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I) Pour la justice, Jean-Luc Mélenchon peut qualifier Marine Le Pen de «fasciste» SOMMAIRE 1) Plus un vilain mot 2) Punir davantage 3) Ils le sont moins… 4) LDH 5) Morano appelle le général ! LA FAMILLE VENDREDI 9 OCTOBRE 2015 Gérard Diez La Presse en Revue LA PRESSE EN REVUE... Jean-Luc Melenchon, en février. Photo Loïc Venance. AFP

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I) Pour la justice, Jean-Luc Mélenchon peut qualifier Marine Le Pen de «fasciste»

SOMMAIRE

1) Plus un vilain mot 2) Punir davantage 3) Ils le sont moins… 4) LDH 5) Morano appelle le général !

LA FAMILLE VENDREDI 9 OCTOBRE 2015

Gérard Diez La Presse en Revue

LA PRESSE EN REVUE...

Jean-Luc Melenchon, en février. Photo Loïc Venance. AFP

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II) François Hollande veut davantage punir le racisme

LAPRESSEENREVUE.EU

Par Dominique Albertini

La Cour d'appel de Paris a confirmé mercredi un jugement de 2014, considérant que ce terme n'est pas une injure «entre adversaires politiques sur un sujet politique».

Pour la justice, Jean-Luc Mélenchon peut qualifier Marine Le Pen de «fasciste»

Peut-on qualifier Marine Le Pen de «fasciste» ? Oui, a répondu pour la deuxième fois la justice, ce mercredi. Saisie par Marine Le Pen, la Cour d’appel de Paris a confirmé un premier jugement rendu en mars 2014. Trois ans plus tôt, Jean-Luc Mélenchon avait contesté un sondage plaçant la présidente du FN en tête du premier tour de l’élection présidentielle : «Pourquoi voudriez-vous que le peuple français soit le seul peuple qui ait envie d’avoir un fasciste à sa tête ?» avait lancé le coprésident du Parti de Gauche.

Devant le tribunal, ce dernier avait défendu son usage de l’étiquette «fasciste» : «Il s’agit d’une opinion politique, dont le contenu peut varier selon le commentateur. Dans ma famille politique, ce mot est utilisé depuis très longtemps en équivalent du terme "extrême droite". Naturellement, ce n’est pas un compliment à l’égard du Front national ; mais ce n’est pas une injure». De son côté, l’avocat du Front national avait considéré que le mot comportait une «volonté d’invectiver, de rabaisser, de faire mépriser madame Le Pen, car il n’y a pas dans le débat public d’injure plus profonde». Le tribunal avait finalement jugé que «si le terme “fasciste” peut prendre une connotation outrageante quand il est utilisé en dehors de tout contexte politique ou s’il est accompagné d’autres termes dégradants, il est, en revanche, dépourvu de caractère injurieux lorsqu’il est employé entre adversaires politiques sur un sujet politique».

Une argumentation suivie par la Cour d’appel ce mercredi. Dans le contexte de l’époque, où certains associaient Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon sous le terme de «populisme», il était «nécessaire» que ce dernier «exprime son opinion en caractérisant politiquement son adversaire par un terme manifestant sa réprobation complète des idées politiques défendues par le Front national», a estimé la justice.

Jean-Luc Mélenchon @JLMelenchonPour la 2e fois, la justice confirme qu'on peut qualifier Marine Le Pen de fasciste. Sentez-vous libres d'appeler un chat un chat.

«C’est une décision importante, se réjouit Raquel Garrido, avocate et membre du Parti de Gauche. Depuis 2011, Marine Le Pen terrorisait les médias en attaquant ou en menaçant d’attaquer ceux qui lui colleraient l’étiquette de fasciste ou d’extrême droite. Cette parenthèse se referme aujourd’hui. On a le droit de penser que le FN n’est pas fasciste, mais il ne doit pas y avoir d’autocensure pour les autres.» De son côté, l’avocat du FN, David Lassa-Ledeist, a annoncé que sa cliente se pourvoira en cassation. «On est vraiment dans le registre de l’outrance verbale, a-t-il déploré. On ne peut pas considérer que ce genre d’attaques puisse relever par essence du débat politique.»

Dominique Albertini

Le président de la République a annoncé, jeudi 8 octobre, avoir demandé à la garde des sceaux que soit préparée une réforme du code pénal avant la fin de l’année, « pour faire de toute inspiration raciste ou antisémite, une circonstance aggravante de toute infraction, quelle qu’elle soit». Dans un discours prononcé lors de sa visite au mémorial du Camp des Milles, une ancienne tuilerie de la campagne d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), transformée en camp de concentration de 1939 à 1943, François Hollande a fixé une date pour ce renforcement pénal, qu’il avait déjà évoqué le 27 janvier au Mémorial de la Shoah, à Paris.

«La République ne connaît pas de race, ni de couleurs de peau », a déclaré le chef de l’Etat, dans une allusion peu voilée aux récentes déclarations de la députée européenne Nadine Morano (Les Républicains). « Elle ne connaît pas de communautés. Elle ne connait que des citoyens libres et égaux en droit. Ce principe n’est pas

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III) Les Français racistes, sexistes et homophobes? Moins que leurs voisins européens

négociable et ne le sera jamais, a encore dit le président de la République. Nous avons le devoir de refuser certains mots. Des mots qui sont prononcés. Et dénoncer les effets de ces mots, ce qu’ils traduisent, les divisions, les amalgames, les exclusions, les discriminations ».

Contre les « faussaires de l’histoire »

Sa visite dans un lieu qu’il a qualifié de «Vél’ d’Hiv’ du Sud», a été chargée de symboles et imprégnée de messages politiques dans une région où le Front national ambitionne de s’emparer du conseil régional. Accompagné de Christiane Taubira, de la ministre de l’éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, du ministre des sports, Patrick Kanner, et du secrétaire d’Etat chargé des anciens combattants et de la mémoire, Jean-Marc Todeschini, mais aussi de la tête de liste socialiste aux régionales, Christophe Castaner, M. Hollande a déposé une gerbe devant le wagon-souvenir de la déportation. Puis il a écouté solennellement, debout dans le soleil de l’automne provençal, les noms de la centaine d’enfants morts au camp d’extermination d’Auschwitz après avoir été internés aux Milles.

«Toute l’histoire doit être transmise dans son exactitude face aux faussaires et aux négationnistes », a insisté le président de la République, après avoir longuement visité l’ancienne tuilerie transformée en impressionnant musée de la mémoire et de la mécanique des génocides. Au lendemain de sa passe d’armes avec Marine Le Pen, au Parlement européen de Strasbourg, sur la question des réfugiés, M. Hollande a enfoncé le clou. Faisant le lien entre le sort réservé aux opposants allemands et autrichiens au régime nazi, incarcérés aux Milles par la troisième République, et celui des demandeurs d’asile syriens, il a insisté sur les chiffres : « Il faut faire connaitre la vérité : le nombre de Syriens que nous avons accueillis depuis 3 ans et le début de ces massacres ne dépasse pas 7 à 8000, a précisé le chef de l’Etat. Depuis quelques semaines, nous en avons accueilli quelques centaines. Et il y en a qui voudraient nous faire croire que nous sommes envahis ? La France a pris l’engagement d’en recevoir 24 000 dans les deux ans. Je le dis ici au camp des Milles, nous ferons ce que nous aurons à faire, parce que nous sommes la France. »

En visite dans les quartiers nord de Marseille

Saluant la transformation de ce lieu longtemps considéré comme, a-t-il dit, « une trace de honte », en « outil de recherche et de transmission », M. Hollande a assisté à la signature par la directrice générale de l’Unesco, la Bulgare Irina Bokova, et le président d’Aix-Marseille-Université, Yvon Barland, de la charte validant l’installation d’une chaire « Mémoire au service de l’humanisme » au camp des Milles.

Dans la matinée, M. Hollande avait débuté son déplacement officiel dans les Bouches-du-Rhône par une visite au lycée professionnel et technologique de l’Estaque dans les quartiers nord de Marseille. L’occasion de célébrer les 30 ans du baccalauréat professionnel mais aussi d’évoquer la notion de citoyenneté avec des enfants souvent issus de quartiers difficiles de la ville. Dans un dialogue avec les délégués de classes de cet établissement de 400 élèves, le président de la République a félicité ces jeunes « élus », leur rappelant qu’avec « leurs fonctions venaient des responsabilités ». «Il est toujours flatteur d’être élu, mais ce n’est jamais humiliant d’être battu» s’est amusé le chef de l’Etat.

Gilles Rof Journaliste au Monde

lemonde.fr

Lors d'une marche pour l'égalité et contre le racisme, à Paris le 30 novembre 2013. REUTERS/Gonzalo Fuentes

Les Français sont plus conscients des discriminations dans leur pays que la moyenne des Européens. Et ils sont aussi très largement prêts à élire une femme, une personne homosexuelle ou une personne d’origine

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étrangère comme président.

La France actuelle serait-elle semblable à celle des années 1930 où dominait la xénophobie et la haine des différences? Non, répond clairement une étude de l’Union européenne, selon laquelle les Français sont un peu plus tolérants et conscients des discriminations dans leur pays que la moyenne des Européens. Toujours selon cet Eurobaromètre de la Commission européenne, effectué début juin et publié le 1er octobre dernier, ils sont aussi plus enclins que leurs voisins à voir une femme, une personne d'origine étrangère ou une personne homosexuelle à la tête de l'État.

Interrogés sur la présence en France de huit discriminations différentes (origine ethnique, orientation sexuelle, identité sexuelle, religions, handicap, sexe, jeunesse, vieillesse), les Français ont dans chacun de ces cas plus souvent estimé que la moyenne des Européens qu’elles étaient «répandues». Ils étaient par exemple 82% à estimer que les discriminations en raison de l’origine ethnique sont répandues, contre 64% des Européens. Et 72% à estimer que les discriminations en raison de l’orientation sexuelle sont aussi récurrentes, contre 56% en moyenne dans l’UE.

Un «Obama français» n'est plus inconcevable

«Lorsqu’une entreprise cherche à embaucher quelqu’un et qu’elle a le choix entre deux candidats de compétences et de qualifications égales», les Français ont aussi plus souvent estimé que leurs voisins que l’âge, le look, la couleur de peau et dix autres critères pouvaient «défavoriser» ce candidat. Ils apparaissent, en revanche, très légèrement à la traîne sur le critère de l’identité sexuelle, où les réponses sont moins nombreuses (33% estiment que cela défavoriserait un candidat contre 34% pour la moyenne des Européens), comme pour celui de l’orientation sexuelle (27% contre 28%).

Contrairement à une autre idée reçue, les Français ne voient pas non plus d’un mauvais œil qu’une femme, un homosexuel ou une personne d’origine ethnique différente devienne présidente. Quand on leur demandait de noter sur une échelle de 1 à 10 (de très mal à l’aise à très à l’aise) ce qu’ils ressentiraient si une femme était élue au plus haut poste politique, 90% d’entre eux ont indiqué qu’ils étaient «à l’aise» (correspondant à une note de sept à dix). Un autre sondage effectué en mars

dernier indiquait des résultats similaires.

Les Français plus regardants sur l'âge

Une large majorité de personnes s’est également dite à l’aise avec une personne handicapée (77%), une personne d’une origine ethnique différente de la population (61%), une personne homosexuelle, bisexuelle ou lesbienne (68%) et presque la moitié de la population ne voyait pas d’inconvénient à ce que cette personne soit «transgenre ou transsexuelle» (47%). Là aussi, la tolérance était toujours plus élevée que la moyenne des Européens.

Le seul critère qui pose visiblement plus problème aux Français qu’aux autres Européens est celui de l’âge. Un président de plus de 75 ans? Seuls 34% des Français n’y voient pas d’inconvénient, contre 46% de nos voisins. Alain Juppé, qui a eu 70 ans cette année, passe donc encore dans les critères «d’acceptabilité des Français». Le candidat à la primaire des Républicains pour l’élection présidentielle de 2017 a d’ores et déjà annoncé qu’il ne concourrait pas à un deuxième mandat s’il était élu. «Sauf progrès spectaculaires des biotechnologies», avait-il ajouté en plaisantant. Il est de toutes façons prévenu: les Français ne le verraient pas d’un bon œil.

Aude Lorriaux

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V) Morano en appelle à de Gaulle : un non-sens. Son parti et ses idées ne sont pas gaullistes

Association de la loi de 1901, la Ligue française de défense des droits de l’Homme, « LDH », regroupe les femmes et les hommes de tous horizons et toutes conditions, qui choisissent librement de s’associer afin de réfléchir, discuter, agir pour la défense des droits et libertés, de toutes et de tous. Elle intervient sur l’ensemble du territoire à travers ses sections locales.

La Ligue des droits de l’Homme est un acteur civique libre et indépendant des partis politiques, des syndicats et des associations. Elle se revendique comme citoyenne, impliquée dans la vie politique, elle participe à ses débats. Elle combat les injustices, le racisme, le sexisme, l’antisémitisme et les discriminations de tous ordres. Elle s’intéresse à la citoyenneté sociale et propose des mesures pour une démocratie forte et vivante, en France et en Europe. Elle défend la laïcité contre les instrumentalisations xénophobes, les libertés, l’égalité des droits et la fraternité comme fondement d’une société fraternelle et, donc, solidaire.

La LDH est une association généraliste. Pour se construire, l’humanité a besoin de la réalisation effective des droits civils et politiques, des droits économiques, sociaux, culturels et écologiques. Ni l’avenir du monde,ni la citoyenneté ne peuvent se diviser. La LDH considère que les droits se confortent les uns les autres.

La LDH est aux côtés de toutes celles et ceux qui refusent d’être considérés ou désignés par le seul prisme de leur religion, de leur « race », origine, couleur, ethnie ou autre assignation qui leur est imposée ; de tous ceux qui refusent tous les racismes et entendent bénéficier de l’égalité des droits. Elle défend toutes celles et ceux qui sont jugés « différents » – comme les Gens du voyage ou les Roms –, trop souvent victimes des peurs irrationnelles, de l’exclusion, violente ou insidieuse, et de campagnes de stigmatisation.

NOUSAGISSONS...

IV) La Ligue française pour la défense des droits de l’Homme et du citoyen

ldh-france.org

Par Gilles RichardHistorien

Nadine Morano brandit ses alibis. Vivement critiquée pour avoir évoqué la "race blanche" sur le plateau de France 2, la députée européenne s’est justifiée en invoquant le patronage du général de Gaulle, allant jusqu’à mettre en scène son recueillement sur la tombe de l’ex-président. Faire référence au gaullisme en 2015 a-t-il du sens ? Décryptage de l’historien Gilles Richard.

Édité et parrainé par Sébastien Billard

Charles de Gaulle dans la cour de l'Élysée, en février 1969 (AFP).

Bien qu’il ait quitté le pouvoir il y a maintenant 46 ans, le général de Gaulle reste plus que jamais présent dans le débat politique français.

À droite surtout, on continue de faire référence à sa personne et son action, mais pour des raisons essentiellement tactiques, comme on le voit aujourd’hui avec Nadine Morano, qui se sert de cette figure historique pour tenir des propos inadmissibles.

Car les bénéfices qu’un homme ou une femme politique peut tirer d’un discours faisant directement référence à de Gaulle sont assez évidents.

Se référer au général de Gaulle, une protection utile

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Homme de l’appel du 18 juin 1940, fondateur de la Ve République, président pendant dix ans, le général de Gaulle est depuis 20 ans la principale figure historique des Français. Il a détrôné dans les sondages d’opinion Napoléon et Louis XIV.

C’est un homme que l’on associe à la Résistance, à l’indépendance nationale et au rayonnement de la France. En toutes circonstances, il peut donc être une protection utile. Une protection qui ne coûte pas cher, pourrait-on dire, puisqu’il n’est plus là pour se défendre.

Mais comme le montre le comportement de Nadine Morano, on se sert le plus souvent uniquement du symbole qu’il représente, quitte à prendre de grandes libertés avec ce qu’il a véritablement fait ou pensé.

La députée européenne prétend ainsi que ses propos sur la "race blanche", tenus dans une émission de France 2, s’inscrivent dans la lignée de la pensée gaulliste. Elle s’est d’ailleurs empressée de mettre en scène son recueillement sur la tombe de l’ex-président (située dans la région où elle est candidate).

Cela est pourtant faux.

Il ne pensait pas en termes de race mais de nations

Le général de Gaulle, lui, n’était pas raciste et avait une conception ouverte de la nation, ayant définitivement rompu pendant la guerre avec le maurrassisme qui avait influencé (en partie) sa formation. De Gaulle était un homme de son temps, un homme qui était allé à l’école fin XIXe-début XXe, à une époque où le mot "race" était d’usage banal, même à gauche.

Une époque où il n’avait pas toujours le même sens qu’aujourd’hui : beaucoup parlaient de "race" comme on parle de "peuple" désormais (ce qui n’empêchait pas certains de penser que tous les peuples n’étaient pas égaux). S’il a certes mené une politique néocolonialiste en Afrique, il n’a jamais adhéré à une quelconque pensée racialiste. De Gaulle pensait avant tout en termes de nations.

Sur ce point comme sur bien d’autres, se référer à de Gaulle en 2015 (on prête beaucoup de "mots" au général – Alain Peyrefitte notamment – mais beaucoup ne sont pas bien assurés), se servir de ses écrits (tronqués le plus souvent et hors contexte) pour justifier telle ou telle prise de position, n’a en vérité que bien peu de valeur tout simplement parce que se dire gaulliste n’a désormais plus de sens.

Le gaullisme, en effet, est un courant politique qui a été émergé et existé dans un contexte particulier, celui de la Résistance puis de la Guerre froide.

S'il était vivant, il ne serait pas "Les Républicains"

De Gaulle avait comme objectif premier de redonner son "rang" à la France défaite en 1940 (puis en Indochine et en Algérie) en lui donnant un nouveau rôle, adapté aux circonstances : un rôle d’arbitre entre les deux grandes puissances ("les deux empires" selon sa formule). Cela en sortant de l’OTAN et en s’appuyant sur la force de frappe, la "Françafrique" et une Europe des Six dirigée par Paris.

Mais la disparition du Bloc soviétique (1989-1991) a tout simplement fait disparaître le contexte rendant possible le déploiement de cette politique. Et comme le disait de Gaulle lui-même, "il n’y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités".

Cela fait d’ailleurs des années que, dans les faits, la droite dite "républicaine" s’est éloignée du gaullisme, aussi bien en matière économique qu’en matière de politique extérieure. Après 1981, Jacques Chirac, président du RPR, a choisi, pour des raisons tactiques, d’aligner son parti sur la ligne idéologique de l’UDF, néolibérale et européiste, abandonnant le référentiel gaulliste (au grand dam d’un Charles Pasqua par exemple).

Au regard de la ligne politique actuelle des "Républicains", on pourrait donc même aller jusqu’à dire que de Gaulle, s’il était là, ne serait probablement pas dans ce parti.

Elle ne défend pas son héritage, elle l’instrumentalise

Le contexte n’est tout simplement plus le même. L’UMP, devenue récemment LR, est un mouvement politique fondamentalement néolibéral et européiste, là où de Gaulle était nationaliste (un nationalisme non fermé,

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compatible avec un cadre républicain, rappelons-le) et un catholique social, adepte de la "Participation".

Nadine Morano peut bien se réclamer de de Gaulle, ni son parti ni ses idées ne peuvent être qualifiées de gaullistes. Parce que le contexte a changé et surtout parce qu’en faisant référence ainsi à de Gaulle, elle ne défend pas son héritage mais l’instrumentalise pour mener en réalité une habille opération de communication dans la perspective de la primaire à droite.

Avec la conversion du RPR à l’Europe puis la disparition de la Guerre froide, une partie de l’électorat gaulliste s’est retrouvé orphelin dans les années 1980. Certains se sont alors tournés vers le FN.

C’est précisément aux européennes de 1984, quand le RPR est devenu européiste (liste commune avec l’UDF menée par Simone Veil), que le parti de Jean-Marie Le Pen décolle, avec sa liste "pour l’Europe des patries", le FN reprenant alors les mots mêmes de de Gaulle.

Dans la logique de la primaire 2016, on peut penser que c’est à cet électorat que Nadine Morano cherche à envoyer des signaux en ce moment, histoire de faire le pont entre le FN et l’aile nationaliste de l’ex-UMP.

S’adresser à un électorat non européiste

Pour "Les Républicains", la difficulté tient aujourd’hui dans la nécessité de s’adresser à cet électorat non européiste en pleine expansion tout en demeurant un parti fondamentalement européiste. Invoquer de Gaulle n’est dès lors qu’une façon habile de critiquer l’Europe actuelle sans se réclamer du FN.

D’une manière plus générale, ce que les références récurrentes à de Gaulle dans les discours politiques actuels montrent (il en va de même du mot République), c’est à quel point il y a aujourd’hui une perte de sens. À force d’être instrumentalisés par des individus de tout bord, des mots et des symboles essentiels sont vidés de leur sens premier pour mieux être manipulés.

Propos recueillis par Sébastien Billard

nouvelobs.com

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