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Manuscrit de l’auteur revu. Une variante de ce texte a été présentée au colloque international Structura și funcționalitatea
limbii române, Universitatea București, Departamentul de lingvistică, 14-15 dec. 2012, publiée dans Rodica Zafiu/
Ariadna Ştefănescu/ Carmen Mârzea/ Raluca Brăescu (éds.) Limba română : variație sincronică, variație diacronică,
Editura Universității București, 2013, 11-22.
Pragmatique des temps: prédications en séquence et chronologie
(contraste roumain-français)
Adriana Costăchescu
Université de Craiova
1. Introduction
Dans la linguistique française, le débat sur le rôle des règles de la concordance des temps dans
l’interprétation de la chronologie des prédications représente un terrain de recherche privilégié. Ces études se
situent à présent dans l’interface sémantique-pragmatique, puisque les informations utiles pour déterminer la
chronologie des situations prédicatives se trouvent tant dans le contexte linguistique (le cotexte) que dans le
contexte communicatif.
Ce thème semble totalement absent du paysage linguistique roumain, où on se résume à des
observations sur l’emploi isolé de chaque tiroir verbal. Beaucoup de chercheurs semblent croire qu’en roumain
il n’existe pas de concordance des temps et que l’emploi des temps verbaux en roumain est très ‘libre’, il est,
donc, soumis seulement au libre choix du locuteur.
Le fait que l’emploi des temps sur l’axe du passé n’a pas été codifié par la grammaire normative
roumaine est probablement dû au fait que l’emploi massif du roumain écrit est relativement récent (début du
XIXe s.), époque dans laquelle le modèle culturel et linguistique du latin, qui dominait la Renaissance (époque
de constitution des règles de la langue écrite pour les langues romanes occidentales et non seulement pour elles
– pour l’anglais et l’allemand aussi) avait perdu son éclat et son statut de modèle à imiter.
Nous nous sommes proposé de voir comment les Roumains emploient la séquence des tiroirs verbaux
dans la langue écrite, là où ils ont sous les yeux des phrases avec concordance, à savoir quand ils traduisent en
roumain des textes littéraires français. Il est intéressant de constater que le roumain, qui accorde aux locuteurs
une grande liberté en matière du choix des temps, réussit à rendre sans ambiguïté les rapports chronologiques
entre les prédications. Nous avons cherché de voir s’il existe une motivation pour choix de telle ou telle forme.
Nous avons examiné l’emploi des tiroirs non seulement dans les rapports chronologiques des propositions
principales avec leurs subordonnées (le sens traditionnel du terme ‘concordance’), mais aussi dans les relations
entre les diverses principales constituant un fragment de discours.
Dans les emplois déictiques (constituant ‘l’axe du discours’), la séquence des temps est grosso modo
identique dans les deux langues. Les différences importantes apparaissent quand il s’agit d’emplois non-
déictiques, ancrés dans le passé (‘l’axe du récit’), donc dans les emplois anaphoriques. Dans cette situation,
les traducteurs roumains ont choisi parfois de transposer avec exactitude la corrélation des temps du texte
français, car il ne s’agit pas d’une incapacité du roumain d’exprimer la concordance, mais d’une différence
d’usage.
La traduction identique ou divergente des tiroirs est déterminée par un ensemble de facteurs: les
relations rhétoriques entre les prédications, le mode d’action (Aktionsart) des verbes, des contraintes culturelles
(les traducteurs tendent à respecter plus la concordance quand il s’agit des textes du XIXe siècle ou des périodes
précédentes et moins s’il s’agit de textes du XXe ou du XXIe siècle), la tradition du roumain littéraire, le libre
choix du traducteur.
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2. Séquence identique
Le corpus interrogé nous a fourni de nombreux exemples de séquences temporelles identiques dans
le texte français et dans leur traduction en roumain:
2.1. Séquences respectant la concordance
(i) l’alternance imparfait - passé simple :
(a) dans les textes narratifs, l’opposition entre ces deux temps exprime souvent la différence entre le
cadre narratif et l’avancement de la narration. Le passé simple fait progresser le récit, présentant souvent des
événements en succession, l’imparfait désigne des états ou des actions simultanées aux situations prédicatives
narrées. Cette capacité discursive du couple passé simple vs. imparfait est connue depuis longtemps, étant
découverte par Harald Weinrich déjà en 1973 (Weinrich 1973). Asher/ Lascarides (2003) ont appelé ce type
de relation rhétorique ‘Arrière-plan’ (comme le soir tombait (Arrière-plan), ils arrivèrent en vue du village
(Narration)). L’emploi de l’imparfait pour exprimer un Arrière-plan par rapport à une prédication au passé
simple qui, elle, occupe le premier plan du déroulement narratif, est une caractéristique des langues romanes
littéraires. En roumain, l’alternance passé simple - imparfait n’est pas la seule manière d’exprimer le rapport
Narration – Arrière-plan, mais, puisque cette possibilité existe, les traducteurs l’emploient:
(1) FR. Lorsque d’Artagnan arriva (PS) en vue du petit terrain vague qui s’étendait au pied de ce monastère, Athos
attendait (IMP) depuis cinq minutes seulement, et midi sonnait (IMP). (Dumas, Mousquetaires) →
RO. Când d’Artagnan ajunse (PS) în fața micului loc viran, de la poalele mânăstirii, Athos aștepta (IMP) doar de
cinci minute, iar orologiul vestea (IMP) miezul zilei.
(2) FR. Ils suivirent (PS) les quais jusqu’au pont de Bir-Hakeim et Maigret, silencieux, se contentait (IMP) de regarder
couler la Seine. (Simenon, Le voleur de Maigret, pag. 553)
RO. Merseră (PS) pe chei până la podul Bir-Hakeim. Maigret era tăcut, se mulțumea (IMP) să privească cum curge
Sena.
(b) parmi les valeurs particulières de l’imparfait qui existent dans les deux langues et que les
traducteurs conservent, nous voulons mettre en évidence le soi-disant ‘imparfait de rupture’ (Tasmowski
1985), qui apparait le plus souvent en français, dans le contexte d’un passé simple ou, en roumain, d’un passé
simple ou d’un passé composé. Cet imparfait exprime un état résultatif,1 donc la conséquence d’un événement
télique précédent :
(3) FR. D’Artagnan continua (PS) son chemin. Cinq minutes après, il était (IMP) dans la rue des Fossoyeurs. (Dumas
Mousquetaires) →
RO. D’Artagnan își cătă (PS) de drum. Cinci minute mai târziu, era (IMP) pe strada Groparilor.
(4) FR. Quand l'heure me le permit, j'appelai la petite coopérative belge. Au bout du fil, le gros accent du terroir m'émut
comme jamais. Mon compatriote, flatté d'avoir le Japon en ligne, se montra (PS) d'une compétence parfaite. Dix
minutes plus tard, je recevais (IMP) vingt pages de fax exposant, en français, le nouveau procédé d'allégement
du beurre dont la coopérative détenait les droits. (Northomb Terreur pag. 9) →
RO. Când fusul orar mi-a permis, am telefonat la mărunta cooperativă belgiană. De la celălalt capăt al firului, accentul
neaoș din provincie m-a emoționat ca niciodată. Compatriotul meu, flatat să aibă Japonia în legătură directă, se
dovedi (PS) de o competență desăvârșită. Zece minute mai târziu, primeam (IMP) prin fax douăzeci de pagini
expunând, în franceză, noul procedeu de eliminare a grăsimilor din unt, ale cărui drepturi de exploatare erau
deținute de cooperativa sa.
1 Les verbes téliques, à la fin de leur phase finale instaurent un état nouveau ou marquent ou changement d’état, appelé
‘état résultatif’ (Caudal 2000). Une phrase comme Marie a écrit la lettre exprime l’instauration d’une situation
nouvelle : la lettre, qui n’existait pas, à la fin de la prédication existe. En revanche, Marie a lavé sa blouse exprime
un changement d’état: la blouse qui, au début de la prédication, était sale, a la fin de la prédication est propre.
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(ii) plusieurs verbes à l’imparfait en succession syntagmatique expriment, dans les deux langues,
deux catégories de relations:
(a) la simultanéité de plusieurs prédications non téliques (états ou processus):
(5) FR. Quand Maigret était (IMP) jeune fonctionnaire, il n’était pas (IMP) question de faire les frais d’une auto.
(Simenon Le voleur) →
RO. Când Maigret era (IMP) tânăr funcționar, nu se punea (IMP) problema să cumpere o mașină.
(6) FR. À l’époque où cette histoire commence, les internes étaient (IMP) au nombre de sept. Le premier étage contenait
(IMP) les deux meilleurs appartements de la maison. Madame Vauquer habitait (IMP) le moins considérable, et
l’autre appartenait (IMP) à madame Couture, veuve d’un Commissaire-Ordonnateur de la République française.
Elle avait (IMP) avec elle une très jeune personne, nommée Victorine Taillefer, à qui elle servait (IMP) de mère.
(Balzac Père Goriot 17-18) →
RO. La data când începe această istorisire, internii erau (IMP) în număr de șapte. La etajul întâi se aflau (IMP) două
apartamente, cele mai bune din toată casa. Doamna Vauquer stătea (IMP) în cel mai modest, celălalt fiind închiriat
doamnei Couture, văduva unui comisar-ordonator de pe vremea Republicii. Doamna Couture locuia (IMP)
împreună cu o fată tânără, care se numea Victorine Taillefer și căreia îi ținea (IMP) loc de mamă.
(b) l’imparfait exprime une succession de prédications dynamiques multiples, de type itératif:
(7) FR. Mais TOUS LES JOURS, après déjeuner, aux heures où la ville tout entière somnolait dans la chaleur, un petit
vieux apparaissait (IMP) sur un balcon, de l’autre côté de la rue. Les cheveux blancs et bien peignés, droit et
sévère dans ses vêtements de coupe militaire, il appelait (IMP) les chats d’un « Minet, minet », à la fois distant et
doux. Les chats levaient (IMP) leurs yeux pâles de sommeil, sans encore se déranger. L’autre déchirait (IMP) des
petits bouts de papier au-dessus de la rue et les bêtes, attirées par cette pluie de papillons blancs, avançaient (IMP)
au milieu de la chaussée, tendant une patte hésitante vers les derniers morceaux de papier. Le petit vieux crachait
(IMP) alors sur les chats avec force et précision. Si l’un des crachats atteignait (IMP) son but, il riait (IMP).
(Camus La Peste, 43 - 44)
RO. Dar ZI DE ZI, după-amiaza, în orele în care tot orașul picotea de căldură, un bătrânel apărea (IMP) pe balcon,
de cealaltă parte a străzii. Cu părul alb și bine pieptănat, drept și sever în hainele lui de croială militară, el chema
(IMP) pisicile cu un “pis, pis” distant și totodată blând. Pisicile își ridicau (IMP) ochii alburii de somn, dar fără
să se miște. Bătrânul rupea (IMP) atunci bucățele de hârtie și le risipea (IMP) în aer deasupra străzii, iar animalele,
atrase de această ploaie de fluturi albi, înaintau (IMP) în mijlocul drumului, ridicând lăbuțe șovăitoare spre
ultimele bucăți de hârtie. Bătrânelul scuipa (IMP) atunci cu putere și precizie; dacă un scuipat își atingea (IMP)
ținta, râdea (IMP).
(iii) le plus que parfait exprimant une antériorité perfective est, en général, maintenu :
(8) FR. Les voyageurs de la plate-forme étaient serrés (IMP). Tiens ! Des merlans, dans une poissonnerie de la rue du Temple.
Il [Maigret] n’avait pas mangé (PQR) des merlans depuis longtemps (Simenon Le voleur de Maigret) →
RO. Pe platformă era (IMP) mare înghesuială. Ia te uită! Merlani la o pescărie de pe strada Temple. [Maigret] nu
mai mâncase (PQP) de multă vreme.
(9) FR. […] à la gare de Paris, leur père, ayant oublié un colis, avait manqué (PQP) le départ ; sans doute arriverait-il le
lendemain par le premier train. (Martin du Gard, Les Thibaut I p. 110) →
RO. […] în gară la Paris, tatăl lor își adusese aminte că uitase (PQP) un pachet și scăpase (PQP) trenul; va sosi însă
negreșit mâine dimineața, cu primul tren.
2.2. Concordance suspendue dans les deux langues
Même en français, la concordance n’est pas toujours respectée, pour diverses raisons, en général de
nature sémantique. Pour ces raisons, Marc Wilmet dit qu’en français il s’agit moins d’une concordance, que
d’une convergence des temps (Wilmet/ Rosier 2003). Les traducteurs roumains ont transposé fidèlement tous
les cas de ‘suspension’ de la concordance du texte français, que nous avons trouvé dans les situations
suivantes :
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(i) le discours polyphonique, produit, par exemple, par l’insertion directe dans le texte de la ‘voix de
l’auteur’ qui s’adresse, explicitement ou implicitement, à son lecteur. Dans un contexte avec tous les verbes
au passé, l’auteur emploie alors le présent, de l’indicatif ou de l’impératif :
(10) FR. Un jeune homme… – traçons (IMPER-PR) son portrait d’un seul trait de plume : - figurez-vous (IMPER-PR)
don Quichotte à dix-huit ans, don Quichotte décorcelé, sans haubert et sans cuissard, don Quichotte revêtu d’un
pourpoint de laine dont la couleur bleue s’était transformée (PQP) en une nuance insaisissable de lie-de-vin et
d’azur céleste. (Dumas Mousquetaires) →
RO. Un tânăr... să-i schițăm (IMPER-PR) portretul dintr-o singură trăsătură de condei: închipuiți-vă (IMPER-PR)
pe Don Quijote la optsprezece ani; Don Quijote fără armură, nici pe piept, nici pe coapse, un Don Quijote îmbrăcat
într-o haină scurtă de lână, a cărei culoare albastră se schimbase (PQP) cu vremea, bătând nedeslușit când în
vișiniu, când într-un azuriu ca cerul.
(11) FR. Mais aussi depuis trente ans ne s’y [à la pension Vauquer] était-il jamais vu (PQP) de jeune personne, et pour
qu’un jeune homme y demeure (PR), sa famille doit-elle (PR) lui faire une bien maigre pension. Néanmoins, en
1819, époque à laquelle ce drame COMMENCE (PR), il s’y trouvait (IMP) une pauvre jeune fille. […] Les
particularités de cette scène pleine d’observations et de couleurs locales ne peuvent (PR) être appréciées qu’entre
les buttes de Montmartre et les hauteurs de Montrouge. (Balzac Père Goriot, pag. 6 - 7) →
RO. Nu-i (PR) mai puțin adevărat, însă, că de vreo treizeci de ani nu s-a pomenit (PC) printre clienți [ai pensiunii
Vauquer] nici o femeie tânără, iar pentru ca vreun tânăr să ajungă a locui aci, trebuia (IMP) ca familia să-i trimită
o sumă prea mică să-și țină zilele. Cu toate acestea, în anul 1819, dată la care ÎNCEPE (PR) drama ce urmează,
se afla (IMP) aici în pensiune o biată fată. […] Nu se poate (PR) pricepe felul cu totul deosebit al unei asemenea
scene, plină de tâlcuri și de culoare locală, decât între colinele Montmartre și dealurile de la Montrouge.
(ii) un présent général, omnitemporel, exprimant une prédication atemporelle, qui annule toujours
la concordance :
(12) FR. Elle [Mme Maigret] en était (IMP) à sa troisième leçon [de conduite], aussi émue qu’une jeune fille qui
PREPARE (PR) son bac. (Simenon, Le Voleur) →
RO. [Doamna Maigret] acum era (IMP) la a treia lecție [de condus], emoționată ca o elevă care își PREGĂTEȘTE
(PR) bacalaureatul.
(13) FR. M. de Tréville était (IMP) pour le moment de fort méchante humeur ; néanmoins il salua (PS) poliment le jeune
homme, qui s’inclina (PS) jusqu’à terre, et il sourit (PS) en recevant son compliment, dont l’accent béarnais lui
rappela (PS) à la fois sa jeunesse et son pays, double souvenir qui FAIT (PR) sourire l’homme à tous les âges.
(Dumas, Mousquetaires) →
RO. Domnul de Tréville nu era (IMP) tocmai în apele lui: totuși răspunse (PS) politicos tânărului care se înclinase
(PQP) până la pământ și zâmbi (PS) ascultând cuvântul de salut, rostit cu accentul bearnez, care-i amintea (IMP)
tinerețea și pământul lui de baștină, două aduceri aminte ce FAC (PR) pe un om să zâmbească la orice vârstă.
(iii) dans le style indirect libre quand l’auteur cite partiellement les paroles rapportées :
(14) FR. […] il [d’Artagnan] lui défendit (PS) de quitter son service sans sa permission ; car, ajouta-t-il (PS), l’avenir
ne PEUT (PR) me faire faut ; j’ATTENDS (PR) inévitablement des temps meilleurs. (Dumas, Mousquet.) →
RO. [D’Artagnan] îl opri (PS) să-și părăsească slujba fără învoirea stăpânului căci, ADĂUGĂ (PS) d'Artagnan, nu
se POATE (PR) ca ziua de mâine să nu-mi surâdă; AȘTEPT (PR) iute-iute vremuri mai bune.
(iv) dans l’emploi des verbes modaux, qui semblent, en quelque sorte, échapper aux règles de la
concordance et qui se trouvent souvent en association avec le discours polyphonique:
(15) FR. Elle [madame Maigret] y pensait tout de suite aussi [à la médaille de policier de Maigret qui avait été volée].
Un sérieux trou dans le budget. Il EST (PR) VRAI qu’il recevrait une médaille neuve dont le cuivre n’apparaîtra
pas. (Simenon Le voleur de Maigret)
RO. Și ea se gândise imediat la insignă. O gaură serioasă în buget. E (PR) DREPT că va primi o insignă nouă, la care
n-o să se mai vadă alama.
5 (16) FR. Et M. Bonacieux, que d’Artagnan avait poussé dans les mains des sbires en le reniant bien haut et à qui il avait
promis tout bas de le sauver ? Nous DEVONS (PR) avouer à nos lecteurs que d’Artagnan n’y songeait en aucune
façon, ou que, s’il y songeait, c’était pour se dire qu’il était bien où il était, quelque part qu’il fût. L’amour EST
(PR) la plus égoïste de toutes les passions. (Dumas Mousquetaires)
RO. Dar cum rămâne cu domnul Bonacieux pe care d'Artagnan îl împinsese în ghearele zbirilor, lepădându-se de el
în gura mare, dar făgăduindu-i în șoaptă că-l va scăpa? TREBUIE (PR) să mărturisim cititorilor noștri că
d’Artagnan nu se gândea în nici un fel la Bonacieux sau chiar dacă se gândea, era pentru a-și spune că negustorul
e foarte bine acolo unde e, oriunde ar fi fost. Dragostea ESTE (PR) cea mai egoistă dintre toate patimile.
Souvent, plusieurs ‘motivations’ interviennent dans le même fragment de discours, l’exemple (16) illustre
presque toutes les situations de ‘suspension’ des règles de la concordance trouvées dans notre corpus qui, sans
être probablement exclusives, sont sûrement les plus fréquentes: une remarque générale, considérée
universellement valable (l’amour est la plus égoïste de toutes les passions), le discours polyphonique, par
l’introduction d’un dialogue avec le lecteur au milieu du récit (nous devons avouer à nos lecteurs), le verbe
modal (le verbe devoir).
Quand le traducteur décide de ‘contrevenir’ aux règles de la concordance du texte à traduire, il
s’approche de l’usage courant en roumain, oral et écrit. Les tiroirs du passé du texte français, surtout le passé
simple ou le plus que parfait, sont traduits par le présent ou le passé composé), tandis que les tiroirs de la
postériorité anaphorique (le futur du passé simple (homonyme avec le conditionnel présent) ou le futur du
passé paraphrastique (venirIMP de + Vinf)) sont traduits en roumain par le futur déictique.
Avant de voir leurs emplois discursifs, jetons un coup d’œil sur l’utilisation du temps de l’axe
anaphorique (axe du récit) dans le roumain écrit. À cause de l’espace limité à notre disposition, nous nous
bornons à analyser seulement les emplois du présent qui situent la prédication dans le passé.
3. L’emploi du présent en roumain écrit (textes fictionnels)
Dans un contexte non-déictique, le présent exprime en roumain un large éventail de valeurs
temporelles – simultanéité, antériorité, postériorité par rapport au moment d’ancrage temporel non déictique,
ainsi que des prédications multiples.
Nous avons vu qu’en français l’alternance imparfait vs. passé simple correspond à la distinction
Arrière-plan vs. Narration. Cette séquence existe en roumain aussi, surtout dans des textes d’auteurs de romans
réalistes, qui adoptent un style balzacien, comme George Călinescu:
(17) RO. În luna februarie i se întâmplă (PS) lui Ioanide un lucru îngrozitor. Era (IMP) zi de ger care scârțâie, după o
săptămână de zăpadă abundentă, și săniile începuseră (PQP) să circule. La poarta arhitectului se opri (PS) o sanie,
din care se dădu jos (PS) Hergot. [...] Doctorul de copii intră (PS) în casă parcă amețit, aruncând priviri rătăcite.
Îmbrăcat cum era (IMP), cu căciula pe cap, se aşeză (PS) pe o margine de scaun, lăsând capul în jos ca un copil vinovat.
(G. Călinescu, Bietul Ioanide, II, 21)
FR. En février, il arriva à Ioanide quelque chose d’horrible. C’était un jour de grand froid, la neige grinçait, après une
semaine de neiges abondantes et les traîneaux avaient commencé à circuler. Un traîneau s’arrêta à la porte cochère
de l’architecte et Hergot en descendit. [...] Le pédiatre entra dans la maison comme un homme étourdi, jetant des
regards égarés. Sans se déshabiller, le chapeau sur la tête, il s’assit sur le bord d’une chaise, baissant la tête comme
un enfant coupable. (n. tr.)
On comprend mieux la facilité avec laquelle les traducteurs roumains ont pu faire une transposition exacte de
la séquence française, comme on voit dans les exemples (1) et (2).
Une telle séquence représente seulement une des possibilités existantes en roumain, où la relation
rhétorique Arrière-plan - Narration est souvent rendue par le couple présent - temps du passé (passé simple,
passé composé ou imparfait), les auteurs ayant la possibilité de choisir entre l’emploi du présent, pour
l’Arrière-plan et des verbes au passé pour la Narration (exemple 18), ou inversement, les verbes au présent
6
pour la succession des prédication constituant la Narration et des verbes a l’imparfait pour l’Arrière-plan
(exemple 19):
(18) RO. Cum RIDICI (PR) priporul Ciulniței, în pragul dealului, DAI (PR) de casele boierului Dinu Murguleţ, case
bătrânești şi sănătoase, cum nu se mai ÎNTÂLNESC (PR) astăzi pe la moșiile boierești. De sus, de pe culme, ele
VĂD (PR) roată împrejur până cine știe unde, la dreapta, spre valea Ialomiței, la stânga, pe desișul pădurii de
Aramă, iar în față pe cotiturile ulițelor strâmbe ale satului. […] Într-o zi de vară, pe la vremea odihnei, conu Dinu
fu sculat (PS) din somn de sunetul clopotelor unor poștalioni ce intrau (IMP) în curte cu strigăte și saltanat. Atât
el cât și nevastă-sa Sofiţa săriră (PS) din paturile lor și se uitară (PS) pe fereastră. (Duiliu Zamfirescu, Viaţa la
ţară, Wikisource)
FR. Quand on regarde la pente de la butte de Ciulnitza, juste en bas de la colline, on découvre les maisons du boyard
Dinu Murguletz, d’anciennes maisons soldes, comme on ne trouve plus aujourd’hui sur les terres seigneuriales.
Du haut de la pente, elles permettent de voir tout autour jusqu’à l’horizon, à droite vers la vallée de la Ialomitza,
à gauche vers le fourré de la forêt de Arama, et devant jusqu’aux tournants inégaux des ruelles du village. […] Un
jour d’été, dans l’après-midi, à l’heure de la sieste, sieur Dinu fut réveillé du sommeil par les grelots d’une voiture
de poste qui entrait dans la cour, accompagnée par les cris des cochers Tant lui que sa femme, Sofitza. sautèrent
de leurs lits et regardèrent par la fenêtre. (n. tr.)
(19) RO. Cică era (IMP) odată într-un sat un om grozav de leneș; de leneș ce era (IMP), nici îmbucătura din gură nu și-
o mesteca. Și satul, văzând că acest om nu se dă la muncă nici în ruptul capului, hotărî (PS) să-l spânzure, pentru
a nu mai da pildă de lenevire se altora. Și așa, SE ALEG (PR) vreo doi oameni din sat și SE DUC (PR) la casa
leneșului, îl UMFLĂ (PR) pe sus, îl PUN (PR) într-un car cu boi, ca pe un butuc nesimțitor, și hai cu dânsul la
locul de spânzurătoare! Așa era (IMP) pe vremea aceea. Pe drum SE ÎNTÂLNESC (PR) ei cu o trăsură în care
era o cucoană. (Ion Creangă, Povestea unui om leneş)
FR. On dit qu’autrefois, dans un village, vivait un homme extrêmement paresseux ; il était tellement paresseux qu’il
ne mâchait même pas ses bouchées. Et le village, voyant que cet homme ne voulait travailler pour rien au monde,
décida de le pendre, pour que sa paresse ne soit pas imitée par d’autres. En conséquence, on choit deux hommes
du village qui s’en vont à la maison du paresseux, l’emmènent de force dans un chariot traîné par des bœufs,
comme s’il était une bûche insensible et le portent au lieu de la pendaison. Telles étaient les habitudes de l’époque.
Chemin faisant, ils rencontrent une voiture dans laquelle voyageait une dame. (n. tr.)
Il est évident que, pour la relation Narration - Arrière-plan, en roumain il suffit d’avoir deux séquences
temporelles différentes, quelles qu’elles soient. Dans la transposition ‘normale’ du français, mais aussi dans
une narration romanesque traditionnelle, on trouve
- l’alternance imparfait (Arrière-plan) vs. passé simple (Narration) dans les exemples (1), (2) et (17);
- l’alternance présent (Arrière-plan) vs. passé simple (Narration) comme dans (18),
- l’alternance imparfait (Arrière-plan) vs. présent (Narration), dans l’exemple (19).
Observons l’ambivalence du présent qui, dans un enchaînement, peut exprimer tant l’Arrière-plan (ex. 18) que
la Narration (ex. 19).
Le plus souvent la ‘concordance des temps’ n’est pas ‘respectée’ en roumain dans le cas des
propositions subordonnées, où on trouve souvent le présent, même quand le verbe de la proposition régissante
est au passé, surtout dans le cas des complétives d’objet direct: 2
2 Ce type de présent a été appelé par Lucia Uricaru (2003) ‘présent anaphorique’. Dans une période ultérieure à
l’élaboration de cet article, nous avons montré que l’existence du présent anaphorique n’est pas en contradiction avec
l’idée que le roumain, comme les autres langues romanes, présente le phénomène de la concordance des temps entre
une proposition principale et ses subordonnées puisque : (i) le présent anaphorique peut apparaître seulement dans
certaines propositions subordonnées, en principal des complétives d’objet direct ou indirect, mais il est exclu d’autres
subordonnées, par exemple des subordonnées relatives; (ii) le présent anaphorique n’exprime que deux relations
chronologiques entre le verbe de la principale et celui de la subordonnées : de simultanéité (simțeam IMP) că îmi
îngheață (PR) picioarele «je sentais que mes jambes gelaient (litt. gèlent) ») ou de postériorité (mi-a spus (PC) că
mă așteaptă (PR) peste două zile «il m’a dit qu’il m’attendait (litt. attend) dans deux jours»). (Costăchescu 2019 :
302-310)
7 (20) RO. [Marian] își închipuia (IMP) că toate acestea [vestimentația tinerească] îl FAC (PR) să pară mult mai tânăr.
Era (IMP) de o cochetărie feminină, se îngrijea (IMP) și conserva (IMP) cu grijă și aplicație de actriță. (Rodica
Ojog-Brașoveanu, O toaletă a la Liz Taylor, pag. 1)
FR. [Marian] s’imaginait que cette manière juvénile de s’habiller le faisait paraître plus jeune. Il affichait une
coquetterie toute féminine, il se soignait et se conservait avec des soins et une assiduité d’actrice. (n. tr.)
(21) RO. «- Sunteți (PR) de la ziar?... Sunteți (PR) de la ziar? » întrebau (IMP) toții, și eu știam (IMP) că nu AM (PR)
SCĂPARE, pentru că nu mai POT (PR) nici să nu răspund, dar nici să explic de ce n-am răspuns (PC) din prima
clipă. (Ana Blandiana, Reportaj, în Antologia Lirernet2002, pag. 41)
FR. « Vous êtes journaliste ? … Vous êtes journaliste ? » demandaient tous et je savais que je n’avais aucun moyen
de me sauver, parce que je dois répondre et expliquer pourquoi je n’avais pas répondu dès le premier moment. (n.
tr.)
(22) RO. «- Ce bine-mi pare (PR), ce bine-mi pare (PR), zise (PS) ea volubil, că ai venit (PC). Eu sunt (PR) Otilia.»
Apoi, părându-i-se că tânărul nu reacționează (PR) destul de călduros, întrebă (PS), întorcând adânc fața spre el:
«- Oare nu-ți pare (PR) bine?» «- Ba da!» răspunse (PS) sfios Felix, contrariat că nu VINE (PR) nimeni să-i ia
valiza din mână. (George Călinescu, Enigma Otiliei, vol. I, pag. 11)
FR. « - Je suis si contente, mais si contente, dit-elle volubilement, que tu sois arrivé. Je suis Otilia ». Ensuite, ayant
l’impression que le jeune homme ne réagissait pas vivement, demanda, en se tournant vers lui : « Toi, tu n’es pas
content ? » « - Mais si ! » répondit Felix, timide, contrariée que personne ne lui prenait la valise qu’il tenait encore
par la poignée.) (tr. n.)
Souvent, la simple présence dans le texte d’une séquence avec la majorité des verbes au présent (le
plus souvent un épisode en style direct) conduit à l’abandon formel du plan du passé et à l’emploi toujours du
présent, dans l’épisode en style indirect qui suit:
(23) RO. Când ajunse (PS) pe malul Prutului, [Moș Teacă] comandă (PS) oprirea și ținu (PS) companiei un discurs
foarte interesant şi foarte solemn: «- Ofițeri, subofițeri, caporali și soldați! Comănduirea pieței a dat (PC) ordin
pă cum ca să venim să apărăm țara împotriva vrășmașului nostru comun, epizotia. Epizotia este (PR) foarte
primejdioasă și se arată (PR) mai cu samă la dobitoace. » « - Trăiți, don căpitan, da’ dac-o fi o vită sănătoasă? »
«- Atunci îi dai (PR) drumu’.» «- După ce o cunosc (PR)? » «- Pă ce?! Dobitocule, nu ți-am spus (PC)?! O cunoști
(PR) pă aia că știe (PR) sicretu’, parola și răspunsu’. Că dacă n-ar fi sănătoasă, dă unde l-ar şti?» Și Moș Teacă
DĂ (PR) DRUMUL companiei, după ce îi mai EXPLICĂ (PR) înc-o dată și îi ATRAGE (PR) ATENȚIA că
epizootia are (PR) obicei de se furișează printre santinele mai ales noaptea, când n-o vede (PR) nimeni, și că, prin
urmare, soldatul E (PR) DATOR să ceară epizootiei să umble cu felinarele aprinse. (Anton Bacalbaşa, Moş Teacă
/ Religia cazonă)
FR. Quand il arriva sur la rive du Prut, il [Père Teaca] ordonna aux soldats de faire un arrêt et il tint à la compagnie
un discours très intéressant et très solennel : « - Officiers, sous-officiers, caporaux et soldats ! Le commandement
a ordonné que nous défendions notre patrie contre notre adversaire commun, l’épizootie. L’épizootie est très
dangereuse et elle touche surtout les animaux » « - À vos ordres, mon capitaine, mais si l’animal est sain ? »
« - Alors tu le laisses passer » « - Comment je me rends compte ?» « - Mais, alors ! Imbécile ! Je te l’ai déjà dit.
Tu te rends compte parce qu’il sait le secret - le mot de passe et la réponse. Car, s’il ne pas sain, comment les
saurait-il ? » Et Père Teaca ordonne à la compagnie de rompre les rangs, après leur avoir expliqué encore une
fois et après avoir souligné que l’épizootie a l’habitude de se faufiler entre les sentinelles surtout pendant la nuit,
quand personne ne peut la voir, donc, en conséquence, le soldat a le devoir de demander à l’épizootie de circuler
avec les fanaux allumés. (tr. n.)
Le fragment commence avec plusieurs propositions représentant la ‘voix de l’auteur’ ayant les verbes au passé
simple (ajunse → comandă → ținu un discurs « arriva → commanda → tint un discours »), enchaînement qui
constitue une Narration. La deuxième séquence est formée par la présentation en style direct du discours de
Moș Teacă et de son dialogue avec les soldats, dominé par le couple présent – passé composé. La dernière
séquence, où l’auteur-narrateur ‘parle’ de nouveau, ne reprend pas le passé simple de la première séquence,
mais emploie le présent (atrage atenția → e dator « il attire l’attention → il a le devoir »), situation favorisée
non seulement par les présents de la séquence précédente, mais aussi par l’occurrence d’un présent omni-
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temporel (epizootia are obicei de se furișează printre santinele mai ales noaptea …. « l’épizootie a l’habitude
de se faufiler entre les sentinelles surtout pendant la nuit »).
(24) RO. Bairamul s-a terminat (PC) noaptea târziu, după ora unu. Doctorul B. câștigase (PQP) dar și băuse (PQP), și
în loc să se ducă (SUBJ_PR) să se culce (SUBJ_PR) și să amâne (SUBJ_PR) operația pentru a treia zi, PUNE
(PR) MÂNA pe instrumente (se ştie cât curaj dă (PR) alcoolul, deși el nu avea (IMP) nevoie de curaj, ci de
prudență) și OPEREAZĂ (PR) pe fată, care FACE (PR) imediat o hemoragie mare și INTRĂ (PR) în comă.
(Marin Preda, Cel mai iubit dintre pământeni, vol. 1, pag. 35)
FR. La fête est finie tard, dans la nuit, après une heure du matin. Le docteur B. avait gagnait et avait bu et, au lieu
d’aller se coucher et de renvoyer l’intervention chirurgicale pour le troisième jour, il prit ses instruments (on sait
quel courage donne l’alcool, bien qu’il eût besoin de prudence et non pas de courage) et il opéra la jeune fille, qui
fit une forte hémorragie et tomba dans le coma. (tr. n)
(25) RO. […] boierul se sculă (PS), și trase (PS) cu violență de cordonul împletit care-atârna deasupra patului.
Servitoarea intră (PS) speriată. «- Ia cheamă (IMPER-PR) pe Costachi.» Boierul cu mâinile în buzunar SE
PLIMBĂ (PR) mânios de colo colo, Ion, cu ochii în jos, își ÎNVÂRTEȘTE (PR) căciula și-și ADUNĂ (PR) în
gând munca făcută, banii primiți … E (PR) o tăcere grea, apăsătoare, încărcată de neliniște. (Al. Vlahuţă,
Socoteala, în vol. Schițe și nuvele, pag. 49-50)
FR. […] le maître se leva, tira avec violence le cordon tressé qui pendait au-dessus du lit. La femme de chambre entra
effrayée. « - Va appeler Costachi. » Le maître, les mains dans ses poches, se promenait furieux d’ici là. Ion, les
yeux baissés, tournait et retournait son bonnet entre ses doigts et comptait dans sa tête les journées travaillées,
l’argent reçu… Le silence était lourd, accablant, plein d’inquiétude. (tr. n.)
.
Dans (24), une Narration au passé simple est brusquement continuée par des verbes au présent, peut-être sous
l’influence du présent du subjonctif, imposé par la locution în loc (să) « au lieu de », qui impose l’occurrence
d’un subjonctif présent (să amâne « qu’il renvoie ») : pune_mâna_pe_instrumente → operează →
face_o_hemoragie_mare → intră_în_comă « (il) prend en main ses instruments → (il) opère → (elle) fait une
forte hémorragie → (elle) tombe dans le coma ». Dans (25), de nouveau, une séquence narrative exprimée par
des verbes au passé simple (se sculă → trase → intră « (il) se leva → (il) tira → (il) entra» ) est interrompue
par un dialogue contenant un verbe à l’impératif présent ; ensuite la narration est continuée par une séquence
formée de prédications quasi-simultanées, décrivant le comportement des personnages et le silence accablant
de la chambre (relation d’Arrière-plan) avec des verbes au présent (se plimbă învârtește (căciula) adună
(în gând munca) e (linişte) « (il) se promène il tournait (son bonnet) (il) compte (ses journée de travail)
(la chambre) est calme).
Dans tous ces exemples, l’emploi du présent est une conséquence du libre choix de l’auteur : la partie
finale des textes de (23), (24) ou (25) auraient pu reprendre la séquence temporelle de la première partie de ces
textes (Şi Moş Teacă dădu drumul companiei, după ce îi mai explică / explică înc-o dată și îi atrage / atrase
atenţia că epizootia are obicei de se furișează printre santinele mai ales noaptea «Et Père Teaca ordonna à la
compagnie de rompre les rangs, après leur avoir expliqué (litt. expliqua) encore une fois et souligner (litt.
souligna) que l’épizootie a l’habitude de se faufiler entre les sentinelles surtout pendant la nuit»). Cet emploi
du présent marque aussi probablement la tendance de certains écrivains roumains à se rapprocher de l’usage
du roumain parlé.
L’apparition du présent par contamination peut être déterminée par la présence d’un passé composé,
interprété comme une forme perfective du présent :
(26) RO. [… ] Am constatat (PC) atunci pe figurile redactorilor o mare satisfacție pentru succesul cronicelor teatrale,
succes a cărui confirmare deplină era pasul de umilire ce eu făceam. Am salutat (PC) și am plecat (PC). Când să
ies, iată că INTRĂ (PR) pe ușe, cine? vechea mea cunoștință, d. Nicu Ionescu. Toți ÎNCEP (PR) să râză. Unul
ZICE (PR): când VORBEȘTI (PR) de lup, Nicu la ușe! nu înțelegeam (IMP)... Am simțit (PC) însă numaidecât
că d. Nicu Ionescu era (IMP) aci ca la dânsul acasă, în cei mai intimi termeni cu „confrații". M-am oprit (PC) să
schimb câteva vorbe cu dânsul. Era (IMP) redactor acolo, însărcinat mai ales cu partea literară și artistică... (I. L.
Caragiale, Autoritate)
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FR. […] J’ai pu lire alors sur les visages des rédacteurs une grande satisfaction pour le succès des chroniques
théâtrales, succès pleinement confirmé par la démarche humiliante que je faisais. J’ai salué et je suis parti. Quand
je sortais, voilà entrer par la porte qui ? ma vieille connaissance, M. Nicu Ionescu. Tous se mirent à rire. L’un
d’eux dit : quand on parle du loup, on voit Nicu à la porte ! Je ne comprenais rien. J’ai senti tout de suite que M.
Nicu Ionescu était ici chez soi, dans les relations les plus collégiales avec les « confrères ». Je me suis arrêté pour
lui dire quelques mots. Il travaillait là comme rédacteur, s’occupant surtout de la partie littéraire et artistique. (tr.
n.)
Dans (26), les verbes au passé composé sont tous des verbes téliques, dont le passé composé exprime
non seulement le fait que la prédication est placée dans le passé, mais aussi le fait qu’elle a atteint sa borne
finale et a instauré un état (résultatif) nouveau. Dans l’exemple ci-dessus, l’auteur favorise l’interprétation du
PC comme présent accompli, donc le passage ultérieur au PR semble naturel.
La présence d’une prédication au présent ‘étendu’, qui contient le t0, le présent déictique, peut
déterminer le changement du temps de la séquence prédicative qui, du point de vue sémantique, continue à
être placée dans le passé, mais qui la forme d’un présent :
(27) RO. Da, viziunea aceasta era (IMP) adevărată în vremea copilăriei mele. [Copoul] era (IMP) ostrovul
binecuvântat, în care se aciuiase (PQP) boierii noștri mari, ultimii păstrători ai unei lumi ce nu mai ESTE (PR).
COBOR (PR) la vale trist, sub teii cari au îmbătrânit (PC) și MURMURĂ (PR), mișcându-și umbrele. (Dimitrie
Anghel, Fantome)
FR. Oui, cette vision était vraie au temps de mon enfance. Le jardin de Copou était une île bénie, dans laquelle avaient
trouvé un abri nos grands aristocrates, les derniers gardiens des coutumes d’un monde qui n’existe plus. Triste, je
m’engage dans la descente, sous les tilleuls qui ont vieilli et qui murmurent en mouvant leurs ombres. (tr. n.)
Un autre facteur qui favorise l’occurrence d’un présent par contamination est constitué par
l’homonymie partielle des formes du passé simple et du présent pour certains verbes, par exemple les verbes
de la première conjugaison (comme el explică (PR) – el explică (PS), el cântă (PR) – el cântă (PS), etc.), qui
se différencient seulement par l’accent tonique. Ces formes ne sont donc pas homophones (elles sont
prononcées différemment) mais elles sont homographes (on les écrit de la même manière). Ce type de
différence n’est pas important au niveau de la langue écrite, ce qui explique la contamination :
(28) RO. Bătrânul a dormit (PC) rău: bătăile inimii l-au deșteptat (PC) prea de multe ori... SE RIDICĂ (PR) năbușit
din pat; îi trebuie aer: MERGE (PR) să deschiză fereastra, DĂ (PR) perdeluța într-o parte, și i se NĂZĂREȘTE
(PR) că VEDE (PR) în pragul din față două umbre albe ce VOR (PR) parcă să se topească una-ntr-alta... SE
ȘTERGE (PR) la ochi și SE UITĂ (PR) mai bine... Da!... IA (PR) pușca din cui și IESE (PR) în prag. (I. L.
Caragiale, Păcat)
FR. Le vieillard avait mal dormi : les battements de son cœur l’ont réveillé plusieurs fois. Il se leva du lit transpiré,
l’air lui manquait : il alla ouvrir la fenêtre, écarta le petit rideau et eut l’impression de voir sur le seuil, devant lui,
deux ombres blanches qui semblent se fondre l’une dans l’autre. Il se frotta les yeux et regarda mieux. Oui… Il
prit le fusil suspendu à un clou et sortit sur le seuil. (tr. n.)
(29) RO. Încă o imprudență. Incidentul cu citronadele. Când Iliescu le UITĂ (PR) pe terasă, fiecare călător cu treabă sau
fără treabă, TRECE (PR) pe lângă ele. Țiganca, lacomă, le și GUSTĂ (PR). Câte puțin din toate, să nu se
cunoască. (Rodica Ojog-Brașoveanu, Minerva se dezlănțuie)
FR. Encore une imprudence. L’incident de la citronnade. Quand Iliescu oublia les verres sur la terrasse, chaque
voyageur, qui avait affaire ou n’avait rien à faire, en passa à côté. La gitane, gourmande, les goûta toutes. Un peu
de chacun verre, pour que le manque ne soit pas visible. (tr. n.)
Cette richesse de valeurs du présent anaphorique sont, probablement, des extensions et reprises des
valeurs du présent déictique, forme qui a la capacité d’exprimer non seulement la simultanéité, l’antériorité ou
la postériorité pas rapport au t0, mais aussi un enchaînement narratif :
10 (30) RO. În minutul 90, Chiricheş ESTE (PR) faultat in careu de Albuț. Arbitrul Bălaj nu DĂ (PR) penalti. În clipa asta
ESTE (PR) înconjurat de 5-6 steliști furioși. (după Ziare.com)
FR. À la 90e minute, Chiriches subit une faute dans la surface de réparation. L’arbitre Balaj n’accorde pas de penalty.
Maintenant, il est entouré par 5 ou 6 joueurs furieux de l’équipe Steaua. (tr. n.)
(31) RO. «- Mâine te DUCI (PR) la Vasilescu?» «- Trebuie» « - Și de ce mă rog trebuie (PR)?» «- Pentru că i-am
promis (PC).» « - Și de ce i-ai promis (PC)? » « - Așa. » (Victor Loghin, Conversație, în Antologia LiterNet2002,
vol. 2, pag. 53)
FR. « - Demain vas-tu chez Vasilescu ? » « - Je suis obligé. » « - Et pourquoi, s’il te plaît, es-tu obligé ? » « -Parce
que je lui ai promis. » « - Et pourquoi as-tu fait cette promesse ? » « - Parce que. » (tr. n.)
(32) RO. Vineri 13 aprilie [2012]. Ieri a fost (PC) o zi neagră pentru România. […] Cei 22 de ani trecuți de la Revoluție
nu au schimbat (PC) aproape nimic, au fost un intermezzo. Și să dovedim. Bogdan Drăgoi, Ministrul Finanțelor
Publice, REFUZĂ (PR) să plătească integral cele 16 miliarde de Euro pe care Statul Român le datorează celor
cărora le-a luat (PC) bunurile. (http://romaniadeieri. blogspot.com/)
FR. Vendredi, le 13 avril [2012]. Le jour d’hier a été un jour noir pour la Roumanie. […] Les 22 ans passés depuis
la Révolution n’ont changé presque rien, ils ont été un simple intermezzo. Nous pouvons le prouver. Bogdan
Dragoi, Ministre des Finances Publiques, refuse de payer intégralement les 16 milliards d’euro que l’État Roumain
doit aux personnes que l’État avait dépossédées. (tr. n.)
(33) RO. [Dănilă] IA (PR) acum carul cu boi […] și PORNEȘTE (PR). Cum AJUNGE (PR) în pădure, CHITEȘTE
(PR) un copac care era (IMP) mai mare și TRAGE (PR) carul lângă el; fără să dejuge boii, ÎNCEPE (PR) a tăia
copacul, ca să cadă în car deodată. (Ion Creangă, Dănilă Prepeleac, Wikisource)
FR. [Danilă] prend maintenant un chariot traîné par des bœufs et il se met en marche. Quand il arrive dans la forêt, il
choisit un grand arbre, met le chariot près de l’arbre ; sans dételer les bœufs, il se met à couper l’arbre pour le faire
tomber directement dans le chariot. (tr. n.)
Tous ces exemples, qui représentent seulement une petite partie des phrases de ce type de notre corpus,
montrent que, du point de vue linguistique, le présent est une forme sous-déterminée en roumain, fait qui lui
permet de désigner pratiquement tous les intervalles temporels sous les deux axes (déictique et anaphorique).
Dans les oppositions simultanéité vs. non-simultanéité et, dans le cadre de la non-simultanéité
(antériorité vs. postériorité), les morphèmes du présent sont en roumains des archimorphèmes, des termes non-
marqués qui apparaissent en position de neutralisation. Cette position prépondérante du présent se retrouve
dans les autres langues romanes, mais elle semble caractériser, au moins pour le moment, seulement le style
oral et les valeurs déictiques.
4. Séquence temporelle différente en français et en roumain
Notre corpus montre que le roumain favorise l’emploi du présent même dans le code écrit, tandis que
le français semble préférer (encore?) un emploi prépondérant du présent seulement dans le code parlé.
L’examen du corpus bilingue nous a montré que le présent dans la traduction en roumain remplace un passé
simple, parfois un imparfait du texte français. Notre corpus nous a relevé les situations suivantes :
(i) la substitution du passé simple du texte français par présent, dans la traduction :
(a) si l’ancrage temporel dans le passé est clair, le traducteur présente la séquence narrative au présent
au lieu du passé simple (forme aussi parfaitement possible), souvent par un effet de ‘propagation’ du présent
(‘présent de contamination’) :
(34) FR. Le concierge ne pouvait pas dire, bien entendu, que ça n’allait pas. Seulement, il ne se sentait pas dans son
assiette. À son avis, c’était le moral qui travaillait. Ces rats lui avaient donné un coup et tout irait beaucoup mieux
quand ils auraient disparu. Mais le lendemain matin, 18 avril, le docteur qui ramenait (IMP) sa mère de la gare
TROUVA (PS) M. Michel avec une mine encore plus creusée: de la cave au grenier, une dizaine de rats jonchaient
les escaliers. Les poubelles des maisons voisines en étaient (IMP) pleines. La mère du docteur apprit (PS) la
nouvelle sans s’étonner. – Ce sont (PR) des choses qui arrivent (PR). (Camus, La Peste)
11
RO. Portarul nu putea, bineînțeles, să spună că se simte rău. Numai că nu prea era în apele lui. După părerea lui,
moralul i se cam tulbura. Șobolanii aceștia îl năuciseră, dar totul avea să meargă foarte bine după ce vor fi dispărut.
Dar în dimineața următoare, 18 aprilie, doctorul, care își aducea (IMP) mama de la gară, îl GĂSEȘTE (PR)
pe domnul Michel și mai tras la față decât ieri: din pivniță până în pod, vreo zece șobolani zăceau (IMP) pe scări.
Umpleau (IMP) și lăzile de gunoi ale caselor vecine. Mama doctorului află (PS) știrea fără să se mire. – Sunt
(PR) lucruri care se întâmplă !
Il est intéressant d’observer que le texte, qui représente une alternance de prédications exprimant un
Arrière-plan avec des prédications constituant une Narration, si le traducteur a choisi pour la Narration le
présent, alors il doit employer l’imparfait pour l’Arrière-plan. Le traducteur se conforme ainsi à l’usage du
roumain, relevé dans les exemples (18) et (19), respectant le principe des séquences temporellement
homogènes mais distinctes, principe qui semble régler cette relation rhétorique en roumain.
L’alternance du dialogue (dominé par le présent), avec des phrases appartenant à la ‘voix de l’auteur’
(avec un PS prépondérant en français) a déterminé en roumain un effet de ‘moutons de Panurge’3 (Wilmet/
Rosier 2003), produisant ce que nous avons appelé un présent ‘de contamination’ : le présent apparait dans des
propositions subordonnées régies par une principale exprimant la ‘voix auctoriale’, suivant un fragment de
texte en style directe, en dialogue, dominé par le présent ;
(b) si le présent apparait dans un texte ayant la majorité des verbes au passé, les autres prédications de
la phrase déplacent la signification de ce présent morphologique dans le passé. Si le présent morphologique
apparaît dans une subordonnée, le temps de la principale semble se projeter sur le présent sous-phrastique (le
présent anaphorique) :
(35) FR. L’événement qui venait d’arriver lui avait quelque peu fait perdre le fil de ses idées. Il [M. de Tréville] s’informa
(PS) de ce que lui VOULAIT (IMP) l’obstiné solliciteur. D’Artagnan alors se nomma (PS), et M. de Tréville,
se rappelant d’un seul coup tous ses souvenirs du présent et du passé, se trouva (PS) au courant de sa situation.
(Dumas Mousquetaires) →
RO. Cele întâmplate îl făcuseră (PQP) să-și cam piardă firul gândirii. [Domnul de Tréville] îl întrebă (PS) deci pe
încăpățânatul solicitator ce DOREȘTE (PR) de la el. D’Artagnan își spuse (PS) iarăși numele și domnul de
Tréville, aducându-și aminte dintr-o dată ce se petrecea (IMP) atunci și ce se petrecuse (PQP) înainte, își dete
(PS) seama de împrejurări.
(36) FR. Le soir même, Bernard Rieux, debout dans le couloir de l’immeuble, cherchait (IMP) ses clefs avant de monter
chez lui, lorsqu’il VIT (PS) surgir, du fond obscur du corridor, un gros rat (Camus La Peste, 14-15) →
RO. În aceeași seară, Bernard Rieux, în picioare pe culoarul imobilului, își căuta (IMP) cheile înainte să urce, când
VEDE (PR) apărând, din fundul întunecat al coridorului, un șobolan mare.4
À la différence des autres situations, ce type de présent apparaissant dans des subordonnées complétives se
retrouve aussi dans les emplois déictiques faisant référence au passé :
(37) FR. « – Or ma femme est venue il y a quatre jours, monsieur. […] Ma femme est donc venue (PC), et m’a confié
(PC) que la reine, en ce moment-ci, AVAIT (IMP) de grandes craintes. » (Dumas Mousquetaires)
3 L’expression ‘le(s) mouton(s) de Panurge’ désigne en français des personne grégaires, qui suivent instinctivement leur
leader et/ou le plus grand nombre, sans se poser de questions. L’expression est inspirée par un épisode de Gargantua
et Pantagruel de Rabelais : sur un navire, Panurge a une altercation avec un marchand de moutons qui voyageait avec
son troupeau. Pour se venger, Panurge lui achète un bélier qu’il jette à l’eau. Le reste du troupeau suit le bélier et tout
le troupeau se noie. L’occurrence d’un présent dans la phrase semblent avoir le même effet sur les verbes qui le
suivent, qui ‘adoptent’ tous la forme de présent. 4 Le même type de projection se retrouve dans l’expression de la postériorité. Bien que le roumain possède une forme de
futur du passé, elle est extrêmement rare et dans les textes on trouve surtout des futurs simples (FR : Sa femme, à dix
heures, irait (FUT_PASSÉ) prendre sa troisième leçon de conduite → RO : La ora zece soția lui se va duce (FUT)
la a treia lecție de conducere auto), bien que l’occurrence d’un futur du passé soit possible (La ora zece soția lui avea
să se ducă (FUT_PASSÉ) la a treia lecție de conducere auto).
12
RO. « - Nevastă-mea a venit acasă acum patru zile, domnule. […] și zic nevastă-mea a venit (PC) și mi-a spus (PC)
mie că regina TRECE (PR) acum prin mare spaimă. »
Le passé de la principale peut se projeter sur des occurrences du présent dans d’autres types de subordonnées
(temporelles, de but, etc.) :
(38) FR. Le soir même, Bernard Rieux, debout dans le couloir de l’immeuble, cherchait (IMP) ses clefs avant de monter
chez lui, lorsqu’il VIT (PS) surgir, du fond obscur du corridor, un gros rat à la démarche incertaine et au pelage
mouillé. (Camus, La Peste)
RO. În aceeași seară, Bernard Rieux, în picioare pe culoarul imobilului, își căuta (IMP) cheile înainte să urce, când
VEDE (PR) apărând, din fundul întunecat al coridorului, un șobolan mare cu umbletul nesigur și cu blana udă.
(39) FR. Cette pièce n’était séparée que par une légère cloison du boudoir dont la croisée donnait sur le jardin, et madame
Hulot laissa monsieur Crevel seul pendant un moment, car elle jugea nécessaire de fermer la croisée et la porte
du boudoir, afin que personne ne PUT (SUBJ_IMP) y venir écouter. (Balzac, La cousine Bette, pag. 15)
RO. Încăperea aceasta era despărțită doar printr-un perete subțire de iatacul a cărui fereastră dădea înspre grădină ;
doamna Hulot îl lăsă o clipă singur pe domnul Crevel, socotind că era mai înțelept să închidă fereastra și ușa
iatacului, ca să nu POATĂ (PR) trage nimeni cu urechea.
(c) Parfois, le présent apparaît dans une proposition indépendante ou bien dans une principale, situation
dans laquelle le passé du contexte (propositions précédentes, principales ou subordonnées) semble se projeter :
(40) FR. Le docteur regardait (IMP) le visage tourné vers lui dans la lumière de la lampe de chevet. […] « – Dors si tu
peux, dit-il. La garde viendra à onze heures et je vous mènerai au train de midi. » Il EMBRASSA (PS) (PS) un
front légèrement moite. Le sourire L’ACCOMPAGNA (PS) jusqu’à la porte. (Camus, La Peste)
RO. În lumina lămpii de la căpătâiul patului, doctorul îi privea (IMP) fața întoarsă spre el. […] « - Dormi dacă poți,
spune el. Sora o să vină la unsprezece și o să te conduc la trenul de prânz. » El SĂRUTĂ (PR/ PS) apoi o frunte
ușor umedă. Zâmbetul ei îl ÎNSOȚEȘTE (PR) până la ușă.
En (40), deux facteurs semblent être intervenus pour le passage de la séquence narrative du passé à
l’occurrence du présent : l’apparition d’une séquence en style direct et l’homographie du verbe săruta qui peut
être interprété comme un passé simple (sărută) ou bien, un présent (sărută). Le verbe qui suit (însoțește PR
vs. însoți PS) enlève l’ambiguïté : la partie finale de la séquence narrative est, sans aucun doute, au présent.
Pourtant, la première partie de la Narration, au passé simple, déplace les prédications du fragment dans le
passé. En plus, pour être sûr de la lecture correcte du passage, le traducteur roumain introduit un adverbe
temporel, apoi « ensuite », qui n’existe pas le texte français.
(ii) le PR remplace un IMP avec des verbes qui expriment des états ou des processus, un temps sécant
par défaut (PR) étant mis à la place d’un autre temps sécant (IMP):
(41) FR. Les deux jeunes gens se saluèrent (PS), puis Aramis s’éloigna (PS) en remontant la rue qui REMONTAIT
(IMP) au Luxembourg (Dumas Mousquetaires) →
RO. Cei doi tineri se salutară (PS), apoi Aramis se depărtă (PS), apucând în sus pe strada care DUCE (PR) la
Luxemburg.
Quand en français il y une alternance PS vs. IMP traduisant l’opposition événement vs. état, prédication
perfective vs prédication imperfective, ou bien prédication unique vs. prédication multiple, si le traducteur
décide de remplacer le PS par un PR, alors l’IMP est conservé, pour maintenir les oppositions sémantiques.
(42) FR. Intrigué, Rieux DÉCIDA (PS) de commencer sa tournée par les quartiers extérieurs où habitaient (IMP) les
plus pauvres de ses clients. La collecte des ordures s’y faisait (IMP) beaucoup plus tard et l’auto qui roulait le
long des voies droites et poussiéreuses de ce quartier frôlait (IMP) les boîtes de détritus, laissées au bord du
trottoir. Dans une rue qu’il longeait (IMP) ainsi, le docteur COMPTA (PS) une douzaine de rats jetés sur les
débris de légumes et les chiffons sales. (Camus, La Peste)
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RO. Intrigat, Rieux SE HOTĂRĂȘTE (PR) să-și înceapă turul consultațiilor cu cartierele mărginașe, unde locuiau
(IMP) cei mai săraci dintre clienții săi. Pe aici strângerea gunoaielor se făcea (IMP) mult mai târziu și mașina
doctorului, care mergea de-a lungul drumurilor drepte și prăfuite ale acestui cartier, atingea (IMP) în treacăt
lăzile pline cu resturi, lăsate la marginea trotuarului. Pe o stradă de-a lungul căreia trecea (IMP) astfel, doctorul
NUMĂRĂ (PS/ PR?) o duzină de șobolani aruncați pe rămășițele de legume și de cârpe murdare.
De cette manière, le présent roumain arrive à exprimer des événements dynamiques, perfectifs et uniques, ce
qui est divergeant par rapport à ses valeurs habituelles, de défaut.
5. Conclusions
Nous avons trouvé dans notre corpus roumain toutes les substitutions possibles, des verbes au présent
remplaçant un plus-que-parfait, un passé composé, un futur du passé du français. Parfois le passé est seulement
‘affaibli’, quand le plus-que-parfait est traduit par un imparfait.
Le présent est, du point de vue cognitif, la forme verbale qui ‘coûte’ moins, puisqu’elle demande un
effort minimal tant pour la production que pour la compréhension. Ce tiroir fonctionne en roumain comme
tiroir par défaut, comme terme non marqué dans plusieurs oppositions: en fonction du co(n)texte, le présent
peut exprimer toutes les valeurs temporelles (simultanéité, antériorité, postériorité) non seulement par rapport
au temps de l’énonciation, mais aussi par rapport à un passé.
Cette valeur de défaut conduit, parfois, à une re-sémantisation des tiroirs verbaux. Une preuve dans ce
sens est fournie par la situation dans laquelle un enchaînement de prédications téliques au passé simple en
français est traduite par une séquence au présent, comme dans l’exemple (40). En roumain, comme en français,
le présent est, le plus souvent, un tiroir sécant, exprimant l’imperfectif. Sa valeur de défaut permet, pourtant,
des occurrences qui expriment des enchaînements de prédications téliques et perfectives, comme dans les
exemples (28), (30), (33) or (40) ci-dessus.
En roumain, il est possible d’avoir cette fréquence du présent sur ‘l’axe du passé’ à cause du fait que
les éléments co(n)textuels (adverbiaux, tiroir de la principale ou tiroirs qui le précèdent dans le discours, les
connaissances sur la ‘localisation’ temporelle du texte, etc.) se ‘projettent’ sur la prédication au présent, la
plaçant sans ambiguïté sur l’axe du temps dans le passé. Comme nous avons montré, la motivation est de
nature cognitive et de nature culturelle. La même tendance en français est encore très timide, probablement à
cause de la grande force de la norme dans le monde francophone, surtout en France. On sait, pourtant, que la
norme est constamment changée par l’usage. On doit voir si la norme actuelle de la concordance des temps
résistera en français à la tendance générale de rapprochement de l’écrit à l’oral, dont le roumain fournit une
preuve convaincante.
Il est à remarquer que les options des traducteurs sont déterminées aussi par des raisons culturelles,
par exemple dans les traductions des auteurs du XIXe siècle (Dumas, Balzac, Flaubert, Maupassant) la tendance
semble être celle de se tenir le plus près possible de la séquence des temps du texte-source. Pour les auteurs du
XXe ou du XXIe siècle (Martin du Gard, Albert Camus, Georges Simenon, Amélie Northomb), les traducteurs
tendent à donner un caractère plus moderne à leur texte en le rapprochant d’un emploi plus libre des tiroirs
verbaux et d’une certaine prépondérance du couple PR vs. PC.
Similairement, l’incipit du roman La Peste d’Albert Camus, après l’ancrage spatial et temporel (à
Oran, en 194…), est constitué de plusieurs pages de description de la ville algérienne d’Oran et de ses habitants.
Voici la fin de cette partie, dans laquelle l’auteur s’adresse directement au lecteur, commençant ensuite son
histoire :
(43) FR. Mais il est (PR) peut-être temps de laisser les commentaires et les précautions de langage pour en venir au récit
lui-même. La relation des premières journées demande (PR) quelque minutie. […] Le matin du 16 avril, le
docteur Bernard Rieux SORTIT (PS) de son cabinet et BUTA (PS) sur un rat mort, au milieu du palier. (Camus,
La Peste)
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RO. Dar poate că e (PR) timpul să lăsăm de o parte comentariile și precauțiile fată de limbaj și să ajungem la
povestirea însăși. Relatarea primelor zile cere (PR) oarecare migală. […] În dimineața lui 16 aprilie, doctorul
Bernard Rieux IESE (PR) din cabinetul său și DĂ (PR) peste un șobolan mort, în mijlocul palierului.
Nous pouvons nous demander si cette tendance, de rapprocher l’emploi des tiroirs verbaux à l’écrit de
leur emploi à l’oral, avec une grande fréquence d’occurrences du présent, est une particularité du roumain ou
si le roumain manifeste cette tendance plus clairement, par rapport aux autres langues romanes. Dans la
linguistique française il y a un débat autour d’un emploi du type ce matin, Pierre m’a avoué qu’il est amoureux
de moi (Rosier/ Wilmet 2003: 99). Selon nous, ces emplois montrent que la tendance d’élargir l’emploi du
présent et de ‘suspendre’ la concordance commence à se manifester en français aussi. Cette tendance
correspond à la propension actuelle, que nous croyons générale, de réduire de plus en plus les différences entre
l’écrit et l’oral en faveur du style oral, tant dans la communication traditionnelle écrite que dans celle virtuelle.
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