et Madame Godin pourra venir chaque foisque vous le désirerez ».M. et Mme Bonnet partent du Palais de Justice,ravis de leur rencontre. Lui me dit : « Tu as vu, jesuis resté calme » et elle : « Et moi j’ai bien parlé,je n’ai pas eu peur ». Pour fêter cet heureux événe-ment, nous nous installons dans le plus beau caféde la ville, sur la grand place ! ». H , alliée

Etre enterré dans la dignité« Madame Jacqueline B. est décédée le jeudi 13septembre. Le samedi 15, Rosette, militante QuartMonde, est allée voir le corps de son amie avecdeux alliées. Jacqueline n’avait pas d’habits.Rosette voulait que son amie soit vêtue et le lundi17, une des deux alliées est retournée à la morguepour apporter des vêtements. Le jour del’enterrement, le vendredi 21, Rosette, Odette etMyriam, deux autres militantes Quart Monde etFrançois, un volontaire, se sont rendu compte queJacqueline n’était toujours pas habillée. Lespersonnes de la morgue leur ont dit qu’habiller lescorps était de la responsabilité des pompes funèbresqui préparaient les corps pour l’inhumation.Lorsqu’elles sont arrivées, les personnes despompes funèbres ont dit que Jacqueline étantenterrée comme indigente, c’était la mairie de lacommune où elle vivait qui payait pour cet

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1- Projet en partenariat avec ATD Quart Monde proposant unealternative aux sorties médiatisées, souvent mal vécues,permettent à plusieurs familles de passer un week-end ensemble,dans un gîte, avec leurs enfants placés.

I - Faire connaissance pour agir autrement

1.1 - Partager la vie quotidienne pour la changer

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enterrement. Habiller un mort est facturé 152 €.Comme la mairie qui allait payer la facture n’avaitpas donné d’ordre particulier pour habiller le corps,rien n’avait donc été fait dans ce sens. François ainsisté pour que Jacqueline soit vêtue. Unepersonne de la morgue est alors allée chercher lesvêtements déposés le lundi précédent et lespersonnes des pompes funèbres ont vêtuJacqueline. Sans la vigilance de trois militantes etd’autres personnes, pour 152 €, Jacqueline auraitété enterrée sans vêtements. » J., volontaire-permanent

Deux rentrées scolaires« Mardi 4 septembre, les 5 enfants de Nouria, âgésde 3 à 12 ans, devront se lever à 6h du matin, quitterl’hôtel " Formule 1 " (2) situé dans une zoneindustrielle d’une petite ville de banlieue parisienneet marcher pendant 40 minutes, avant de prendre letrain puis un bus pour aller à l’école.Est-ce qu’ils oseront raconter leur été, passé dansleur minuscule chambre ou sur le parking del’hôtel, situé entre l’autoroute et des usines ? Peut-être que la petite Malika racontera avec malicequ’elle a aidé les réceptionnistes ou les dames deménage... Ahmed, lui, est très inquiet : est-ce qu’ilsera bien inscrit dans le collège qu’il a quittéprécipitamment à la mi-juin ? Bella, elle, estheureuse de faire autre chose que regarder la télétoute la journée, ou accompagner sa maman fairedes courses à des kilomètres de là dans un magasinmoins cher... Est-ce leur faute à eux s’il y a eu unincendie dans leur appartement qui a tout détruit etque, parce que leurs parents ont des dettes de loyers,ils n’ont pas été relogés « dans une nouvellemaison » ?

Mardi 4 septembre, les 8 enfants de Sophie, les 3de Nadine et les 3 de Corinne seront peut-être à deskilomètres de l’école dans laquelle ils viennent depasser une bonne année, où pour une fois ilsn’avaient pas été traités « de pouilleux » ou ins-tallés au fond de la classe parce qu’ils sont desvoyageurs... ils ne pourront peut-être pas y faireleur rentrée, et même nulle part ailleurs... Le terrainsur lequel ils se sont installés, après avoir subi defortes menaces d’expulsion du terrain qui les a vugrandir et qu’ils ont quitté en catastrophe il y aun an, ferme lui aussi, et ils doivent le quitter sansaucune proposition d’autre chose. Les enfants sontimpatients de retourner à l’école... même ils saventqu’ils devront se réveiller très tôt pour se laverchacun leur tour au lavabo, en espérant que la cuvesoit pleine ; ils savent qu’ils n’auront le droitd’enfiler leurs vêtements d’école et leurs

chaussures qu’à la dernière minute et qu’ils devrontse changer tout de suite en rentrant, pour ne surtoutpas les abîmer sur les pierres du terrain ou se salirdans la poussière qui s’élève du sol autour desmobile homes ; ils passeront aussi trèsrégulièrement dans les mains expertes des aînéspour vérifier qu’ils n’ont pas de poux... surtout, nepas se faire remarquer ! » C. , volontaire-permanent

Paris en bateau-mouche« 31 adultes et 43 enfants de la cité de promotionfamiliale ont participé tout au long de l’été auxsorties en bateau-mouche. C’est bon de voir lesregards qui s’illuminent, la vie qui jaillit, mêmepour quelques minutes. Les gens sont vraimentavides de beau, de vie. Leur quotidien en est tropsouvent sous-alimenté. Il y a comme une faim quis’ignore et qui se réveille alors. Et l’appétit reprendsa place, avec ses projets.

Dans le métro, j’explique aux enfants que noussommes sous la terre, qu’au-dessus de nous, il y ades maisons, des immeubles, des magasins, desvoitures... Et que bientôt, le métro va sortir de terreet que nous apercevrons la Tour Eiffel.Un petit garçon me dit qu’il habite juste à côté de laTour Eiffel. Kévin répond : «Moi, j’habite juste àcôté de Super U ». Les enfants me posent plein dequestions auxquelles j’ai bien du mal à répondre :combien pèse la Tour Eiffel, la profondeur de laSeine...Le départ est épique. Pierre, quinze ans, reste àl’écart, walkman sur les oreilles. Mais sur le bateau,il s’intéresse. Je lui montre l’Assemblée nationale.Je lui explique. Il redit à sa mère : « T’as vu, c’estlà que les lois sont votées ».Gisèle, quant à elle, est émerveillée. Elle me faitl’impression d’une petite fille. « C’est magnifique »,puis « c’est quoi ça, et ça, et ça ? ». Elle est avide.Elle boit, savoure, déguste tout ce que je peux luidire de Paris, regrette que nous ayons oubliél’appareil photo. Elle souhaite revenir à Paris,prendre le bus qui fait le tour de la capitale, aller aumusée d’Orsay, au Grand Palais. Au retour, elleme remercie très fortement. Elle veut entreprendreles démarches pour partir en vacances en août. »

V. , volontaire-permanente

2- Nous constatons l’augmentation du nombre de familleschassées de partout, contrainte de vivre à l’hôtel ou envoyées àl’hôtel par le 115.

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Chronique du mépris ordinaire :une histoire de saisie bancaire

« Lundi 22 octobre, Corinne vient me voir affolée :son compte bancaire a été entièrement vidé, saisipour une dette de loyers qu’elle récuse. Mardi 23, avec Corinne nous essayons decomprendre ce qui s’est passé. Elle a reçu uncourrier comme quoi elle devait plus de 5 500 €

aux HLM de la ville de V.Je téléphone à la personne référente du dossier,Madame Gibois. J’ai beaucoup de mal à obtenirquelques renseignements et elle a du mal à sortir deson raisonnement : Corinne a été condamnée doncelle est coupable et doit payer. Je dois user debeaucoup de diplomatie pour arriver à savoir dequoi il retourne. Corinne est accusée d’avoir squattéun appartement entre mars 2003 et juin 2005 avecun certain Monsieur F. Corinne dit ne pas connaîtrece monsieur. La dame des HLM me dit qu’ils n’ontpas retrouvé la trace de ce monsieur, aussi c’est àCorinne que revient de payer la dette.

Je propose à Madame Gibois de lui envoyer lapreuve qu’aux dates incriminées Corinne nepouvait pas vivre à cet endroit... avec ce monsieur.Elle est très hautaine et me dit : « Vous pouveztoujours me les envoyer. » Je demande à Corinnede retrouver toutes les quittances de loyer prouvantqu’elle habitait alors à Paris avec sa famille à cesdates-là. Il est aussi possible d’obtenir untémoignage écrit du gardien. Corinne obtient de sonbailleur un duplicata de toutes les quittances deloyer et le gardien accepte de témoigner.

Je l’aide d’autre part à écrire au médiateur duministère de l’Économie. Elle aura une réponsequinze jours plus tard lui disant qu’il y a une tellequantité de plaintes que la sienne ne sera examinéeque dans un délai de deux ans !J’accompagne Corinne à la banque pour leurdemander s’ils peuvent suspendre la saisie jusqu’ànouvel ordre. Ils me disent que cela est impossiblecar il s’agit du Trésor Public. Je leur parle du mi-nimum insaisissable égal au RMI, mais là encore,on me répond que seules les sommes versées par laCAF sont insaisissables. Je leur dis que c’est bienle cas du RMI, ce qu’ils ne savaient pas.

Le 25 octobre, nous envoyons tout cela aux HLMde V. par courrier recommandé. Je téléphone le 31pour voir si Madame Gibois a bien reçu le courrier :« Oui me dit-elle mais je n’ai pas encore eu letemps de le traiter ! Rappelez la semaineprochaine ! » Avec Corinne nous rappelons ainsiplusieurs fois... l’affaire suit la voie hiérarchique !

Je n’arrive pas à en savoir plus. Je redemande quela saisie soit ajournée mais Madame Gibois me ditque rien n’est possible une fois que la procédure estlancée.

Un mois plus tard, jeudi 22 novembre, nousretéléphonons aux HLM, Madame Gibois me dittout naturellement : « Le dossier est passé en non-valeur. La dette est supprimée. » Je lui dis masurprise qu’aucun courrier n’ait été adressé àCorinne pour le lui signifier. Elle me répond :« Nous ne faisons jamais cela. Il y a beaucoup tropde dossier à traiter ! » J’avoue être sidérée ! Aucunécrit n’est prévu pour signifier aux gens que laprocédure est arrêtée, aucune explication, aucunesexcuses !

Et pour récupérer les sommes déjà prélevées ?Madame Gibois m’affirme que rien n’a été encaissépar les HLM et qu’il faut aller voir avec la banque. Dans la semaine qui a suivi, j’ai téléphoné plusieursfois à Corinne pour savoir ce qu’a dit la banquemais je n’arrive pas à la joindre. Finalement ellepasse me voir le vendredi 30 novembre : elle a reçuune note administrative des HLM lui signifiant quela dette est annulée. Elle me dit que la banque ditqu’elle ne peut la rembourser puisque l’argent a étéversé à la Trésorerie générale c’est donc à eux de larembourser ainsi que les frais de 80 €. »

M., volontaire-permanente

« Je me souviens »« Je me souviens, lorsque j’avais 9 ans, l’âge deLaetitia... (Laetitia est une petite fille qui habite àNoisy-le-Grand, à la cité de promotion familiale).Dans ma classe, une fille restait toujours en arrière,seule. La maîtresse nous disait de l’attendre maisnous, les autres élèves, on faisait comme si on ne lavoyait pas. Elle sentait mauvais. On disait qu’il n’yavait pas d’eau chez elle. Je l’avais accompagnéejusqu’à sa porte un jour. J’aurais bien aimé rentrermais elle ne m’a pas invitée.

Laetitia, elle, a invité sa classe. Pas chez elle maisau " Pivot culurel " où nous accueillons des enfantsaprès l’école ; là où c’est grand, là où elle joue authéâtre, là où elle dessine, où elle peint, écoute descontes, fait des sorties, où elle jardine. Laetitiaadore jardiner. Cela s’est passé comme ça : des adultes ont parléde Laetitia à l’école, certains ont mis en avant lerejet de Laetitia par les autres enfants, d’autres ontdit que la fillette restait à l’écart ou encore qu’elleavait des difficultés, l’un des adultes, celui qui a

Rapport Moral ATD Quart Monde France 2007

14Rapport Moral ATD Quart Monde France 2007

commencé le jardin avec elle, a eu l’idée d’unscénario où Laetitia aurait le premier rôle : pré-sentatrice du centre ! Laetitia s’est jetée dansl’aventure. Elle ne veut plus être seule pendant larécréation, elle ne veut plus entendre les remarquessur son odeur, ses habits, son retard. Elle a dessinéun carton d’invitation et a expliqué : « Si j’invitema classe, s’ils viennent, si ça leur plaît, s’ilsreviennent, s’ils me remercient, peut-être que jedeviendrai leur copine ». La classe est venue.J’aime les enfants. J’en ai certainement connus descentaines. Quelques-uns, par leur regard, leurraisonnement ou leur rage, m’ont appris qu’euxaussi combattent l’exclusion. »

D., volontaire-permanente

Noël malgré tout« Les parents voient leurs trois filles Cindy, Sara etLéa tous les quinze jours dans le foyer où elles sontplacées. A chaque fois quelqu’un de l’équipe lesaccompagne. Les relations avec l’éducateur del’ASE qui les suit et avec le foyer d’accueil ne sontpas évidentes, tout simplement parce que les visitesont lieu le samedi, jour de congé de l’éducateur. J’aiaccompagné les parents le 23 décembre : ilsdevaient fêter Noël avec leurs filles et j’ai été trèssurprise du cadre de l’accueil : une salle de cantine,avec des chaises entassées sur une table dans uncoin devant une fenêtre, ce qui bouchait le jour déjàtrès gris. Aucune décoration n’évoquant la fête, lerepas d’un jour ordinaire amené sur une tableroulante. La date du 23 a été choisie, sans qu’onnous en parle et, quand j’ai évoqué avec letravailleur social qui suit la famille le fait qu’onaurait pu envisager de fêter Noël avec les parentschez des volontaires en invitant les filles, il m’a ditque le foyer organisait une sortie le jour de Noël etque c’était aussi bien comme cela. J’ai laissé,sachant qu’il aurait fallu une énergie incroyablepour essayer de changer le cours des choses...Comment croiser des logiques différentes ?Le 23 était attendu par les parents d’une manièretrès intense et ils étaient prêts le jour J, même si lesjours précédents avaient été très tendus. Ils avaientemballé de très beaux cadeaux achetés avec soinpour leurs filles. Le papa était très énervé dans lavoiture, il a une sensibilité à fleur de peau et est trèschoqué qu’on mure actuellement des logementsdans son quartier alors que des personnes meurentde froid à la rue. L’éducateur du foyer m’a bien dit quand je suisarrivée qu’il ne fallait pas que je reste ; je me suiséclipsée pour aller acheter un appareil photo jetableet quand je suis revenue, Cindy et Sara sont parties

demander avec leur mère si je pouvais restermanger. Elles m’ont dit que je pouvais rester, maisje n’ai vu aucun responsable de la maison. Le repasa été un peu bizarre : il n’y a eu aucun moment oùtoute la famille a été ensemble autour de la table.Le papa au début a passé beaucoup de temps àessayer de monter un berceau de poupée offert à sadernière fille. Il s’est énervé et comme personne nefaisait vraiment attention à l’effort qu’il faisait, ilest parti furieux en claquant la porte en disantquelque chose comme « Je croyais qu’on avait ditqu’on ferait la fête en famille, j’aurais pas dû lecroire, c’est du pipeau ».Cindy, 9 ans, qui sait vraiment comment prendreson père, s’est mise à redémonter et à remonter leberceau comme il fallait, et son père est revenu etl’a fini avec elle. Il y a eu un beau moment decomplicité entre eux à ce moment-là. Comme à lafin du repas où Sara avait choisi de mettre lacassette d’un morceau de musique que son pèreaimait bien et où la famille a commencé à danser. »C., volontaire-permanente

« Épurer le quartier »« Lundi 20 janvier : 10h " Réunion de caged’escalier ". Cette réunion est proposée par notrebailleur pour discuter avec les habitants des thèmessuivants : sécurité, propreté, vie en collectivité.Nous nous disons que c’est une occasion derencontrer des voisins. A 10h, le responsable dupoint Service et un autre employé sont là. Jem’étonne qu’il y ait si peu de monde à la réunion.Comment ont-ils prévenu de la réunion ? Ils ont misune affiche que je n’ai jamais vue, des courriersdans les boîtes aux lettres, mais ne sont pas passésvoir les gens : ils font ce type de réunion une foispar an. Pour l’instant, dans les bâtiments qu’ils ont visités,le mieux ce fut 4 logements représentés.Finalement, la voisine du rez-de-chaussée nousrejoint. Elle constate une amélioration concernantla propreté et la sécurité et reparle de problèmesqu’elle a vécus à cause des poubelles, des jeunesqui squattaient les caves et entrées, des propriétairesde chiens, du bruit. Elle est assez critique surl’environnement et la résidence. Les représentantsdu bailleur expliquent que la politique est justementde changer l’image du quartier en fermant lesentrées, en privatisant les parkings et en faisantpartir les " familles à problèmes ". Les mots utiliséspour parler des familles en difficulté sont violents :" épurer le quartier ", " ne pas accepter des famillesqui poseront des problèmes ". Sur le quartier ils ontdu mal à relouer les appartements, 54 logements

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restent vides, mais certains ne sont pas en étatd’être loués et nécessiteraient des travaux deréhabilitation. G., volontaire-permanente

Vivre dans l’errance(Extraits du débat « Habiter ensemble » le 17 octobre2007).

– « J’ai vécu dans la rue avec un bébé. Les gensvivant dans la rue n’existent pas aux yeux desautres. Plus on vit dans la rue et plus il est dur deretourner à une " vie normale ".Avec ma concubine, nous avons habité 3 ans dansun hôtel qui nous coûtait très cher. Devantaccoucher, elle a pu être hébergée temporairementdans divers centres d’hébergement (5 au total)avant d’avoir enfin accès à un foyer. Mais moi, jene pouvais pas habiter avec elle parce que les foyerssont presque tous divisés entre hommes et femmes.Cette situation a duré 3 ans.J’ai honte de dire que j’habite à l’hôtel. Ma fille a15 ans et demi, elle est bonne élève, mais là, sesrésultats baissent parce qu’elle commence à sedémoraliser. Je crains tous les jours que la DDASSvienne me prendre mes enfants. Je fais tout pourmes enfants. Mais ma fille me dit qu’elle n’a mêmepas de bureau pour faire ses devoirs. Quand ellecroise une copine devant l’hôtel, elle dit que samère y travaille pour cacher la vérité. C’est commeça que les enfants apprennent à mentir ! »

F., militant Quart Monde

– « Le sentiment de mes habitants est souventqu’ils sont assignés à résidence. Il nous faut doncmettre en place une action globale et unifiée surl’ensemble de la région. Sans cela, on aura toujourscette idée que certaines personnes ont le droitd’habiter quelque part, et d’autres non. »

G.P., maire de L.

– « L’association " 6 à Tous " est partie de l’idéequ’habiter un quartier privilégié donne des devoirset notamment ceux de faire pression pouraugmenter le nombre de logements sociaux. C’estun devoir de citoyens, mais aussi de parents. Si onne vit pas dans les mêmes lieux, les mêmes écoles,on perd l’effort de se comprendre. »

M., militante associative

– « Mon expérience est celle d’un élu d’une villefavorisée. Il faut respecter chacun dans sa diversité,car on ne choisit pas sa naissance. Une sociétééquilibrée est une société dans laquelle chacun,avec ses différences, est capable de vivre ensemble.Mais il est clair aussi, que c’est la responsabilité et

l’obligation des forts, des riches et des instruits, dese mettre au service des faibles, des pauvres et desillettrés. C’est ainsi qu’ils trouveront le sens de leurvie et que notre société sera véritablementhumaine. » J. B., maire de M.

Les moyens de la rencontre :en Pologne, avec les Caravanes

«J’ai vu toute une famille Rom assise sur un banc,certains enfants de cette famille participaient àl’atelier silhouette (atelier proposé pour les enfants).J’ai été inviter les adultes, avec mes quelques motsde polonais, à participer aux farandoles. Seule unefemme m’a suivie. Elle a commencé sa farandolemais au bout de 10 minutes, elle a eu l’impressionque ce qu’elle faisait n’était pas beau et qu’elle n’yarriverait pas. J’ai essayé de la retenir mais,manquant de mots en polonais, je n’ai pas pu. Elleest retournée auprès de sa famille, en colère,presque humiliée de cet échec. J’ai demandé àChristian, un jeune polonais qui a beaucoup traduitpour nous, s’il voulait bien aller lui parler. Il n’a paseu de succès, elle ne voulait vraiment pas continuer.Cette situation m’a rendue triste, je me sentaisimpuissante. Une personne qui subit l’humiliationde ne pas arriver à finir ce que tout le mondeparvient à faire, cela me rend triste.J’ai réfléchi pendant quelques minutes et j’aidemandé à une jeune fille de m’écrire cette phrase,

Les marionnettes des Caravanes européennes de lafraternité, à Barraux (Isère).

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en polonais : « Jestem smutna bo wazne jest dlamnie co mowisz » (« Je suis triste, parce que ce quevous pouvez dire est important pour moi »). J’aiappris à la prononcer puis je suis retournée voircette femme, toujours assise sur le même banc. Jelui ai lu cette phrase de manière à ce qu’elle seulepuisse entendre, car certains enfants roms s’étaientdéjà moqués d’elle auparavant.Je n’espérais pas forcément qu’elle revienne maisau moins, je voulais qu’elle sache que son départne m’était pas indifférent, que je n’allais pas justepasser à quelqu’un d’autre et l’oublier comme ça.Elle m’a fait comprendre qu’elle ne voulaitvraiment pas revenir et je suis partie. Mais, un quartd’heure plus tard, elle est revenue et a expliqué quesi je l’aidais, elle voulait bien continuer. En fait, jene l’ai qua-siment pas aidée car elle savait tout fairetoute seule et à la fin, c’est elle qui enlevait mesmains pour que j’arrête de l’aider. Je suis restéeassise à côté d’elle tout l’après-midi. Elle ne savaitpas écrire, donc elle nous a donné son message àl’oral et nous l’avons écrit pour elle. En françaiscela donne : « Je voudrais que tout le mondes’entende bien, et que tout le monde se respecte ». »

L., caravanière(Voir Chapitre « Caravanes de la fraternité» , p.37).

Ils m’ont redonné envie de me battre« Beaucoup de choses se mélangent dans ma têteavec l’arrivée du 17 octobre...Cet été, j’ai pu rencontrer les jeunes des caravanes,lors de leur passage dans ma ville. Ils m’ontredonné l’envie de me battre et m’ont permis dereprendre confiance en moi.J’ai vécu trop de choses lourdes à porter depuisl’âge de neuf ans. Et lorsque je suis devenuemaman, ça été très dur avec la violence physique etmorale que je subissais de la part du père de mesenfants et de sa famille.Après ma séparation il y a trois ans, j’ai vécu avecmes deux enfants dans un foyer. Ça a duré deux ans.C’était très dur car j’y avais vécu avec ma mamanet mes frères et sœurs quand j’étais petite. Du coup,tous ces moments me sont revenus en mémoire...J’ai bien cru que je ne relèverai jamais la tête. Je nefaisais plus rien, j’avais trop mal et j’étais touteseule. J’avais l’impression de voir maman... Ma santé en a pris un coup. J’étais au bord dugouffre et, sans le vouloir, j’y emmenais mesenfants. C’est là que j’ai réagi et que j’ai ouvert lesyeux. Je me suis remise à écrire il y a un an. Ça aété comme une thérapie. Je me réfugiais tous lessoirs dans l’écriture de mes chansons.La misère, dans tous les sens du terme, a bien failli

m’avoir comme elle a eu maman. Mais j’ai reprisdeux fois plus de force lors du passage descaravanes.Aujourd’hui, je veux continuer à me battre pourmes enfants, pour les enfants du monde et pour lesfamilles. La misère pourra être vaincue par les gensqui la vivent ou qui l’ont vécue.Elle a plusieurs visages, mais quels qu’ils soient,on pourra, par nos paroles et nos actions, réussir àla détruire. Cette année, je serai présente auTrocadéro pour rendre hommage à ma maman. Elleétait présente il y a vingt ans, lors de l’inaugurationde la dalle à l’honneur des victimes de la misère.Elle s’est toujours battu. Beaucoup de gens laconnaissaient. La misère nous l’a enlevée, maisnous, on réussira à vaincre la misère pour que lessourires effacent les larmes... »

Myriam B, militante Quart Monde

1.1.2- Lieux de présence : refuserles ghettos, rejoindre lequotidien et le combat deshabitants

En 2007, 30 personnes (des volontaires-per-manents, des militants Quart Monde ou des alliés)ont choisi de s’implanter ou de continuer à habiterdans des cités «familiales» (immeubles de 4 étages)ou dans de grandes cités paupérisées ou encore enzone rurale isolée. 14 lieux sont ainsi investis parune action présence :Erstein dans le Bas-Rhin (2 volontaires) ; Liévindans le Pas-de-Calais (2 volontaires, partis ennovembre 2007) ; Noisy-le-Grand en Seine-Saint-Denis (6 volontaires) ; Somain dans le Nord (2volontaires) ; Saint-Germain la Blanche Herbedans le Calvados (1 militante partie en juillet) ;Pézenas dans l’Hérault (1 alliée) ; Marseille(quartiers des Aygalades et des Rosiers dans lesBouches-du-Rhône (4 volontaires) ; Bron dans leRhône (2 alliés et 1 couple en découverte duvolontariat) ; Rennes (quartier du Blosne) en Ille-et-Vilaine (2 volontaires) ; Chanteloup-Les-Vignes dans les Yvelines (1 volontaire) ; Lens dansle Pas-de-Calais (2 volontaires) ; Clichy sous bois(quartier du Chêne pointu) en Seine saint Denis (2volontaires, depuis novembre 2007) ; Lastic etvillages environnants dans le Puy de Dôme (1volontaire partie en novembre 2007).

(Voir Préambule « Habiter et apprendre ensemble » enpage 7).

1.1.3- La promotion au quotidien

« La Nation assure à l’individu et à lafamille les conditions nécessaires à leurdéveloppement.»(Préambule de la Constitution française).

ATD Quart Monde est parfois reconnu pour sacapacité à permettre aux plus démunis de prendrela parole et d’apporter leur pensée pour concevoirdes actions efficaces contre la misère. Mais cedébut de liberté de penser et d’agir n’est que ledessus de l’iceberg. Il est le fruit d’une actionquotidienne pour rejoindre le combat personnel dechacun pour se reconstruire et se libérer de lamisère. Cette action se joue au quotidien, dans uncompagnonnage exigeant et fraternel où laconfiance bâtie au jour le jour finit par permettre deconfronter les blessures, les dépendances, lesblocages provoqués par la misère et qui empêchentde s’en sortir.

Les actions existantes et un nouveauprojet

Parmi les volontaires-permanents engagés dans cesactions de promotion familiale, certains le sont dansdes projets formalisés qui touchent les famillesentières : ils sont 16 dans la Cité de promotionfamiliale, sociale et culturelle de Noisy-le-Grand ;4 dans l’entreprise solidaire « Travailler etApprendre Ensemble » ; 3 dans « Les espaces jeurencontre » dans différents village du cantond’Antrain en Ille-et-Vilaine ; 4 dans la Maison devacances familiales de La Bise, dans le Jura ; 2 dansle projet de réussite éducative avec les parents àRennes dans le quartier de Maurepas.D’autres, soutenus par des alliés, sont engagés horsstructures : 9 avec des familles à Liévin dans le Pas-de-Calais, à Erstein en Alsace, à Ermont dans le Vald’Oise, à Marseille aux Rosiers ; 3 avec des jeunesdans le Val d’Oise ; 3 avec des enfants en Alsace età Marseille (quartier de Bellevue).Un nouveau projet-pilote de promotion familiale etsociale est en création dans le Nord de la France, àLille. Un comité exploratoire, composé de volon-taires-permanents et d’alliés d’ATD Quart Monde,de travailleurs sociaux de la prévention et del’UDAF, d’un avocat spécialisé dans la protectionde l’enfance, d’une principale de collège, est misen place et recherche des partenariats locaux,régionaux et nationaux. Il s’agit d’expérimenterdans un quartier populaire une action collectivepour habiter et apprendre ensemble une vie quipermet à chacun de vivre une promotion

personnelle, familiale et sociale ; que population etinstitutions apprennent à agir et apprendreensemble en croisant leurs engagements, leurssavoirs et leurs pratiques pour que chacun puisse sedévelopper et donner le meilleur de lui- même.

Un réseau pour se former à l’action decompagnonnage au quotidien

Nous avons cette année recréé un réseau de travailentre les volontaires-permanents engagés dans cetteaction de promotion humaine au quotidien, avecégalement des alliés professionnels engagés dansdes actions de promotion au nom de leur institution(travail social, protection de l’enfance, école,logement, justice...) et lancé une session annuellede formation, de partage des bonnes pratiques etdes questions dans ce domaine.Certaines des questions abordées à la session ontété ouvertes ou enrichies par des participants :

1) Comment être avec l’autre personne pourqu’elle avance ?- Comment discerner, faire émerger le projet d’unepersonne ? Comment s’adapter au projet d’unparent et de son petit enfant ?

- Comment être pour que la personne puisse parlerde ses malheurs, de ses chagrins, pour qu’ellepuisse donner sens à son histoire familiale ?Comment être pour qu’elle exprime ses pensées ?

En réponse, l’empathie, la compassion ne semblentpas suffire, il faut aussi :- le regard porté sur la personne, celui qui permetd’exister,

- notre tâtonnement, notre questionnement devantles réponses à apporter aux demandes.

Et surtout :- ces moments où on peut happer la personne dansses rêves, ses convictions,

- ces moments où on donne un souffle, où onpermet des temps de paix, de création.

Ce sont des moments où on atteint chez elle « lapart non détruite ».Cette richesse mise à jour qu’elle portait en ellenous permet à d’autres moments de lui dire cequ’on pense ou « tu es plus grand que cela ».

2) La promotion de chacun, c’est aussi le but denos institutions socialesDe nombreuses institutions existent pour soutenirles personnes à faire cela. Mais quand il s’agit desplus pauvres, elles ne savent plus partir despersonnes, de là où elles sont, de leur projet.Déshabituées à faire confiance pour avoir été tropsouvent déçues ou trahies, les personnes en grande

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pauvreté n’ont plus l’habitude de dire leur projet,de demander du soutien. Les institutions faites pourtous deviennent les ennemis des plus pauvres. Ladéfiance s’installe. Face à l’impasse et à l’échec desrelations, ces institutions se transforment tropsouvent en institutions de contrôle au lieu desoutenir, en institutions incompréhensibles et quifont peur, en institutions qui demandent des prérequis et qui rejettent ceux qui ne les ont pas, ceuxqui en auraient le plus besoin d’elles.

3) Mettre des mots pour sortir du non sens,devenir coresponsablesDans la très grande souffrance, les personnes engrande pauvreté elles-mêmes ne comprennent pasce qu’elles vivent. Elles doivent - chaque enfant,chaque jeune, chaque adulte et même les tout-petitsenfants - être dans le langage, mettre des mots poursortir du non sens.

Ces mots permettent de nommer les souffrances,d’être ni dans le déni, ni dans le jugement, maisdans la vérité simplement, même si elle est dure àregarder en face. Les gens ne veulent pas êtrevictimes. Ils veulent être responsables.Responsables oui, mais pas tout seuls. Nommer lasouffrance amène à un moment ou à un autre ànommer aussi l’injustice qui est faite, les conditionshéritées, subies collectivement. Les gens trèspauvres ne peuvent pas prendre leursresponsabilités - ce qu’ils souhaitent profondément- s’ils ne peuvent pas nommer également qu’ils nesont pas seuls responsables, s’ils ne peuvent pasdire l’injustice. Ils ne peuvent pas prendre leursresponsabilités si en même temps tous les autrescitoyens, les institutions, les nations ne prennentpas également les leurs. C’est ainsi que le combatpersonnel et quotidien devient aussi collectif etpolitique.

La misère brise les liens familiaux... La famille esten danger permanent. Quand on vit dans laprécarité, l’intégrité familiale est sans cessemenacée :- de l’intérieur à cause des histoires blessées, àcause des échecs à répétition, des espoirs déçus,des tensions multiples dues aux trop difficilesconditions de vie... ;- et de l’extérieur, à cause des droits fonda-mentaux souvent non respectés dans les domainesdu logement, du travail ou pire d’absence detravail, à cause du regard des autres, et aussi àcause des réponses sociales, pas toujours adaptées,souvent mal comprises et donc mal acceptées, etdont la pire est le placement des enfants...D’où la peur extrême de toutes interventionssociales. Il n’est pas rare que des familles préfèrentse passer des aides qui les soulageraient par peurque ces interventions ne conduisent à la séparationd’avec leurs enfants.Alors face à cette insécurité permanente, tout seconcentre et se cristallise autour sur cet uniqueprojet : vivre en famille, préserver les liens, avecbien sûr de grands risques d’enfermement etd’étouffement. Cela devient comme une obsessionqui trouble toutes les relations : les relations entreles membres de la famille et les relations avecl’extérieur.

Gilbert a trouvé des mots pleins de tendresse pourparler de sa famille :« La famille c’est comme une rose, il faut la laissers’épanouir pour qu’elle soit belle. La famille c’estune source de vie ! »Pourtant Gilbert n’a pas été épargné par la vie. Ilraconte : « La seule image que je garde de monenfance : c’est quand on m’arrache des bras de mamère... De trois ans à 14 ans, j’ai tout effacé de mamémoire. J’ai récupéré mes parents à 14 ans. Avec

mon père ça s’est mal passé. Il est décédé trop vite.On n’a pas eu le temps de se parler... Moi, j’auraisvoulu savoir pourquoi ils m’avaient fait ? »

Gilbert nous rappelle que, quand le lien familial aété brisé, on en garde des traces toute sa vie.Surtout quand on n’a pas compris les pourquoi deson histoire. Le rattachement à son histoirefamiliale forge notre identité. Or, très souvent,l’histoire des très pauvres est une histoire de liensbrisés, une histoire sans passé... des vies sansracines... C’est ainsi qu’on rencontre des adultesqui se trouvent dans l’impossibilité de faire lemoindre projet d’avenir et qui retournent sanscesse leur histoire dans laquelle ils ne trouvent pasde sens.Gilbert a continué en disant : « Mon fils ne connaîtpas mon enfance... Quand on a trop souffert, onne veut pas donner cette souffrance qu’on a déjàdu mal à digérer ! » Gilbert pose aussi la difficilequestion de la transmission. Et beaucoup deparents le disent : « On ne veut pas raconter notrehistoire à nos enfants pour ne pas les fairesouffrir ! » Mais ils disent en même temps : « Onne peut se construire sur des secrets de famille. »

Beaucoup de parents vivent dans ce paradoxe quiles déchire. Cette tension intérieure est uneénorme souffrance. Mais pour pouvoir raconterson histoire à ses enfants, il faut pouvoir y trouverde la fierté, il faut pouvoir sortir de la culpabilité etde la honte. Se laisser réconcilier avec sa proprehistoire, c’est une profonde expérience delibération.

Maryvonne Caillaux, volontaire-permanent

(Extraits de «Contre vents et marées (Éd. Quart Monde),groupe de travail sur la famille animé par MaryvonneCaillaux).

Une clé pour la promotion de chacun : se retrouver dans son histoire familiale

1.2.1- L’Université populaireQuart Monde

L’Université populaire Quart Monde est un lieu derassemblement et d’identité de personnes ensituation de grande précarité qui, avec d’autrespersonnes solidaires, militent pour les droits et ladignité de tous. Ce rassemblement est un acte quifait avancer la démocratie. La démarche estpermanente, elle permet à chacun d’exercer sonintelligence, sa réflexion, dans tous les domaines,pour que personne ne soit exclu de la participationsociale, politique et culturelle.

Les Universités populaires Quart Monde sontimplantées dans huit régions : Alsace, Bretagne,Champagne-Ardenne, Ile-de-France, Nord-Pas-de-Calais, Normandie, Provence-Alpes-Côte-d’Azur,

Rhône-Alpes. Chacune mobilise entre 100 et 300personnes pour une année universitaire, par destravaux personnels, des préparations en petitsgroupes de quartier et des séances plénière detravail régionales : 36 séances plénières ont eu lieuen 2007.

Les sujets abordés sont très variés, choisis par lesparticipants et ensuite débattus, en dialogue avecdes invités extérieurs. Par exemple : l’avenir desenfants, les réfugiés, la mondialisation, l’actualité,le surendettement... (3)

À chaque Université populaire l’invité entre endialogue avec les participants à partir de leurstravaux préparatoires. Il est un professionnel, unélu (4)... un militant d’une cause dans tous les cas,le sujet traité ce jour-là le touche de près. Les invités

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1.2 - Apprendre ensemble une autre manièrede faire société

3- Listes complètes des sujets abordés : Les élections présidentielles, faire entendre la voix des personnes qui vivent la pauvreté (dansquatre régions) • Les élections, les propositions autour de « l’école et l’apprentissage » • Je déclare ma solidarité • Comment s’enrichirau contact de l’autre • Le courage, la résistance • La culture • Quelle est ma place pour que la vie soit meilleure dans mon quartier, dansma ville ? • Refuser la misère, un chemin vers la paix • Le droit d’habiter quelque part • Comment améliorer l’accès aux droitsfondamentaux, le logement et la garantie de moyens d’existence ? • La drogue, les drogues • Le regard • Comment contribuer à l’avenirdes enfants • Les loisirs, la détente, les vacances • Voyages, voyages • Que dire de nos vies à nos enfants pour qu’ils soient mieux armésdans la vie ? • Endettement, surendettement • Réfugiés de par le monde et chez nous • Les loisirs • Notre passé est utile pour rendre lemonde plus juste • La mondialisation • la fête • La dignité (à partir d’un extrait d’Antigone) • Théâtre avec la compagnie NAJE(N’Abandonnons Jamais l’Espoir) • Prendre la parole publiquement • La solidarité, être solidaire, qu’est-ce que cela signifie ? •L’éducation des adolescents • Le pouvoir d’achat • Le regroupement familial • Enfants en danger • Le bonheur • Mon quartier, macommune, qu’est-ce que j’en pense ? • Pensons ensemble l’actualité.

4- Listes complètes des invités reçus : Des professeurs de sciences politiques • Un professeur de droit et d’économie • Un syndicaliste •Un responsable d’une association sénégalaise • Un délégué régional de la ligue des droits de l’homme • Des responsables de « Champslibres » lieu culturel de Rennes • Deux maires • Un conseiller général • Un professeur d’économie • Un responsable du dispositif deréussite éducative • Un directeur d’IUFM • Un président d’office HLM • Un médecin • Un responsable d’une maison de quartier • Unécrivain • Un responsable du service de surendettement de la banque de France • Un responsable d’un centre CAF • Des jeunes desCaravanes européennes de la Fraternité • L’équipe du Centre international Joseph Wresinski • Des responsables d’association desolidarité • Une formatrice d’assistants sociaux et d’éducateurs • Un responsable d’une association de solidarité avec les travailleursimmigrés • Une assistante sociale du service de protection de l’enfance.

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Université populaireQuart Monde, à Paris.

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ont un rôle essentiel à jouer. Ils ne sont pas desconférenciers ou des intervenants car ils commen-cent par écouter la réflexion élaborée dans lesgroupes. Ainsi les participants ne sont pas passifs àrecevoir " le " savoir mais, de la confrontation desdifférents savoirs et logiques de citoyens d’autresmilieux et de l’expert invité,naît une formationmutuelle.

Les comptes rendus, réalisés après chaquerencontre, permettent de partager ce qui a été ditavec d’autres personnes qui n’ont pas pu venir à laséance plénière ou qui n’osent pas encore venirparticiper même au groupe de préparation. Cesupport écrit devient un outil qui permet d’ouvrir ledialogue. C’est aussi un outil de formation pour lesrédacteurs comme pour les lecteurs.

1.2.2- Les co-formations

L’objectif des co-formations est de se formermutuellement entre professionnels et militantsconnaissant la pauvreté, par des méthodes duCroisement des savoirs et des pratiques. Découvrirles représentations différentes que les uns et lesautres ont des réalités, les logiques dans lesquelleschacun agit, analyser ensemble des récitsd’expériences, confronter les savoirs établis desprofessionnels avec les savoirs trop rarementconstruits des personnes en situation de pauvreté,afin de mieux agir ensemble contre la pauvreté.

Ces co-formations sont animées conjointement parun formateur de l’institution des professionnels etun formateur d’ATD Quart Monde.

Les 29 et 30 avril 2007, une session de formationréunit pour la première fois les militants ayantparticipé à une co-formation au cours de cesdernières années. La cinquantaine de participantstravaille principalement deux questions :- Quelle connaissance de la pauvreté transmettons-nous aux professionnels : ce qui se vit de positifdans le milieu de la pauvreté et ce qui est difficileà comprendre pour nous-mêmes et donc ce dont ilest difficile de parler lors des co-formations.

- Comment se vivent les relations entre militants,entre militants et professionnels lors des co-formations ?

Cinq co-formations ont été conduites en 2007 :- 31 mai : formation d’un groupe de 18 enseignantsdu second degré avec 3 parents de l’Universitépopulaire dans le cadre de l’Éducation nationale,Groupe académique d’Appui : Grande pauvreté etréussite scolaire, à Reims,

- 3 au 6 septembre, co-formation à l’ENACT(École nationale des agents des collectivitésterritoriales) d’Angers (13 cadres territoriaux et 6militants quart Monde de Bretagne, Normandie,Grenoble),

- 1er au 4 octobre, co-formation avec le CNFPT(Centre national de la Fonction publique territo-riale) de Toulouse (15 professionnels + 4 militantsQuart Monde de Caen, Toulouse, Bordeaux,Tarbes),

- 23 octobre, 20, 21, 22 novembre: co-formation àLille, dans le cadre du Forum Permanent del’insertion avec la CLI (Commission localed’insertion), financée par le Conseil général duNord (12 professionnels référents du RMI et 8allocataires du RMI (de 4 associations et 4militants Quart Monde du Nord),

« NE PAS RETENIR L’HISTOIRE, ne pas regarder le passé,c’est se condamner à le revivre. L’histoire despauvres, c’est la première des choses qu’on devraitapprendre aux enfants à l’école, de façon à ce qu’onne puisse plus refaire les fautes du passé. Parce quesi on n’apprend pas tout ça, on est condamné à lerevivre. » (Extrait de l’Université populaire d’Ile deFrance, sur le thème de : «Que dire de nos vies ànos enfants pour qu’ils soient mieux armé dans lavie ?».)

« LES RAPPORTS DES ASSISTANTES SOCIALES, on ne peutpas savoir quel mal ça fait aux familles parce quedes fois, les familles, elles font ce qu’elles peuvent,elles vont jusqu’au bout vraiment, elles croient fairetout ce qui est le mieux et quand on leur dit lavérité…, il vaudrait mieux mentir aux servicessociaux, c’est malheureux de dire ça, il vaudraitmieux mentir parce que, quand on arrive chez lejuge on nous sort : « Voilà, l’assistante sociale nousa dit ci, elle nous a dit ça »... parfois c’est complète-ment faux et si on dit : « C’est faux », eh bien on atort.. parce que nous on n’est peut-être pas compé-tent, parce qu’on n’est pas du service social, on nesait pas, on n’a pas assez fait d’études pourcomprendre. Mais on n’est quand même pas bêteau point de ne pas savoir ce qu’on a fait de bien ànos enfant. » (Extrait de l’Université populaired’Alsace, sur le thème de : «L’éducation desadolescents»).

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- 15 novembre, 3 et 4 décembre, co-formation àColmar avec la Direction de la Solidarité duConseil général du Haut Rhin (18 travailleurssociaux et 6 militants Quart Monde d’Alsace),

- 29 octobre et 12 novembre, co-formation àAlençon avec l’école du service social de la CroixRouge (38 étudiants de 2ème année et 4 militantsQuart Monde de Normandie).

– Un exemple d’action mise en œuvre dans lecadre du RMI, dans le Nord

Dans le cadre du Forum Perma-nent de l’insertionà Lille, pour la 3e année consécutive, une co-formation a réuni pendant 4 jours des allocataires etdes profes-sionnels, référents RMI.Nous retransmettons ci-dessous des extraits dudialogue avec des responsables institutionnels etassociatifs (des CCAS de Lille et Villeneuved’Ascq, de la cellule RMI au Conseil général, del’UDAF, de la Mutualité sociale agricole, desassociations Starter et ATD Quart Monde) lors dela séance finale au cours de laquelle les participantsévaluent la co-formation et font état desapprentissages acquis. Dans un premier temps, lesparticipants reprennent les points forts de leurtravail qui a abouti à quelques constats quant àl’élaboration d’un projet en commun.

– Ce qui leur semble faire obstacle àl’élaboration d’un projet en commun :

- L’usure des situations (l’ancienneté de lapersonne dans le dispositif, l’enlisement dessituations, les déceptions passées...).

- Les comportements réciproques (l’agressivité, lefait de penser à la place de..., la projection de sespropres valeurs sur l’autre, la peur du jugementlié à la situation RMI...).

- Les contraintes liées au mandat institutionnelauquel les professionnels sont soumis (quotas,rentabilité, efficacité...).

– Et ce qui favorise l’élaboration d’un projetcommun :

- Savoir qui est chacun pour faire ensemble : pourles professionnels, il s’agit de bien déterminer soncadre professionnel, pour les allocataires c’estpouvoir exprimer ses capacités et savoir-faire vis-à-vis du professionnel.

- Prendre le temps et travailler dans la durée pourrespecter les rythmes, car le temps de l’insertionest différent de celui de l’administration.

- Prendre la personne dans sa globalité.- L’accueil est déterminant (le temps, l’écoute, le

regard, la gestuelle, le ton, la confidentialité...).- Préciser les mots (les mots qui ont posé le plus de

divergences entre allocataires et professionnelssont « contrat » et « insertion » alors qu’ils sontle cœur du projet du RMI).

Une question est posée par un responsableinstitutionnel : Qu’avez-vous appris pendant ces4 journées à avoir travaillé ensemble ?Réponse- d’un allocataire : « Voir des deux cotés du rideau,parce que d’habitude, on ne voit que son coté àsoi. »- d’un professionnel : « Je voudrais ajouter qu’au-delà du fait que l’on a appris les uns des autres, ona appris des choses entre semblables. On apprendque ce n’est pas si facile de bien faire ou de trouverla solution. »- d’un professionnel : « Je dirais qu’une telleformation pourrait être un passage obligé dans laformation des travailleurs sociaux pour être aucontact d’un public. »- d’un professionnel : « Je pense que c’est bienaussi de savoir se poser et de pouvoir entendre lesautres pour voir et savoir si notre pratiqueprofessionnelle ne devrait pas s’améliorer. En tantque professionnel, parfois savoir se poser etécouter les autres, cela permet de changer nospratiques, les faire avancer, les améliorer. »

Les co-formations sont une des actions phares desateliers du Croisement des savoirs et des pratiques.Au-delà de la formation, ces actions s’élargissentaujourd’hui à une nouvelle manière de piloterensemble l’action collective, et de faire des travauxde connaissance et de recherche.

Le Mouvement ATD Quart Monde a établi uneCharte du Croisement des savoirs et des pratiques(voir en annexe) afin de préciser l’expérienceacquise en termes d’intentions, de démarche et deconditions pour que le croisement soit réel. Cettecharte sert de base de dialogue pour élargir ladémarche à de nouveaux terrains, et avec d’autresconceptions de la participation des personnesexclues, à la démocratie. Dans le même esprit, un« Réseau Wresinski Participation et Croisement dessavoirs et des pratiques » s’est créé avec lespartenaires des différents programmes QuartMonde Université et Quart Monde Partenaires,avec des actions qui ont suivi.

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1.2.3- Antigone

A Noisy-le-Grand, dans le quartier duChampy / Hauts-Bâtons, ATD QuartMonde anime une action depromotion familiale à laquelleparticipent 50 familles en situation deprécarité ou de grande pauvreté.L’action menée vise l’accès aux droitsfondamentaux de tous : vie en famille,logement, travail, formation,éducation, accès aux soins, culture,ainsi que la participation à la vieculturelle et communautaire duquartier et de la ville.Depuis 2001, dans le cadre de cetteaction de promotion familialeconduite à l’échelle d’un quartier, des comédiensde deux associations (Art et Education et FraAngelico) animent des ateliers de théâtre ouverts àtous les habitants. Un travail de longue durée,

toujours en tension entre l’exigence d’une grandequalité artistique et celle de ne pas écarter lespersonnes rencontrant le plus de difficultés, a aboutià la création de deux troupes (une d’enfants, laTroupe de l’oiseau bleu et Arc en Scène, une trouped’adultes). Pour le projet Antigone, l’ambition étaitcette fois d’entreprendre un travail en communréunissant parents et enfants. Le choix de créerAntigone rappelait la première création de cette

pièce en 1964 quand une comédienne, Catherinede Seynes, rencontra le père Joseph Wresinski dansle camp des sans-logis. Au-delà des acteursdirectement impliqués, il s’agissait aussi de gagner

la participation du plus grand nombrepossible d’habitants : voisins immédiatsdes familles, habitants du quartier duChampy, ensei-gnants... et de créer desrencontres et échanges inédits avec desgens de théâtre.

Chaque groupe d’acteurs a d’abordtravaillé séparément dans les ateliershebdomadaires, renforcés pour les enfants,par des stages au centre culturel d’Art etEducation, à Pâlis, dans l’Aube.Début juillet, le spectacle Antigone, dansune adaptation du roman d’HenryBauchau, a été présenté salle Victor-Hugo,la salle de théâtre du Centre ATD QuartMonde à Noisy-le-Grand. Au cours dessemaines précédentes, les difficultésn’avaient pas manqué, en particulier dansle travail de scène exigeant demandé auxtrois groupes d’acteurs alors sur le pointd’être réunis : des enfants de 8 à 11 ans, lesadolescents, les adultes. La confianceétablie de longue date entre les formateurset les acteurs, ainsi que la salle Victor-

Hugo, lieu de création, familière à tous lesparticipants, ont apporté les sécurités nécessairespour offrir, à plus de 200 spectateurs, trois avant-premières de qualité.

A ce stade de la préparation, plusieurs enfants etadolescents n’étaient pas encore prêts à jouerdevant un public. Pour une troupe de 30 acteurs, 21étaient sur scène pour ces trois premiers spectacles :

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Le spectacle Antigone, au théâtre des Deux Portes, à Paris.

Salle Victor-Hugo, un atelier des adolescents, diri-gés par Christine Saillet et Francis Marques, en mai2007 :

Christine Saillet fait travailler les adolescents sur la scèneéclairée par les projecteurs. Laura (Antigone), dans la robebleue créée pour elle, est encore en coulisses. Avant d’en-trer en scène, elle se concentre quelques instants : debout,immobile, quelques mouvements des mains montrent sarecherche de concentration. Au moment où elle va entreren scène, un silence impressionnant se fait dans la salle où,ses amies, Hayet, Darren, Christelle, ont pris le premierrang. Plusieurs fois, la scène est arrêtée. À chaque fois, aumoment de reprendre le travail, le même silence emplit ànouveau la salle.

Laura travaille avec Edith (Ismène). Plusieurs fois, ChristineSaillet leur fait reprendre la scène. Christine conseille : Editha une attitude d’écoute attentive où on la sent se préparerà mettre ses conseils aussitôt à exécution. La même scèneest recommencée plusieurs fois. Avant de la reprendre,Laura et Edith ont besoin d’instants de concentration silen-cieuse accompagnée de quelques gestes : Edith baisse unpeu la tête, remue les mains...

Damien (Hémon) fait face à Créon. Christine Saillet faitquelques remarques que Damien écoute. Francis Marques,lui, insiste sur la gestuelle, l’attitude... Dans une attituded’apprentissage, Damien écoute.. puis il reprend la scène.

23 Rapport Moral ATD Quart Monde France 2007

5 enfants, 9 adolescents, 7 adultes. Ils étaient toutefoistous présents les trois soirs, les uns participant àl’accueil des spectateurs, les autres aux diversespréparations et installations. Ceux qui ont pénétrédans les coulisses ont été frappés par la recherchede concentration que s’imposait chacun, puis parl’intense silence qui, juste avant l’entrée en scène,semblait souder et unir les membres de la troupe.Une magnifique mise en scène présentait une sériede tableaux de couleurs : oranges et ocres descostumes des enfants... or des masques figurant lepeuple... rouge sombre des colonnes... force desbleus des robes des Antigone.

Après le spectacle, les commentaires des specta-teurs étaient élogieux, en particulier ceux desenseignants du collège fréquenté par les adoles-cents. Comme les parents et beaucoup de ceux quiles connaissent, la principale était émerveillée de lamétamorphose des enfants et des adolescents surscène. Des adolescents qui, après le spectacle,valorisés par leur réussite, échangeaient fièrementavec plusieurs de leurs professeurs qui, eux, lesdécouvraient sous un jour nouveau. Quant à F.Marques, en rappelant que, pendant le spectacle,une adolescente était arrivée en pleurs en coulissesn’ayant pu contenir un fou rire sur scène, ilsoulignait la grande tension qui tenaillait tous lesacteurs.

– Les samedis de préparationLa présence d’habitants de tout le quartier aconstitué un des succès de ces avant-premières,avec parmi eux beaucoup de parents et de frères etsœurs des jeunes acteurs. Participation permise par

une grande variété de propositions culturellesoffertes aux cours des journées de préparation (unsamedi après-midi chaque mois depuis décembre2006). Les habitants avaient ainsi peu à peudécouvert la pièce, dans la version d’Anouilh, grâceà la projection en salle d’un DVD ; puis lespersonnages d’Antigone, leurs liens familiaux ; laGrèce antique... Au fil des mois, ils avaient réalisédes masques, les décors (fabrication puis déco-ration de quatre colonnes avec un décorateur dethéâtre), allant jusqu’à la création de l’affiche duspectacle.Après la pause de l’été, pressentie par lesformateurs comme un temps fécond demûrissement pour tous les acteurs, le travail desateliers a repris en octobre jusqu’en décembre, oùont été donnés encore 5 spectacles :- les 1er et 2 décembre, au théâtre des Deux-Portes

à Paris- le 14, à la Maison pour tous du Champy, à Noisy-

le-Grand- les 23 et 24, salle Victor-Hugo.Le théâtre des Deux-Portes s’est avéré être le lieuidéal pour cette reprise où, deux soirs de suite, lesacteurs ont offert le meilleur de leur talent aux 350spectateurs réunis. A la fin de ces représentations,la joie d’avoir joué devant un large public, et del’avoir conquis, s’exprimait sur le visage de chacundes acteurs. Une joie intense et communicative quiest restée vive jusqu’au retour à Noisy-le-Grand !« Nous allons prendre le temps de cueillir les fruitsde cette aventure artistique..., concluait FrancisMarques à l’issue du dernier spectacle à Paris.Pour que chacun puisse nommer ce que cela achangé en lui. »

Le spectacle Antigone,Théâtre des Deux Portes,à Paris.

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Voici les réflexions d’Hayet, une des adolescentes,recueillies quelques jours après le dernierspectacle :« Dans la vie, cela m’a aidée à voir les chosesd’une autre manière. Et en théâtre, je me sens plusconfiante. C’est une belle aventure. Quand je nejoue pas Antigone, c’est comme si elle était tou-jours là présente au fond de moi. Dans ma vie, celam’a aidée à être plus confiante en moi, à me battretoujours pour des choses qui me tiennent à cœur.Continuer à me battre jusqu’à ce que je réussisse.Et à chaque fois, dans ma vie, quand je dois mebattre pour quelque chose que je dois réussir, c’estcomme si j’étais cette Antigone qui se bat. (...)

Chaque pièce de théâtre est différente, nousapporte quelque chose qui nous nourrit de jour enjour. Antigone, c’est ma préférée, celle qui m’anourrie le plus, qui m’a fait apprendre des choses,qui m’a révélé qui j’étais vraiment. Cela m’a apprisbeaucoup de moi-même que je ne savais pas avant.Je ne pensais pas réussir à faire ce personnage, quej’allais vivre tout cela et je trouve cela extraor-dinaire. On a travaillé, on a ri, il y a eu de la joie.On n’a pas joué qu’à Victor-Hugo, on a joué devantdes gens différents. Chaque public est différent,c’est nouveau à chaque fois malgré que c’est lemême spectacle.Quand je suis sur scène, c’est le seul moment où jeme sens vraiment moi-même. C’est une expérienceformidable et j’espère que des gens continueront àfaire des expériences comme celle-là, qu’ils enprofitent à fond. »

Cette expérience artistique et théâtrale sepoursuivra par un voyage de cinq jours en Grèceréunissant l’ensemble des participants au projet(animateurs des ateliers de préparation, formateurs,acteurs...).Pour les revêtir dans un théâtre antique, lesadolescentes mettront dans leurs bagages leursbelles robes de scène.

1.2.4- L’île de La Réunion,le rassemblement

Les événementsÀ l’occasion du 17 octobre 2007 se sont réunis surla dalle des droits de l’homme de Champ Fleuriinstallée dès 1989, des centaines de familles,d’alliés et militants, ainsi que de nombreuxcitoyens. Le programme comprenait une Universitépopulaire Quart Monde autour du thème de lasolidarité dans les quartiers entre familles, uneexposition d’œuvres et des ateliers de pratiqueartistique pour les enfants, un spectacle de danse etmusique donné par les jeunes du groupe local de lajeunesse Quart Monde qui fut très apprécié. Cetteannée était aussi l’anniversaire des 25 ansd’implantation du Mouvement ATD Quart Mondesur l’île.

La médiatisation du 17 octobre 2007 s’est faite pardeux des quatre chaînes TV locales qui ont acceptéde diffuser gracieusement le spot télévisé conçuavec l’une d’elles et par un message conçulocalement et diffusé par le réseau des radios libreslocales.

La tournée réalisée par les jeunes en juillet, août etseptembre 2007 a permis à leur « caravane » desillonner les quatre coins de l’île à la rencontred’autres jeunes mais aussi d’adultes des quartierspopulaires.

Le 23 septembre 2007, au parc des expositions duchef lieu Saint Denis s’est tenue une rencontreconférence sur le thème « Faire alliance avec lesplus pauvres » par Jean-Michel Defromont,volontaire-permanent, dans le cadre de la campa-gne mondiale de signature de la déclaration desolidarité « Refuser la misère, un chemin vers lapaix ». 450 signatures ont été récoltées localement,dont environ le tiers par internet. Nous sommesaujourd’hui en possession d’un fichier d’adressesélectroniques d’alliés potentiels qui ne demandentqu’à être recontactés.

Durant l’année 2007, deux « journées familiales »réunissant de nombreuses familles venant desquatre coins de l’île ont été organisées, lesdimanches 20 mai 2007 et 16 décembre 2007 sur lesite de la maison Quart Monde et des droits del’homme à Trois Bassins.

LES ATELIERS COSTUMES

UUnnee ccoossttuummiièèrree ddee tthhééââttrree eesstt vveennuuee ttrraavvaaiilllleerraavveecc lleess hhaabbiittaannttss.. CCeerrttaaiinnss ccoonnnnaaiissssaanntt llaaccoouuttuurree,, dd’’aauuttrreess llaa ddééccoouuvvrraanntt àà ttrraavveerrss lleesspplluuss eexxppéérriimmeennttééss :: « Les adolescentes ont ététrès touchées qu’on crée des robes sur mesurepour elles. Elles ont découvert le travail decouture, vu qu’on est parti du rouleau de tissupour arriver à la robe, appris la symbolique descouleurs, découvert les différentes façons deporter la robe. »

25 Rapport Moral ATD Quart Monde France 2007

Le soutien des familles réunionnaises ensituation de grande pauvreté constitue une desprincipales préoccupations du groupe Accès auxdroits fondamentaux (ADF).

Depuis sa mise en place, fin 2005, les membres dece groupe ADF, au nombre d’une quinzaine locali-sés dans différents endroits de l’île, accompagnentactivement et assidûment plusieurs familles et surla durée nécessaire.Les problématiques abordées et traitées sont denatures diverses :- ressources insuffisantes : 1 dizaine de situations,- logements insalubres : 1 vingtaine de dossiers,- enfants placés ou en passe de l’être : 6 famillesconcernées.

L’expérience du groupe fait ressortir le constat queles personnes et familles accompagnées sont tropsouvent confrontées à des apriori négatifs de la partde beaucoup de leurs interlocuteurs dans lesorganismes sociaux publics ou parapublics. Celacontribue à les dévaloriser et à les découragerfaisant que parfois certaines familles peuvent êtreamenées à se replier dans le dénuement etl’isolement. D’où cette phrase d’un pourtant jeunepère d’une famille confrontée à une situation graved’insalubrité de logement « i traite a nou kom

zanimo » (« on nous traite comme des animaux »).Fait encourageant constaté par ce groupe ADF : ilarrive que s’installe entre familles concernées parles mêmes problématiques une véritable solidaritéde quartier pour affronter unies les difficultésqu’elles partagent.

« Familles en vacances » constitue également uneaction d’envergure qui a démarré courant 2006 sonobjectif est d’offrir des temps de repos et devacances dans deux maisons édifiées sur le site dela Maison Quart Monde à Trois Bassins.Le principe est qu’une famille ayant déjà profitéd’un séjour puisse à son tour en accueillir une autre.De janvier 2007 à janvier 2008 plus d’une vingtainede familles représentant 165 personnes en ontbénéficié.Financièrement, la contribution de la Caissed’Allocations Familiales de La Réunion a été etreste déterminante pour la pérennité de cette action.

Enfin, grâce à un travail de partenariat actif avecd’autres associations, nous avons obtenu ensemblede l’autorité préfectorale la mise en place de lacommission départementale de médiation pour lelogement social au sein de laquelle siègent unreprésentant local de la Fondation Abbé Pierre etun autre d’ATD Quart Monde.

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Faisons connaissance :dialogue jeunes - adultes au cours de latournées des Caravanes européennes de lafraternité, ici à Genève (Suisse).

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1.3.1- Le Centre internationalJoseph Wresinski et l’Institutde recherche et de formationaux relations humaines

11- LLee CCeennttrree iinntteerrnnaattiioonnaall JJoosseepphhWWrreessiinnsskkii

Centre de documentation pour unemémoire vivante

L’année 2007 a été marquée par l’inaugurationofficielle, le 10 février, du Centre internationalJoseph Wresinski à Baillet-en-France dans le Vald’Oise. En 2007, tout en préparant cette inau-guration, le Centre Wresinski a évidemmentpoursuivi son activité principale : la conservation,le classement, la préservation, la mise en valeur etla mise à disposition d’un patrimoine d’écrits, dephotos, de films, d’enregistrements ; l’accueil depersonnes et de groupes désireux d’y avoir accès àdes fins de recherche, de ressour-cement, d’études ;la production d’outils permettant de diffusercertains éléments issus du travail fait sur lesarchives.

Le Centre Wresinski a continué le long travail demise en place des différents fonds d’archives qui yont été progressivement rassemblés (écritsquotidiens, témoignages, études, photos, films,œuvres d’art des différents acteurs du MouvementATD Quart Monde dont son fondateur, JosephWresinski). Les archives de l’activité duMouvement ATD Quart Monde dans les instancesinternationales et celles de l’Institut de recherchedu Mouvement devraient être intégrées au début del’année 2008. Un travail d’informatisation desbases de données contenant l’inventaire détaillé dechacun des fonds est en cours.

Dans le courant de l’année 2007, la base de donnéesphotothèque a encore été enrichie et contientaujourd’hui plusieurs centaines de milliers dephotos individuelles.

L’artothèque, qui rassemble les œuvres d’art lesplus diverses témoignant de la vie et du courage desplus pauvres, a répertorié plus de 500 objets et arédigé des fiches pour chacun d’entre eux.

Lieu d’accueil et de formationLe Centre a accueilli tout au long de l’année 2007des groupes ou des personnes qui souhaitaient vivreun temps de formation, de ressourcement,d’écriture, de lecture.

À la fin du mois de février, un groupe de 25personnes, composé de délégués de familles vivantdans la grande pauvreté, de professionnels engagésà leurs côtés et d’universitaires, réunis dans le cadred’une démarche de « Croisement des savoirs », aété accueilli deux fois trois jours au Centre, dans lecadre de la préparation d’une contribution en vued’un Colloque qui aura lieu en 2008, en partenariatavec Sciences-Po à Paris, sur l’actualité de lapensée politique de Joseph Wresinski.

En février également, une dizaine de volontaires-permanents en formation sont venus à Baillet pourtravailler telle ou telle question particulière qui leurtenait à cœur : comment se situer face à la violencequi éclate dans les lieux de misère ? Comment etquoi écrire ? Comment faire connaître le Mou-vement ATD Quart Monde dans un contexteculturel complètement différent, en Asie, enAfrique ou ailleurs ?

Tout au long de l’année, le Centre a régulièrementaccueilli quelques-uns des 12 volontaires-permanents qui suivent en 2007 et 2008 leDUHEPS, Diplôme universitaires des HautesÉtudes en Pratiques sociales (voir plus loin).

Le Centre a également accueilli un étudiant enthéologie (Centre Sèvres à Paris) préparant unethèse sur le père Joseph Wresinski, thèse qui a étédéfendue le 10 décembre 2007. Il a reçu en août undoctorant en Sciences Politiques de l’UniversitéLibre de Bruxelles qui prépare également une thèsesur la contribution de Joseph Wresinski à laconstruction d’une Europe démocratique.

Régulièrement, le Centre a reçu des volontaires-permanents ou d’autres membres du MouvementATD Quart Monde engagés dans une démarched’écriture et qui souhaitaient se soustraire à lapression du quotidien de leur action pour prendre letemps d’écrire sur leur expérience d’engagement etce qu’ils en apprenaient, ou pour déposer letémoignage d’une vie de souffrance et derésistance.

1.3 - Faire comprendre, casser les préjugés

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Enfin, au cours de l’été 2007, le Centre interna-tional Joseph Wresinski a accueilli plusieursgroupes :- Un groupe de 15 personnes, début juillet, venuesse former à l’art et à la manière d’écrire untémoignage.

- Un groupe de 6 personnes, venues des Pays-Bas,pour découvrir quelques textes du père JosephWresinski sur l’extrême pauvreté et les droits del’homme.

- Fin août, le Centre a accueilli les participants à lasession « Campus 2007 » organisée par l’Institutde Recherche du Mouvement ATD Quart Monde.Les participants, soit environ 80 personnes, ontentendu une conférence de Yvan Gastaut,professeur d’histoire à l’Université de Nice, surl’histoire des bidonvilles en France pendant lapériode des « trente glorieuses ».

Lieu culturel.Cette dimension culturelle a été vécue à travers desexpositions. L’exposition de peinture de MmeNelly Schenker, militante Quart Monde suisse, aété présentée au Centre de février à août 2007. Ellea été suivie, pendant un mois, d’une expositionphotographique, présentée par Jean-Louis Saporito,auteur d’un reportage qui a donné lieu à un livre etune exposition, « Sourires du monde », reportagequi l’a conduit au Guatemala, aux États-Unisd’Amérique, au Liban, en Pologne, en France, auBurkina Faso. Au mois de décembre, lui a succédéune exposition sur les traces des plus pauvres dansl’histoire, notamment à travers l’art, la peinture, lesgravures et toute forme d’iconographie.

Un autre rendez-vous culturel a été mis sur pied àpartir de l’été 2006 et s’est vraiment ancré en 2007 :15 « Petits déjeuners de Baillet », le samedi matin,en général le 1er samedi du mois. Après un tempsd’accueil convivial autour d’un petit-déjeuner, c’estl’occasion de se retrouver autour d’un invité, d’unthème et le plus souvent d’un support puisé dansnos archives. Ils réunissent à présent une moyennede 30 à 35 participants.

Lieu de productionLieu de conservation, de préservation, deconsultation de documents précieux et uniques, leCentre a aussi vocation à produire des documentsdestinés à un vaste public..Le Centre a contribué largement à la réalisation dedeux films de télévision, l’un consacré à GenevièveAnthonioz-de Gaulle et réalisé par Claire Jeanteur,

l’autre consacré à Joseph Wresinski, réalisé parCaroline Glorion et Gérard Lemoine. Les DVD deces deux films sont diffusés par « Voir et Dire » etdisponibles en librairie.Un travail de reprise de plusieurs films duMouvement ATD Quart Monde réalisés dans les 10dernières années a été fait. Il a permis par exemplede rééditer en DVD le film « Je témoigne de vous »en 5 langues différentes. Quatre des 6 films grandpublic du Mouvement ATD Quart Monde ont ainsifait l’objet d’une remise à niveau aux standardsactuels.Le Centre international Joseph Wresinski a été lepartenaire principal des Éditions du Cerf, aveclequel il a signé une convention portant sur l’éditiondes œuvres complètes du père Joseph Wresinski.Le fruit de cette collaboration a vu le jour le 4octobre 2007 avec la sortie du livre « Refuser lamisère. Une pensée politique née de l’action »,recueil d’interventions du père Joseph Wrésinskidevant les instances publiques nationales etinternationales.Avec les Éditions Desclée de Brouwer, le Centre amené à bien la réédition d’un livre épuisé, de Jean-Claude Caillaux, « Joseph Wresinski, un défi pourla dignité de tous », sous le nouveau titre de « Petitevie de Joseph Wresinski ».L’année 2007 a vu aussi la création d’un siteInternet www.joseph-wresinski.org, consacré aufondateur d’ATD Quart Monde et qui a pour butprincipal d’offrir un accès à tous ceux quichercheraient des textes publics du père JosephWresinski.

22- LL’’IInnssttiittuutt ddee rreecchheerrcchhee eett ddeeffoorrmmaattiioonn aauuxx rreellaattiioonnss hhuummaaiinneess((IIRRFFRRHH))

La mission de l’Institut de recherche est de soutenirun effort permanent de connaissance et derecherche du Mouvement ATD Quart Monde,élaborées à partir de l’action avec la population engrande pauvreté, et de faire connaître et fairecollaborer ces recherches avec celles d’universitésou d’institutions diverses sur les mêmes questions.

Par exemple lors de séminaires tels que :- Séminaire avec le « Chronic Poverty Research

Center de Manchester» , et le « Bangladesh RuralAdvancement Committee (BRAC) » (findécembre 2006) : « What works for thepoorest ? Knowledge, policies and practices» àDhaka, Bangladesh.

- Journée d’échanges de l’Observatoire national de

28Rapport Moral ATD Quart Monde France 2007

la pauvreté et de l’exclusion sociale à Paris auministère de la Santé et des Solidarités.

- Journée d’étude avec AITEC, le CCFD et OxfamFrance à Paris : « Les conditionnalités du financ-ement international du développement, analysecritique et perspectives » (16 janvier 2007).

Un séminaire « Extrême pauvreté et développe-ment » fut organisé en juin 2006 à l’AgenceFrançaise de Développement, à l’initiative del’Institut de recherche. Les actes du séminaire, quiretrace la connaissance du terrain permettant defaire naître des nouvelles manières d’agir et depenser, ont été édités en mai 2007 dans la série« Savoirs Communs » qui a pour objectif decapitaliser et d’échanger autour des pratiques del’AFD et des acteurs de la société civile dans uneperspective d’apprentissage et d’enrichissementcommun.

L’IRFRH organise son propre séminaire, Campus,qui permet chaque année à des personnes engagéesdans des travaux d’étude ou de recherche relatifs àla lutte contre la précarité, la pauvreté et l’exclusionde dialoguer avec des personnes engagées dans lalutte contre la misère.Campus a eu lieu du 28 au 31 août 2007 àPierrelaye, Val d’Oise, et a accueilli 61 par-ticipantsde treize nationalités différentes (France, Pays-Bas,Suisse, Belgique, Espagne, Rwanda, Cameroun,États-Unis, République Dominicaine, Angleterre,Ireland, Israël, Italie). Ce séminaire s’est articuléautour de trois axes principaux :- Droits de l’homme et extrême pauvreté ;- Les questions éthiques et méthodologiques que

pose la recherche sur des thèmes liés à la misèreet à l’exclusion sociale ;

- Penser la démocratie avec les exclus.

1.3.2- Les Éditions Quart Monde

Branche éditoriale du Mouvement ATD QuartMonde, les Éditions Quart Monde permettentdepuis près de 40 ans de diffuser les expériences etrecherches entreprises par les membres d’ATDQuart Monde pour lutter contre la misère.Les Éditions proposent des publications destinéesaux enfants : livres grands formats et livres depoche, albums, témoignages de vie, d’amitié, decombats menés par des enfants comme parexemple les mini-livres Tapori, « les enfants ducourage » qui présentent la vie d’enfants de tous

continents, subissant la pauvreté. Pour le publicadulte, sont publiés des livres pour comprendre lavie et l’histoire des plus pauvres, pour savoircomment agir ou encore, des témoignages ou desromans décrivant des situations de vie. Les ÉditionsQuart Monde publient également la Revue QuartMonde trimestrielle, concernant des articles de fondet des dossiers de recherche. Elle est mise en lignesur le site www.revuequartmonde.org

L’année 2007 a été marquée par un déménagementdes locaux des Éditions qui sont désormaishébergées dans l’immeuble du siège national afinde développer une meilleure synergie avec lesautres pôles (communication, administration,campagnes...).

Les publications des Éditions QuartMonde en 2007

– la Revue Quart Monde : n°201 : Le travail décent, un droit ?n°202 : Le 17 octobre, pour vivre ensemble

demainn°203 : Etre connu et reconnun°204 : Héritages, l’actualité de

Joseph Wresinski

– Sourires du monde, recueil de photographies Jean-Louis Saporito a parcouru le monde à larencontre des familles très pauvres. Chez chacuned’entre elles, il a retrouvé le même quotidien fait desouffrances, de l’urgence de satisfaire des besoinsindispensables et de l’angoisse face à un avenirincertain. Mais aussi un point commun : le combatpour l’avenir de leurs enfants et donc de leuréducation.

– Petite vie de Joseph Wresinski (Desclée deBrouwer)

– Joseph Wresinski - Refuser la misère - Unepensée politique née de l’action (avec lesEditions du Cerf)

Le refus de la misère est un véritable projet desociété. C’est cette pensée politique, née del’action, que ce recueil cherche à faire connaître.Quelle science est nécessaire pour lutter contre lemal absolu que représente la misère ? Que reste-t-ilde l’homme quand cette violence l’accable ?Comment les droits de l’homme peuvent-ilsdemeurer lettre morte, quand des hommes et desfemmes sont condamnés à vivre dans l’extrêmeprécarité ?

29 Rapport Moral ATD Quart Monde France 2007

– Mieux connaître ses droits,guide juridique contrel’exclusion (avec les Éditionsde l’Atelier)

– Derrière les rideaux blancsPendant cinq ans, HélèneMonier fait la lente connais-sance d’une famille dont lesparents, M. et Mme Côme,vivent cachés « derrière lesrideaux blancs » de leur cara-vane, loin de tout droit, detoute aide qui ne soit quéman-dée et, surtout, sans leursenfants, placés d’office desannées auparavant.

• Pour les enfants et les jeunes

– Les cinq pierres dorées

– Je serai cascadeur ! (nouvelle édition illustréepar Fabienne Gallois)

– Mallette pédagogique TaporiRéalisée en partenariat avec le collectif CIDEM(Civisme et démocratie), cet outil s’inscrit dans lecadre des Parcours civiques de l’Éducationnationale. (Voir p. 35)

• Vidéos

– Geneviève de Gaulle - Anthonioz - Le cheminde l’espérance (CFRT - France 2)

Diffusé le 23 septembre sur France Télévision, cedocumentaire de Claire Jeanteur, nous offre unportrait sensible de Geneviève de Gaulle-Anthonioz. Membres d’ATD Quart Monde etcompagnes de déportation témoignent ici de sonengagement indéfectible contre « la destruction dece qui constitue un être humain : sa dignité ».

– Joseph Wresinski - 50 ans de combat contre lamisère (CFRT - France 2)

Ce documentaire, diffusé sur France Télévision les16 et 17 octobre 2007, a fait découvrir au grandpublic le parcours du père Joseph Wresinski et, pluslargement, l’histoire d’ATD Quart Monde. CarolineGlorion et Gérard Lemoine ont regroupé denombreux témoignages et documents d’archivespour mieux faire connaître et faire découvrir àd’autres le parcours et la pensée du fondateur duMouvement ATD Quart Monde.

Forum « Ensemble contre l’exclusion »

En 2007, les Journées du livre contre la misère ontvécu une vraie révolution en se transformant enForum contre l’exclusion, premier grand événe-ment public de la campagne « Ensemble contrel’exclusion » qui s’est achevée le 17 octobre.Toujours accueillis par la Cité des sciences et del’industrie, à Paris, ces trois jours (2,3 et 4 mars)avaient quatre grands objectifs :

– Renouveler la dynamique des Journées dulivre contre la misère

Les nombreux débats organisés à partir d’ouvragesécrits par des intellectuels, des témoins, des acteursde la lutte contre l’exclusion ont permis de susciterdes discussions sur des thèmes liés à l’exclusion età la pauvreté. En parallèle, des animations telles queles expositions, la fresque participative ou l’espaceenfants permettaient d’établir un contact avec lesparticipants au forum, le tout dans une ambiancefestive.– Élargir le public (en quantitatif et qualitatif)Le pari de faire venir du public hors MouvementATD Quart Monde a été gagné : plus de 7000visiteurs au compteur, c’est-à-dire plus du doublede la fréquentation 2005 dans le même lieu(2006 avait eu lieu en régions). La politique decommunication, très dynamique, s’est déployéeselon plusieurs axes, touchant ainsi un publicd’horizons et d’origines divers.On note ainsi l’efficacité certaine de la diffusion del’information par Internet (liens et bannières) maiségalement celle de moyens plus classiques, tels quel’affichage réalisé en amont ou, plus ludiques, avecles jeunes des Caravanes européennes de la fra-

Accueil au Forum «Ensemble contre l’exclusion», journées du livre,à la Cité des Sciences et de l’Industrie à La Villette, à Paris.

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30Rapport Moral ATD Quart Monde France 2007

ternité qui avaient mis en place une sorte de mini-spectacle sur échasses, saluant et serrant les mainsdes visiteurs devant l’entrée et invitant enfants etparents à entrer.

– Faire connaître la grande pauvreté et ceux quila vivent : les pratiques innovantes, les moyensde se solidariser

Les Journées du livre constituent un événementculturel ayant pour vocation d’informer les gens surl’exclusion et la pauvreté, avec l’idée de susciterdes réflexions sur ces thèmes et des pistes d’action.En effet, que ce soit au travers des projections defilms, au travers des débats autour d’ouvragestouchant à diverses disciplines, ou par la vente delivres, l’objectif était de fournir aux participants duForum des clés d’analyses de la pauvreté. Le butétait d’initier des rencontres, des échanges entre lepublic et les gens très pauvres. Il s’agissait de mettreles personnes vivant la pauvreté au cœur du débat,de leur donner l’opportunité de s’exprimer et deprendre part aux discussions (inspiration desUniversités populaires Quart Monde). Par ailleurs,une dimension importante des Journées du livreconcerne les rencontres avec ceux qui agissent pourlutter contre la pauvreté. Ces rencontres avaientvocation à se faire dans le cadre des différents pôleset des mini-débats. L’espace « Qu’est-ce que jepeux faire ? » demeurait à cet égard très important.La qualité des intervenants a favorisé une visionrenouvelée de la misère. Les participants pouvaientsortir du Forum en ayant à l’esprit qu’il ne faut pasêtre fataliste face à ce problème car des solutionsexistent.

– Bousculer les idées reçues concernant lamisère et l’exclusion

L’impression générale était joyeuse et dynamique,beaucoup de participants très contents. Unfoisonnement de propositions, dont beaucoupconstituaient des rencontres et des occasions dedialoguer. En règle générale, les débats dont lescontenus étaient très forts, ont été largement suivis.

1.3.3- Le réseau Wresinski Famille /Petite enfance, animé par lesecrétariat Famille

Le Mouvement ATD Quart Monde souhaitecontribuer à rendre effectif le droit de vivre enfamille inscrit dans la Constitution. Son action viseà faire évoluer les idées de l’ensemble des citoyenspour que les familles vivant actuellement dans des

conditions précaires bénéficient de ce droit commeles autres familles. Les axes de travail du secrétariatFamille sont les suivants : travail de veille, partici-pation à des groupes de réflexion et animation d’unréseau de professionnels.

La « Veille »II s’agit de se tenir en permanence informés del’actualité dans le domaine de la famille : analysedes courants de pensées, des actions privées,collectives, associatives, des projets de lois, etc.,concernant leur incidence sur la vie des familles enpauvreté.

Participation à des groupes de réflexion• Des collaborations ont eu lieu durant l’annéeavec Emmaüs à Nantes ; l’Association « Le Fild’Ariane» sur le thème des placements d’enfants,l’UNIOPSS dans le cadre de son groupe deréflexion sur la petite enfance.

• Des interventions ont été faites :– à la Fondation d’Auteuil, sur le rôle des familles

dans l’action socio-éducative avec les jeunes endifficulté

– dans une école d’éducateurs, à propos desrelations entre les travailleurs sociaux et lesfamilles en difficulté,

– auprès d’un groupe de sages-femmes, sur lesuivi des grossesses,

– à l’École Nationale de la Magistrature, auprèsde juges pour enfants en formation continue,avec la présentation de nos pratiques de soutiendes familles,

– auprès du Conseil général 29 : sur les relationsparents / professionnels et auprès d’assistantesmaternelles ASE.

• Des contributions au travail gouvernemental ontété apportées :

– participation régulière (trimestrielle) au Comiténational de pilotage des REAAP (Réseauxd’écoute, d’appui et d’accompagnement desparents) au sein de la DIF (délégationinteministérielle à la famille),

– groupe de réflexion préparant la Conférence dela famille (qui finalement n’a pas eu lieu) sur lethème de la scolarité et des loisirs des enfants,

– dans le cadre du projet de loi de Rénovation dela protection de l’enfance :- participation au groupe de réflexion« Pauvreté-précarité »,

31 Rapport Moral ATD Quart Monde France 2007

- participation à la rédaction du guide« Prévention » en mettant l’accent sur la placedes pères et sur la formation des professionnels.

Action du Réseau Wresinski Famille en2007

Une rencontre a été organisée le 3 mars 2007, àl’occasion des Journées du livre contre la misère àla Cité des sciences et de l’industrie à Paris. Lethème choisi concernait les modalités d’accompa-gnement pour mieux répondre aux aspirations desfamilles très pauvres.Ce temps de réflexion et d’échanges a rassemblédes professionnels de la famille et de l’enfance(médecins, psychologue, médecin de PMI,médecin anthropologue, assis-tante socialescolaire…) et des membres du réseau WresinskiFamille. Il a permis de présenter dans un premiertemps la synthèses de deux groupes de travail, l’unsur ce qu’est une famille et les conditions pour bienvivre en famille et l’autre sur ce que les famillessouhaitent changer par elles-mêmes et ce qu’ellesvoudraient voir changer à l’extérieur. Lesparticipants ont ensuite débattu sur les typesd’actions ou de structures à inventer dans l’objectifd’un accompagnement familial réussi.

1.3.4- Le réseau WresinskiHabitat /Ville

L’année 2007 a commencé par les vœux duprésident de la République promettant de mettre enœuvre en France un Droit au Logement Opposable.Cette loi était proposée et préparéepar la plateforme pour le Droit auLogement Opposable regroupant denombreuses associations et animéepar le Mouvement ATD QuartMonde depuis octobre 2003. Le 5mars 2007 la loi était promulguée, etdès le mois de mai, le MouvementATD Quart Monde relançait laplateforme pour soutenir et vérifierl’application de la loi.

Une plaquette, rédigée par lesecrétariat, est diffusée très largementdans tous nos réseaux pour que lespremiers concernés comprennent ceà quoi ils ont droit.(voir encadré page 32)

L’analyse faite par la plateforme a été de voir troisparties dans la Loi DALO :– Le droit et le recours : Le droit au logement (de

quoi s’agit-il ? à qui s’adresse-t-il ? Qui en est legarant ?). Le recours à deux niveaux institué parla loi et l’échéancier prévu pour sa mise enapplication.

– Les mesures complémentaires (en grandepartie initiées par les parlementaires) pour faireface à l’obligation de résultats découlant durecours.

– Les mesures d’évaluation de la loi : la créationdu Comité de suivi de la mise en oeuvre du droitau logement opposable. La plateformeassociative pour le Droit au LogementOpposable y est officiellement représentée parun membre du Mouvement ATD Quart Monde.

Quatre types d’actions ont découlé de cetteanalyse :1/ La loi prévoyant que les personnes très mal

logées pouvaient adresser un recours à laCommission de médiation « sans condition dedélai », c’est-à-dire tout de suite, dès la promul-ation de la loi, nous sommes convenus dedemander aux préfets d’être agréés pour pouvoiraider les personnes mal logées avec lesquellesnous étions engagés à saisir la Commission demédiation de leur département. Nous avonsrédigé une lettre type en ce sens. Bien sûr, dansla plupart des départements, les Commissionsde médiation n’existaient pas, mais les préfets,chargés de les mettre en place (depuis la Loid’orientation relative à la lutte contre lesexclusions, de 1998), eux, étaient là. Ceci a

Habitat précaire près du Stade de France, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).

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32Rapport Moral ATD Quart Monde France 2007

permis, par exemple, dans les Yvelines, à unealliée du Mouvement ATD Quart Monde,d’obtenir malgré une situation pitoyable degestion du contingent préfectoral, le relogementd’une famille qui vivait à l’hôtel, sans aide,depuis de nombreuse années.

2/ Dans la région Midi Pyrénées, une alliée duMouvement ATD Quart Monde à Toulouse etmembre du Conseil économique et socialrégional , a pu faire inscrire dans le rapport surle logement de cet organisme, que la délégationdu Droit au Logement Opposable aux EPCI(établissements publics de coopérationintercommunale) devait être un objectif pour larégion.

3/ Enfin dans la région Nord-Pas-de-Calais,l’équipe de Lille du Mouvement ATD QuartMonde a sollicité et obtenu une rencontre avecle préfet et le directeur départemental del’équipement pour examiner comment allait êtremis en place le recours auprès de la Commissionde médiation.

4/ Le lancement des Comités solidaires pour lesdroits le 17 octobre a trouvé sa premièreapplication dans l’idée que les citoyens les plusmal logés n’osent pas approcher les commissionde médiation et donc ont besoin d’être soutenuspar d’autres citoyens.

Ci-dessous,extrait de la plaquette réalisée par le secrétariatHabitat-Ville du Mouvement ATD Quart Monde le16 mai 2007, mise à jour le 10 octobre 2007.

Le droit au logement opposabledans la loi du 5 mars 2007

COMMENT S’EXERCE L’OPPOSABILITÉ DU DROIT AU LOGEMENT ?Ce droit s’exerce par un recours amiable puis, le cas échéant, par un recours contentieux (Art. 1) Le recourscontentieux sera ouvert le 1er décembre 2008.Les commissions de médiation doivent être créées avant le 1er janvier 2008.

En l’absence de commission de médiation dans le département, le demandeur peut exercer le recours devant lajuridiction administrative si, après avoir saisi le Préfet, il n’a pas reçu une offre tenant compte de ses besoins et deses capacités dans un délai de 3 mois.

Un droit au logement opposable, pourquoi ?L’opposabilité du droit au logement doit permettre auxpersonnes ne pouvant pas accéder par leurs propresmoyens à un logement décent et indépendant, ou nepouvant pas s’y maintenir, d’exercer un recours enversune autorité désignée, afin d’y parvenir.

Cependant l’objectif du droit au logement opposablen’est pas d’encombrer les tribunaux de recours, maisbien de conduire les responsables du logement, et àtravers eux, la société toute entière, à s’engager dansune obligation de résultat pour que chacun soitdécemment logé.

La loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logementopposable :Élaborée dans une période de crise aiguëe dulogement, elle devra être adaptée dans le temps afind’assurer au mieux son objectif : permettre à chacunde bénéficier d’un logement décent et indépendant.Elle a donc prévu la mise en place d’un COMITÉ DE SUIVIDE LA MISE EN ŒUVRE DU DROIT AU LOGEMENT OPPOSABLEdestiné à observer la mise en pratique de l’opposabilitédu droit au logement et proposer les correctifs qui serévéleraient nécessaires pour en améliorer leprocessus.

COMMENT EST ORGANISÉ LE RECOURS AMIABLE ? (Art. 7 Déc.)

Dans chaque département est créée auprès du Préfet, une COMMISSION DE MÉDIATION présidée par une personnalitéqualifiée qu’il désigne. Elle est composée de :1/ 3 représentants de l’État ;2/ 1 représentant du département, 1 représentant des EPCI et 1 représentant des communes ;3/ 1 représentant des organismes bailleurs sociaux, 1 représentant des organismes bailleurs privés, 1 représentant

des organismes chargés de la gestion d’une structure d’hébergement, d’un établissement ou d’un logement detransition, d’un logement-foyer, ou d’une résidence hôtelière à vocation sociale, oeuvrant dans le département ;

4/ 1 représentant des associations de locataires, 2 représentants des associations agréées dont l’un des objet estl’insertion ou le logement des personnes défavorisées, oeuvrant dans le département.

La voix du Président est prépondérante.La commission élit un vice-président parmi ses membres.Le secrétariat de la commission est assuré par un service de l’État.

33 Rapport Moral ATD Quart Monde France 2007

II - Créer un courant civique et politiquepour un monde riche de tout son monde

2.1 - Faire campagne pour révéler, réveillerles solidarités initiées par les plus démunis

2.1.1- Campagne mondiale : refuser la misère, un chemin vers la paix

HISTOIRE D’UNE CAMPAGNE :

1957. Création d’ATD Quart Mondedans le camp des sans logis de Noisy-le-Grand.

1987. 17 octobre . Pour le 30è anni-versaire d’ATD Quart Monde, le pèreJoseph Wresinski invite au ras-semblement des défenseurs desdroits de l’homme, il pose une dalleà l’honneur des victimes de la misère« là où des hommes sont condamnésà vivre dans la misère les droits del’homme sont violés, s’unir pour lesfaire respecter est un devoir sacré ».

1992. 17 octobre. Lancement d’unappel aux Nations Unies pourqu’elles reconnaissent la journéecomme Journée mondiale du refus dela misère.

1992. 22 décembre. L’assembléegénérale des Nations unies adopte le17 octobre comme journée internatio-nale de l’éradication de la pauvreté

1992-2006. Le rassemblement provo-qué s’étend dans le monde

2006. Mai. Un séminaire à Montréalrassemble des délégués du mondeentier pour évaluer avec l’ONU l’im-pact de cette journée. Mr KoffiHannan, secrétaire général, demandeà ce qu’elle soit amplifiée, car elle metles plus pauvres comme premiersacteurs de la lutte contre la misère.Les délégués lancent une «Déclarationde Solidarité » comme soutien à unecampagne citoyenne mondiale pourfaire émerger le refus de la misère.

2006. 17 octobre. Lancement enFrance et dans le monde de lacampagne de signature la

Déclaration de Solidarité, avec denombreuses associations.Lancement de la campagne desenfants « écoutez-nous et changeonsle monde ».

2007. Février. Journées du livre et duFilm à la cité des Sciences et del’Industrie de La Villette, à Paris, 5 000visiteurs, forum contre l’exclusion. 10000 signatures.Les partenaires sociaux se joignent àla campagne de signatures.

2007. 2 juin. Lancement, lors del’assemblée générale d’ATD QuartMonde, de deux Caravanes de lafraternité qui vont circuler en Europe

Été 2007. Des festivals, le tour dechant de Laurent Voulzy, la fête del’Humanité se joignent à la campagne

2007. 17 septembre. Lancement dujournal Résistances en partenariatavec Amnesty International et leSecours Catholique. 1,4 millionsd’exemplaires distribués par lesmilitants, avec le soutien de la Poste,de la SNCF pour la distribution et lejournal Ouest France pour lafabrication.

2007. 17 octobre. 20 000 personnesau Trocadéro avec des délégationsde toute la France de nombreusesorganisations des droits de l’hommeet du refus de la misère, et desdélégations du monde. Séminaire àla Ville de Paris avec des villes quiont reproduit la Dalle à l’honneurdes victimes de la misère du parvisdes droits de l’homme à Paris. Villagedes solidarités avec grands débats.Lancement avec Amnesty Internatio-nal et le Secours Catholique, dans lejournal Résistances, du Réseau desComités Solidaires pour les Droits.

Remise de 200 000 signatures deDéclarations de Solidarité, dont100 000 de France au PrésidentNicolas Sarkozy, au Conseil écono-mique et social (CES) à Paris et àMonsieur Ban Ki Moon, à New York.

Fin 2007. 40 000 nouvelles person-nes en France se sont engagées dansce courant du refus de la misère, endonnant leur nom, leur adresse et enaffichant leur volonté d’agir et d’êtresolidaire avec les plus démunis pourétablir une société du droit de touspour tous par la mobilisation de tous.

Si cette campagne a porté des fruitsconsidérables en terme de nouveauxliens, de nouvelles forces militantesde nouveaux courage, elle a étéaussi un très grand effort qui n’aréussi que par la mobilisation detoutes les forces vives du Mouve-ment, à commencer par les militantsQuart Monde qui ont été lespremiers à se mobiliser et à dire leurespoir du rassemblement avec tous,pour sortir de l’exclusion.

Ce courant civique de rassemblementest l’antidote à la violence, une cana-lisation de l’énergie du refus de lamisère et il oblige les pouvoirs poli-tiques à se situer, à s’engager. C’estainsi que Monsieur Ban Ki Moon adéclaré ce jour-là qu’il fallait revoirles objectifs du millénaire pour pren-dre en compte les plus pauvres et passeulement les moins pauvres parmiles pauvres. C’est ainsi que MonsieurNicolas Sarkozy a choisi de s’expri-mer ce jour-là, devant le CES, pourexposer sa politique de lutte contrela misère et rappeler l’engagementque le pays a pris au CES en citantGeneviève de Gaulle : «Notre paysse remettra sans cesse en questiontant que les droits fondamentaux neseront pas effectifs pour tous».

34Rapport Moral ATD Quart Monde France 2007

Chers amis,

Sommes-nous vraiment en campagne ? Est-on en train de remuer ciel et terre pour construire avec lesplus pauvres un courant de milliers de personnes qui les soutiennent ?

La semaine dernière, à Metz 10h du matin. Fatiah, mère de famille de 34 ans entre dans le bureau dujuge pour enfant afin de parler de l’avenir de son fils âgé de 2 ans et demi. Le juge annonce qu’il prolongele placement de l’enfant en raison de « carences éducatives ». Après une discussion très animée, lamaman sors un couteau de cuisine et poignarde le juge. Chef de l’état, premier ministre, ministre de laJustice, collègues du juges, media, tout le monde s’insurge, défend le juge, s’indigne et demande plus desécurité. Qui dira sa fraternité à cette maman désespérée, seule, violente ? Qui demandera aussi plus desécurité pour ceux qui souffrent et qui retournent leur colère contre ceux sensés les aider et en fin decompte contre eux-mêmes ? (1)

C’est cela la misère : être dans des conflits intolérables et se retrouver seul, toujours du mauvais côté. Lemédiateur de la République écrit : « Jamais dans notre société la violence n’a été si proche de dépasserle dialogue ».

C’est en réponse à cela qu’il y a 50 ans des gens se sont associés : pour que plus personne ne soit seuldevant l’intolérable. « C’était intolérable parce que ça durait. Six mois, cela eut été supportable ; un ance ne l’était plus, et au bout de deux ans cela eut été la révolte, ou alors l’abandon et couler avec lapopulation. De cette crainte est née une première association ; c’était une manière de partager ce dramequotidien. Tout ce qui a suivi est d’ailleurs né de la même manière, de la réalité, d’un trop plein d’injus-tice, de la peur de sombrer ensemble. Tout est né d’une vie partagée, jamais d’une théorie ». Ainsi s’ex-prime en 1957 celui qui a provoqué et soutenu les habitants du camp d’urgence créé par l’abbé Pierrepour qu’ils s’associent, le père Joseph Wresinski.

Et nous, qu’allons-nous faire ? Comprenons-nous bien que les plus pauvres n’en peuvent plus d’être tropseuls à porter le poids de la misère du monde, à porter l’arrogance et la violence de nos sociétés quidécident pour les faibles sous prétexte de les protéger, qui s’enrichit en disant que demain on s’occuperad’eux ? Aujourd’hui, nous savons que cette logique met en danger l’humanité.

Dans tous les groupes, nous voyons que les membres du Mouvement qui se confrontent à la misère sontceux qui recueillent le plus de signatures de la Déclaration de Solidarité. C’est un signe et un appel for-midable à tous les autres pour s’allier ensemble. Pour ceux qui ont des relations, qui sont inclus danscette société, c’est maintenant que les plus pauvres nous attendent au tournant. Beaucoup le disent :c’est dur de faire signer les gens, ils n’y croient pas. Oui c’est dur : c’est l’exclusion qui est dure, c’est lesentiment que la misère est fatale qui est dur, c’est le sentiment qu’il n’y a rien à gagner à s’associer avecles plus pauvres qui est dur. C’est le fait qu’oser dire qu’on peut détruire la misère nous expose, tout commeen leur temps d’autres ont osé dire que l’esclavage était immoral. Oui c’est dur. Tous les jours les plus dému-nis ressentent tout cela et ils le bravent, et ils sont beaucoup trop seuls à le braver.

Et pour ceux qui ont des sécurités, c’est le moment de jeter nos forces dans la bataille. Mais plus quecela, s’associer avec les plus pauvres, c’est offrir au monde de pouvoir repenser la vie ensemble sur laplanète, repenser le partage des richesses de tous ordres, matérielles, culturelles, spirituelles. Le combatcontre l’indignité de la misère n’est pas un combat d’arrière-garde, c’est un combat moderne, novateur,prometteur. C’est cela notre campagne.

C’est le moment de faire alliance. Une telle campagne mondiale a demandé une longue préparation,elle est maintenant en train de mûrir et nous sommes dans la dernière ligne droite jusqu’au 17octobre.Nous mettons toutes nos forces dans cette bataille.

Et c’est de cette campagne que, dès le lendemain du 17 octobre, nous tirerons les leçons de ce que nousavons appris pour recentrer notre mouvement et nous investir dans une année mondiale d’évaluationprogrammation de tous nos engagements et de nos actions. La délégation générale vous envoie cettesemaine une lettre pour décrire cette démarche qui unira toutes nos forces.

Véronique Davienne, Gérard Bureau, Bruno TardieuDélégation nationale France.

Un exemple de la mobilisation interneLettre de campagne à tous les membres actifs du Mouvement ATD Quart Monde, juin 2007 :

« Chaque nouvelle signature de la Déclaration de Solidarité fonde l’espérance des plus pauvres. »

1- Depuis nous avons établi le contact par courrier avec cette maman.

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2.1.2- Tapori France

Le courant d’amitié Tapori a été créé en 1967, ausein du Mouvement ATD Quart Monde, et s’est peuà peu développé à travers les cinq continents. Il relieentre eux des enfants de tous milieux et de touspays. Le nom Tapori nous vient de JosephWresinski, fondateur du Mouvement ATD QuartMonde, qui rencontra, lors d’un voyage en Inde, en1965, des enfants de Bombay qui vivaient complè-tement livrés à eux-mêmes, dans des gares, et quel’on surnommait « Tapoori ». À son retour enFrance, Joseph Wresinski écrivait : « Je pensesouvent à ces enfants tellement abandonnés, maistellement courageux puisqu’ils arrivent à sedébrouiller et même à s’entraider. Nous aussi, nouspourrions être des " Tapori " qui, à partir depresque rien, allons construire un monde d’amitiéoù il n’y aura plus de misère. ».

Tapori est devenu aujourd’hui un courant mondialqui met en contact des enfants de toutes origines etde tous les continents, les soutenant dans leurvolonté de lutter contre la misère et l’exclusion, dedevenir amis. Ce courant est animé par unSecrétariat international, basé à Genève (en Suisse)et 5 Secrétariats nationaux implantés en Suisse(Treyvaux), France (Paris), Espagne (Madrid),Portugal (Tomar) et aux États-Unis (New York). Ilséditent des lettres mensuelles en 5 langues, animentle site www.tapori.org, et publient des histoiresvraies d’enfants qui, malgré la vie trop difficile, ontles mêmes rêves d’amitié et de justice que tous lesenfants. C’est la collection « Les enfants ducourage », 20 mini livres en 16 langues.

Quelques actions conduitespar Tapori France en 2007

– Une mallette pédagogiqueÀ la suite d’une évaluation de l’impact des dossierspédagogiques proposés chaque année à l’occasionde la Journée mondiale du refus de la misère, auprèsdes adultes qui les utilisent régulièrement(enseignants, animaeurs et éducateurs travaillantavec les enfants de 7 à 12 ans), l’équipe TaporiFrance a eu l’idée d’éditer une mallette pédago-gique plus pérenne : « Ensemble contre lamisère, l’amitié pour vaincre l’exclusion ».Le but de cette mallette est :- d’accompagner concrètement et durablementles enseignants dans leurs engagementsprofessionnels, leur apporter des outils de« formation action » dédiés au développementde la connaissance des droits fondamentaux de

tous, de la citoyenneté et de la lutte contre lagrande pauvreté et l’exclusion ;

- de contribuer au sein des établissements scolaires,à l’initiation et au développement d’un dialoguepermanent entre enfants, enseignants et parents,qui favorise le respect d’autrui, de la dignitéhumaine, et apporte un mieux-être et mieux vivreensemble.

– Campagne et expositionsCette année 2007 constituait l’aboutissement de lacampagne internationale « Écoutez-nous et chan-geons le monde », campagne née de l’interpella-tion d’un enfant d’Haïti, qui a écrit à Tapori : « Quipeut changer le monde sans moi ? ». Chaque enfantpouvait réaliser sa silhouette grandeur nature, surun beau support et la décorer. Cette silhouettereprésentait « les apparences », mais derrière lesapparences, chaque enfant a beaucoup dans soncœur. Chacun était ensuite invité à accompagner sasilhouette d’un message.Des milliers de silhouettes ont été réalisées dansplus de 40 pays. Les messages ont été travaillés parles différentes équipes dans le monde afin deréaliser une exposition qui reflète la contributiondes enfants. Ces messages sont d’une granderichesse.

« Bonjour, je m’appelle Mulema. Je suishandicapé mais j’aimerais aussi jouer commetous les autres. C’est ça mon rêve. Et quand onme demande de parler d’une rencontre avec unenfant que je ne connais pas, je me souviens duterrain de foot. Souvent quand on veutsélectionner les joueurs pour commencerl’entraînement, on ne connaît personne, chacunest venu de son coin mais on regarde lessouliers, l’habillement, comme premièrecondition. Habituellement on laisse les bonsjoueurs de côté, tout simplement parce qu’ilssont pieds nus. Nous, dans notre équipe Tapori,nous les acceptons tous et c’est pourquoi noussommes devenus les meilleurs. Il est pieds nusmais il suffit de lui donner le temps de se fairevoir. Avec ceci, j’ai appris qu’avant de jugerquelqu’un il faut le connaître. »

La mallettepédagogique

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Il a été dégagé un fil rouge des messages dessilhouettes et une première grande exposition a étéréalisée et présentée lors des Journées du livrecontre la misère, en mars 2007.Cette exposition a ensuite été présentée à l’ONU àGenève en avril 2007, avec le parrainage de laFrance, du Pérou, des Philippines, du Sénégal et dela Suisse.

Cette exposition a ensuite voyagé vers laRépublique démocratique du Congo le 17 octobre2007. Une réplique a été imaginée avec des artistespour être présentée le 17 octobre au Trocadéro àParis. Elle a voyagé dans le cadre de différentesmanifestations accueillant des enfants (à Roubaix,à Maubeuge, à Lille, à Lyon, à Paris, à Versailles).Des petites expositions, plus faciles à installer, ontégalement été réalisées pour des écoles, des centresde loisirs, etc. Elles ont été utilisées par la mairied’Amiens, de Noisiel, ou à Bordeaux...

Les silhouettes et messages ont été intégrés au sitewww.tapori.org, permettant aux enfants de revoirla silhouette qu’ils avaient offerteet de voir celle des autres. Enjuillet 2007, déjà plus de 100 000visites sur la base de silhouettes enfrançais. Chaque enfant ou grouped’enfants qui a envoyé sasilhouette a reçu une lettrepersonnelle du Secrétariat TaporiFrance, lui donnant des nouvellesde la campagne et l’invitant àcontinuer sa réflexion.

– Participation aux Journées dulivre contre la misère

En mars, ont eu lieu à la Cité desSciences et de l’Industrie, « LesJournées du livre contre la

misère ». Manifestation autour de livres, films,débats dont l’objectif est « connaître pour pouvoiragir ». Le thème de cette année était « Justice etfraternité : ensemble contre l’exclusion ».Un espace était réservé aux enfants autour de laquestion : « Qui peut changer le monde sans moi ? »Durant trois jours, des enfants de tous milieuxsociaux ont pu se rencontrer en visitant l’expositionde silhouettes, en réalisant leur silhouette grandeurnature et en exprimant sur un cœur ce qu’ilssouhaitaient pour que le monde change. 3000enfants ont participé à cet événement.Le 17 octobre, les 20 000 participants au rassem-blement de Paris se souviendront des centainesd’enfants présents, de leurs paroles, de leurs chants,et de la beauté des milliers de silhouettes desenfants du monde.

– Le Forum des enfants

L’équipe Tapori France participe à un collectifd’associations œuvrant pour le respect des droits del’enfant. Il a pris pour nom le « Forum desenfants ». L’histoire a commencé, en France, le20 novembre 2003, à l’occasion de l’anniversairede la Convention internationale des droits del’enfant, avec 1510 enfants, délégués de leur ville,de leur quartier ou de leur association, réunis àl’initiative d’un collectif d’associations enpartenariat avec la ville de Saint Denis (France) etl’Académie Fratellini, dans le cadre du Forumsocial européen qui, pour la première fois, s’ouvraitaux enfants.Chaque année, une réflexion s’ouvre à laquelle lesenfants sont associés.

« Votre présence nous a rappelé que lalutte pour les droits humains est uneentreprise de longue haleine. Puissent nosefforts en faveur de celles et ceux qui sontvictimes d’abus divers répondre à vosattentes. Vos dessins, nos débats recou-vrent en somme une même préoccu-pation : celle de nous engager en faveurd’un monde plus juste et plus pacifique oùchaque être se sent en sécurité. »Blaise Godet, représentant permanent de la Suisseauprès des Nations Unies, à Genève.

17 octobre 2007, parvis du Trocadéro, à Paris : les enfants chantent «La croisadedes enfants », de Jacques Higelin.

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2.1.3- Les Caravaneseuropéennesde la fraternité

La cinquantaine de jeunesadultes qui ont formé les 2caravanes européennes de lafraternité et qui ont circulé dansune soixantaine de lieux dans 9pays, pendant 4 mois, ont vécuun projet hors du commun, trèsintense et exigeant, très richepour eux-mêmes comme pourles quelques milliers depersonnes qui les ont accueillis.

Ces jeunes adultes sont partisavec confiance à la rencontred’autres jeunes, adultes etenfants très divers. Leur confiance et leur attitudeouverte ont permis des rencontres totalementimprobables entre des gens qui ne se fréquententpas, l’expression de personnes qui sortent rarementde chez elles et n’ont pas l’habitude d’être écoutées,des discussions passionnantes, des fêtes là où lapeur et la violence sont souvent la règle... Leurforce et leur enthousiasme ont renforcé le courageet les engagements des personnes rencontrées pourvivre cette conviction qui est le centre de lacampagne du Mouvement ATD Quart Monde danslaquelle s’inscrivait le projet : « Refuser la misère,un chemin vers la paix » !

Les personnes impliquées dans leprojet et celles rencontrées

– Les caravaniersAu total, 73 jeunes adultes ont fait partie des deuxcaravanes pendant une durée d’une semaine à6 mois. Ces jeunes étaient originaires de France(47), de Pologne (15), du Royaume-Uni (5), deBelgique (2), du Luxembourg (2), de Suisse (1) etd’Espagne (1).

– Qui sont ces jeunes et qu’ont-ils vécu ?Ils ont entre 17 et 28 ans et ont tous des histoires etdes expériences de vie différentes. Plusieurs d’entreeux viennent de familles qui ont connu la misère etl’exclusion, d’autres de familles populaires où lavie n’a pas toujours été facile, d’autres encore defamilles qui leur ont offert beaucoup de sécurité.Cette extrême variété du groupe a été sa grandechance, sa force et sa richesse. Elle a été aussi très

exigeante pour chacun et chacune. Très vite lesjeunes ont senti qu’il leur fallait vivre entre eux cesur quoi ils voulaient provoquer le dialogue avecles personnes rencontrées : la possibilité de vivreensemble en dépassant les différences et en faisantde ces différences une chance, le refus de touteexclusion, la possibilité donnée à chacun d’apportersa contribution. Les efforts qu’ils ont faits pourvivre ensemble en se respectant et en cherchant àce que chacun trouve sa place ont rendu crédible etfort le message dont ils étaient porteurs.

– Les personnes qui ont préparé l’accueilAu total, plus de 770 personnes ont été directementassociées à la préparation du passage des caravanesdans leur ville ou leur village, dont 375 jeunes(entre 15 et 30 ans) dans 9 pays (190 en France).

– Les associations et organismes partenairesLe projet a été l’occasion de renforcer localementdes partenariats existants ou, très souvent, d’encréer des nouveaux. Aux côtés des groupes locauxd’ATD Quart Monde, se sont mobilisés : desmairies, et parfois le Conseil général ou le Conseilrégional, des centres communaux d’action sociale,des écoles primaires et collèges, des centressociaux, des centres culturels, des bibliothèques etmédiathèques, des clubs de jeunes, des paroisses,des auberges de Jeunesse, des lieux de formation,associations d’insertion ou de réinsertion, desbranches locales d’associations nationales commeAmnesty International, le Secours Populaire, leSecours Catholique, des Scouts, l’associationCulture et Liberté..., des groupes de jeunes d’Unis-Cités, des associations de quartiers, des comités de

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Pierrelaye, 2 juin 2007, Assemblée générale du Mouvement ATD Quart Monde : Lescaravaniers sont prêts pour le départ.

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locataires..., des associations d’entraide, dechômeurs, de femmes, de jeunes, de soutien auxgens du voyage..., des associations menant desactivités artistiques et culturelles dans les quartiers,des groupes de musique et orchestres. Beaucoup deces groupes et structures expriment le désir depoursuivre les partenariats.

– Les personnes rencontréesLes rencontres provoquées par le passage descaravanes ont été très diverses : ce pouvait être unesoirée avec une dizaine de jeunes, un après-midid’animation dans un quartier avec 50 ou 200personnes (enfants, jeunes et adultes), ou la partici-pation à un événement public organisé par d’autres.Environ 9 000 personnes ont été rencontrées par lescaravaniers et ont participé aux animations qu’ilsont créées dans les différents lieux ; elles étaient detous âges. Un tiers vivait dans des situations trèsdifficiles.

Le Projet artistique

Un partenariat avec la Compagnie Zarina Khan apermis une formation initiale et la réalisation d’unevidéo de 30 minutes sur le projet.

Les principales activités menées par les caravaniersont été les suivantes :

- Les ateliers d’écriture. Ces ateliers, ouverts auxjeunes et aux adultes, mais parfois aussi auxenfants, invitent ceux qui le souhaitent à se lancerdans l’écriture de ce qui leur tient à cœur et plusparticulièrement du témoignage de la lutte contre lamisère. Des centaines de messages ont ainsi étéécrits et ont été retransmis d’étape en étape.

- Slam. Un atelier slam a eu lieu avec les jeunesdans la plupart des étapes. Il était souvent lié àl’atelier d’écriture qui en était la préparation. Cesdeux ateliers ont été l’occasion de discussions et deréflexions avec les jeunes rencontrés. L’atelier slama souvent permis la participation de jeunes qui netrouvaient pas leur place ailleurs.

- Les fresques murales. Là où c’était possible etquand c’était prévu par les équipes d’accueil, lescaravaniers ont invité enfants, jeunes et adultes àréaliser une grande fresque sur un des murs duquartier. Ce fut souvent un moment important,l’occasion de faire quelque chose ensemble et, aufinal, une grande fierté pour le quartier.

- Le théâtre forum. Technique inspiré de PauloFreire, le théâtre forum consiste en une scènemodèle sur une question de société qui est mise au

point entre quelques acteurs, puis jouée devant lepublic une première fois. Lorsque la scène estrejouée, le public est invité à intervenir enremplaçant un des acteurs pour montrer commentla situation décrite pourrait évoluer différemment.Après deux ou trois scènes ainsi rejouées avecl’intervention du public, un débat a lieu entre toutesles personnes présentes. Les jeunes s’étaient formésà cette technique d’animation qu’ils ont largementutilisée dans la plupart des lieux. Cette animation aété le plus souvent l’occasion de discussionspassionnées sur la question de l’accès au travail, aulogement, à la santé, sur la question de l’exclusionet sur le type de société que les participantsvoulaient bâtir.

- Des expositions. Partis avec quelques panneauxpour expliquer le projet et les itinéraires descaravanes, les jeunes ont très vite ajouté d’autrespanneaux avec des photos, des textes, desfarandoles, etc. Ces expositions ont, elles aussi, étél’occasion de parler des étapes précédentes, despays visités, et de faire réfléchir les personnesrencontrées sur les raisons et les objectifs descaravanes.Et aussi : des ateliers « Farandoles » destinées auxadultes et aux jeunes, des ateliers « SilhouettesTapori » pour les enfants, l’atelier « Laque survéhicules », l’atelier « Signature de la Décla-ration de solidarité », des parades, des ateliers« Marionnettes géantes », des ateliers musiqueet réalisation d’instruments, des ateliers Photoset vidéos et la tenue à jour d’un sitehttp://www.caravanes-atd.eu

Les lieux visités

– La Caravane 1 s’est rendue dans le Nord de laFrance, puis à Beauvais, Nanterre, dans le MassifCentral, à Marseille, à Lyon, dans la Creuse, puis àBruxelles, Genève, Nantes, St Nazaire, Bordeaux,Bayonne, Madrid et Chambéry. Dans 22 villes,villages ou régions différentes, de 4 pays, elle estintervenue dans 42 lieux.– La Caravane 2 a aussi commencé par le nord dela France, puis s’est rendue aux Pays-Bas, enAlsace, en Lorraine, en Bretagne, à Angers, puis enGrande-Bretagne, en Pologne, au Luxembourg,dans le Jura français, et à Chambéry. Dans 21 villes,villages ou régions différentes, de 5 pays, elle estintervenue dans 27 lieux.

Au total, les deux caravanes se sont donc arrêtéesdans 69 lieux, de 43 villes, villages ou régions de 9pays.

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Quelques échos des caravaniers et despersonnes rencontrées

« Faire descendre des gens de chez eux, faire naîtredes sourires sur leurs visages, faire danser tout unquartier... En l’espace de 2, 3, 4 jours, vous avezdéjà vu cela, vous ? De vos propres yeux ? C’estmagique, ce qui se passe dans cette caravane ! ».L., Bretagne/France

« Ce que vous venez de dire, ça m’a secoué, carc’est ce que je vis. C’est enrichissant d’être là. Cetterencontre avec vous, ça me fait du bien. Ça détruitma misère. » Jeune, Creuse/France

« ...La fraternité, c’est aussi arriver à dire : tu espeut-être différent, mais je veux te connaître, je veuxcomprendre ce que tu vis. Mais c’est au jour le jourque je continue à apprendre toutes les couleurs dela fraternité. » M., Pologne, caravanière

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2 juin 2007. Départ des caravaniers,Pierrelaye (Val d’Oise).

Atelier d’écriture, lors du passage des Caravanes européennes de la fraternité, à Marseille.

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Tout au long de l’année de nombreuses associations,en particulier Amnesty International et le SecoursCatholique, des syndicats et surtout de simplescitoyens, ont proposé à la signature ce texted’engagement

– De nombreux signataires ont accompagnéleur signature de commentaires dont voiciquelques extraits :

• « Alors que dans notre pays l’individualismes’accroît, que les peurs et les divisions poussentnotre société dans le fractionnement, je suisconvaincue que nous devons permettre à chaqueindividu d’avoir accès aux droits fondamentaux etque nous devons organiser une société juste dans larépartition des richesses. » Martine Aubry, Lille, maireet ancienne Ministre, France

• « Je demande au président de la Républiquenouvellement élu, que le refus de la misère soit unepriorité de son quinquennat. Que plus personne nevive dans la pauvreté. Je suis solidaire de ceux etcelles qui luttent pour faire régner les droits del’homme. » Retraitée, France

• « En participant à la journée mondiale du refusde la misère, La Poste veut montrer toutel’importance qu’elle attache à son rôled’intégration et de lien social, si essentiel pour lacohésion de notre pays. » Jean-Paul Bailly, présidentdu groupe La Poste, France

• « Parce que le monde contient suffisamment derichesses pour que nous puissions tous avoir accèsau minimum vital ; parce que mon bonheur et masérénité passent par le fait que mes frères et sœursdu monde le soient également. » Turquie

• « Tant qu’il y aura la misère pour un seul êtrehumain, nous ne serons pas des êtres humains à partentière. Tout le monde est important sur la terre. »Julos Beaucarne, chanteur, France

• « Si je ne commence pas moi-même à luttercontre la pauvreté, pourquoi mon voisin le ferait-il ? Je ne peux exiger de l’Etat qu’il travaille avecles plus pauvres si je ne commence pas à monéchelle à le faire. » Enseignant dans le supérieur, France

• « Votre lutte est la mienne. » Christine Boutin,ministre du Logement et de la Ville, France

• « L’Universalité des droits de l’homme ne pourrase réaliser véritablement que dans l’éradicationuniverselle de la pauvreté. » Boutros Boutos-Ghali,ancien secrétaire général des Nations unies, Le Caire,Egypte

• « Pour les entreprises, dont la mission premièreest d’améliorer le bien-être des citoyens en pro-duisant biens et services, il faut tout faire pourqu’une très grande partie de la population mondialene reste pas en dehors de cette amélioration. »Bertrand Collomb, Paris, président d’honneur du groupeLafarge

Rapport Moral ATD Quart Monde France 2007

« Refuser la misère, un chemin vers la paix »

« Je suis solidaire avec celles et ceux qui luttent,partout dans le monde, pour résister à la misère etl’éliminer.Je veux contribuer :• à faire respecter la dignité de tous.• à faire respecter l’accès effectif aux droits del’homme pour tous.Je veux me joindre aux efforts qui permettent laparticipation des personnes en situation d’exclu-sion et de misère au 17 octobre, Journée mondia-le du refus de la misère.Je demande que les citoyens, les autorités loca-les, nationales et les Nations Unies :• Considèrent les plus pauvres comme les premiersacteurs de la lutte contre la pauvreté.• Associent les plus pauvres à la conception, la miseen place et l’évaluation de politiques qui les concer-nent et portent l’ambition d’un monde sans pau-vreté, un monde où les droits à la vie familiale, autravail décent, à la participation sociale, culturelleet politique sont respectés.• Soutiennent les événements organisés chaque 17octobre afin que la participation des personnes ensituation de pauvreté reste au cœur de la Journéemondiale du refus de la misère.• Participent aux dialogues qui doivent se mettreen place tout au long de l’année avec les person-nes qui, en refusant la misère, créent des cheminsvers la paix.»

200 000 personnes, dont 100 000 enFrance, ont signé cet engagement quia été remis, le 17 octobre 2007, àMonsieur Nicolas Sarkozy, présidentde la République Française, au Conseiléconomique et social, à Paris,et à Monsieur Ban Ki Moon, SecrétaireGénéral de l’ONU, à New York.

2.1.4 - La Déclaration de Solidarité

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• « Bien au-delà de ma déclaration personnelle desolidarité pour refuser la misère et considérer quec’est le premier des chemins vers la paix dans lemonde, je tiens à exprimer combien, à mes yeux, ilen va de la dignité des Nations de s’associer à cettecroisade des mains tendues vers les plus meurtrispar la vie. Tous ceux qui ont le privilège de vivresans être accablés par le destin ont une dette infinieà l’égard de toutes les victimes individuelles oucollectives de notre siècle. Sous une forme ou sousune autre, il faut toujours honorer ses dettes etprioritairement celles qui vont au secours desexclus et des plus pauvres : à nous de les mener versces lumières retrouvées qui, toujours, devraientaccompagner la vie.» Jacques Dermagne, président duConseil économique et social, France

• « La pauvreté n’est pas une maladie honteuse. Nejamais baisser les yeux, ne jamais avoir peur deparler, oser dire, oser dénoncer les injustices. Croireen demain, de toutes ses forces. Pauvresmatériellement... mais si riches de générosité,d’amitié, de partage. » Ouvrière, France

• « La Ligue des droits de l’homme partagepleinement les valeurs et les combats d’ATD QuartMonde. Vous êtes le sel de la terre... » Jean-PierreDubois, président de la Ligue des droits de l’homme, France

• «Comme pianiste et ambassadeur d’Argentineauprès de l’Unesco, je veux de grand cœurrépondre à l’appel du refus de la misère. J’ai laconviction que le combat contre la misère est undéfi essentiel qui nous est lancé pour l’avenir denotre planète. Je crois, moi aussi, profondément,que la misère n’est pas une fatalité. Ce cri habiteen commun les voix d’ATD Quart Monde etcelles de Musique Espérance, l’ONG que j’aifondée en 1982, lors de ma libération au sortir desannées terribles qui, sous les dictatures latino-

américaines, ont douloureusement dévasté maispas anéanti notre peuple. Chers amis, je joueraipour vous de tout cœur le 17 octobre, vouspouvez compter sur moi. » Miguel Angel Estrella,Paris, pianiste, ambassadeur d’Argentine auprès del’Unesco

• « Parce que la peur ne disparaîtra qu’avec lamisère, et la misère qu’avec l’apport de tous ! »Étudiante, France

• « Bien sûr, il y a un lien entre misère et paix. Lapaix doit préoccuper les riches. Sans la paixintérieure, l’économie seule crée parfois plus deproblèmes. Pour créer une société heureuse, plusd’égalité est essentiel. En tant qu’êtres humains,nous sommes membres de la même famillehumaine. Votre frère est en train de mourir de faim,pendant qu’un autre frère a tout ce qu’il faut mais ilne partage pas. C’est immoral ! Moralement,comment est-ce possible ? C’est impossible. »Tenzin Gyatso, 14th Dalaï Lama, Dharamsala, Inde

• « Éradiquer la pauvreté nécessite un engagementsans faille de chaque citoyen et une volontéfarouche des responsables politiques, à tous lesniveaux, d’en finir avec l’exclusion : c’est l’objectifle plus digne pour une Nation. L’avancée d’unesociété et de notre humanité se mesure à l’état detoute la Nation. Eradiquer la pauvreté est possibleen France si, ensemble, nous en avons la fermevolonté. Il ne s’agit pas de gérer l’exclusion. Il fautla prévenir. Il faut l’éradiquer pour le bien dechacune et de chacun, et de toute l’humanité. »Gilbert Lagouanelle, Paris, président d’Alerte

• « J’ai été un peu dans la galère. Je ne veux pasoublier. Le journal Résistances pour le 17 octobre,c’est comme une source, une mémoire : qui je suis,qui j’étais, qui ils sont... » Chauffeur de taxi, France

• « Le savoir le plus profond vient de l’exclusion.L’expérience de l’exclusion est très profonde et doithumaniser. Votre idée d’association est intéressante.C’est avec des miséreux associés avec d’autres, quine le sont pas mais qui les comprennent, que peuts’opérer une dialectique pour arriver à uneconscience nouvelle. Les miséreux n’ont passeulement un savoir. Ils doivent bénéficier aussi dedroits humains. L’idée de droit oblige à continuerune action publique qui tend à supprimer lesconditions de misère. Mettre dans le débat publiccette question-là est important. Voilà pourquoi jeparticipe à votre action. » Edgar Morin, philosophe etsociologue, Paris, France

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Stand du Mouvement ATD Quart Monde, à Paris.

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• « La misère et encore la misère, partout, partout,mais je refuse d’accepter le toujours. C’est à nousles humains de nous tenir les mains pour pouvoirl’éradiquer. Cette misère qui tue notre honneur. »Étudiant, Rwanda

• « Je signe car je suis pour vous et j’en ai marre dela misère, moi je vis dans la pauvreté aussi et je disstop, je me prive tous les jours et je vois souventdes choses qui ne devraient pas exister sur cetteterre, on devrait être tous solidaires et être touscapables de manger, rire et s’amuser comme tout lemonde et ce n’est pas le cas hélas. » Sans profession,allocataire du RMI, France

• « Je signe parce que la guerre menée contre ceque la plupart des institutions en place appellent " lapauvreté " ne s’adresse, dans le meilleur des cas,qu’aux syndromes des vraies questions dontsouffrent les pauvres. Ce que cherchent les 4 à 5milliards d’humains menacés par la misère est enpremier lieu le respect de leur puissance innée, decette puissance sans laquelle il leur est impossibled’apporter la part immense qu’ils peuvent avoirdans la réinvention d’un monde véritablement justeet démocratique. Or cela est très différent desbouées de sauvetage que les sociétés de marché do-minantes perfectionnent sans cesse pour démontrerl’efficacité de leur " aide aux pauvres ". Je signedonc parce que, dans la situation actuelle, toutepensée, toute action, tout cri de cœur qui part desprofondeurs de notre être, compte pour éviter lescatastrophes en perspective. Aussi et surtout, parceque ATD Quart Monde a réuni autour de lui descœurs qui sont encore sensibles aux questions defond que se posent les pauvres. » Majid Rahnema,écrivain, Lyon, France

• « Il faut détruire la misère. C’est une arme dedestruction massive. La faim dans le monde, lesenfants qui meurent, c’est inadmissible. C’estl’affaire de tous, et d’abord des politiques qui ontles moyens de mettre en place un système quipermette à tout être humain de vivre dignement. »Lilian Thuram, footballeur, France

• « Étant dans cette situation, je sais par vécu cequ’il faut comme courage et espoir pour tenir. » Sansemploi, France

• « La pauvreté est une situation de violation desdroits humains ; elle est à la fois le résultat etl’origine de graves violations des droitséconomiques, sociaux et culturels, autant que desdroits civils et politiques. En agissant pour lalibération de prisonniers d’opinion ou de personnesprisonnières de la pauvreté, je poursuis la missionqui est la nôtre à Amnesty international de défensede ceux qui sont marginalisés. » Geneviève Sevrin,présidente d’Amnesty International, Paris, France

• « Je suis passé par une perte de famille proche(défunts). Je me suis retrouvé sans appartement,donc SDF sans emploi. J’ai actuellement unappartement. J’ai invité Sylvain (qui vit encoredehors) pour son anniversaire avec Fernand qui afait une bonne cuisine. J’espère que la misère vacesser. » Privé d’emploi, France

• « Comme il est long le chemin pour ne pas avoirpeur des uns des autres. Le refus de la misère, c’estaussi vaincre sa peur de l’autre. » Réalisatrice, France

• « Je suis confrontée tous les jours à la détresse depersonnes en grande difficulté et cette situation estintolérable. La misère doit être refusée par tous etpar chaque cellule de chaque être humain. Mais lalutte est difficile et la tâche apparaît insur-montable. » Médecin, France

• « La CGT s’associe à la déclaration de solidaritédu refus de la misère. Pour la paix, le respect etdignité de chacune, chacun, pour éradiquer partouttoute la pauvreté. » Bernard Thibault, Montreuil,secrétaire général de la CGT, France

• « J’ai élevé 7 enfants et j’aurai bientôt 13 petits-enfants. L’assistante sociale voudrait que je travailleplus, mais je refuse pour rester disponible commemamie. » Femme de ménage, France

• « La misère est une atteinte insupportable auxdroits fondamentaux des êtres humains : des

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PourLilian Thuram, quia signé laDéclaration deSolidarité, « lamisère est une armede destructionmassive ».

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millions d’enfants dans le monde sont privés desdroits essentiels : aller à l’école, manger à leur faim,être soignés ... La France est l’un des premiers paysà avoir ratifié la Convention internationale desdroits de l’enfant et cela lui donne des devoirs àl’égard de tous les enfants du monde. On ne peutabandonner ceux qui vivent dans la misère et quine peuvent vivre en famille, avec leurs enfants.Nous avons une civilisation des droits del’homme... Nous nous devons de les écouter et deles aider à s’insérer. Avant toute autre préoc-cupation. Que cesse dans ce pays l’accroissementdu fossé entre les plus nantis et ceux qui souffrentau quotidien des conditions de vie de plus en plusdifficiles. » Dominique Versini, Défenseure des enfantsParis, France

• « M. Sarkozy, nous voulons que la misère soitimpossible en France ou dans le monde. La misère,c’est comme si on était face à un mur. Merci denous aider. Arrêtons la Misère. » Barthez, personnesans domicile, France

– Parmi les autres signataires : Yann Arthus-Bertrand, photographe • FrançoisChereque, secrétaire général de la CFDT • Jean-Pierre et Luc Dardenne, cinéastes • BertrandDelanoë, maire de Paris • Bronislaw Geremek,député européen • Nadine Gordimer, prix Nobel delittérature • Martin Hirsch, haut-commissaire auxSolidarités actives contre la pauvreté • AndréLacrampe, archevêque de Besançon • Jean-BaptisteLegrand, Enfants de Don Quichotte • Alfredo Lim,maire de Manille (Philippines) • Federico Mayor

Zaragoza, président de la Fondation Culture de lapaix (Madrid) • Alain Olive, secrétaire général del’UNSA • Laurence Parisot, présidente du MEDEF• Etienne Pinte, député-maire de Versailles • Jean-Michel Quillardet, Grand-Maître du Grand Orientde France • Guy Ryder, secrétaire général de laConfédération syndicale internationale • YoheiSasakawa, président, Nippon Foundation • JoëlThoraval, président de la Commission nationaleconsultative des droits de l’homme • LaurentVoulzy, chanteur-compositeur • Zinedine Zidane,footballeur...

– Parmi les organisations qui ont appelé àsigner en France : Action Mondiale Contre la Pauvreté • AmnestyInternational • Armée du Salut • Aux Captifs laLibération • CFDT • CGT • CIDEM •Confédération des MJC • Emmaüs • Fédération desCentres sociaux et socioculturels • France NatureEnvironnement • Habitat et Humanisme • Ligue desDroits de l’Homme • Ligue de l’Enseignement •MRJC • MRAP • Fédération du Scoutisme français• Comité français de l’UNICEF • Collectif ALERTE• Collectif Forum des Enfants • Petits Frères desPauvres • Saint-Vincent de Paul • La Poste •L’Entraide Protestante • Les Enfants de DonQuichotte • Oxfam • Secours Catholique • SecoursPopulaire • Solidarités Nouvelles face au Chômage• Trop c’est trop • UNSA et de nombreux conseilsmunicipaux.

Pour voir tous les signataires et les messages,consulter le site : www.17oct.org

Le maire de Genèvesigne la Déclaration deSolidarité.

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2.1.5- Bilan de la Journée du17 octobre 2007au Trocadéro, à Paris

En septembre 2006, un rapport de M. Koffi Annan,alors secrétaire général des Nations Unies, surl’évaluation de la Journée mondiale du refus delamisère, soulignait que le 17 octobre « honore lesluttes quotidiennes des personnes vivant dans lapauvreté, (...) leur participation étant au centre deses célébrations ». Ce même rapport relevait que laJournée « suscite des occasions de dialogue avecles pauvres » et « encourage les États membres del’ONU à faire de la Journée un important outilpermettant à tous les citoyens et parties prenantesd’être pleinement conscients de la nécessité deconjuguer les efforts en vue d’éliminer lapauvreté ».

Rappeler l’exigence d’élimination de la pauvreté,dans le lieu à l’origine de cette Journée, le parvisdes libertés et des droits de l’homme, n’est pasanodin dans un contexte où certains pans de nossociétés et de leurs dirigeants tendent à se rendre àl’idée qu’il serait normal que certains s’en sortentet que les plus faibles soient laissés derrière, dans lemeilleur des cas protégés ou assistés, mais plusvraiment concitoyens, sujets de droits.Il a été décidé de marquer le vingtième anniversairede cette Journée par un rassemblement de grandeampleur, au Trocadéro (Paris), de 10h à 22 h.Environ 20 000 personnes (5) y ont pris part.

Coordonnée par le Mouvement ATD Quart Monde,cette journée a vu la participation active de plus de50 autres associations et organismes, grâce à unepréparation amorcée dès novembre 2006. L’impli-cation de plusieurs organisations de jeunesse danscette journée, par ailleurs marquée par la fin dupériple des « caravanes européennes de lafraternité » lui a donné un caractère jeune. Le faitque le 17 octobre 2007 soit un mercredi a été mis àprofit pour impliquer des groupes scolaires,parascolaires ou d’animation d’enfants, permettantla participation d’environ 3000 d’entre eux.L’action menée dans la préparation du 17 octobre2007 s’est attachée à suivre les recommandationsproposées par le rapport de Koffi Annan cité plushaut :

- Honorer les luttes quotidiennes des personnesvivant dans la pauvreté.

- Placer leur participation au centre de la célébration.- Vivre la journée comme une occasion de dialogueentre personnes pauvres et non pauvres.

- Conjuguer les efforts en vue d’éliminer lapauvreté.

L’ensemble de la Journée s’est déroulé sur le parviset dans le jardin du Trocadéro. Le « village dessolidarités » abritait forums, ateliers et débats,espaces de jeux et animations artistiques. Desliaisons informatiques et un studio de radio installésur place par RFI reliaient en permanence cetévénement au monde. Festif et médiatique, enraciné au niveau local, maisaussi emblématique au niveau national et mondial,cet événement a permis de réaffirmer la radicalitédu refus de la misère, ainsi résumée par le slameur« Ami Karim », en conclusion de la soirée :

« (...) Combien de temps avant qu’on ne refusetous la misère ? (...)Je veux plus fermer les yeux, je veux me sentiragressé.Quand au lieu de la faire disparaître, on meparle de la faire régresserC’est comme si on avait offert aux esclavesnoirs d’en libérer que vingt pour centY’a peut-être pas assez de profs d’histoire, ausein de nos gouvernements (...). »

L’implication des partenaires sociaux a étéparticulièrement notable cette année. La décisionde report de la grève à la SNCF, initialementannoncée le 17 octobre, en dit long sur la façon dontles syndicats impliqués se sentaient concernés parla Journée.

- Quelques témoignages de participants à laJournée du 17 octobre

• « Au Trocadéro, on n’était pas pauvres, on étaitfiers. »

• « Je suis fière des miens, de ce courage, cetteténacité, cette tendresse. Je suis fière de cemouvement qui me permet de partager et qui m’aaussi donné la possibilité d’apprécier et deconsidérer très fort ceux et celles qui "ne sont pasde chez moi", mais qui, aujourd’hui, je dois aussile dire, comptent dans ma vie. Ce rassemblementest génial. »

• « J’ai été vraiment content suite à la déclarationde solidarité que j’ai fait signer dans mon village.

5- Il s’agit de l’estimation faite par Publicis Events. À côté decette estimation, il est des chiffres tangibles : 50 autocars venusde province. 20 délégations d’autres pays du monde. 2.000enfants inscrits par avance. 5000 personnes lors du « temps durassemblement », sur le parvis à 18h30.

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Je voulais qu’ils nous regardent dans les yeux, nousautres qui vivons en caravanes. Mais ce qui m’a leplus plu, c’est que la fleuriste est venue avec sonpère âgé de 75 ans et qu’elle m’a demandé que je latienne au courant de ce qui se passera par la suite. »

• « C’est la première fois que j’assiste à unemanifestation de ce genre et je peux dire que j’étaistrès fier et content d’y assister. Cette journée resteragravée en moi durant toute ma vie. »

• « C’était pas comme chez moi, c’était la paix. »

• « C’était bien qu’il y ait du monde. Cela changede ce que je vis tous les jours. »

• « Je me suis relâché et, bien dans ma peau, j’aipris la parole devant 20 000 personnes, pour lire lestextes que nous avions écrits auparavant. J’airessenti à ce moment-là que je faisais partie dequelque chose de grand. »

• « Ce qui m’a frappée, c’est que rien n’était àvendre. Même le café était offert. Et on n’étaitagressé par aucun slogan d’aucune association. Ontrouvait en revanche un foisonnement de créativité.A chaque instant, on apprenait quelque chose. Lagratuité de la journée permettait la gratuité de larencontre et de l’échange. Cela laisse songeur surl’impact qu’a la parole des personnes en grandedifficulté quand on les laisse parler. »

• « Je suis rentrée chez moi en me disant : c’estdonc possible. » (Une personne, participant pour lapremière fois à cette Journée)

• « Nous avons fait une banderole avec les person-nes sans papier. Une expérience très intéressante:les gens ne parlaient pas la même langue et d’abord,

il a fallu essayer de se comprendre.Cela n’était pas évident et petit àpetit, autour de ce bout de tissu, on aaccepté de travailler ensemble. Celapassait aussi par de l’attention auxautres, surmonter la méfiance. On atravaillé 5 h. ensemble pour la faire.Cette banderole c’était leur fierté. Etle 17 octobre, ils étaient là de bonneheure pour chercher leur banderole !. »

• « Quand on est ensemble, on nepeut plus parler n’importe commentdes pauvres : ils sont là. On ne parleplus sur les pauvres, mais aveceux. »

• « Ce qui m’a le plus surpris, c’estcette chaleur humaine venue de toutes parts etl’émotion que j’ai eue en lisant le poème. Desactivités, un mélange de culture et de grâce commeun bouquet de fleurs des champs au printemps,l’espoir d’un lendemain meilleur. »

• « Ça m’a plu de voir que ces jeunes des caravanesavaient la capacité de réveiller ou d’éveiller chezmoi, des aspirations à bâtir un monde meilleur, unmonde de partage et de justice. »

- Partenariats

La réussite de l’organisation de la journée a étépermise par l’engagement de très nombreuxpartenaires. Outre tous les partenaires associatifsayant contribué à la vie de la Journée, on citera iciceux qui ont soutenu financièrement ou par desapports en nature l’organisation de l’événement :Mairie de Paris • Conseil régional Ile de France •Ministère du Travail, des Relations sociales, de laFamille et de la Solidarité • Ministères des Affairesétrangères et éuropéennes • Ministère de la Santé,de la Jeunesse et des Sports et de la Vie associative• Ministère de l’Education nationale • OrganisationInternationale de la Francophonie • Cité del’architecture et du patrimoine • Musée del’Homme • La Poste • Compagnie 360 Euro RSCG• Fondation Solidarité SNCF (pour son soutien àl’espace "sport solidaire") • Fondation du GrandOrient de France • Amnesty International • ActionMondiale Contre la Pauvreté • Secours Catholique,Fédération Française de Football • Max Havelaar,Métrobus • Mutuelle St Christophe • RATP VitabriS.A. • Desautel • Memdriva • Microcos • BriochePasquier • Rugby Town.

17 octobre 2007, au Trocadéro, à Paris..

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Cette année encore, avec Amnesty International etle Secours Catholique, nous avons édité le journalRésistances. 1,4 millions d’exemplaires ont étédistribués permettant à autant de citoyens dedécouvrir un autre regard sur la misère par ceux quila vivent et qui y résistent au jour le jour, par ceuxqui les ont rejoints dans leur résistance.

Le soutien de la SNCF, de la Poste, du journalOuest France, de la Fête de l’Humanité et demilliers de militants qui ont distribués Résistancesont fait cette année encore le succès de cetteopération. Résistances proposait la signature de laDéclaration de Solidarité et aussi une nouvelleinitiative : le Réseau Comités Solidaires pour lesdroits.

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2.1.6- Lancement des Comités « Solidaires pour les droits »

Vous voulez réagir à une situation d’injustice près de chez vous ? Créez un comité « Solidaires pour les droits » !

Cela se passe au coin de nos vies, presque sous nos yeux : un voisin menacé d’expulsion,une petite fille isolée dans la cour de récréation, une mère que plus personne n’écoute, desfrères et sœurs placés séparément aux quatre coins du département... Chaque jour, blottiedans l’indifférence, l’injustice est là.

Fermer les yeux pour ne pas voir ceux que la société condamne à l’assistance, c’estaccepter pour d’autres ce que l’on n’accepterait pas pour soi ou les siens. Que faire ? Voirl’inacceptable, écouter son indignation et oser se mobiliser. Comment ? Ensemble.Parce que la solidarité est le seul chemin vers le droit d’être un Homme. Mais la misèreisole ceux qui veulent la combattre. Ils existent, pourtant, ceux qui veulent agir contrel’exclusion. Ils ne se voient pas mais ils sont là, tout près : le boulanger, l’instituteur, lavieille dame souriante... autant de citoyens ordinaires qui sont prêts à faire quelque chose,mais pas tout seuls.

QUE FAIRE ?La première chose à faire est d’aller rencontrer ceux dont les droits et la dignité sont bafouéspour leur dire notre volonté de nous engager à leurs côtés et les écouter. Se présentercomme voisin, parent, citoyen... prêt à aller au bout d’un combat qui n’est pas un cas isoléet dans lequel la société doit prendre sa part de responsabilité.Bien sûr, ceux qui vivent cette situation d’injustice peuvent refuser. S’ils acceptent, uncomité « Solidaires pour les droits » peut se former, à partir d’abord de gens qu’ilsconnaissent et sur lesquels ils savent pouvoir compter : le voisin, le médecin, le facteur...Ensuite, se mettre d’accord sur le combat précis à gagner (être accepté à l’école, avoir desboîtes aux lettres qui ferment...), parce qu’il ne s’agit pas de se mêler de toute la vie desgens, mais de reconquérir un droit.Puis viennent les moyens à employer, toujours à définir ensemble, dans des réunionsrégulières. Écrire chaque étape du combat afin, par exemple, de pouvoir rappeler au maire,au préfet... les propos qu’il a tenus trois semaines plus tôt, mot pour mot. C’estindispensable pour ne pas perdre le fil et aller ensemble jusqu’au bout de ces bataillespour rétablir le droit et la dignité.Quand le combat est gagné et la victoire fêtée, le comité s’arrête. Restent des liens defraternité qui changent la vie.

Si vous êtes témoin que quelqu’un vit une injustice à cause de la misère ou qu’il esttraité de manière indigne et que vous voulez réagir, cherchez d’autres qui comme vousrefusent cette situation, puis contactez-nous.

Article publié dans Résistances, page 9 « S’ UNIR »

comitésolidairepourles [email protected]

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2.2- Prendre position dans l’espace public : quand leQuart Monde fait avancer la démocratie pour tous

Les pages qui suivent rendent compte de diversesmanières par lesquelles le Mouvement ATD QuartMonde s’efforce de mettre la lutte contrel’exclusion au coeur du débat public et politique.En interpellant l’État et les autorités publiques, enintervenant lors de conférences ou au Conseiléconomique et social, les militants d’ATD QuartMonde veulent prendre part activement à uncourant civique nécessaire pour refuser que lamisère soit perçue comme une fatalité.

2.2.1- Rencontre avec MadameDominique Versini,défenseure des enfants

Au cours du 17 octobre 2007, au Trocadéro,Madame Versini, défenseure des enfants, aprèsavoir parlé avec des enfants, a reçu une délégationd’ATD Quart Monde qui a remis plusieursréflexions et témoignages sur le droit des enfantsles plus pauvres de connaître leur famille, d’êtrescolarisés et d’être acceptés par les autres enfants.Parmi ces témoignages, celui d’Annick Aubry.

Témoignage d’Annick AUBRYMilitante, membre du Conseil d’administrationd’ATD Quart Monde France

« J’ai vécu le placement, j’allais sur mes 14 ans. Acette époque, nous étions neuf enfants, j’étais laseconde. On est venu nous chercher à l’école et l’onest reparties entre deux gendarmes, comme desvoleuses, aux yeux de tous. Puis, ils sont passés à lamaison arracher les plus petites à notre mère, ànotre père. Aujourd’hui encore, une de mes sœursdit avec les larmes aux yeux : « J’aimerais ne plusrevoir le visage de maman déformé par la douleur ;mais c’est impossible...».J’ai vécu le placement comme une cassure ; une« brisure » du lien affectif et à partir de là on neretrouve plus jamais ses parents comme avant.Toute la famille a subi le choc de la rupture. Desdeux côtés on souffre. En tant qu’enfants on souffreavec les parents et l’on porte le poids de leurssouffrances en plus et cela surajoute à l’injusticed’être privé quotidiennement d’eux.Quel enfant peut être heureux sans ses parents ?Quel enfant peut être heureux de ne les voir que

quelques heures par-ci, par-là ? Qui comprendra,entendra cela ?

L’une de mes sœurs qui n’avait que deux ans lorsde sa prise en charge par la DDASS a eu ses6 enfants placés ; il en reste encore trois de 7 et17 ans en familles d’accueil.

Je sais ce que ma sœur a dû batailler et combiencela lui a demandé d’humilité et d’abnégation pourconserver un brin de place auprès de ses enfants.

Personnellement, je me rappelle la honte de mesparents à venir nous voir chez des étrangers et j’aiporté cette honte.Je me souviens de l’humiliation qui leur était faite,après plusieurs heures de voyage à vélo, d’êtrereçus dehors par tous les temps et j’ai porté cettehumiliation.Mais malgré cela, la société, mon entourage, ont euraison de moi et le doute sur eux s’est installé enmoi. Pourtant quel courage, quelle humilité celadévoilait-il !A 17 ans, je m’inventais une histoire, une famille...quelle injustice.C’est en rencontrant le Mouvement ATD QuartMonde, il y a 30 ans, que je me suis reconnue d’unmilieu et que je me suis réconciliée avec celui-ci ;avec ma famille, mon histoire.

Même si les services de l’ASE et autres disentqu’aujourd’hui les choses ont changé, que c’estdifférent, je sais que ce n’est pas fini tant qu’il yaura des placements. La souffrance des enfantsd’aujourd’hui est la même que celle des enfantsd’hier. Certaines de mes nièces viennent d’en sortirmais sont en grande souffrance intérieure.

Elles se sont fermées à leur mère et sont en révoltecontre elle, tout cela à cause des services de l’ASEet de leur milieu d’accueil qui n’avaient aucuneconsidération pour leurs parents. C’est profon-dément injuste.Personne ne leur a dit le combat mené par leur mèrepour les reprendre, pour garder un peu de sonautorité, suivre leur scolarité... et pour continuer àleur dire et leur donner de son amour... malgré lespersonnes étrangères toujours présentes lors desvisites.

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J’essaie de leur restituer ce que je sais pour qu’ellesapprennent à " considérer " leur maman, au moinsun peu, à la respecter.N’est-ce pas le droit des enfants de connaître lecombat qu’ont mené leurs parents pour eux ? N’est-ce pas le droit des enfants de savoir qu’ils sontaimés par-delà ce qu’il leur est donné de vivre, pardelà les clichés qui leur ont été donnés à croire...

C’est sûr que je suis révoltée par cela car c’est lecontraire de ce dont je témoigne. Ce n’est pas parles difficultés vécues dans leur milieu, dans leurfamille qu’on réconciliera les enfants avec eux-mêmes mais par le combat que mènent leursparents, par chacun des actes posés pour eux.L’ASE ne remplacera jamais aucun de nos parents.

Les messages qui me tiennent à cœur, aujourd’hui :– C’est que je fais le rêve que le placement

n’existe plus. Un choix prioritaire et humain.– C’est qu’il se crée un véritable service d’accom-

pagnement des familles dans le but de laisser lesenfants dans leur famille ; un véritable serviced’accompagnement au retour des enfants dansleur famille.

Et s’il reste des enfants placés :– Avoir assez d’amour envers eux pour qu’ils

puissent grandir dans l’estime de leurs parents,de leur famille, de leur milieu car laréconciliation avec soi-même et les autres esttrès important pour construire l’adulte.

– Que les éléments du quotidien soient inscritsobjectivement dans leur dossier et qu’on leurdise le combat de chacun de leurs parents poureux.

– Je souhaiterais que soient aidés autant lesparents que les familles d’accueil, mêmefinancièrement, s’il le faut pour que le droit devivre en famille soit respecté.

Le placement est un « boulet » qu’on traînetoute sa vie. Il met de l’ombre dans tout ce que l’onentreprend. Je ne porte plus la misère sur le visage,le vécu du placement ne se livre pas sur mon frontmais pourtant, en moi, je porte une blessureindélébile qui me "bouffe " la vie. Ça ne doit plusl’être pour personneCe que j’ai vécu est douloureux, intensémentdouloureux. Ce fut injuste pour l’enfant que j’étais;c’est injuste pour l’adulte que je suis devenue et pourtellement d’autres car je sais que cela continue.J’ai vraiment envie que ça change et je comptesur vous pour cela, vous êtes la Défenseure desenfants ! »

2.2.2- Hébergement/logement,conférence de consensus

Intervention de Pierre Saglio, présidentd’ATD Quart Monde,lors d’une conférence de consensus« Sortir de la rue les sans abri» , organiséepar la FNARS, les 29/30 novembre 2007.

Quelle appréciation peut-on porter sur lesréponses publiques depuis 20 ans ? Voilà laquestion qui m’était posée pour intervenir danscette table ronde. J’y répondrai en m’appuyant surla sensibilité particulière que nous avons acquisepar notre histoire. ATD Quart Monde est né avecdes familles à la rue, en errance, des familles quel’abbé Pierre avait mises " à l’abri " à Noisy-le-Grand dans un camp (le camp des " sans logis ") oùelles ne devaient rester que quelques mois et oùcertaines sont restées 23 ans. Ces familles nous ontappris que l’errance enferme dans la précarité,maintient dans les circuits et les réseaux de l’actiond’urgence et prive de toute possibilité de bâtir desprojets qui aillent au delà de la seule surviequotidienne. Aujourd’hui encore, tous ceux quiconnaissent ou sont passés par l’errance et la rue necessent de nous dire que l’on s’y détruit. « Ondevient transparent, on devient un sauvage, onn’existe plus pour personne, on ne peut pas vivre »,nous disent tous ceux qui passent par cette terribleépreuve. (...)

Depuis 20 ans, les pouvoirs publics, l’État enparticulier, ont considérablement développé lesmoyens financiers et autres (nombre de chambres,de nuits d’hôtel, de structures de toutes sortes...)dans le cadre de l’hébergement d’urgence. Le HautComité pour le Logement des PersonnesDéfavorisées l’a très bien mis en évidence dans sonrapport de 2004 consacré à cette question. (...)

Ce recul du droit, alors que l’urgence sedéveloppe, nous interroge sur le sens de celle-ci etsur l’utilisation que nous en faisons. L’hébergementd’urgence n’a-t-il pas pour mission d’assurer àtoute personne en détresse, dans l’urgence, unhébergement et une aide à l’insertion devantconduire au droit commun.L’urgence est l’affirmation que le droit ne peut pasattendre et qu’il faut une action pour y conduiremais n’ayant pas les moyens garantis du droit, on aenfermé les pauvres dans la seule assistance àpersonne en danger par l’hébergement et

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l’alimentation sans que ce soit une obligation àd’autres réponses. (...)

Peut-on débattre des propositions de politiquepublique permettant de « sortir de la rue les sans-abri » si l’on ne dénonce pas nettement cet abandondu droit commun, ce déni des droits fonda-mentaux ? La loi de 1998 contre les exclusions,dont on nous dit trop facilement aujourd’hui qu’ellen’a plus cours, ou qu’elle n’était que déclarative (cequi dénote une méconnaissance historique de cequ’elle a produit), affirme avec force que seul lerespect des droits fondamentaux - ici, le droit aulogement - peut changer la perspective etaboutir à un résultat. Toute autre perspective neserait que bricolage et, au fond, trahison del’espérance première et constante des pauvres « dene plus être pauvres ».

Le droit au logement opposable a été pensécomme une rupture avec cet abandon. La loiDALO doit remettre l’ensemble de notre sociétéface à cette exigence d’effectivité du droit etd’obligation de résultats. Elle a franchi un premierpas en désignant clairement l’État commeresponsable de la mise en œuvre de ce droit.(Jusqu’alors, de fait il ne l’était pas, et c’est l’unedes raisons majeures pour lesquelles les recours nefonctionnaient quasiment jamais. C’est d’ailleurspour le dénoncer que nous avons déposé uneréclamation collective auprès du Conseil del’Europe contre l’État français).Mais tout reste à faire pour que cette loi soit unlevier de mobilisation générale comme nousl’avions souhaité et qu’elle ne soit pas vidée se soncontenu et de son espérance. D’une part, l’État doitse donner les moyens d’assumer pleinement saresponsabilité aux trois échéances fixées par la loi.Mais le fait-il quand il ne consacre aucun moyensupplémentaire à sa politique du logement dans lebudget 2008 ? D’autre part, la loi doit êtrecomplétée au plus vite d’un « second étage »définissant les engagements contractualisés entrel’État et les collectivités locales pour une efficacitémaximum. Cette seconde étape est essentielle sil’on veut que les gens sortent de la rue et je souhaitevivement que cette conférence souligne cet enjeu àl’approche des élections municipales et cantonalesde mars prochain.

2.2.3- Les dangers de l’écrémage

Article de Bruno Tardieu, délégationnational d’ATD Quart Monde :« Les limites de la stratégie de réduction dela pauvreté : le danger de l’écrémage », parudans Actualités sociales hebdomadaires,19 octobre 2007 et sur le site Agoravox

« Nous nous réjouissons du projet du gouverne-ment de vouloir se donner des objectifs mesurablesdans la lutte contre la précarité et la misère. Mais laméthode annoncée relève d’une efficacité à courtevue et inquiète profondément les populations trèsdéfavorisées. Martin Hirsch propose (nb : à traversle projet de RSA : revenu de solidarité active) decommencer par « la population charnière », cellequi est la moins pauvre parmi les pauvres. Ce typed’action ne pourra s’attaquer au « noyau dur » de lagrande pauvreté vécue par nos concitoyens auxprises avec des précarités qui s’accumulent - tropfaible formation scolaire, revenus impossibles,logement indigne, image de soi et des siens trèsabîmée...

Le choix de commencer par les moins pauvresparmi les pauvres est inacceptable d’un point devue éthique. Accepterions-nous qu’il soit décidépar les pouvoirs publics de soigner prioritairementle tiers le moins atteint des malades du cancer, oules personnes les moins blessées lors d’un accidentde la route ?La stratégie de commencer par le haut est trèsrépandue dans le monde et dans l’histoire ; elle estconnue sous le nom de « l’écrémage des pauvres ».Il a été démontré que si elle peut satisfaire sesauteurs, elle contribue en fait à faire durer la misèreet l’exclusion. Sans mauvaise intention, la tendancenaturelle de toute institution publique ou privéecontre la misère est de soutenir ceux qu’il est le plusfacile d’atteindre et ceux avec qui les résultats severront plus vite. L’écrémage est très classiqueaussi dans les œuvres d’assistanat ; il permet de direaux donateurs combien « on en a tiré de là », maisest totalement aveugle sur les conséquencessystémiques sur tout un milieu.L’écrémage confirme pour la société entière qu’ilest normal que certains réussissent et que les plusfaibles soient laissés derrière, au mieux protégés,assistés, mais plus vraiment concitoyens avec desdevoirs et des droits.

Vouloir réduire la pauvreté par le haut est aussicontre-productif parce que cela a pour effet dedémobiliser le principal acteur de la lutte contre lapauvreté : la population pauvre elle-même. Cemessage renforce les rivalités et la violence au cœurd’un milieu éprouvé et mine la plus grande force

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que les populations pauvres détiennent : l’honneurde n’abandonner personne.Une démarche d’écrémage ne fait que confirmer lalogique d’exclusion et d’abandon des plus faibleset des plus fragiles. Accepter qu’une partie de lapopulation reste dans la misère, c’est renforcer lacroyance que la misère est fatale ; et c’est cela quila perpétue.Oui, donnons-nous des objectifs chiffrés, maisn’en restons pas à des indicateurs uniquementmonétaires.Tenons compte de la réalité. La réalité, c’est que lamisère est multi-dimensionnelle et qu’il fautl’attaquer dans toutes ses dimensions à la fois(emploi, revenus, logement, culture, instruction,santé, relations avec les autres…).

Alors, fixons-nous des objectifs en conséquence :que plus personne ne soit sans logement dignedans 10 ans ; que plus un seul jeune ne sorte dusystème scolaire sans formation dans 5 ans.

Ce ne sont pas des ambitions hors de portée. Quandun maire affirme que dans un quartier délabré toutle monde sera relogé dignement, quand unenseignant a l’ambition que tous les enfantsapprennent, quand un chef d’entreprise veutpermettre à tous ses salariés de se former auxnouvelles technologies, cela est coûteux, demandedes efforts supplémentaires ; mais de telles ambi-tions ont une efficacité durable, elles libèrent lesforces de coopération et de fierté des plus fragilescomme des plus forts, ce qui est considérable.Précarité et grande pauvreté sont des fléauxprofonds et anciens. En venir à bout nécessite desengagements politiques ambitieux réunissant tousles partenaires, dont les premiers concernés. »

2.2.4- Le surendettement

Intervention de Lucien Duquesne auConseil économique et social,sur l’Avis concernant le surendettement -23 octobre 2007

« Mme le rapporteur, au début de votre Avis, vousreprenez les mots de M. Delevoye, médiateur de laRépublique : « Le surendettement est une violence.Il anéantit socialement un individu. Il provoquel’isolement, la marginalisation... Nous devons yrépondre sans tarder. »Vous-même, vous rajoutez : « Si le surendettementn’est pas synonyme d’exclusion, il n’en demeurepas moins une de ses composantes... Il n’est pasrare que les personnes surendettées (...) fassent dessacrifices irréparables dans l’éducation de leursenfants... Ce sont donc très souvent de véritables

drames humains qui sont vécus par les personnesqui en sont victimes ; le coût social dusurendettement est considérable. »

Certes, le crédit à la consommation est facteur dedéveloppement économique, mais après de tellesaffirmations, aussi fortes, aussi pertinentes, onaurait pu espérer des propositions encore plusfermes de mesures à prendre dans l’urgence. Orl’Avis - qui va pourtant loin - donne un peul’impression de ne pas toujours aller jusqu’où lesconstats de départ auraient pu (dû ?) le faire aller,en tout cas pour ce qui concerne les familles trèsdémunies.Il y a 46 ans déjà (1961), le CES attirait l’attentionsur le risque d’un crédit trop facile. Il y a 35 ans déjà(1982), il dénonçait le risque d’usage inconsidérédu crédit revolving, ce qui n’a pas empêché celui-cide se développer et de devenir un véritable créditrevolver ! (...)

Comment proposer de confier au seul Comitéconsultatif du Secteur financier le soin de se doterd’un code de « bonne conduite » et d’une charte de« bonnes pratiques », sans même lui fixer un délaipour cela, alors qu’il faut agir sans tarder ? Quelpoids représentent, au sein de ce comité de 30personnes, les 6 représentants des familles deconsommateurs, face aux poids lourds de laFinance ? Parmi les personnes auditionnées pourcet Avis, quel a été le pourcentage, par rapport auxprofessionnels de la Finance, des représentants desconsommateurs et notamment des très pauvres quisont directement concernés par le surendettement ?Je n’en fais pas le reproche, je pose la question, tantil est courant que les personnes très démunies nesoient pas consultées sur des questions qui lesconcernent directement, ce qui devrait pourtant êtrela règle.

Ne fallait-il pas, au regard des constats lucides decet Avis, être encore plus ferme sur la nécessité queles professionnels ne puissent plus parler de crédit« simple, facile, gratuit, immédiatement disponible,sans justification » ? Car, pardonnez-moi, ce n’estni plus ni moins que de l’arnaque ! Et puisque, selonle Médiateur de la République, le crédit peut« anéantir des individus », je lui avais proposé, icimême, en faisant le rapprochement avec le tabacqui lui aussi peut anéantir des individus, que figureen gros caractères sur les publicités de crédit lamention « Pas de souscription avant réflexion ».Cette formule est de l’intérêt à la fois du créancieret de l’emprunteur. Elle répond au principe deprécaution... Le sénateur Bernard Seillier en avaitsouligné la pertinence lors de son audition en tantque président du Comité national politique de Luttecontre les Exclusions.

51 Rapport Moral ATD Quart Monde France 2007

Quant au micro-crédit social qui ne fait quedémarrer, peut-on laisser espérer aux famillesdémunies qu’il va remplacer demain le créditrevolving ? C’est à voir.(...) Cet Avis sur le surendettement est de grandequalité. Mais il fait un peu trop l’impasse – pas parvolonté, bien sûr, mais parce que, disons, le systèmeveut ça – sur les causes qui conduisent un grandnombre de nos concitoyens – les plus démunis – às’endetter.A ce propos, j’ai été surpris par la frilosité de cetteaffirmation contenue dans l’Avis : « Il est àcraindre que, dans certains cas, le crédit à laconsommation soit devenu en quelques années lesubstitut de ressources insuffisantes. C’est plusgénéralement la question du pouvoir d’achat quiest alors posée. » Non, il n’est pas seulement « àcraindre » ; non, ce n’est pas seulement « danscertains cas »... Le crédit à la consommation, lerevolving, est clairement le substitut de ressourcesinsuffisantes pour des centaines de milliers depersonnes. C’est clairement la question dupouvoir d’achat – donc des revenus, donc del’emploi – qui est posée. Dès lors, on peut avancerles meilleures propositions pour améliorer lesystème dans son cadre – et cet Avis est très bon surce plan-là –, mais les vrais problèmes, hélas !sortent du cadre. C’est le manque d’argent. Ce sontles charges trop lourdes. C’est la pression de lasociété de consommation. On peut proposer demieux former les personnes endettées à la gestionde leur budget, proposer de mieux les accom-pagner... Mais, comme elles le disent elles-mêmes :comment peut-on « gérer l’ingérable » ?

Madame le rapporteur, vous comprendrez que,malgré la qualité de votre Avis, je doive m’abstenir.C’est une abstention non pas négative, mais d’alerteet d’attente. »

2.2.5- Engagement du CES

Le 13 février 2007, Monsieur Jacques Dermagne,président du Conseil économique et social (CES),inaugurait une plaque d’engagement pour cetteassemblée, sur laquelle il est écrit : « Considérerles progrès de la société à l’aune de la qualité devie du plus démuni et du plus exclu, est la dignitéd’une nation fondée sur les droits de l’homme. Telest bien le chemin tracé par le CES dans l’espritdu rapport voté le 11 février 1987 « Grandepauvreté et précarité économique et sociale »sur l’Avis de Joseph Wrésinski.»

À cette occasion, deux militants Quart Monde,Madame Simon et Monsieur Lecointe, ont déclaré :« Il est important que les plus démunis se retrou-vent avec les autres », « le pays a un devoir enversles gens les plus pauvres [...], on n’a pas le droit dedécider pour les autres. »

Et Eugen Brand, délégué général du MouvementATD Quart Monde, a rappelé : « Le partenariatavec les plus pauvres ne se décrète pas, il se bâtit,patiemment. Un tel partenariat suppose desconditions de temps, de rythme, d’espace, de mé-thodes. Il suppose par-dessus tout une conviction :croire et faire appel à l’intelligence des pauvres... »

2.2.6- Réclamation collective auprèsdu Conseil de l’Europe-suite (voir rapport moral de 2006)

26 janvier 2006 : Réclamation collective adresséeau Conseil de l’Europe. « Elle a pour objet de faireconstater par le Comité européen des droitssociaux la non application par la France desengagements énoncés dans la Charte socialeeuropéenne révisée concernant le droit aulogement des personnes vivant dans une situationde grande pauvreté. »17 septembre 2007 : Le Comité européen des droitssociaux du Conseil de l’Europe, exception-nellement, décide d’organiser une audition desdeux associations qui ont déposé des réclamationscollectives liées à la situation dramatique dulogement des personnes défavorisées en France : leMouvement international ATD Quart Monde et laFédération européenne des associations nationalesde travail avec les sans-abri (FEANTSA).Cécile Reinhardt, militante Quart Monde et PaulBouchet, président d’honneur d’ATD QuartMonde-France ont exposé les raisons de notredémarche devant les juges. La représentante de laFrance a décrit l’ensemble des lois existantes. Lesjuges ont demandé à la France les chiffres d’utili-sation effective des dispositifs existants dans leslois, pointant le fait que, sans recours pour lesintéressés, les lois ne sont pas appliquées.50 délégués du Mouvement ATD Quart Monde deFrance, dont plusieurs vivant les situations décritesdans la Réclamation collective, étaient présents lorsde l’audition. Ils en ont tiré une grande force.« C’est la première fois qu’on me disait que j’avaisraison », commente l’une d’entre elle.Le comité des ministres rendra sa décision enjuin 2008.

52Rapport Moral ATD Quart Monde France 2007

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« Travailler et Apprendre Ensemble »,Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis).

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Intergénération.

Bibliothèque de rue avec desfamilles ROM, près du Stade de

France, à Saint Denis(Seine-Saint-Denis).

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53 Rapport Moral ATD Quart Monde France 2007

La démarche d’évaluation /programmation :au pas de tous dans le monde

« J’ai quitté mon village d’Auvergne fin octobre etvoilà que déjà dès le 18 novembre, je me trouvaisau milieu d’une assemblée d’alliés, de volontaires-permanents et de militants Quart Monde venus detoutes les régions de France. J’avais encore dans lecœur ces personnes, ces jeunes, ces enfants avecqui nous avions clôturé en beauté mes six annéesde présence dans leur région. En beauté, grâce auxCaravanes européennes de la Fraternité que nousavons accueillies en Auvergne et en Limousin, enzone rurale, en ville et sur des terrains de gens duvoyage. Grâce aussi à la Journée mondiale du refusde la misère où nous avons pu entraîner à Paris, auTrocadéro, un car de jeunes, deux cars d’enfants etun car plein de toutes ces personnes dispersées enAuvergne. Du Limousin, un car avait lui aussirejoint Paris.

J’avais toutes ces personnes dans mon cœur, tousces événements, un bilan heureux après des annéesplus arides. Je quittais l’Auvergne et je rencontrais,le 18 novembre, toutes ces personnes qui elles,vivaient peut-être un beau bilan comme moi, peut-être vivaient-elles des années plus arides, peut-êtreavaient-elles plein de projets... Cette session auCentre international du Mouvement ATD QuartMonde était là pour leur demander de rejoindre ladémarche mondiale du Mouvement ATD QuartMonde à la recherche de ses « engagementsprioritaires communs ». Démarche d’évaluation /programmation. Ces mots leur ont semblé pleind’ambiguïté… En effet, l’évaluation dans certainslieux est le moment fatal, un certain jugement, despoints, qui vous tombent dessus en fonction devotre efficacité ou de vos résultats. Quant à uneprogrammation : « Mais on ne pourra rienarrêter ! ». La session devait aider ces repré-sentants des régions du Mouvement en France etles responsables des projets pilotes, à découvrir quecette démarche correspondait justement au besoinactuel du Mouvement ATD Quart Monde !

Évaluer est un mot qui porte le mot valeur. Ils’agissait de se lancer dans une nouvelle manièrede regarder le Mouvement ATD Quart Monde,regarder la richesse de nos engagements, ce qu’ilsont permis comme avancées. Mon rôle fut alorstout au long de la démarche de soutenir cesresponsables de régions dans ce retour vers leurterrain, les groupes locaux, les familles les pluspauvres, les partenaires, les alliés et de rechercheravec eux à définir ces avancées, les obstacles, lesrêves, et finalement, l’état des lieux.En même temps que ces responsables présents àcette session, je découvrais la démarche, l’ampleurdu défi, l’enjeu. J’ai découvert au fur et à mesure cequ’impliquait ce travail. L’idée de travailler encommençant à chercher les avancées donnait dudynamisme, de l’optimisme. Pour moi, passer parles animateurs régionaux du Mouvement ATDQuart Monde était quelque chose à taille humaine.Je n’avais pas les 80 groupes devant moi, mais 15régions, une trentaine de personnes à connaître,comprendre, soutenir. Et à leur tour, elles setournaient vers les personnes de leur région qu’ellesconnaissaient déjà.

Jusqu’à la fin décembre, ces personnes ont inventédes outils en plus des fiches de travail que j’avaisentrepris de faire pour les aider. Par exemple, ellesont pensé aux personnes isolées engagées avec leMouvement ATD Quart Monde. Les animateursrégionaux de cette démarche ont dû faire preuve depersuasion, par des déplacements, des courriers, destéléphones, et aussi de beaucoup d’engagementdans le sens qu’ils ont cherché à joindre tous. Grâceà eux (et je leur rends hommage publiquement carla plupart sont des « alliés » qui ont donc prisbeaucoup sur leur temps personnel de repos), descentaines de personnes en France sont entrées danscette démarche, inquiètes et en même tempsconfiantes de rejoindre une démarche de tous lesmembres du Mouvement ATD Quart Monde dansle monde.

Nous sommes ainsi entrés dans l’année 2008, aveccette démarche d’évaluation-programmation quiallait devenir une réelle démarche de rencontre,d’action, de formation et qui allait soulever tant de

III - L’évaluation / programmationpour inventer des actions significativesde changement

54Rapport Moral ATD Quart Monde France 2007

questions vitales pour le Mouvement ATD QuartMonde dans les villes ou villages et, en elle-même,résoudre de nombreux malentendus. Elle débou-chera sur une session européenne, des échangesmondiaux, la définition d’engagements prioritairescommuns, et pour la France, sur un Congrès en juin2008. La délégation nationale a reçu d’énormessignes d’un travail ardu et précis, un ensemble deréalité vécues, mais ce n’est pas elle qui déciderade l’avenir pour chacun : par cette démarche,chacun (ou presque) comprend comment se mettreau diapason de notre Mouvement ATD QuartMonde, tout en le créant, au pas de tous dans lemonde, même si chaque pays a ses responsabilitéspropres. »

Marie-Odile Novert, volontaire-permanente

Une démarche rigoureuseet innovante

Dans les années 1960 le Mouvement ATD QuartMonde a mis au point avec des chercheurs enscience de l’action une démarche d’évaluation /programmation. Régulièrement le Mouvement toutentier s’est mis en état d’évaluation / program-mation pour regarder objectivement ce qui avancedans la libération des plus pauvres, ce qui n’avancepas, regarder si les intentions fixées précédementont été suivies, les étapes fixées atteintes, et sinonpourquoi. « C’est cette démarche qui permet auMouvement ATD Quart Monde d’apprendrecontinuellement du terrain et de rester libre carvous réussissez à ne pas en faire un jugement lesuns des autres mais une remise en cause collectiveet fraternelle. La plupart des institutions n’évaluentpas vraiment car elles sont pyramidales donc lehaut se justifie ou juge et tarit l’initiative qui vientdu terrain. » disait Donald Schon, penseur del’action. (6)

Dans les années 2000, la Délégation Générale aconstaté que l’élargissement considérable duMouvement dans le monde avait rendu difficile derefaire une telle démarche tous ensemble et quepourtant cela était indispensable. Nous avonsretravaillé nos méthodes d’évaluation / program-mation pour les approfondir. Là encore, des univer-sitaires (7) nous ont accompagnés dans notrerecherche de lier l’action, la connaissance etl’engagement. Le modèle dominant d’actionconsiste à connaître la situation, puis décider d’unplan d’action, puis embaucher ceux qui vont

l’exécuter. Ce modèle permet de dominer mais pasd’apprendre à vivre avec l’autre ni à transformerensemble les liens et les choses. Il ne correspond entout cas pas à qui nous sommes, ATD QuartMonde : notre énergie vient d’abord de nos élans,de nos engagements : celui des gens qui vivent lamisère, celui des volontaires permanents, celui desalliés dans la société qui résistent aux logiquesd’exclusion, celui de nos donateurs qui donnent deleurs moyens pour que cet espace de liberté dure.L’engagement est donc premier. Mais sanscompréhension, sans connaissance, on ne fera quedes maladresses. « Connaître pour aimer, aimerpour connaître » disait Joseph Wresinski,fondateur du Mouvement ATD Quart Monde.Connaître est donc premier. Mais tout cela, c’estpour agir, pour changer le monde, pour quel’insoutenable cesse, que nous changions tous, quenous nous civilisions, en n’acceptant plus qu’unepart grandissante de l’humanité soit hors champ,hors monde pour une minorité dominante. Ainsil’action pour le changement est première. Action,Connaissance, Engagement sont indissociable etc’est le fondementde notre nouvelle.démarche del’évaluation / programmation. C’est un questionne-ment sur ce que perçoit chacun des réalités localeset mondiales, de ce qui avance ou recule, de ce quile mobilise (rêves, ambitions pou chnager).

Nous avons des perspectives différentes sur lemonde, sur les changements à opérer : le monde vud’une mairie, vu de la rue, vu de France, vu d’Haitiet toutes ces réalités perçues ont leur valeur, ellessont parfois contradictoires. C’est en confrontantnos perceptions, nos manières de mesurer lechangement, nos ambitions qu’émergent uneconscience et une capacité à être stratèges ensemblepour faire des choix et prendre des engagementscommuns pour les 4 ans à venir, les engagementspertinents, faisables et qui engagent.

6- Aujourd’hui décédé, professeur au MIT à Boston, a contribuéentre autre à l’écriture d’Artisans de Démocratie, Éditions QuartMonde / Atelier7- Jean-Louis Lemoigne et Michel Monroy en particulier sontpraticiens et chercheurs dans le domaine des stratégies d’actiondans un contexte complexe.

55 Rapport Moral ATD Quart Monde France 2007

Rappel de l’objectifdu Mouvement ATD Quart MondeL’objectif du Mouvement ATD Quart Monde est ladéfense des droits de l’homme et la promotionfamiliale, sociale et culturelle des familles les plusdéfavorisées, au moyen d’une action globale delutte contre l’extrême pauvreté menée en parte-nariat avec les familles concernées. Son objectif estaussi le mobilisation citoyenne et l’interpellationdes pouvoirs publics pour que personne ne soitabandonné et qu’avec tous se construise une vraiedémocratie qui donne sa place à chacun.Les actions du Mouvement ATD Quart Mondereposent sur l’engagement de volontaires-permanents, de militants Quart Monde et d’alliés.

La GestionLa rigueur de la gestion est un souci permanent duMouvement ATD Quart Monde, elle repose sur latransparence et la cohérence entre son idéal, sesobjectifs et le choix de ses moyens d’action.ATD Quart Monde est agréé par le Comité de laCharte du don en confiance.Celui-ci est un organisme d’agrément et de contrôledes associations et fondations faisant appel à lagénérosité du public. Depuis près de 20 ans, leComité a élaboré un ensemble de règles dedéontologie regroupées dans une Charte que lesorganisations agréées s’engagent à respecter. LeComité en contrôle l’application.

IV - Les moyens financiers au service de l’action

LES COMPTES 2007 DU MOUVEMENT ATD QUART MONDE

Nous présentons ici les comptes simplifiés duMouvement ATD Quart Monde pour l’année 2007(bilan et compte de résultat), avec une comparaison

avec 2006. Ceux qui souhaitent des comptes plusdétaillés peuvent en faire la demande.

COMPTE DE RESULTAT(montant en euros)

CHARGES 2006 2007 PRODUITS 2006 2007

Achats 946 929 1 318 656 Ventes etparticipations

296 755 215 065

Services extérieurs 535 769 616 272 Dons, adhésions,mécénat

2 795 137 3 460 572

Autres servicesextérieurs

884 043 1 119 228 Subventions publiques 2 338 139 2 467 191

Impôts et taxes 192 884 216 992 Autres prod. gestioncourante

329 240 581 867

Charges de personnel 3 216 425 3 365 770 Produits financiers 5 4

Autres 54 594 89 488 Produits exceptionnels 123 216 73 286

Amortissements etEngagements

93 059 82 530 Reprises surprovisions

17 654 11 896

Total Charges 5 923 703 6 808 936 Total Produits 5 900 146 6 809 881

Excédent 945 Déficit 23 557

Total Général 5 923 703 6 809 881 5 923 703 6 809 881

56Rapport Moral ATD Quart Monde France 2007

Les produits s’élèvent au cours de l’exercice 2007 à6 809 881 € - contre 5 900 146 € en 2006.

Les ventes et participation ont diminué de 27%.Les ventes de cartes de vœux ont continué à baisser,alors que les ressources provenant des ventes de livreont légèrement progressé. Le poste « Ventes Feuillede Route » a augmenté de 5935€, le nombred’abonnés est passé de 1086 en 2006 à 1784 en 2007.Il y a 436 nouveaux abonnés via la Déclaration deSolidarité, ce chiffre devrait encore augmenter en2008.

Le poste « Dons, adhésions, mécénat » augmen-te de 24%. La contribution versée par la FondationATD Quart Monde est en hausse de 453 000 € parrapport à 2006.Les ressources provenant des autres dons, adhésionset participations s’élèvent à 987 572 € en 2007. Ellesont ainsi progressé de 27% par rapport à 2006.

Après la remontée de 2006, les ressourcesprovenant des adhésions sont retombées au niveau de2004/2005. Le nombre d’adhérents baisse de 23%, ilest ainsi passé de 7182 en 2006 à 5512 en 2007. Cettebaisse est notamment due au fait qu’il n’y a pas eu decampagne d’adhésion en 2007. On peut cependantsouligner que le nombre d’adhésions augmente en2008 suite à la campagne « Refuser la misère, unchemin vers la paix » et au «17 octobre 2007 ».

Les ressources provenant du mécénat ont, quant àelles, continué à augmenter par rapport à 2006, pouratteindre en 2007 : 353 704 €, ce qui vient confirmerla tendance à la hausse observée depuis 2004. Cetteforte augmentation s’explique notamment par unerecherche de mécénat très active pour le 17 octobre etpour les Caravanes Européennes de la Fraternité.

Les subventions publiques obtenues en 2007 ontaugmenté de 5,5% par rapport à celles de 2006.De manière globale, les subventions octroyées par lescollectivités sont, elles, en augmentation de 11% par

rapport à 2006 ; cette augmentation est surtout le faitdes villes et des conseils régionaux, les subventionsdes conseils généraux sont, elles, en retrait.

On peut par ailleurs constater que les subventionsattribuées par les organismes internationauxmarquent une progression par rapport à 2006.Les autres produits de gestion courante atteignentun montant de 581 867 € : soit une hausse de plus de75% au cours de l’exercice 2007. Cette augmentationimportante s’explique par le poste « Remboursementde frais divers » (7587 €) qui recouvre leremboursement (205 500 €) par les Équipes Scienceet Service des volontaires mis à disposition decertaines équipes hors de France.Les produits exceptionnels s’élèvent à 73 286 € :en forte baisse par rapport à 2006 qui avait bénéficiéd’une dévolution d’actifs à hauteur de 50 000 €.Reprise sur provisions et transfert de charges : cecompte s’élève à 11 896 €, en baisse par rapport à2006 ; il se situe désormais à un niveau très inférieurà la moyenne des 6 dernières années.

Répartition des ressources

Ressources privées

60%

Ressources publiques

36%

Autres4%

1- ANALYSE DES PRODUITS

2- ANALYSE DES CHARGES PAR NATURE

Au cours de l’année 2007, les charges s’élèvent à6 808 936 € - contre 5 923 703 € en 2006 ce qui ,par rapport à 2006, correspond à une augmentationsignificative de 885 233 € soit 14,9%

Le montant des achats s’élève à 1 318 656 €,contre 946 930 € pour 2006 soit une hausse de 39 %.Les postes qui augmentent de façon significative sontles postes « Achats divers », « Prestations deservice » et « Fournitures pour l’action ».

Les charges de personnel augmentent d’environ5% mais leur part dans les charges totales est de 50%en 2007 contre 58% en 2006.

Les services extérieurs s’élèvent à 616 272 € etont augmenté de 15% par rapport à l’annéeprécédente, soit en ligne avec l’augmentationmoyenne du budget. Il y a une forte augmentation desfrais de documentation liée à la forte médiatisation du17 octobre qui a entraîné des coûts importants auprèsde l’Argus de la presse.

Les autres services extérieurs ont atteint en 2007une somme de 1 119 228 €, en hausse de 26% parrapport à 2006. On a constaté une forte augmentationdu poste « Personnel extérieur autre ». Elle s’expliquepar les caravaniers qui ont été embauchés sous le

57 Rapport Moral ATD Quart Monde France 2007

statut de volontaires associatifs et par les prestationsdues à la réalisation du film de l’Atelier Chant.L’augmentation du poste « Secrétariat à l’extérieur »s’explique par la reprise des activités du Centreinternational Joseph Wresinski après son déména-gement à Baillet-en-France. Le poste « Informations, tracts, affiches » augmenteen 2007, cette augmentation s’explique par des coûtsd’affichage liés au 17 octobre et aux Journées duLivre contre la misère.Enfin, l’augmentation du poste « Voyages etDéplacements » s’explique par des coûts importantspour le projet des Caravanes européennes de laFraternité et par des déplacements dûs au 17 octobre(délégations étrangères, déplacements des groupeslocaux au Trocadéro...).

Le tableau d’emploi des ressources présente lesdépenses liées aux opérations suivantes : action etcoordination France, soutien à l’action internationale,recherche et formation, information éditions, coûtsd’appel à la générosité publique et frais de fonction-nement. 10% des frais du journal Feuille de Route etdu site Internet sont imputés aux frais d’appel et detraitement des dons, le solde étant affecté àl’information.

En 2007, 93% des dépenses du Mouvement ATDQuart Monde ont été consacrées à l’action, dont 50%en France et 17% au soutien à l’action internationale,le solde étant consacré à laformation, les études, la recherche,l’information et l’édition.

Les dépenses consacrées à l’actionFrance et au soutien à l’actioninternationale ont respectivementaugmenté de 22% et 23%, ceshausses sont essentiellement dues àla campagne « Refuser la misère, unchemin vers la paix », aux« Caravanes Européennes de laFraternité » et au « 17 octobre ».

3- RÉSULTAT DE L’EXERCICE

Répartition des charges

Charges de personnel

50%

Autres charges de gestion courante

2% Achats19%

Services extérieurs

9%

Autres services extérieurs

17%Impôts et taxes3%

Emploi des ressources 2007

Action France50%

Frais de siège et gestion

6%

Frais d'appel et cartes de vœux

1%

Information, Éditions

16%

Formation, recherche

10%

Soutien à l'action internationale

17%

Tableau d'emploi des ressources 2007 2006

Action et coordination France 3408768 2795193

Soutien à l'action internationale 1147482 929310

Formation - Recherche - Etudes 647751 661197

Information - Editions 1098091 970877

Sous Total Actions 6302092 5356577

Frais d'appel à la générosité du public 81954 154 549

dont cartes de vœux 63639 70 965

Frais de siège et de gestion 424890 412577

TOTAL 6808936 5 923 703

4- EMPLOI DES RESSOURCES

L’exercice 2007 se traduit par un excédent de fonctionnement de 945 euros.

58Rapport Moral ATD Quart Monde France 2007

L’année 2007 a été marqué par une augmentation descharges de 15% due à des actions importantes : « Le20e anniversaire de la Journée mondiale du refus de lamisère », la campagne « Refuser la misère un cheminvers la paix » et les « Caravanes européennes de laFraternité ». Cette augmentation des charges estcompensée par une hausse des produits de 15% quipermet un équilibre de l’exercice grâce à la FondationATD Quart Monde.Cet équilibre financier précaire est le résultat de lamobilisation de nombreuses équipes du Mouvementdans la recherche de financements (équipes locales,équipe de la campagne, équipe nationale de recherchede financements publics, privés..) et aussi de nombreuxnouveaux donateurs. Nous avons le défi de les fidéliser.Des événements comme la Journée mondiale de refusde la misère et les campagnes liées à l’esprit de cettejournée, sont essentiellement portés financièrement par

le Mouvement ATD Quart Monde. Or, de nombreusesinstitutions publiques - y compris des ministères et laprésidence de la République -, des partenaires sociaux,des associations prennent part et contribuent à cetteJournée, la considérant comme le point d’orgue dudialogue nécessaire entre les populations en grandepauvreté et la société. Une perspective importante denotre financement consiste donc à responsabiliser plusde partenaires publics et privés de cette Journée et descampagnes qui y sont liées, pour en assurer l’équilibrefinancier.Nous avons constaté que les subventions octroyées parles collectivités territoriales sont en augmentation. Ilest nécessaire de continuer la formation des respon-sables locaux et des porteurs d’actions et de les soutenirdans les recherches de financement afin que l’ensem-ble des équipes puisse répondre à une multiplicationdes partenaires liée à la décentralisation.

5- LE BILAN

BILANACTIF PASSIF

2006 2007 2006 2007

Immobilisations 334 488 317 288 Fonds associatifs &réserves

660 604 654 787

Stocks 15 658 26 965 - dont Résultat del'exercice

945

Subventions à recevoir 552 660 293 735 Emprunts et dettes 388 633 500 565

Groupe et associés 230 477 213 900 Dettes fournisseurs 113 842 66 840

Débiteurs divers 154 272 164 741 Dettes fiscales & sociales 309 988 312 971

Disponibilités 608 364 818 868 Groupe et associés 177 249 87 532

Avances et Acomptesversés

0 5 364 Créditeurs divers 242 440 229 367

Charges constatéesd'avance

9 277 11 201 Produits constatésd’avance

12 440

TOTAL ACTIF 1 905 196 1 852 062 TOTAL PASSIF 1 905 196 1 852 062

Les fonds associatifs et les réserves de 654 787 €

peuvent paraître faibles mais il faut rappeler que c’estla Fondation ATD Quart Monde qui gère l’ensembledes actifs immobiliers. Les disponibilités (818 868 €)

permettent de faire face à des dépenses de court etmoyen terme. La diminution du montant (293 735 €)des subventions à recevoir s’explique par des délais deversement des subventions qui s’est raccourci.

6- CONCLUSION

Le Mouvement ATD Quart Monde France mène l’action enFrance, pays d’origine à partir duquel ATD Quart Monde s’estdéveloppé en Europe et dans d’autres régions du monde. Aufur et à mesure de ce développement, d’autres associationsnationales ont été créées. Une délégation générale assurel’animation de l’ensemble du Mouvement ATD QuartMonde. Trois autres entités juridiques assurent la sécurité etla solidarité financière en son sein :• La Fondation ATD Quart Monde, reconnue d’utilitépublique depuis 1971, qui gère la collecte des dons enFrance et met des financements et des locaux à dispositiondes associations ATD Quart Monde.• ATD Quart Monde Terre et Homme de demain qui est

l’organe de solidarité internationale assurant un soutienadministratif et financier aux équipes ATD Quart Monde enAfrique, en Asie, en Amérique latine, aux Caraïbes et enocéan Indien.• Équipes Science et Service qui répartit les ressources duvolontariat ATD Quart Monde (constituées de péréquationsde salaires et de dons affectés au volontariat).Des comptes consolidés avec le Mouvement ATD QuartMonde sont établis chaque année, certifiés par uncommissaire aux comptes et disponibles sur simpledemande.Une lettre d’information financière est envoyée à chaquedonateur et disponible sur Internet.

Quelques éléments sur le mode d’organisation du Mouvement ATD Quart Monde

59 Rapport Moral ATD Quart Monde France 2007

Perspectives 2008 – 2012

En 2007, le Mouvement ATD Quart Monde en Francea été plus que jamais au diapason du monde.La campagne internationale y a battu son plein, puisnos équipes régionales ont participé fortement auxéchanges avec les équipes de 32 pays dans le mondepour mener cette évaluation mondiale de nos actions.Au moment de l’écriture de ce rapport moral (mai2008), l’évaluation mondiale arrive à son terme et faitémerger une orientation pour 2008-2012 se déclinanten 5 ambitions pour enrayer la violence continuequ’est la misère et relever les défis de notre monde.Nous voulons exposer ici une première ébauche desengagements que le Mouvement en France est enmesure de prendre dans chacune de ces 5 ambitions,engagements personnels quotidiens, engagementscollectifs en mouvement, engagements d’interpella-tions publiques.

Les engagements personnels et quotidiens sontdivers, car si tous les membres du Mouvement fontdes actions en commun, ils ont des situations et deshistoires très différentes. Et certains d’entre euxchoisissent de devenir militants Quart Monde, alliés,ou volontaires. Leur combat quotidien est alorsdifférent. Pour les militants Quart Monde, c’est unquotidien pour lutter contre la tentation de la fatalité,oser relever la tête, et encourager plus pauvres que soià eux aussi lutter et rejoindre d’autres. Pour ceux quichoisissent l’alliance, leur combat quotidien est derésister aux langages qui humilient les pauvres, de

refuser les logiques qui mènent à l’abandon des plusdémunis et proposer l’alliance avec eux pours’humaniser. Enfin les volontaires-permanentsrejoignent, suscitent, soutiennent le combat de ceuxqui vivent dans la misère, et rejoignent, suscitent,soutiennent le combat de ceux qui refusent l’inhumainde nos sociétés, pour n’en faire qu’un seul combat.L’ engagement collectif des membres d’ATD QuartMonde, c’est d’apprendre les uns des autres,d’apprendre à croiser nos savoirs, nos pratiques, nosvouloirs, et chercher les conditions de ce croisement,comme un laboratoire démocratique. C’est inventerdes actions significatives, actions-recherches avecd’autres partenaires privés et publics pour expéri-menter et apprendre les uns des autres commentchanger.L’interpellation publique, politique, et enversl’opinion. De par son histoire, le Mouvement ATDQuart Monde en France est en mesure de porter unmessage public libre, par des campagnes quimobilisent chacun de nos membres, des journalistesalliés, des partenaires significatifs et se traduisent encontributions au débat démocratique. Nous nousdevons d’avoir des voix libres de toutes les idéesdominantes qui justifient l’abandon d’une partie de lapopulation, l’abandon du droit commun, des voixencourageantes qui apportent des connaissanceséprouvées, ancrées dans la vie partagée etl’expérience des familles démunies et de l’action avecelles, ici en France et partout dans le monde.

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60Rapport Moral ATD Quart Monde France 2007

Les 5 ambitions mondiales et les premierspas par lesquels ATD Quart Monde enFrance s’y engagera :

1/ Se rassembler et vivre la paix àpartir des plus pauvres

Le Mouvement ATD Quart Monde est un lien dans lemonde, réponse à l’exclusion sociale. Une partie deplus en plus petite des habitants de la planète sembleêtre dans l’illusion qu’elle peut s’organiser etconstruire l’avenir sans rencontrer l’autre partie niapprendre d’elle. La persistance de la misère dans lemonde et son traitement à la marge est une violencecontinue qui crée l’insécurité grandissante pour tous.Pour sortir de cette violence, nous nous devons demettre des mots sur l’injustice qui la cause, confiantsque sortir du déni est un chemin pour construire lapaix. Ces mots ont été prononcés et gravés le17 octobre 1987 ; ils ont provoqué un courantmondial : c’est l’appel du 17 octobre 1987 de JosephWresinski :« Là où les hommes sont condamnés à vivre dans lamisère, les droits de l’homme sont violés.S’unir pour les faire respecter est un devoir sacré. »

➩➩ Au quotidien en France, vivre cet appel ce sera :– étendre l’action-présence, vécue par desvolontaires-permanents d’ATD Quart Monde quidoivent continuer à aller vivre dans les lieux les plusabandonnés, les hôtels, les cités en attente dedémolition, les familles en errance, les zones ruralesoù sont renvoyées les plus pauvres des villes ;

– soutenir l’alliance avec les plus pauvres dans saprofession, son quartier, sa famille, son église, sonsyndicat, son parti politique et refuser ce qui est dit,décidé, construit sur leur dos et sans eux.

– soutenir le chemin des personnes qui vivent dansla misère pour devenir militants des droits del’homme, pour eux même et pour entraîner leurmilieu.

➩➩ De manière collective, vivre cet appel ce sera :– avancer dans la gouvernance de nos groupeslocaux, oser nous dire que nous avons des vies et desperceptions très différentes, perceptions qui, ailleursque dans ATD Quart Monde, ne se rencontrent queviolemment. Cela demande de continuer à nousformer à penser et agir ensemble et à soutenir laformation des responsables de groupes ;– entreprendre les projets pilotes de promotiondans les quartiers de Noisy-le-Grand et de Lille oùceux de plus en plus nombreux qui ne connaissent quel’errance et ceux qui ont l’expérience d’appartenir à

un quartier apprennent à habiter ensemble, et àcollaborer avec les services publics (sociaux, éduca-tifs, culturels...). Ces projets montreront qu’on peutcréer des quartiers où on peut se soutenir au quotidien,et où la mixité sociale est choisie, permet aux plusdémunis de retrouver le droit d’habiter la terre.

– entreprendre des projets pilotes avec l’école : ledialogue entre un quartier populaire et une école àRennes, une démarche de recherche pédagogiqueavec des enseignants qui, inspirés par l’approcheWresinski, créent dans leur classe une pédagogie oùtous les enfants mêmes les plus démunis progressentet où tous apprennent à coopérer (en lien avecl’université de Tours) ;

– continuer le projet pilote avec le travail, Travailleret Apprendre Ensemble, où des travailleurs trèsdémunis coopèrent avec d’autres pour travailler touten se formant (voir glossaire). Nous récusons parl’expérience l’idée selon laquelle il faudrait un « pré-requis social » pour reprendre le travail, que certainsseraient aptes au parcours vers l’emploi et serontsoutenus, les autres resteraient enfermés dans lesocial.

➩➩ Publiquement, vivre cet appel en France, cesera :– continuer à élargir le courant du 17 octobre enproposant à tous les défenseurs des droits del’homme, adultes, enfants, jeunes, de manifester leurengagement à cet appel du 17 octobre en se joignantaux 200 000 personnes qui ont déjà donné leur nom,leur adresse, leur message.

– proposer à tous ceux qui ont signé de participer auRéseau des Comités Solidaires pour les droits,basés sur le texte de l’appel du 17 octobre : découvrirlà où des gens voient leur droits non respectés àcause de la misère, s’unir à quelques-uns avec lespremiers concernés qui, à cause de la misère, n’ontpas la force de faire respecter leurs droits tout seuls(non scolarisation, non logement, discriminationpour cause de misère...), et agir pour faire rétablir cedroit.

– Créer des campagnes mobilisantes et commu-nicantes qui permettent à chacun, en privé et enpublic, de débattre des injustices qui semblentacceptées comme des fatalités.

– Faire inscrire la phrase « Là où des hommes sontcondamnés à vivre dans la misère les droits del’homme sont violés, s’unir pour les faire respecterest un devoir sacré » dans la Constitution française.

– Comprendre comment ceux qui vivent la misèreportent en eux une paix et des clés pour dépasser laviolence du monde car ils ont l’expérience d’y résisterquotidiennement.

61 Rapport Moral ATD Quart Monde France 2007

2/ Renforcer nos efforts de connais-sance pour relever les grands défisde nos sociétés et du monde

Nous ne posons pas la question « Que pouvons-nousfaire pour ceux qui vivent la misère ? », mais « Quepeuvent faire ceux qui vivent la misère pourhumaniser le monde ? » Il y a un malentendu sur laparticipation à laquelle les exclus aspirent. Elle neconcerne pas seulement les mesures contre lapauvreté mais ils veulent, comme tout le monde,contribuer à faire face aux défis du monde : uneéconomie mondiale d’où l’humain disparaît ; uneplanète où notre main-mise fait reculer la diversité etla nature ; une humanité où la paix est menacée par lemépris de l’homme pour l’homme.De par leur engagement à la suite de JosephWresinski, les membres d’ATD Quart Monde ont unemanière de voir le monde qui peut contribuer à uneconnaissance qui mène au changement. Cetteconnaissance renouvellera nos actions si ceux quivivent la misère trouvent les soutiens pour ycontribuer collectivement. Et si les autres, profession-nels, universitaires, politiques, citoyens, acceptent decroiser leurs connaissances avec celles, malreconnues, des personnes vivant la misère. Celanécessite de déconstruire et de reconstruire ensembleune connaissance enrichie – une connaissancemobilisatrice de tous, car elle ne sera pas construite« sur » une partie de l’humanité mais avec elle.

➩➩ Au quotidien, en France, nous devrons faire uneffort de formation à l’écriture quotidienne de tous lesmembres du Mouvement, sur les réalités de la misèreet de l’exclusion vues de l’intérieur et de l’extérieur,pour les méditer et devenir capables de les analyser etde les croiser.

➩➩ Ensemble, nous devrons nous former aucroisement des savoirs et des pratiques, donner plusde rigueur et d’impact aux Universités populairesQuart Monde, renforcer leur réseau européen etchoisir des thèmes communs. Nous travaillerons cesthèmes également à partir de nos actions-recherches.Parmi ces thèmes, nous approfondirons la manièredont les plus démunis subissent la violence mais aussitentent de la dépasser, et comment d’autres tententégalement de la dépasser. Nous approfondirons laconnaissance des relations inter générationnelles, enparticulier familiales, et de l’intervention des institu-tions dans ces relations ; nous entreprenons unedémarche de connaissance-action dans l’École : est-elle un lieu où on apprend à coopérer pour apprendre,ou au contraire un lieu où s’installe l’idée que certainssont valables et d’autres non ? Nous approfondironsle lien entre l’humain et l’économique, en particulier

à travers l’action-recherche « travailler et apprendreensemble ». Nous approfondirons enfin le lien entrel’engagement contre la misère et l’évolution de nossociétés vers une plus grande diversité culturelle etreligieuse amenée par l’immigration, tentant dechercher les liens entre engagements contre lesdiscriminations raciales et engagements contre lesdiscriminations que subissent les personnes dans lagrande pauvreté en plus de leurs difficultés.

➩➩ Publiquement, nous devons faire déboucher destravaux de connaissance et de recherche par desfécondations croisées avec des pensées élaborées etcrédibles. Ainsi l’année 2008 sera marquée par uncolloque international en partenariat avec Science PoParis et France Culture : « La démocratie à l’épreuvede la grande pauvreté : actualité de la pensée deJoseph Wresinski ».L’année 2010 verra l’aboutissement de la recherchesur les pratiques pédagogiques qui enrayent la logiqued’exclusion, par un colloque en partenariat avec desInstituts Universitaires de Formation des Maîtres. Etnous préparons pour 2011 un colloque mondial,aboutissement de nos travaux de connaissance-expertise sur le thème : « De quelle paix les pluspauvres sont-ils porteurs ? »

3/ Cultiver et faire connaître les choixéthiques qui guident notre recherchede l’équilibre financier du Mouvement

Souvent dans notre société l’argent mine les relations.Par exemple, aux Nations Unies, les pays sont divisésen deux groupes : pays donateurs, pays bénéficiaires,créant d’emblée un danger pour la démocratiemondiale. Nous cherchons à vivre à ATD QuartMonde les finances dans une éthique et un dialogiequi construisent les relations et soient un moyen del’action. Nous prenons la décision de faire mieuxconnaître cette éthique. La manière de collecter desfonds correspond toujours à des engagements libres :donateurs qui parfois par chèque de 5 euros disent quec’est ce qu’ils peuvent faire pour donner la liberté àdes volontaires- permanents de rejoindre les pluspauvres ; donateurs institutionnels, fondations privéesou pouvoirs publics qui s’engagent dans un parte-nariat pour soutenir une action et en apprendre avecnous. À aucun moment nous n’achetons, ne louons nine vendons de liste de donateurs. Cette relation àchaque donateur est pour nous précieuse. À aucunmoment nous n’acceptons que l’engagementfinancier se fasse au détriment des personnes trèspauvres (par exemple par des campagnes miséra-bilistes, soi-disant plus efficaces, mais qui humilient

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les premiers partenaires du Mouvement ATD QuartMonde). Nous voulons également plus communiquersur la manière dont nous dépensons l’argent. Parexemple les volontaires-permanents choisissent dereverser leur salaire pour vivre avec une indemnitémodeste et identique, quelle que soit leur anciennetéou leur responsabilité. Ou encore, lors derassemblements, nous préfèrerons toujours que lesdélégués soient logés chez des amis, répartissant ainsiles coûts et produisant une autre richesse en termes derelation. Cette autre organisation a pourtant un coût,celui du temps pour les permanents de mobiliser etorganiser, nous devons oser le faire reconnaître. Enexposant plus simplement notre éthique, nous devonségalement plus oser demander des engagementsfinanciers dans toute notre communication. Peut-êtreà cause d’une exploitation honteuse de la souffrancepar l’humanitaire et de l’idéologie du « charitybusiness », nos membres répugnent-ils à demanderdes engagements financiers. Aujourd’hui, il nous fautaffirmer que cette autre économie, où l’argent estpartagé pour réussir des projets ambitieux, relèved’une éthique dont nous devons être fiers et qu’elle abesoin d’un soutien de chacun et des pouvoirs publics.ATD Quart Monde en France récolte 2/3 desfinancements du Mouvement dans le monde. C’est àdévelopper, en particulier à travers la coopérationdécentralisée.

4/ Bâtir des projets avec les jeunes et leurproposer des chemins d’engagement.Rejoindre en priorité ceux qui ont lemoins de liberté

Les jeunes perçoivent le monde d’aujourd’hui telqu’il est, obligeant les générations précédentes àouvrir les yeux. Dans un monde beaucoup plus divers,incertain, instable que le monde des années 60 danslequel est né le Mouvement ATD Quart Monde enFrance, les formes d’engagements sont aujourd’huidifférentes. Les jeunes ont une soif d’engagementnouvelle qu’il nous faut rejoindre, comprendre,accueillir. Leur incrédulité sur la croissance quisemble prendre aux uns ou à la planète ce quienrichit les autres, leur méfiance des idéologies, leurconfiance dans la vérité de l’instant et de la rencontrenous appellent à créer des réseaux de cesengagements. Aujourd’hui, 17 personnes sont endémarche de découverte du volontariat ATD QuartMonde en France. Nous réinvestirons des forces pourinnover dans les propositions d’engagements pour lesjeunes (comme nous l’avons fait avec l’expériencedes Caravanes européennes de la fraternité). Quatrevolontaires-permanents sont dans une action présence

aux jeunes et aux adolescents vivant dans la misère.Les adolescents nous semblent une priorité. Nousnous joindrons aux efforts du Conseil économique etsocial qui choisit de centrer les Assises de la Jeunessesur le 17 octobre 2008 en réunissant 1000 jeunes surla Dalle à l’honneur des victimes de la misère, ainsiqu’aux efforts de la Défenseure des enfants pourrejoindre les adolescents dans leur aspiration à êtreagents des droits de l’homme, de la règle communequi permet la paix.

5/ Réaffirmer par nos actions que laculture, l’art, la beauté et la créationsont essentiels à chaque personne etchaque peuple

Nous continuerons de mener des projets culturels degrande qualité : ateliers chant, ateliers théâtre (voirAntigone, p. 22), ateliers d’écriture, « présence par lapeinture » dans les quartiers de misère, l’atelier depeinture « Arno Stern », tournée « Cirque etRencontre ». À l’heure où la culture peut devenir unbien de grande distribution, ces projets exigeantscontinueront de permettre aux familles les pluspauvres de vivre pleinement leur humanité en goûtantà la beauté la plus achevée. Nous expérimenterons en2008, pour les généraliser ensuite, des Festivals desSavoirs et des Arts qui auront lieu dans les quartiersoù nous agissons quotidiennement. Ils permettrontaux habitants de tous âges, à des artistes et desscientifiques, qui se seront préparés à la rencontre et àla réciprocité, de partager leurs savoirs et leurs arts.L’expérience de la création exigeante sur la qualitépermet à ceux qui vivent la misère d’exprimer ce quiest enfoui sous la douleur. Nous continueronsd’évaluer et de faire évoluer les actions culturelles quin’ont pas cette exigence de qualité pour nous attacherà des actions qui libèrent les potentiels et permettentd’apprendre véritablement. Les expressions profondes, poétiques, artistiquesissues des lieux de grande souffrance deviennentpetit à petit un mouvement artistique qui pourratoucher la sensibilité et le cœur des autres hommes.Le 17 octobre et les événements qui s’y rattachentont toujours été liés à une expression artistique,reprenant les chants des esclaves, les poèmes deVictor Hugo ou des inconnus. Le 17 octobre devientun rendez-vous artistique pour offrir la créationvenue de l’élan pour la dignité qui vient de larencontre entre ceux qui cherchent par l’art et ceuxqui cherchent leur humanité mise en cause par lamisère.

Délégation nationaleBruno Tardieu, Véronique Davienne

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Conseil d’administration 2007 - 2008du Mouvement ATD Quart Monde

• Bureau du Conseil d’Administration :Pierre Saglio ..................................PrésidentLucien Duquesne ............................Vice-présidentBruno Tardieu ................................Délégué nationalJean-Charles Watiez........................TrésorierDominique de Saint Gérand ..........Secrétaire

• Liste des membres du Conseil d’Administration :Annick Aubry ................................Auxiliaire de vie scolaireJean-Michel Belorgey ....................Conseiller d’ÉtatHuguette Boissonnat ......................Chirurgien-dentisteLucien Duquesne ............................Membre du CES, volontaire-permanentRégis Félix......................................Retraité de l’enseignementBruno Tardieu ................................Volontaire-permanentMartine Hosselet ............................Volontaire-permanentGeorges Jahrling ............................Retraité éducateurPierre-Yves Madignier....................IngénieurDidier Ponsot ..................................Directeur de l’Université du Groupe Caisse d’ÉpargneDidier Robert ..................................Volontaire-permanentDominique de Saint Gérand ..........Responsable marketing-partenariats (édition)Pierre Saglio ..................................Ingénieur pré-presseClaire Hedon ..................................JournalisteMarie-France Zimmer ....................Militante Quart MondeJean-Charles Watiez........................Administrateur civil

Exposé des motifsLa lutte conte la misère et l’exclusion concerne demultiples acteurs en situation inégale.D’un côté, dans le monde des institutions, des poli-iques, des chercheurs universitaires, des intervenantsprofessionnels..., de bonne foi le plus souvent, construi-ent des solutions sur la base de l’analyse qu’ils font descauses de la pauvreté. Ils occupent d’emblée uneposition haute. Bien qu’ils n’aient pas une seuleidentité, homogène, ils seront dénommés dans cettecharte " universitaires ou professionnels ".De l’autre côté, dans le monde de la pauvreté, desfemmes et des hommes ne sont trop souvent pris encompte que sous l’angle de leurs manques et de leursbesoins et sont priés de collaborer aux solutions qued’autres ont imaginées pour eux. Ils occupent d’embléeune position basse. Bien qu’ils n’aient pas une seuleidentité, homogène, ils seront dénommés dans cettecharte " personnes en situation de pauvreté ".

Les universitaires ou professionnels, de par leurformation et le milieu dans lequel ils travaillent,acquièrent des capacités d’expression, d’énonciation,d’abstraction, d’intellectualisation. Nous savonscombien ces capacités culturelles donnent du pouvoirà ceux qui les maîtrisent. Ils disposent d’un savoirsocialement reconnu, communicable, construit dans ladurée. Ils connaissent les règles du jeu. De par leurstatut et leurs fonctions, ils ont le pouvoir d’agir,d’orienter ou de décider.A l’inverse, le savoir des personnes en situation depauvreté, basé principalement sur leur expérience devie, n’a pas de reconnaissance a priori. Ces personnesont le plus souvent l’expérience d’être traitées enobjets : objets de procédure, de décision, de mesure,de règlement... parfois objets de sollicitude mais objetstout de même. La non prise en compte du savoir despersonnes concernées est une des causes de l’échecdes politiques de lutte contre la pauvreté.

Le préalable, dans la lutte contre la misère etl’exclusion, est de reconnaître les personnes ensituation de pauvreté comme des acteurs à part entière.Les reconnaître, c’est leur reconnaître un savoir de vieet d’expérience sans lequel les autres types de savoirs(scientifique, d’action...) sont incomplets et donc àterme inefficaces, voire générateurs d’effets contraires àceux qui sont en principe recherchés.

S’appuyant sur la pensée de Joseph Wresinski,fondateur du Mouvement ATD Quart Monde, et sur la

démarche qu’il a initiée, des conditions indispensablesau croisement des savoirs et des pratiques ont étéexpérimentées au cours de deux programmes derecherche-action-formation : Quart Monde-Universitéet Quart Monde Partenaire.Ces programmes ont été initiés par l’Institut de recher-che et de formation auxrelations humaines (IRFRH) duMouvement ATD Quart Monde, en collaboration avecl’Université de Formation européenne de Tours et laFaculté Ouverte de Politique économique et sociale etl’Institut Cardijn à Louvain-La-Neuve.À la suite de ces programmes, ces conditions ont étémises à l’épreuve au cours de formations réalisées avecdes universitaires ou professionnels (du monde de lasanté, de l’enseignement, du travail social...) et despersonnes en situation de pauvreté (membresd’associations de lutte contre la misère). S’agissant deformations réciproques utilisant la méthode de croise-ment des savoirs et des pratiques, ces formations sontdénommées " co-formations ".

A - Les pré-requis du croisement des savoirset des pratiques

La démarche de Croisement des savoirs ne saurait enaucun cas se confondre avec une simple démarche departicipation des populations en situation de pauvreté.

1) Avoir conscience d’un changement nécessaireLa misère n’est pas une fatalité. Ne pas être satisfait desréalités sociales, économiques ou culturelles... entraîneune volonté de changement. Etre porteur de cettevolonté et la reconnaître chez les autres est un pré-requis du croisement.

2) Considérer chacun comme détenteur de savoirs

Les personnes en situation de pauvreté et d’exclusionsociale n’ont pas seulement des manques, des besoinsà satisfaire, elles ont aussi des savoirs à apporter. Lesavoir d’expérience qu’elles ont, quand il est croiséavec d’autres savoirs, révèle leur capacité de distanceet de réflexion. Ce croisement produit des connais-sances plus complètes et plus fidèles à la réalité.

3) Ne pas être seul

Toute personne par sa propre vie acquiert uneexpérience. Si l’expérience personnelle n’est pas reliéeà un groupe social ou professionnel, elle reste fragile.C’est l’appartenance à un groupe social, professionnelqui consolide le savoir dont chacun est porteur.Cela signifie que pour participer à un croisement des

ANNEXES

La charte du croisement des savoirs et des pratiques avec despersonnes en situation de pauvreté et d’exclusion sociale

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savoirs et des pratiques avec des universitaires et desprofessionnels, les personnes en situation de pauvreténe doivent pas rester isolées. Elles doivent vivrel’association avec d’autres personnes ayant les mêmesconditions de vie et avoir des espaces de réflexion,d’expression et de dialogue.

4) Se placer ensemble dans une position de rechercheIl est nécessaire que chaque participant soit dans uneattitude de co-chercheur, co-formateur, co-acteur pouridentifier des questions, les mettre en problématiqueset rechercher des compréhensions communes et despistes de changements. C’est-à-dire un partage de lamaîtrise de la recherche.

B - Les conditions de mise en œuvre ducroisement des savoirs et des pratiques

1) Présence effective des personnes en situation depauvreté

La première condition pour réaliser le croisement dessavoirs et des pratiques est que les personnes qui viventen situation de pauvreté soient effectivement présentestout au long du processus et non seulement à unmoment donné pour donner leur témoignage sousforme d’exposé, de vidéo ou d’écrit.En aucun cas, d’autres acteurs ne peuvent se substituerà elles, parler en leur nom, à leur place, en s’appuyantsur la connaissance ou la proximité qu’ils pourraientavoir du monde de la misère.

2) Créer les conditions de l’autonomie des savoirs envue de leur mise en réciprocité

Autonomie et réciprocité ne sont habituellement pasdes acquis dans la pratique des relations entre ’universi-taires et professionnels’ et personnes en situation depauvreté.

- pas de lien de dépendancePour réaliser le croisement des savoirs et des pratiques,les groupes de travail doivent être composés depersonnes qui ne dépendent pas les unes des autres.Afin de préserver la liberté de réflexion et de parole dechacun, des professionnels d’un service ne seront pasen présence de bénéficiaires ou usagers de celui-ci -par exemple des enseignants avec des parents dont ilsont les enfants comme élèves, des travailleurs sociaux,des médecins, etc., avec leurs " clients ".

- groupe de référence, groupes d’acteursChaque acteur du croisement des savoirs et des prati-ques a en référence son propre groupe d’appartenance(acteurs du monde de la pauvreté, acteurs associatifs,acteurs professionnels, acteurs universitairesC’est au sein de ces groupes que chacun aura unesécurité, une liberté, un temps pour bâtir sa proprepensée avant d’en entreprendre le croisement.D’autre part, la compréhension et la réception du savoirde l’autre nécessitent maturation et explicitation. Cesespaces et ces temps en groupes d’acteurs permettentaux participants de s’approprier les questions, deformuler leurs propres interrogations, de construire leurpropre expertise.

3) Éablir un espace de confiance et de sécurité Le croisement des savoirs et des pratiques n’est possibleque si le sentiment de sécurité et de confiance dechacun vis-à-vis de ses partenaires, ainsi que du cadreinstauré est assuré.

- Une forme de contrat doit fixer les règles précisant lasécurité et la confidentialité des paroles et des écritsproduits. En particulier, tout ce que disent les personnesen situation de pauvreté est le plus souvent le fruit d’uneexpérience longue de souffrances et d’efforts, et lafragilité des personnes reste grande. Cette fragilité doitêtre protégée, notamment par la règle de confiden-tialité. Celle-ci s’applique pleinement aussi à ce quedisent les " universitaires ou professionnels ", tenus parailleurs de respecter les règles du secret professionnel.

- D’autre part le cadre éthique comprend un certainnombre de valeurs liées au dialogue entre les person-nes : écoute active, respect de la parole de l’autre,disponibilité à adopter une posture critique vis-à-vis deson propre savoir, conviction que tout savoir esttoujours en construction.

4) Garantir les conditions d’échange et de rigueurL’inégalité des positions est bien présente dans leprocessus de croisement des savoirs et des pratiques.Ce serait un piège de faire comme si tous les partici-pants étaient d’emblée en situation d’égalité alors quece n’est pas le cas.

Rendre l’échange possible c’est donc créer lesconditions d’une parité dans l’échange. C’est le rôled’une équipe pédagogique ou équipe d’animateurs.Elle doit être constituée de membres connaissant, pourles avoir côtoyées de longue date, les personnes ensituation de pauvreté, leurs difficultés, leurs ressources,et de membres du monde des universitaires ouprofessionnels.

- Vis-à-vis des personnes en situation de pauvretéLe rôle des animateurs est d’aider les personnes ensituation de pauvreté à s’exprimer avec leurs proprestermes sans jamais se substituer à elles, sans leur" souffler " ce qu’elles tentent de dire. Il s’agit de créerles conditions qui leur permettent de consolider elles-mêmes leur savoir : relire leur expérience de vie enprenant du recul, la confronter à d’autres pour en tirerdes enseignements généralisables, les soutenir dans ladémarche de compréhension des autres acteurs. C’estégalement les accompagner en amont et en aval desrencontres pour qu’elles restent en lien avec leur milieude vie.

- Vis-à-vis des universitaires ou professionnelsUniversitaires ou professionnels rencontrent eux aussides difficultés quant à l’expression orale et écrite.Habitués et formés à travailler et communiquer entrepairs, ils ont tendance à utiliser des formulationsabstraites compréhensibles uniquement par des initiés.Le rôle des animateurs est de les aider à rendre leurpensée communicable et de les accompagner dans ladémarche de compréhension des apports des person-nes en situation de pauvreté.

Le rôle des animateurs est aussi de faire comprendreaux universitaires ou professionnels le bien-fondé desrythmes et du temps nécessaire pour une démarche decroisement des savoirs et des pratiques (on ne peut pasbrûler les étapes).

- Animer le croisementLe rôle des animateurs est de faire en sorte que touspuissent s’exprimer, être compris, et de respecter letemps de parole de chacun. Pour parvenir à cela, ilsprennent l’option de porter une attention particulière àl’écoute de la parole des personnes en situation depauvreté.

5) Mettre en œuvre une méthodologie du croisementdes savoirs et des pratiques

Le croisement des savoirs et des pratiques est uneconstruction, il requiert des outils et des étayages, tantdans le domaine de la recherche que de la co-formation. L’équipe pédagogique est responsable de laméthodologie mise en place qu’elle adapte selon lescontextes.

Les fondements de la méthodologie sont les suivants :- L’expérience de chacunLe récit d’une expérience précise permet de mettre tousles participants sur le même pied. Le récit des faits portesur des situations vécues où il y a interaction entre despersonnes en situation de pauvreté, des universitairesou professionnels.

- Le rythme et la duréeAu cours des échanges, chacun doit voir respecté sonpropre rythme de compréhension et d’expression. Ilfaut respecter les temps de silence, permettre à chaquepersonne d’aller au bout de ce qu’elle veut dire,comprendre ensemble le sens des mots. Parfois, destensions surgissent de part et d’autre au cours deséchanges, le retour régulier en groupes d’acteurspermet de prendre le recul nécessaire.

La durée est une donnée indispensable pour un travailen profondeur. Elle est nécessaire pour créer laconfiance, asseoir le dialogue, analyser les récits,comprendre ce que veut dire l’autre, préparer sespropres interventions. La durée est cependant relativeaux objectifs que l’on se donne, mais dans tous les casil faut compter avec le temps de la maturation.

- La construction collectiveLes efforts consentis par chacun pour participer aucroisement des savoirs et des pratiques sont motivés parla transparence des procédures mises en œuvre et parle but recherché connu de tous, qui est d’améliorer lesinteractions entre personnes en situation de pauvreté ettous les autres citoyens (qu’ils soient professionnels,institutionnels, universitaires, syndicalistes, politi-ques...).Pouvoir identifier les éléments de désaccord est uneétape essentielle. Sans confrontation, pas de construc-tion collective. Le meilleur moyen de confronterréellement les points de vue est de s’engagermutuellement lorsque c’est possible dans uneproduction commune.

« Croiser " les savoirs, ce n’est pas " addition-ner » lessavoirs. Il y a simultanément et progressivement aucours du processus, pour chacun dans la position qu’iloccupe, plus d’emprise sur sa compréhension dumonde et plus de maîtrise sur la place qu’il y prend.

Croiser, c’est se confronter, c’est-à-dire s’exposer ausavoir et à l’expérience de l’autre, pour construire uneplus-value.L’enjeu n’est pas seulement une meilleurecompréhension réciproque mais également la mise enœuvre d’une démarche permanente de démocratieparticipative au sein de laquelle les personnes ensituation de pauvreté seraient acteurs à part entière.

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AVENIR PARTAGÉ

BIBLIOTHÈQUES DE RUE

CAMPUSCENTRE INTERNATIONAL JOSEPH WRESINSKI (CIJW)COMITÉS SOLIDAIRES POUR LES DROITSCROISEMENT DES SAVOIRS

ÉVALUATION / PROGRAMMATIONÉDITIONS QUART MONDE

GROUPES ACCÈS AUX DROITS FONDAMENTAUX

INSTITUT DE RECHERCHE ET DE FORMATION AUXRELATIONS HUMAINES (IRFRH)

JOURNÉE MONDIALE DU REFUS DE LA MISÈRE JOURNÉES DU LIVRE CONTRE LA MISÈRE

MOUVEMENT INTERNATIONAL ATD QUART MONDEMEMBRES ACTIFS DU MOUVEMENT ATD QUART MONDE

PRÉSENCEPRÉ-ÉCOLES COMMUNAUTAIRES ET FAMILIALESPROMOTION FAMILIALE

REPRÉSENTATION INSTITUTIONNELLERÉSEAUX WRESINSKIRÉSISTANCES

TAPORITRAVAILLER ET APPRENDRE ENSEMBLE (TAE)

UNIVERSITÉS POPULAIRES DU QUART MONDE

VACANCES FAMILIALES

AAAVENIR PARTAGÉChaque été, pendant une ou plusieurs semaines, desartistes, des artisans, des sportifs, des parents, deshabitants des quartiers, des gens venant de tous lesmilieux sociaux, rencontrent des personnes qui ontune vie difficile dans leur quartier ou leur village.Des animateurs incitent les enfants, les jeunes etles adultes à participer à des ateliers de rue et àpartager leurs passions et leurs savoir-faire.Chacun vient avec ses propres compétences. Cessemaines apportent bien souvent un souffle de fêtedans les quartiers défavorisés. Pour certains, cetterencontre avec des quartiers et des personnes endifficulté est source de découvertes et d’engage-ments nouveaux pour combattre la misère.

BBBIBLIOTHÈQUES DE RUELes bibliothèques de rue consistent à introduire lelivre, l’art et d’autres outils (notamment informa-tiques) d’accès au savoir auprès des familles demilieu défavorisé à partir de leurs enfants.Se déroulant sur leur lieu de vie (sur un trottoir, aupied d’une cage d’escalier, dans des lieux isolés àla campagne...), ces activités répondent à la soif desavoir des enfants, les réconcilient avec la joied’apprendre et les encouragent à révéler et àpartager leurs talents.La bibliothèque de rue a pour ambition de per-mettre aux enfants de rejoindre les bibliothèquesmunicipales, clubs sportifs ou informatiques,théâtres, et de se sentir plus à l’aise à l’école, afinqu’ils participent aux activités de tous et s’yépanouissent. Par sa régularité et sa durée, ellepermet aussi de tisser des relations de confianceentre les enfants, leurs familles et les animateurs,premiers pas vers une participation sociale pluslarge. Il y a en France près de soixante-dixbibliothèques de rue.

CCCAMPUSVoir chapitre 1.3.1- p. 28

CENTRE INTERNATIONAL JOSEPH WRESINSKI(CIJW)Voir chapitre 1.3.1- p. 26 à 27

COMITÉS SOLIDAIRES POUR LES DROITSVoir chapitre 2.1.6-.p.46

CROISEMENT DES SAVOIRSVoir chapitre 1.2.2- p. 20

Glossaire et actions du Mouvement ATD Quart Monde

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68Rapport Moral ATD Quart Monde France 2007

EEÉ D I T I O N S Q U A R T M O N D EVoir chapitre 1.3.2- p. 28 à 30

GGGROUPES ACCÈS AUX DROITS FONDAMENTAUXVoir chapitre 1.2.4- p. 24 à 25

IIINSTITUT DE RECHERCHE ET DE FORMATIONAUX RELATIONS HUMAINES (IRFRH)Voir chapitre 1.3.1- p. 27 à 28

JJJOURNÉE MONDIALE DU REFUS DE LA MISÈREVoir chapitre 2.1.5- p. 44 à 45

JOURNÉES DU LIVRE CONTRE LA MISÈREVoir p. 30 et 36.

MMMOUVEMENT INTERNATIONAL ATD QUARTMONDES’il est né en France, le Mouvement ATD QuartMonde porte un projet de société universel et a donc,depuis son origine, une vocation internationale.Cette vocation s’exprime aujourd’hui par uneimplantation dans les cinq continents. LeMouvement ATD Quart Monde ambitionne defaire entendre la voix des plus pauvres auprès dela communauté internationale.En 2006, il est présent et agit dans vingt-neuf pays :Allemagne, Australie, Belgique, Bolivie, BurkinaFaso, Canada, Côte d’Ivoire, Espagne, États-Unis,France, Grande-Bretagne, Guatemala, Haïti,Honduras, Île Maurice, Irlande, Italie, Luxembourg,Madagascar, Pays-Bas, Pérou, Philippines, Pologne,Portugal, République centrafricaine, Sénégal, Suisse,Tanzanie, Thaïlande.Il a en outre des correspondants dans une centainede pays via un réseau de dialogue et d’expériencesappelé le « Forum permanent : extrême pauvretédans le monde ».

MEMBRES ACTIFS DU MOUVEMENT ATDQUART MONDE– Les militants Quart Monde (484 en France)qui ont vécu ou continuent de vivre dans la misère,se sentent partie prenante d’ATD Quart Monde etsont prêts à lutter non seulement pour eux-mêmeset leurs propres familles, mais encore pourd’autres, plus pauvres encore.

Les personnes vivant en grande pauvreté sont lespremières à refuser dans leur quotidien la misèrequ’elles subissent. Des milliers d’entre elles sereconnaissent dans ATD Quart Monde. Certainesont décidé de s’engager avec lui pour changer leurvie et celle de leurs proches, mais aussi pourcontribuer à la connaissance et à l’action del’ensemble du Mouvement ATD Quart Monde.Elles se reconnaissent alors sous le nom demilitants Quart Monde.– Les volontaires (127 : soit 102 dans l’action enFrance et 25 dans des missions de soutien auMouvement international) se mettent au service duMouvement ATD Quart Monde à temps complet,en accord avec leur vie familiale et personnelle.Ils vivent, se forment et travaillent en équipe. Ilsoptent pour une certaine simplicité de vie etreçoivent dans chaque pays l’équivalent du SMIC,afin de ne pas vivre dans des conditions tropéloignées de ceux qu’ils rencontrent et afind’éviter une hiérarchisation des fonctions àl’intérieur d’ATD Quart Monde .– Les alliés (5747 en France) s’efforcent d’intro-duire dans leur entourage (voisinage, milieuprofessionnel, famille, église, syndicat, etc.) leursouci des plus pauvres, et d’y partager ce qu’ilsapprennent du Mouvement ATD Quart Monde. Parle terme d’« alliés », ATD Quart Monde met envaleur une dimension qui va au-delà du temps misà disposition.

PPPRÉ-ÉCOLES COMMUNAUTAIRES ET FAMILIALESLa pré-école invente, avec les parents, les moyenspour qu’ils jouent leur rôle de premiers éducateursde leurs enfants, conformément à leurs aspirations.Privés de formation scolaire et professionnelle,condamnés au chômage ou aux emplois précaires,les parents très pauvres doutent profondément deleurs qualités de parents et vivent, souvent avecangoisse, le risque de se retrouver dans la rue, devoir leurs enfants placés ou de tomber malades. Ilsveulent donner une meilleure éducation à leursenfants mais n’en ont pas toujours les moyens oule savoir-faire. C’est dans cet esprit que lapremière pré-école a été créée, en 1963, au campdes Sans logis de Noisy-le-Grand (voir page 34)pour soutenir, avec les parents, le développementdu tout-petit. La « pré-école » peut se dérouler dans la familleoù une animatrice d’ATD Quart Monde se rendrégulièrement pour mener des activités à base dejeux et de langage, en s’appuyant sur les atoutsdes parents. Les tout-petits accèdent ainsi auxapprentissages de base indispensables à l’entréeen maternelle et renforcent aussi la relation avecleurs parents. En aucun cas, l’animatrice neremplace les parents, elle les aide à mieuxcomprendre le développement de leurs plus jeunesenfants.À côté de ces rencontres au sein de la famille,d’autres sont proposées aux parents et à leurs petits

69 Rapport Moral ATD Quart Monde France 2007

enfants, dans un local commun. L’originalité estdans la participation communautaire de mamanset de papas qui guident la progression des enfantset s’efforcent d’inviter d’autres parents qui restentisolés.

PROMOTION FAMILIALEVoir chapitre 1.1.3- p17 à 18

RR

REPRÉSENTATION INSTITUTIONNELLEEn 2007, le Mouvement ATD Quart Monde étaitréprésenté au plan national au sein du Conseiléconomique et social français (CES), du Conseilnational des politiques de lutte contre les exclusions(CNLE), de la Commission nationale consultativedes droits de l’homme (CNCDH), de l’Observatoirenational de la pauvreté et de l’exclusion sociale(ONPES), du Conseil de surveillance du Fonds CMU,du Conseil national de l’habitat (CNH), de laDélégation au développement et à l’action territorialedu ministère de la Culture, du comité de pilotage desREAPP (Réseaux d’écoute, d’appui et d’accompa-gnement à la parentalité).

RÉSEAUX WRESINSKILes réseaux Wresinski ont été initiés par ATDQuart Monde dans la continuité du rapportWresinski « Grande pauvreté et précarité écono-mique et sociale » voté par le Conseil économiqueet social en 1987 (d’où leur nom).Ce rapport proposait la démarche suivante pourlutter contre la grande pauvreté :- approfondir la connaissance des plus pauvres, de

leur vie et de leur pensée,- reconnaître que la misère est une violation des

droits de l’homme et, par conséquent, s’attacheren priorité à l’accès de tous aux droitsfondamentaux,

- agir de façon globale contre la misère, ce quisignifie prendre en compte dans toute action lesdifférents domaines de la vie des personnes,

- associer les plus pauvres en leur permettantd’être réellement partenaires des actionsmenées.

Cette démarche est porteuse de transformationpour la lutte contre la grande pauvreté.Les réseaux Wresinski mettent donc en lien despersonnes (professionnels, militants associatifs etsyndicaux, élus, etc., membres du MouvementATD Quart Monde ou non) qui, dans leur domained’activité, ont le souci d’atteindre et d’associer lesplus pauvres. Ils permettent aux participants des’encourager, de confronter leurs expériences etréflexions, en essayant d’entraîner peu à peu leurmilieu dans cette démarche.En 2006, huit réseaux Wresinski thématiques étaienten place au niveau national :- le réseau « vacances familiales - combattre

l’exclusion »,

- le réseau école,- le réseau culture,- le réseau famille, - le réseau santé,- le réseau travail-métier,- le réseau habitat-ville- le réseau vie locale citoyenne- le réseau croisement des savoir / participation

RÉSISTANCESVoir chapitre 2.1.6- p. 46

TTTAPORIVoir chapitre 2.1.2- p. 35 à 36

TRAVAILLER ET APPRENDRE ENSEMBLE(TAE)Cette entreprise solidaire fondée par le Mouve-ment ATD Quart Monde en 2001 emploie dix-septpersonnes. Elles ont des parcours de vie trèsdifférents : formation, situation familiale, expé-rience professionnelle... Certaines d’entre elles sebattent au quotidien pour parvenir à faire vivredignement leur famille, d’autres rejoignent TAEparce qu’ils souhaitent participer à la constructiond’une entreprise plus solidaire. Tous refusentd’accepter que certains soient condamnés àl’inutilité.Les trois secteurs d’activité sont le recondition-nement de matériel informatique fourni par EDF,le jardinage et l’entretien de bâtiments.Il s’agit d’inventer un mode de travail qui ne soitpas basé sur la seule compétitivité individuelle, quiexclut de fait les plus pauvres, mais sur unemanière de travailler ensemble, personnes défa-vorisées et personnes insérées dans le monde dutravail.

UUUNIVERSITÉS POPULAIRES DU QUART MONDEVoir chapitre 1.2.1- p. 19 à 20

VVVACANCES FAMILIALESLe Mouvement ATD Quart Monde dispose d’unemaison de vacances familiales à La Bise dans leJura. Y sont réunies les conditions pour assurer unmoment de détente et de valorisation de soi à desfamilles en situation de grande pauvreté qui nesont jamais parties en vacances ou dont les enfantssont placés, ce qui ne rend pas possible une viefamiliale normale permanente.

Les cartes

70Rapport Moral ATD Quart Monde France 2007

Implantation en Francedu Mouvement ATD Quart Monde

DunkerqueBoulogne/Mer ArmentièresTourcoing / Roubaix

Le Portel LILLE Villeneuve-d’AscqSt Pol /Ternoise Liévin Douai Valenciennes

Arras Somain MaubeugeCambrai

Cherbourg Saint-Quentin Charleville-MézièresLe Havre

Rouen BeauvaisCAEN REIMS Metz

HaguenauBrest Saint-Brieuc ILE-DE-France NANCY Strasbourg

Antrain Lunéville ErsteinVitré Nogent-le-Rotrou Saint-Dié

Quimper RENNES Laval Le Mans EpinalLorient La Flèche Orléans COLMAR

MulhouseBelfort

Saint-Nazaire ANGERS Tours Dijon BesançonNantes Dole

ARBOISChalon-sur-Saône

La Roche sur Yon Montceau-les-MinesMâcon

Guéret Beaujolais AnnecyCharente-Maritime Limoges Roanne Villefranche Rumilly

Lastic Clermont- Bourg en BresseTalizat Ferrand LYON Chambéry

Saint-EtienneLibourne Haute-Loire Grenoble

BORDEAUX Sembas

Drôme

Aveyron AlèsNice

PézenasBayonne Toulouse Montpellier Vitrolles

Béziers MARSEILLEPau Tarbes Carcassonne Toulon

LEGENDEMAISON ATD QUART MONDE ……………………………………... RENNESMaison de Vacances familiales ATD Quart Monde………………….…. ARBOISLieu d’engagement de membres du Mouvement ATD Quart Monde……. ToulouseLieu présence de volontaires-permanent…………………………………. Antrain

71 Rapport Moral ATD Quart Monde France 2007

Arpajon

72Rapport Moral ATD Quart Monde France 2007

Mise en page : Lydie RouffetImprimerie : Jacques Basuyau / Vauréal

Mai 2008

Rédaction : Bénédicte Jacquey-Vazquez, Véronique Davienne, Bruno Tardieu, Pierre Saglio,Maggy Tournaille, Jean-Charles Watiez et avec la contribution de nombreux autres membres duMouvement ATD Quart Monde.