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AVANT-PROPOS 6 AMC pratique n°195 février 2011 DOSSIER © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Prise en charge cardiologique en cancérologie J.-J. Monsuez Service de cardiologie, Hôpital René-Muret, Hôpitaux universitaires de Paris Seine-Saint-Denis [email protected] L e cardiologue est impliqué en cancéro- logie pour plusieurs raisons. Ses malades, par leurs facteurs de risque souvent iden- tiques (tabac) mais aussi par l’augmentation importante de leur espérance de vie liée à l’ef- ficacité des traitements cardio-vasculaires, sont plus exposés à être atteints d’une affection maligne. Nombre d’entre nous vérifient d’ailleurs de temps en temps la radiographie thoracique après une surinfection broncho- pulmonaire ou le PSA annuel, avec cette arrière-pensée, lorsque le médecin traitant du malade ne l’a pas déjà fait. Le bilan initial du malade, avant chimiothérapie, comporte régulièrement une évaluation cardio- logique avec échographie, lorsque le traitement prévoit un médicament ayant une toxicité cardiaque. Cette surveillance se poursuit pendant le traitement, au cours duquel peuvent survenir de multiples complications cardio-vasculaires : syndrome coronaire aigu, trouble rythmique, poussée hypertensive, thrombose veineuse profonde, embolie pulmonaire, infection de cathéter et recherche d’endocardite, épanche- ment péricardique néoplasique. Un second aspect de l’implication du cardiologue concerne l’évolution très rapide des traitements anti-cancéreux au cours des dernières années. Les traitements adjuvants destinés à limiter la toxicité cardiaque des anthracyclines, nombreux, ont fait l’objet de multiples publications, mais leurs indi- cations précises n’ont pas fait l’objet de recom- mandations… et ne font pas plus l’unanimité. Les mécanismes biologiques de la toxicité des antimi- totiques restent difficiles à saisir aussi, compte tenu de leur nombre, de leurs intrications et de leur complexité. Et, last but not least, les choses ont considérablement évolué avec l’apparition des thérapies dites ciblées, qui agissent sur une voie d’activation spécifique de la cellule tumo- rale. Spécifique certes, mais pas complètement, puisque ces nouveaux médicaments ont aussi des effets secondaires, cutanés, neurologiques, cardiaques loin d’être négligeables. L’hypertension artérielle induite par certains d’entre eux atteint la moitié des malades traités. Une dysfonction ventriculaire gauche atteint 3 à 5 % des sujets traités par la plupart des nouvelles molécules inhibant les tyrosine kinases. Les traitements combinés, tels que la radio- chimiothérapie, ou séquentiels, les associations de chimiothérapies, majorent enfin le risque d’at- teinte cardiaque, et nécessitent une programma- tion de leur chronologie à titre préventif. Parallèlement, et là sans contrepartie autre que budgétaire, la radiothérapie a elle-aussi beau- coup évolué. Les progrès de ce que l’on appelait autrefois le « centrage » ont abouti aux révolu- tions actuelles présentées par P. Giraud (Paris), radiothérapie conformationnelle tridimension- nelle avec modulation d’intensité, asservissement respiratoire, tomothérapie, cyberknife. La prise en charge de la thrombose veineuse est le dernier grand volet de l’implication du cardio- logue en cancérologie. Qu’elle soit révélatrice ou qu’elle survienne en cours de traitement, c’est à la fois l’une des complications les plus fréquentes et potentiellement grave des malades traités en cancérologie. Son traitement s’est simplifié, avec le recours large aux héparines de bas-poids molé- culaire en administration quotidienne unique, mais surtout prolongée, sans recours aux anticoa- gulants oraux. Les conséquences cliniques de la découverte d’une maladie maligne dans le bilan d’une thrombose veineuse profonde sont présen- tées dans une perspective actualisée par P.-Y. Le Roux et coll, du CHU de Brest. Un cas clinique, présenté par J.-C. Cornily, montre enfin la sévérité des enjeux diagnostiques et thérapeutiques de ces situations souvent difficiles. Cette parution propose donc au lecteur un pano- rama de ce qui a évolué au cours des dernières années dans la prise en charge cardiologique des malades atteints de maladies malignes.

Prise en charge cardiologique en cancérologie

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AVANT-PROPOS

6 AMC pratique � n°195 � février 2011

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© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Prise en charge cardiologique en cancérologie

J.-J. MonsuezService de cardiologie, Hôpital René-Muret, Hôpitaux universitaires de Paris [email protected]

Le cardiologue est impliqué en cancéro-logie pour plusieurs raisons. Ses malades, par leurs facteurs de risque souvent iden-

tiques (tabac) mais aussi par l’augmentation importante de leur espérance de vie liée à l’ef-ficacité des traitements cardio-vasculaires, sont plus exposés à être atteints d’une affection maligne. Nombre d’entre nous vérifient d’ailleurs de temps en temps la radiographie thoracique après une surinfection broncho-pulmonaire ou le PSA annuel, avec cette arrière-pensée, lorsque le médecin traitant du malade ne l’a pas déjà fait.Le bilan initial du malade, avant chimiothérapie, comporte régulièrement une évaluation cardio-logique avec échographie, lorsque le traitement prévoit un médicament ayant une toxicité cardiaque. Cette surveillance se poursuit pendant le traitement, au cours duquel peuvent survenir de multiples complications cardio-vasculaires : syndrome coronaire aigu, trouble rythmique, poussée hypertensive, thrombose veineuse profonde, embolie pulmonaire, infection de cathéter et recherche d’endocardite, épanche-ment péricardique néoplasique.Un second aspect de l’implication du cardiologue concerne l’évolution très rapide des traitements anti-cancéreux au cours des dernières années. Les traitements adjuvants destinés à limiter la toxicité cardiaque des anthracyclines, nombreux, ont fait l’objet de multiples publications, mais leurs indi-cations précises n’ont pas fait l’objet de recom-mandations… et ne font pas plus l’unanimité. Les mécanismes biologiques de la toxicité des antimi-totiques restent difficiles à saisir aussi, compte tenu de leur nombre, de leurs intrications et de leur complexité. Et, last but not least, les choses ont considérablement évolué avec l’apparition des thérapies dites ciblées, qui agissent sur une voie d’activation spécifique de la cellule tumo-rale. Spécifique certes, mais pas complètement, puisque ces nouveaux médicaments ont aussi des

effets secondaires, cutanés, neurologiques, cardiaques loin d’être négligeables. L’hypertension artérielle induite par certains d’entre eux atteint la moitié des malades traités. Une dysfonction ventriculaire gauche atteint 3 à 5 % des sujets traités par la plupart des nouvelles molécules inhibant les tyrosine kinases.Les traitements combinés, tels que la radio-chimiothérapie, ou séquentiels, les associations de chimiothérapies, majorent enfin le risque d’at-teinte cardiaque, et nécessitent une programma-tion de leur chronologie à titre préventif.Parallèlement, et là sans contrepartie autre que budgétaire, la radiothérapie a elle-aussi beau-coup évolué. Les progrès de ce que l’on appelait autrefois le « centrage » ont abouti aux révolu-tions actuelles présentées par P. Giraud (Paris), radiothérapie conformationnelle tridimension-nelle avec modulation d’intensité, asservissement respiratoire, tomothérapie, cyberknife.La prise en charge de la thrombose veineuse est le dernier grand volet de l’implication du cardio-logue en cancérologie. Qu’elle soit révélatrice ou qu’elle survienne en cours de traitement, c’est à la fois l’une des complications les plus fréquentes et potentiellement grave des malades traités en cancérologie. Son traitement s’est simplifié, avec le recours large aux héparines de bas-poids molé-culaire en administration quotidienne unique, mais surtout prolongée, sans recours aux anticoa-gulants oraux. Les conséquences cliniques de la découverte d’une maladie maligne dans le bilan d’une thrombose veineuse profonde sont présen-tées dans une perspective actualisée par P.-Y. Le Roux et coll, du CHU de Brest. Un cas clinique, présenté par J.-C. Cornily, montre enfin la sévérité des enjeux diagnostiques et thérapeutiques de ces situations souvent difficiles.Cette parution propose donc au lecteur un pano-rama de ce qui a évolué au cours des dernières années dans la prise en charge cardiologique des malades atteints de maladies malignes.