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Pratiques anticoncurrentielles, dommage à l’économie et sanctions MBA IAE - 2 décembre 2013 Anne YVRANDE-BILLON Autorité de la concurrence - Service économique [email protected]

Pratiques anticoncurrentielles, dommage à l’économie … · économique qui use de sa position de force sur un marché pour le verrouiller, pour évincer ses concurrents ou pour

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Pratiques anticoncurrentielles, dommage à l’économie et sanctions

MBA IAE - 2 décembre 2013

Anne YVRANDE-BILLON

Autorité de la concurrence - Service économique

[email protected]

Sanctions pécuniaires prononcées par l’Autorité de la concurrence en 2012

2

Source: Rapport annuel, Autorité de la concurrence, 2012

Questions à l’ordre du jour

� Un des 4 éléments qui déterminent ces sanctions est l’importance du dommage causé à l’économie par les pratiques

1. Quelles pratiques créent un dommage à l’économie et sont donc sanctionnées ?sanctionnées ?

2. Comment s’apprécie le dommage à l’économie?

3. Comment sont calculées les sanctions ?

3

Plan de la présentation

1. Les pratiques causant un dommage à l’économie

A. Les 2 catégories de pratiques : ententes et abus de position dominante

B. Le concept de dommage à l’économie

2. Méthodologies d’évaluation du dommage à l’économie2. Méthodologies d’évaluation du dommage à l’économie

A. Évaluation qualitative du dommage

B. Évaluation quantitative du dommage

3. Le calcul des sanctions par l’Autorité de la concurrence

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1. LES PRATIQUES CAUSANT UN DOMMAGE À L’ÉCONOMIE

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1.A. Les « PAC »

� 2 grands catégories de pratiques anticoncurrentielles:

• Ententes : concertation entre plusieurs acteurs économiques qui décident d'agir ensemble pour ajuster leurs comportements, au lieu de concevoir leur stratégie commerciale de façon indépendante, comme l'exige la loi.

- « On voit rarement les gens d’une même profession se réunir, même pour le

plaisir. Ils s’entendent pourtant toujours pour comploter contre le bien public

ou augmenter les prix. La loi ne peut empêcher ces conspirations sans

mettre la liberté en danger. Tout au plus peut-elle éviter de les encourager et

tenter de les décourager » A. Smith, La Richesse des Nations, 1776.

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1.A. Les « PAC »

� 2 grands catégories de pratiques anticoncurrentielles:

1. Ententes : concertation entre plusieurs acteurs économiques qui décident d'agir ensemble pour ajuster leurs comportements, au lieu de concevoir leur stratégie commerciale de façon indépendante, comme l'exige la loi.

- Modalités d’ententes horizontales (entre concurrents):

� Fixation en commun du prix de vente

� Diffusion d’un barème de prix auprès des concurrents

� Définition de quotas de production

� Répartition des marchés sur une base géographique

� Boycott d’un concurrent; barrières à l’entrée des concurrents

� Echanges d’informations (sur les prix, la fonction de demande…)

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1.A. Les « PAC »

� 2 grands catégories de pratiques anticoncurrentielles:

1. Ententes : concertation entre plusieurs acteurs économiques qui décident d'agir ensemble pour ajuster leurs comportements, au lieu de concevoir leur stratégie commerciale de façon indépendante, comme l'exige la loi.

- Formes de restrictions verticales (entre firmes amont/aval) [! Pas - Formes de restrictions verticales (entre firmes amont/aval) [! Pas nécessairement anticoncurrentielles] :

� Fixation de quotas d’achat

� Segmentation de la clientèle

� Exclusivité territoriale

� Exclusivité d’approvisionnement

� Prix de revente imposé (PRI). Variante: prix plafond ou prix plancher

� Achats liés

� Distribution sélective

� Distribution exclusive 8

1.A. Les « PAC »

� 2 grands catégories de pratiques anticoncurrentielles:

1. Ententes : concertation entre plusieurs acteurs économiques qui décident d'agir ensemble pour ajuster leurs comportements, au lieu de concevoir leur stratégie commerciale de façon indépendante, comme l'exige la loi.

� Exemples de décisions:� Exemples de décisions:

• 11-D-17: Entente horizontale entre 4 fabricants de lessives (Unilever, Procter & Gambble, Henkel et Colgate Palmolive) (sanction: 368M€)

– Coordination des stratégies commerciales (fixation en commun des prix de vente et des promotions) entre 1997 et 2004

– Sanctions de chaque participant à l’entente:

– Unilever : 0

– Henkel : 92,3M€

– Procter & Gamble : 240,24M€

– Colgate Palmolive : 35,4M€9

1.A. Les « PAC »

� 2 grands catégories de pratiques anticoncurrentielles:

1. Ententes : concertation entre plusieurs acteurs économiques qui décident d'agir ensemble pour ajuster leurs comportements, au lieu de concevoir leur stratégie commerciale de façon indépendante, comme l'exige la loi.

� Exemples de décisions:� Exemples de décisions:

• 06-D-04 : Entente verticale entre 13 parfumeurs (Chanel, Dior, Kenzo…) et 3 chaînes de distribution (Marionnaud, Séphora, Nocibé) (sanction: 46M€)

- Fixation de prix publics indicatifs et de taux de remises maximum avec mise en place d’une police des prix (surveillance et représailles)

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1.A. Les « PAC »

� 2 grands catégories de pratiques anticoncurrentielles:

2. Abus de position dominante : pratiques unilatérales émanant d'un acteur économique qui use de sa position de force sur un marché pour le verrouiller, pour évincer ses concurrents ou pour empêcher l'arrivée de nouveaux entrants.

- Exemples :

� Prix prédateurs

� Ciseau tarifaire

� Rabais fidélisants

� Refus de fourniture

� …

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1.A. Les « PAC »

� 2 grands catégories de pratiques anticoncurrentielles:

2. Abus de position dominante

� Exemples de décisions:

- 13-D-11 (Sanofi-Aventis) : Stratégie de dénigrement des médicaments génériques de Plavix visant à limiter leur entrée et favoriser ses propres produits (sanction : 40,6M€)

� Plavix, un « blockbuster » de l'industrie pharmaceutique: 4ème � Plavix, un « blockbuster » de l'industrie pharmaceutique: 4ème médicament le plus vendu au monde; 1er poste de remboursement de l'Assurance maladie en France en 2008 (625M€)

� Expiration du brevet du principe actif (clopidogrel) en juillet 2008

� Apparition des 1ers génériques fin octobre 2009

� Stratégie mise en œuvre par Sanofi-Aventis entre septembre 09 et janvier 10: communication globale et structurée dont l'objectif était d'influencer les médecins et les pharmaciens afin d'enrayer le mécanisme de substitution générique à deux étapes clés (prescription et substitution).

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1.A. Les « PAC »

� 2 grands catégories de pratiques anticoncurrentielles:

2. Abus de position dominante

� Exemples de décisions:

- 12-D-25 (Fret SNCF) : plusieurs pratiques visant à entraver ou retardé l’entrée de nouveaux opérateurs sur le marché du transport ferroviaire de marchandises (sanction : 60,9M€)

� Contexte d’ouverture à la concurrence du marché du transport � Contexte d’ouverture à la concurrence du marché du transport ferroviaire de marchandises

� Position d’opérateur historique dominant de la SNCF

� Utilisation d’informations confidentielles stratégiques sur ses concurrents dont elle disposait en tant que gestionnaire délégué d’infrastructure

� Refus d’accès à des actifs indispensables (cours de marchandises, sillons, wagons)

� Prix d’éviction sur les prestations de transport par train massif

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1.B. Le concept de dommage à l’économie

� Qu’entend-on par dommage à l’économie ?

• Approche économique: coût infligé à l’ensemble de l’économie par une PAC = perte de surplus global (somme des surplus de tous les agents, y compris les entreprises coupables)

• Approche des autorités de concurrence : coût infligé aux victimes des PAC = perte de surplus du consommateur

� Exemples : � Exemples :

– Augmentation de prix

– Déréférencement d’un produit

– Réduction de la qualité d’un produit

� Divergence entre le droit de la concurrence et cette approche économique

• Exemple d’une PAC entraînant un prix supra-concurrentiel sur un marché où la demande est inélastique

→Approche économique « naïve » : très faible dommage (transfert de surplus)

→Approche du droit de la concurrence : dommage très important 14

1.B. Le concept de dommage à l’économie

� Les justifications du choix du critère de surplus des consommateurs par le droit de la concurrence

• Considérations redistributives: consommateurs plus vulnérables (mais la politique de la concurrence n’est sans doute pas le meilleur outil de redistribution).redistribution).

• Moindre représentation des consommateurs (forte dispersion) � en ayant pout objectif la protection des consommateurs, la politique de la concurrence vient corriger ce biais.

• Argument pragmatique : difficulté à mesurer le surplus global (difficulté d’accès aux infos sur les coûts de entreprises, sur tous les produits…).

15

Illustration graphique de l’effet d’une variation de prix sur le surplus des consommateurs

Prix

16

Volume des ventes

Perte de surplus pour les consommateurs

Augmentation du prix

Dommage et élasticité prix de la demande

• Elle décroit avec le prix: quand le prix augmente, les quantités demandées diminuent.

• Suivant la sensibilité des consommateurs au prix, elle diminue plus ou moins vite (élasticité de la demande)

Prix Prix

17

Q Q

P2

P1

Q2 Q1

P2

P1

Q2 Q1

Demande peu élastiqueDemande élastique

Élasticité et variation de surplus

Prix

Perte de surplus pour les consommateurs

Quand la demande est moins élastique – les consommateurs sont moins sensibles au prix ….

18

Volume des ventes

consommateurs

Augmentation du prix

…la perte de surplus des consommateurs, à augmentation de prix identique, est plus grande.

1.B. Le concept de dommage à l’économie

� Lorsque la victime d’une pratique anticoncurrentielle est une entreprise (cliente), le dommage est la perte de profit (ou le manque à gagner) qui résulte de l’infraction

• S’exprime en unité monétaire

� Certaines formes de dommage sont très difficiles à exprimer de � Certaines formes de dommage sont très difficiles à exprimer de manière quantitative

• « Malheureuse valeur d’exemple » des ententes entre entreprises lors de réponses à des appels d’offres

• « Tromperie de l’acheteur public »

• Faiblesse de l’innovation

• …

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1.B. Le concept de dommage à l’économie

� Le dommage à l’économie ne doit pas être confondu avec le préjudice subi par un agent économique (consommateur, entreprise concurrente, entreprise cliente,…)

• Une entreprise bénéficiant d’une procédure de clémence n’est pas protégée des dommages et intérêts qui peuvent être demandés, ni de l’exposition au grand jour de ses pratiques illicites.

� Un agent économique peut demander réparation du préjudice subi � Un agent économique peut demander réparation du préjudice subi devant la juridiction compétente (action en dommages et intérêts)

• Peu d’exemples: ThyssenKrupp/DBAG (nov 2013) : première réparation concrète des victimes d’un cartel (Allemagne)

• « Comment peut-on imaginer qu’un voleur attrapé puisse bénéficier des

biens qu’il a volés sans les restituer à son propriétaire? » N. Kroes

• Rôle des actions de groupe?

� Le dommage à l’économie est plus large que les préjudices causés aux agents économiques

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2. MÉTHODOLOGIES D’ÉVALUATION

DU DOMMAGE À L’ÉCONOMIE

21

2. Méthodologies d’évaluation du dommage à l’économie

� Le dommage (les effets réels des pratiques) correspond à la différence entre :

1. Ce qui est observé pendant la période des pratiques

• Prix, qualité des produits, volumes des ventes

• Entrée et développement des concurrents• Entrée et développement des concurrents

• Innovations

• Etc.

2. Ce qu’on aurait observé si les pratiques n’avaient pas eu lieu

• Importance de cette situation de référence (« le contrefactuel »)

- Pas nécessairement concurrence pure et parfaite

• Ce contrefactuel est par définition hypothétique

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Illustration

PrixPrix observés

Surprix

23

Début de la pratique

Fin de la pratique

Prix de référence(contrefactuel)

2. Méthodologies d’évaluation du dommage

� La situation de référence est hypothétique

• Que se serait-il passé si la pratique mise en œuvre par l’entreprise en cause n’avait pas eu lieu?

• Quelle aurait pu être la structure de marché ? (Rappel: pas nécessairement une situation de concurrence pure et parfaite)

� Il est parfois possible de se référer à :

• Une période qui n’a pas été affectée par les pratiques (avant et/ou après)

• Un marché dont les caractéristiques sont proches de celles du marché concerné, et qui n’a pas été affecté par les pratiques

� Même marché de produit dans une autre région ou un autre pays

� Marché d’un produit proche

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2. Méthodologies d’évaluation du dommage

� Exemples de contrefactuels:� Farines (12-D-09): Griefs 2 et 3 : ententes entre meuniers français

• Taux de marge des meuniers allemands

� Lessives (11-D-17): Entente entre fabricants de lessives � Lessives (11-D-17): Entente entre fabricants de lessives

• Prix après l’entente

� Monuments historiques (11-D-02): ententes entre maîtres d’œuvre pour répondre aux appels d‘offres

• Prix au cours de l’entente/après éclatement de l’entente comparés aux estimations des acheteurs

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2. Méthodologies d’évaluation du dommage� Exemples de contrefactuels:� Monuments historiques (11-D-02): ententes entre maîtres d’œuvre

pour répondre aux appels d‘offres

• Prix au cours de l’entente/après éclatement de l’entente comparés aux estimations des acheteurs

Ecart entre prix marchés attribués

Haute Normandie Basse Normandie Picardie

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marchés attribués et estimations

maîtres d’oeuvre

Au cours de l’entente

- 3,6% -10% +0,5%

Après l’éclatementde l’entente

-19,2% -27,8% -16%

Surprix correspondant

19,3% 24,7% 19,6%

� Exemples de contrefactuels:

� Signalisation routière (10-D-39): entente sur le marché des panneaux de signalisation verticale + APD sur le marché des films rétro-réfléchissants destinés aux fabricants de panneaux de signalisation

• Prix après la période de l’infraction

• Prix dans d’autres pays européens

� Travail temporaire (09-D-05): entente sur les prix en 2003 et 2004

• Situation en 2007

2. Méthodologies d’évaluation du dommage

• Situation en 2007

• Situation sur le sous-segment des clients « diffus »

� Jouets (07-D-50): prix imposés pendant les périodes de Noël, entre 2001 et 2003

• Prix pendant les périodes de Noël d’autres années

• Prix pendant la période de l’infraction, mais en dehors de la période de Noël

� Cartel des mobiles (05-D-65): entente sur les parts de marché entre 2000 et 2002

• Marché des mobiles dans d’autres pays européens

� Plavix (13-D-11) : taux de pénétration des autres génériques27

� Exemples de contrefactuels:� 13-D-11 Sonafi-Aventis : pratique d’APD (dénigrement des génériques)

� Comparaison des taux de substitution d’autres médicaments

2. Méthodologies d’évaluation du dommage

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� Pour les cas d’ententes, plusieurs techniques peuvent permettre de construire un contrefactuel et d’évaluer le dommage

� Pour les cas d’APD, il est plus difficile de trouver un contrefactuel et d’évaluer le dommage

2. Méthodologies d’évaluation du dommage

• Exemple: pratique de prix prédateurs

� Effet >0 sur le surplus des consommateurs à court terme

� Effet <0 à long terme uniquement mais inobservable en général

� Evaluation du dommage pour les entreprises exclues du marché par les pratiques???

� Evaluation du dommage pour les entreprises dissuadées d’entrer sur le marché???

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• 4 catégories d’éléments à prendre en compte pour apprécier ledommage

1) Ampleur de la pratique (Part de marché cumulée, couverture géographique)

2) Caractéristiques objectives du secteur ou du marché en cause

2. Méthodologies d’évaluation du dommage

2) Caractéristiques objectives du secteur ou du marché en cause

• Barrières à l’entrée, consommation captive, élasticité-prix

3) Conséquences conjoncturelles ou structurelles des pratiques

• Tout type d’effets, potentiels ou réels, créés par les pratiques

• Eléments quantitatifs à titre indicatif : surprix éventuels, etc.

4) Impact sur l’économie en général (ex: affaire du Travail temporaire)

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2. Méthodologies d’évaluation du dommage

� Éléments qualitatifs pris en compte

• Taille du marché affecté : lien direct avec la définition du marché pertinent

� Cartel des mobiles (05-D-65) : marché de 7 à 12 milliards d’euros; marché fermé (seulement 3 licences)

• Durée de l’infraction• Durée de l’infraction

• Effets sur d’autres marchés ou d’autres appels d’offres

� " le dommage causé à l’économie est indépendant du dommage souffert par le

maître d’ouvrage en raison de la collusion entre plusieurs entreprises

soumissionnaires et s’apprécie en fonction de l’entrave directe portée au libre jeu

de la concurrence ". (Cour d’appel de Paris, arrêt du 13 janvier 1998 (Fougerolle

Ballot)).

� Câbles (07-D-26) : Impact sur les appels d’offres ultérieurs

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• Position / Pouvoir de marché des entreprises mises en cause� Lessives (11-D-17): pdm des 4 fabricants entre 87% et 95% : assure une stabilité

particulière à l’entente et en conforte l’incidence sur le secteur

� Parfums (06-D-04) : à décharge, aucun fournisseur ne détient de position dominante individuelle, ni, avec les autres fournisseurs, de position dominante collective qui pourrait affecter la concurrence intermarques

� Secteur de la grande distribution: se présente comme ayant une politique de prix agressive (Calculatrices 03-D-45, Vidéocassettes 05-D-70, Jouets 07-D-50)

• Mise en œuvre de la pratique – Petfood (12-D-10), Acier (08-D-32), Jouets (07-

2. Méthodologies d’évaluation du dommage

• Mise en œuvre de la pratique – Petfood (12-D-10), Acier (08-D-32), Jouets (07-

D-50)

• Barrières à l’entrée (cf. étude thématique du rapport annuel 2006)

� Taxis marseillais (06-D-30) : l’entente a eu pour effet d’augmenter artificiellement le prix des licences. Effets négatifs sur prix et qualité du service (§111-114)

� Cartel des mobiles (05-D-65) : barrière réglementaire. Effets d’autant plus importants qu’il n’y a aucune menace d’entrée de nouveaux opérateurs. De plus, l’entente contrevient à un objectif de l’attribution des licences par l’Etat : animer la concurrence (§337)

� Jouets (07-D-50) : barrières réglementaires à l’installation de nouveaux magasins

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• Sensibilité des consommateurs aux prix

� Achats inévitables (Lessives, Farines, Boulangers de la Marne 04-D-07, §143)

� Marché de préconisation (Calculatrices 03-D-45)

� Budget nouveau pour les consommateurs (Cartels des mobiles 05-D-65))

• Contre-pouvoir des acheteurs

� Peut limiter la portée de l’entente (Endives 12-D-08)

2. Méthodologies d’évaluation du dommage

• Phase initiale de développement du marché

� Voyages-SNCF.com 09-D-06, Connect ATM 05-D-59

• Responsabilité particulière de l’opérateur historique au moment de l’ouverture du secteur à la concurrence (Fret SNCF)

• Valeur d’exemple données par les opérateurs leaders

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2. Méthodologies d’évaluation du dommage

� Un ordre de grandeur peut être établi à partir d’éléments du dossier, sans pour autant procéder à une analyse empirique complexe• Farines (12-D-09): Surprix de 11%, si on considère que les meuniers français auraient

dû appliquer un taux de marge identique au taux des meuniers allemands

• Monuments historiques (11-D-02): à la suite de l’éclatement des ententes, les prix ont baissé de 20% à 25% (§658-663)ont baissé de 20% à 25% (§658-663)

• Signalisation routière (10-D-39): faisceau d’indices, constitué de différents témoignages figurant au dossier, rend compte de baisses de prix de l’ordre de 10 à 20 % à la suite de l’éclatement du cartel (§374)

• Plavix (13-D-11) : perte liée aux économies non réalisées du fait de la faible substitution par des génériques (200 M€ d’après ministère de la Santé)

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� Exemple du cartel des farines en sachet (12-D-09)• Griefs n°2 et 3 : entente entre meuniers français pour se répartir les marchés régionaux

et fixer les prix de vente en gros en GMS et HD

• Faisceau d’indices permettant d’apprécier le dommage à l’économie

2. Méthodologies d’évaluation du dommage

387.8€/t

430€/tPrix proposé par les meuniers

français au HDDommage = 42.2€/t, soit plus de 10% en termes

35

370€/t Coûts de production français

-16%

Coût de production allemands310€/t

325€/t

Taux de marge estimé = 4.8%

Prix proposé par les meuniers allemands au HD

Application du même taux (4.8%) aux

meuniers français

en termes relatifs

2. Méthodologies d’évaluation du dommage

• Acier (08-D-32) : le taux de marge moyen a baissé d’environ 25% après la fin de l’entente (§381) ; Déclaration de Mr Y. (§401 et s.): une « baisse de 40€/Tonne, a fait

perdre environ 100 M€ à la profession pour en rapporter 1 ou 1,5 de plus à ses

actionnaires »

• Ciments corses (07-D-08) : évictions d’importateurs, proposant pourtant des prix inférieurs de 20% (§336 et s.)

• Parfums (06-D-04) (§782) : l’entente avait pour but de limiter à 15% (au lieu de 20%) • Parfums (06-D-04) (§782) : l’entente avait pour but de limiter à 15% (au lieu de 20%) les rabais que pouvaient accorder les distributeurs aux consommateurs finals. « Ainsi, à titre d’exemple, un supplément de 3 % -hypothèse très conservatrice-

maintenu pendant 3 ans équivaut à un montant de l’ordre de 72 millions d’euros »

• Calculatrices (03-D-45) (§482) : le prix moyen des calculatrices scientifiques simples entre 1992 et 1995 a augmenté de 16,3 %, alors que dans le même temps, le prix moyen des modèles scientifiques a baissé de 9,5 % et celui des autres calculatrices, hors scolaire, a diminué de 26,1 %.

36

� Il est parfois possible d’essayer de quantifier les effets des pratiques sur les consommateurs de façon plus élaborée

� A tout le moins, il est nécessaire de pouvoir répondre aux études économiques fournies par les parties

� Les quelques concepts à retenir :

2. Méthodologies d’évaluation du dommage

• La courbe / fonction de demande ; l’élasticité de la demande

• Le surplus des consommateurs

• Le surplus (ou bien-être) total

• Le surprix et le surprofit

• Conséquences sur d’autres secteurs de l’économie (équilibre général)

37

Prix

Surplus des consommateurs

Marge totale de l’entreprise

Coût variable total payé par l’entreprise

2. Méthodologies d’évaluation du dommage

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Quantité

Prix

Ventes

Chiffre d’affaires de l’entreprise

Coût variable unitaire

Coût variable total payé par l’entreprise

� Ce qu’on a effectivement observé pendant la période de la pratique :

Prix

Surplus des consommateurs (observé pendant les pratiques)

2. Méthodologies d’évaluation du dommage

39

Volume des ventes

Prix observé pendant la période des pratiques

Ventes observées pendant la période des pratiques

Marge de l’entreprise (pendant les pratiques)

� Une fois qu’on a une idée de la situation de référence

� Ce qu’on aurait dû observer (exemple ici d’une situation parfaitement concurrentielle, où le prix concurrentiel égale le coût unitaire de production)

Prix

Surplus des consommateurs (dans la situation de référence)

2. Méthodologies d’évaluation du dommage

40

Volume des ventes

Prix dans la situation de référence

Ventes dans la situation de référence

(dans la situation de référence)

Prix

Perte de surplus pour les consommateurs

Prix observé pendant la période des pratiques

2. Méthodologies d’évaluation du dommage

41

Volume des ventes

les consommateurs période des pratiques

Prix dans la situation de référence

Surprix

� Du point de l’entreprise mise en cause:

Prix

Surprofit de l’entreprise (gain illicite) Prix observé pendant la

période des pratiques

2. Méthodologies d’évaluation du dommage

� Le surprofit est directement lié à la valeur des ventes réalisées par l’entreprise mise en cause sur le marché concerné.

42

Volume des ventes

Prix dans la situation de référence

Ventes observées pendant la période des pratiques

« Perte sèche »Surprix

� Prise en compte du dommage causé au reste de l’économie (pas seulement aux consommateurs)

• Sur les marchés en amont ou en aval

� Impact sur les fournisseurs

– Travail temporaire : prise en compte de l’effet de l’entente sur les travailleurs intérimaires

2. Méthodologies d’évaluation du dommage

� Impact sur la chaîne verticale

– Acier : effet de diffusion sur les marchés en aval (§413-415).

• Sur les autres marchés

� Puisque les consommateurs ont payé plus cher sur le marché en cause, à revenu constant, ils ont nécessairement réduit leur consommation d’autres biens

43

� Lorsque les entreprises mises en cause (dans une entente) fournissent des données détaillées concernant leurs prix, leurs coûts,…

! Les prix seuls ne suffisent pas. Beaucoup de facteurs, en dehors des pratiques, peuvent expliquer leur évolution.

• Il faut pouvoir « neutraliser » ces facteurs, pour ne se concentrer que sur les effets de l’infraction

� Exemple: Une partie mise en cause dans une entente fournie des

2. Méthodologies d’évaluation du dommage

� Exemple: Une partie mise en cause dans une entente fournie des données montrant que les prix n’ont pas augmenté pendant la période de l’infraction

44

Prix

TDébut infraction Fin infraction

� Mais si on regarde, en parallèle, l’évolution des coûts de production:

Prix

Coûts

2. Méthodologies d’évaluation du dommage

45

TDébut infraction Fin infraction

� En raison de la baisse des coûts, les prix auraient dû diminuer

� L’entente a donc bien eu des effets

� Il peut être possible d’estimer le surprix causé par les pratiques

� Cela revient à comparer les prix observés pendant l’entente aux prix qui auraient prévalu si l’entente n’avait pas eu lieu

� Méthodes indirectes, par comparaison avec une situation de référence

• Comparaison dans le temps

• Comparaison entre marchés (de produits ou géographiques)

2. Méthodologies d’évaluation du dommage

• Comparaison entre marchés (de produits ou géographiques)

� Il existe aussi des méthodes directes, qui utilisent les informations sur le secteur d’activité pour modéliser le contrefactuel

• Approche structurelle: reconstruire le modèle concurrentiel et en déduire les prix « contrefactuels »

• Approche comptable: à partir des coûts, calculer ce qu’auraient pu être les prix

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� Il existe aussi des méthodes directes, qui utilisent les informations sur le secteur d’activité pour modéliser le contrefactuel• Approche structurelle: reconstruire le modèle concurrentiel et en déduire

les prix « contrefactuels »

• Approche comptable: à partir des coûts, calculer ce qu’auraient pu être les prix

2. Méthodologies d’évaluation du dommage

prix

� Exemples de techniques quantitatives utilisées dans les affaires d’ententes• Détection d’anomalies dans les appels d’offres

• Analyse des discontinuités dans les séries de prix

• Analyse des relations entre coûts et prix

• Analyse de la dispersion des prix

• Méthode des doubles différences

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� Méthode « avant – après »

• Les prix pendant la période de l’infraction sont comparés aux prix observés avant et après cette période

� Méthode par comparaison (« yardstick »)

• Les prix pendant la période de l’entente sont comparés aux prix observés sur un marché similaire où aucune entente n’a eu lieu

2. Méthodologies d’évaluation du dommage

� Méthode en « double différence »

• Les prix pendant la période de l’entente sont comparés aux prix observés en dehors de cette période et sur un marché distinct, mais similaire, où aucune entente n’a eu lieu

� Il est important de pouvoir tenir compte des facteurs qui influencent la formation des prix (coûts, changement de réglementation, chocs de demande ou d’offre,…)

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� Pour la méthode « avant-après », une difficulté concerne l’incertitude quant à la situation de la concurrence en dehors de la période couverte par les griefs

• La date des OVS peut marquer la fin de l’infraction, mais il peut subsister un « effet mémoire » pendant quelques temps

• Internalisation par les entreprises de l’effet d’une baisse des prix après détection sur le calcul du surprofit et donc sur le montant de la sanction (Harrington 2004)

2. Méthodologies d’évaluation du dommage

le calcul du surprofit et donc sur le montant de la sanction (Harrington 2004)

� Pour la méthode par comparaison avec un autre marché, plusieurs difficultés se posent:

� La situation de concurrence sur ce marché

� La similitude des marchés en termes de structure de demande, d’offre, de coûts,… et de leur réaction aux différents facteurs dont on ne peut tenir compte

� Il est cependant impossible de prendre tous les facteurs en compte. Il y a donc un risque de sur- ou sous-évaluer le surprix

49

Evaluation du dommage: ExemplesTravail temporaire (09-D-05)

� Infraction : entente en 2003 et 2004 entre trois entreprises de travail temporaire (ETT), Manpower, Adecco, Vedior

� Le marché pertinent : marché du travail temporaire en France

� Faible substituabilité vers d’autres formes de travail flexible (§145)

• Du côté de la demande des entreprises utilisatrices (EU), deux catégories de clientèle peuvent être distinguées :catégories de clientèle peuvent être distinguées :

� Segment des clients « diffus », segment des clients « grands comptes »

� But de l’entente : limiter la répercussion de la loi Fillon sur les allègements de charges patronales des EU – Eviter la compétition sur les prix

• Une EU qui souhaite employer un intérimaire au salaire brut de 1500 € sera facturé par l’ETT K *1500 €

• L’ETT verse les salaires aux intérimaires et paie les charges patronales : un allègement de ces charges revient à une réduction de coût pour l’ETT, qui pourrait réduire son prix, le coefficient K

50

� Le Conseil a écarté le segment des diffus comme situation de référence (§133)

• Il existe des différences structurelles entre les deux segments (nombre d’acteurs présents, type de concurrence) ⇒ les coefficients de vente, les marges, les volumes d’heures facturées sont très différents

• Le segment des diffus et celui des grands comptes ne réagissent pas de façon similaire aux modifications de l’environnement, notamment pendant la période 2005-2007.

Evaluation du dommage: ExemplesTravail temporaire (09-D-05)

2005-2007.

⇒ Le segment des diffus ne constitue pas une bonne situation de référence

� Le Conseil a considéré que les années 2005 et 2006 avaient été perturbées par les effets de l’entente

• Effet d’inertie: les contrats signés en 2003-2004 continuaient d’être exécutés en 2005 et 2006

⇒ Les années 2005 et 2006 ne peuvent être représentatives d’une situation concurrentielle

51

� Le coefficient multiplicateur K prend une valeur autour de 2

� Quel est l’impact sur le marché si l’entente entre ETT a conduit à une augmentation du coefficient K de 1,90 à 1,91 (soit une augmentation de 0,5% du prix) ?

� Hypothèses

• Élasticité de la demande : 0,5. Une augmentation de prix de 0.5% conduit à une réduction de 0.25% de la demande de travail intérimaire par les EU

Evaluation du dommage: ExemplesTravail temporaire (09-D-05)

• Tous les intérimaires sont rémunérés au SMIC de 2004 (1250 € brut au 1/7/2003) : hypothèse simplificatrice, qui minore le dommage

• Durée de l’infraction : 21 mois

• Marché affecté : Les clients « grands comptes » des trois ETT mises en cause (180 000 emplois ETP et 5000 M€ par an)

• Situation de référence: marché concurrentiel (2007) des grands comptes

� Surprofits globaux des 3 entreprises : 5000*0.005=25 M€/an

� 44 M€/21 mois

52

Prix du travail temporaireK * SMIC

Demande de travail temporaire des EU

Perte de surplus pour les EUSurprofit des ETT

Evaluation du dommage: ExemplesTravail temporaire (09-D-05)

53

Quantité de travail temporaire (équivalent emplois à temps plein)

1,90 * SMIC

Qcomp

1,91 * SMIC

Qent

Perte de surplus pour les EU

SMIC

Manque à gagner pour les travailleurs intérimaires

Perte sèche

� Le coefficient multiplicateur K prend une valeur autour de 2

� Quel est l’impact sur le marché si l’entente entre ETT a conduit à une augmentation du coefficient K de 1,90 à 1,91 (soit une augmentation de 0,5% du prix) ?

� Manque à gagner pour les intérimaires du fait de la baisse du recours au TT:

• Élasticité de la demande au prix = 0.5

� �de 0.5% de PTT ��de 0.25% de DTT

Evaluation du dommage: ExemplesTravail temporaire (09-D-05)

� �de 0.5% de PTT ��de 0.25% de DTT

� Pour un volume de 180 000 EETP ��de 450 emplois par an � ���� de 790 EETP /21mois

� Avec SMIC=1250€/mois, manque à gagner = 790*1250*21= 20 M€

• NB: absence de substituabilité entre TT et autre forme de travail car i/réglementation spécifique, ii/ employabilité après formation et iii/ durée/CDD

� Ces chiffres ne prennent pas en compte la baisse des recettes de cotisations sociales perçues par l’Etat causée par le moindre recours au TT!

54

� Les surprix ont été estimés en prenant l’année 2007 comme situation de référence, représentative d’un contexte concurrentiel

� Si toutes les méthodes discutées sont imparfaites, elles ont permis de montrer que les effets de l’entente étaient importants, et que le dommage se chiffrait en dizaine de millions d’euros

� Le Conseil a proposé un ordre de grandeur du dommage, en considérant une augmentation de prix de 0,5% sur les clients grands compte des ETT

Evaluation du dommage: ExemplesTravail temporaire (09-D-05)

une augmentation de prix de 0,5% sur les clients grands compte des ETT en cause

• §141: « Les éléments du dossier, notamment ceux relatifs à l’appel d’offres d’Alcan,

montrent que les coefficients sont en général ajustés, lors des négociations, à deux

chiffres après la virgule, c’est-à-dire au centième (par exemple 1,90 ou 1,91) »

• Surprofit total: 44 M€ + Manque à gagner pour les travailleurs: 20 M€

• Total des sanctions: 94,4 M€

55

Evaluation du dommage: Exemples Contreplaqués (08-D-12)

� Entente entre producteurs de contreplaqués exotiques, à base d’okoumé (de 1995 à 2004)

• Grille tarifaire commune

• Coordination des hausses tarifaires

� Valeur des ventes : entre 150 et 180 millions d’euros par an, entre 2001 et 20042001 et 2004

� Discussions concernant la substituabilité

• Avec des contreplaqués à base d’autres essences

• Avec des contreplaqués importés

56

Comparaison des évolutions de tarifs et de coûtsÉvolution des tarifs de la grille: base 100 en 1994, jusqu’à 174,5 en janvier 2004Évolution des principaux postes de coûts:

Okoumé: baisse des prix entre 1994 et 2004Salaires: augmentation de 40%Fret et transit: augmentation de 15% à 20%Autres matières premières: entre 0 et 10%

Evaluation du dommage: Exemples Contreplaqués (08-D-12)

57

Evaluation du dommage: Exemples Telefónica (Comp/38.784 – 4 juillet 2007)

� Abus de position dominante

� Marché de l’accès Internet à haut débit en Espagne

� Telefónica : opérateur historique en Espagne

• Verticalement intégré

• Amont : réseau téléphonique à lignes fixes

• Aval : offres de détail de connexion haut débit• Aval : offres de détail de connexion haut débit

� Pratique de ciseau tarifaire (« squeeze ») : • Dans la décision Deutsche Telekom, la Commission a ainsi indiqué qu’« on peut conclure à

l’existence d’un effet de ciseau abusif lorsque la différence entre les prix de détail d’une

entreprise qui domine le marché et le tarif des prestations intermédiaires pour des

prestations comparables à ses concurrents est soit négative soit insuffisante pour couvrir

les coûts spécifiques des produits de l’opérateur dominant pour la prestation de ses

propres services aux abonnés sur le marché aval. »

58

TelefónicaStructure du secteur

Telefónica

Marchés de gros - Accès aux réseaux :• Boucles locales• Accès national et régionaux

FAI concurrents(Wanadoo España,…)

Coût d’accès : Ca

59

Offres de détailde l’opérateur historique

(Wanadoo España,…)

Offres de détail Offres de détail

Consommateurs

Prix : PTelefónica

P1 P2

Coûts avals

� Un opérateur aussi efficace que Telefónica sur le marché de détail ne pouvait répliquer les offres de la branche avale de l’opérateur historique : PTelefónica – Ca < Coûts avals

� Effets d’exclusion : la compression des marges a affecté la capacitédes concurrents à entrer ou à se développer

Evaluation du dommage: Exemples Telefónica (Comp/38.784 – 4 juillet 2007)

• Telefónica a obtenu la portion la plus importante des nouveaux abonnésaux services haut débit

• Faible développement des concurrents en amont

• Les prix de détail sont parmi les plus élevés d’Europe des 15: en moyenne45 €/PPP, alors que la moyenne européenne est à 24 €/PPP

• Le taux de pénétration de l’ADSL en Espagne est inférieur à la moyenneeuropéenne

60

3. LE CALCUL DES SANCTIONS

61

� Les sanctions ont 2 objectifs:

1. Objectif de répression /dissuasion � l’amende vise à imposer un coût en l’absence même de dommage pour prévenir l’apparition de pratiques infractionnelles

2. Objectif de réparation � l’amende vise à réparer le dommage à l’économie

� Une amende dissuasive devrait tenir compte des effets espérés/attendus par l’entreprise qui met en œuvre la pratique, et pas seulement des effets réels

� Les effets n’ont peut-être pas eu lieu

3. Le calcul des sanctions

• Parce que la stratégie des entreprises mises en cause a échoué

• Parce que les barèmes d’entente n’ont pas été appliqués

• Parce que les pratiques n’ont pas encore porté leurs fruits - distinguer les effets à court terme des effets à long terme

Exemple :

• une stratégie de prédation a pour effet, dans un premier temps, de faire baisser les prix ⇒ bénéficie aux consommateurs ;

• mais dans un second temps, elle réduit la pression concurrentielle ⇒ nuit aux consommateurs.

62

� Les sanctions visent à punir les auteurs d’infractions aux règles de

concurrence et à dissuader les agents économiques de se livrer à de

telles pratiques (Cour d’appel de Paris, 9/04/2002)

� Lien entre surprofit, probabilité d’être condamné et sanction ?

• Combe & Monnier, Concurrences, 2007

• Allain, Boyer, Kotchoni & Ponssard, 2011

3. Le calcul des sanctions

• Allain, Boyer, Kotchoni & Ponssard, 2011

� Une entreprise arbitre entre :

63

Mise en œuvre d’une pratique anticoncurrentielle rapportant

un surprofit

Détection par l’AdlC et paiement d’une amende =

[Proba (détection) * Amende]

� Montant de la sanction dissuasive : application numérique

• Une entreprise arbitre entre :

- Mettre en œuvre une pratique anticoncurrentielle qui lui rapportera un supplément de profit (à court et/ou long terme), S = 1M€

- Être détectée par l’autorité de concurrence et se voir infliger une sanction avec une probabilité P= 15%

3. Le calcul des sanctions

une probabilité P= 15%

• Sanction dissuasive =? :

Sanction * Probabilité d’être condamné > Surprofit

X*0.15=1

X=1/0.15=6.67M€

� Si le surprofit attendu s’élève à 1 M€, une sanction dissuasive devrait être de l’ordre de 6,67 M€

� La sanction devrait être d’autant plus élevée que le surprofit est élevé (!) et que la probabilité de détection est faible…

64

� La base légale : le I de l’article L. 464-2 du code de commerce

� Quatre critères légaux de détermination :

• la gravité des faits reprochés

• l’importance du dommage causé à l’économie

• la situation de l’organisme ou de l’entreprise sanctionnée ou du groupeauquel elle appartient

3. Le calcul des sanctions

• l’éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre

� Le maximum légal :

• Si le contrevenant n’est pas une entreprise, le montant maximum de lasanction est de 3 millions d’euros.

• Pour une entreprise, de 10 % du chiffre d’affaires mondial hors taxesde l’entreprise ou du groupe auquel elle appartient le plus élevé réaliséau cours d’un des exercices précédant celui au cours duquel lespratiques ont été mises en œuvre.

65

• 16 mai 2011 : Publication du communiqué relatif à la méthode dedétermination des sanctions pécuniaires en cas de pratiquesanticoncurrentielles

• Objectifs du communiqué :

• Accroître la transparence et la prévisibilité quant à la méthode dedétermination des sanctions pécuniaires

3. Le calcul des sanctions

détermination des sanctions pécuniaires

• Renforcer le contradictoire

• Près de deux ans d’expérience de mise en œuvre du communiqué

• 2 décisions en 2011

• 8 décisions en 2012 ; 2 décisions sans application du communiqué

• 6 décisions en 2013

66

� La méthode générale de détermination des sanctions :

1/ Détermination des ventes pertinentes en relation avec la ou les pratiques

2/ Détermination d’un montant de base de la sanction:

• Proportion de la valeur des ventes identifiées sur la dernière année complète decommission des pratiques, comprises entre 0 et 30 %, en fonction de l’appréciationde (A) la gravité des faits et de (B) l’importance du dommage causé à l’économie…

• (C) multipliée par un coefficient pour prendre en compte la durée

3/ Individualisation de la sanction en fonction

3. Le calcul des sanctions

3/ Individualisation de la sanction en fonction

• des circonstances aggravantes ou atténuantes,

• de tout autre élément tenant à la situation individuelle de l’entreprise,

• le cas échéant, de la réitération

4/ Vérification du maximum légal

5/ Application du taux de réduction au titre de la clémence

6/ Application du taux de réfaction au titre de la NCG

7/Analyse et prise en compte des difficultés financières alléguées par les partiesau titre de leur capacité contributive.

67

1 • Détermination de la valeur des ventes (VV)

2 • Détermination du montant de base (Proportion de la VV)

3 • Individualisation de la sanction

4 • Vérification du maximum légal

La méthode générale de détermination des sanctions :

3. Le calcul des sanctions

68

4 • Vérification du maximum légal

5 • Application de la clémence

6 • Application de la NCG

7 • Appréciation des difficultés financières

8 • SANCTION FINALE

� La valeur des ventes (VV) est l’assiette de la sanction

• Point 33 du communiqué :

• « (…) La valeur de l’ensemble des catégories de produits ou de services en

relation avec l’infraction, ou s’il y a lieu avec les infractions, vendues par

l’entreprise ou l’organisme concerné durant son dernier exercice comptable de

référence de participation à celle-ci (…). La qualification de l’infraction ou des

infractions effectuées par l’Autorité, au regard de leur objet ou de leurs effets

anticoncurrentiels, détermine ces catégories de produits ou de services. »

3. Le calcul des sanctions

anticoncurrentiels, détermine ces catégories de produits ou de services. »

• Eléments constitutifs de principe :

• Un chiffre d’affaires réalisé par chacune des parties sanctionnées…

• … concernant les catégories de produits ou services en cause quicorrespondent…

• … à la qualification au fond des pratiques (objet ou effet, ampleurgéographique, etc.)

• Ventes réalisées en France

• Dernier exercice comptable complet sur la période de commission despratiques

69

� La valeur des ventes est le miroir de la qualification au fond

• Elle porte uniquement sur les produits ou services pour lesquels un objet oudes effets anticoncurrentiels sont qualifiés

• La valeur des ventes ne se limite pas aux effets réels des pratiques

• Exemple, affaire des Lessives :

• Infraction : fixation de prix (objet anticoncurrentiel) sur toutes les lessivesvendues à la grande distribution

• Valeur des ventes : ventes de toutes lessives à la grande distribution par les

3. Le calcul des sanctions

• Valeur des ventes : ventes de toutes lessives à la grande distribution par lesparties, bien que des effets réels n’aient été constatés que sur un segment deprix (haut de gamme)

• Exemple, affaire du Fret ferroviaire :

• Infraction : Ensemble de pratiques ayant pour effet, potentiel ou réel, derenforcer la position dominante de la SNCF sur le marché des prestations desservices ferroviaires par train massif

• Valeur des ventes : ventes de la SNCF en prestation de services ferroviaires partrain massif aux chargeurs

70

� Le montant de base : méthode de calcul

1/ Une proportion de la valeur des ventes (VV) :

• comprise entre 0 et 30 %

• qui reflète, sur un pied d’égalité, l’appréciation de la gravité des faits et del’importance du dommage causé à l’économie

• Gravité : 0 à 15 %

3. Le calcul des sanctions

• Importance du dommage causé à l’économie: 0 à 15 %

2/ Prise en compte de la durée:

• Multiplication de la proportion de la valeur des ventes par un coefficientproportionnel à la durée de l’infraction

3/ Le résultat

• VV x 0-30% x coef de durée = le montant de base (différent pour chaqueentreprise sanctionnée)

71

� A) La gravité des faits

• Appréciation globale de la gravité pour l’infraction

• indépendante de la participation de chaque entreprise, prise en compte austade de l’individualisation (étape 3)

• L’élément central d’appréciation de la gravité des faits

• la gravité intrinsèque des faits : la nature de l’infraction (entente

3. Le calcul des sanctions

• la gravité intrinsèque des faits : la nature de l’infraction (ententehorizontale, verticale, décision d’association d’entreprise, abus de positiondominante)

• Les autres éléments d’appréciation de la gravité des faits

• Point 26 du communiqué

72

� A) La gravité des faits

• Appréciation globale de la gravité pour l’infraction

• indépendante de la participation de chaque entreprise, prise en compte austade de l’individualisation (étape 3)

• L’élément central d’appréciation de la gravité des faits

• la gravité intrinsèque des faits : la nature de l’infraction (entente

3. Le calcul des sanctions

• la gravité intrinsèque des faits : la nature de l’infraction (ententehorizontale, verticale, décision d’association d’entreprise, abus de positiondominante)

• Les autres éléments d’appréciation de la gravité des faits

• Point 26 du communiqué

73

� A) La gravité des faits

Echelle glissante sur la gravité des pratiques (ordre de gravité décroissant):

1.

Entente secrète de fixation de prix,répartition de marché oulimitation de production: extrêmegravité (15% fixe, point 41 ducommuniqué) Abus de

position dominante:

au cas par cas

2.

Entente horizontale non secrète: très grave ou gravité indéniable

Les autres éléments d’appréciation de la gravité des faits (point 26 du communiqué)

1. Cumul d’infractions ou de pratiques

2. Existence d’un plan global qui unit les pratiques sanctionnées (décision Fret) + intentionnalité ou propos délibéré

3. Nature des activités ou des secteurs en cause (ex: activités de service public, secteur récemment ouvert à la

3. Le calcul des sanctions

74

au cas par cas

(Stratégie délibérée et automatique d’éviction de concurrents:

grave)

. très grave ou gravité indéniable

3.

Décision d’association d’entreprises (ex : diffusion d’une consigne syndicale de prix) : grave

4.

RPM : grave (moins grave qu’une entente horizontale)

5.

Autres restrictions verticales: relative gravité

6.

Simple échange d’informations: relative gravité

secteur récemment ouvert à la concurrence)

4. Nature des personnes visées (consommateurs vulnérables, produits de grande consommation)

5. Les caractéristiques objectives de l’infraction:

• Caractère secret (hardcore cartel)

• Mécanisme de surveillance, de police ou de rétorsion

• Caractère contractuel (restriction verticale)

• Détournement législatif

� B) L’importance du dommage à l’économie

• Appréciation globale indépendamment de la participation de chaque entreprise

• Analyse au cas par cas selon les faits de chaque espèce

• Le dommage à l’économie est différent du seul gain illicite ou du seul dommage subipar les consommateurs

• Appréciation principalement qualitative

• Possibilité d’utilisation d’éléments chiffrés indicatifs (effets réels) s’ils sont disponibleset constatés

3. Le calcul des sanctions

et constatés

• Quatre catégories d’éléments à apprécier (point 32 du communiqué et voirannexe de la fiche des services d’instruction)

• Ampleur de la pratique (Part de marché cumulée, couverture géographique)

• Caractéristiques objectives du secteur ou du marché en cause

• Barrières à l’entrée, consommation captive, élasticité-prix

• Conséquences conjoncturelles ou structurelles des pratiques

• Tout type d’effets, potentiels ou réels, créés par les pratiques

• Eléments quantitatifs à titre indicatif : surprix éventuels, etc.

• Impact sur l’économie en général (ex: affaire du Travail temporaire)75

� La durée

• Méthode générale de prise en compte de la durée (point 42 ducommuniqué) :

• Coefficient multiplicateur calculé sur la base du nombre d’années et de moiscomplets d’infraction :

• 1 pour la première année

• 0,5 pour les autres années complètes

• 0,5 x nombre de mois complets divisé par 12, pour l’année incomplète

3. Le calcul des sanctions

• 0,5 x nombre de mois complets divisé par 12, pour l’année incomplète

• Date de fin des pratiques pour le calcul des sanctions : envoi de la NG

• Pour les infractions d’une durée inférieure à 1 an, une alternative :

• 1/ mois complets d’infraction au titre de la valeur des ventes (si les donnéesexactes sont disponibles)

• 2/ multiplicateur égal au nombre de mois complets d’infraction divisé par 12=> affaire Farines (participation de certaines entreprises à une entente)

• Ex: Infraction de 5 mois = coef de 5/12 76

� Individualisation de la sanction

• Sont pris en compte successivement:

• Circonstances aggravantes et atténuantes et les éléments d’individualisation

3. Le calcul des sanctions

• Circonstances aggravantes et atténuantes et les éléments d’individualisation(propres à la situation individuelle de chaque entreprise)

• La puissance économique/Mono-produit/Réitération

77

� Individualisation de la sanction

• Circonstances aggravantes (point 46 du communiqué ; liste non exhaustive)

• Rôle de meneur ou d’incitateur dans une entente

• Affaire des Farines (entreprises communes Bach Mühle et France Farine) : +10 %

• Exercice d’une contrainte sur d’autres participants pour les faire participer à l’infraction

• Capacité d’influence ou autorité morale (mission service public, ordre professionnel)

3. Le calcul des sanctions

• Capacité d’influence ou autorité morale (mission service public, ordre professionnel)

• Circonstances atténuantes (point 45 du communiqué ; liste non exhaustive)

• Entreprise contrainte à participer (standard très restrictif)

• Pratique autorisée ou encouragée in concreto par les pouvoirs publics

• Affaire Manutention à la Réunion (-90 %)

78

� Individualisation de la sanction

• La taille, la puissance économique ou les ressources globales importantes d’uneentreprise sont une cause d’augmentation de la sanction au titre de ladissuasion

• Entreprise mono-produit: Pourquoi réduire la sanction d’une entreprise mono-produit ?

3. Le calcul des sanctions

produit ?

� Eviter une sanction disproportionnée

� Eviter le maximum légal

• Réitération : Augmentation de la sanction entre 15 % et 50 %, en fonction…

� du nombre de précédents constats d’infraction

� de l’ancienneté des précédents constats d’infraction

79

� Le maximum légal

• Règle de détermination du maximum légal applicable:

• Entreprise sans adossement à un groupe : 10 % de son CA HT mondial

• Entreprise appartenant à un groupe : 10 % du CA HT mondial consolidé du groupe (ycompris si la société mère n’est pas mise en cause)

3. Le calcul des sanctions

80

� Clémence et NCG

• Réduction accordée au titre de la clémence

• en fonction du type de clémence

• Type 1 : immunité (100 %)

• Type 2 : 0-50 %

3. Le calcul des sanctions

Type 2 : 0-50 %

• Pour les demandeurs de Type 2, en fonction:

• du rang d’arrivée

• de la valeur ajoutée des pièces apportées

• de la fourchette conditionnelle dans l’avis de clémence

• de leur coopération effective lors de la procédure

• Réduction accordée au titre de la NCG

• NCG sèche : 10 %

• NCG avec engagements: 15-25 %81

� Capacité contributive

• La capacité contributive : Points 62 à 66 du Communiqué

• Les entreprises ont la possibilité si elles le souhaitent de faire valoirl’existence de difficultés financières affectant leur capacité contributive :

3. Le calcul des sanctions

82

Evolution des sanctions pécuniaires depuis 2006

83

Source: Rapport annuel, Autorité de la concurrence, 2012