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Prix Bretagne de la Recherche Le b/o/ogiste et /es auto-anticorps • Pierre Youinou Le Prix Bretagne de la Recherche a #t# institu# en 1997 par le Conseil r#gional de Bretagne ~ I'intention de ,, chercheurs confirm#s , et salue la qualit& de travaux de la r#gion Bretagne. L e 2 e Prix Bretagne de la recherche a ete attribue au Pr Pierre Youinou, immuno- Iogiste de renom, enseignant, directeur du laboratoire d'immu- nologie et pathologie de I'univer- site de Bretagne occidentale et chef du service d'immunologie du CHU de Brest. Pierre Youinou, 54 ans, et son equipe travaillent sur les mala- dies auto-immunes non speci- fiques d'organes et sont notam- ment connus pour I'etude du recepteur CD5 des lymphocytes B darts la pathogenie de la poly- issus des laboratoires et centres de recherche arthrite rhumatdl'de, dont la pre- valence est estimee & 1% en Bretagne (30 O/o des femmes de plus de 50 ans). La molecule CD5 existe sur tous les lymphocytes T mais sur une partie de la population des lym- phocytes B, dans laquelle on dis- tingue donc les BCD 5 - (majori- taires) et les BCD 5 +. Ces der- niers seraient egalement impli- ques dans les maladies lympho- proliferatives telle la leucemie lym- phd~'de chronique. II y aurait donc un ,, carrefour ,, commun aux deux maladies, explique Pierre Youinou. Uequipe de Brest a decouvert que le CD5 est associe au recepteur d'antigenes du lympho- cyte B (B-cell receptor). II appa- rattrait au moment oQ une sous- population de lymphocytes B intervient darts la reponse immu- nitaire. En outre, cette mo-lecule semble plus specifiquement impli- quee dans les maladies auto- immunes non specifiques d'orga- ne et dispose d'une activite ambi- gu6 : elle induit I'a-poptose de la cellule B au repos mais favorise- rait la proliferation de la cellule B activee par un antigene. Le Pr Pierre Youinou (photo Conseil r~gional de Bretagne). L'equipe de Brest travaille egale- ment sur I'auto-immunite anti-cel- lules endotheliales des vascula- rites, le syndrome sec et le lupus erythemateux dissemine. J.-M. M. Uutilite des prelbvernents d'organes sans transplantation L es deux journees d'information propo- sees par I'EFG avaient pour but, d'une part, d'evoquer la mort, le deuil et le don d'organe et, d'autre part, de faire connaftre les travaux medico-biologiques sur les greffes d'organes et de tissus et sur les problemes lies aux prelevements & but biolo- gique et non & but de transplantation*. Le foie Le foie bio-artificiel, congu sur le modele du rein artificiel, mais & partir d'hepa- tocytes encapsules, desti . . . . . ne & la suppleance tracorporelle trans toire en urgence pour insuffisance hepatique aigue (hepatite fulmi- nante avant possibilite de .~ greffe compati- ble, hepatite toxi- que), permet une veritable ,, dialyse I patique ,,. La transl: tion d'hepatocytes en cas de deficits enzymatiques congenitaux pourra cor- riger I'hemophilie. Les donneurs sont humains (donneur familial vivant, donneur decede) ou animaux (xeno- hepatocytes), nous ramenant au debat ethi- co-biologique sur les xenogreffes. Le travail sur le foie humain suppose la disponibilite d'organes sains, mais non retenus pour une greffe ou d'une portion de foie (apres greffe segmentaire), ou d'organes de sujets dece- des d'une cause non hepatique, apres accord de la famitle. Le diabete Chez le diabetique, I'alternative & la greffe rein(s)-pancreas est la therapie cellulaire recourant & la greffe dhlots pour retablir une insulinosecretion. La faisabilite de cette tech- nique dans le diabete de type 1 a ete )ntree mais sa limite actuelle t la disponibilite de greffons ;eltulaires. La question est : de quelle autre source cellulaire que celle de pancreas de sujets decedes dispose-t- on 9. Le probleme le plus tech- nique iciest le prelevement pour isolement et le preleve- ent selectif des cellules insuli- ~cretrices, ce qui necessite un ~ment intensif, donc dans un premier temps des prelEvements & but tech- nique. Sur le plan biologique, les strategies envisa- gees sont I'attenuation de I'antigenicite des cellules pancreatiques pour ameliorer la tole- rance du receveur et leur proliferation in vitro avant retransplantation pour obtenir davanta- ge de cellules fonctionnelles implantables & partir du minimum de prelevements. Travaux ou ,, experiences ~, Paradoxalement, les prelevements & visee scientifique sont plus difficiles & obtenir car certaines families voient, dans la demande des equipes biomedicales, plus le desir de ,, faire des experiences ,, que de sauver un 6tre humain. La situation est encore plus complexe quand la demande de preleve- ments correspond & la fois & la necessite d'une transplantation et & la recherche fon- damentale sur d'autres tissus. La raison de cette suspicion serait que la finalite des recherches biologiques et medi- cales a. visee scientifique sur des organes de sujets decedes apparaft moins clairement & I'opinion que celle des prelevements & but de greffe. Un gros effort de communication est donc necessaire pour expliquer aux Frangais pour- quoi on doit passer par le fondamental avant I'application. La nouvelle Ioi sur la bioethique (attendue cette annee) pourrait ameliorer la legislation sur les prelevements a visee scientifique. J.-M. M. *Prelevements ~ but scientifique : pancreas, r~tine, trach~e, arteres, valves, ganglions et peau, fragments d'os et de muscle, rate, surr~nales, vertebres, cartila- ge, oesophage, intestin, nerfs, ovaires, testicules, prostate, h~patocytes. Une information aupr6s de la famille est n~cessaire, un refus est respect& 10 RevueFrangaise des Laboratoires, juin/juillet2000, N ° 324

Prix Bretagne de la Recherche: Le biologiste et les auto-anticorps : Pierre Youinou

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Page 1: Prix Bretagne de la Recherche: Le biologiste et les auto-anticorps : Pierre Youinou

Prix Bretagne de la Recherche Le b/o/ogiste et /es auto-anticorps • Pierre Youinou

Le Prix Bretagne de la Recherche a #t# institu# en 1997 par le Conseil r#gional de Bretagne ~ I'intention de ,, chercheurs confirm#s , et salue la qualit& de travaux de la r#gion Bretagne.

L e 2 e Prix Bretagne de la recherche a ete attribue au Pr Pierre Youinou, immuno-

Iogiste de renom, enseignant, directeur du laboratoire d'immu- nologie et pathologie de I'univer- site de Bretagne occidentale et chef du service d'immunologie du CHU de Brest. Pierre Youinou, 54 ans, et son equipe travaillent sur les mala- dies auto-immunes non speci- fiques d'organes et sont notam- ment connus pour I'etude du recepteur CD5 des lymphocytes B darts la pathogenie de la poly-

issus des laboratoires et centres de recherche

arthrite rhumatdl'de, dont la pre- valence est estimee & 1 % en Bretagne (30 O/o des femmes de plus de 50 ans). La molecule CD5 existe sur tous les lymphocytes T mais sur une partie de la population des lym- phocytes B, dans laquelle on dis- tingue donc les BCD 5 - (majori- taires) et les BCD 5 +. Ces der- niers seraient egalement impli- ques dans les maladies lympho- proliferatives telle la leucemie lym- phd~'de chronique. II y aurait donc un ,, carrefour ,, commun aux deux maladies, explique Pierre Youinou.

Uequipe de Brest a decouvert que le CD5 est associe au recepteur d'antigenes du lympho- cyte B (B-cell receptor). II appa- rattrait au moment oQ une sous- population de lymphocytes B intervient darts la reponse immu- nitaire. En outre, cette mo-lecule semble plus specifiquement impli- quee dans les maladies auto- immunes non specifiques d'orga- ne et dispose d'une activite ambi- gu6 : elle induit I'a-poptose de la cellule B au repos mais favorise- rait la proliferation de la cellule B activee par un antigene.

Le Pr Pierre Youinou (photo Conseil r~gional de Bretagne).

L'equipe de Brest travaille egale- ment sur I'auto-immunite anti-cel- lules endotheliales des vascula- rites, le syndrome sec et le lupus erythemateux dissemine.

J.-M. M.

Uutilite des prelbvernents d'organes sans transplantation

L es deux journees d'information propo- sees par I'EFG avaient pour but, d'une part, d'evoquer la mort, le deuil et le

don d'organe et, d'autre part, de faire connaftre les travaux medico-biologiques sur les greffes d'organes et de tissus et sur les problemes lies aux prelevements & but biolo- gique et non & but de transplantation*.

Le f o i e Le foie bio-artificiel, congu sur le modele du rein artificiel, mais & partir d'hepa- tocytes encapsules, desti . . . . . ne & la suppleance tracorporelle trans toire en urgence pour insuffisance hepatique aigue (hepatite fulmi- nante avant possibilite de .~ greffe compati- ble, hepatite toxi- que), permet une veritable ,, dialyse I patique ,,. La transl: tion d'hepatocytes en cas de deficits enzymatiques congenitaux pourra cor- riger I'hemophilie. Les donneurs sont humains (donneur familial vivant, donneur decede) ou animaux (xeno- hepatocytes), nous ramenant au debat ethi- co-biologique sur les xenogreffes. Le travail

sur le foie humain suppose la disponibilite d'organes sains, mais non retenus pour une greffe ou d'une portion de foie (apres greffe segmentaire), ou d'organes de sujets dece- des d'une cause non hepatique, apres accord de la famitle.

Le d i a b e t e Chez le diabetique, I'alternative & la greffe rein(s)-pancreas est la therapie cellulaire recourant & la greffe dhlots pour retablir une insulinosecretion. La faisabilite de cette tech-

nique dans le diabete de type 1 a ete )ntree mais sa limite actuelle t la disponibilite de greffons ;eltulaires. La question est : de quelle autre source cellulaire que celle de pancreas de sujets decedes dispose-t- on 9. Le probleme le plus tech-

nique ic ies t le prelevement pour isolement et le preleve- ent selectif des cellules insuli- ~cretrices, ce qui necessite un ~ment intensif, donc dans un

premier temps des prelEvements & but tech- nique. Sur le plan biologique, les strategies envisa- gees sont I'attenuation de I'antigenicite des cellules pancreatiques pour ameliorer la tole- rance du receveur et leur proliferation in vitro avant retransplantation pour obtenir davanta-

ge de cellules fonctionnelles implantables & partir du minimum de prelevements.

T r a v a u x o u ,, e x p e r i e n c e s ~, Paradoxalement, les prelevements & visee scientifique sont plus difficiles & obtenir car certaines families voient, dans la demande des equipes biomedicales, plus le desir de ,, faire des experiences ,, que de sauver un 6tre humain. La situation est encore plus complexe quand la demande de preleve- ments correspond & la fois & la necessite d'une transplantation et & la recherche fon- damentale sur d'autres tissus. La raison de cette suspicion serait que la finalite des recherches biologiques et medi- cales a. visee scientifique sur des organes de sujets decedes apparaft moins clairement & I'opinion que celle des prelevements & but de greffe. Un gros effort de communication est donc necessaire pour expliquer aux Frangais pour- quoi on doit passer par le fondamental avant I'application. La nouvelle Ioi sur la bioethique (attendue cette annee) pourrait ameliorer la legislation sur les prelevements a visee scientifique.

J.-M. M.

*Prelevements ~ but scientifique : pancreas, r~tine, trach~e, arteres, valves, ganglions et peau, fragments d'os et de muscle, rate, surr~nales, vertebres, cartila- ge, oesophage, intestin, nerfs, ovaires, testicules, prostate, h~patocytes. Une information aupr6s de la famille est n~cessaire, un refus est respect&

10 Revue Frangaise des Laboratoires, juin/juillet 2000, N ° 324