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É D I T O Septembre 2002 - N° 19-20 Bernard ROUSSEAU Président de France Nature Environnement Responsable du réseau eau Revue du réseau eau de France Nature Environnement www .fne.asso.fr Pour une eau vivante : faut-il capituler ou résister ? a lors que les efforts réalisés par les agences de l’eau dans leur lutte contre les pollutions ponctuelles d’origines urbaine et industrielle portent leurs fruits et que de nombreux points noirs de pollution régressent ou disparaissent, la carte de l’état écologique des cours d’eau français publiée en mars dernier par le Conseil Supérieur de la Pêche montre très nettement une régression des populations piscicoles de nos rivières. s euls les ruisseaux des parties montagneuses supérieures, soit 15 % du réseau hydrographique, semblent encore abriter des populations à peu près équilibrées. Alors que de l’amont vers l’aval, notamment dans les plaines, on note une dégradation croissante. Les grands fleuves, comme la Loire et la Garonne, sont classés dans la catégorie "mauvais état", qui concerne 22 % du réseau hydrographique et se caractérise par des populations piscicoles réduites à moins de 20 % de la normale. c e qui frappe, c’est la généralisation de cette régression, y compris sur les grands fleuves, là où les efforts des agences de l’eau sont les plus conséquents et où l’on note une réduction significative des apports de phosphore. Malgré ces avancées, la qualité de l’eau continue de se dégrader. Les résultats positifs obtenus dans la lutte contre les pollutions urbaines et industrielles sont annulés par la croissance des pollutions d’origine agricole. Doit-t-on voir dans ces résultats la réelle application du principe pollueur- payeur ? s elon l’IFEN, les fleuves français transportent chaque année vers la mer en moyenne 646 000 tonnes d’azote, dont 71 % sous forme de nitrates, composé qui témoigne d'une forte activité agricole. En outre la consommation d’engrais chimiques a continué d’augmenter en 2001, comme les concentrations de nitrates dans les nappes ! Le rythme est d’ailleurs toujours le même depuis trente ans : 1 mg par litre et par an ! En ce qui concerne les produits phytosanitaires utilisés en agriculture, bien que l'on constate que le marché se rétracte depuis deux ans avec 95 000 tonnes de matière active utilisées en 2001, contre 110 000 tonnes l’année précédente, nous ne devons pas perdre de vue que 30 % des molécules utilisées actuellement seront retirées du marché pour être remplacées en 2003 par de nouvelles molécules, dont certaines peuvent être 100 fois plus actives, donc 100 fois moins concentrées et 100 fois plus difficiles à détecter pour une même toxicité environnementale ! Pris seul, l'indicateur de quantité n'est pas suffisant pour mesurer les évolutions de l'atteinte au milieu ! g agner la bataille de l’eau pure et des rivières vivantes, c’est-à-dire des rivières qui ne seraient plus dans le triste état que nous connaissons, passe aujourd’hui par des avancées significatives dans la lutte contre les pollutions générées par l’agriculture, donc par une modification réelle des pratiques agronomiques. Avec la taxation des excédents d’azote, dont il a été débattu pendant plusieurs années avec toutes les parties concernées, y compris les syndicats agricoles, c’est bien cet objectif qui était poursuivi dans la défunte loi sur l’eau de 2002. Quand Madame Bachelot, Ministre de l’Écologie et du Développement Durable, prône la "réconciliation" entre les différents acteurs en fondant sa démarche sur "la concertation et de l’incitation plus que la punition", veut-elle déjà capituler ou bien contourner les résistances ? Et de qui ? Cinq ans et tous les éléments et tous les pouvoirs en main pour faire mieux que le précédent gouvernement… 1< ACTUALITÉ Ne pas polluer les boues : pour pouvoir les recycler ! DOSSIER Boues urbaines : un déchet, ça se recycle. TÉMOIGNAGES Avis de différents acteurs sur la gestion des boues urbaines. DOSSIER Mormoiron : le marchand de sable va-t-il passer ? POINT DE VUE Crues et inondations : une histoire d'hommes et d'eaux. S O M M A I R E

Pour une eau vivante: faut-il capituler ou résister?

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Page 1: Pour une eau vivante: faut-il capituler ou résister?

É D I T O

Septembre 2002 - N° 19-20

Bernard ROUSSEAUPrésident de France Nature EnvironnementResponsable du réseau eau

Revue du réseau eau de France Nature Environnement www.fne.asso.fr

Pour une eau vivante :

faut-il capituler ou résister ?

a lors que les efforts réalisés par les agences de l’eau dans leur lutte contre les pollutions ponctuelles d’originesurbaine et industrielle portent leurs fruits et que de nombreux points noirs de pollution régressent ou disparaissent, lacarte de l’état écologique des cours d’eau français publiée en mars dernier par le Conseil Supérieur de la Pêchemontre très nettement une régression des populations piscicoles de nos rivières.

seuls les ruisseaux des parties montagneuses supérieures, soit 15 % du réseau hydrographique, semblentencore abriter des populations à peu près équilibrées. Alors que de l’amont vers l’aval, notamment dans lesplaines, on note une dégradation croissante. Les grands fleuves, comme la Loire et la Garonne, sont classésdans la catégorie "mauvais état", qui concerne 22 % du réseau hydrographique et se caractérise par despopulations piscicoles réduites à moins de 20 % de la normale.

ce qui frappe, c’est la généralisation de cette régression, y compris sur les grands fleuves, là où lesefforts des agences de l’eau sont les plus conséquents et où l’on note une réduction significative des apportsde phosphore. Malgré ces avancées, la qualité de l’eau continue de se dégrader. Les résultats positifsobtenus dans la lutte contre les pollutions urbaines et industrielles sont annulés par la croissance despollutions d’origine agricole. Doit-t-on voir dans ces résultats la réelle application du principe pollueur-payeur ?

selon l’IFEN, les fleuves français transportent chaque année vers la mer en moyenne 646 000 tonnesd’azote, dont 71 % sous forme de nitrates, composé qui témoigne d'une forte activité agricole. En outre laconsommation d’engrais chimiques a continué d’augmenter en 2001, comme les concentrations de nitratesdans les nappes ! Le rythme est d’ailleurs toujours le même depuis trente ans : 1 mg par litre et par an ! Ence qui concerne les produits phytosanitaires utilisés en agriculture, bien que l'on constate que le marché serétracte depuis deux ans avec 95 000 tonnes de matière active utilisées en 2001, contre 110 000 tonnesl’année précédente, nous ne devons pas perdre de vue que 30 % des molécules utilisées actuellement serontretirées du marché pour être remplacées en 2003 par de nouvelles molécules, dont certaines peuvent être100 fois plus actives, donc 100 fois moins concentrées et 100 fois plus difficiles à détecter pour une mêmetoxicité environnementale ! Pris seul, l'indicateur de quantité n'est pas suffisant pour mesurer les évolutionsde l'atteinte au milieu !

gagner la bataille de l’eau pure et des rivières vivantes, c’est-à-dire des rivières qui ne seraient plusdans le triste état que nous connaissons, passe aujourd’hui par des avancées significatives dans la lutte contre lespollutions générées par l’agriculture, donc par une modification réelle des pratiques agronomiques. Avec lataxation des excédents d’azote, dont il a été débattu pendant plusieurs années avec toutes les parties concernées,y compris les syndicats agricoles, c’est bien cet objectif qui était poursuivi dans la défunte loi sur l’eau de 2002.Quand Madame Bachelot, Ministre de l’Écologie et du Développement Durable, prône la "réconciliation" entre lesdifférents acteurs en fondant sa démarche sur "la concertation et de l’incitation plus que la punition", veut-elle déjàcapituler ou bien contourner les résistances ? Et de qui ? Cinq ans et tous les éléments et tous les pouvoirs en main pourfaire mieux que le précédent gouvernement…

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ACTUALITÉNe pas polluer les boues :pour pouvoir les recycler !

DOSSIERBoues urbaines :un déchet, ça se recycle.

TÉMOIGNAGESAvis de différents acteurs surla gestion des boues urbaines.

DOSSIERMormoiron : le marchandde sable va-t-il passer ?

POINT DE VUECrues et inondations :une histoire d'hommes et d'eaux.

S O M M A I R E

Page 2: Pour une eau vivante: faut-il capituler ou résister?

Nous vivons dans un monde privilégié, où l’abondance de

l’eau ne nous a pas incités à l’économiser ni à optimiser

son usage. Nos comportements reflètent cette singularité.

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L'adduction en eau potable

i l est agréable de disposer en tous lieux,qu’ils soient privés ou publics, de multiplespoints d’eau pour satisfaire tous nos besoins,tou te s nos fan ta i s i e s : bo i s sons , cu i s ine ,hygiène, remplissage des piscines, arrosagedes gazons, nettoyage des rues, productionsindustrielle et alimentaire, etc.Pour obtenir ce confort et cette facilité de vie,il aura fallu construire un dispositif pour quel’eau parvienne jusqu’à nous. Entre le pont duGard, aqueduc construit par les Romains et lessystèmes de distr ibution de l ’eau dans lesvilles, contrôlés par les Vivendi et compagnie,l’idée reste la même, seules l’ampleur et lacomplexité des dispositifs font la différence.La consommat ion d ’eau potab le enF ran ce r ep résen ta i t en 19985 ,6 m i l l i a rds de m 3 (1 ) . Pou r l ad i s t r ibuer, i l ne faut pas mo ins de800 000 km de cana l i sa t i ons ,p ra t iquement chaque hab i ta t ion , chaqueentreprise est connectée. L’utilisation de l’eaues t r endue t e l l emen t fa c i l e que nous en

oublions la complexité du dispositifqu i a s su re son t ra i t emen t e t sadistribution, et ceci à tel point, qu’encas de problème, nous nous trouvonsdésemparés , à la merc i du p lombier e tt r i bu ta i r e d ’un sy s t ème t en ta cu la i r e degestion.

l ’eau est prélevée dans le milieunaturel, dans les nappes souterraineset alluviales, les rivières, les lacs oules retenues. Mais la qualité de l’eau brutes’étant fortement dégradée, l’eau doit êtret ra i tée . Les é léments indés i rab les serontfloculés ou éliminés par passage au travers demembranes végétales et d’épaisses couches decharbon act i f , puis l ’eau sera asept isée àl’ozone, pour enfin être rendue chlorée maisdisponible au robinet de chacun.La purif ication de l’eau est réal iséedans des un i t é s de po tab i l i s a t i ond’autant plus sophistiquées que la dégradationgénérale des nappes souterraines et du milieuaquatique est grande. Cette dégradation atrois grandes causes : pollutions résiduelles

d’origine industrielle et urbaine, pollutionschimique et organique venant de l’agriculturee t de l ’ é l evage , a f fa ib l i s s emen t de spotentialités épuratoires des milieux naturels.Ces traitements de potabilisation produisentdes boues principalement organiques, mais enquantité modeste : c’est une première sourcede boues liée à la fabrication de l’eau potable.

cette eau dite potable que chacun utilisese charge des pollutions les plus diverses :déchets sol ides, pol lut ions organiques desménages ou des indus t r i e s a l imenta i re s ,polluants chimiques l iquides plus ou moinssolubles. Tous ces éléments conduisent à ladégradation de la qualité de l’eau, ce qui luiconfère le s ta tu t "d ’eau usée" e t la rendinutilisable pour les usages habituels. Il faudradonc l ’ épure r, c ’ e s t - à -d i r e é l im ine r c e sproduits indésirables, avant de la rejeter dansle milieu naturel, en se souvenant que c’estl’eau du milieu naturel qui est utilisée pourfaire de l’eau potable !

avant de passer à la phase traitement,i l f audra co l l e c te r l e s eaux usées . Ce t t eco l l e c t e e s t r éa l i s ée pa r un ré seau decanalisations qui emprunte les fossés et lesconduites par lesquels, dans un passé encoreproche, étaient évacués par les pluies lesdéchets produits en ville. Ce réseau présentel’inconvénient majeur de mélanger les eauxde pluie, dont les volumes instantanés peuventêtre très importants , à l ’eau usée, ce quien t ra îne de s d i f f i cu l t é s de t ra i t emen t .Progressivement s’installe dans les villes undoub le r é seau de co l l e c t e qua l i f i é de"séparatif", avec d’un côté les eaux pluvialestraitées selon des techniques spécifiques, et del'autre les eaux usées qui re jo ignent unestation d’épuration.

(1) Les données de l’environnement, IFEN, numéro 71, nov-déc 2001.

A C T U A L I T É

Ne pas polluer les boues :

pour pouvoir les recycler !

Cycle de l’eau en ville : l’eau est captée, puis potabilisée si necessaire, avant d’être distribuée. Ensuite, les eaux usées sont collectéespuis traitées en stations d’épuration. Les eaux épurées sont rendues au milieu naturel. Ademe - 2001

Page 3: Pour une eau vivante: faut-il capituler ou résister?

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Les stations d’épuration des eauxusées (step)

c e sont elles qui remplissent lafonction d’épuration des eaux usées. Desdécanteurs permettent d’éliminer assez facilementles éléments solides. Puis les traitementsbiologiques transforment la matière organiquesoluble en floc bactérien, qui constitue la plusgrande partie des boues. De plus en plus souventles composés azotés, dont les nitrates, sont euxaussi éliminés par des bactéries, sous formed'azote gazeux N2. Quant aux phosphates, ils sontprécipités dans les boues grâce à des traitementsphysico-chimiques.Malgré la sophistication des procédés, lesmeilleurs rendements épuratoires ne sontque de l’ordre de 90 % pour les principauxparamètres, ce qui pour un dispositif industrielest une belle performance si elle est maîtrisée dansle temps, mais qui signifie qu’une pollutionrésiduelle arrivera toujours au fleuve ou à larivière. C’est donc le milieu naturel aquatique quidevra éliminer ce résiduel, à condition qu’il soit enrapport avec le pouvoir épurateur de ce milieu, etqu’en plus celui-ci soit en état de le faire, ce qui estde moins en moins le cas ! Entre la sortie de lastation d’épuration et le captage pour l'eaupotable, il ne faut pas oublier qu'il n’y a que lemilieu naturel !Plus grave, et moins connu, certaines moléculescomme les xéno-oestrogènes (2) par exemple,peuvent passer au travers des step sans être affectées.On subodore fortement qu’elles soient à l’origine, avecd’autres molécules issues de l’agriculture, de laféminisation des gardons mâles (3) de la Seine!

en dehors de ces aspects, en fonctionnementnormal, toutes les stations d’épuration vontproduire des boues. Une station qui n’en produitpas, ne fonctionne pas ! Plus elles sontperformantes, plus la production de boues estimportante, mais moins polluée est l'eau rejetée :c'est l'objectif recherché ! Annuellement sur leterritoire national, la production de boues desstations urbaines représente environ un million detonnes de matière sèche. Cette boue,principalement composée de matière organique,bien que qualifiée de sèche, contient encoreenviron 70 % d’eau. Contient-elle des élémentsindésirables ? Cela est possible mais on peut yremédier !Le problème se présente de la manière suivante.Dans les villes, les zones d’activités artisanales etindustrielles (blanchisseries, ateliers d’usinage etde traitements de surfaces, abattoirs, conserveries,etc.) évacuent leurs eaux usées vers le réseauurbain, ce sont "les industries raccordée". Deux casdoivent être envisagés : l’activité génère deseffluents de même nature que les eaux usées

urbaines, dans ce cas la step ne sera pas perturbée,les boues produites ne contiendront pas d’élémentsindésirables ; à l’inverse, si l’activité génère deséléments toxiques, des traitements spécifiquesdevront être installés sur les rejets des industriesconcernées pour qu’ils soient conformes auxnormes de déversement dans le réseau urbain.Faire respecter ces normes est de la responsabilitédu maire, condition nécessaire pour que les bouessoient épandables.

L’épandage des boues

l es boues produites par les stationsd’épuration sont formées par de la matièreorganique et contiennent beaucoup d’eau. Depuistrès longtemps, ces boues, riches enéléments fertilisants, sont épandues sur lesterrains agricoles, sans que des problèmesnotoires aient été répertoriés. Leur impactsanitaire et pathogène a été très longuementétudié, et avec trente années de recul, on peut direque l'on est proche du risque zéro, ce qui nedispense aucunement de chercher à réduire aumaximum les rejets de micro-polluants dans lesstations d'épuration des eaux urbaines, notammenten faisant la police dans les réseaux de collecte.

m ais depuis quelques années, unecampagne d'opposition à l'élimination des bouespar épandage a été médiatisée bruyammentdevant l'opinion publique, d'une manière partielleet partiale, par plusieurs groupes d'acteurs auxintérêts divers. Selon eux, ces boues de stationsd'épuration contiendraient des élémentsmétalliques et viraux qui, en passant dans lesplantes cultivées, seraient préjudiciables à la santédes consommateurs.C'est en mettant comme condition d'achat desproduits agricoles la non-utilisation des bouesurbaines, que la grande distribution et le secteuragro-alimentaire de la conserverie ont déclenchécette campagne. A cette occasion, on est en droit dese demander comment ces deux secteurs d'activité,plutôt exigeants, traitent leurs boues ? Mais ceci estun autre débat… Dans ces conditions, certains

agriculteurs ont cessé d'uti l iser les boues,contraignant les villes à investir pour les mettre endécharge ou les incinérer : solution coûteuse enénergie et désastreuse pour l’environnement !On peut aussi penser que l’attitude de défiance dela filière agro-alimentaire a été en réalité montéeen épingle par certains, comme un contre-feu auprojet de loi sur l’eau dont l'un des objectifs étaitde modifier les redevances des agences de l'eauvers plus d'équité.

si on examine sérieusement le problème del’épandage de toutes les boues sur les sols agricoles, onnote, dans notre pays, que les boues des stationsd'épuration représentent 1 % de ce qui estépandu, alors que 98 % proviennent del’élevage intensif, et que le dernier pourcent estd'origine industrielle. Un torrent d'informationsinexactes s'est déversé dans les médias, sans toutefoisêtre rectifié. Le débat a donc été tronqué, il n'a portéque sur la toxicité éventuelle du 1 % des boues, sanstenir compte des autres apports : les déjectionsanimales, les lisiers, les engrais et les produitsphytosanitaires dont 95000 tonnes sont pulvériséessur le territoire chaque année et que l’on retrouvepartout, dans les sols, l’air, l’eau de pluie, les rivières etles aliments.

indépendamment du débat sur les quantités deboues épandues en provenance des différents secteursd'activité, il n'est pas avéré que les boues des stationsd’épuration soient plus nocives que celles qui viennentdes épandages agricoles, bien au contraire! Ainsi pourles métaux lourds, une étude réalisée en 1997 pardeux chercheurs de l'INRA, Messieurs Robert et Juste (4), montre que les engrais, les retombéesatmosphériques, les lisiers et les phytosanitaires sontresponsables respectivement des principaux apportsdans les sols d'éléments tels que le cadmium, le plomb,le zinc et le cuivre.En conclusion si l'on doit cesser d'épandre les bouesdes stations d'épuration urbaines sur les sols agricoles,il faudra sérieusement envisager d'étendre cettemesure aux lisiers, aux engrais, aux pesticides…

Bernard ROUSSEAU

(2) "Composés externes mimant l'activité d'hormones femelles", CSP, 2001. • (3) Eaux libres, Conseil Supérieur de la Pêche, numéro 30, sept 2001. • (4) Robert et Juste, INRA, 1997.

Clarificateurs d’une station d’épuration.

A C T U A L I T É

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Un peu d'histoire

l'épandage des boues de stations n'est pasun phénomène récent, apanage de nos sociétésmodernes. Depuis longtemps, les effluentsdomestiques sont reconnus pour leurs qualitésagronomiques. Dès l'apparition des stationsd'épuration (step), après la seconde guerremondiale, une partie des boues était valorisée enagriculture. Aujourd'hui, les boues sont constituéesà la fois de nutriments (azote, phosphore, matièreorganique, calcium) et aussi parfois de polluants(métaux lourds, composés organiques,pathogènes) qui représentent un risque potentiel.Le rôle fertilisant des boues n'est pas ànégliger : selon les types de boues et decultures, elles peuvent représenter unealternative efficace aux engrais chimiques.Pour du maïs, l'agriculteur peut ainsi réduire de45 % ses charges de ferti l isation (soit uneéconomie de 36 euros/ha/an) (1).

l es épandages de boues de stat ionsurbaines sont soumis à des contraintesréglementaires plus strictes que pour les autresmatières épandues, engrais et phytosanitaires. Auniveau européen, une directive a établi unpremier cadre en 1986 (2), fixant notammentdes teneurs maximales en métaux lourds. EnFrance, avant 1998, les boues obéissaientà deux statuts : celui de matièresfertilisantes d'une part (loi de 1979) et celuide déchet d'autre part (code de la santépublique, loi sur l'eau de 1992 et loi sur lesinstallations classées de 1976). L'ambiguïté de cedouble statut a été à l'origine de nombreuxcontentieux et d'une application très hétérogènede la réglementation. Les blocages se sont faitslocalement plus aigus entre agriculteurs,

col lect ivi tés, administrat ions, r iverains,associations et industries agroalimentaires. Cesdernières, voulant se préserver des retombéesd'une hypothétique crise, sinon sanitaire, dumoins médiat ique, ont élaboré pour leursfournisseurs des cahiers des charges refusantl'épandage des boues urbaines.La crise s'est accentuée au début des années 90du fait de l'augmentation des quantités produites(conséquence directe de la directive européenneEaux Résiduaires Urbaines), alors que lescollectivités n'y étaient pas préparées. La quantitéde boues produites devrait encore augmenter de850 000 tonnes de matière sèche en 1999 à1,3 million de tonnes en 2005 (3). Face à la confusion, aux dérives et auxoppositions constatées sur le terrain, le Ministèrede l'environnement a décidé d'établir uneréglementation fondatrice dans ce domaine, surla base des travaux de l'Institut National deRecherche Agronomique (INRA) et du ConseilSupérieur d'Hygiène Publique. De ces travauxsont nés le décret du 8 décembre 1997 et l'arrêtédu 8 janvier 1998 (4), institués notamment autitre de la directive européenne de 1986 (5).Les boues sont désormais classées commedéchet et le producteur est responsable dela filière, de la production des boues à leurépandage, moyennant une étude préalable, unprogramme prévisionnel annuel d'épandage, unbilan et une auto surveillance de la qualité desboues et des sols. La filière est contrôlée parl'État à travers un système de déclaration oud'autorisation en fonction du volume de bouesproduites. Cette réglementation fixe donc uncadre juridique cohérent pour l'épandage desboues de stations urbaines et doit permettre degarantir l'absence de risques sanitaires enlimitant les flux de polluants.

Boues urbaines :

un déchet, ça se recycleA l'heure de la dioxine et de la vache folle, il n'est pas

inhabituel d'entendre le public se dire scandalisé à l'idée

que des boues de stations d'épuration, ces déchets, soient

épandues sur les champs où poussent nos al iments.

L'amalgame est rapide, facile (facilement entretenu ?) et

la désinformation chronique. Le débat mérite donc d'être

clarifié : le recyclage agricole des boues urbaines est-il un

nouvel avatar de notre agriculture intensive et de nos sociétés

industrielles, ou bien un outil de gestion durable ?

(1)"Les boues d'épuration urbaine et leur utilisation en agriculture", Dossier Documentaire, ADEME, 2001. • (2) Directive du Conseil n° 86/278/EEC du 12 juin 1986. • (3) Les données de l'environnementn° 63, IFEN, 2001. • (4) Décret n° 97-1133 du 8 décembre 1997 relatif à l'épandage des boues issues du traitement des eaux usées, JO 10 décembre 1997 et Arrêté du 8 janvier 1998 fixant lesprescriptions techniques applicables aux épandages de boues sur les sols agricoles pris en application du décret n° 97-1133 du 8 décembre 1997. • (5) Comme dans beaucoup d'autres états membres, laréglementation française est plus sévère que la directive européenne, en instituant notamment des limites de flux, et en élargissant le champ aux éléments pathogènes et aux polluants organiques. • (6) Déchets toxiques en quantité dispersée.

L'état sanitaire des bouesde stations d’épuration

Riches en matières organiques, lesboues recèlent aussi des composéschimiques et une faunemicrobiologique variée.Les indicateurs de contaminationfécale sont mesurés en routine.Mais reflètent-ils réellement l’étatsanitaire des boues ? Quel estle devenir dans les sols des agentspathogènes résistants, tels lescryptosporidies, clostridies, virus,prions, etc. ? La chaîne alimentaireest concernée dans son ensemble,depuis les faune et flore du sol et dumilieu aquatique, jusqu’au bétailet à l’homme. Que deviennent leséléments traces métalliques,les antibiotiques et métabolitesde médicaments, les radio-nucléides,les polluants organiques persistants?Bio-accumulation et bio-transformation de ces composésen fonction des conditionsmétéorologiques et des modesd’épandage sont à surveiller.Améliorer les connaissancesscientifiques sur la compositiondes boues destinées à être épandueset sur l’efficacité des méthodesd’hygiénisation disponibles estune priorité. Réduire les rejetsde substances potentiellementdangereuses du type DTQD (6),phytosanitaires, effluents d'abattoirsdans les eaux rendra tout son intérêtà la valorisation agricole des boues.

Pôle Santé-environnementde France Nature Environnement

D O S S I E R

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D O S S I E R

mais alors que beaucoup s'attendaient à ce que cette étape crucialeapaise les conflits, ceux-ci se sont au contraire accentués, sous l'impulsionnotamment du milieu agricole. Les céréaliers et les betteraviers ontimmédiatement contesté les textes adoptés en faisant l'amalgame avec la crise dela vache folle et les OGM (7).Les pouvoirs publics y ont alors répondu par la mise en place enfévrier 1998 du "Comité National Boues" dont l'objectif était lasignature d'un accord national, engageant toutes les parties et tousles acteurs de terrain, dont France Nature Environnement, etsolutionnant du même coup le conflit. Pendant deux ans, ses membres onttravaillé à la rédaction de cet accord. Il aurait dû voir le jour à l'été 2000 si lesdernières démarches n'avaient échoué au moment même où les discussionss'engageaient sur le projet de loi sur l'eau et sur l'application du principepollueur-payeur à l'agriculture. Aujourd'hui, l'accord attend dans un tiroir que les collectivités, les agriculteurs, lespropriétaires et l'État s'entendent sur un système d'assurance capable de garantirl'indemnisation en cas de pollution des sols.

Les impacts environnementauxet sanitaires

bien entendu, tout l'enjeu du débat se situe là. L'épandage des boues destations constitue un risque environnemental et sanitaire qu'il faut maîtriser.L'audit (8) mené par le Ministère de l'environnement et les agences de l'eau, à lademande de la profession agricole, en dénombrant 170 références, a montré quela littérature sur ce sujet était abondante.

Comparaison des 3 filières

cet audit réalisé en 1999 visait à comparer les avantages et inconvénientsdes trois filières d'élimination des boues : l'épandage, l'incinération etla mise en décharge (9), au niveau social, économique et environnemental. Lepeu d'études disponibles pour l'incinération et les décharges a rendu difficile lacomparaison et l'évaluation des risques sanitaires respectifs. Néanmoins, bien quenuancées en fonction de la taille des stations d'épuration, les conclusions del'audit sont sans équivoque. Si pour les trois filières l'impact des transports se faitfortement ressentir, il résulte de l'analyse que la mise en décharge a unimpact notoire sur l'effet de serre et les écosystèmes terrestres, etque l'incinération entraîne l'émission de toxiques, notamment lesdioxines, dont les retombées atmosphériques contaminentindirectement les sols. L'impact le plus faible est donc à mettre aucrédit de l'épandage, grâce entre autres à la substitution aux engraischimiques, à condition bien entendu, que les règles de bonne pratique soientrespectées. Cependant, il n'y a pas de "solution toute faite". En fonction ducontexte local l'incinération peut se révéler préférable, notamment pour les grosgisements, et la mise en décharge peut être temporairement nécessaire pour desboues non conformes. Malgré tout, ces deux filières ne représentent pas uneincitation forte à la prévention des rejets industriels dans les réseaux d'égouts, quiconstitue une priorité en terme d'assainissement. La recherche de la meilleure solution passe également par une analyse coût-efficacité des différentes filières, en y intégrant dans la mesure du possible lescoûts dits externes (environnementaux et sanitaires). Si cette approcheéconomique ne doit pas constituer le facteur de décision, elle n'en reste pas moinsun élément non négligeable du débat. Or, l'audit fait apparaître un avantage pourla filière épandage, avec un rapport de 1 à 2,15 entre épandage et incinérationpour les petites stations d'épuration (10).

Les éléments pathogènes

en 30 ans, aucun accident portant atteinte à la santé publique n'a étéenregistré. Seuls deux cas de pathologie animale ont pu être relevés, dans descirconstances où les règles générales de sécurité n'avaient pas été respectées. Ilsont pu être mis en évidence par la surveillance exercée depuis 1987 par leCentre National d'Information Toxicologique Vétérinaire. Cet organisme estchargé d'analyser les cas de pathologie qui lui sont soumis par les vétérinairessur le terrain et sont susceptibles d'incriminer l'épandage de boues. Depuis1997, ces dernières ont toujours été mises hors de cause.

(7) Organismes Génétiquement Modifiés. • (8) "Audit environnemental et économique des filières d'élimination des boues d'épuration urbaines", Étude des agences de l'eau n° 70, Arthur Andersen, 1999. •(9) La mise en décharge aurait dû être interdite à partir de juillet 2002 pour les déchets non ultimes. • (10) La filière compostage ou séchage avant épandage, nécessaire dans certains cas, serait par contreaussi onéreuse que l'incinération. • (11) Cellule Nationale de Veille Sanitaire Vétérinaire, brochure de présentation et bilans d'activités, CNITV/ADEME, 2002. • (12) "Disposal and recycling routes for sewagesludge", rapport économique, Sede/Andersen, 2002.

Fig. 1 : Teneurs moyennes en métaux lourdsdes boues urbaines en g/t de matière sècheet comparaison avec les réglementations.

Cadmium

Chrome

Cuivre

Mercure

Nickel

Plomb

Sélénium

Zinc

Teneurs moyennesen France

2,5

50

330

2,3

40

90

10

800

Valeurs limitesen France

10

1000

1000

10

200

800

_

3000

Valeurs limitesdirective 86/278

Valeurs limitesprojet de directive

(2025)

20 - 40

_

1000 - 1750

16 - 25

300 - 400

750 - 1200

_

2500 - 4000

2

600

600

2

100

200

_

1500

Source : SYPREA, ADEME, Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse et Recyval, 1995-2000.

Des valeurs limites seront déterminées dès l'adoption de la nouvelle directive, elles évolueront demanière dégressive jusqu'en 2025. Selon l'étude Sede-Andersen, 50 % des boues produites enFrance ne seraient pas conformes pour les métaux lourds à cette date si aucune politique efficacede prévention n'était menée.

Fig. 2 : Teneurs limites en métaux lourds dansles sols pour l'aptitude à l'épandage en g/tde matière sèche.

Source : Disposal and recycling routes for sewage sludge, Rapport de synthèse, Sede/Andersen,2002.

L'épandage sur des sols dont le pH est inférieur à 6 est interdit en France sauf si les boues sontchaulées. Les limites de flux sont alors divisées par deux et l'épandage reste interdit si le pH estinférieur à 5. En France, 30 % des sols ne respecteraient pas les valeurs révisées par le projet dedirective d'après une estimation réalisée par Sede et Andersen en 2002.

Teneurs limitesFrance ph>6

Teneurs limitesdirective 86/278

6<pH<7

Teneurs limitesprojet de directive

pH>7

Cadmium

Chrome

Cuivre

Mercure

Nickel

Plomb

Zinc

2

150

100

1

50

100

300

1 - 3

_

50 - 140

1 - 1,5

30 - 75

50 - 300

150 - 300

1,5

100

100

1

70

100

200

Teneurs limitesprojet de directive

6<ph<7

1

60

50

0,5

50

70

150

Page 6: Pour une eau vivante: faut-il capituler ou résister?

> 6

Le risque lié aux éléments pathogènes estdû à la durée de vie de certains d'entre eux,y compris dans des conditions difficiles(lumière, chaleur, etc.). Le traitement desboues (hygiénisation, compostage) oul'enfouissement pour éviter l'ingestion parles animaux sont des solutions. Dans tous lescas, la réglementation impose des délais avant lamise en pâturage ou la récolte.

Les métaux lourds

t oute dose anormalement é levée demétaux lourds peut compromettre la qualité dessols à très long terme. La réglementation,lorsqu'elle est respectée, permet d'éviter cetype d'acc ident . En France , la teneurmoyenne des boues se situe en dessousdes normes réglementaires et les apportsen métaux lourds des boues sont engénéral très faibles par rapport à lateneur naturelle des sols. Il faut cependantnoter que si les limites françaises sont bieninférieures à celles fixées par la directive de1986, la commission européenne devrait réviserprocha inement à la ba i s se ces dern ières (Fig. 1 et 2).D'après les derniers é léments fournis parl'étude menée par les cabinets Sede et Andersenpour la commission européenne, le nombred'années avant d'atteindre les taux limites fixéspour le sol varierait de 20 à 34 000 ans selon

les scénarios étudiés (teneur desboues, type de sol, ruissellement,autres apports).D'autre part, les métaux lourdsne sont pas ou peu mobiliséspar les cultures (les résultatsvariant selon les métaux et enfonction du pH). Cela peutcependant poser à long terme laquestion de leur migration vers leseaux, de leur ingestion par lesanimaux, et surtout de leuraccumulation dans le sol et de sonimpact sur les micro-organismes(13), phénomène encore mal connuet qui nécessite des investigationssupplémentaires.Mais les boues sont très loin d'êtreles principaux vecteurs de cettepollution. Ainsi les teneurs enzinc et cuivre des lisiers deporcs sont équivalentes à celledes boues et les teneurs encadmium des engraisphosphatés sont, el les,largement supérieures (Fig. 3).

Les polluants organiques

les polluants organiques constituent letroisième volet des éléments à risque contenusdans les boues (Fig. 4). Si pour la plupart leurdécomposition est en général rapide, on manquede données sur les métabolites intermédiaires quise forment durant la minéralisation. De touteévidence, ces polluants ne sont pas absorbés par lesplantes et l'ingestion animale constitue le principalrisque pour ceux qui sont "persistants" etbioaccumulables dans la chair ou le lait,notamment les dioxines, les PCB (14) et lesHAP (15) dont seulement 50 à 90 %seraient biodégradés dans le sol après18 ans. Ils méritent donc d'être surveillés etétudiés, pour en savoir plus sur leur mécanisme detransfert et leur toxicité.

L'agriculture biologique

d 'aucuns feront remarquer que soninterdiction en agriculture biologique suffit à jeterla suspicion sur l'épandage des boues de step.L'agriculture biologique refuse les intrantschimiques, engrais et phytosanitaires, maisla plupart des engrais, s'ils sont bienutilisés, ne représentent pas un risque pourl'environnement. A contrario, certains fumiersont des teneurs élevées en cadmium. Cet état defait n'est donc que la preuve d'un choixdéontologique tout à fait compréhensible, dans un

système agricole dont l'impact environnemental esttrès faible.

Ainsi, alors que tous les éléments devraientconduire à relativiser le risque induit parl'épandage des boues en comparaisond'autres types d'intrants, la question est desavoir pourquoi le débat se cristallise sur ceseul problème, jusqu'à remettre en causecette pratique dans son principe.

Le contextesocio-politique

l e principal constat à faire est celui del'absence de communication, ou plutôt lacommunication à sens unique qui a opéré autourde cette question. Seuls les acteurs se prononçantcontre l'épandage ont pendant longtemps occupéla scène médiatique, les crises sanitaires aidant à ladiffusion de leur message alarmiste, sans qu'aucuncontrepoids des personnes compétentes et pro-épandage, aucune référence au travail deconcertation du Comité National Boues et aucunecritique sur les alternatives à l'épandage ne soientofferts au public.Or, la montée des blocages au début des années 90a coïncidé avec les premières prises de positioncontre la pollution agricole, le renforcement de laréglementation sur les élevages et la mise enœuvre du PMPOA (16). De même, les nouveauxblocages qui interviennent en 1998, après lapublication des textes, sont en phase avec lelancement du projet de loi sur l'eau et de l'audit duPMPOA. En 2000, alors que la loi sur l'eau entreen phase de négociation et le PMPOA en phase deréforme, le débat est plus que jamais virulent (17).Il n'est d'ailleurs pas rare, dans les publicationslocales de la coordination rurale, syndicat agricolesouvent extrémiste, de voir des appels au boycottdes boues en représailles aux dispositions de la loisur l'eau. Enfin, la FNSEA (18) et le CNJA (19) sesont longtemps montrés réticents à l'épandage desboues en agriculture, au prétexte d'un risqueélevé, oubliant au passage d'adopter la mêmeposition, sans doute plus fondée, sur les pesticides.L'épandage des boues de step est doncavant tout un outil de chantage et denégociation pour la profession agricole faceà des contraintes environnementales deplus en plus fortes. La stratégie est simple :mettre en avant le service rendu à la collectivité etse positionner en victime des dérives sanitaires,dans la lignée des farines animales et des OGM.L'accord national, s'il ne peut à lui seul résoudrelocalement les blocages, est de toute façon remis àplus tard. Les agriculteurs et les propriétaires

D O S S I E R

(13) Les études sont contradictoires mais certaines auraient révélé un impact à des teneurs inférieures aux limites recommandées.• (14) Polychloro Biphényls. • (15) Hydrocarbures AromatiquesPolycycliques. • (16) Programme de Maîtrise des Pollutions d'Origine Agricole. • (17) "L'utilisation des boues d'épuration en agriculture : les ressorts d'une controverse", O. Borraz - CNRS, Courrier del'environnement de l'INRA n° 41, 2000. • (18) Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles. • (19) Centre National des Jeunes Agriculteurs.

Fig. 3 : Origine des apports en métauxlourds sur les sols

Source : Robert et Juste, INRA, 1997

Compte tenu de leur statut de déchet, les boues urbaines font l'objet d'un suiviet d'une surveillance beaucoup plus stricte que les autres intrants.

0

20

40

60

80

100 %

Cadmium Plomb Zinc Cuivre

Retombées atmosphériques

Engrais

Boues urbaines Compost urbain

Lisiers de porcsPhytosanitaires

Page 7: Pour une eau vivante: faut-il capituler ou résister?

terriens demandent la mise en place d'un fondsd'assurance que les collectivités ne sont pas prêtesà financer. Ces oppositions se manifestent alorsmême que l'État, mais surtout les associations,qu'elles soient environnementales ouconsuméristes, se prononcent en faveur del'épandage des boues.

Les perspectives

l a commiss ion européenne a déc idéd'é laborer une nouve l le d i rec t ive surl'épandage des boues de stations urbaines, quiverrait le jour au plus tôt en 2003. Elle tiendraitcompte des dernières connaissances acquises enterme de r i sques env i ronnementaux etsanitaires (phénomènes de transferts, teneursl imites, accumulation, etc.) et élargirait lespec t re des paramètres concernés par laréglementation.Les seuils réglementaires seront largementabaissés, l 'object i f étant b ien entendu depréveni r tout impact à long terme, é tantconsidéré que l'évolution de la qualité desboues permettra de ne jamais atteindre lesseuils d'accumulation fixés pour les sols.La mise en place de ces nouvel les normespourrait coûter jusqu'à 1 milliard d'euros paran en 2025 en Europe. D'après l'étude Sede-Andersen (20) , 83 % des boues neseraient pas conformes aux normesenvisagées en 2025 si une politique de

prévention n'était pas menée. Dans lecas contraire, ce taux serait ramené à 25 %.Plusieurs éléments ne pourront pas être négligéspar la commission si l'on veut que la filièreépandage puisse être sécurisée et pérennisée :• la prévention des rejets dans les égouts

pour des boues debonne qualité (21).Même si la qualité s'esta m é l i o r é e d e p u i s 20 ans, le prétraitementdes effluents desindustries raccordées, lapolice des réseauxd'égouts ou encore letraitement des eauxp l u v i a l e s s o n taujourd'hui largementi n s u f f i s a n t s . C e t t epolitique impliquera untransfert légitime descoûts des collectivités,donc des usagers (pourle traitement des bouesnon conformes) vers lesindustriels raccordés(pour le traitement deleurs rejets) ;• une exhaustivitésur les paramètrespris en compte, et desl i m i t e s d e f l u xgarantissant la non

atteinte des teneurs limitespour les sols à très long terme ;• la promotion des programmes derecherche pour combler les lacunes et permettrela mise à jour régulière de la directive sur lesaspects environnementaux ou les alternatives àl'épandage (thermolyse, oxydation par voiehumide) (22) ;• la hiérarchisation des contraintes desurveillance en fonction des risques, lespetites communes, peu concernées par lespollutions industrielles, ayant des moyens d'actionlimités ;• la promotion des bonnes pratiques (code debonne pratique, certification des professionnels del'épandage). Si la réglementation est en apparencepositive, son application n'est pas entièrementsatisfaisante et la filière épandage est de ce faitloin d'être sécurisée. Il arrive encore que des bouesde mauvaise qualité soient épandues et que leslimites de flux ne soient pas respectées ;• la garantie d'une expertise indépendantepour la validation des données fournies par lesproducteurs et les utilisateurs des boues ;• et enfin, la mise en place d'organes de

concertation et de consultation à l'échellelocale , permettant l'information et lasensibilisation des citoyens sur les pratiques del'épandage, la qualité des boues et les coûts deleur traitement. Car les mêmes qui dénoncent lesrisques dus à l'épandage des boues ne se posentpas de questions lorsqu'ils déversent des produitstoxiques dans leur évier.

Le travail à réaliser reste considérable, mais detoute évidence, le débat sur les boues de stationsne doit pas occulter les véritables enjeux liés auxpollutions agricoles et aux risques sanitairesqu'elles génèrent.

Thomas Nicolay,avec la collaboration du réseau agriculturede France Nature Environnement

7 <

D O S S I E R

Épandage de boues de stationsd'épuration en forêt :pure ineptie écologique !

Si l'épandage des boues de stationsd'épuration peut se concevoir selonun cadre précis en agriculture, il constitue en milieu forestier un non-sens écologique que des forestiers soucieux de leurpatrimoine doivent prohiber. Le fonctionnement naturel del’écosystème forestier permet leretour au sol de l’essentiel de labiomasse produite que la gestionforestière doit respecter. L’apport dematière organique est alorstotalement superflu voire dangereuxselon la qualité des boues quiintroduisent dans un milieu enéquilibre des éléments totalementexogènes et artificiels pouvantaltérer fortement le fonctionnementde l’écosystème par leurs impactssur la faune du sol. La tentation d’yavoir recours peut être grande grâceau revenu complémentaire quel’épandage peut apporter.Cette utilisation en forêt doit êtreconsidéré comme contraire à lagestion durable des forêts que lacertification telle PEFC (ProgrammeEuropéen des Forêts Certifiées) devracondamner. Dans tous les cas, lesréflexions sur leur utilisation doiventassocier acteurs forestiers etpartenaires tels les usagers etles environnementalistes.

Réseau Forêt de France Nature Environnement

(20)"Disposal and recycling routes for sewage sludge", rapport de synthèse, Sede/Andersen, 2002. • (21) En Europe, les rejets industriels sont responsables de 35 à 60 % des teneurs en chrome et de 50 à60 % des teneurs en mercure. Les eaux de pluies seraient elles à l'origine des principaux rejets en PCB et HAP. Les rejets en cuivre, plomb et zinc sont quand à eux principalement imputables aux effluentsdomestiques. • (22) "Quelles évolutions technologiques pour mieux garantir et pérenniser une gestion optimale des boues", Rencontre Technique Nationale – INSA Toulouse, 4 et 5 juin 2002.

Fig. 4 : Teneurs moyennes en composés tracesorganiques des boues urbaines en g/t de matièresèche et comparaison avec les réglementations.

Source : SYPREA, ADEME, Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse et Recyval, 1995-2000

La directive de 1986 ne fixait aucune limite pour ces polluants .

NPE : Nonylphénol et éthoxylates de nonylphénol • AOX : Somme des composés organohalogénés -LAS : Alkylbenzènesulfonates - DEHP : Di (2-éthylhexyl) phtalate - ng TE/kg MS : nanogrammestoxiques équivalents/kilogrammes de matières sèches

Toluène

NPE

Dioxines(ng TE / kg MS)

AOX

LAS

DEHP

HAP

Total 7 PCB

Teneurs moyennesen France

_

_

_

_

_

_

_

0,19

Valeurs limitesen France

_

_

_

_

_

_

_

0,8

Valeurs limitesindicatives de certains pays

Valeurs limitesprojet de directivedès l'application

5 (Suède)

10 (Danemark)

100 (Allemagne)

500 (All)

1300 (Dan)

50 (Dan)

3 (Suè)

0,2 par PCB (All)

_

50

100

500

2600

100

6

0,8

Fluoranthène

Benzo(a)fluoranthène

Benzo(a)pyrène

0,53

0,390,31

5

2,52

_

__

_

__

Page 8: Pour une eau vivante: faut-il capituler ou résister?

> 8

Que faire des boues ?

d ifficile pour les consommateurs d'en jugerautrement qu'à partir d'informations scientifiquesou économiques contradictoires et de conflitsd'intérêts :• pression de certains industriels agroalimentairesfixant leurs propres normes d'acceptabilité jetantconfusion et doute ;• agriculteurs exigeant des garanties financièrescontre d'éventuels risques et propriétaires foncierscraignant la dépréciation de leurs terres ;• collectivités locales se positionnant contrel'épandage sous la pression des riverains, enraison notamment des nuisances olfactives, etd'autres acceptant toutes boues.Pour faire accepter l'épandage aux consom-mateurs, les pouvoirs politiques doivent prendreleurs responsabilités en matière de gestion desrisques et d'information, en ne laissant pas dériverle débat : informer objectivement et loyalementsur les conséquences tant sanitairesqu'économiques de chaque traitement. Car leproblème est bien présent : que faire de ces bouesdont la production doublera dans les prochainesannées ?

Quelle position pour l'UFC-QueChoisir ?

toute utilisation des boues peut être sourcede pollution. Les risques doivent être minimisés etmaîtrisables. Au regard des éléments de

connaissance actuellement disponibles, tant sur lesaspects écologiques que socio-économiques, l'UFC-Que Choisir considère l'épandage des boues destations d'épuration urbaines sur les terresagricoles comme une des solutions les plusacceptables. Cependant, des circonstances localesparticulières (dégradation de la qualité des boues,proximité d'un incinérateur, zone en excédent dematière fertilisante, etc.) devront conduire àprivilégier, de façon permanente ou non, d'autressolutions.

a ujourd'hui, face aux incertitudesconcernant les risques sanitaires et de pollutions,les principes suivants doivent être respectés :• le principe de prévention : quelle que soit lasolution retenue (épandage ou incinération), lesrejets d'éléments polluants dans les sols oul'atmosphère dépendent de la composition desboues. La recherche doit porter sur les techniquesde traitement des eaux usées, d'utilisationsnouvelles pour diversifier les modes d'éliminationou de valorisation. La maîtrise qualitative desboues épandables passe par une politique fermede réduction des pollutions en amont des stationsd'épuration, à tout niveau : rejets des eaux uséesindustrielles (PME-PMI comprises), hôpitaux,collecte sélective des déchets toxiques, séparationdes eaux pluviales, etc. ;• le principe de précaution : les pratiquesdoivent être accompagnées d'une analyse fiable etindépendante du risque, garantissant la sécuritésanitaire des produits issus des terres concernées

et destinés à la consommation humaineet animale, mais également d'un suivide la qualité des sols (épandage) et desrejets atmosphériques (incinération). Lesépandages doivent répondre à l'évolutionqualitative des pratiques agricoles et êtresystématiquement intégrés au bilan global defertilisation ;• l'information du consommateur : simple,claire et accessible, elle doit permettre au citoyende connaître les pratiques existantes et leursmodalités de suivi. Cette information pourraitapparaître sous forme synthétique annuelle sur lafacture d'eau. Les collectivités locales pourraientpar ailleurs diffuser des informations sur lespratiques d'épandage et leur niveau de qualité(bulletins municipaux, etc.) ;• l ' implication des associations : lesconsommateurs entendent participer au suivi de lagestion des boues et disposer d'informationssuffisantes et de l ieux de débat adaptés.Localement, l'organisation de cette participationpasse par l'installation effective des commissionsconsultatives de services publics locaux compétentsdans le domaine de l'eau et des déchets, maiségalement d'un comité départemental de suivi desboues.

Bernard Shockaert

Administrateur UFC-Que Choisir

UFC - Que Choisir11 Rue Guénot75555 Paris

La politique d'assainissement à Tours

"15 ans de retard de pollution, ça suffit" titrait Loire-Vivante-Tourainedans son bulletin de septembre 1998. En effet, ni Jean Royer, maire célèbre deTours, ni son successeur Jean Germain n'avait pris en compte la nécessité d'unedeuxième station d'épuration pour l'agglomération tourangelle malgré lespréconisations du Schéma Directeur de 1983.Ce n'est que fin 1999 que la communauté d’agglomérations Tour(s) Plus,désormais en charge de l'assainissement, présente à l'enquête publique ledossier d'extension de la station. Comportant de nombreuses lacunesnotamment sur le devenir des boues, ce dossier mal ficelé recevra l'avisdéfavorable du commissaire enquêteur.Pour les associations locales qui avaient déjà pointé du doigt le manqueflagrant de concertation préalable et l'absence d'une présentation objective desalternatives étudiées, c'était l'occasion pour la communauté d’agglomérationsde revoir sérieusement sa copie !

e t, c'est en janvier 2002, qu'un nouveau dossier intitulé "Demanded'autorisation du système d'assainissement de l'agglomération tourangelle" estprésenté à l'enquête publique. Il comporte cette fois un volet important sur lagestion des boues. Une cinquantaine de communes du département devaient êtreconcernées par l'épandage agricole. L'intitulé de l'enquête étant vague, lamobilisation des riverains est très discrète dans les premiers temps. Maisl'opposition prend corps, des pétitions sont lancées. La SEPANT est sollicitéenotamment sur la nature exacte des boues. Devant cette levée de boucliers, lescommissaires enquêteurs organisent deux réunions publiques pour permettre aumaître d'œuvre de venir présenter son projet et au public de poser ses questions.Les oppositions portent principalement sur les nuisances (odeurs, camions, etc.),les risques de pollutions (métaux lourds) et les mesures de contrôle envisagées.Cette fois, les commissaires enquêteurs donnent un avis favorable, en n'oubliantpas de rappeler les avantages de la valorisation agricole des boues.

Point de vue des consommateurs sur la gestiondes boues de stations urbaines

T E M O I G N A G E S

L'UFC-Que Choisir n'est pas opposée à l'épandage des boues de stations d'épuration, sous

réserve de précautions, notamment l'évaluation rigoureuse des risques.

>>

Page 9: Pour une eau vivante: faut-il capituler ou résister?

Bassin d'aération d'une station d'épura

tion

9 <

L'application de laréglementation par

les producteurs dedéchets

l es agriculteurs donnent lapriorité aux épandages de matières

organiques produites sur les exploitationsagricoles. Un épandage sur trois en moyenne se fait

en dehors d'un plan d'épandage ce qui supprime toute traçabilité.Il est donc essentiel que l'État mobilise les moyens nécessaires pour assurer lerespect de la réglementation. Les Chambres d'Agriculture refusent lecontournement de la réglementation sur les épandages de déchets, notammentle projet d'une norme spécifique aux matières fertilisantes pour les produitsissus du traitement des eaux (NF U44 095), qui transformerait un déchet enproduit commercialisable.

La couverture des risques liés à l'épandage dedéchets

les organisations professionnelles agricoles ont demandé la mise en placed'un fonds national de garantie géré par l'État pour couvrir les risques del'épandage des boues. En 1999, le Premier Ministre a opté pour la mise enplace d'un dispositif assurantiel payé par les producteurs de boues, celui-ci n'esttoujours pas opérationnel. Les Chambres d'Agriculture ont donc rappelél'urgence d'une décision dans ce domaine.

L'engagement de l'aval à ne pas prendre dedispositions contraires à l'épandage des déchets

des Industries Agro-Alimentaires (IAA), des entreprises de collectes et lagrande distribution ont multiplié, ces dernières années, des cahiers des charges

de production pour les agriculteurs limitant, voire interdisant, l'utilisation desdéchets pour la fertilisation des parcelles de production, en invoquant lesdemandes des consommateurs. Les agriculteurs sont dans l'obligation de seconformer aux prescriptions des cahiers des charges.Il revient donc à l'État de prendre les dispositions pour éviter que lesagriculteurs ne soient pris en otage. Leur rôle premier est la production agricoleet non le recyclage des déchets.

La reconnaissance du service rendu à la société parl'agriculture

les déchets urbains et industriels à épandre en agriculture ne sont pas desproduits agricoles. Il est donc important que le service rendu à la société soitbien identifié. L'agriculture a un rôle naturel de recyclage et de dépollution,grâce à la nutrition des plantes. Toutefois, les épandages ne doivent pas avoirun caractère obligatoire pour les agriculteurs. Les Chambres d'Agriculture sontfavorables au principe de gratuité de l'épandage de ces déchets, pour évitertout apport excessif qui pourrait résulter d'une rétribution de ce recyclage.

e n conclusion, les organisations agricoles ne sont pas opposées àl'épandage des boues et déchets en agriculture. Néanmoins, ce dossier n'est pasun dossier agricole mais de société. Il revient donc aux pouvoirs publics deformuler des orientations politiques claires, de veiller à la cohérence entre lesdifférentes réglementations, et de mettre en œuvre les moyens de limiter lesrisques éventuels pour les agriculteurs qui acceptent de tels épandages.

Extrait de la revue "Chambres d'agriculture" n° 904, novembre 2001

Assemblée Permanente des Chambres d'Agriculture9 Avenue George V75008 Paris

En raison de leur mission d'intérêt général et d'appui aux agriculteurs, les Chambres d'Agriculture sont

disposées à poursuivre leur mission de suivi des épandages, pour avoir une bonne connaissance des

produits épandus et celle de conseil aux agriculteurs qui épandent pour les aider dans leurs choix.

Elles rappellent, toutefois, les conditions qui doivent présider à la poursuite des épandages en

agriculture.

Qu'en pense la SEPANT?

le développement de l'agglomération tourangelle est devenu tel que ledoublement de la station d'épuration était inévitable. De plus, avec près de95 % des boues épandues sur tout le département, la valorisation agricole estdéjà la filière la plus utilisée. Elle bénéficie par ailleurs d'un suivi réguliereffectué par la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales et laChambre d'Agriculture, ce qui permet de garantir une bonne qualité des boueset des plans d'épandage corrects.Toutefois, dans le dossier, la possibilité est offerte aux industriels de seraccorder au réseau urbain. Au delà de la nature de ces industries (chimiques,agroalimentaires, établissements hospitaliers, etc.), les garanties (pré-traitements, contrôles) pour un rejet dans le réseau n'étaient pas acceptables.Pour la SEPANT, la traçabilité est indispensable pour assurer la qualité desboues, ceci interdit de fait le raccordement des industriels.

d éfaut de transparence (intitulé imprécis de l'enquête, manqued'information), absence de débat public (des solutions comme le compostageauraient pu être étudiées), fuite devant les controverses scientifiques(accumulation à long terme des métaux lourds dans les sols, choix des normes),voilà ce qui doit être absolument évité pour mener à bien un projet aussiindispensable et éviter l'abandon a priori d'une filière écologiquementdéfendable.

Cyril BoscPermanent à la SEPANT

Société Étude Protection et Aménagement Nature en Touraine - SEPANTAssociation affiliée à France Nature Environnement3 Square Berthe Morisot37000 Tours

Déchets et composts – Position des Chambres d'Agriculture

T E M O I G N A G E S

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Page 10: Pour une eau vivante: faut-il capituler ou résister?

Achères : un système à revoir

dans les conditions actuelles, le SIAAP n'estpas en mesure de maîtriser pleinement la qualitédes eaux usées qu'il traite, ne gérant pas lui-mêmeles conditions de raccordements des entreprises auréseau. Or les processus techniques en cours dansla station font que la qualité des boues dépenddirectement de la qualité de l'eau à traiter. Bienque ces entreprises soient à l'origine des teneursélevées en éléments traces métalliques (ETM) et enComposés Traces Organiques (CTO), aucunemodification n'est encore intervenue par rapport àleurs conventions de raccordement !

et même si les analyses des boues d'Achèresrévèlent des teneurs inférieures aux seuilsréglementaires, elles sont en moyenne trois foisplus chargées que les boues produites dans laSomme. Face à ce constat, les populations localesne pouvaient que manifester leur inquiétude etdemander, au nom du principe de précaution,

que le s teneurs en métaux lourds so ien t strictement limitées.

en effet, s'il est montré que les plantesabsorbent généralement peu les métaux (certainesen sont très friandes), le devenir de ces élémentsdans le sol après plusieurs décennies est plusincertain. Le risque demeure de voir leuraccumulation conduire in fine à un ralentissementvoire un blocage de l'absorption de certainséléments nutritifs par les plantes.

Pour une gestion équilibrée des boues

l'épandage des boues est une filière bienplus écologique comparée à l'incinération. Lecitoyen en est conscient et il est prêt à acceptercette solution. Mais cela ne signifie pas quen'importe quelle boue puisse faire l'objet d'unépandage, des garanties sur leur qualité doiventêtre apportées.

l e Conse i l Généra l de la Somme aconsidéré par ailleurs que l'épandage des bouesd'Achères dans la Somme r i squai t decompromettre la filière locale de valorisationagronomique des boues, récemment consolidéepar le schéma départemental des boues et deseffluents de la Somme (initiative pionnière enFrance).

de fait, la Commission d'enquête a émiscertaines réserves quant à l'épandage desboues d'Achères. Elle souhaitait par exempleque les teneurs en ETM soient au maximuméquivalentes à celles des boues produites dansla Somme, ce qui impliquait que le SIAAP obligeles entreprises à rejeter des eaux usées moinschargées en toxiques voire qu'il adopte destechniques capables de faire baisser la teneurde substances dangereuses contenues dans lesboues. Elle demandait également une meilleureinformation des citoyens sur la nature des bouesépandues et la mise en place d'un plan degestion des déchets et effluents organiques auniveau du département ou de la région. Cesréserves ont été rejetées à une faible majoritélors du Conseil Départemental d'Hygiène.

Jacques MortierPrésident de l'association pourle littoral picard et la baie de Somme

Association pour le littoral picardet la baie de Somme,non affiliée à France Nature Environnement,La Mollier80410 Cayeux-sur-Mer

> 1 0

Située dans les Yvelines, la station d'épuration d'Achères, la plus grande d'Europe, traite

plus de 2 millions de m3 d'eaux usées par jour, provenant de Paris et de sa banlieue !

Conséquence directe de cette activité, près de 400 tonnes de boues sont produites chaque jour.

Le Syndicat Interdépartemental pour l'Assainissement de l'Agglomération Parisienne (SIAAP),

gestionnaire de la station, cherche aujourd'hui de nouvelles terres agricoles pour les valoriser.

De mai à juin 2001 s'est déroulée une enquête publique concernant l'épandage de ces boues

dans le département de la Somme. Ce dossier a suscité de vives oppositions de la part des élus

et des citoyens. La commission d'enquête a voulu comprendre pourquoi…

T E M O I G N A G E SL'épandage des boues d'Achères oui, mais pas àn'importe quel prix !

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Épandage de boues sur terre agricole

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l ’agglomération nantaise reste une desdernières agglomérations en France à valoriser enagriculture les boues issues de ses stationsd’épuration. Valorisées sous forme liquide jusqu’àla reconstruction ou modernisation de ses deuxprincipales unités de traitement en 1998 : Tougasd'une capacité de 600 000 EH (1) et PetiteCalifornie, de taille plus restreinte (120 000 EH),elles sont depuis cette date, préalablementdéshydratées puis chaulées à 50 % de matièresèche, ce qui porte la siccité (2) à 30 %.

l a production annuelle est d’environ 50 000 tonnes valorisées en agriculture dans lecadre d’un plan d’épandage autorisé en 1995 etayant fait l’objet d’une première extension en1998 et d’une seconde en 2001. La superficie dece plan est de 8 400 ha se répartissant sur 75 communes du département de Loire-Atlantiqueet 150 exploitations agricoles.

la valorisation agricole est réalisée dans lecadre d’un contrat spécifique de délégation deservice public sous la forme de régie intéressée. Ledélégataire est une société dédiée, Loire 21, dontles actionnaires sont des fil iales de Vivendienvironnement spécialistes du traitement des eauxet de la fertilisation, ainsi que la CANA NoëlleEnvironnement, importante coopérative agricole dudépartement qui assure la relation avec le mondeagricole.

d ans le cadre de soncontrat, le délégataire réaliseles contrôles réglementairesde la qualité des boues, lesuivi agronomique des solset le conseil en fertilisationdes parcelles auprès desagriculteurs. La traçabilitédes épandages est assuréepar un système d’infor-

mation géographique quiassocie la cartographie des

parcelles à une base de donnéeshistorique des paramètres

d’épandage et de fertilisation. Lesprestations de transport et d’épandage

sont sous-traitées à des entreprisesspécialisées dans le cadre d’un cahier des

charges "qualité". Une formation sur les pratiqueset contraintes d’épandage, à destination despersonnels des sous-traitants, est réaliséeannuellement par Loire 21. Une amélioration ducontrôle des épandages par système GPS embarquéest en cours d’expérimentation.

a fin d’améliorer l’ information descommunes rurales recevant les épandages, au delàde la transmission des documents réglementaires,

des rencontres périodiques sont organisées avec lesmaires et élus de ces communes. Elles se déroulentchaque année, entre deux campagnes devalorisation, et permettent de dresser le bilan del’année écoulée, de présenter les campagnes àvenir, de répondre aux interrogations ouinquiétudes des populations et d’une manièregénérale de débattre sur la filière.

e n matière de solution alternative, lacommunauté urbaine de Nantes utilise, le caséchéant, un centre d’enfouissement technique. Lacompatibilité de la qualité des boues avec lavalorisation agricole n’a jamais conduit, à ce jour, àmettre en œuvre cette solution. D’autres pistes desolutions alternatives sont à l’étude. Tenant comptede la fragilité avérée de la fil ière face auxdernières crises agricoles, la communauté urbainede Nantes s’attache à établir des relations detransparence et de confiance réciproque avec lesacteurs de l’agriculture, ainsi qu’à diversifier lesdébouchés pour les boues de stations d’épuration.

Michel BlancheDirecteur de l'assainissement

Communauté urbaine de Nantes44923 NANTES Cédex 09

(1) Équivalent-Habitant : unité de mesure représentant la pollution émise par un habitant un jour normal du mois le plus polluant de l'année. • (2) Qualité de ce qui est sec.

Valorisation agricole des boues desstations d’épuration de l’agglomérationnantaise

T E M O I G N A G E S

50% des stations de plus de 10 000 équivalents-habitants sont construites selon ce procédé en France. Ademe - 2001

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b ien heureusement, la plupart des plansindiquent comme alternative l’épandage, qui est dece fait largement utilisé en France. Mais onconstate de plus en plus souvent un refus venantdes agriculteurs, des propriétaires fonciers, pousséspar des inquiétudes sanitaires et il faut bien le direpar les exigences de la distribution et des grandsgroupes agroalimentaires. Alors si on ne peut plusles épandre, qu’en faire ? La réponse est simplepour beaucoup : les brûler ! Ce qui nous semble uneénorme bêtise : brûler des matières organiquesquel gâchis ! Brûler de l’eau, quelle hérésie !

u ne des justifications des usinesd’incinération d’ordures ménagères (UIOM),argument tout à fait valable, est en plus d’éliminerdes déchets la production d’énergie renouvelable,

que ce soit sous forme d’électricité ou de réseauxde chaleur. Cet argument tombe quand il s’agit deboues urbaines où le bilan énergétique est égal àzéro (il faut autant de chaleur pour les sécherqu’elles en produiront en brûlant).Et pourtant on voit de plus en plus des projetsd’UIOM brûlant des boues et même des usinesdédiées uniquement aux boues de step comme enFranche-Comté où sous prétexte d’Appellationd'Origine Contrôlée (le fromage de Comté), onrefuse l’épandage des boues.On peut ajouter un autre argument : si l’UIOM n’estpas aux normes, ce qui est hélas trop fréquent (il yen a encore une bonne vingtaine en France) etcrache de la dioxine, ne vaut-il pas mieux réclamer sa fermeture, plutôt que se battre contrel’épandage ? Il ne faut pas se tromper de combat etde pollution !

la solution pour éviter cette dérive, il y en acertainement plusieurs, mais la principale est d’alerterles gestionnaires de stations d’épuration, de les obligerà mieux gérer leur installation et de surveiller les rejetsdes industriels. Autre source de pollution à surveillerles déchets toxiques en quantité dispersée (DTQD),c'est-à-dire les déchets toxiques des ménagesrarement collectés convenablement. C’est d’ailleurs undes échecs de la loi de 92 sur les déchets.Autrement dit, là comme ailleurs, la solution duproblème est en amont : si les boues de stationsd'épuration sont de bonne qualité, l’épandage seraaccepté et l’incinération qui est une aberration n’auraplus de raison d’être.

Liliane ELSENResponsable du Réseau déchets

France Nature EnvironnementRéseau déchets44 Rue Armand Carrel93108 Montreuil Cédex

> 1 2

Incinérer des boues de stations d’épuration?Que faire des boues de stations d’épuration ? La réponse est difficile et devient urgente.

Chaque plan départemental d’élimination des déchets doit apporter une solution et si la

première génération des plans a bien souvent fait l’impasse sur le sujet, la nouvelle

génération, elle, doit y répondre.

T E M O I G N A G E S

Un constat

la réglementation classe les boues urbainesrecyclées en agriculture comme des déchets etnon des fer t i l i sants . Se lon GTV, les bouesprésentent des risques pour l’eau mais aussi lasanté. Les agr icul teurs qui épandent pouréconomiser des engrais chimiques ont une visionà court terme. Les boues ont certes un effetstarter pour les céréales par leur teneur en azoteammoniacal, mais la présence d'une importantef lore indés i rable et rés i s tante obl igeral’exploitant à utiliser davantage de désherbantschimiques, sans compter la prolifération deparasites éliminés à grand renfort de pesticides(1). De plus, les boues hygiènisées à 180 °Ccontiennent du phosphore inactif inutilisable parles cultures (2). Les coopératives céréalièresdéconseillent par conséquent l’utilisation desboues, tout comme la profess ion sucr ière(Confédération Générale des Betteraviers) (3).

l e degré de contamination d’un sol estévalué par comparaison entre les concentrationsnaturelles mesurées, variables dans l'espace, et lesvaleurs seuils de l’arrêté du 8 janvier 1998, queGTV estime souvent trop élevées pour signaler desanomalies. Or, ces éléments toxiques peuventcontaminer les cultures (3-4) donc les aliments,mais également les nappes phréatiques. Les

métaux lourds et éléments traces minérauxprésentent des risques, même à faible dose, pourles reins, le foie, les systèmes nerveux etimmunitaire (4). Non biodégradables, les polluantsorganiques (PCB, HAP), produits lessiviels, solvants,pesticides et autres fongicides sont soupçonnés decancérogénicité et de reprotoxicité (4). La présencede matières fécales ou de résidus hospitaliersaugmente les risques de contamination infectieuse.Selon GTV, toute la chaîne alimentaire est ainsidangereusement exposée.

Une opposition

pour Gâtinais Terre Vivante, la loi permetd’épandre des déchets sur les terres, fixant desprocédures peu ou pas respectées et des seuilsde toxic i té ne reposant sur aucune étuded' impact sur les mi l ieux et la santé despopulations (4), à moyen ou long terme. Si lespouvoirs publics ont, en France, choisi la filièreagricole pour l’élimination des déchets, c'estpour des motifs purement économiques, gérantles contraintes à court terme.L’innocuité des boues recyclées en agriculturen’est pas garantie ni pour l’écosystème, ni pourles ressources en eau ou encore la santépublique. Par conséquent, GTV est fermementopposée au principe de l’épandage agricole desboues et refuse les pollutions générées par

d'autres modes de traitement, tels que la miseen décharge ou l'incinération.

Des solutions

enfin, Gâtinais Terre Vivante estime que dessolutions alternatives à l’épandage, basées sur unmodèle écologique adapté à chaque station selonson tonnage de production de boues et lescaractéristiques de son environnement (urbain,industriel, rural), pourraient être trouvées :• le lagunage, digestion bactérienne des bouesdans des bassins végétaux ;• l’oxydation par voie humide, technique nonpolluante utilisée à Toulouse ;• la thermolyse développée par la SAUR à Voreppe (38);• l’oxydation assistée par plasma, pratiquée parune filiale d’Hydro-Québec ;• le rhizocompostage utilisé par la Lyonnaise des Eaux ;• l’incinération en lits fluidisés, moins polluantetelle que pratiquée à Lacq ou à Gien (45).

Tadeusz TREVITPrésident de Gâtinais Terre Vivante

Association Gâtinais Terre Vivante,non affiliée à France Nature EnvironnementMairie de Chaintreaux77460 Chaintreaux

Gâtinais Terre Vivante dit non à l'épandage des boues de stations d'épuration

(1) Jacques NOREST in Gâtinais Terre Vivante, N° 3, décembre 2001.• (2) Directeur de la coopérative de Puiseaux (45), débat public GTV/SEDE, janvier 2002. • (3) PDG Sucrerie Ouvre (77), courrier auxlivreurs-producteurs de betteraves, mars 2002. • (4) Docteur Patrick DUBOIS, argumentaire technique "environnement et santé", mars 2002.

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Le saccage programmé d’unmilieu rare et précieux

entre les contreforts du mont Ventoux et leplateau du Vaucluse, les sables de Bédouin et deMormoiron constituent une des seules enclavessiliceuses de la région, dans un contexte trèsmajoritairement calcaire. Cette particularité, liéeà des conditions hydrologiques spécifiques,confère au site un caractère écologique toutà fait singulier. La végétation naturelle du site,véritable mosaïque de forêts à chêne vert(Quercus ilex) et de zones de garrigue, se mêleharmonieusement à de nombreuses parcellesextensives – élevage, vignes et oliveraies AOC(1) –, qui constituent à ce jour l’atout majeurdes localités concernées par le projet.Sur le plan naturaliste, deux zones du secteur ontété c lassées en ZNIEFF (2) : les "ocres deBédouin", aujourd’hui totalement défigurés parla première carrière, et les "ocres de Mormoiron",en partie concernés par le projet d’extension. Ony retrouve un grand nombre d’espèces végétalescalcifuges (3), parmi lesquelles quelques taxonspeu fréquents tels que l’alsine sétacée (Minuartiasetacea), le silène des ports (Silene portensis),

le corynéphore blanchâtre (Corynephoruscanescens) ou le séneçon livide (Senecio lividus).De même, on constate la présence d’une faunecaractéristique des milieux sableux, avec làencore quelques espèces remarquables. Notonspar exemple la présence du très rare pélobatecultripède (Pelobates cultripes), petit amphibienfouisseur et inféodé au substrat sableux. Lesbatraciens sont d’ailleurs très bien représentéssur le site, avec sept espèces, dont cinq citées parla Directive Habitats (annexe IV) (4) et troisinscrites dans la "liste rouge" nationale desespèces menacées : le crapaud accoucheur (Alytesobstetricans), le pélodyte ponctué (Pelodytespunctatus) et b ien entendu, le pélobatecultripède. Ces deux dernières espèces sont parailleurs considérées comme menacées en régionProvence-Alpes-Côte-d’Azur.Les oiseaux ne sont pas en reste : l’engouleventd’Europe (Caprimulgus europaeus), l’alouettelulu (Lululla arborea) et le pie-grièche écorcheur(Lanius collurio), pour ne citer qu’eux, sontaujourd’hui menacés par la raréfaction desbiotopes qui leur sont favorables. Ces troisespèces sont citées à l’annexe I de la DirectiveOiseaux (5).

l’étude d’impact du projet d’exten-s i o n n e r e f l è t e ma l h eu r e u s emen tqu’imparfaitement cette richesse, enminimisant systématiquement l’intérêt et lavulnérabilité des espèces recensées. De plus,les inventaires floristiques ont été réalisés à unepériode peu favorable pour l’observation desespèces annuelles (mai 2000), parmi lesquelles setrouvent pourtant les taxons les plusremarquables, en grande partie responsables duclassement du site en ZNIEFF ! On peut penser queces relevés sont insuffisants, en l’absenced’investigations complémentaires. Fait troublant,aucune des espèces végétales les plusremarquables de la ZNIEFF des "ocres deMormoiron" ne figure dans la liste floristique del’étude d’impact !Non contente de nier l’originalité et l’intérêtécologique évidents du secteur, l’étude d’impacts’attache par ailleurs à enjoliver les conséquencesde l’extension sur le milieu. Entre autres, il n’estquasiment pas fait cas de l’influencepréjudiciable qu’auront trente annéesd’exploitation intensive des sables sur lesespèces inféodées à ce type de substrat.

Exploité depuis l’Antiquité, l’affleurement sableux qui

s’étend sur p lus de dix k i lomètres entre Bédouin et

Mormoiron (Var) est aujourd’hui l’objet de toutes les

convoitises de la part des extracteurs. A l’origine de cet

intérêt, deux types de matériaux : une couche de sables

rougeâtres riches en oxydes de fer, les "ocres", de

moins de dix mètres d’épaisseur, surmontant un épais

n i v eau de sab l e s f in s s i l i c eux, compos é s p r e sque

uniquement de quartz et utilisables entre autres pour

la verrerie, les "sables blancs". C’est cette seconde catégorie

de granulats qui intéresse le plus les carriers, attirés par leurs

qualités techniques, leur relative facilité d’exploitation et la

puissance du gisement (plusieurs dizaines de mètres !). Alors

qu’une première exploitation se termine sur la commune de

Bédouin, un projet d’extension vers le sud, portant sur environ

68 hectares, et prévu pour trente ans, a été déposé en sous-

préfecture de Carpentras début 2001 par la même société. Si cette

extension devait être autorisée, la surface exploitée totale

atteindrait 140 ha.

(1) Appellation d’Origine Contrôlée. • (2) Zone Naturelle d’Intérêt Écologique Faunistique et Floristique. • (3) Espèce qui ne peut pas se développer en milieu calcaire. • (4) Directive 92-43 CEE du conseil du21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages. Les espèces de l’annexe IV bénéficient d’une protection stricte, du fait de leur intérêtcommunautaire.• (5) Directive 79-409 CEE du conseil du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages. Les espèces mentionnées à l’annexe I font l’objet de mesures de conservationspéciale concernant leur habitat, afin d’assurer leur survie et leur reproduction dans leur aire de distribution.

Mormoiron : le marchand

de sable va-t-il passer ?

D O S S I E R

L'Auzon

Le Retoir

Bédouin

Mormoiron

Surface en exploitation

Extension projetée

ZNIEFF (contours indicatifs)

D 14

D 213

0 1 km

Valla

t des

Cran

s

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Trente ans de destructions d’habitats, de bruits, devibrations, de poussières et de fréquentationhumaine. De même, le temps nécessaire à lacicatrisation végétale, forcément très long comptetenu de la pauvreté du substrat et de l’irrégularitédes précipitations, a été totalement éludé parl’étude paysagère.

Une ressource en eau en péril

l e contexte hydrogéologique dusecteur est très mal connu à l’heureactuelle. Tout au plus admet-on l’existenced’un système aquifère multicouche, incluant unenappe supérieure éruptive sise dans les sablesblancs et une nappe profonde Miocène.La première est actuellement uti l isée pourl’adduction en eau potable de nombreusescommunes et alimente la totalité du chevelu deru i s seaux qu i parcourent l ’a f f leurementsab leux. Ces " va l la t s " (6) sont d ’uneimportance écologique majeure : ils diversifientl’habitat, permettent la reproduction de certainsanimaux et de ce fait enrichissent l’écosystèmede façon considérable. La nappe des sablesblancs, très vulnérable aux sécheresses et auxpollutions, montre depuis quelques années dess ignes év idents de ba i s se p iézométr ique(responsable du tarissement de nombreusessources).La seconde nappe, beaucoup plus profonde, estcitée dans le SDAGE Rhône-Méditerranée-Corsecomme " ressource d’intérêt majeur (…) àpréserver pour les générations futures ". LeSDAGE RMC ne reconnaît que trois aquifères dece type sur tout le bassin.Le problème essentiel, non résolu à l’heureactuelle, concerne la vulnérabil ité de cettenappe Miocène : son fonctionnement est très malconnu, mais les spéc ia l i s tes soupçonnent

l’existence d’une relation entre le réseau desurface, les nappes superficielles et cet aquifèreprofond. Dans cette hypothèse, la nappe duMiocène présenterait elle aussi une vulnérabilitéimportante aux modifications des écoulementssuperficiels et aux pollutions. La prise de risques

q u e c o n s t i t u e en ce sens

l ’ e x p l o i t a t i o npro longée des sab les sur

plusieurs dizaines de mètres d’épaisseur nenous semble absolument pas respectueuse despréconisations du SDAGE RMC, qui prône uneges t ion patr imonia le de ce t te ressource .

comme pour la faune et la flore, l’étuded’ impact négl ige la p lupart des nuisancespossibles de l’exploitation sur la ressource eneau. Des problèmes de recharge des aquifèressont pourtant à craindre, liés aux modificationsdes écoulements superficiels, voire souterrains,e t aux phénomènes d ’évaporat ion e td’infi ltration au sein des futurs bassins dedécantat ion. L’ inf i l t ra t ion es t notammentsurestimée, le colmatage progressif de cesexcavations vouées au lavage des sables n’étantpas pris en compte dans les estimations.Par ailleurs, deux produits chimiques serontajoutés aux eaux de lavage dans les bassins dedécantation afin d'accélérer le processus dedissociation entre les éléments argileux et laphase l iqu ide . Cec i devra i t permet t re unrecyclage maximal de ces eaux et éviter ainside pomper d’énormes quantités dans le sous-sol. Cependant, la lecture des fiches techniquesdes deux substances (floculant et coagulant)peut la i s ser perp lexe : leur manipu la t ionnécess i te la pr i se d ’un grand nombre deprécautions telles que porter des protectionscorporelles ou éviter de déverser du produitdans le milieu aquatique, preuve d’une toxiciténon négligeable pour l’écosystème (7). Enfin, larémanence de ces substances dans le milieunaturel est soit très importante, soit inconnue…

d ans ce contexte, le risque defragilisation de l’ensemble des aquifères nepeut-être totalement exclu. Là encore, desétudes complémentaires, menées par un organismeréellement indépendant, semblent indispensables.Il s’agit de déterminer de façon suffisammentprécise l’hydrogéologie locale, afin d’apporter desréponses claires aux questions soulevées par lesopposants au projet. Dans l’état des connaissancesactuelles, les affirmations rassurantes del’étude d’impact ne peuvent êtreconsidérées que comme des hypothèses, quine sauraient justifier une telle extension de lasablière.

(6) Terme local désignant ici les petits ruisseaux plus ou moins pérennes alimentés par les résurgences de la nappe artésienne. • (7) Informations recueillies dans les fiches techniques d’utilisation des deuxproduits, en annexe de l’étude d’impact. • (8) L’affleurement sableux, encadré de reliefs plus importants à l’Est et à l’Ouest, est globalement orienté Nord-Sud, et est donc très exposé au mistral.

Le triste sort du vallat des Crans

Pour faciliter l’exploitationoptimale du gisement sur lapremière carrière, le vallat desCrans, petit ruisseau du bassinversant de l’Auzon, a subi untraitement pour le moins radical…Il a en effet été décidé de le barreren amont de la carrière par uneréserve d’eau artificielle et étanche(pour écrêter les crues notamment),de le détourner de son cours initialet de le buser sur la totalité del’emprise de la sablière. Ceci sansqu’aucun suivi hydrobiologique ouphysico-chimique ne soitapparemment mis en œuvre. Or, ceruisseau participait à hauteur de30 l/s à la recharge des nappessous-jacentes. Sur une année, c’estau total près d’un million de m3

d’eau qui sont perdus pour lesaquifères, puisque le lit naturel duruisseau, siège des infiltrations versles nappes, ne reçoit quasimentplus d’eau de l’amont (débit réservéde 10 l/s), sur la totalité del’exploitation (environ 1 km). D’unpoint de vue écologique, l’impactest important sur la faune,notamment les amphibiens etcertains insectes qui ont perdu làun des rares sites de reproductiondu secteur. La destruction effectivede ce type de milieu ne peut quenous inciter à être circonspects surla prise en compte réelle del’environnement par l’exploitant etl’administration locale. Comment,dans ces conditions, faire confianceà l'entreprise lorsqu’elle indiqueque l’impact de l’extension ne serapas plus important que sur lapremière carrière ?

D O S S I E R

Le Psammodrome d'Edwards

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Des nuages de poussières

l ’exploitation des sables fins, dans uncontexte cl imatique aride et venteux (8),s’accompagne inévitablement d’envols massifs etpériodiques de particules fines, perceptibles à deskilomètres alentours. La présence de l’actuellecarrière des Crans, à Bédouin, permet de mieuxestimer cet impact, qui constitue un des argumentsimportants des opposants au projet d’extension.Sans rentrer dans le détail, le protocole de suivi etde mesure de ces envols présenté dans l’étuded’impact, qui conclut à un impact mineur de cesphénomènes, n’est pas satisfaisant. Un certainnombre de documents (vidéos, photographies)recueillis par les riverains et les défenseurs du sitemontrent d’ailleurs qu’on ne peut objectivementnégliger ce type de nuisances. Les envolsmassifs de poussières risquent en effet deremettre en cause un certain nombre depratiques agricoles sur le site, de gêner lesriverains et de compromettre la survie denombreuses espèces. Enfin, des changementsmicroclimatiques, de type brouil lards, sontégalement à craindre.

par ailleurs, les mesures envisagéespar la société exploitante pour limiter aumaximum cet inconvénient sont discutables.Elle prévoit en effet l’utilisation d’un produitfixateur qui, après aspersion, est censé former unecroûte indurée à la surface du sol. Outre le fait quele comportement à long terme de ce produit n’estpas précisé, on peut aussi craindre un impact surles nombreux animaux fouisseurs présents sur lesite, comme par exemple le Psammodromed’Edwards. Malheureusement, l’étude d’impactn’apporte aucune réponse à ces interrogations.

Et ce n’est sans doutequ’un début !

l e dossier d’extension a pour l’instantrecueilli les avis favorables du commissaire

enquêteur à l’issue de l’enquête publique et de laCommission Départementale des Carrières, par sixvoix pour, cinq contre et une abstention. A cetteoccasion, aucun représentant des collectivitéslocales (communes, conseillers généraux) ne s’estprononcé en faveur du projet.Le plus inquiétant dans cette affaire, c’estla voie royale ouverte à d’autres demandesd’autorisation d’exploiter, si ce dossierétait accepté. Une exploitation de traitement desmatériaux de découverte est actuellementimplantée sur le site, et se développera enparallèle à la carrière. Il est d’ailleurs surprenantque les deux dossiers aient été séparés, puisqu’ilssont parfaitement complémentaires et que leursimpacts se cumulent (bruit, poussière, etc.) : lesstériles exploités résulteront du décapagenécessaire à l’exploitation des sables blancs sur lesite. En outre, il semble que des achats de terrainsbien au sud de l’extension projetée aient déjà étéeffectués par la société exploitante, sur le mêmeaffleurement sableux. La logique économique enest évidente, puisque sans déplacer notablementses installations, elle aurait ainsi accès à desgranulats de qualité, en quantité énorme (environ50 mètres d’épaisseur de quartz exploitable !). Dequoi creuser jusqu’au siècle prochain…A terme, on peut donc penser quel’ensemble du gisement risque d’êtreexploité, aboutissant à une carrièregigantesque de plusieurs centainesd’hectares dont les habitants du secteur,agriculteurs et riverains, ne veulent assurémentpas.

malheureusement, et peut-être en raisond’une mauvaise information, la population localesemble pour l’instant, à quelques exceptions près,bien léthargique et ne manifeste pas uneopposition massive au projet. Les associationss’impliquant dans ce dossier, ADR Bédouin Ventouxet ADENCAR, voient certes leurs argumentssoutenus par la commune de Mormoiron et leConseil Général, mais sans véritable élan

populaire, qui pourrait pourtant influencer ladécision ultime du sous-préfet du Vaucluse. S’ilestime que ce dossier est recevable en l’état etaccorde son autorisation, il est quasiment certainque les défenseurs de l’environnement engagerontune démarche contentieuse devant un tribunaladministratif. La solution d’une plainte devant laCommission européenne, pour non-respect du droitcommunautaire, n’est pas non plus à exclure.Profitant de la somnolence actuelle del’administration et des habitants, le " marchand desable " passera-t-i l à Mormoiron ? Réponseprochainement…

David BERNARD

Contacts

Association de Défense RégionaleBédouin Ventoux, membre de l’UDVN 84Chez M. Vilpoix8 rue Lamartine91400 Orsay

ADENCAR, Association de Défense contre lesNuisances des Carrières des Crans etDéffends, composée en majorité de riverainsdu projet d’extensionChez M. Charlat, Président16 rue Brunard95350 St Brice-sous-Forêt

D O S S I E R

Information de dernière minute

Le sous-Préfet du Vaucluse vient de signer un sursis àstatuer qui repousse sa décision finale de six moisenviron. Trois raisons ont été invoquées :• la nécessité de trouver un accord financier entre lescollectivités locales, qui devrait porter notamment sur lestaxes professionnelles ;• la réalisation de certains aménagements de voirie déjàdemandés par le Conseil général ;• la prise en compte des nombreuses questionsenvironnementales soulevées par les opposants.

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En Europe, les crues représentent la catastrophe "naturelle" la plus fréquente et la plus coûteuse,

avec des dommages évalués à 99 milliards d'euros pour la période 1991-1995. La France est directement

concernée : la crue de Nîmes en 1988, celle de Vaison-la-Romaine en 1992 ou encore celles de la Somme

ou de la Bretagne en 2000-2001 pour les plus récentes sont malheureusement là pour nous le rappeler.

Le risque "inondation",une équation à double entrée

l'état de crue résulte de la combinaison defacteurs naturels, par les conditions météo-rologiques et caractéristiques physiques du bassinversant, et humains au travers des activités quioccupent et façonnent ces territoires.L'inondation caractérise le débordement consécutifà la crue, son impact est alors fonction del'aménagement du territoire touché.Le risque "inondation" découle de laconfrontation de deux données que sontl'aléa et la vulnérabilité : une rivière quidéborde est la conséquence de conditions hydro-météorologiques particulières tandis que lesdommages sont liés à l'occupation du territoire oùl'inondation se produit. Il y a risque lorsque lavulnérabilité est incompatible avec l'aléa (1).

Quelles politiques du risque?

le risque inondation ne peut être maîtriséque par une vulnérabil ité inversementproportionnelle à l'aléa.Or il n'est pas facile de contrôler l'aléa, en dehorsde :• la gestion concertée et adaptée desbassins versants : privilégier les politiquesd'aménagement du territoire rural respectantl'aptitude des milieux naturels à réguler lesécoulements (valoriser les systèmes agroforestiers,couvrir les sols, éviter le drainage des terresagricoles, etc.), mais également l imiterl'imperméabilisation des terres urbanisées ;• et, dans une moindre mesure, la maîtrise des

activités humaines susceptibles de provoquerdes changements cl imatiques, synonymesd'aggravation des situations de stress hydrique.

en matière de réduction de la vulnérabilité,les marges de manœuvre sont plus larges, àcondition d’une volonté politique affirmée, parexemple :• revoir le système CATNAT (2) afin degénérer une dynamique de responsabilisation, eten particulier inciter les assureurs à proposersystématiquement aux sinistrés une réinstallationen zone non inondable (à terme bien moinscoûteuse pour la collectivité qu'une successiond'indemnisations) ;• créer une solidarité fiscale permettant auxcollectivités fortement exposées de bénéficier dedébouchés économiques générés par l'implantationd'activités hors du territoire à risque ;• l imiter l'urbanisation des zonesinondables au patrimoine bâti existant ;• encadrer très strictement les travaux etaménagements de protection afin d'en éviterles effets pervers comme la survulnérabilité des"zones protégées". En particulier, ne jamais oublierque la "protection" n'est qu'une estimation calculéedans un contexte et pour un niveau de risquedonnés et que ces critères évoluent dans l'espace etle temps, indépendamment de l'altération-mêmede l'ouvrage (érosion des digues, comblement desbarrages par le transport sédimentaire, etc.).

Un enjeu : la sensibilisation

à l’occasion d'un stage de sensibilisation au"risque inondation" en Franche-Comté, le réseau

eau a réalisé un support pédagogique d’initiation àl’hydrologie composé d'un document écrit et d'unjeu de transparents.Ce dossier à l’usage des associations peut évoluer àla demande et être ainsi mieux adapté aux enjeuxrégionaux.Le document comprend trois axes :• rappel des principaux éléments de météorologiealimentant les hautes eaux ;• initiation au thème de l'hydrologie par rapport àla problématique "crue et risque inondation" ;• description des principaux éléments de gestion deces risques en France.Sont également proposés une liste de sites internetconsacrés aux inondations, un glossaire et quelquesannexes réglementaires.

Delphine GRELAT

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La Lettre Eau, 4 numéros annuels édités par France Nature Environnement, Fédération Française des Associations de Protection de la Nature et de l’Environnement, fondée en 196857 rue Cuvier - 75231 PARIS CEDEX 05 - Tel. : 01 43 36 16 12 - Fax : 01 43 36 84 67 - Email : [email protected]

Directeur de la publication : Bernard ROUSSEAU, Président de France Nature Environnement - Rédacteur en Chef : Bernard ROUSSEAU, Responsable des Politiques Eau de France Nature EnvironnementRéalisation : David BERNARD, Delphine GRELAT, Thomas NICOLAY et Alexandra PEYRONNET

Réseau Eau de France Nature Environnement - 5 place de la République - 45000 Orléans - Tel. : 02 38 81 80 19 - Fax 02 38 77 05 26 - Email : [email protected]édit Photo : Ademe, Adencar, Agence de l'eau Loire-Bretagne, APSL, DIREN Centre, Espaces Naturels de France

Conception graphique et maquette : Julio Gallegos - Photogravure : FBI - Impression : COPIE 45Abonnement annuel : 15,00 o - Abonnement de soutien : 20,00 o - Correspondance et abonnement au Réseau Eau de France Nature Environnement

ISSN : 12 76-1 044. La reproduction des textes, photos et dessins de ce numéro est autorisée sous réserve d’en citer la source datée.

E V U E • P O I N T D E V U E • P O I N T D E V U E • P O I

(1) L'aléa recouvre tout ce qui, pour une parcelle donnée, caractérise l'inondation : récurrence de la submersion, durée, hauteur d'eau, vitesse du courant, etc. La vulnérabilité du site concerne quant à elle lanature des biens exposés, les activités humaines, etc. • (2) Fonds d’indemnisation abondé par l'ensemble des assurés grâce à une prime spéciale - loi du 13 juillet 1982.

En savoir plus

Données en temps réelwww.meteo.fr/meteonet/vigilance/index.htmlwww.rnde.tm.fr/francais/frame/sygen.htmlDossiers thématiqueswww.oieau.fr/inondations/index f. htmlwww.eea.eu.int

Crues et inondations:

une histoire

d'hommes et d'eaux

La crue n'est finalement"catastrophe" que pour l'homme"moderne". Cet inconscient à lamémoire trop courte priveostensiblement les rivières de leursespaces de liberté pour y installerses activités et s'étonne ensuite deles voir reprendre leurs aises à lafaveur de conditionsmétéorologiques "exceptionnelles" !