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C’est ce vendredi que s’est ouvert au tribunal de Pontoise (Val d’Oise) le procès de Franck Viallet, policier de la BAC (Brigade anti-criminalité) âgé de 35 ans, accusé d’« homicide involon- taire ». Franck Viallet, c’est ce policier qui, le soir du 25 novembre 2007, en com- pagnie de trois collègues, était au vo- lant du véhicule de police qui a percuté la mini-moto – non conforme pour cir- culer sur route, dépourvue de freins et d’éclairage, et circulant à une vitesse supérieure à la limite autorisée – sur laquelle étaient montés Moushin et La- kamy. Deux « jeunes » adolescents doublement en infraction, qui ne por- taient pas de casque et qui n’avaient pas respecté une priorité à droite. D’où une collision mortelle pour les deux « jeunes » avec la voiture de police conduite par Franck Viallet. Un accident qui avait embrasé Vil- liers-le-Bel pendant trois jours. Trois jours d’émeutes et de face à face entre « jeunes » et forces de l’ordre. Une flambée de violences au cours de la- quelle une centaine de policiers avaient été pris pour cible et blessés par des tirs à balles réelles. Tout un quartier à feu et à sang. Un quartier en état de… guerre. Une guérilla au cours de laquelle un commissaire avait éga- lement été passé à tabac par des « jeunes » d’une sauvagerie extrême avec lesquels il tentait de parlementer. Une curée. En réponse à ces nuits rouge de Vil- liers-le-Bel, à l’issue d’une vaste opé- ration de police le 18 février 2008, 27 personnes avaient été mises en exa- men. En octobre 2011, trois « jeunes » avaient été condamnés en appel à des peines de 3 à 15 ans de réclusion pour avoir ouvert le feu sur les forces de l’ordre. Deux d’entre eux avaient été acquittés… Des peines de prison de un à trois ans ferme avaient également étaient prononcées en première instan- ce, en juillet 2009, contre dix « jeunes » accusés de jets de projec- tiles sur la police. Deux d’entre eux ont eu leur peine allégée en appel. Près de cinq ans après le drame, c’est aujourd’hui la peau d’un flic qui est mise dans la balance. Alors que les premiers éléments d’enquête, rassemblés par le parquet de Pontoise et la « police des polices », avaient écarté la responsabilité des po- liciers dans la mort des deux « jeunes » et que le juge d’instruction Magalie Tabareau avait conclu, le 23 octobre 2009, à l’absence de responsabilité des policiers impliqués dans l’accident, en ordonnant un non-lieu le 7 avril 2010 la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles avait donné rai- son à l’avocat des familles, Jean-Pierre Mignard (qui avait fait appel), en infir- mant le non-lieu et en ordonnant un supplément d’information. Six mois plus tard, Franck Viallet a finalement été mis en examen puis renvoyé de- vant le tribunal correctionnel de Pon- toise en septembre 2011, pour « homi- cide involontaire ». Et c’est lui, aujourd’hui, qui est livré en pâture et « mis à mort ». D’autant plus qu’il aurait fait un… « faux té- moignage ». Selon un rapport d’expertise, Franck Viallet aurait roulé trop vite : 64 km/h au lieu des 50 km/h autorisés en ville, sans gyrophare ni avertisseur. La belle affaire ! Certes, la collision mortelle est un drame. Reste que les deux « jeunes » inconscients, eux, étaient hors-la-loi sur toute la ligne (mini-moto non homologuée pour cir- culer sur la voie publique, pas de freins, pas d’éclairage, non respect de priorité à droite, pas de casques…). Qu’importe ! C’est le policier qui trinque et qui doit payer les pots cas- sés. Il risque une peine de trois ans de prison et 45 000 euros d’amende. On aurait aimé qu’il y ait eu autant de sé- vérité pour les émeutiers, casseurs et tueurs potentiels de flics qui n’ont au- cune excuse. Mais ça, c’est une autre histoire… PIERRE MALPOUGE Encore une zone de non-droit en France. Aujourd’hui en alerte maximum. La région de Maripasoula en Guyane française, c’est ça. Du vert à la place du gris. Des moustiques géants à la place des rappeurs. Des bandes criminelles prêtes à tout pour protéger leur « business ». La jungle et la guerre autour d’un tra- fic encore plus juteux que la blanche : le métal jaune. La guerre de l’or que livrent les orpailleurs clandestins aux forces françaises vient de connaître son épisode le plus sanglant. Deux mili- taires ont été tués et deux gen- darmes grièvement blessés par balles dans une embuscade organi- sée par les bandes de chercheurs d’or clandestins. Le caporal-chef Sébastien Pissot, 32 ans, qui laisse une compagne et un enfant. Et l’ad- judant Stéphane Moralia, 28 ans. Les deux gendarmes blessés par balles sont hospitalisés à Cayenne. L’un est touché à l’abdomen, l’autre à un bras. Jeudi en fin de matinée, François Hollande a fait part de sa « vive émotion », « condamné vigoureuse- ment cette attaque contre des re- présentants des forces de l’ordre » et s’est « engagé à ce que tous les moyens soient mis en œuvre afin de retrouver les auteurs de ces crimes ». Autant rien dire du tout que dire ça. De Cayenne à Collo- brières, de Sartrouville à Marseille, le même discours mécanique et sans âme. Sans que rien ne change ja- mais. Les deux « marsouins », affectés au 9e régiment d’infanterie de ma- rine (Rima), ont été pris sous un tir nourri mercredi alors qu’ils pa- trouillaient dans le cadre de l’opé- ration « Harpie » au cœur de la fo- rêt amazonienne, à douze heures de pirogue de la commune de Maripa- soula. Les deux gendarmes du Groupe des pelotons d’intervention (GPI) ont été grièvement blessés au cours de ce que le procureur de Cayenne a désigné comme une « embuscade organisée, marquant la volonté d’en découdre avec les forces armées. » La fusillade a éclaté lorsque la colonne française, formée d’une quarantaine d’hommes surentraî- nés, s’est approchée de Dorlin, un des sites aurifères les plus produc- tifs et les plus convoités de la ré- gion. Sur des dizaines d’hectares tapissés d’une épaisse voûte végéta- le, une multitude de mini-chantiers d’extraction tournent de façon anarchique. Des bandes criminelles s’entretuent pour contrôler la zone. « N’hésitant pas à tuer pour des histoires de prostituées, de dettes ou encore d’alcool, les caïds locaux règlent en général leurs comptes à coups de fusil de chasse de calibre 12 ou d’armes de poing 38 mm », précise un officier spécialisé. « De- puis un an, ils se sont dotés de fusils d’assaut de type AK47 ou M16 ». Des armes de guerre. Maintenant, ils s’en servent. Quelques heures avant le traque- nard contre les forces françaises, un hélicoptère EC-145 de la gendar- merie avait essuyé des tirs. En guise de premier avertissement. « C’est comme si quelqu’un avait vidé le chargeur de son pistolet sur l’héli- coptère », a rapporté un témoin. Touché par sept impacts, l’hélico, dans lequel un des occupants a été blessé, est parvenu à se poser avec un moteur en moins. Les 3 000 militaires et gendarmes déployés sur zone opèrent en milieu très hostile. Les chantiers illicites ne sont accessibles que par hélico- ptère ou par pirogue. Dans la jungle peuplée de fauves et de rep- tiles venimeux, baignée dans une température ambiante de 35 degrés et un taux d’humidité qui frise les 90 %, les patrouilles ne parcourent Antilles-Réunion 2 • Tahiti - Nouvelle Calédonie 290 FP NUMÉRO 7633 SAMEDI 30 JUIN 2012 2,30 www.present.fr Accident mortel de Villiers-le-Bel Cinq ans après les faits, un policier à la barre Nombre d’entre vous m’ont de- mandé ce qu’il fallait penser de l’exposition sur l’Algérie française au musée de l’Armée aux Invalides. En un mot : à éviter. Pour vous en donner l’esprit, qu’il me soit sim- plement permis de dire que Libéra- tion chante le los de cette exposition à quoi le journal gauchiste a consa- cré deux pages : « France-Algérie. L’armée passe au crible l’histoire de cette ex-colonie. Sans conces- sion. » Le directeur du musée de l’Armée – oui : le musée de l’Armée, pas ce- lui des gloires fellouzes en principe – le général Christian Baptiste, ose plastronner : « Nous avons été col- lectivement audacieux et coura- geux. » Tu l’as dit, bouffi… Et tu as bien mérité de Libération : « Tout y est : la conquête de l’Algérie au XIXe siècle dans une extrême vio- lence, la spoliation des terres indi- gènes en faveur des colons, les mas- sacres de civils commis par les fella- ghas dans les années cinquante [alors qu’ils en ont commis infini- ment plus dans les années soixan- te…], les opérations “de pacifica- tion” de l’armée française, la “pro- pagande militaire” (désignée com- me telle dans l’exposition) diffusé à la télévision, la terrible (sic) nuit du 17 octobre 1961 à Paris, le putsch des généraux, l’OAS et l’abandon tragique des harkis… Et, bien sûr, la torture. Les responsables de l’exposition ont, nous dit-on, « pris soin d’asso- cier des historiens à la conception de l’exposition et de leur donner la parole ». Le brav’ général Baptiste (l’expression « Heureux comme Baptiste » semble avoir été créée pour lui) explique que certains ont hésité (1) : « Il y avait sans doute chez eux la crainte qu’on tombe dans le cliché du gentil para et du méchant fellagha. » Ils ont été ras- surés : on est tombé honteusement dans le contraire : les gentils fella- ghas et les méchants paras. Citons encore Libération qui en pince pour ce musée de l’Armée dont l’expo aurait aussi bien pu se tenir à Alger : « On y voit à quel point la barbarie à l’œuvre [la bar- barie des Français, faut-il le préci- ser…] lors de la conquête de l’Algé- rie par les troupes françaises préfi- gure la violence des fellaghas et, sy- métriquement (sic) celles des sol- dats de l’armée tricolore à partir du milieu des années cinquante. » Les massacres de masse commis par les fellaghas – contre des Euro- péens et des musulmans – dépassent l’imagination. C’est contre cette horreur que l’armée française est intervenue. Jusqu’à un certain point. Car nous n’oublions pas – nous n’avons rien oublié, nous n’avons pas pardonné – que les ga- mellards gaullards de cette même armée ont fait tirer sur des pieds- noirs désarmés et qu’elle est restée l’arme au pied quand, à Oran, les fellouzes ont assassiné et enlevé des centaines de personnes. Et encore quand, sous ses yeux, les harkis ont été égorgés, ébouillantés, éviscérés. Sur le livre d’or du musée, un vi- siteur à écrit : « Même au musée de l’Armée, on continue à cracher sur l’armée. » ALAIN SANDERS (1) Dont le pied-rouge Jacques Fer- randez qui craignait d’être « utilisé dans le cadre d’un éloge de la période coloniale ». Pauvre petite chose… suite page 3 CAROLINE PARMENTIER Quand le musée de l’Armée crache sur l’armée ! Dans notre supplément littéraire Berthe Morisot Femme et impressionniste Robert Sabatier, un goût d’enfance Robert Sabatier est décédé jeudi à l’âge de 88 ans. Après Thierry Ro- land le week-end dernier, les « Grosses Têtes » perdent encore un de leurs anciens sociétaires. Et l’Aca- démie Goncourt, donc ! L’écrivain en était un membre apprécié, depuis son élection en 1971, et le doyen. Né le 17 août 1923, enfant de Montmartre, Robert Sabatier restera pour tous l’auteur d’une trilogie « d’enfance » : Les Allumettes sué- doises, Trois sucettes à la menthe, Les Noisettes sauvages, romans parus chez Albin Michel entre 1969 et 1974 et grand succès de librairie. Ces aventures d’Olivier, un orphelin –Sabatier le fut à 12 ans – seront prolongées par cinq autres volumes, le dernier paru en 2007 (Les Trom- pettes guerrières), sans connaître la même réussite auprès des lecteurs. Sabatier était aussi membre de l’Académie Mallarmé, il fut après guerre le créateur de La Cassette, re- vue de poésie où collaborèrent Eluard, René Guy Cadou, puis l’au- teur d’une impressionnante Histoire de la poésie française en neuf vo- lumes, parus entre 1975 et 1988. Il connaissait des milliers de vers par cœur, mais les siens ne sont guère parvenus jusqu’au public, l’époque ne s’y prête pas. Il aimait ces plaisirs que sont les mots – bons mots, aphorismes –, la rime – et le vin : « Il faut s’efforcer d’être jeune comme un beaujolais et de vieillir comme un bourgogne. » MARTIN SCHWA La Guyane en alerte maximum C’est du territoire national qu’il s’agit

Présent (quotidien) n° 7633

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NUMÉRO 7633 - SAMEDI 30 JUIN 2012 - 2,30 €La Guyane en alerte maximumAccident mortel de Villiers-le-Bel : Cinq ans après les faits,un policier à la barreRobert Sabatier, un goût d’enfanceQuand le musée de l’Armée crache sur l’armée !Berthe Morisot : Femme et impressionnistehttp://present.fr

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Page 1: Présent (quotidien) n° 7633

C’est ce vendredi que s’est ouvertau tribunal de Pontoise (Val d’Oise) leprocès de Franck Viallet, policier de laBAC (Brigade anti-criminalité) âgé de35 ans, accusé d’« homicide involon-taire ».Franck Viallet, c’est ce policier qui,

le soir du 25 novembre 2007, en com-pagnie de trois collègues, était au vo-lant du véhicule de police qui a percutéla mini-moto – non conforme pour cir-culer sur route, dépourvue de freins etd’éclairage, et circulant à une vitessesupérieure à la limite autorisée – surlaquelle étaient montés Moushin et La-kamy. Deux « jeunes » adolescentsdoublement en infraction, qui ne por-taient pas de casque et qui n’avaientpas respecté une priorité à droite. D’oùune collision mortelle pour les deux« jeunes » avec la voiture de policeconduite par Franck Viallet.Un accident qui avait embrasé Vil-

liers-le-Bel pendant trois jours. Troisjours d’émeutes et de face à face entre« jeunes » et forces de l’ordre. Uneflambée de violences au cours de la-quelle une centaine de policiersavaient été pris pour cible et blesséspar des tirs à balles réelles. Tout unquartier à feu et à sang. Un quartier enétat de… guerre. Une guérilla au coursde laquelle un commissaire avait éga-lement été passé à tabac par des« jeunes » d’une sauvagerie extrêmeavec lesquels il tentait de parlementer.Une curée.En réponse à ces nuits rouge de Vil-

liers-le-Bel, à l’issue d’une vaste opé-ration de police le 18 février 2008, 27personnes avaient été mises en exa-men. En octobre 2011, trois « jeunes »avaient été condamnés en appel à despeines de 3 à 15 ans de réclusion pouravoir ouvert le feu sur les forces del’ordre. Deux d’entre eux avaient étéacquittés… Des peines de prison de unà trois ans ferme avaient égalementétaient prononcées en première instan-ce, en juillet 2009, contre dix« jeunes » accusés de jets de projec-tiles sur la police. Deux d’entre eux

ont eu leur peine allégée en appel.Près de cinq ans après le drame,

c’est aujourd’hui la peau d’un flic quiest mise dans la balance.Alors que les premiers éléments

d’enquête, rassemblés par le parquetde Pontoise et la « police des polices »,avaient écarté la responsabilité des po-liciers dans la mort des deux « jeunes »et que le juge d’instruction MagalieTabareau avait conclu, le 23 octobre2009, à l’absence de responsabilité despoliciers impliqués dans l’accident, enordonnant un non-lieu le 7 avril 2010la chambre de l’instruction de la courd’appel de Versailles avait donné rai-son à l’avocat des familles, Jean-PierreMignard (qui avait fait appel), en infir-mant le non-lieu et en ordonnant unsupplément d’information. Six moisplus tard, Franck Viallet a finalementété mis en examen puis renvoyé de-vant le tribunal correctionnel de Pon-toise en septembre 2011, pour « homi-cide involontaire ».Et c’est lui, aujourd’hui, qui est livré

en pâture et « mis à mort ». D’autantplus qu’il aurait fait un… « faux té-moignage ».

Selon un rapport d’expertise,Franck Viallet aurait roulé trop vite :64 km/h au lieu des 50 km/h autorisésen ville, sans gyrophare ni avertisseur.La belle affaire ! Certes, la collisionmortelle est un drame. Reste que lesdeux « jeunes » inconscients, eux,étaient hors-la-loi sur toute la ligne(mini-moto non homologuée pour cir-culer sur la voie publique, pas defreins, pas d’éclairage, non respect depriorité à droite, pas de casques…).Qu’importe ! C’est le policier quitrinque et qui doit payer les pots cas-sés. Il risque une peine de trois ans deprison et 45 000 euros d’amende. Onaurait aimé qu’il y ait eu autant de sé-vérité pour les émeutiers, casseurs ettueurs potentiels de flics qui n’ont au-cune excuse. Mais ça, c’est une autrehistoire…

PIERRE MALPOUGE

Encore une zone de non-droit enFrance. Aujourd’hui en alertemaximum.

La région de Maripasoula enGuyane française, c’est ça. Du vertà la place du gris. Des moustiquesgéants à la place des rappeurs. Desbandes criminelles prêtes à toutpour protéger leur « business ». Lajungle et la guerre autour d’un tra-fic encore plus juteux que lablanche : le métal jaune.

La guerre de l’or que livrent lesorpailleurs clandestins aux forcesfrançaises vient de connaître sonépisode le plus sanglant. Deux mili-taires ont été tués et deux gen-darmes grièvement blessés parballes dans une embuscade organi-sée par les bandes de chercheursd’or clandestins. Le caporal-chefSébastien Pissot, 32 ans, qui laisseune compagne et un enfant. Et l’ad-judant Stéphane Moralia, 28 ans.Les deux gendarmes blessés parballes sont hospitalisés à Cayenne.L’un est touché à l’abdomen,l’autre à un bras.

Jeudi en fin de matinée, FrançoisHollande a fait part de sa « viveémotion », « condamné vigoureuse-ment cette attaque contre des re-présentants des forces de l’ordre »et s’est « engagé à ce que tous lesmoyens soient mis en œuvre afin deretrouver les auteurs de cescrimes ». Autant rien dire du toutque dire ça. De Cayenne à Collo-

brières, de Sartrouville à Marseille,le même discours mécanique et sansâme. Sans que rien ne change ja-mais.

Les deux « marsouins », affectésau 9e régiment d’infanterie de ma-rine (Rima), ont été pris sous un tirnourri mercredi alors qu’ils pa-trouillaient dans le cadre de l’opé-ration « Harpie » au cœur de la fo-rêt amazonienne, à douze heures depirogue de la commune de Maripa-soula. Les deux gendarmes duGroupe des pelotons d’intervention(GPI) ont été grièvement blessés aucours de ce que le procureur deCayenne a désigné comme une« embuscade organisée, marquantla volonté d’en découdre avec lesforces armées. »

La fusillade a éclaté lorsque lacolonne française, formée d’unequarantaine d’hommes surentraî-nés, s’est approchée de Dorlin, undes sites aurifères les plus produc-tifs et les plus convoités de la ré-gion. Sur des dizaines d’hectarestapissés d’une épaisse voûte végéta-le, une multitude de mini-chantiersd’extraction tournent de façonanarchique. Des bandes criminelless’entretuent pour contrôler la zone.

« N’hésitant pas à tuer pour deshistoires de prostituées, de dettes

ou encore d’alcool, les caïds locauxrèglent en général leurs comptes àcoups de fusil de chasse de calibre12 ou d’armes de poing 38 mm »,précise un officier spécialisé. « De-puis un an, ils se sont dotés de fusilsd’assaut de type AK47 ou M16 ».Des armes de guerre. Maintenant,ils s’en servent.

Quelques heures avant le traque-nard contre les forces françaises,un hélicoptère EC-145 de la gendar-merie avait essuyé des tirs. En guisede premier avertissement. « C’estcomme si quelqu’un avait vidé lechargeur de son pistolet sur l’héli-coptère », a rapporté un témoin.Touché par sept impacts, l’hélico,dans lequel un des occupants a étéblessé, est parvenu à se poser avecun moteur en moins.

Les 3 000 militaires et gendarmesdéployés sur zone opèrent en milieutrès hostile. Les chantiers illicitesne sont accessibles que par hélico-ptère ou par pirogue. Dans lajungle peuplée de fauves et de rep-tiles venimeux, baignée dans unetempérature ambiante de 35 degréset un taux d’humidité qui frise les90 %, les patrouilles ne parcourent

Antilles-Réunion 2 € • Tahiti - Nouvelle Calédonie 290 FP

NUMÉRO 7633 SAMEDI 30 JUIN 2012 2,30 €

www.present.fr

Accident mortel de Villiers-le-Bel

Cinq ans après les faits,un policier à la barre

Nombre d’entre vous m’ont de-mandé ce qu’il fallait penser del’exposition sur l’Algérie françaiseau musée de l’Armée aux Invalides.En un mot : à éviter. Pour vous endonner l’esprit, qu’il me soit sim-plement permis de dire que Libéra-tion chante le los de cette expositionà quoi le journal gauchiste a consa-cré deux pages : « France-Algérie.L’armée passe au crible l’histoirede cette ex-colonie. Sans conces-sion. »

Le directeur du musée de l’Armée– oui : le musée de l’Armée, pas ce-lui des gloires fellouzes en principe– le général Christian Baptiste, oseplastronner : « Nous avons été col-lectivement audacieux et coura-geux. » Tu l’as dit, bouffi… Et tu asbien mérité de Libération : « Tout yest : la conquête de l’Algérie auXIXe siècle dans une extrême vio-

lence, la spoliation des terres indi-gènes en faveur des colons, les mas-sacres de civils commis par les fella-ghas dans les années cinquante[alors qu’ils en ont commis infini-ment plus dans les années soixan-te…], les opérations “de pacifica-tion” de l’armée française, la “pro-pagande militaire” (désignée com-me telle dans l’exposition) diffusé àla télévision, la terrible (sic) nuit du17 octobre 1961 à Paris, le putschdes généraux, l’OAS et l’abandontragique des harkis… Et, bien sûr,la torture.

Les responsables de l’expositionont, nous dit-on, « pris soin d’asso-cier des historiens à la conceptionde l’exposition et de leur donner laparole ». Le brav’ général Baptiste(l’expression « Heureux commeBaptiste » semble avoir été crééepour lui) explique que certains ont

hésité (1) : « Il y avait sans doutechez eux la crainte qu’on tombedans le cliché du gentil para et duméchant fellagha. » Ils ont été ras-surés : on est tombé honteusementdans le contraire : les gentils fella-ghas et les méchants paras.

Citons encore Libération qui enpince pour ce musée de l’Arméedont l’expo aurait aussi bien pu setenir à Alger : « On y voit à quelpoint la barbarie à l’œuvre [la bar-barie des Français, faut-il le préci-ser…] lors de la conquête de l’Algé-rie par les troupes françaises préfi-gure la violence des fellaghas et, sy-métriquement (sic) celles des sol-dats de l’armée tricolore à partir dumilieu des années cinquante. »

Les massacres de masse commispar les fellaghas – contre des Euro-péens et des musulmans – dépassentl’imagination. C’est contre cette

horreur que l’armée française estintervenue. Jusqu’à un certainpoint. Car nous n’oublions pas –nous n’avons rien oublié, nousn’avons pas pardonné – que les ga-mellards gaullards de cette mêmearmée ont fait tirer sur des pieds-noirs désarmés et qu’elle est restéel’arme au pied quand, à Oran, lesfellouzes ont assassiné et enlevé descentaines de personnes. Et encorequand, sous ses yeux, les harkis ontété égorgés, ébouillantés, éviscérés.

Sur le livre d’or du musée, un vi-siteur à écrit : « Même au musée del’Armée, on continue à cracher surl’armée. »

ALAIN SANDERS

(1) Dont le pied-rouge Jacques Fer-randez qui craignait d’être « utilisédans le cadre d’un éloge de la périodecoloniale ». Pauvre petite chose…

suite page 3

CAROLINE PARMENTIER

Quand le musée de l’Armée crache sur l’armée !

Dans notre supplément littéraire

Berthe MorisotFemme

et impressionniste

Robert Sabatier,un goût d’enfanceRobert Sabatier est décédé jeudi à

l’âge de 88 ans. Après Thierry Ro-land le week-end dernier, les« Grosses Têtes » perdent encore unde leurs anciens sociétaires. Et l’Aca-démie Goncourt, donc ! L’écrivainen était un membre apprécié, depuisson élection en 1971, et le doyen.Né le 17 août 1923, enfant de

Montmartre, Robert Sabatier resterapour tous l’auteur d’une trilogie« d’enfance » : Les Allumettes sué-doises, Trois sucettes à la menthe, LesNoisettes sauvages, romans paruschez Albin Michel entre 1969 et1974 et grand succès de librairie.Ces aventures d’Olivier, un orphelin–Sabatier le fut à 12 ans – serontprolongées par cinq autres volumes,le dernier paru en 2007 (Les Trom-pettes guerrières), sans connaître lamême réussite auprès des lecteurs.Sabatier était aussi membre de

l’Académie Mallarmé, il fut aprèsguerre le créateur de La Cassette, re-vue de poésie où collaborèrentEluard, René Guy Cadou, puis l’au-teur d’une impressionnante Histoirede la poésie française en neuf vo-lumes, parus entre 1975 et 1988. Ilconnaissait des milliers de vers parcœur, mais les siens ne sont guèreparvenus jusqu’au public, l’époquene s’y prête pas. Il aimait ces plaisirsque sont les mots – bons mots,aphorismes –, la rime – et le vin : « Ilfaut s’efforcer d’être jeune commeun beaujolais et de vieillir commeun bourgogne. »

MARTIN SCHWA

La Guyane en alerte maximumC’est du territoire national qu’il s’agit

Page 2: Présent (quotidien) n° 7633

Titan, la plus grosse lune de Sa-turne, abriterait un vaste océand’eau avec peut-être des poches deméthane, sous son épaisse surfaceglacée, selon des mesures effec-tuées par la sonde Cassini lors deplusieurs survols, indique une re-cherche parue jeudi dans la revueaméricaine Science.

Titan parcourt l’orbite de Satur-ne en seulement 16 jours et lesscientifiques ont pu étudier et me-surer la forme de la lune à diffé-rents moments de l’orbite.

Puisque Titan n’est pas sphé-rique mais légèrement ovale, sonaxe s’allonge quand il s’approchede Saturne et se contracte quand ils’en éloigne pour devenir presquerond. Ces variations s’expliquent

par l’effet de la gravité de Saturneet laissent penser que l’intérieur deTitan contient un océan enterrésous la surface de glace.

Si l’intérieur de cette lune étaitconstitué de roches et de glace, detelles déformations de Titan ne seproduiraient pas, expliquent lesauteurs de cette étude. Ces scienti-fiques ont pu aussi déterminer queTitan avait de grandes marées à sasurface de glace, preuve encoreque de l’eau se trouve à l’intérieur.

« L’implication de ces impor-tantes marées, c’est qu’il y a unecouche à l’intérieur de Titan, trèsprobablement de l’eau, capable dedistordre la surface de plus de dixmètres », explique Luciano Iess del’Université La Sapienza à Rome,le principal auteur de cette étude.Si cette lune était entièrement rigi-de, les marées sous l’effet de la for-ce de gravitation de Saturne ne dé-passeraient pas un mètre, selon lui.

Les marées sur Titan ont été dé-couvertes en traquant minutieuse-ment le cheminement de Cassinilors de six survols rapprochés de

cette lune entre 2006 et 2011. Cesmesures viennent aussi conforterdes hypothèses des scientifiquesqui supputaient déjà la possibleprésence d’un vaste océan sous lacouche de glace de surface. Ils sebasaient alors sur des modèles ma-thématiques et des mesures duchamp électromagnétique effec-tuées par la sonde européenneHuygens lors de sa descente vers lesol de Titan en 2005.

« La quête de l’eau est un objectifimportant de l’exploration du sys-tème solaire et maintenant nousavons détecté un nouvel endroit oùelle est abondante », se félicite Lu-ciano Iess. L’eau est considéréecomme nécessaire au développe-ment de la vie microbienne mais pas

suffisante. (La présence de vastesquantités d’eau est aussi soupçon-née à l’intérieur de Enceladus, uneautre lune de Saturne, ainsi quedans Europe, une lune de Jupiter.)

« Bien que nos mesures ne disentrien quant à la profondeur del’océan sous la surface de Titan,nos modèles mathématiques mon-trent qu’il pourrait descendre 250km sous la surface de glace dontl’épaisseur pourrait atteindre 50km », précisent les auteurs del’étude. Vertigineux !

La mission Cassini-Huygens est lefruit d’une coopération entre laNASA, l’Agence spatiale européen-ne (ESA) et l’agence spatiale ita-lienne. Le Jet Propulsion Laborato-ry de la NASA dirige la mission.

F.F.

Marine Le Pen a estimé que lagauche et la droite mènent dans ledomaine de l’immigration « exacte-ment » la même politique, au lende-main des déclarations du ministre del’Intérieur Manuel Valls sur ce sujet(Présent d’hier) :« 30 000 régularisations de clan-

destins par an, c’est ce que faisaitle gouvernement Sarkozy, 200 000entrées (d’étrangers) par an, c’estce que fera le gouvernement socia-liste, c’est ce que faisait le gouver-nement Sarkozy. »« Ils travaillent où, ces gens-

là ? », a demandé la présidente duFront national estimant que « la si-tuation économique et sociale exigel’arrêt de l’immigration ».« Tant qu’on ne m’expliquera pas

comment dans un quinquennat on lo-ge un million de personnes nou-velles, comment on soigne un millionde personnes nouvelles, comment onéduque les enfants, parce qu’il y a lesenfants qui viennent aussi et ils nesont pas calculés, tant que M. Vallsne m’expliquera pas ça, je remarqueque la politique d’immigration droi-te-gauche, c’est exactement la mêmechose », a-t-elle développé.

Par ailleurs, elle a estimé que labaisse des dépenses et celle des ef-fectifs publics annoncée par Mati-gnon sont « des mesures qui tou-chent les économies de l’Etat, doncil va y avoir encore moins de ser-vices rendus à ceux qui paient deplus en plus d’impôts » : « On vaêtre dans l’austérité, et brutalement,parce qu’elle a été repoussée aprèsles élections législatives », a-t-ellejugé, déplorant que le gouvernementne veuille « pas faire d’économiessur l’immigration », sur les contri-butions à l’Union européenne, etqu’il ne mette pas en place lesconditions pour recréer l’emploi,« par le protectionnisme, entreautres ».

Marine Le Pen a également parléde « comique de répétition » au sujetdu sommet européen. « Ce doit êtrele 19e sommet de la dernière chancepour sauver l’euro, il y en a un parmois », a-t-elle ironisé. Pour elle,« l’euro n’est pas viable, doncmieux vaut que nous organisions en-semble, de manière préparée,concertée, le retour aux monnaiesnationales, plutôt que de subir bruta-lement ce retour ».

« UN NOMBRE de saintsvoulus par la Provi-dence suffira-t-il à

sauver notre époque ? » interroge-ra celui que l’on qualifiera d’« ar-change en enfer », l’abbé Stock,tant la force morale de cet hommede conviction, puis de réconcilia-tion, sera puissante auprès desjeunes séminaristes d’Orléans, oùil viendra compléter sa formationaprès des études de théologie com-mencées en 1926 en Allemagne. Ilcélébrera sa première messe le lun-di de Pâques 1932, lors de la pre-mière communion de son dernierpetit frère (mort en mer en 1942…), il était lui-même aîné d’une fra-trie de neuf enfants d’une famillemodeste de Westphalie. Avant deprononcer ses vœux, trois tri-mestres passés à l’Institut catho-lique de Paris lui avaient permisde perfectionner son français etd’assister à l’un des congrès duSillon de Marc Sangnier, fonda-teur entre autres des Auberges deJeunesse, où les Allemands étaientles plus nombreux parmi les jeunesparticipants, rencontrant celuidont je préfère ne vous livrer quecette béatitude : « Heureux celui

qui sait rire de lui-même, il n’a pasfini de s’amuser » : Joseph Folliet,collaborateur de TémoignageChrétien puis créateur de La Viecatholique illustrée, ce catholiqueprogressiste républicain de cettegauche dénoncée par CharlesMaurras et héritière du ralliementdes catholiques à la République àla suite de l’encyclique deLéon XIII Rerum Novarum (1891)et de la création de la DémocratieChrétienne. Notre jeune abbé limi-ta son engagement aux « compa-gnons de Saint François », de cesfranciscains qui, cinq siècles aupa-ravant, avaient guidé Jeanned’Arc vers la sainteté de l’engage-ment…

Lorsque je suis allée visiter cecamp, je revenais de l’hommagerendu par tant de mouvements na-tionaux à la Sainte et à la Patronnesecondaire de la France, les oreillesencore remplies de « Entends duhaut du ciel / Le cri de la Patrie :catholiques et Français toujours »,et d’autres affirmations de souve-raineté et d’identité… Et avant demonter vers les flèches de la cathé-drale de Chartres je passais parl’ancienne cité lacustre du territoi-re des Carnutes, résidence royaledes Mérovingiens, puis des Capé-tiens, là où Louis, fils de PhilippeAuguste, « naquit des entrailles deBlanche de Castille » et fut baptisé,qui devait mourir aux portes deCarthage en 1270 lors de la derniè-re croisade jusqu’à être canoniséen 1297 par le pape Boniface III…Louis de Poissy (Pinciacum) oùnotre Jeanne en 1429 et ses troupesrepoussèrent les Godons à partirde la Tour de Berthemont, épisode

conté sur l’un des vitraux de l’égli-se… Nous retrouvons notre héroï-ne sans même la chercher, ne dit-onpas que, là même, Christine de Pi-san venant visiter l’une de sesfilles, dominicaine, écrivit son Di-tié à Jehanne d’Arc, inspirée parles prouesses de la combattantemais aussi illuminée par son charis-me à la suite du sacre du roiCharles VII (1429) ? En cette collé-giale magnifique de Notre-Dame del’Assomption, quelles furent lesprières de cette Italienne pour laFrance en croisant du regard surles colonnes ce curieux crapaudque l’on devine encore, attributdes Francs avant le baptême deClovis, symbole de renaissance etde perpétuité passant par la trans-mission du savoir, comme la sala-mandre du Valois François Ier ?

Revenons à l’abbé Stock quis’imprégna, lui aussi, de ces lieuxd’histoire, avant d’être, à sa de-mande, aumônier des prisons deFresnes, du Cherche-Midi et de laSanté à partir de 1941. Après lamanifestation orchestrée parAlain Griotteray sous l’Arc deTriomphe à Paris le 11 novembre1940 – première manifestation derésistance à l’occupant – « la Droi-te n’était-elle pas au rendez-vous ? » – les jeunes étudiants ar-rêtés refusèrent son accompagne-ment religieux, ne sachant pasqu’il avait fait uniquement lechoix de Dieu et le prenant pourun « rapporteur », pour ne pas di-re un espion allemand !

À l’école des barbelésLe Séminaire des Barbelés dont

il fut le supérieur, visité par troisfois par le cardinal Roncalli, futurJean XXIII, sera dissous lorsqueles prisonniers eux-mêmes quittè-rent le camp pour être regroupéslà où le gouvernement françaisavait encore besoin d’eux… lais-sant l’abbé rêver à « ses » Françaisde prédilection que furent les Bre-tons ! Car après avoir découvert laCorrèze en 1926, il se rendra unedizaine de fois en Bretagne, parti-cipant aux cérémonies de Notre-Dame du Folgoët et de Notre-Damede Rumengol sur la presqu’île deCrozon et rapportant les particu-larismes bretons en peintures etdessins, aquarelle et fusain. Il sou-haitera plus tard « En face del’océan, voir l’infini, après cesperspectives derrière les barbe-lés » lorsqu’il sera privé du subli-me spectacle naturel. Il nous laisseà feuilleter Die Bretagne – Ein Er-lebnis, qu’il rédigea afin de mieuxfaire connaître et aimer l’Armo-rique à ses compatriotes (3). Mé-moires assortis d’une histoire de laBretagne quelque peu franco-fran-çaise malgré le tonitruant « Torrhé penn » de révolte et d’hommageà la « duchesse en sabots » envoyéaux républicains qui ne voyaient laduchesse Anne au siècle dernierpresque qu’en Bécassine…

La chapelle du sanctuaire deCoudray, improvisée dans les han-gars de béton, conservée et restau-rée depuis le 25 mai 2000, fut or-née par l’artiste que fut aussiFranz Stock et quelques-uns desplus doués de ses élèves, d’unefresque de 59 m2 représentantsaint Michel terrassant le dragon –comme la France et l’Allemagneluttant, unies, contre la guerre –et saint Boniface, toujours ce pré-curseur de Charlemagne fonda-teur de l’ Europe.

Le Séminaire des Barbelés restesous l’ombre bienveillante et tuté-laire de Chartres et il serait impar-donnable de ne point évoquer« l’épi le plus dur qui soit jamaismonté… de cette pierre sans tache

et de cette pierre sans faute, enfin,du plus beau fleuron dedans votreCouronne » comme s’exprimait (en-core lui) le meilleur de ses chantres,Charles Péguy, en parlant de lamieux conservée de nos cathédralesgothiques, dont les vitraux sont ma-joritairement de cette dominantebleue obtenue par le mélange de lapâte de verre et de l’oxyde de co-balt. Des couleurs qui rappelaient ànotre saint abbé la couleur del’océan et du ciel mêlés, et dont il

saura se souvenir comme un envolvers le Paradis entrouvert pour lescondamnés qu’il accompagnera à lapotence ou au peloton. Et voici cesstatues-colonnes, autrefois peintes,ne sont-elles pas un autre élan nédu grenier de la France ? Lieu dédiéà la Déesse-mère et centre du ras-semblement des druides de Gauleavant le IVe siècle, en une autre« acropole », bible de pierre au la-byrinthe allégorique du chemin deJérusalem menant de la Terre versDieu – sans oublier la chapelle duCœur de Marie où se trouve exposéle voile de la Vierge offert par le roimérovingien Charles le Chauve, pe-tit-fils de l’empereur d’Occidentauquel la reine de Constantinoplel’avait confié. Quatre mille statuesou figures, cinq milles personnagessur les vitraux qui ornent les largesespaces déambulatoires propresaux grandes cérémonies de pèleri-nage, et au… lavage à grande eauaprès la translation des marcheurs.Notre passeur de lumière, de la lu-mière conduisant de la vie terrestrevers la vie céleste, célébrant le refusdu matérialisme assassin, ne pou-vait qu’aller rejoindre les martyri-sés qu’il avait guidés dans la spiri-tualité du dernier chemin.

Ne sommes-nous pas, NOUS,des nains sur des épaules degéants ?

Claudine Dupont-Tingaud––––––––––

(3) La Bretagne, moments vé-cus, carnet de voyage traduit enbreton et préfacé par Fanch Mor-vannou, Ed Minihi-Levenez, 2004.� Plusieurs associations françaisesou allemandes défendent la mémoi-re de l’Abbé Stock et envisagentsur les lieux même un centre derapprochement culturel. Pour visi-ter le Séminaire des Barbelés : il sesitue au Coudray (près deChartres) au niveau de l’anciennebase militaire CM 101. Ouver-tures : du 1er avril au 31 octobre,les mercredi et samedi de 14 h 30 à18 heures ; du 1er novembre au31 mars, les mercredi et samedi de14 h 30 à 16 heures. Les autresjours et pour les groupes : sur ren-dez-vous. Visites commentées. En-trée libre.

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Du Séminaire des barbelésà la cathédrale de Chartres (II)

« Et voici l’océan de notre immense peine… »Charles Péguy

PRÉSENT — Samedi 30 juin 2012

EGBF (Entreprise générale du Bâti-ment français). Tous Corps d’Etat.95220 Herblay. Tél. : 09 81 41 52 38– 06 06 61 50 52 – 06 13 85 15 70.Travaux normes FN.

Petites annonces

« La droite et la gauche mènentla même politique d’immigration »

La récente édition bretonne de DieBretagne – Ein Erlebnis.

Titan pourrait abriterun océan sous sa surface

Page 3: Présent (quotidien) n° 7633

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PRÉSENT — Samedi 30 juin 2012

SUITE DE LA PAGE 1

Social media : un atout électoral pour ObamaImaginez une salle immense occupée dans

toute sa longueur par d’innombrables bureauxmis bout à bout avec, dessus, une forêt d’ordina-teurs et, autour, une armée de plus de 300 jeunestoujours fébriles, parfois débordés, scrutant lesécrans, tapant sur les claviers comme si leur vie endépendait dans une atmosphère tendue oùchaque contact avec l’extérieur est aussi précieuxqu’une goutte d’eau dans le désert. Cette salle està la fois un quartier-général de campagne, le cer-veau d’une opération sans précédent et le ressortd’une possible victoire. Trois cents fonceurs payéschacun 3 millions de dollars par mois par TeamObama pour gagner le gros lot. Autour, c’est Chi-cago, capitale de l’Illinois, mais peu importe ledécor car tout l’Obamaland, son combat, ses es-poirs, son avenir, semblent confinés entre cesquatre murs sous pression qui pourraient se trou-ver n’importe où aux Etats-Unis ailleurs qu’à laMaison-Blanche. Alors, pourquoi Chicago ?Obama s’y lança jadis dans le militantisme sub-versif et y goûta naguère les délices d’un siège sé-natorial. Des liens politiques, des attaches senti-mentales se confondent avec les débuts d’une car-rière fulgurante qui retrouve ainsi ses racines pourrelever le défi d’un second mandat. Un défi pal-pable, terriblement présent dans cette salle toutebruissante de murmures qui s’appelle DigitalCommand Center, où les seuls éclats permis sontceux de rire, où les seuls cris tolérés sont ceux dusuccès. Tout y est feutré. Laboratoire d’analyse etde décision, on part de chiffres pour tenter d’ob-tenir des voix. Officine d’alchimie électorale, onpart du citoyen défini pour aboutir au votantconditionné. D’abord, bien cerner les 69 millionsd’Américains qui ont élu Obama à la présidenceen 2008 et faire en sorteque leur choix soit le mê-me en novembre prochain.Ensuite, créer et entretenirdes liens directs, person-nels, chaleureux avec27 millions de citoyens quile suivent sur Facebook et16 millions sur Twitter(soit 15 à 30 fois plusd’« amis » électroniquesque son rival Mitt Romney) afin de les séduire letemps d’un passage dans l’isoloir.

Car il existe désormais trois sortes de média.Les gros : gonflés de papier, soufflés de pub, cou-turés d’annonces, hoquetant de prétention et desuffisance, ils se veulent, au dos de futiles débats,serviles envers l’écrasante idéologie ambiante et,derrière l’illusion démocratique, serviables pourabrutir toujours davantage le citoyen. Lespauvres : petits, sans grade, éphémères qui du-rent, condamnés qui s’accrochent, fiers d’être lesirrécupérables de l’imposture républicaine, lesmercenaires de nations trahies, les soutiers d’im-probables régimes, ils ferraillent à chaque com-bat, s’embusquent à chaque mensonge, s’enflam-ment à chaque drame comme des parias vivant deleurs fidèles. Les nouveaux : accessibles sur ordi-nateurs portatifs et téléphones miniaturisés,princes de la toile, réactifs de l’immédiat, com-plets dans le fugitif, ces trésors de technologiesurpassent les ancêtres, dinosaures de l’info, tâ-cherons du scoop, lucarnes obsolètes, par la ma-gie du contact direct, la sorcellerie du lien créé, lechoc du voyeur complice – prodigieuse conquêtequi donna à ces fascinants outils le nom, hélasmérité, de social media.

Toutes les études réalisées récemment ontabouti au même résultat : l’impact d’un messagecanalisé par Facebook ou Twitter est dix fois supé-rieur au même message imprimé ou télévisé. Dixfois supérieur, cela signifie qu’il touche, qu’ilconcerne, qu’il ébranle même durablement dansdes proportions que ne pourront jamais atteindreles meilleurs spécialistes du bourrage de crâne uti-lisant des moyens « classiques ». Pour une raisonsimple : il est aussi personnel que protéiforme. Ils’adapte, cherche, questionne, discute. Avec unmédia social, on peut sonder les cœurs et lesreins, les convictions et les projets. On peut dé-cortiquer un argument, autopsier une attitude,orienter un jugement. L’électeur reste malléable,c’est-à-dire vulnérable : il suffit de le saisir.

« Saisir l’électeur, tout un programme ! »s’exclame Robert Frank, 28 ans, qui a rejointl’équipe de Chicago en mai. « Bien sûr, au lende-main de la victoire d’Obama en novembre 2008,les divers responsables de sa campagne ontconservé des listes de ceux qui avaient voté dé-mocrate. Des listes établies par sondages, recou-pements et enquêtes. Cette base de départ ras-semble quelques dizaines de millions de noms.Mais ce n’est qu’une première étape. La secondeconsiste à mettre en face de ces noms des numé-ros d’appel. Et des numéros exacts. Là commen-cent les difficultés car en quatre ans, beaucoupde choses peuvent avoir changé, surtout entemps de crise. Les gens ont pu vendre leur mai-son pour rembourser des dettes. Ils ont pu aussichanger de région pour fuir le chômage. » Franckpoursuit : « Ces gens dans la nature, il nous re-

vient de retrouver leur trace, de renouer le fil.Lorsqu’on y parvient, s’amorce alors la troisièmeet ultime étape – la plus délicate, la plus décisive,dont la clé se trouve dans une question : sur leplan politique, dans quel sens la personne quel’on a au bout du fil a-t-elle évolué ? Trois caspeuvent se présenter : elle a maintenu intacte safidélité à Obama ; elle a carrément changé decamp sans espoir de retour ; ou elle est prise dedoute, hésite, se débat sans parvenir à fixer sonchoix. C’est évidemment cette dernière éventua-lité qui offre le plus d’intérêt dans la mesure oùelle lance un défi. Il faut sentir si la personne quise met à accumuler des griefs contre Obama estsusceptible d’évoluer vers une vision moins néga-tive de la situation. La moindre faille dans cebloc d’indécision permet souvent de renverserune opinion. Tout dépend des mots, des idées,des images que l’on utilise. A ce stade, l’initiativepersonnelle compte beaucoup. »

A partir du Digital Command Center, organemoteur du dispositif, s’étale un maillage étroitqui recouvre la totalité du territoire américainjusqu’au niveau du county – l’équivalent de notrecanton – où le responsable local, le « capitaine »,se voit supervisé au niveau de l’Etat par un « di-recteur », lui-même chapeauté par un « coordina-teur » dont le territoire à prospecter se révèle im-mense puisqu’il n’y en a que cinq dans tout lepays. Au sommet de la hiérarchie trône Jim Mes-sina, patron de cette mécanique bien huilée dontle bureau, surmonté d’un gigantesque poster dechampion de football, occupe le centre de l’im-mense champ de manœuvre d’où il a sous lesyeux la totalité de son armée en campagne.

Messina commença sa carrière au Congrèscomme secrétaire d’un sénateur avant de se re-

trouver tout près du Bu-reau ovale de la Maison-Blanche avec les fonctionsde chef adjoint de l’équipedes conseillers présiden-tiels. Pas pour très long-temps. Dès le début deshostilités avec les républi-cains, il s’installa à Chica-go, beaucoup plus loin dupremier mandat d’Obama

mais aussi beaucoup plus près d’un éventuel se-cond mandat. La dimension technologique decette chasse aux voix à grande échelle passionneMessina, qui accepta le pari sans hésiter. Il qua-drilla les cinquante Etats, décentralisa l’opéra-tion, cibla les électeurs par catégories (les femmes,les jeunes, les Noirs, les Hispaniques, les retraités,les anciens combattants, les homosexuels…),s’entoura d’une armée de volontaires qui ratissentle terrain depuis les campus universitaires jus-qu’aux salons de coiffure en passant par les ter-rains de sports, les coffee shops et les arrêts d’auto-bus avec trois objectifs : faire connaître l’articula-tion des sites internet de l’Obamaland, inscrire lesmarginaux sur les listes électorales et inciter lesgénéreux à verser leur obole dans la caisse démo-crate.

Les responsables de la campagne d’Obaman’ont pas la prétention d’affirmer qu’ils ont inven-té la roue en utilisant les ressources de la technolo-gie dans le but de doubler le séjour d’un présidentà la Maison-Blanche. Cette roue – ou plutôt ces so-cial media – existaient déjà dans leur prolonge-ment électoral en 2004 (George Bush s’en servitpour gagner une seconde fois) et, bien sûr, en 2008(Obama leur doit quelques-unes de ses victoires)mais à l’état embryonnaire, sous forme d’esquisse,avec de prudentes allures de banc d’essai. « Ce quicaractérise notre opération, précise Messina, c’est àla fois son envergure, son ambition et sa sophistica-tion. Personne avant nous ne s’était engagé aussiloin dans ce domaine. On peut dire qu’un nouveloutil a été, non pas créé de toutes pièces, mais dé-veloppé jusqu’aux limites extrêmes de ses possibili-tés. » Exemple d’inédit : l’embauche d’un person-nage-clé dont les avis, selon Messina, furent déter-minants, surtout au début. Rayid Ghani cumuleles qualités d’un sociologue du comportement,d’un psychologue de la consommation et d’unchef de rayon de grand magasin – cette dernièrecarte, sans doute la moins flatteuse, n’a pas été lamoins utile de sa panoplie. Qu’a-t-on demandé àGhani ? De faire du sur-mesure. Autrement dit,d’adapter le même message à une infinité de caté-gories d’Américains en fonction de leurs réactionsminutieusement analysées. On ne « revend » pasObama en 2012 comme on l’avait « vendu » en2008. Et on ne le « revend » pas de la même façon àun ancien chômeur, un capitaine d’infanterie ouune infirmière de lycée. Question d’instinct, dedoigté, dirait le plus humble des boutiquiers. Ladémocratie électorale est devenue une vaste entre-prise commerciale : mêmes méthodes, mêmes ré-flexes, mêmes calculs. On s’applique à faire reluirele produit-phare pour les grandes soldes d’autom-ne qui ont lieu à date fixe tous les quatre ans. C’esttoujours un mardi. Un fameux gourou du systèmeaffirma sans rire que ce jour-là, le citoyen achetaitdavantage.

CHRISTIAN DAISUG

L’électeurreste malléable,

c’est-à-direvulnérable…

“”

De notre correspondant permanent aux états-Unis

guère plus de huit à dix kilomètres par jour.Ce qui ne les a pas empêchés d’orchestrer unequinzaine d’opérations qualifiées de « ma-jeures » depuis le début de l’année.

Mais la flambée du prix de l’or, qui a plusque doublé depuis 2008 pour atteindre au-jourd’hui 50 euros le gramme, continue à atti-rer les « garimpeiros » brésiliens.

Le procureur de la République de CayenneIvan Auriel a indiqué jeudi que les faits pour-raient être qualifiés d’« assassinat et tentatived’assassinat en bande organisée ». L’enquêtea été confiée à la section de recherches deGuyane. Des membres de l’Institut de re-cherche criminelle de la gendarmerie nationa-le (IRCGN) et du GIGN ont été envoyés enrenfort.

En janvier à Dorlin, dans les heures précé-dant la visite de Nicolas Sarkozy en Guyane,un combat entre bandes armées avait fait cinqmorts et vraisemblablement un sixième. Lesixième corps aurait été jeté à Dorlin au fondd’un puits clandestin d’orpaillage et n’en a,depuis, jamais été extirpé… Ce sont les mœurs

du milieu qui règne en maître sur le terrain.Une femme travaillant pour une société mi-

nière légale de la zone a expliqué que « la ban-de de Brésiliens qui a éliminé l’autre en jan-vier fait désormais régner la terreur », avec« des armes de guerre » en sa possession. Leschercheurs d’or clandestins arracheraient paran, au sous-sol du département ultramarin,entre six et dix tonnes du métal précieux.

Le dispositif « Harpie », mis en place en2008 à la place d’« Anaconda », qui tented’éradiquer l’orpaillage clandestin, associeparquet, gendarmerie, armée, police auxfrontières, douanes ainsi que l’Office nationaldes forêts.

Si loin de l’Hexagone et des tweets de Valé-rie Trierweiler, la guerre que mènent nos sol-dats peut paraître exotique, voire anecdo-tique. Mais c’est bien du territoire nationalqu’il s’agit. Et de la mort de nos hommes, tuésen opération, tombés dans une embuscade.C’est une guerre sur le sol français.

C.P.

Rome et Madrid

Le « pacte de croissance »pour obtenir une aide rapideSous intense pression des marchés, l’Italie

et l’Espagne se sont lancées dans un bras defer avec leurs partenaires européens pourqu’ils leur viennent en aide rapidement, ré-servant leur accord sur un pacte de croissan-ce d’un montant de 120 milliards d’euros.

Réunis à Bruxelles pour un sommet de48 heures, les dirigeants européens ont donnéun accord de principe pour « améliorer le fi-nancement de l’économie » via des mesuresimmédiates de croissance. Le président del’UE, Herman Van Rompuy, a expliqué queces mesures s’élevaient au total à 120 mil-liards d’euros.

Ce programme passe par une augmentationde la capacité de prêt de la Banque européen-ne d’investissement (BEI) de 60 milliards, 55autres milliards venant de la réaffectation defonds structurels non utilisés, et 5 milliardsde « project bonds » lancés « à l’été » pour fi-nancer des infrastructures de transport etd’énergie.

Mais l’Italie et l’Espagne, troisième et qua-trième économies de la zone euro, ont fait dela résistance et réclamé des solutions d’urgen-ce face à la crise, avant d’apposer leur signa-ture.

« La discussion n’est pas bloquée du tout,elle continue », a affirmé Van Rompuy aucours d’une conférence de presse. Mais selonun diplomate, les échanges ont été tendus etVan Rompuy s’est même emporté, surpris parla position espagnole et italienne alors quel’accord sur la croissance était à ses yeux ac-quis.

A l’issue du dîner entre les 27, les diri-geants des pays de la seule zone euro ontpoursuivi les discussions, tandis que lesautres chefs d’Etat et de gouvernement quit-taient le siège du Conseil européen vers23 heures jeudi.

Etranglés par des taux d’emprunt prohibi-tifs, Rome et Madrid réclament des réponsesimmédiates pour faire baisser ces taux.

« Nous voulons que [les mesures de crois-sance] fassent partie d’une solution d’en-semble », a-t-on affirmé dans la délégationitalienne. « Nous sommes favorables au pactede croissance, nous ne le bloquons pas, maisil faut aussi des mesures d’urgence », a ren-chéri un diplomate espagnol. Les chefs desgouvernements italien et espagnol, MarioMonti et Marino Rajoy, « m’avaient prévenude leurs positions », a dit le président françaisFrançois Hollande lors d’une conférence depresse.

« Pour eux, et je les comprends, ils ne pou-vaient pas donner un accord partiel » sur lepacte de croissance « mais souhaitaient donnerun accord global parce que, pour eux, les me-sures de stabilité doivent être prioritaires avanttoute autre considération », a-t-il ajouté.

Pourtant, la position de l’Italie et de l’Es-pagne met François Hollande particulière-ment en porte-à-faux, car il était le principalpromoteur du pacte pour la croissance, dontil avait fait un thème de campagne.

Quant à la chancelière allemande AngelaMerkel, elle a également besoin qu’il soit si-gné pour obtenir les voix de l’opposition SPDet verte vendredi lors du vote sur le pacte dediscipline budgétaire au Bundestag. Parmiles propositions envisagées pour aider à courtterme Rome et Madrid, figure l’achat de detted’Etat par le Fonds de secours de la zone eu-ro (FESF). Des discussions avaient lieu à cesujet dans la nuit de jeudi à vendredi àBruxelles au niveau des hauts fonctionnaires,a-t-on appris de sources diplomatiques euro-péennes. L’idée serait d’acheter des titres dedette lors de sa première émission sur les mar-chés, de façon à faire baisser drastiquementles taux.

Une autre solution remise au goût du jourpar l’Italie serait de doter le Fonds de secoursd’une licence bancaire, pour qu’il puisse em-prunter auprès de la BCE.

Une autre possibilité serait de changer lestatut du Mécanisme européen de stabilité(MES) afin d’attirer plus d’investisseurs pri-vés. Une question jugée très sensible en Alle-magne, a fait savoir un responsable européen.

Le Premier ministre finlandais, Jyrki Ka-tainen, a lui suggéré que les pays fragiles de lazone euro émettent des obligations sécurisées– généralement réservées aux établissementsfinanciers – afin de bénéficier de taux moinsélevés.

Mais face à ces demandes, Angela Merkel« est très dure » et veut « de nouvelles règlespour les pays qui utiliseraient les mécanismesd’aide », a indiqué un diplomate européenne.Selon un autre, « l’Allemagne bloque pourdeux raisons : elle estime que rien ne sera ja-mais suffisant pour calmer les marchés et queles Etats ne réforment que sous pression ».Ce sommet est le 19e depuis le début de la

crise grecque. « Les gens sont frustrés de voirqu’il continue d’y avoir des sommets et quetrop peu de décisions soient prises », a décla-ré le Premier ministre britannique David Ca-meron.

A l’occasion du dixième anniversaire du décèsd’André Figueras, forte promotion sur la quarantaine

de ses œuvres encore disponibles.Ecrire à [email protected], ou à l’adresse postale

de Présent (5, rue d’Amboise, 75002 Paris)à l’attention d’Olivier Figueras, pour recevoir

cette proposition.

La Guyane en alerte maximum

Page 4: Présent (quotidien) n° 7633

— Sous votre plume on pourrait s’at-tendre à quelques figures de polémistescontre-révolutionnaires ou « droi-tistes », or vous avez aussi brossé lesportraits de révolutionnaires ou de« dreyfusards », alors quels ont été voscritères de choix ?

— J’ai tout simplement fait le choix dutalent, en m’inspirant beaucoup du livrede Pierre Dominique, Les polémistesfrançais depuis 1789, paru en 1962 auxéditions du Vieux Colombier. J’évoqueRivarol, Henri Béraud, Edouard Dru-mont, Rochefort, Charles Maurras etbien sûr notre cher François Brigneau.Ce ne sont pas, reconnaissez-le, des pa-rangons de vertu dreyfusarde et révolu-tionnaire. Mais j’évoque aussi Blanqui,Victor Hugo, Georges Clémenceau, Ma-rat, Mirabeau, et bien d’autres qui ont,nonobstant leurs turpitudes politiques,le mérite d’être de grands pamphlé-taires. Pour ma part, je préfère lire unrévolutionnaire talentueux plutôt qu’unréactionnaire souffreteux et craintif. Jedois vous dire qu’il s’agit d’une engeancepour laquelle j’éprouve un mépris abys-sal. Ceci dit, certains pamphlétaires ré-volutionnaires se conduisirent pitoyable-ment quand ils eurent à faire face àl’échafaud. C’est le cas de Hébert, qui,dans son Père Duchesne, appelait sanscesse au meurtre, sur un ton des plus or-duriers. Quand il fit face à l’échafaud, le24 mars 1794, il fallut le traîner, terrori-sé. Il n’avait ni le courage, ni la force degravir seul les marches. Dans ses mé-moires, le bourreau Sanson raconte : « Ilétait habillé avec élégance, comme il enavait l’habitude, avec une montre danschacun de ses goussets, mais ses vête-ments étaient en désordre, sa face étaitaussi livide que si le fer de la guillotineavait déjà passé à travers son cou, ilpleurait, la sueur coulait à grossesgouttes de son front. » Parmi les polé-mistes de « droite », j’évoque Lucien Re-batet qui se montre assez cruel, dans sesDécombres, avec Charles Maurras. Ilécrit : « Le 7 février (1934), dansl’après-midi, un fidèle de l’Action fran-çaise entrait fort animé dans la grandesalle de notre rédaction et allait droit àMaurras, qui était en train d’écoutertrop galamment le caquetage d’une pé-core du monde : “Maître, Paris est enfièvre. Il n’y a plus de gouvernement,tout le monde attend quelque chose. Que

faisons-nous ?” Maurras se cambra, trèsfroid et sec, et frappant du pied : “Jen’aime pas qu’on perde son sang-froid”.Puis, incontinent, il se retourna vers laperruche, pour lui faire à n’en plus finirl’honneur immérité de son esprit. » Re-batet conclut sa diatribe par ces mots :« Sa confiance allait infailliblement auxpersonnages les plus falots ou les plusnuisibles, une bande de ratés, de platsflatteurs, voire de vrais gredins à scapu-laires (…) Maurras, catholique sans foi,sans sacrements et sans pape, terroristesans tueurs, royaliste renié par son pré-tendant, n’avait été en fin de compte quel’illusionniste brillant de son aboulie. »Rebatet était d’un extraordinaire coura-ge intellectuel. Son dernier éditorialdans Je suis partout, alors que les Amé-ricains approchaient de Paris, avaitpour titre : « Fidélité au national-socia-lisme », et il avait commis ce commentai-re : « L’espérance reste fasciste. » Il futen même temps d’une stupéfiante lâchetéphysique. Je raconte dans mon livre l’hi-larante anecdote du voyage en train deNancy à Strasbourg que Jean-HéroldPâquis a dépeinte dans son livre de sou-venirs Des illusions ; désillusions, qu’ileut le temps d’écrire avant d’être fusillé.C’est sans doute le meilleur livre paru encette période de la Collaboration, avec,bien sûr, Les Décombres…

— Vous évoquez François-René deChâteaubriand mais vous occultez Al-phonse de Chateaubriant, pourquoi ?

— Tout simplement parce que Alphon-se de Chateaubriant, personnage tout àfait étonnant, certes, n’est pas un polé-miste, au contraire de François-René deChâteaubriand. Il est un amoureux. Unamoureux d’Adolf Hitler et du troisièmeReich.

Né en 1877 et décédé en 1951, il dirigele journal politique, culturel et très pro-germanophile La Gerbe. Président dugroupe « Collaboration », il réclamel’entrée en guerre de la France aux côtésde l’Allemagne.

Homme de lettre français et journalis-te, écrivain et admirateur de Hitler,Chateaubriant est l’un des plus ferventssoutiens du mouvement ultra collabora-tionniste. Il est de juillet 1940 à mai 1941directeur de La Gerbe, où il peut donnerà entendre ses orientations à la fois réac-tionnaires, antisémites et agrariennes, etson admiration pour l’Allemagne et pourle régime nazi, forgée par une série de sé-jours outre-Rhin après 1935 (dont il tire-ra en 1937 un compte rendu enthousiasteet mystique, La gerbe des forces). Nousne sommes pas dans le registre du pam-phlet, mais dans celui de l’adoration… Ilfut un très grand écrivain du terroir dugrand ouest, qui constitue la matière deses livres : Monsieur des Lourdines, PrixGoncourt 1911, La Brière, pour lequel ilreçoit en 1923 le Grand prix du romande l’Académie française et qui est l’undes plus forts tirages de l’entre-deux-guerres avec 600 000 exemplaires ven-dus… Germanophile, catholique horrifiépar le communisme athée, partisan del’ordre, Alphonse de Châteaubriant estséduit par le national-socialisme d’Hit-

ler, y voyant un retour à l’esprit de lachevalerie, auquel il mêle une mystiquecatholique, manifeste dans La Réponsedu Seigneur. La Gerbe des forces est unefolle déclaration d’amour au FührerAdolf Hitler, qu’il rencontra le 13 août1938 à Berchtesgaden, et en qui il finitpar voir un nouveau Messie. Il se réfu-giera, à la fin de la guerre, dans un mo-nastère en Bavière, aux côtés de sa com-pagne, qui était la mère de l’historienmédiatique André Castelot (qui fut sonsecrétaire particulier). Pour autant, Al-phonse de Chateaubriant était-il un po-lémiste ? La réponse est négative. Fran-çois-René de Châteaubriand était, lui,un polémiste de grande race. Dans sesMémoires d’Outre-tombe, voilà ce passa-ge qui passera à la postérité. C’était àSaint-Denis. Châteaubriand attendaitd’être reçu par le roi Louis XVIII, quis’apprêtait à entrer pour la seconde foisà Paris, après la défaite de Napoléon. Ilraconte : «… Je me rendis chez Sa Ma-jesté : je m’assis dans un coin où j’atten-dis. Tout à coup, une porte s’ouvre,entre silencieusement le vice appuyé surle bras du crime, M. de Talleyrand sou-tenu par M. Fouché ; la vision infernalepasse lentement devant moi, pénètredans le cabinet du roi et disparaît. Fou-ché venait jurer foi et hommage à sonseigneur : le féal régicide, à genoux, mitles mains qui firent tomber la tête deLouis XVI entre les mains du frère du roimartyr. L’évêque apostat fut caution duserment. » Comme le relève Pierre Domi-nique, auteur des Polémistes françaisdepuis 1789, « les siècles les verront tou-jours entrer dans cette chambre et pas-ser devant le polémiste, puis dispa-raître, le grand diplomate et le grandpolicier, le pourri et le massacreur ». Onnotera qu’avec cette formule, Pierre Do-minique mériterait lui aussi de figurerdans ce dictionnaire des polémistes…

— Quelles sont les principales quali-tés d’un polémiste, sont-ils seulementmus par une volonté de nuisance etexiste-t-il encore des polémistes ?

— Pierre Dominique avait cette for-mule : « La polémique est un combat et lepamphlet est une arme. » Et il précise :« Comme le soldat, le polémiste est détes-té par les âmes sensibles. » La polémiqueet le pamphlet ne débutèrent, certes pas,avec Mirabeau et Rivarol. Dès la plushaute Antiquité, certains choisirentd’utiliser le langage, et non les épées,pour tuer l’ennemi. Songeons aux in-jures proférées par les héros d’Homère,

et puis les Philippiques de Démosthène,et puis les mazarinades, destinées à ridi-culiser les maîtresses et l’entourage desrois de France… Et puis Voltaire, quiimagine son ennemi Fréron piqué parune vipère, et qui conclut par : « Devinezce qui se passa ? Ce fut la vipère qui cre-va… » Honneur à Pierre Dominique quiformula cette définition du polémiste :« Le polémiste, le plus souvent, n’est pasmené par le souci de nuire, mais par lebesoin de l’action. Le lion, le chat, grif-fent les écorces, le cheval, dans le pré,rue vers le ciel. Ecrire, c’est toujours selibérer. D’une fureur, d’un désespoir,d’une haine, parfois d’un amour, quipourraient vous étouffer. Le polémisterepère une gouape, un marlou, un usu-rier, un arriviste, un vendu, et il siffle, ilhue. Mais parfois, c’est une équiped’hommes de main ou d’hommes d’Etat(…) Ou bien une nation, une religion,toute une époque, car le polémiste adroit de regarder de loin et de haut. » Lepolémiste sera arrêté par les gendarmes ?Peu importe : ils ont les menottes enpoche, mais c’est un homme délivré

qu’ils emprisonneront. Depuis les lois li-berticides, tant de femmes et d’hommeslibres ont croupi ou croupissent en pri-son… Honneur à eux.

Propos recueillis par Catherine Robinson

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Robert Spieler : les polémistes ont leur dictionnaireL’ancien député Front national, fondateur du mouvement régionaliste Alsace D’abord,aujourd’hui remarquable polémiste chez notre confrère Rivarol, vient de publier auxéditions Synthèse nationale le Dictionnaire des Polémistes. Laissons lui la parole. – C.R.

D.R

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Page 5: Présent (quotidien) n° 7633

La France a renoncé à demandercette année l’inscription de la grotteChauvet, en Ardèche, au Comité duPatrimoine mondial de l’Unesco quise réunit à Saint-Pétersbourg du24 juin au 6 juillet.

La France avait demandé en avrilcette inscription en urgence du faitdes « concentrations particulièrementfortes et dangereuses de CO2 et deradon dans la grotte ». Paris voulaitainsi « mobiliser la communautéscientifique internationale pour déve-lopper de nouvelles techniques deconservation ». Mais les experts duConseil international des monu-ments et des sites (Icomos) estimentqu’une telle inscription n’a aucuncaractère d’urgence : les peinturessont « exceptionnellement bienconservées » et les conditions clima-tiques et biologiques « pratiquementinchangées » depuis 20 000 ans.

La France déposera donc un dos-sier en 2013 par la procédure norma-le. Cette année, elle ne déposeraqu’une seule demande, en faveur dubassin minier du Nord/Pas-de-Calais.L’Icomos reconnaît « la valeur univer-selle exceptionnelle des paysages cul-turels évolutifs vivants » du bassinminier ainsi que « sa place exception-nelle dans l’histoire événementielle etsociale du monde de la mine ».

Le Mont et les éoliennes« Sur un îlot rocheux au milieu de

grèves immenses soumises au va-et-vient de puissantes marées, à la limiteentre la Normandie et la Bretagne,s’élèvent la “merveille de l’Occident”,abbaye bénédictine de style gothiquedédiée à l’archange saint Michel, et levillage né à l’abri de ses murailles. Laconstruction de l’abbaye, qui s’estpoursuivie du XIe au XVIe siècle, ens’adaptant à un site naturel très diffi-cile, a été un tour de force techniqueet artistique. » Voilà la brève présen-tation du Mont-Saint-Michel sur lesite de l’Unesco. L’état de conserva-tion du Mont, inscrit au Patrimoinemondial depuis 1979, sera l’objet

d’une discussion du Comité. En cau-se : les fameuses éoliennes, source depollution visuelle…

Le comité de patrimoine mondial« accueille avec satisfaction l’engage-ment de l’Etat partie à établir unezone d’exclusion des éoliennes » mais« prend note de la nécessité de définirune méthode, pas adoptée à ce jour,satisfaisante d’établissement d’unezone d’exclusion ».

Le périmètre prévu par la Francedessine un ovale d’une quarantainede kilomètres de rayon à l’ouest et àl’est du Mont, d’une vingtaine dekilomètres au nord et au sud. Or lamission de l’Unesco, qui s’est rendueau mont du 22 au 24 novembre2011, « a pris note à la présence d’éo-liennes qui sont visibles depuis leMont-Saint-Michel même à plus de20 kilomètres de distance ». « Lemouvement des hélices des éoliennesdans la journée et les lumières la nuitont un effet préjudiciable à ce qui estconsidéré comme un paysage éternelde terre et d’eau. Les éoliennes inter-rompent les perspectives visuelles duMont, en particulier pour lespèlerins », a estimé la mission. LeComité envisage de demander à laFrance d’étendre le périmètre d’exclu-sion.

L’Unesco envisage en outre dedemander une modification du pro-jet de rétablissement du caractèremaritime du mont Saint-Michel. Ils’agit de baisser la hauteur du terre-plein sur lequel doit s’appuyer, à l’ar-rivée au mont, le pont passerelle quidoit remplacer l’actuelle digue-routeen 2015. Pour le Comité, il nedevrait pas dépasser 6,80 mètres. Orl’Etat a rappelé le 13 avril qu’il main-tient la hauteur de ce gué à 7,30mètres, hauteur indispensable à l’or-ganisation des secours.

Aline Adrenne

Dagen« Pourquoi donc honorer à Paris un peintre franquiste

sans envergure ? » Le titre donné à l’article de PhilippeDagen dans Le Monde (17 mars) est étrange. Car on sedemande ce qui aurait dû interdire d’honorer le peintreJosé Maria Sert : qu’il fût sans envergure ? ou qu’il fûtfranquiste ?

L’article comporte d’autre part une inexactitude. Il n’y ajamais eu de Manifeste d’adhésion des intellectuels français àFranco (cet intitulé bizarre aurait dû pousser à une vérifica-tion). Il y a eu un Manifeste aux intellectuels espagnols parudans la presse française le 10 décembre 1937, en répliqueaux manifestes favorables au camp républicain. PhilippeDagen a choisi d’isoler quatre noms de signataires parmides centaines : Maurras, Drieu, Brasillach, Claudel. Pour-quoi ne pas citer un peintre d’envergure qui a signé à côtéde Sert (Maurice Denis) ? ou un compositeur d’envergure(Stravinsky) ? ou un poète d’envergure (Francis Jammes,ou même Max Jacob, qui ne partageait pas les positions deson ami et parrain Picasso) ?

Le plus cocasse est que L’Humanité, dans son supplé-ment du jeudi 5 avril, a consacré une très large place àJ.M. Sert, manifestant moins de sectarisme que Dagen (ilest vrai que ça n’est pas difficile).

DelsolStupéfaction, en ce 4 mai, avant-veille du deuxième

tour de la présidentielle, d’entendre Chantal Delsol décla-rer à la chaîne KTO que notre opposition chrétienne au« mariage » homosexuel n’est après tout qu’une « optionanthropologique » parmi d’autres…

Peut-on lui conseiller de consulter un médecin (chré-tien ou athée, peu importe), qui lui expliquera quels sontles organes de la reproduction et quels ne le sont pas ?

Sans avoir fait de théologie, n’importe quel naturalistesait que l’homosexualité est, comme le dit Benoît XVI,« objectivement un désordre ». Un désordre que certainessociétés humaines ont parfois toléré ou encadré, maisqu’aucune n’a jamais admis comme un mariage.

DatchaChristiane Chombeau fut longtemps, au Monde, la

« spécialiste » du Front national. Avec plus de mauvaisefoi que de bonne information. La voici retraitée, à 66 ans,et candidate du Front de Gauche de Mélenchon auxLégislatives. Mais pas sur son territoire parisien. Non, ellecondescend à revenir en province, à se présenter dans lacirconscription de Lamballe-Loudéac, où elle possède unedatcha. Le Front de gauche manque-t-il à ce point d’im-plantation locale qu’il ait recours à une parachutée ? (1)

DrieuRien n’étonne plus de Macé-Scarron, le directeur du

Magazine littéraire. Tout de même, consacrer un dossierspécial au « polar aujourd’hui », où l’on cite trois foisManchette, deux fois le très médiocre Didier Dae-ninckx, et même Virginie Despentes, mais où l’on igno-re A.D.G. (que Manchette tenait pour le premier de sespairs), il fallait le faire. Même Les Temps Modernes, larevue « existentialiste », n’avait pas osé, il y a six ans…

Pourquoi vous parler de ce magazine (mai 2012),alors ? Parce qu’on y trouve, hors dossier, un article deCécile Guilbert sur le Drieu La Rochelle de la Pléiade(n° 578 ; 65,50 euros jusqu’au 31 août). Un volumefait de bric et de broc, comme le souligne cet articleexcellent, et surtout de romans faciles à se procurer parailleurs, alors qu’il eût été judicieux et utile de faire,comme pour Paul Morand (Pléiade n° 383 et 393), unrecueil des nouvelles de Drieu : outre La Comédie deCharleroi présente ici, le lecteur aurait eu sous la mainles Histoires déplaisantes, Plainte contre inconnu et leJournal d’un homme trompé (onze nouvelles sur lecouple et l’amour). Parmi toutes ces nouvelles, CécileGuilbert met au sommet Journal d’un délicat et L’inter-mède romain (dans Histoires déplaisantes, recueil posthu-me). On peut se fier à elle. C’est un de nos meilleurscritiques. Pas du genre à copiner avec le Masque et laPlume de Jérôme Garcin, comme d’autres…

Coriosol(1) Christiane Chombeau a obtenu au premier tour 3,95 % (ndlr).

5I

Quand nous étions marmousets, nous chantionsdans la cour de récréation : « Napoléon est mort àSainte-Hélène / Son fils Léon lui a crevé l’bidon / Onl’a trouvé assis sur une baleine / En train d’sucer lesfils de son caleçon. »

Plus tard, nous avons appris que ce Léon, né en1806, appelé ainsi parce qu’on n’osa tout de mêmepas l’appeler Napoléon, avait bel et bien existé. Etqu’il était bel et bien le fils de l’Empereur des Fran-çais. Né de ses amours très éphémères avec unetoute jeune fille, Louise Catherine EléonoreDenuelle de la Plaigne. Ce qui faisait de Léon ledemi-frère d’un autre « bâtard » de Napoléon,Alexandre Walewski.

Marié à Joséphine et convaincu d’être stérile,Napoléon fêta cette naissance comme une victoire.Il ne pouvait reconnaître officiellement ce garçon,pas plus qu’il ne reconnut celui de Marie Walews-ka. Mais il garda un œil attentif, sinon paternel,envers l’un et l’autre et les coucha tous deux surson testament de Sainte-Hélène.

A le lire, on sent que Joseph Vebret s’est « réga-lé » à raconter l’histoire de ce Léon qui était le por-trait craché de son père. Mais qui, à la différencede son demi-frère Alexandre, fut une véritableplaie pour ses proches (il alla jusqu’à faire un pro-cès à sa mère), pour ses tuteurs, pour ses amis etpour l’abondante famille de Napoléon. S’appli-quant même à pourrir la vie du neveu de ce der-nier – et le dernier Empereur des Français – Napo-léon III (1).

Râleur, querelleur, faiseur d’embrouilles, dilapi-dant à peine touchés les sous extorqués aux uns etaux autres, Léon fut l’empereur de l’imbroglio, ducoup fourré, de l’arnaque, des scandales. « L’Aiglondes boulevards », comme il fut surnommé, nevolait pas bien haut.

Joseph Vebret nous raconte par le menu, et avecjubilation, l’incroyable destin de celui qui, à la finde sa vie qui se termina dans une misère noire,

déclara à sa femme : « Ils m’ont volé ma destinée. »La vérité commande de dire qu’il contribua plusque largement à ce hold-up. Il aura connu la fortu-ne, la pauvreté, la prison pour dettes, l’espoir fuga-ce de s’en sortir pour retomber chaque fois dans uninexorable enfer.

De son mariage avec Fanny (qui, après la mortde son mari, fut un temps institutrice dans uneécole en Algérie française), Léon eut trois enfants.Le premier, Charles, fut brigadier au 16e régimentdes chasseurs à cheval à Vendôme. Ayant épouséune baronne, il partit s’occuper d’une concessionde chemins de fer au Venezuela où il mourut en1894. Le plus jeune, Fernand, ancien lieutenant decavalerie, s’installa en Amérique et fut engagé dansle Buffalo Bill’s Wild West Show avec lequel il par-ticipa aux tournées européennes. Le cadet, Gaston,installé à La Rochelle dans le commerce des vins etspiritueux, fut poussé par Barrès à se présenter en1890 à Paris comme candidat boulangiste. Uneaventure qui se termina dans le pétrin. Il eut sixenfants, dont Charles Léon, mort en 1994 sansdescendance masculine.

« Ainsi s’éteignit, écrit Vebret en conclusion decette pétillante biographie, la lignée porteuse de lamoitié d’un nom. » Mais quelle vie néanmoins !

Alain Sanders(1) Il se porta même candidat contre lui à l’élection

présidentielle de 1848 !� Editions du Moment.

Joseph Vebret : “Le Comte Léon, bâtard infernal de Napoléon”

PRÉSENT — Samedi 30 juin 2012

L’actualité littéraire, politique, artistique, de ces der-nières semaines nous offre matière à indignation. Il n’estpas inutile de relever quelques énormités, de prendredate et de prendre note. C’est l’objet de cette rubrique.

Pointes sèchesPatrimoine

Grotte, mine et mont

† Jacques TaddeiLe pianiste et organiste Jacques

Taddei, 66 ans, membre de l’Acadé-mie des Beaux-Arts et directeur dumusée Marmottan-Monet, est mortle 24 juin à son domicile de fonctiondu musée dans le XVIe arrondisse-ment de Paris. M. Taddei dirigeait laFondation Monet et le musée depuisjuin 2007. En cinq ans, il avaitentrepris avec dynamisme une réno-vation et une modernisation de cemusée quelque peu peu assoupi ets’était lancé dans une programma-tion ambitieuse d’expositions tem-poraires à Paris et à l’étranger.

La carrière musicale de JacquesTaddei a été bien remplie. Organistetitulaire des grandes orgues de labasilique Sainte-Clotilde à Parisdepuis 1993, il avait fait des étudesde philosophie à la Sorbonne, et demusique au Conservatoire nationalde Paris où il avait reçu un PremierPrix de piano et un Premier Prix demusique de chambre.

Grand prix du Concours Margue-rite Long-Jacques Thibaud (1973),Grand Prix d’improvisation auConcours international d’orgue deChartres (1980), il a été – entreautres – directeur du Festival d’artsacré de la Ville de Paris de 1993 à2005.

G.G.

Page 6: Présent (quotidien) n° 7633

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LITTÉRAIRE

PRÉSENT — Samedi 30 juin 2012

À Troyes, les TempliersEn partenariat avec les Archives natio-

nales et le département de l’Aube, l’expo-sition « Templiers, une histoire, notretrésor » rassemble des objets propres auxmoines-chevaliers et une cinquantainede documents dont certains inédits quiretracent l’histoire de l’ordre du Templesept cents ans après sa dissolution, jus-qu’au 31 octobre à l’Hôtel-Dieu-le-Comtede Troyes.

En préambule, le visiteur est plon-gé dans la mythologie templière quisurgit à l’époque moderne dans la lit-térature ou le cinéma, toujours entre-tenue par les chercheurs de trésor etles sociétés ésotériques. « Nous voulions déjà déminerla question légendaire avant de conduire le visiteurvers la réalité historique où apparaît la prédominancede la Champagne dans l’origine des Templiers »,explique Arnaud Baudin, commissaire scientifique del’exposition.

L’ordre a été fondé vers 1118 par Hugues de Payns,un seigneur né près de Troyes, parti à Jérusalem auservice des chanoines du Saint-Sépulcre. Choisi com-me maître par ses compagnons d’armes, Hugues dePayns forme alors une compagnie de chevaliers vêtusde manteaux blancs à croix rouges qu’il met au servicedu roi de Jérusalem afin de protéger les pèlerins qui serendent en Terre Sainte.

De retour en Europe, il demande au papeHonorius II d’organiser un concile(Troyes, 1129) afin d’établir une règlepour l’ordre du Temple. L’expositionmet en évidence le rôle prépondérant deBernard de Clairvaux dans l’établisse-ment des règles strictes suivies par les

Templiers qui doivent pouvoir conciliervie monastique et activité militaire.

En présentant de nombreux docu-ments, l’exposition dévoile l’immensepatrimoine accumulé par les Tem-pliers à travers les nombreuses com-manderies implantées en Europe entrele XIIe et le XIIIe siècle jusqu’à la chu-

te de l’ordre voulue par le roi Philippe le Bel en conflitavec le pape. Pièce maîtresse de la présentation : le procès-verbal des interrogatoires conduits sous la torture de centtrente-huit Templiers emprisonnés à Paris après la rafle duvendredi 13 octobre 1307. Long de 22 mètres, le rouleauconsigne les réponses de moines-chevaliers dont le grandmaître Jacques de Molay, accusés d’hérésie, d’idolâtrie etd’homosexualité. Seuls quatre d’entre eux nièrent les faits.

L’ordre des Templiers fut dissous en mars 1312 auconcile de Vienne par le pape Clément V qui refusacependant de le condamner.

F.F.� www.aube-templiers-2012.fr

† Jean-Baptiste MorvanJean-Baptiste Morvan (Jacques

Petit à l’état civil) avait choisi sonnom d’écrivain pour associer saBourgogne natale et son pays d’élec-tion, la Bretagne (Morvan est le nomd’une montagne bourguignonne,mais aussi d’un saint breton). Ils’était marié à Rennes en effet (àMlle Fredouet, fille d’un directeurdu Nouvelliste) et il enseigna pendantprès de quarante ans les lettres clas-siques au lycée d’Etat de Dinan,arpentant l’été la digue de Dinard.

Poète et chroniqueur, il a recueillibeaucoup de ses textes, sortes depoèmes en prose, sous le titre deContes et rumeurs, Rhapsodies bour-guignonnes, Saisons bretonnes. Il col-labora régulièrement à la revue LePays de Dinan, à l’hebdomadaireAspects de la France (puis L’A.F.

2000). Il consacra une plaquette en1992 au peintre Yves Floc’h, sonconcitoyen. De 1967 à 1996, il adonné aussi à Itinéraires des notescritiques, notamment sur le Nou-veau Testament, sur Jacques Perret,sur Maurras et le thème del’enfance ; on relève aussi ces titrespiquants en 1977 : Tixier-Vignan-cour raconte, Michel Déon s’enlise…

Il était né en 1922. Ses obsèquesont été célébrées en l’église Saint-Malo de Dinan le mardi 5 juin2012. A sa veuve, à son frère Pierre,à son beau-frère Charles, à ses nom-breux neveux et nièces, l’équipe dePrésent, et au premier rang lesanciens d’Itinéraires, présentent leurscondoléances sincères.

Robert Le Blanc

Un bordeaux vieilli en merUn vin vieilli dans la mer est-il vraiment meilleur ? Pour en avoir le cœur

net, le responsable d’un grand cru du Bordelais (Château Larrivet Haut-Brion) et des amis, un tonnelier et un ostréiculteur, ont mené une expérienceœnologique originale. Bruno Lemoine a confié à son ami Pierre-GuillaumeChiberry, de la tonnellerie Radoux, la réalisation de deux barriques de 56litres pour prolonger le vieillissement du millésime 2009 (riche en tanins)durant six mois : l’une sera conservée de manière classique dans un chai duchâteau, l’autre immergée dans un prestigieux parc à huîtres du bassin d’Arca-chon, le Parc de l’Impératrice.

M. Chiberry met ses trois Meilleurs ouvriers de France à l’ouvrage pourréaliser les deux fûts, à la main et simultanément pour leur donner des carac-téristiques identiques et ne pas fausser les paramètres de l’expérience.

Les fûts sont remplis en juin 2011. L’ostréiculteur, Joël Dupuch, place labarrique au point zéro des marées basses.

Les deux barriques ont été sorties fin janvier pour être mises en bouteille,goûtées par les expérimentateurs et analysées par un laboratoire vinicole. Si lacuvée Tellus (celle restée en chai) a quelque peu déçu, la Neptune a réservé debonnes surprises : du moelleux, de la complexité. Les analyses en laboratoireont confirmé qu’il y avait bien eu des échanges par osmose entre le vin de labarrique et la mer environnante, malgré une bonde en inox parfaitementétanche.

En six mois, le Neptune a perdu de l’alcool et a vu sa teneur en sodiumaugmenter, d’où des saveurs légèrement salines qui « affinent les tanins »,explique un dégustateur qui rappelle qu’« autrefois, les Romains rajoutaientun peu d’eau salée dans leur vin ».

M. Lemoine souhaite suivre sur dix ans cette cuvée sous-marine et travaillersur d’autres types d’élevage et de barriques.

Matthias Gally

Sciences

Les tortues en familleLe chemin qu’ont parcouru les

tortues depuis 200 millions d’annéesreste un des mystères de l’évolutiondes vertébrés, pour ceux qui ycroient. Selon une étude publiéedans la revue Biology Letters de l’Aca-démie des sciences britannique, c’estavec les crocodiles et les oiseauxqu’elles partagent un très lointainancêtre commun, et non avec leslézards et les serpents.

Historiquement, les tortues étaientconsidérées comme ayant très tôtdivergé des autres reptiles, dont ellesauraient constitué les représentantsles plus anciens. D’autres études ana-tomiques les avaient rattachées auxlépidosaures, un vaste groupe d’es-pèces englobant tous les lézards etserpents ainsi que les tuatara,proches parents dont il ne subsisteactuellement que deux espèces enNouvelle-Zélande.

Les progrès récents de l’étudemoléculaire des espèces, fondée surla génétique, ont encore un peu plusbouleversé l’arbre phylogénétiquedes tortues. L’analyse de leur ADNles avait fait passer de la branche deslépidosaures à celle de leurs cousinsarchosaures : les grands-pères desdinosaures ayant vécu voici 250 mil-lions d’années et dont sont issus tousles crocodiles et les oiseaux actuels.

Sauf qu’une récente étude géné-tique fondée sur d’autres marqueurs

les avait ramenées sur la branche deslépidosaures !

Soucieuse de dissiper ces contra-dictions, une équipe de biologistesde l’université de Boston a utiliséune nouvelle méthode : trouver deséléments génétiques similaires pré-sents dans toutes les espèces concer-nées (« éléments ultra-conservés »,ou UCE), étudier l’ADN qui leurest associé et comparer le tout. Ontété mis à contribution le serpent desblés, la tortue à cou caché d’Afrique,la tortue peinte, l’alligator d’Amé-rique, le crocodile marin, le tuatara,le coq sauvage (à l’origine de toutesles poules domestiques), le diamantmandarin, l’anole vert – et un zestede génome humain (Homo sapiens).

Les chercheurs ont abouti à 1 145UCE. L’analyse comparée de cestémoins génétiques de l’histoire desespèces fournit selon eux la « preuveécrasante » que les tortues sont bienissues des archosaures.

« Etant donné que les UCE sontconservés à travers la plupart desgroupes de vertébrés, et qu’on lestrouve également chez certainesmoisissures et insectes, notreapproche est généralisable au-delàdu seul cas de cette étude et elle estpertinente pour résoudre de vieillesénigmes sur l’évolution de la vie »,assurent les auteurs de l’étude.

G.G.

LA NYMPHE ÉCHOÉGLISES. – La deuxième édition dela « Nuit des églises », parrainée parle comédien Michael Lonsdale, setiendra le 7 juillet un peu partout enFrance. Les organisateurs tablent surla participation de 300 édifices reli-gieux désireux de faire connaître leurpatrimoine d’art sacré, via concerts,visites, conférences. Mgr JeanLegrez, archevêque d’Albi, a soulignéque « l’idée est de permettre à tous,sans distinction de religions, dedécouvrir la richesse de l’art sacré, enespérant qu’elle éveillera leur sensspirituel ». L’événement est organisépar Narthex, la revue culturelle dutriste Service national de Pastoraleliturgique et sacramentelle.

TOPONYMIE. – Un square por-tant le nom d’Alain Bashung a étéinauguré le 21 juin dans leXVIIIe arr. de Paris. Le chanteur,qui habitait villa Poissonnière, unepetite rue bordée de maisons nonloin de la Goutte d’or, est décédé le14 mars 2009. Ce nouveau square,d’une superficie de 1 500 m2, est letroisième espace vert du quartieravec le square Léon et le squareSaint Bernard-Saïd Bouziri.

ÉDITION. – Paulina Nourissier-Muhlstein, fille de François Nouris-sier, vient de fonder sa propre mai-son d’édition de littérature généraleet pour adolescents, baptisée LaGrande Ourse en hommage à sonpère. L’écrivain et critique littéraire,longtemps président de l’AcadémieGoncourt, François Nourissier,mort en février 2011 à l’âge de 83ans, était en effet surnommé Nou-nours par ses proches. Une partie del’activité éditoriale sera consacrée àson œuvre littéraire et à l’étude desarchives qu’il a léguées à BNF.

SCULPTURE. – La station bal-néaire belge de Blankenbergeaccueille cet été le plus grand festivalde sculptures de sable du monde.Les artistes, venus du monde entier,ont mis six semaines pour réaliserleurs oeuvres éphémères. Les hérosde 80 contes ou histoires pourenfants, des Frères Grimm à Dic-kens en passant par J.K. Rowling etDisney, sans oublier les bandes des-sinées, ont été retenus commethèmes.

ENCHÈRES. – L’habit d’apparatdu maréchal Ney proposé auxenchères le 20 juin à l’hôtel Drouot,

à Paris, n’a pas trouvé preneur, leprix de réserve n’ayant pas étéatteint par une dernière enchère à590 000 euros. Trésor national, l’ha-bit est interdit d’exportation, ce quia pénalisé la vente avec le retrait desenchérisseurs étrangers. En veloursde soie richement brodé et gansé defils d’or, cet habit de cérémonie a étédessiné par Jean-Baptiste Isabeypour les maréchaux d’Empire à l’oc-casion du sacre de Napoléon Ier.Selon les experts, un seul autre habitde ce genre subsiste : celui du maré-chal Lannes, toujours exposé aumusée de l’Armée. Une mèche decheveux du maréchal Ney a étéadjugée 2 000 euros.

ENCHÈRES (bis). – La Femme assi-se (1949) de Pablo Picasso, quireprésente la compagne du peintre,Francoise Gilot, enceinte, a été ven-due le 20 juin 10,58 millions d’eu-ros dans une vente aux enchères àLondres. Françoise Gilot avait 21ans quand elle a rencontré Picasso,alors âgé de 61 ans, dans un restau-rant à l’été 1943. Le couple ne s’estjamais marié, il a eu deux enfants :Claude, un garçon, né en 1947, etPaloma en 1949.

TGV. – Environ 300 personnes ontmanifesté dimanche à Saint-Pée-sur-Nivelle (Pyrénées-Atlantiques) pourprotester contre deux projets de tra-cé de la future ligne à grande vitesse(LGV) au Pays basque, et jurédevant une statue de ne pas aban-donner la lutte. La sculpture enpierre, réalisée par l’artiste PantxoaTellechea, représente une main stop-pant la LGV.

ARCHÉOLOGIE. – Le Centre deRecherche Français à Jérusalem(CRFJ), plus ancien centre derecherche français installé à l’étran-ger, a fêté lundi son 60e anniversairedans la Ville sainte. Le CRFJ, sousla tutelle du CNRS et du ministèredes Affaires étrangères, est installé àJérusalem-Ouest où il accueillechaque année des chercheurs etorganise colloques conférences. « Audépart mission archéologique, spé-cialisée dans l’archéologie préhisto-rique du sud du Levant, le CRFJ aétendu ses activités dans les années1980 aux sciences humaines etsociales et récemment aux recher -ches interdisciplinaires, notammentaux sciences cognitives », expliqueOlivier Tourny, directeur du CRFJ.

Les accords de partenariat universi-taires, d’abord limités aux établisse-ments israéliens, ont été étendus àdes universités palestiniennes.

VOL. – Un buste représentantAuguste Rodin, signé Camille Clau-del, qui avait été dérobé en 1999 aumusée d’art et d’archéologie de Gué-ret, a été retrouvé mardi dans unfourgon intercepté sur la route deMontbrison. La section derecherches de Lyon avait repéré cetancien brocanteur qu’elle soupçon-nait de recel. L’Office central de lut-te contre le trafic de biens culturels aconfirmé l’authenticité de l’œuvre,qui vaudrait à la revente entre500 000 et 1 million d’euros.

MÉCÉNAT. – La Fondation azer-baïdjanaise « Heydar Aliev » a déci-dé de participer financièrement à larestauration des catacombesromaines de Marcellin et Pierre, ausud-est de Rome. C’est la premièrefois qu’un grand pays de religionmusulmane manifeste « sa généreusedisponibilité à soutenir les coûts dela restauration de l’un des lieux lesplus chers à la mémoire et à la foichrétiennes », a déclaré le présidentdu Conseil pontifical de la culture etde l’Académie pontificale d’archéo-logie sacrée, le cardinal GianfrancoRavasi. Il voit là « une marque denoble attention, dont l’objectif estune plus intense relation intercultu-relle et un dialogue interreligieux degrande ampleur ». Les travaux derestauration avaient été interrompusfaute de moyens. Leur reprisedevrait permettre l’ouverture aupublic d’une partie de ces cata-combes en 2013.

JAPON. – Les trois perles de verrerécemment exhumées du tumulusUtsukushi, un site funéraire deNagaoka datant du Ve siècle aprèsJ.-C. (près de Kyoto) sont vraisem-blablement d’origine romaine. Leschercheurs ont attesté la présence denatron, un composant chimiquenaturel utilisé par les artisansromains dans la verrerie. Ils ont éga-lement mis en évidence une tech-nique de fabrication en vigueur àRome entre les Ier et IVe siècles, quiconsistait à superposer des couchesde verre en insérant parfois desfeuilles d’or. Il est établi que lesRomains commerçaient jusqu’enExtrême-Orient, en particulier avecla Chine.

Sceau des Templiers ( Sigillummilitium Xristi, « sceau des soldatsdu Christ »). Archives départe-mentales de l’Aube.

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PRÉSENT — Samedi 30 juin 2012

Aylward Shorter, qui appartient à la Société des Mis-sionnaires d’Afrique (appelés, plus familièrement, PèresBlancs), a consacré de nombreux travaux à l’histoire de sacongrégation. Paraît en traduction française l’ouvrage,publié en anglais en 2006, qu’il avait consacré aux Mis-sionnaires d’Afrique dans la période 1892-1914, c’est-à-dire au temps le plus fort de la colonisation.

Après une présentation historique de l’implantationmissionnaire dans les différentes régions d’Afrique, ilévoque les relations des pères Blancs avec les autoritésciviles (notamment sur le problème de l’esclavage), puisles activités missionnaires proprement dites.

Benoît XV, par sa grande encyclique missionnaire(Maximum illud, 1919), puis Pie XI encourageront cequ’on appelait à l’époque l’« indigénisation » du clergépuis de l’épiscopat. A. Shorter relève que les Pères Blancsont su, dès avant la Première Guerre mondiale, « plantéles semences de l’africanisation » : « En 1914, les Mis-sionnaires d’Afrique pouvaient compter deux cent millecatholiques dans ses vicariats (dont les deux tiers enOuganda), et un nombre égal de catéchumènes. Déjà lespremiers prêtres africains avaient été ordonnés en Ougan-da et d’autres devaient suivre en Afrique de l’Est alleman-de et au Congo. Une élite catholique commençait àémerger, résultat du système éducatif des séminaires. »

Mgr Henri LéonardPour illustrer l’apostolat missionnaire des Pères Blancs

de cette époque, on peut évoquer la figure de Mgr HenriLéonard (1869-1953). Fils d’agriculteur lorrain, né dansune famille de onze enfants, il fait ses premières étudesauprès de son oncle qui était curé de la paroisse. Il estadmis au noviciat des Pères Blancs, installé à Alger, le8 septembre 1886. Ordonné prêtre en 1895, à Carthage,il est envoyé dans le vicariat apostolique du Nyanza sep-tentrional (aujourd’hui en Ouganda) puis au Nyanzaméridional (aujourd’hui dans le Rwanda).

En août 1904, il est nommé supérieur régional desPères Blancs du territoire, sous l’autorité de Mgr Hirth,vicaire apostolique. Ils avaient des vues différentes enmatière d’éducation. Tandis que Mgr Hirth considéraitque les écoles dirigées par les missionnaires devaient

d’abord être des « catéchismes de persévérance » et servirde viviers de recrutement pour le clergé, le P. Léonardavait une vue plus large. Dans un rapport adressé ausupérieur général de sa congrégation, il écrit : « Je trouveMgr Hirth exagéré dans ses exigences à propos desécoles ; on ne peut pas, pendant toute une matinée,astreindre des enfants, des jeunes gens à écouter exclusi-vement des explications catéchétiques, ou apprendre destextes d’Histoire Sainte. Tout le monde veut savoir lire,écrire, calculer, ce sont ces matières qui attirent les jeunesgens à l’école. Nous en aurions tant que nous voudrionssi notre programme admettait davantage de cesmatières. »

En juin 1912, il est nommé vicaire apostoliqued’Unyanyembe, au Tanganyika (aujourd’hui Tanzanie).Mgr Léonard appartient à cette « nouvelle génération devicaires apostoliques » (p. 262) qui, non seulement, évan-gélisent et apportent les progrès de la civilisation, maisaussi accordent une grande attention aux cultures reli-gieuses africaines. Mgr Léonard invite les missionnaires àétudier les langues et les coutumes indigènes. Il apporteranotamment son soutien au P. Fridolin Bösch, Missionnai-re d’Afrique de nationalité suisse, qui commencera sesenquêtes sur les Nyamwezi en 1912 et publiera ses étudesà partir de 1920.

Mgr Léonard développe aussi le séminaire fondé àUshirombo par son prédécesseur, y formant non seule-ment des séminaristes proprement dits mais aussi descatéchistes. Après la Première Guerre mondiale, le terri-toire, jadis sous autorité allemande, passe sous autoritéanglaise. Mgr Léonard constatera, avec crainte, le déve-loppement des missions anglicanes. Il ouvre un séminairerégional à Kipalapala. Pour des raisons de santé, il démis-sionne de ses fonctions le 23 juillet 1928 et rentre enEurope pour se faire soigner. En 1937, il fêtera son jubiléépiscopal dans son village natal. Il mourra, une quinzained’années plus tard, dans la maison généralice de sacongrégation.

Y.C.� Aylward Shorter, Les Pères Blancs au temps de laconquête coloniale. Histoire des Missionnaires d’Afrique,1892-1914, Karthala, 347 pages.

7III

Les missionnaires d’Afrique (1892-1914)par Yves Chiron

LECTURES PLURIELLES EXPOSITIONS

� MUSÉE D’ART MODERNEET CONTEMPORAINDE STRASBOURG

Peintre, sculpteur et graveur, MaxKlinger (1857-1920) est un artisteatypique. Comprenez qu’on ne peutni le classer ni l’étiqueter.Symboliste ? Vaguement. Mais safascination pour l’étrange dépassecette classification.

De 1878 à 1915, il réalise sonœuvre maîtresse, quatorze suites àl’eau-forte. Elles ont influencé desartistes comme Munch, Kubin,Käthe Kollwitz. Les commissaires del’exposition (la première consacrée àKlinger en France), Marie-JeanneGeyer et Thierry Laps, expliquent :« La dimension onirique et le fortpouvoir évocateur d’un imaginaireprovoquant des rencontres surpre-nantes entre rêve et réalité renvoientaux séries gravées de Goya et antici-pent les recherches des surréalistes.Leur influence sur les collages deMax Ernest est manifeste et Chirico,

grand admirateur de Klinger, luiconsacra un texte où il le qualifie de“génie du bizarre”. »

Largement connu – et reconnu –en Allemagne, Klinger reste peuconnu en France où aucun ouvragene lui a été consacré. Cette exposi-tion devrait corriger le tir.

— Musée d’Art moderne etcontemporain de Strasbourg, 1, pla-ce Hans Jan Arp. Jusqu’au 19 août.

� MUSÉE CARNAVALETEugène Atget (1857-1927) est l’un

des grands photographes de Paris.Un Paris qui n’existe plus ou presqueavec ses cours d’hôtels particulierspavées, ses ruelles encore moyen-âgeuses, sa rue de Bièvre avec sarivière (la Bièvre, justement) où lestisserands des Gobelins ont leurshabitudes, ses cabarets dignes desMystères de Paris, ses maisons closesfondues dans le décor, la rue Mouf-fetard et ses affriolantes petitesbonnes, etc. On est loin, très loin du

Paris des bobos et des gays luronsdelanöesques…

— Musée Carnavalet, 23, rue deSévigné, 75003 Paris. Jusqu’au29 juillet.

� PINACOTHÈQUES’il avait eu de l’argent, Jonas Net-

ter aurait peut-être acheté desimpressionnistes. Alors il s’est rabat-tu sur des peintres alors inconnus et,pour la plupart, dépréciés. Il avait legoût sûr puisque ces peintres, quel’on dira de l’école de Paris, avaientpour nom Fabrice Gousset, Utrillo,Soutine, Modigliani. Des artistesmaudits. Aujourd’hui, des monstressacrés.

— Pinacothèque, 8, rue Vignon,75009 Paris. Jusqu’au 9 septembre.

� Quelques rappels— A la Cité de la Musique (jus-

qu’au 1er juillet) : Bob Dylan, l’ex-plosion rock.

— Manufacture Prelle (5, placedes Victoires, 75001 Paris ; (jusqu’au20 juillet) : les brodeuses des cou-vents de la Visitation les Visitan-dines.

— Musée national de l’Armée(Invalides, 129, rue de Gravelle,75007 Paris ; jusqu’au 29 juillet) :« Algérie 1830-1962 ».

— Musée Jacquemart-André (158,bs Hausmann, 75008 Paris ; jus-qu’au 23 juillet) : « Le Crépusculedes pharaons. Chefs-d’œuvre desdernières dynasties égyptiennes ».

— Musée Marmottan-Monet (2,rue Louis-Boilly, 75016 Paris ; jus-qu’au 1er juillet) : « Berthe Mori-sot ». La première rétrospectiveconsacrée à la belle-sœur de Manet,amie de Renoir, Degas, Monet.

ALAIN SANDERS

Musées et galeries

Max Klinger, Eugène Atget, l’école de Paris

Le musée Marmottan-Monet est lemusée le plus fourni en œuvres deBerthe Morisot, « la femme impres-sionniste ». Il lui revenait d’organisercette rétrospective, la première à Parisdepuis soixante et onze ans. Ç’aura étéle dernier acte de son directeur,Jacques Taddei, décédé dimanche der-nier (voir p. 5), loyal serviteur de lamusique et de la peinture.

Berthe Morisot (1841-1895) estd’une famille bourgeoise. L’aisance larapproche, si on envisage l’impression-nisme sous l’angle social, de Manet,Degas, Bazille. Quand elle naît, sonpère est préfet du Cher, assez tôt lafamille s’installe dans ce qui sera leXVIe arrondissement de Paris. Lemardi, Madame mère reçoit : lepeintre Carolus-Duran, le composi-teur Rossini – un imposteur, Jules Fer-ry. Berthe et Edma, sa sœur, prennentdes cours de musique, de dessin, com-me c’est l’usage dans les bonnesfamilles. Mais leurs professeurs, dontJoseph Guichard, un élève d’Ingres,puis Camille Corot lui-même, leurprédisent un avenir professionnel.Guichard leur donne le goût de lacopie des maîtres au Louvre, Véronè-se, Boucher y passent ; avec Corot,elles s’initient au plein air. En 1864,toutes deux ont des toiles reçues auSalon.

Edma arrêtera la peinture lors deson mariage (1869). Berthe, elle,jamais, même mariée, même mère(elle meurt à 54 ans, d’une maladiepulmonaire contractée en soignant safille). Elle participe au Salon une der-nière fois, en 1873, et dès l’année sui-vante, elle est de la première exposi-tion impressionniste, et sera de toutes.Son mari et elle en financerontquelques-unes.

En 1868, Fantin-Latour lui présen-te Edouard Manet. Il est alors unpeintre de 36 ans dont on parle. Pourquelques années, Berthe est son modè-le. Portrait de Berthe Morisot à la voi-lette (1872), et surtout Berthe Morisotétendue (1873), où la jeune femmeregarde le peintre avec franchise etsympathie. Avec amour ? Mais c’estson frère, Eugène Manet, qu’elleépouse, en 1874. Côté amitiés, Degas,Renoir, Monet, Mallarmé formerontun quatuor d’élite, fidèle à cette bellefigure de femme, et digne de ce beautempérament de peintre qu’est BertheMorisot.

Ma consœur de L’Express n’a pas ététouchée. « Et pourtant, ses toiles ontdu mal à convaincre. (…) Malgré leurraffinement pictural, ces scènes fami-liales, ces portraits d’enfants, ces pay-sages évoquent un bonheur trop lisse.Ennuyeux. » Je n’ai vu nulle part debonheur, si ce n’est le bonheur de

peindre. Je n’ai pas vu de raffinementpictural, mais la grande attention del’artiste à résoudre les problèmes qu’el-le s’était posés. Je n’ai même pas vu,mais peut-être ai-je mal regardé, de« scènes familiales ». Lorsqu’elle peintEugène Manet à l’île de Wight (1875),où le couple partit en lune de miel, cequi l’intéresse est de placer une figureà l’intérieur, d’autres à l’extérieur.Même remarque pour La fable(1883), avec sa fille Julie et la nurse,Pasie.

Le jugement exprès d’AnnickColonna-Césari n’impute pas ces fai-blesses supposées à l’artiste. « Et pour-tant, ses toiles ont du mal àconvaincre. Pourquoi ? Parce queBerthe Morisot demeura cantonnéeaux sujets dits “féminins”, seuls autori-sés aux artistes femmes au XIXe siè -cle. » Et qui se cantonne à la bêtise ?Qu’expose Morisot aux Salons, entreautres ? Une vue de Paris (1867), unpaysage du Finistère (1868), une vuedu port de Lorient (1870, avec Edmaà droite)… Commentant le Salon de1864, Edmond About écrivait : « Jepasse rapidement sur les joliespochades de Mlles Berthe et EdmaMorisot. Le livre m’a bien étonné enm’apprenant que c’était de la peintureféminine. » Gageons que la journalistede L’Express sursauterait à l’idée depeinture masculine et féminine, elle quin’a pas su voir la virilité du talent deBerthe Morisot. Elle aurait voulu, sansdoute, un destin à la Gentileschi(Artemisia), à la Claudel (Camille), dequoi nourrir sa misandrie. Un destinbourgeois et talentueux déstabilise lescatégories établies.

Le regard ne s’ennuie pas, aucontraire, avec l’argenté des Enfantsdans l’herbe en Angleterre (1875), oùune ligne de maisons, dans le fond, estmangée par la luminosité d’un cielnuageux, avec le laisser-aller du Por-trait de Mme Boursier et de sa fille(1873) ou de La psyché (1876, ill.) : latouche suggère, fluide, se hâte pour nepas perdre en route l’idée générale. Surl’autel de la peinture, Berthe Morisotsacrifie les détails avec une sûreté demain qui fait plaisir à voir. J’ai cité destableaux des années soixante-dix, ceuxdes années suivantes sont à la hau-teur : Villa dans les orangers (1882),Un intérieur à Jersey (1886), JulieManet et sa levrette Laërte (1893)… oules vigoureuses Roses trémières de 1884,exemple du bonheur de ne paspeindre lisse.

SAMUEL

� Berthe Morisot. Jusqu’au 29 juillet2012, musée Marmottan-Monet. Dumardi au dimanche, de 10 h à 18 h (lejeudi jusqu’à 20 h). Entrée : 10 euros.

Berthe Morisot, La psyché. 1876. Musée Thyssen-Bornemisza.

Au musée Marmottan-Monet

Femme et impressionniste

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Page 8: Présent (quotidien) n° 7633

PRÉSENT — Samedi 30 juin 2012

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Jacques de Penthos est lepseudonyme d’un prêtre du dio-cèse de Nantes. Il a déjà publié,en quatre volumes, une éditiondes Homélies de saint Jean Chry-sostome sur les épîtres de saintPaul, que j’avais présentée ici(cf. Présent du 7 novembre2009). Il poursuit son travaild’édition du célèbre prédicateuret théologien. Paraissent uneédition, abrégée, du Commentairesur l’évangile de saint Jean (édi-tions Artège, 496 pages) et uneanthologie : A l’écoute de saintJean Chrysostome (éditions Sainte-Madeleine, 454 pages). Pour cesdeux nouveaux volumes, il autilisé, encore une fois, la pre-mière traduction française desŒuvres complètes de saint JeanChrysostome, publiée en onzevolumes, entre 1863 et 1867, àBar-le-Duc.L’anthologie est composée de

100 textes tirés de ses commen-taires sur le Nouveau Testa-ment. C’est une anthologieordonnée. Pour faciliter la lectu-re de l’ouvrage, chaque texte aun titre qui indique son thèmecentral : L’amour de l’argent (lethème revient deux fois), Lesregards impurs, L’art de la cha-rité, La loi, Médisance et calom-nie, etc.Mgr Cattenoz, archevêque

d’Avignon, a rédigé une longuepréface à ce volume. Il présentesaint Jean Chrysostome, prêtrepuis patriarche de Constanti-nople à partir de 397 (et morten exil dix ans plus tard), com-me un ardent prédicateur quiveut « apprendre à ses frères lesrègles de la vie dans la maisonEglise » et « les entraîner aucombat spirituel dans l’arène dela vie quotidienne ». Missiontoujours recommencée. « Pourcela, poursuit Mgr Cattenoz, ilutilisera la parole de Dieu qu’ilcommentera sans relâche toutau long de son ministère. Ilappellera les uns et les autres àla conversion et au pardon. Illes conduira au pied de la Croixpour leur permettre de s’abreu-ver à la source même de la misé-ricorde. Il développera souventune véritable catéchèse de laCroix et n’hésitera pas à nouspermettre de contempler la pas-sion et la Croix du Seigneur. »L’enseignement moral domine

dans ces 100 textes. Mais saintJean Chrysostome ne se limitepas aux exhortations à la vertu.Il explique à ses auditeurs« D’où vient le mal ? » (30e tex-te). Le mal, dit-il, « vient de cequ’on veut ou de ce qu’on neveut pas ». S’adressant directe-ment aux fidèles, il leur dit :« vous êtes passé du vice à lavertu, parce que vous vous êtesfait à vous-même une sainte vio-lence, et vous êtes, après, retom-bé de la vertu dans le vice, par-ce que vous vous êtes laisséabattre par la paresse ».Saint Jean Chrysostome met

en garde contre les manichéensou les gnostiques qui affirmentl’existence d’un mal éternel :« Dieu nous garde d’une penséesi déraisonnable et si aveugle,qui nous fait rendre au péché leplus grand honneur que nouspuissions rendre à Dieu. Si lemal était, comme est Dieu, sans

principe et sans cause, il serait sipuissant que rien ne pourrait ledétruire et il ne pourrait cesserd’être mal, puisque ce qui n’apoint de principe n’est sujet ni àla corruption ni au changement.Si le mal était si puissant, com-ment y aurait-il tant de per-sonnes vertueuses ? Commentla fragilité humaine pourrait-elles’élever au-dessus d’un êtreincréé et immortel ? »

L’art du prédicateurLes sermons de saint Jean

Chrysostome pouvaient durerdeux heures. Quel fidèle,aujourd’hui, serait capabled’écouter si longtemps un prédi-cateur, sans distraire son atten-tion ou rêvasser ? Et aussi, yaurait-il encore des prédicateurscapables de retenir l’attention deleurs ouailles, pendant deuxheures, sans verser dans laconférence ? Jean Quasten, spé-cialiste de patrologie, cité parJacques de Penthos, a bien cernéce qui fait qu’aujourd’hui enco-re on peut lire avec intérêt etfruit saint Jean Chrysostome :« Dans ses sermons, Chrysosto-me est le bon médecin desâmes, au diagnostic sûr, trèscompréhensif à l’égard de la fra-gilité humaine, mais diligent àcorriger l’égoïsme, la luxure,l’arrogance et le vice, partout oùil les rencontre. Bien que cer-tains de ses sermons soient trèslongs et aient pu atteindre deuxheures, les applaudissements quiles ponctuaient prouvent queChrysostome touchait le cœurde ses auditeurs et savaientconserver leur attention. […]Gardant toujours le souci depréciser le sens littéral, et oppo-sé à l’allégorie, Chrysostomedécouvre avec autant d’aisancele sens spirituel de l’Ecritureque ses applications immédiateset pratiques. »

Yves Chiron

URBIS & ORBIS

Lire saint Jean Chrysostome

3:HIKKLD=[UWXUZ:?k@g@d@a@k;M 00136 - 630 - F: 2,30 E

Nous reprenons le titre d’un livre remarquabledu colonel Chateau-Jobert, car il nous semble par-faitement adapté à la situation au Liechtenstein.Nous avons déjà évoqué dans ces colonnes le réfé-rendum sur l’avortement qui a eu lieu dans ce petitpays le 18 septembre 2011, référendum qui illustrebien comment la démocratie et donc la Révolutionréalise son travail de sape contre la Chrétienté.

Le Liechtenstein, une quasi-Chrétienté

Exemple unique à notre connaissance, en Europe etmême dans le monde, le Liechtenstein peut être consi-déré quasiment comme une Chrétienté.En effet, à la tête de ce pays se trouve un prince, qui

dispose d’un droit de veto, et donc du pouvoir suprême.Et il se trouve que ce Prince est chrétien, et que lecatholicisme est religion d’Etat.

Pouvoir suprême, vraiment ? C’est ici que la situationest remarquablement intéressante.Non, dans cette Monarchie constitutionnelle et parle-

mentaire, le véritable pouvoir suprême réside dans laConstitution : c’est elle qui octroie au prince son pou-voir. Dans une Chrétienté, c’est tout simplement le BonDieu qui octroie le pouvoir, le roi de France était « lieu-tenant de Dieu ». Ici, c’est la Constitution qui définit lesrègles, et elle peut être modifiée… notamment par lepeuple.Nous pouvons ainsi dire que « dans l’état actuel de la

Constitution, le Liechtenstein est une Chrétienté ».Mais c’est une Chrétienté fragile car reposant sur desfondements révolutionnaires : une Constitution modi-fiable par le peuple, démocratiquement, directement ouindirectement par ses députés. Cette situation rappellecelle de Louis XVIII et Charles X acceptant l’autoritéde la Charte et des Parlements, épées de Damoclès au-dessus de leur pouvoir, avec cette question lancinante :comment résoudre un conflit qui surgirait entre ces dif-férents centres de pouvoir ?…

Fin programmée de cette Chrétienté ?

La Révolution ne peut pas tolérer longtemps un prin-ce qui oserait se prendre pour un prince, et plus encoreun prince chrétien. Souvenons-nous, le Prince Aloisavait osé dire que, quel que soit le résultat du référen-dum sur l’avortement, il opposerait son veto à cette loi.Il ne se plierait pas à la « volonté populaire ». Il seconsidérerait comme étant au-dessus du peuple, commeétant le véritable chef, le véritable pouvoir. Crime delèse-majesté (à l’envers !) contre la Révolution, contre la

démocratie, contre le « droit des peuples à disposerd’eux-mêmes », donc crime contre « le peuple » ettoutes les fadaises du même tonneau.Dans ce bras de fer, les ennemis de Dieu connaissent

leur affaire : ils s’organisent à présent pour demander àprésent une modification de la Constitution, pour enle-ver au prince son droit de veto, qui est son pouvoirréel. Ils remontent à ce qui est pour eux la source réelledu pouvoir. Y arriveront-ils ? Pas nécessairement, avecce prince. Peut-être avec son successeur. Ce qui semblecertain, c’est qu’ils continueront cet assaut tant que leverrou n’aura pas sauté.

Quel serait le devoir du prince si cette Chrétienté était en passe

d’être détruite ?Cette question nous semble fondamentale pour bien

comprendre ce qu’est une Chrétienté, un ordre socialchrétien, et donc le rôle premier du chef de cette Chré-tienté. Le prince est le garant du Bien Commun, et legarant de la pérennité des Institutions qui permettent ceBien Commun. En toute rigueur, si un tel référendumdevait être organisé, il devrait s’y opposer.Si le bras de fer commence à dégénérer, son devoir

sera alors de rétablir l’ordre, y compris par la force sibesoin.Nous imaginons alors les titres de nos journaux, les

résolutions de l’ONU et de l’UE : « prince fasciste,ennemi du peuple, à découronner de toute urgence,etc. ». Nous imaginons aisément des « brigades interna-tionales » aller renforcer l’opposition, des quêtesimmenses pour l’aider, etc. Il est peu probable que lapetite armée de la principauté résisterait très long-temps…Et nous, de notre côté ? Il y aurait peut-être une poi-

gnée de volontaires idéalistes pour aider le prince, nou-veaux zouaves presque pontificaux, mais rien de trèssignificatif.Nous nous retrouverions dans la situation de

Charles X en 1830, piégé par la Charte, et souhaitantimposer son bon droit face à la pusillanimité de lapopulation : même lui, avec son armée, avec le soutiende l’Eglise, et sans être sous la pression internationale,même lui a reculé, et a fini par abdiquer.Nous pouvons également voir ici le scénario qui se

joue en Syrie, si l’on en croit certains observateurscatholiques : le pouvoir Assad, protecteur relatif deschrétiens, est attaqué de toutes parts, avec un parti prispolitique et médiatique terrible.

Alors, que faire ?Il faut bien évidemment prier pour le courageux

Prince Alois… et pour sa lignée, car le combat s’inscritdans la durée. Et lui faire connaître notre soutien, sinous le pouvons.Une « solution » serait que nous émigrions dans cette

principauté, pour tirer profit de l’existence de cettechrétienté proche de nous… Mais notre devoir d’étatest sans doute plutôt sur le territoire que nous ont léguénos ancêtres !… Il n’y a donc pas grand-chose à faire,malheureusement…Toujours est-il que cet exemple est intéressant à

suivre. Il montre la difficulté du combat contrerévolu-tionnaire, quand tant d’éléments sont contre nous.Charles X avait beaucoup plus d’atouts en poche, et iln’a pas réussi. Dans le rapport de force de l’époque, iln’a pas voulu se servir de son armée, pourtant repliéeen bon ordre à quelques lieues de Paris. Aujourd’hui,c’est par le moyen de la démocratie que cette confronta-tion Révolution-Contrerévolution s’exprime. Mais lerésultat risque d’être équivalent, et irréversible une foisencore.La démocratie est une arme de la Révolution. En

France, elle peut nous permettre au mieux deuxchoses : ralentir la destruction de ce qui reste de Chré-tienté, et bénéficier d’une « objection de conscience »pour continuer à faire notre devoir d’état à notre petiteéchelle familiale. Mais rien de plus…Au Liechtenstein, la Chrétienté est encore une réalité.

Prions Dieu qu’elle le reste.Charles Rosiers

[email protected]

Liechtenstein : la confrontation Révolution-Contrerévolution

À LA TRIBUNE DE “PRÉSENT”

« Tribune libre » (en abrégé : « Tribune ») : Article d’une personnalité extérieure à la rédaction

d’un journal et qui n’engage pas l’opinion de ce journal.

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