Upload
others
View
2
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
1
Pour une diffusion des langues et culture de l’Antiquité à tous les échelons de l’Education nationale, et même au-‐delà, sous des formes adaptées à chaque public. (M.PAUL-‐BARBA, lycée L. Aubrac Bollène) Présentation : je suis professeur de lettres classiques depuis trente et un ans, j’enseigne actuellement au lycée Lucie Aubrac de Bollène dans le nord Vaucluse depuis 10 ans et je suis le seul professeur de lettres classiques de l’établissement. J’ai obtenu en 2009 un master à l’Université d’Avignon sous la direction de Françoise Thébaud en co-‐tutelle avec Pierre Judet de la Combe de l’EHESS sur la séparation des lettres classiques et des lettres modernes en 1959. Je me suis ensuite inscrite en thèse à l’EHESS en 2011 pour étudier l’enseignement des lettres classiques du XVIII siècle à la séparation classique et moderne de 1959, toujours sous la direction de Pierre Judet de la Combe. Je travaille à temps plein donc la rédaction de cette thèse n’avance pas très vite mais ce que j’ai étudié m’a appris à prendre du recul vis à vis de mes pratiques et à mieux comprendre pourquoi nous en étions arrivés à cette marginalisation de notre enseignement. C’est donc avec la double fonction de chercheuse et d’enseignante que je vous fais par de ma réflexion sur notre enseignement. L’enseignement des langues anciennes a pris une nouvelle orientation dont la refondation affirmée par le ministère en 2013 a marqué une étape forte. Personne ne tient à refaire les mêmes erreurs une fois qu’ont été tirées les leçons du passé. Ce qu’on appelait autrefois le latin et le grec, langues perçues comme élitistes, comme un enseignement lié à une forme de ségrégation scolaire, est une forme d’enseignement révolue dans le secondaire. La vision négative que cet enseignement a donné de lui-‐même a failli l’emporter. Il s’en est fallu de peu qu’il disparaisse. Mais la partie n’est pas encore gagnée car il faut parvenir à montrer que cet enseignement, sous une forme rénovée, peut apporter à tous les élèves la connaissance de ce qui a fait et fait encore le français : la présence de langues anciennes à sa base, une présence qui, si elle est cachée, n’en est pas moins réelle. L’ignorer, c’est priver les élèves de sa maîtrise, car parler français, ce n’est pas seulement savoir lire et écrire, c’est faire sien une langue de culture, riche de multiples nuances. Rapide rappel historique : Le développement des sciences, depuis les Lumières, et la volonté d’unifier la nation par une langue nationale parlée sur tout le territoire, ont crée des conditions d’enseignement du français et un rapport à la langue particulier. Le français a ravi au latin sa position de langue de culture mais son enseignement est resté, dans sa didactique, très proche de celui du latin. Une langue apprise par la grammaire et l’écrit. Règles de grammaire et dictées ont permis que le peuple devienne bilingue puis monolingue une fois la pratique des patois bien affaiblie ou marginale.
2
Les instituteurs de l’école laïque, gratuite et obligatoire de Ferry n’avaient pas droit au latin pas plus que les élèves qui n’entraient pas au lycée. Deux mondes, deux systèmes scolaires ont ainsi cohabité jusqu’après la seconde guerre mondiale. Deux cursus universitaires se sont ensuite institués, l’un moderne l’autre classique ce qui aboutit à la création, très conflictuelle à l’époque, de deux agrégations, lettres modernes et lettres classiques en 1959. Depuis, les lettres classiques ont été marginalisées et ont failli plusieurs fois disparaître. Au XXIème siècle, l’entreprise de refondation prend acte de cet état de fait : « Poser la question de la refondation de l’enseignement des LCA, c’est avant tout poser la question des finalités et objectifs de cet enseignement que son statut d’option fragilise de plus en plus.
Lors de la rénovation du collège, la question de la refondation de l’enseignement du latin et du grec doit pouvoir s’inscrire dans une interrogation plus générale, sur le genre de formation que l’école souhaite donner aux élèves pour qu’ils puissent vivre dans le monde de demain.
Peut-on parler de changement de finalité et d’objectifs avec cette « refondation » ?
Oui, et non, car, comme pour le reste, rien ne naît de rien, et depuis les programmes de 1995, les préambules affichent la volonté d’aller vers plus d’ouverture de la discipline et de ne pas seulement viser la formation de spécialistes de la langue. » Eduscol Ministère de l’éducation nationale (DGESCO – IGEN) LCA / Refondation pédagogique – Introduction aux ressources octobre 2013.
La réforme des collèges avec la mise en place des EPI donne la possibilité aux langues anciennes de montrer qu’elles peuvent apporter un enrichissement culturel à toutes les matières mais cela demande que leur enseignement soit repensé en fonction du français pour qu’il puisse être compris et rendu accessible au plus grand nombre possible d’élèves.
Propositions pour un enseignement général des langues anciennes adapté à chaque niveau d’enseignement pour que la culture antique profondément enracinée dans notre langue soit visible et reconnue et pour qu’elle innerve le plus de disciplines enseignées possibles pour recréer un langage commun, plus conscient de lui-même.
Il va de soi que la formation des professeurs qu’ils soient professeurs des écoles, de collège ou de lycée, nécessite au moins une initiation aux langues anciennes sous une forme accessible dont les atouts pédagogiques et la constitution d’un langage commun au corps enseignant sont indispensables. Les ESPE ont une mission dans ce domaine.
Niveau primaire :
3
Les vertus de la lecture et de la mythologie :
Lire des textes de la mythologie aux élèves, les faire parler ensuite de ce qui a été lu, permet d’aborder des thèmes fondateurs, communs à de nombreuses cultures et touchant à des situations individuelles. L’éloignement dans le temps des histoires de la mythologie permet la mise à distance et l’expression plus aisée.
Penser et comprendre le monde avec la mythologie grecque ou la médiation culturelle grâce aux récits de la mythologie :
Du CP à la 6èME : Je cite ici les travaux de Serge BOIMARE, L’enfant et la peur d’apprendre, et le Feuilleton d’Hermès de Murielle SZAC, chez Bayard. Le psychopédagogue et l’écrivaine se sont associés pour créer une mallette pédagogique à destination des enseignants des cycles 2 et 3 facilitant l’exploitation de la lecture de chacun des 100 épisodes du feuilleton d’Hermès. Des collèges ont expérimenté avec succès la lecture de ce feuilleton par tous les enseignants d’une même classe quelle que soit leur discipline.
La mythologie, c’est aborder des questions philosophiques fondamentales, nécessaires pour donner du sens aux apprentissages. L’esprit humain refuse d’apprendre ce qui n’a pas de sens pour lui. Il est capital que l’apprentissage de la lecture réponde à une envie et ne soit pas une corvée. Les enfants posent d’emblée très jeunes des questions philosophiques qui si elles en trouvent pas une forme de réponse entravent l’acquisition des connaissances. La mythologie est une propédeutique à tout enseignement et a la vertu de permettre la connaissance de certains fondements de notre culture, sans pour autant négliger les cultures plurielles des élèves, son ancienneté lui confère une sorte de neutralité sans lui faire perdre son universalité.
Accéder à un autre rapport à la langue grâce aux LCA :
Je renvoie pour cela à la thèse riche et étayée d’exemples nombreux et passionnants, d’Ida Iwasko soutenue le 4 décembre 2015 à l’Université de Toulouse Jean Jaurès : Place et rôle des langues et cultures de l’Antiquité dans l’enseignement du français à l’école primaire, de 1882 à nos jours en France.
(Soutenance à laquelle MarieLaure Lepetit a assité en tant que jury.)
La lecture de cette thèse permet de voir que l’étymologie prévue sous Ferry a ensuite disparue des programmes, puis a été réintroduite, pour reparaître et redisparaître ensuite…et que les LCA n’ont pas encore trouvé leur place alors qu’elle est fondamentale.
Voici un extrait de la conclusion de la chercheuse : p 525
« La langue que nous parlons actuellement n’est pas apparue ex nihilo, les mots que nous utilisons ont une origine, une histoire. Notre langue résulte d’une évolution. Sans cette vision diachronique, certaines caractéristiques du français ne peuvent être ni expliquées, ni comprises. Les aspects délicats de notre langue s’éclairent quand on considère l’origine et
4
l’histoire du français. Mais surtout, l’introduction des LCA stimule la curiosité, le désir d’apprendre des élèves. L’évocation du latin et du grec ancien trouve écho auprès de jeunes enfants. Ils sont en position de « chercheurs » ; ils ne peuvent pas faire les exercices de façon machinale, ces derniers leur posent des difficultés, il n’existe pas une seule et unique bonne réponse. Cette prise de distance met en place des postures – réflexive, métalinguistique et épistémique - et l’élève s’approprie ainsi sa langue et son fonctionnement.
La connaissance de l’histoire des mots charge ceux-ci d’une connotation plus « affective » et les élèves mémorisent alors mieux leur orthographe et leur sens. La connaissance du sens des préfixes et suffixes les plus courants permet plus tard de déterminer le sens d’un mot inconnu. Cela est déterminant dans l’enrichissement du vocabulaire des élèves. La maîtrise du sens des préfixes, radicaux, suffixes et leur fonctionnement permet également de créer de nouveaux mots. Les élèves ont une influence directe sur leur langue.
Le passage par les langues anciennes permet ainsi aux élèves d’avoir une prise, un pouvoir sur leur langue. Certains de ses secrets leur sont révélés. Ce regard nouveau sur leur langue amène les élèves à faire des rapprochements avec d’autres disciplines scolaires et bien souvent les langues et cultures de l’Antiquité dépassent le cadre du français. L’approche diachronique de la langue donne non seulement des clefs pour saisir celle-ci, mais l’histoire des mots permet en outre aux élèves d’appréhender le monde dans lequel ils vivent.
La culture antique joue à ce titre un rôle important. Le passage par l’Antiquité permet au jeune lecteur de mieux comprendre son époque actuelle, d’appréhender la société complexe à laquelle il appartient. En outre, précisément parce qu’elle est éloignée, l’Antiquité est la voie par excellence pour créer un univers parallèle qui permettra d’accéder à la fonction symbolique. Celle-ci est fondamentale dans la construction de l’enfant. Les transgressions présentes dans les mythes donnent la possibilité aux enfants d’exorciser leurs angoisses, de mettre des mots sur ce qu’ils ressentent. »
(La chercheuse s’appuie sur les travaux de nombreux enseignants et enseignantes et cite aussi le Feuilleton d’Hermès).
L’enseignement de la langue française, l’approche grammaticale, peuvent s’aider de phrases simples latines par exemple mises en parallèle avec des phrases d’autres langues pour faire repérer similitudes et différences. Les travaux de Mireille KO avec le latin thérapeutique pourraient être ulilisés dès l’école primaire.
Il y a une vraie réflexion à mener sur la formation des enseignants en matière d’enseignement de la langue. Le modèle de la grammaire française sur celui de la grammaire latine, issu du XIXème siècle, est encore bien ancré. Or on n’apprend pas sa langue maternelle comme on apprend une langue morte. Le métalangage grammatical ne passe pas auprès des élèves qui n’adhèrent pas au système scolaire et ceux qui ont assimilé ce métalangage l’ont oublié dès la seconde ! Et pourtant la réflexion sur la langue est nécessaire et passionnante mais il faut trouver des objectifs pertinents. Le détour par une langue ancienne en confrontation avec d’autres langues vivantes pour l’étude de tel ou tel phénomène grammatical me paraît être une piste intéressante parce qu’il initie à la traduction et introduit la notion de système de langue. Il permet d’explorer les richesses de la langue source et de la langue cible, sur de courts exemples. (les textes en langues étrangères étant vus au collège, nous aurions là une progression intéressante : le primaire comme propédeutique aux langues étrangères par la pratique orale mais aussi par l’observation grammaticale) .
5
Bilan : si de nombreux élèves avaient pu avoir accès à la mythologie et, par cette médiation culturelle, avaient pu nommer les problèmes philosophiques auxquels ils se sont trouvés confrontés, ils auraient un bagage symbolique, des repères propices à l’ouverture culturelle et au désir de savoir. Ils auraient aussi pris l’habitude de confronter des phrases écrites dans plusieurs langues et auraient retrouvé un peu de ce plurilinguisme dans lequel la France baignait avant l’école devenue si obligatoire en langue français qu’elle a évincé tous les patois et les autres langues. Le monolinguisme, s’il a pu se comprendre pour des raisons politiques et républicaines, a été institué de façon trop draconienne. L’apprentissage conjoint du français et d’une langue régionale, ou d’une autre langue vivante ou morte, est profitable, ce n’est plus un secret.
Dans ces conditions, ce que l’enseignement du français au collège pourrait proposer aux élèves s’inscrirait ainsi dans une continuité.
Les LCA au collège : Je renverrai pour cette partie aux propositions qu’Alain Guerpillon a mis en ligne sur le site lettres de l’académie d’Aix-Marseille dont je donne ici un extrait de la présentation.
La part des LCA dans l’enseignement du franc ̧ais
« Le préambule des programmes des Enseignements de Complément insiste sur l’apport de l’enseignement des Langues et Cultures de l’Antiquité à l’enseignement du français :
-‐ pour la maîtrise de la grammaire : il « favorise une meilleure compréhension des fonctionnements de la langue française. » et il « permet aux élèves d’entrer dans une démarche comparatiste entre langues »
-‐ pour la maîtrise du lexique : il « aide au développement de compétences lexicales et sémantiques »
-‐ pour la maîtrise de la lecture littéraire : son enseignement qui « se fonde d’abord sur des textes authentiques que l’on fait lire en latin et en grec, mais également, de manière cursive, en traduction » vise « à l’acquisition de compétence de lecture, de compréhension et de traduction. Il s’agit enfin de faire prendre conscience de la diversité des interprétations en fonction des époques et du contexte.» En d’autres termes, l’approche des textes de l’antiquité se doit d’être, comme en français, interprétative, puisqu’elle traite ces textes comme des œuvres littéraires ; il faut donc veiller à ne pas se contenter d’instrumentaliser ces œuvres en les réduisant à des outils de connaissances historiques ou civilisationnelles.
Une cohérence dans l’approche grammaticale
Les nouveaux programmes de français soulignent la nécessité de travailler sur les régularités, sans chercher l’exhaustivité mais en veillant à faire comprendre que la langue est un système. Ils préconisent par ailleurs une approche explicite et réflexive de
la langue favorisant la mise en activité des élèves et leur intérêt pour l’étude de la langue. Il peut donc être intéressant, pour conforter la cohérence des démarches en
6
français entre chaque cycle, de reprendre celles-‐ci pour l’approche des textes latins. L’étude du texte latin se centrera donc sur l’identification des grands groupes syntaxiques autour du verbe et se donnera comme objectif l’identification du verbe, des Compléments du verbe et des Compléments de Phrase. Bien évidemment, si la démarche à mettre en œuvre est commune, elle se prolongera en latin par l’identification progressive des marques spécifiques du verbe, du sujet et des compléments. L’objectif est bien de mettre les élèves en situation de travailler le plus vite possible sur des textes, de réinvestir et de conforter leur savoir grammatical et de progressivement dégager les spécificités de la langue latine. Il y a là véritablement une démarche qui place ces deux langues dans un jeu de miroir et qui conforte l’idée que l’on ne peut véritablement maîtriser sa propre langue qu’à partir de la pratique réflexive d’une autre langue.
Une cohérence dans l’approche de la lecture et de l’écriture
Les nouveaux programmes insistent sur la démarche d’investigation afin de permettre une authentique appropriation par les élèves et sur la place de l’interprétation dans la lecture des textes. Nous proposons ici un exemple d’investigation du texte latin à partir de la traduction; dans cette première phase de compréhension du texte latin l’approche grammaticale se double nécessairement d’une approche lexicale. C’est ensuite à la lumière du projet de lecture que cette première étape, nécessaire, de compréhension -‐ et qui se matérialise ici dans la première traduction proposée – va être dépassée par une lecture interprétative qui va progressivement rendre explicites les enjeux du texte et les choix d’écriture opérés par l’auteur. Enfin, le travail d’écriture se conçoit comme le réinvestissement de la lecture construite avec les élèves et de l’activité grammaticale conduite autour de la notion de groupes. Traduire, c’est faire des choix éclairés et conscients, lesquels ne peuvent être faits qu’après avoir été explicités. La traduction ne peut donc être traitée que comme un travail d’écriture. »
Bilan : ce que propose ici Alain Guerpillon est en cohérence avec ce qui a été proposé au niveau du primaire. L’enseignement du français gagne ainsi en cohérence d’un cycle à l’autre. Il est clair dans ces conditions que l’apprentissage des langues anciennes pour la maîtrise du français est accessible à tous les élèves, qu’il s’agit bien de privilégier une attitude réflexive face à la langue et non pas de former de futurs professeurs de lettres classiques. Il s’agit de redonner à l’apprentissage de la langue une conscience de la présence historique du latin (et du grec dans une moindre mesure) dans le français ce qui permet aussi de ne pas exclure les autres langues qui ont enrichi la nôtre.
Voir aussi la sitographie mise en ligne par Mme Lieveloo et les propositions faites par des collègues de l’académie d’Aix-‐Marseille.
Les LCA au Lycée : Dans la continuité de ce qui a été fait au collège, on peut accueillir des élèves qui ont suivi un enseignement en LCA ou bien des grands débutants.
J’expérimente depuis la rentrée 2016 ce enseignement conjoint du latin et du grec en liaison avec le programme de français selon la visée suivante :
7
Il s’agit de faire découvrir aux élèves, qui tous sont grands débutants en grec et certains en latin et en grec, les œuvres antiques qui sont devenues des matrices dans la littérature française ou européenne. Les œuvres, même si elles sont abordées sous forme d’extraits, sont étudiées pour elles-‐mêmes, c’est à dire que leur composition d’ensemble et leur propos sont vus de façon synthétique, mais un aspect, qui répond à une problématique, est étudié plus spécifiquement. (Il faut éviter, à mon sens, de tomber dans le travers des morceaux choisis qui ne relient pas suffisamment les extraits à l’ensemble de l’œuvre). C’est ainsi que nous pourrons faire des liens directs avec le programme de français et que le cours pourra jouer à plein sa vocation d’approfondissement du cours de français. Les extraits choisis ( latins et grecs) seront présentés tous avec une traduction et des passages sélectionnés en fonction de leur intérêt mais aussi du niveau de langue, seront retraduits en classe, avec pour objectif, comme dans le bonus de l’épreuve orale du baccalauréat, de procéder, après une analyse grammaticale de la phrase, à une retraduction. Cette pratique de la retraduction critique (« retraduction critique » car il s’agit de faire la critique positive et négative de la traduction donnée pour en proposer une autre, collective ou individuelle) légitime l’étude de la langue d’un point de vue grammatical et syntaxique, permet l’acquisition du vocabulaire puis de sa mémorisation raisonnée (on privilégiera les mots dont la racine se retrouve en français) mais aussi des mots outils récurrents. Chaque extrait sera donc partiellement retraduit mais commenté intégralement sous forme de lecture analytique, ce qui permet là encore d’enrichir le cours de français. Les textes étudiés permettent de revoir la technique du commentaire, fournissent des exemples pour la dissertation et nourrissent la culture des élèves pour le sujet d’invention.
Voici le programme que j’ai conçu pour cette année 2016-‐2107 en seconde :
Premières séances : initiation au grec, site Arrête ton char , fiches pour s’entraîner à lire en grec, révisions mythologiques, les dieux de l’Olympe, en grec et en latin. Œuvres matrices : Problématique : Prolongements : Liens avec le
cours de français :
1 L ‘EPOPEE : poésie/roman L’Iliade : combat d’Achille et d’Hector L’Enéide : Enée contre Turnus
Qu’est-‐ce qu’un héros épique ?
La Chanson de Roland Don Quichotte La mort du roi Tsongor Histoire des arts : Œuvres de Louis David et de Jean-‐Léon Gérôme.
Epopée et roman épique (réflexion sur le genre) La présence du divin par opposition au réalisme ou au naturalisme mais le registre épique peut apparaître (fin de Germinal) Figures de style, métaphores et hyperboles, épithètes homériques.
2 THEATRE et citoyenneté : Reprise du cours d’histoire sur la citoyenneté à Athènes
En quoi le théâtre contribue-‐t-‐il à la formation du citoyen ou du spectateur ?
Racine, Phèdre
Les registres : tragique et comique,
8
et à Rome La tragédie : Œdipe roi de Sophocle Phèdre de Sénèque Aristote Poétique. (extraits à déterminer) La comédie : Aristophane :Lysistrata Plaute : Aulularia (extraits à déterminer)
La catharsis L’Hybris
Molière, L’Avare.
réflexion sur le rôle du théâtre dans une démocratie, un empire, une monarchie.
3 ARGUMENTATION et rhétorique : les sophistes à Athènes, du bon ou du mauvais usage de la rhétorique. Socrate et les sophistes, extrait d’un dialogue de Platon. La patrie en danger : Démosthène, un extrait des Philippiques Cicéron, Catilinaires
En quoi la rhétorique peut-‐elle être un moyen efficace de convaincre et de persuader un auditoire ?
La controverse de Valladolid. Histoire des arts : Rhétorique de l’image : La peinture à Rome (fresques) Saint-‐Just : DISCOURS SUR LA REORGANISATION DE L'ARMEE prononcé à la Convention nationale le 11 février 1793.
Les figures de style, les techniques rhétoriques. Persuader et convaincre.
Et voici celui de première que j’expérimente sachant que comme je n’ai fait qu’une initiation au grec l’an dernier et que j’ai une élève qui a pris latin en grande débutante en 1ère , je ne fais pas de traduction des œuvres en grec. Ce sra envisageable avec les élèves qui sont en seconde cette année, à partir de la rentrée 2017 .
Programme du cours de langues et culture de l’Antiquité pour la classe de 1ère, cours en lien avec le cours de français contribuant à la préparation du baccalauréat (EAF) : 3heures hebdomadaires.
9
Les œuvres antiques sont devenues des matrices dans la littérature française ou européenne. Ces œuvres, même si elles sont abordées sous forme d’extraits, sont étudiées pour elles-‐mêmes, c’est à dire que leur composition d’ensemble et leur propos sont vus de façon synthétique, mais un aspect, qui répond à une problématique, est étudié plus spécifiquement. C’est ainsi que nous pourrons faire des liens directs avec le programme de français et que le cours pourra jouer à plein sa vocation d’approfondissement du cours de français, d’autant plus que les objets d’étude sont les mêmes dans les séries L, ES et S, (les L ont deux objets d’étude supplémentaires). Les extraits choisis seront présentés tous avec une traduction et des passages sélectionnés, en fonction de leur intérêt mais aussi du niveau de langue, seront retraduits en classe, avec pour objectif, comme dans le bonus de l’épreuve orale du baccalauréat, de procéder, après une analyse grammaticale de la phrase, à une retraduction. Cette pratique de la retraduction critique (« retraduction critique » car il s’agit de faire la critique positive et négative de la traduction donnée pour en proposer une autre, collective ou individuelle) légitime l’étude de la langue d’un point de vue grammatical et syntaxique, permet l’acquisition du vocabulaire puis de sa mémorisation raisonnée (on privilégiera les mots dont la racine se retrouve en français) mais aussi des mots outils récurrents. Chaque extrait sera donc partiellement retraduit mais commenté intégralement sous forme de lecture analytique, ce qui permet là encore d’enrichir le cours de français. Les textes étudiés permettent de revoir la technique du commentaire, fournissent des exemples pour la dissertation et nourrissent la culture des élèves pour le sujet d’invention. Les sujets de dissertation proposés feront l’objet d’une réflexion collective en classe ce qui permettra aux élèves de s’entraîner à traiter des sujets de dissertation en leur montrant comment utiliser les différents textes vus en cours (grecs, latins et français) sous forme d’exemples. Cet entraînement à la réflexion argumentée contribue à la formation du citoyen. Œuvres matrices de l’Antiquité :
Problématique : Prolongements : littérature française ou étrangère.
Réflexion en lien avec le cours de français :
1Le personnage de roman : le Satiricon de Pétrone. 2 extraits manuel Hatier 1ère Le portrait d’un affranchi (p118) Un plat surprise (p 120) (Voir Cours de M.Guerpillon)
Quelle vision du monde le romancier Pétrone nous donne-‐t-‐il du monde à travers le personnage de Trimalcion ?
L.F Céline, Voyage au bout de la nuit. Pérec, les Choses. les voix narratives Le regard critique du narrateur, le réalisme, la théâtralisation de l’existence, la dérision qui sape toutes les valeurs.
Le personnage de roman. Réflexion sur le monde contemporain : le monde des parvenus, la choséification de la culture, le divertissement. Sujets de dissertation : Attendez-‐vous d’un personnage romanesque qu’il soit un héros ? Un lecteur peut-‐il haïr un personnage ?
2 Théâtre : textes et représentation : a)La tragédie, le tragique : Aristote, extrait de la Poétique, la catharsis Les Atrides :
Comment la dramaturgie peut-‐elle susciter la terreur ou le rire chez le spectateur ? Etude d’une thématique : mensonges et dissimulation au théâtre.
Ce qui constitue le tragique, la double adresse : personnage et spectateur.
10
Eschyle, Agamemenon : Clytemnestre reçoit son époux avec des paroles lénifiantes. b) la comédie, le comique : Plaute, Mostellaria, (le fantôme)acte II scène 2, Tranion épouvante son maître.
Conditions de représentation en Grèce antique. Conditions de représentation à Rome (Plaute).
Racine, Britannicus, entretien de Junie et de Britannicus, en présence de Néron caché. Molière, Les fourberies de Scapin, (la galère) Le malade imaginaire, la leçon de musique de Cléante à Angélique.
Le comique : la complicité du spectateur avec les menteurs. Sujets de dissertation : Pourquoi le conflit constitue-‐t-‐il un ressort important au théâtre ? Le comique ne sert-‐il qu’à divertir et à susciter le rire ?
3 Poésie : Catulle, Poésies : Le moineau de Lesbie, poèmes 2 et 3 et poème 5, invitation à aimer. Virgile, Enéide, Didon et Enée (extrait du chant IV) Homère, Odyssée, Ulysse et Calypso, Ulysse et Pénélope.
Comment les poètes expriment-‐ils les différentes formes d’amour ? amour léger, amour passion, amour fidèle.
Ronsard, Mignonne, allons voir si la rose… Racine, Phèdre, aveu de Phèdre à Hippolyte. Lamartine, Le lac.
La célébration de la beauté féminine, Le temps destructeur. Les différentes formes de poésie, l’amour et le lyrisme. Sujets de dissertation : Faut-‐il expliquer un poème ? La poésie est-‐elle avant tout pour vous un jeu avec le langage ?
4 La question de l’homme dans les genres de l’argumentation : 1) Pline le jeune : Lettres, Un maître très humain Sénèque, Lettres à Lucilius : les esclaves sont des hommes.
Comment convaincre et persuader que les esclaves sont des hommes ?
Montesquieu, De l’esprit des Lois, De l’esclavage des Nègres. Voltaire, Candide, le nègre du Surinam.
L’argumentation directe et indirecte. Dissertation : Un écrivain peut-‐il, par ses œuvres, contribuer à l’amélioration de l’homme et du monde ?
11
Le programme de terminale est à concevoir mais il visera à enrichir le cours de philosophie avec des textes de Platon qui permettraient de faire connaître la figure de Socrate, de continuer à travailler le De natura rerum de Lucrèce pour l’épicurisme et des textes de Sénèque pour le stoïcisme, de garder aussi l’œuvre complète au programme. Mais cela demande que les textes soient plus courts surtout pour le grec, peut être faut-‐il permettre que les textes soient accompagnés de leur traduction et que les élèves rendent compte du travail fait en classe sur le texte, une retraduction commentée ? . Le travail du commentaire reste fondamental. IL faut que les collègues soient avertis car beaucoup n’ont plus fait de grec depuis longtemps. Il faut prévoir d’aménager l’épreuve du baccalauréat en conséquence.
Classes préparatoires, universités et formations des enseignants, concours.
Pour les futurs professeurs de lettres :
Réconcilier l’enseignement des lettres classiques et des lettres modernes pour un tronc commun, privilégier l’apprentissage des langues anciennes à l’aide de traduction et surtout faire connaître des œuvres antiques intégrales analysées de façon littéraire. Il y a très peu d’études littéraires sur les dialogues de Platon considéré comme un philosophe avant tout. Or, Diderot l’avait bien vu, il est d’une remarquable modernité.
L’étude de la langue du Moyen-‐âge est un jalon essentiel pour comprendre le passage du latin au français et les étudiants pourraient aussi avoir accès à des œuvres de latin dit tardif et aux productions latines littéraires de la Renaissance. Il ne s’agit pas de donner une culture antique encyclopédique mais des repères historiques. C’est ce que proposait déjà Michel Bréal au XIXème lorsqu’il faisait la critique de l’enseignement secondaire mais il n’a pas été entendu.
La formation en ESPE devrait s’articuler de façon complémentaire avec les cursus universitaires de façon à donner aux futurs enseignants de lettres un regard plus conscient sur ce qu’est une langue de culture. La notion de texte doit être sans cesse interrogée, car le sens est quelque chose qui s’élabore et non pas un donné. L’évolution historique dans la lecture d’un même texte, l’évolution dans la façon de le traduire sont des éléments essentiels, à mon sens, de formation des maîtres.
2) Tacite, Dialogue sur les orateurs les causes de la décadence, l’éducation des enfants. Quintilien, l’institutio oratoria, livre 1, extrait.
Comment éduquer les enfants ?
Rabelais, l’éducation de Gargantua, avant et après Ponocratès.
En quoi les textes littéraires des siècles passés permettent-‐ils de comprendre l’homme d’aujourd’hui ? L’humanisme.
12
Dans ces conditions, avec un apprentissage raisonné des langues anciennes à l’aide de traductions, il devient possible d’étendre leur apprentissage à de nombreux étudiants, je pense aux historiens et à ceux qui étudient l’espagnol ou l’italien. Cela se fait déjà mais pas systématiquement car cet apprentissage en rebute plus d’un, quand il est resté calqué sur les méthodes du passé.
Il va de soi que cela signifie aussi une réforme des concours d’enseignement et des classes préparatoires. Que l’usage de la traduction soit un moyen de montrer sa maîtrise de la langue française, et non plus sa maîtrise des verbes en –mi. Que la critique d’une traduction proposée et la création d’une nouvelle traduction soient considérés comme des exercices exigeants qui sanctionnent une compétence en langues anciennes et en français et que les auteurs antiques soient analysés littérairement et soient lus surtout. Que soient étudiés l’histoire de leurs interprétations successives.
Quant à ceux qui veulent apprendre à traduire, il faudrait créer un cursus de traducteurs, avec latin, grec et langues vivantes…comme le préconisait F.Waquet, laisser ce cursus à des spécialistes.
Pour les futurs professeurs des écoles :
Un enseignement qui donnerait le fonctionnement grammatical des langues anciennes, qui ferait réfléchir sur l’étymologie et la présence du latin et du grec dans l’orthographe française et dans certaines tournures grammaticales. L’utilisation du dictionnaire, une familiarisation avec l’étymologie et l’évolution des mots proposés par les articles du Robert par exemple, des exercices pour faciliter l’acquisition de l’orthographe…l’habitude de confronter les langues entre elles, la lecture de nombreux mythes et l’habitude d’utiliser la mythologie comme moyen d’expression et de réécriture….
Voici quelques pistes de réflexion pour que la place des langues anciennes soit enfin au cœur de l’apprentissage des langues et qu’elle retrouve sa fonction de fondement de cette culture commune qui nous est si nécessaire. Le latin et le grec ne seront plus alors regardées comme des langues élitistes mais bien comme des composantes incontournable de notre culture française et européenne.