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EHESS Prêtres, diacres, laïcs. Révolution silencieuse dans le catholicisme français by Céline Béraud Review by: Pierre Lassave Archives de sciences sociales des religions, 53e Année, No. 144 (Oct. - Dec., 2008), pp. 177-180 Published by: EHESS Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40386439 . Accessed: 12/06/2014 21:26 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Archives de sciences sociales des religions. http://www.jstor.org This content downloaded from 195.34.79.223 on Thu, 12 Jun 2014 21:26:17 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Prêtres, diacres, laïcs. Révolution silencieuse dans le catholicisme françaisby Céline Béraud

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Prêtres, diacres, laïcs. Révolution silencieuse dans le catholicisme français by Céline BéraudReview by: Pierre LassaveArchives de sciences sociales des religions, 53e Année, No. 144 (Oct. - Dec., 2008), pp. 177-180Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/40386439 .

Accessed: 12/06/2014 21:26

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Bulletin bibliographique - 177

Dans le présent ouvrage, David Bensoussan a élu comme thème central la perspective juive, ou plus exactement séfarade, de ce phénomène et de son retentissement auprès des popu- lations juives actuelles, qui y puisent leurs références et leur identification. Selon l'auteur, cet ouvrage n'a pas pour ambition de rétablir la vérité historique mais de transmettre de l'in- formation à petites doses par de courts récits sur les « grands moments de la cohabitation dans l'Espagne des trois religions » (p. vi).

Selon la perspective chronologique tracée par l'auteur, jamais l'Espagne musulmane, ni à l'époque du califat omeyyade ou des dynas- ties berbères, ni moins encore au temps de l'Espagne d'après la Reconquête, n'a vraiment été le pays des trois religions. L'argumentation proposée à travers un dialogue fictif suggère l'incompatibilité entre les trois grandes religions monothéistes se rattachant à la foi abraha- mique (p. 12). Le cadre global de références aux communautés islamique et chrétienne ne sert qu'à mettre en évidence... les vertus du peuple élu, le seul capable « d'agir et se ques- tionner » {ibid.). En somme, il n'y a qu'une seule perspective au détriment des autres.

L'institution de la dhimma qui, dans l'État islamique, garantissait la protection aux non- musulmans « les gens du Livre », c'est-à-dire les chrétiens et les juifs, est perçue comme un traitement réservé à « des citoyens de seconde classe, assujettis à un statut et à une taxe spéciaux » (p. 13) et non comme une discrimi- nation positive concédant des droits aux non- musulmans au sein de l'État islamique. Dans la totalité des royaumes chrétiens issus de la Reconquête, les populations juives et musulmanes ont été réduites à une condition subalterne et les persécutions, sous la pression des démagogues et d'une grande partie du clergé, se sont intensifiées. Les conversions forcées, suivies des sévices infligés par l'Inquisition, ont fait suite aux massacres et à l'expulsion. L'auteur prend, quand même, le soin d'analyser séparément la situation en Castille et en Aragon d'une part, et au Portugal, d'autre part. Malgré l'existence d'une certaine interpénétration culturelle, que l'auteur ne nie pas et qu'il qualifie de « plus belles heures de Convivencia », il met l'accent sur une inimitié toujours entretenue entre les membres des différentes confessions d'où, selon la citation de Bernard Lewis, l'idée que la convivencia n'était qu'un mythe ! (p. 180).

Dans ce sens, on peut, à l'époque actuelle, questionner l'efficacité du dialogue interculturel

(in (capable de surmonter les différences cultu- relles ? Est-il vraiment possible de surmonter les préjugés accumulés et les barrières cultu- relles qui mettent en péril l'objectif visant à instaurer un espace commun de paix et de prospérité partagée dans la région méditer- ranéenne ? Ou aura-t-on affaire à une autre utopie ? Décidément, un long chemin à parcourir...

Ainsi, il est légitime de s'interroger sur l'apport de ce livre dont l'auteur dédaigne ouvertement la vérité historique, annoncée dès le début. Les interprétations sont toujours subjectives, mais dans un ouvrage qui ne se présente pas comme un roman historique ou une fiction mais traite de l'histoire et de faits historiques, les inexactitudes et les erreurs grossières sont nombreuses (pp. 41, 49, 51, 65, 61, 85, 89, 91, 96, 136, 138, 183). La narration maintenue sur un ton intimiste, en brossant de petits tableaux, retient l'attention en essayant d'éveiller chez le lecteur un intérêt pour le creuset des cultures qui s'y sont succé- dées, sans perdre de vue la perspective inconci- liable entre « nous » et les « goim », en exaltant « l'amour de Sion » et « le retour des exilés en Terre d'Israël » et en projetant l'image d'un judaïsme caractérisé par « des exigences plus élevées en matière de morale compte tenu de son alliance première » (p. 190). L'auteur n'hésite pas à lancer, à plusieurs reprises, des accusations contre musulmans et chrétiens, se référant à des occurrences passées pour les projeter dans le présent comme explications de leurs implications dans... le choc des civili- sations (p. 192) et la perpétuation d'attitudes antiiuives Ιό. 194) !

Eva-Maria von Kemnitz

144-8 Céline Béraud

Prêtres, diacres, laïcs. Révolution silencieuse dans le catholicisme français Préface de Daniele Hervieu-Léger). Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Le lien social », 2007, 351 p.

Première scène : un détenu veut absolu- ment se confesser mais l'aumônier de prison à qui il s'adresse lui dit qu'il ne peut confesser car il n'est que diacre et qu'il faut donc attendre que le vieux père Michel rentre de sa cure thermale pour cela. Le détenu fait quelques jours plus tard une tentative de suicide et

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Paumônier, appelé en urgence par le directeur de prison, accepte d'entendre l'homme effondré. Ce dernier n'évoque pas sa tentative de sui- cide, mais le diacre la lui fait confesser. Le père Michel reviendra plus tard pour l'absolution en remerciant d'autant plus le diacre d'avoir commencé la confession qu'il se sent lui-même devenir sourd.

Deuxième scène : sur le seuil de la salle de cultes d'un funérarium, une famille attend pour entrer que la responsable de l'aumônerie endosse une aube ; celle-ci fait entrer les hési- tants en leur expliquant qu'elle ne peut porter d'habit, au risque d'ailleurs d'ajouter à leur peine. Elle pourrait à la limite endosser une aube mais elle se refuse à le faire pour ne pas être assimilée au prêtre ou pour ne pas donner l'impression qu'elle pourrait souhaiter une telle assimilation.

Troisième scène : au cours d'un week-end de préparation au mariage, un jeune prêtre à col romain explique laborieusement aux futurs époux que les moyens de contraception non naturelle comportent des risques sérieux de stérilité. Les futurs époux ne s'en offusquent guère voyant au contraire dans les mises en garde du jeune prêtre une confirmation de son rôle symbolique. Les accompagnatrices, animatrices laïques en pastorale, réprouvent l'argument obscurantiste du clerc, mais n'osent pas gâcher cette retraite conviviale par un conflit inutile.

Ce ne sont là que trois petits résumés de multiples moments d'embarras, de confusion des rôles, mais aussi de leur redéfinition che- min faisant, qui fait la matière de ce livre, lequel n'a pourtant rien d'un recueil d'anec- dotes. Il résulte en effet d'une rigoureuse enquête sur les transformations en cours de l'Église catholique ; nouvelle marque du dépla- cement de la sociologie des religions, du domaine des croyances et de ses pratiques vers celui des institutions qui les formalisent et les entretiennent.

Pour cela, Céline Béraud a observé à plu- sieurs reprises pendant une dizaine d'années (1996-2006) la vie de deux diocèses clés (Paris et province) et effectué une soixantaine d'entretiens approfondis d'acteurs de 1'« ecclé- siosphère » (Poulat) - un travail qui s'inscrit dans une thèse de l'EHESS, sous la direction de Daniele Hervieu-Léger. Après une première livraison consacrée au Métier de prêtre {Arch. 138-6) mettant en valeur tout l'apport de la sociologie des professions à la connaissance

des transformations de cette activité menacée d'extinction sociale, l'auteure dresse ici un portrait global de la révolution silencieuse au sein de l'Église, à partir de l'examen serré du jeu des partenaires de « l'économie d'offrande » (Bourdieu), prêtres, diacres, laïcs en pastorale et publics variables.

L'Église de France est dans son déclin plus frappée par la crise de la prêtrise que par celle de ses vocations. Dans les années deux mille, où la moyenne d'âge de ses vingt milliers de clercs est de soixante-dix ans, on compte une centaine d'ordinations de prêtres par an pour sept cents à huit cents décès et seize départs. Mais depuis une vingtaine d'années la popula- tion des diacres permanents est passée de cent à deux mille et celle des laïcs avec lettre de mission de cinq cents à cinq mille. Une telle évolution ne peut être sans effet sur la vie de l'institution. « Comment le système tient-il malgré tout, avec un corps de prêtres en voie d'extinction et de nouveaux personnels jouis- sant non seulement d'une moindre légitimité, mais étant également régulièrement confrontés à la "licence" et au "mandat" des premiers en ce qui concerne les biens symboliques qu'ils peuvent délivrer ?(...) Assiste-t-on à une redistribution des tâches sans que la centralité du prêtre soit affectée ? Va-t-on, au contraire, vers une remise en cause de sa place privilégiée et de son autorité ?» (p. 10).

Le chemin des réponses passe d'abord par un rappel des mutations du catholicisme français depuis la Seconde Guerre mondiale : démocratisation conciliaire (Vatican II), crise des ministères dans les années soixante et soixante-dix, « réattestation identitaire » après les années quatre-vingt, pluralisation de fait aujourd'hui. L'étude qui suit de la division du travail religieux précise les tensions doctri- nales autour du modèle grégorien de sacerdoce célibataire masculin. Après avoir un temps fait débat dans les Églises des sociétés occiden- tales, les deux verrous du genre et du célibat n'ont pas sauté mais sont au contraire réaf- firmés par le corps ecclésial ouvrant de la sorte le champ des interactions avec les diacres et les permanents laïcs missionnés. Bien qu'en croissance numérique, ces derniers relèvent de statuts précaires à mi-chemin entre bénévolat et salariat. Le droit canonique est peu précis à leur endroit : ils y sont au service de l'Église pour un temps permanent ou provisoire, pour leur personne ou leur compétence.

En tout état de cause, de même que le diaconat pallie la question du célibat des

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prêtres, la féminisation des permanents laïcs pallie celle du genre masculin de toute ordi- nation. La présence des femmes dans divers postes de responsabilité pastorale (catéchèse, aumônerie) et administrative change en douceur le visage de l'Église. Elle atténue les revendications internes d'ordination féminine en même temps qu'elle produit des situations incongrues, par exemple lorsqu'une perma- nente missionnée au plus haut niveau se voit parfois prendre des décisions en lieu et place des clercs de base. Plus généralement, les compétences d'écoute et de présence au monde souffrant que déploient les « permanentes » entrent en tension ou en équilibre avec le charisme d'ordination, certes socialement plus distant, mais symboliquement essentiel.

L'intérêt et l'originalité de l'enquête se révèlent précisément dans l'analyse des méca- nismes d'ajustements entre partenaires dans des situations où s'éprouve l'indétermination de leurs rôles comme nos trois premiers exemples l'ont illustré. De cette « sociologie du flou », il ressort l'idée que les ambivalences de sta- tuts ou les « zones d'incertitude » (Crozier), loin d'engendrer le conflit ou le blocage, produisent des « effets émergents » (Boudon) qui, de proche en proche, transforment « à l'aveugle » l'institution. Le régime de faible conflictualité qui en résulte converge avec les historiens qui ont déjà montré que l'Église de France n'est plus l'enfant terrible du catholi- cisme : après le voice des contestataires des années soixante, puis leur exit dans les années qui suivent, voici venu le temps des loyalties échangées (pour reprendre un scheme connu d'Albert O. Hirschman).

Au sein de la culture du compromis dans laquelle l'institution s'installe, la division du travail religieux se joue sur le mode des complé- mentarités entre les agents de la manipulation du lien avec le divin et ceux des interactions entre l'Église et le monde. Il reste qu'une centaine d'ordinations de prêtres par an forme l'étiage asymptotique de ce cours d'action au point qu'on peut se demander si l'idéal sacerdotal n'a pas disparu de notre société. Pesant le pour et le contre, l'auteure conclut plutôt à un devenir complexe résultant du jeu d'au moins quatre variables divergentes : la réitération du don de soi pour la vie, la nécessité de l'engagement laïque et diaconal, la valorisation du mariage par l'institution, la promotion des engagements temporaires. Elle rejoint ce faisant d'autres recherches socio- logiques actuelles sur la crise des institutions

de socialisation, comme l'école, où la perte de légitimité de l'organisation s'accompagne paradoxalement d'une forte demande d'auto- rité charismatique. Dans cette perspective, l'Église catholique est un bel exemple de la division du travail qui affecte aujourd'hui le charisme de fonction (aux prêtres le lien sacra- mentel, aux permanents le travail pastoral) tout en revalorisant le charisme personnel (aux prêtres l'ascèse extra-mondaine, aux laïcs la symbiose avec le monde). Par ces divers canaux, le culte très séculier de l'accomplissement de soi rejoint ainsi celui de l'accomplissement des Écritures.

Cette enquête reflexive sur une institution en proie au déclin, mais qui imprègne encore quoiqu'on en dise nos modes de pensée et d'organisation sociale, devrait faire date. Elle s'accompagne d'utiles annexes statistiques et méthodologiques. Le « voyage en ecclésio- sphère » qui y est relaté, bilan du travail de terrain de la jeune femme enquêtrice dans un milieu où les différences de genre sont structu- relles, redouble par son expérience même les contrastes et les ajustements étudiés. La parole des jeunes prêtres à col romain de Paris fut ainsi la plus difficile à recueillir à l'inverse des épanchements chaleureux des « permanentes » ; entre les deux, la hiérarchie episcopale s'est ouverte à l'universitaire mais non sans quelque retenue ou « langue de buis ».

Cette utile synthèse de la relation d'en- quête ne manque pas d'ailleurs elle-même de retenue. Elle s'appuie plus en effet sur une certaine tradition d'objectivation sociologique (Hughes, Pinçon-Chariot) que sur la tradition ethnologique qui, de Bronislav Malinowski à Jeanne Favret-Saada en passant par Clifford Geertz, place l'observateur sur le même plan d'investigation que le milieu observé. Au-delà des effets d'enquête ici évoqués, la question demeure en effet de savoir dans quelle mesure les propriétés et les dispositions mêmes de l'enquêtrice orientent notre connaissance des acteurs, des situations et des organisations qu'elle objective. On peut ainsi se demander si l'entreprise analytique exceptionnellement fine de cet ouvrage centré sur la division du travail religieux n'estompe pas quelques traits symboliques qui surdéterminent certaines situations rencontrées. Évoquons seulement, à propos de la magnification compensatoire du genre féminin, le faible cas fait à la prégnance du culte mariai qui traverse en profondeur les couches du « peuple de Dieu » ou, à propos de l'ascèse renouvelée des jeunes prêtres, le

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peu de considération faite à la concurrence d'autres performances de renoncement au monde telles qu'elles s'éprouvent par exemple aujourd'hui dans le bouddhisme occidentalisé.

Mais ce ne sont là que détails qui, loin d'être critiques, caractérisent au contraire le point de vue offert. Une perspective sociolo- gique qui s'appuie largement comme on l'a vu sur l'économie d'offrande développée par Pierre Bourdieu. Elle l'illustre notamment par l'étude des bricolages qui tendent à déplacer insensiblement les cadres ecclésiaux vers la société globale, tels les rituels laïques autour de la mort. Elle en précise aussi toute la plasti- cité : la soumission des femmes au charisme sacerdotal n'exclut nullement leur épanouisse- ment au sein de l'Église. Elle en déplace enfin les termes vers l'examen des effets émergents des situations contradictoires sans pour autant verser dans l'individualisme méthodologique de Raymond Boudon ni dans la grammaire des interactions symboliques selon Erving Goff man.

Pierre Lassave

144-9 Marc- Antoine Berthod

Doutes, Croyances et divination. Une anthropologie de l'inspiration des devins et de la voyance Lausanne, Éditions Antipodes, 2007, 431 p.

Ce livre dense issu d'une thèse soutenue à l'Institut d'ethnologie de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l'Université de Neufchâtel nous emmène dans le monde des voyants sur un modèle très universitaire : considérations méthodologiques montrant la difficulté d'aborder ce terrain (vingt-deux pages) ; historique de la voyance (quatre-vingt quatorze pages) ; entretiens portant sur la biographie et la pratique de la voyance avec six devins (cent soixante et onze pages) ; un commentaire de ces entretiens (soixante-six pages) ; une interprétation de la relation entre le voyant et son client (vingt-six pages). Il est difficile de résumer une thèse aussi dense. De plus, nous ne souhaitons pas nous ériger en jury de soutenance.

Chez l'auteur, l'historique de la voyance a pour fil conducteur les rapports entre le christianisme et la mantique. Celle-ci a été reléguée au plan des pratiques non recomman- dées alors que paradoxalement le public des voyants est important. On sait que des hommes

politiques ont font partie. Il y a quelques années, un journaliste avait estimé que le chiffre d'affaire des voyantes à Paris était équi- valent à celui des prostituées et de l'entreprise Renault. Excessif ? Peut-être. Mais la margi- nalisation idéologique de la voyance ne se traduit pas par une marginalisation sociale. Du reste, l'auteur nous le rappelle à juste titre : la voyance est une profession. Marc-Antoine Berthod passe aussi par le Nouvel Âge puisque les salons organisés dans le cadre de cette mouvance accordent une place à la mantique et puisque les boutiques du Nouvel Âge pro- posent des instruments qui servent de support à la divination. Toutefois, ce phénomène n'est pas central : les traités de voyance, les pendules, les jeux de Tarots, les boules de cris- tal étaient vendus chez les libraires spécialisés dans la parapsychologie avant l'avènement du Nouvel Âge. On en trouvait dans les années soixante dans le catalogue de la Diffusion scientifique (rue Lamarck à Paris) à côté d'ouvrages de parapsychologie (traités de dédoublement, traités de médiumnité, rituels de haute magie...) L'auteur montre d'ailleurs que la divination est en rapport avec la parapsychologie et avec l'ésotérisme. Cela nous donne l'occasion de signaler la présence, parfois oubliée, de l'ésotérisme et du gnosti- cisme dans nos sociétés. Ils sont présents dans le Nouvel Âge mais aussi dans des groupes religieux minoritaires non chrétiens ainsi que dans des mouvements « christiques » qui se réfèrent à un supposé enseignement caché du Christ.

Un des points forts de l'ouvrage est la transcription et le commentaire de six récits de vie de voyantes. Les voyantes y construisent leur biographie. Elles retracent l'origine et l'évolution de leur vocation et parlent de leur pratique (état personnel, perception du client...). L'auteur analyse les entretiens sur le mode du commentaire de cas cliniques. On trouve ici une illustration de l'intérêt de la méthode du récit de vie qui vise l'objectivité en tenant compte de la subjectivité de l'acteur social. En fait, pour M. -A. Berthod, l'auto- biographie est aussi un élément important de la construction du pouvoir de divination. Nous lisons : « Les trajectoires de vie de mes informateurs montrent encore qu'une bonne voyance ne s'improvise pas. Devenir devin dépend aussi bien de la relecture biographique qu'une personne doit entreprendre pour se forger une représentation de soi pertinente corrélativement à l'expérience de la voyance »

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