2
pp. 103-104 103 Lettre ~ I'~diteur Pour une Claude CARDOT * nouvelle p6dagogie du signal analytique 1. INTRODUCTION L'amplitude et la phase instantan6es associ6es un signal r6el : s(t) sont introduites classiquement [1] par l'interm6diaire du signal dit analytique, dont la partie r6elle est : s(t) et qui est astreint /t ~tre une fonction analytique du temps, consider6 comme une variable complexe. La transformation de Hilbert, qui relic les parties r6elle et imaginaire de ce signal analytique s'obtient alors par une int~grale de contour dans le plan de la variable complexe temps. Cette presentation d~route de nombreux ~tudiants, qui conserveront ensuite une certaine h6sitation ~t manier l'amplitude et la phase instantan6es. La raison enest que la partie imaginaire de la variable complexe temps n'a aucune interpretation physique, /l l'inverse de ce qui a lieu pour la variable frdquence. D'autres auteurs [2] d6finissent le signal analytique comme r6sultant d'un filtrage lin6aire op6r6 sur s(t) (filtrage supprimant les fr6quences n6gatives). Cette presentation est 6galement d~routante : d'une part parce qu'un tel filtre est irr6alisable (non causal), d'autre part, parce que si les fr~quences n6gatives sont un interm~diaire matMmatique tr6s utile, on peut parfaitement leur d6nier toute r6alit~ physique : il n'existe pas d'analyseur de spectre qui puisse les s~parer. Dans la pr6sente note, qui est purement didactique, nous nous proposons de montrer que ces notions peuvent 8tre introduites d'une mani6re beaucoup plus simple, par une g~n6ralisation du vecteur de Fresnel de l'61ectrotechnique classique. La transformation de Hilbert devient alors une simple consequence math~matique de la transformation de Fourier, justi- fife comme celle-ci par les formules int6grales de Dirichlet. C'est pourquoi nous utilisons dans la suite de cette note les roots signal (complexe) instantand pour d6signer ce que l'on nomme usuellement signal analytique et nous estimons souhaitable cette modifi- cation de vocabulaire. 2. RAPPEL DU CAS D'UN SIGNAL SINUSOIDAL Le signal r6el : s(t) = a cos(cot § ?) peut s'~crire indiff6remment soit : soit : (2) s(t) = Re[(a 0 *) eJO'l . L'expression (1) indique que ce signal est la somme de deux raies spectrales d'amplitudes complexes, sym~trie hermitienne, l'une sur la fr6quence angulaire : § co, l'autre sur la fr6quence angulaire : -- ~. L'expression (2) indique qu'il est la projection sur l'axe r~el du vecteur de Fresnel d'amplitude complexe a ej* tournant dans le sens direct, it la fr~quence angu- laire t~. L'expression entre crochets dans (2) repr~sente un signal complexe ne comportant qu'une seule raie sur la fr6quence : + to ce qui traduit le fait que le vecteur de Fresnel tourne dans le sens direct, par d~finition. 3. CAS D'UN SIGNAL RI~EL QUELCONQUE Soit s(t) un signal r6el dont nous supposons qu'il satisfait aux conditions d'existence de sa transform6e de Fourier. Il poss6de done un spectre d'amplitude bilat6ral : = s(t) e -2~jft dt, (3) S(f) ,,- o~ avec, r6ciproquement : S (4) sft) = Sff) e 2"is` df --<3O Dans ces formules, S(f) est une fonction complexe ~t symdtrie hermitienne de la variable r~elle : f~ (-- oo, + oo). *Ing6nieur en chef honoraire des t616eommunications. Ch~.teau de Courcelle, 91190 Gif-sur-Yvette. 1/2 ANN. T~L~COMMUN., 41, n~ 1-2, 1986

Pour une nouvelle pédagogie du signal analytique

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Pour une nouvelle pédagogie du signal analytique

pp. 103-104 103

Lettre ~ I'~diteur

Pour une Claude CARDOT *

nouvelle p6dagogie du signal analytique

1. INTRODUCTION

L'amplitude et la phase instantan6es associ6es un signal r6el : s(t) sont introduites classiquement [1] par l'interm6diaire du signal dit analytique, dont la partie r6elle est : s(t) et qui est astreint /t ~tre une fonction analytique du temps, consider6 comme une variable complexe.

La transformation de Hilbert, qui relic les parties r6elle et imaginaire de ce signal analytique s'obtient alors par une int~grale de contour dans le plan de la variable complexe temps.

Cette presentation d~route de nombreux ~tudiants, qui conserveront ensuite une certaine h6sitation ~t manier l'amplitude et la phase instantan6es. La raison e n e s t que la partie imaginaire de la variable complexe temps n'a aucune interpretation physique, /l l'inverse de ce qui a lieu pour la variable frdquence.

D'autres auteurs [2] d6finissent le signal analytique comme r6sultant d 'un filtrage lin6aire op6r6 sur s(t) (filtrage supprimant les fr6quences n6gatives). Cette presentation est 6galement d~routante : d 'une part parce qu'un tel filtre est irr6alisable (non causal), d'autre part, parce que si les fr~quences n6gatives sont un interm~diaire matMmatique tr6s utile, on peut parfaitement leur d6nier toute r6alit~ physique : il n'existe pas d'analyseur de spectre qui puisse les s~parer.

Dans la pr6sente note, qui est purement didactique, nous nous proposons de montrer que ces notions peuvent 8tre introduites d'une mani6re beaucoup plus simple, par une g~n6ralisation du vecteur de Fresnel de l'61ectrotechnique classique. La transformation de Hilbert devient alors une simple consequence math~matique de la transformation de Fourier, justi- fife comme celle-ci par les formules int6grales de Dirichlet.

C'est pourquoi nous utilisons dans la suite de cette note les roots signal (complexe) instantand pour d6signer ce que l 'on nomme usuellement signal analytique et nous estimons souhaitable cette modifi- cation de vocabulaire.

2. RAPPEL DU CAS D'UN SIGNAL SINUSOIDAL

Le signal r6el : s(t) = a cos(cot § ?) peut s'~crire indiff6remment soit :

soit :

(2) s(t) = Re[(a 0 *) eJO'l .

L'expression (1) indique que ce signal est la somme de deux raies spectrales d'amplitudes complexes, sym~trie hermitienne, l 'une sur la fr6quence angulaire : § co, l'autre sur la fr6quence angulaire : - - ~.

L'expression (2) indique qu'il est la projection sur l'axe r~el du vecteur de Fresnel d'amplitude complexe �9 a e j* tournant dans le sens direct, it la fr~quence angu- laire t~.

L'expression entre crochets dans (2) repr~sente un signal complexe ne comportant qu'une seule raie sur la fr6quence : + to ce qui traduit le fait que le vecteur de Fresnel tourne dans le sens direct, par d~finition.

3. CAS D'UN SIGNAL RI~EL QUELCONQUE

Soit s(t) un signal r6el dont nous supposons qu'il satisfait aux conditions d'existence de sa transform6e de Fourier. Il poss6de done un spectre d'amplitude bilat6ral :

= s(t) e -2~jft dt, (3) S ( f ) ,,- o~

avec, r6ciproquement :

S (4) sft) = Sf f ) e 2"is` d f --<3O

Dans ces formules, S(f) est une fonction complexe ~t symdtrie hermitienne de la variable r~elle : f ~ ( - - oo, + oo).

*Ing6nieur en chef honoraire des t616eommunications. Ch~.teau de Courcelle, 91190 Gif-sur-Yvette.

1/2 ANN. T~L~COMMUN., 41, n ~ 1-2, 1986

Page 2: Pour une nouvelle pédagogie du signal analytique

104 C. CARDOT. - LETTRE A L't~DITEUR

Nous drmontrons ci-dessous qu'il existe une manirre et une seule de considrrer s(t) comme la projection sur l 'axe rdel d'une somme de vecteurs de Fresnel dldmentaires, tournant tous dans le sens direct, c'est-/t- dire :

(5) s(t) = Re[A(t)],

avec :

S (6) A(t) = a l f ) e 2r:jft df ; f e (0, + ~) . o

a( f ) est une fonction complexe de la frrquence, drfinie uniquement pour les valeurs positives de celle- ci.

A(t) est le signal complexe instantan~ associ6 ~t s(t). En portant dans (6) : a ( f ) = 2 S(f) pourfpos i t i f ,

l'rgalit6 (5) est satisfaite et le calcul nous fournit directement la partie imaginaire de A(t) : le spectre d'amplitude de A(t) est alors :

2 S(f), pour f positif, 0 , pour f nrgatif.

L'application de la transformation rrciproque de Fourier donne :

A(t) = 2 S(f) e 2'~m d f t. 0

! ! = 2 d f e 2~i-et S(U) e -2='u du. 0 --o0

Changeant l 'ordre des int6grations et introduisant une constante positive, K, que nous ferons tendre vers l'infini, nous pouvons 6crire :

A(t) = 2 lira s(u) du e 2'~jf"-u~ K--r oo --oo ~0

= 2 1 i m ]-_~s(u) du , ~-.oo 27: j ( t - - u)

d'o/a, en d6veloppant le crochet :

1 lim [ ~ + ~ 1 7 6 1 7 6 s(u)du] + A(t) = ~jj r ~ o _ | t - - u

[S ~176 s i n 2 n K ( t - - U ) s(u)du] + ] c s(u) 1 l im t - - u du"

Le premier terme de cette expression est nul. En effet, par le changement de variable : v = 2 r:K(t - - u), le crochet prend la forme :

l im~ +~ cosy ( s t - - ~ K ) K - , oo d - o o 13

dv = s ( t ) •

, + o o _ _ C O S Y

3 - o o V - - d v = 0 .

Le deuxirme terme a pour limite s(t) en vertu de la deuxirme formule intrgrale de Dirichlet (*), sachant que s(t) satisfait aux conditions d'existence de sa transformre de Fourier (c.q.f.d.).

Le troisirme terme est la composante imaginaire de A(t), soit :

1 s(u) 6( t ) -- rc 3 _ ~ --t - - u dU"

(*) CL annexe 1.

D'ofa finalement :

(7) A(t) = s(t) + j ~o S(U)

du. 7~ , ) _ ~ t - - u

Le signal (complexe) instantan6 A(t) est une fonc- tionnelle linraire de s(t) comme le montre la formule (7) ; on en tire usuellement les deux fonctionnelles non lindaires :

amplitude instantanre ----- V/s2(t) W ~2(t), d[ frrquence instantanre = ~ arctan s(t)] '

qui correspondent h une rralit6 physique (localisation de l'rnergie du signal dans le plan : temps-frrquence ~t coordonnres rrelles).

Nous n'avons nulle part suppos6 que le signal s(t) soit causal. La formule (7) montre que, m~me si s(t) est causal, les signaux o(t) et A(t) n 'ont pas ce caractrre. I1 en rrsulte que, pour les obtenir ~t partir de s(t), il faut connaitre ce signal pendant un temps throriquement infini : un filtre rralisable (qui trans- forme un signal causal en un autre signal causal) ne permet donc d'obtenir ~r(t) et A(t) que d'une maairre approchre. Cette situation n 'a rien de sur- prenant car elle se prrsente chaque fois que la trans- formation de Fourier intervient.

4. CONCLUSION

Le calcul qui prrcrde montre que tout signal rrel possrdant une transformre de Fourier est la projection sur l'axe rrel d 'une rrsultante de vecteurs de Fresnel 616mentaires tournant tous dans le sens direct ; cette seule condition d&ermine le spectre du signal instan- tan6 constitu6 par cette rrsultante et, par la trans- formation rrciproque de Fourier, on obtient la partie rrelle (drj~t connue) et la partie imaginaire de ce signal instantanr.

Bien que la justification mathrmatique qui prrcrde soit quelque peu compliqure, nous estimons rester plus pr& de la rralit6 physique en introduisant la notion de signal instantan6 5. partir de ces seuls prralables, sans faire appel ~ un filtrage fictif ni /l une pattie imaginaire du temps, drpourvue de route interprrtation.

A n n e x e I

Rappel de la deuxirme intrgrale de Dirichlet :

1 f ~ sinKu f(x) = - lira f i x + u) - - du, pourf(x)continu.

7"r K_b~ . ) _ ~ U

Manuscrit refu le 1 er juillet 1985.

B I B L I O G R A P H I E

[1] VILLE (J.) Throrie et applications de la notion de signal analytique. C~bles et Transmissions, Fr (1948), n ~ 1, p. 61.

[2] PICINBONO (B.). l~lrments de throrie du signal. Bordas, Paris (1977).

ANN. Tt~L~COMMUN., 41, n ~ 1-2, 1986 2/2