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- 251 - PRESENCE DU GENRE SIMOEDOSA UR US (REPTILIA, CHORISTODERA ) EN AMERIQUE DU NORD par Denise SIGOGNEAU-RUSSELL * et Donald BAIRD ** R~sum~ Le genre Simoedosaurus, dont l'individualit~ par rapport au genre Champsosaurus vient d'etre d~montr~e en Europe, existe 6galement dans le Clarkforkien d'Am6rique du Nord, comme en t6moignent quatre sp6cimens conserv6s dans les Collections de l'Universit6 de Princeton. Ce genre s'ajoute ~ la liste d6jh longue des formes communes aux deux continents au d6but de l'Eoc6ne, pour attester la facilit6 d'6change faunique de l'un ~ l'autre ~ cette 6poque. Abstract The genus Simoedosaurus, whose distinction from Champsosaurus has recently been proven in Europe, exists 9 also in the Clarkforkian of North America : four specimens in the Collections of Princeton University provide the evidence. This genus can be added to the already long list of forms common to the two continents at the beginning of the Eocene, which attests to the ease of migration from one to the other at this time. Le sous-ordre des Choristodera, cr66 par Cope en 1884 (1), avait ~t6 6tabli pour le seul genre Champsosaurus, abondant dans le Cr6tac6 et le Pal~oc~ne d'Am6rique du Nord, et retrouv~ ensuite en Europe dans le Pal6oc6ne beige et franqais. D. Sigogneau-Russell a r6cemment montr~ (2) que, darts le Pal6oc~ne de France, coexistaient en fait deux * Institut de Pal6ontologie, 8 rue de Buffon, 75005 Paris. ** Department of Geology, Princeton University, Princeton N.J. 08540. G6obios n ~ 11, fasc. 2 p. 251 - 255, 1 pl. Lyon, avril 1978

Presence du genre Simoedosaurus (Reptilia, Choristodera) en Amerique du Nord

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P R E S E N C E DU G E N R E SIMOEDOSA UR US (REPTILIA, CHORISTODERA )

EN A M E R I Q U E DU N O R D

p a r

Denise SIGOGNEAU-RUSSELL * et Donald BAIRD **

R ~ s u m ~

Le genre Simoedosaurus, dont l'individualit~ par rapport au genre Champsosaurus vient d'etre d~montr~e en Europe, existe 6galement dans le Clarkforkien d'Am6rique du Nord, comme en t6moignent quatre sp6cimens conserv6s dans les Collections de l'Universit6 de Princeton. Ce genre s'ajoute ~ la liste d6jh longue des formes communes aux deux continents au d6but de l'Eoc6ne, pour attester la facilit6 d'6change faunique de l'un ~ l'autre ~ cette 6poque.

Abstract

The genus Simoedosaurus, whose distinction from Champsosaurus has recently been proven in Europe, exists �9 also in the Clarkforkian of North America : four specimens in the Collections of Princeton University provide the evidence. This genus can be added to the already long list of forms common to the two continents at the beginning of the Eocene, which attests to the ease of migration from one to the other at this time.

Le sous-ordre des Choristodera, cr66 par Cope en 1884 (1), avait ~t6 6tabli pour le seul genre Champsosaurus, abondant dans le Cr6tac6 et le Pal~oc~ne d'Am6rique du Nord, et retrouv~ ensuite en Europe dans le Pal6oc6ne beige et franqais. D. Sigogneau-Russell a r6cemment montr~ (2) que, darts le Pal6oc~ne de France, coexistaient en fait deux

* Inst i tut de Pal6ontologie, 8 rue de Buffon, 75005 Paris. ** Depar tment o f Geology, Princeton University, Princeton N.J. 08540.

G6obios n ~ 11, fasc. 2 p. 251 - 255, 1 pl. Lyon, avril 1978

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genres, Champsosaurus au museau long et 6troit et Simoedosaurus au museau plus court et plus 6vas6, notablement diff&ents par Ieur anatomie cr~nienne et sans doute leur mode de vie (3). Or d~s 1966, D. Baird avait remarqu~ que deux 6chantillons in6dits de l'Universit6 de Princeton se distinguaient du genre Champsosaurus par la bri6vet6 du museau. L'examen de ces fossiles nous a convaincus que non seutement ils n'appartenaient pas au genre Champsosaurus, mais que leurs caract&istiques essentielles permettaient de les assimimiler h Simoedosaurus. Par ailleurs, nous avons reconnu, dans la m~me collection, deux autres individus ayant appartenu ~ ce genre. Nous examinerons bri6vement chacun d'eux - encore insuffisamment pr6par6s pour se pr6ter h une 6tude d6taill6e - et en signalerons les traits diagnosiques.

PU 19168 (pl. 1, fig. A) consiste en un cr~ne tr6s 6cras6 et fracturd, un fragment ant&ieur de dentaire et une ceinture scapulaire gauche, en provenance de Park County, Wyoming, et d'une localit6 (NE 1/4 Sec. 30, T. 57 N., R. 100 W.) qui, comme nous le verrons, se situe pros de la limite Pal6oc6ne - Eoc6ne.

Par tous ses caract6res observables, cet 6chantillon r6pond ~ la diagnose du genre Simoedosaurus (3) : la longueur du museau est inf6rieure aux 2/5 de la longueur totale estim6e du cr~ne, les vastes fosses temporales dtaient certainement situ6es l'une au-dessous de l'autre, les postorbitaire et postfrontal sont soud6s en un seul 616ment ; d'apr6s la hauteur du pari6tal et celle de la lame occipitale du squamosal, il n 'y avail pas de fenestration occipitale. Sur la face ventrale il n'existe pas d'internarial, les choanes sont situ6es au m6me niveau que chez Simoedosaurus, et les palatins ont de vastes surfaces dentig~res. Les surfaces articulaires du carr6 semblent avoir le m6me dessin que dans ce genre ; enfin la symphyse dentaire est tr~s br6ve el, en arri6re d'elle, le dentaire est pinc6 lat&alement.

En outre, on remarque une ressemblance assez frappante avec Sirnoedosaurus dans la forme &as6e du museau, l 'orientation des narines externes, dans les d4tails de constitution du parietal - avec sa haute surface destinde h l'os sym6- trique et ses concavit6s destin6es ~i la bofte cr~nienne - ,dans le relief des os observables du toit cr~inien, la forme et la longueur relative du pr6maxillaire, dans la longueur du contact entre le lacrymal et le maxillaire non sfpar6s dorso- lat&alement par le jugal, enfin dans la taille relative des dents ant6rieures du maxillaire et la forme quadrangulaire des alv~oles. I1 est probable en outre que la barre post-orbitaire 6tait en retrait par rapport au toit cr~nien, comme sur les sp6cimens fran~ais de Simoedosaurus.

Une telle similitude n'exclut cependant pas quelques particularit6s : c'est ainsi que, toutes d6formations estimdes, le museau, un peu plus court relativement que sur les quelques 6chantillons franqais disponibles, 6tait nettement plus large, 61argissement qui se prolonge dorsalement entre les orbites et dont on retrouve la trace ventralement au niveau du palatin. Enfin les dents vom6riennes d6butaient plus ant6rieurement encore que chez les formes europ6ennes. Tout n'excluant pas la possibilit6 que PU 19168 soit un individu jeune (les deux os nasaux ne sont pas mud& l'un ~ l'autre, les orbites sont relativement vastes et les pr6frontaux courts), il est vraisemblable en m6me temps qu'il construe une esp6ce diffdrente de celle repr6sent6e dans le mat&iel fran~ais par des museaux.

PU 18724 (pl. 1, fig. B) comporte un fragment 6cras6 de museau associ6 h quelques autres dfbris du crane, les deux mandibules (reconstitu6es ~ partir de minces fragments) et de nombreuses vert6bres dont les vert6bres sacr6es. Sa localit6 d'origine (NW 1/4 Sec. 26, T. 58 N, R. 101 W.) est d'un ~ige tr6s voisin de celui de la pr6c6dente localit6.

Les 616ments diagnosiques sont ici surtout ceux de la mandibule et concernent la forme du dentaire, la bri6vet6 et la profondeur de la symphyse, la constitution du surangulaire avec ses trois faces bien individualis~es, la pr6sence de pincements sur le c6t~ du dentaire et la forme quadrangulaire des alv6oles postfrieurs. Parmi les 616ments cr:~niens,les plus typiques sont le pt&ygoide dont la partie palatale post6rieure est divis6e en deux larges lames dent&s, et le palatin, lui aussi tr6s large.

Dans le d~tail on remarque en outre que la premi&e cavit~ du maxillaire ne correspond certainement pas ~t un atv6ole mais ~ une fosse destin6e ~ une dent inf&ieure, comme nous l'avons observ6 sur les nombreux maxillaires du Simoedosaure franqais, que la pattie dorsale de la symphyse mandibulaire s'6tend plus loin vers l'arri6re que sa pattie ventrale et se prolonge par une fine cr6te tout comme dans ce genre. I1 est vraisemblable qu'il y a identitd sp4cifique entre cet 6chantillon et le pr6c4dent. (*)

(*) R6cemment Baird a identifi6 un 3 e 6chantillon, PU 22235, comme repr6sentant lui aussi Simoedosaurus. 11 provient du m~me endroit que PU 18724 et comporte les d6bris d'un squelette assez juv6nile, soit plusieurs vert~bres, la eeinture pelvienne et la jambe, ainsi que quelques fragments du cr~ne.

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PU 22334 (pl. 1, fig. C) est repr~sent~ par une partie post6rieure de mandibule gauche, quelques vert~bres et fragments d'os longs assez mal conserv6s, en provenance de Bear Creek (localit6 : Mine de houille de Bob Burns, Bear Creek - Washoe area, Carbon Co., Montana), soit de niveaux clarkforkiens un peu plus r6cents que ceux qui ont fourni les ~chantiUons pr6c~dents.

Cette partie post~rieure de mandibule, beaucoup plus grosse que ceUes de PU 19168 et 18724, est au premier coup d'oeil distinguable de celle de Champsosaurus et attribuable h Simoedosaurus par sa robustesse, la forme de l'arti- culataire, aux cavit~s profondes qui n6nagent entre elles un angle marqu~ et au "manche" affleurant darts la fosse de Meckel, enfin par la constitution du surangulaire aux trois faces bien distinctes.

En outre les d~tails observ6s sur les articulaires du Simoedosaure franqais se retrouvent ici : presence de sillons ant6rieur et post6rieur, d 'un processus r6tro-articulaire, 16ger d~bordement de l'os au-delh du surangulaire, en vue ventrale ; enfin ce surangulaire pr~sente un relief caract6ristique.

Le processus pt6rygoitle de l'articulaire est peu d6velopp6, mais ce caract6re est variable sur les ~chantillons franqais ; par contre, nous n'avons jamais observe, sur les nombreux os que nous avons eu l'occasion d'examiner, une large d6pression transversale en arri~re de la cavit~ articulaire. LYtude des quelques 61~ments post-cr~niens permettra peut-~tre de dire s'il s'agit d'une esp~ce exclusivement nord-am6ricaine.

Enfin PU 22199 (m6me localit~ que PU 22234) consiste en une partie post~rieure de mandibule droite tr~s aplatie lat6ro-m6sialement et dont l'articulaire, tr~s 6cras~, est pratiquement inexistant. A peine moins grosse que la pr~c6dente, elle provient elle aussi de Burns Mine. C'est ici la forme suran~laire, avec trois faces distinctes, et son relief, qui nous laissent supposer que nous avons affaire ~ un Simoedosaure. La situation des stries d'insertion du coronoii:le plaide 6galement en faveur de cette interpr6tation. I1 y a m6me tout lieu de penser que cet ~chantillon appartenait au m~me individu que le pr6c6dent.

L'fige des Simoedosaures am6ricains peut ~tre d6termin6 d'apr6s la distribution biostratigrapbique des mammi- f6res, et plus pr6cisement des Primates (4). En effet les trois ~chantillons de Park County, Wyoming, proviennent d'une zone faunique caract6ris6e par la pr6sence des Primates Plesiadapsis simonsi et fodinatus, mais situ6e au dessus du niveau de Princeton Quarry, c'est - h - dire entre la zone h Plesiadapis simonsi et la zone ~ P. cookei (d'apr6s D.C. Parris, commu- nication personnelle, 1975). Or cette zone ~ Plesiadapsis simonsi est attribu6e par les auteurs les plus r6cents [(4) (5) et (6)] fi la fin du Tiffanien (Pal6oc6ne terminal), celle de P. cookei au d6but du Clarkforkien (base de l'Eoc~ne (* ) ) ; et le niveau qui a fourni les Simoedosaures est si proche de la limite entre les deux 6tages qu 'on peut l'affecter alternative- ment fi Fun ou l'autre.

Quant aux 6chantillons de Bear Creek, Montana, ils appartiennent 6videmment au Clarkforkien.

Quoi qu'il en soit, la distribution actuellement connue des Simoedosaures am6ricains est donc limit6e ~ une br6ve p6riode situ6e au tout d~but de l'Eoc6ne, soit ~ une 6poque 16gbrement plus r6cente que celle off ce genre florissait en Europe. Tout se passe comme si les conditions qui leur avaient 6t6 si favorables en Europe durant le Pal6oc~ne s'6taient alt6r6es, et qu'ils avaient profit6, comme par exemple les Meniscotherium (Condylarthres), des nouvelles conditions d'6change faunique pr6valant au d~but de l'Eoc~ne pour aller, comme les M~niscoth~res, perpdtuer sur le continent am~ricain et pendant quelques temps encore, la lign6e qui s'6teignait en Europe.

(*) Nous admettons ici que le Clarkforkien correspond h la base de l'Eoc~ne, point de vue qui n'est pas universellement adoptt~ par les mammalogistes, mais qui s'impose de plus en plus aux chercheurs qui ~.tudient les faunes de la transition Paldoc~ne - Eoc6ne.

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R 6 f ~ r e n c e s b i b l i o g r a p h i q u e s

(1)COPE E.D. - Amer. Naturalist., XVIII, 1884, p. 815 - 817. (2) SIGOGNEAU-RUSSEL D. - C.R. Acad. so., Paris, 281 - D, 1975, p. 1219 - 1221. (3) SIGOGNEAU - RUSSELs & RUSSEL D. - Ann. Pal6ont., 64, (sous presse). (4) GINGERICH P.D. - Univ. Michigan Contrib. Mus. Paleont., Ann Arbor, 24, 1975, p. 135 - 148. (5) GINGERICH P.D. - Univ. Michigan Mus. Paleont., Ann Arbor, Pap. on Paleont., 15, 1976, 141 p. (6) ROSE K.D. - J . Paleont., Tulsa, 51, 1977, p. 536 - 542.

P L A N C H E 1

A - Vue dorsale du crfine PU 19168. B - V u e v e n t r a l e du museau et de la mandibule PU 18724. C - Vue dorsale de la partie post6rieure de la mandibule gauche PU 22234.

DE, dentaire ; FR, frontal ; JU, jugal ; LA, lacrymal ; MX, maxillaire ; NA, nasal ; PA, parietal ; PAL, palatin; PMX, pr6maxillaire ; PRF, pr6frontal ; POBF, postorbitofrontal ; QJ, quadratojugal ; S, symphyse mandibulaire; SQ, squamosal.

a, alv6ole ; p, pincement du dentaire. Photos de l'Universit~ de Princeton.

A - Dorsal view of skull PU 19168. B - Ventral view of the snout and the lower jaw PU 18724. C - Dorsal view of the posterior part of the left lower jaw PU 22234.

DE, dentary; FR, frontal; JU, jugal; LA, lacrymal; MX, maxillary; NA, nasal; PA, parietal; PAL, palatine;PMX, premaxillary; PRF, prefrontal; POBF, postorbitofrontal; QJ, quadratojugal; S, mandibular symphysis ; SQ, squamosal.

a, alveolus; p, lateral pinching of the dentary. Photos Princeton University.

G~obios N ~ 11 -fasc. 2

PI. 1 D. Sigogneau-RusseU et D. Baird

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