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0 Université de Rennes 1 Master 2 Ecologie Fonctionnelle Comportementale et Evolutive Année 2009-2010 Mémoire Bibliographique Processus physiques et Stœchiométrie des transferts dans les écosystèmes Pauline BRYERE Sous la direction dAndré-Jean FRANCEZ et Myriam BORMANS Laboratoire : UMR 6553 Ecobio

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Université de Rennes 1

Master 2 Ecologie Fonctionnelle Comportementale et Evolutive

Année 2009-2010

Mémoire Bibliographique

Processus physiques et Stœchiométrie des

transferts dans les écosystèmes

Pauline BRYERE

Sous la direction d’André-Jean FRANCEZ et Myriam BORMANS

Laboratoire : UMR 6553 Ecobio

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Sommaire

Recherche Bibliographique : ................................................................................................... 2

Introduction : ............................................................................................................................ 2

I) Turbulence ............................................................................................................................ 4

1) ..................................................................................................................... Profondeur de mélange

.................................................................................................................................................... 4

2) Upwelling ............................................................................................................................... 6

II) Bioturbation ........................................................................................................................ 9

1)Effet de la bioturbation sur le ratio C : N de la litière ........................................................... 9

2) Minéralisation et infiltration de l’azote ............................................................................... 10

3) Impact de la bioturbation sur la disponibilité en phosphate ............................................... 11

4) Augmentation de la surface de l’interface eau-sédiments ................................................... 11

5) Effets des modifications de la disponibilité en nutriments par la bioturbation sur les autres

organismes ............................................................................................................................... 12

III) Changements globaux ..................................................................................................... 13

1)Effet de la hausse des températures en milieu terrestre ....................................................... 13

2)Effets conjugués de l’acidification des océans et de la température .................................... 14

3) Effets des UV sur la stœchiométrie ...................................................................................... 14

Conclusion……………………………………………………………………………………15

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Recherche Bibliographique :

Mes recherches ont débuté par la définition de mots-clés nécessaires à la recherche

d’articles. Pour cela, je me suis aidée du diaporama fourni par mes maîtres de stage

concernant la stœchiométrie écologique et les relations trophiques. J’ai pu définir la liste

suivante : ecological stoichiometry, C : N : P ratios, light-nutrient hypothesis, nutrient

availability, bioturbation, upwelling. Cela m’a permis, par l’utilisation de moteurs de

recherches tels que Web of Knowledge et Google Scholar, de trouver une première partie de

mes références. Ces articles m’ont permis de trouver d’autres références. Mes maîtres de stage

m’ont également fourni un certain nombre de publications, notamment celles qui n’étaient pas

accessibles via les moteurs de recherches, ainsi que le livre « Ecological stoichiometry: the

biology of elements from molecules to the biosphere » (Sterner et Elser, 2002).

Introduction :

La stœchiométrie écologique permet une approche différente de l’approche classique

utilisée en écologie pour étudier les relations trophiques. En effet, alors que les interactions

entre les organismes et des organismes avec leur milieu sont souvent analysées à des échelles

allant de l’individu à l’écosystème, la stœchiométrie écologique propose une approche basée

sur les éléments chimiques. Cette discipline étudie ainsi l’équilibre des éléments chimiques

dans les interactions et les processus écologiques. Elle s’intéresse également aux flux

d’énergie et de matière au sein des écosystèmes (Sterner et Elser, 2002).

Les organismes vivants ont des compositions relativement constantes en divers

éléments tels que le carbone, l’azote et le phosphore. La plupart des études en écologie

stœchiométrique sont axées sur ces trois éléments et ce, depuis l’exemple de référence en

écologie stœchiométrique décrit par Redfield en 1958. Le rapport de Redfield prédit que le

ratio C : N : P du phytoplancton marin est constant pour toutes les espèces et est égal à

106 :16 : 1 (Redfield, 1958 in Sterner et Elser, 2002), une proportion égale à celle de la

photosynthèse. Ces proportions sont différentes et varient selon les milieux et les organismes

(Tableau 1). On peut observer une grande variabilité des autotrophes selon leur

environnement et leur besoins en éléments. Les plantes terrestres ont une composition plus

élevée en carbone, nécessaire à leur maintien et assurant une fonction de défense face au

broutage (Elser et al, 2000).

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C: N: P C: N N: P Références

Bruyère (toundra) 1943:33:1 59 34 Jonasson et al, 1999

Couvert forestier 1212:28:1 43.6±3.5 27.8±1.4 McGroddy et al, 2004

Sphaignes

tourbières tempérées 1986:32:1 59.9±17.0 33.5±10.8 Francez, non publié

tourbières boréales 2823:36:1 75.3±23 36.4±12.6 Pakarinen, 1977

Phytoplancton (eau douce) 166:20:1 10.0±3.0 30.0±16.0 Elser et al, 2000

Phytoplancton (milieu marin) 106:16:1 6.6 16 Redfield, 1958 Tableau 1 : Stœchiométrie des autotrophes dans différents écosystèmes.

Les rapports en éléments constitutifs des organismes sont différents le long de la

chaîne trophique : les herbivores n’ont pas les mêmes ratios que les plantes qu’ils mangent et

ainsi de suite en remontant dans les niveaux trophiques. McGroddy et al (2004) ont montré

que les rapports C : N : P (116 : 28 : 1) des herbivores en milieu forestier étaient nettement

inférieurs à ceux des végétaux. La différence est moins importante en milieu aquatique où ces

mêmes ratios sont plus faibles au sein des autotrophes. Selon les besoins des organismes,

certains éléments vont être davantage stockés ou recyclés. La régulation homéostatique

permet aux organismes de ne pas voir leur composition en éléments changer avec les

modifications du milieu extérieur. Kooijman (1995 in Sterner et Elser, 2002) définit

l’homéostasie comme « la capacité des organismes à garder constante la composition en

éléments chimiques de leur corps, malgré les changements de la composition chimique de leur

environnement, incluant leur nourriture ». Cependant, cette capacité diffère selon les types

d’organismes. Les autotrophes par exemple peuvent être plastiques concernant leur

stœchiométrie, principalement au niveau des rapports C : N : P (Droop, 1974 ; Ågren, 2004,

2008) et ce, en raison de leur capacité à stocker différents éléments en excès dans

l’environnement via une consommation de luxe (Klausmeier et al, 2004, 2008). Certains

autotrophes sont d’ailleurs considérés comme non homéostatiques. C’est le cas notamment

d’une algue unicellulaire, Scenedesmus, dont le ratio N : P suit parfaitement celui des

ressources disponibles dans l’environnement (Figure 1 ; Rhee, 1978 in Sterner et Elser, 2002).

Les animaux en revanche montrent beaucoup moins de variations dans leur composition en

éléments et ont davantage tendance à être homéostatiques (Hall, 2009).

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Figure 1 : Rapport N : P de l’algue unicellulaire Scenedesmus en fonction du rapport N : P du milieu. (A)

axes linéaire (B) axes logarithmiques. D’après Rhee, 1978.

La disponibilité en nutriments et leur stœchiométrie dans le milieu peuvent ainsi être à

l’origine de variations des rapports en nutriments (les rapports C : N, C : P et N : P étant

davantage développés dans les études réalisées) au sein des organismes, en particulier chez les

producteurs primaires. Différents facteurs peuvent être à l’origine de variations en éléments :

des processus chimiques (fertilisation, en agriculture notamment), biologiques

(décomposition, excrétion…) ou physiques. Il a en effet été montré que les différents ratios

des espèces végétales variaient en réponse aux différents apports de nutriments d’une part,

mais également aux apports d’énergie (Rastetter et al, 1997 ; Sterner et al, 1997). Tout facteur

susceptible d’avoir une influence les cycles biogéochimiques et sur la quantité de nutriments

ou de lumière disponibles aux organismes peut avoir un effet indirect sur leur stœchiométrie

ou leur croissance, notamment chez les autotrophes.

Ce rapport a pour but de montrer comment les processus physiques vont influencer la

stœchiométrie des ressources et des organismes et ainsi, par une redistribution des flux

d’éléments, le fonctionnement de l’écosystème. En particulier, nous examinerons les effets de

la turbulence et de la bioturbation. Les effets des changements globaux seront également

abordés.

I) Turbulence

1) Profondeur de mélange

La composition en éléments des autotrophes varie en réponse aux apports relatifs en

énergie et en nutriments majeurs (C, N, P) (Sterner et al, 1997). Tout processus ou facteur

affectant ces apports est susceptible d’entraîner des modifications dans la stœchiométrie des

producteurs primaires.

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Les plantes aquatiques sont en « compétition » pour la lumière avec les autres

molécules (matières dissoutes, éléments inorganiques, sédiments…) présentes dans la couche

supérieure turbulente des lacs et océans, où la plupart des producteurs primaires pélagiques se

situent (Huisman et al, 1999 ; Berger et al, 2006). La disponibilité en lumière accessible aux

végétaux aquatiques (et plus particulièrement au phytoplancton), dépend de plusieurs facteurs

tels que le rayonnement lumineux incident, la turbidité de l’eau ou encore la « profondeur de

mélange » (définie comme l’extension verticale de la colonne d’eau mélangée, soumise à la

turbulence) (Huisman et Weissing, 1994 ; Diehl 2002).

L’hypothèse « lumière : nutriments » suppose que les rapports C : nutriment du

phytoplancton sont influencés par les ratios de lumière : nutriments disponibles. Par exemple,

de forts apports en lumière ou de faibles apports en phosphore peuvent entraîner des ratios

C : P élevés dans le phytoplancton (Sterner et al, 1997). Il a également été montré qu’il existe

une corrélation négative entre la densité de phytoplancton et le ratio C : P des algues avec

l’augmentation de la profondeur de mélange, les apports en lumière étant évidemment plus

faibles avec la profondeur (Figure 2) (Berger et al, 2006). La turbulence, susceptible de mettre

et de conserver la mise en suspension de particules minérales et organiques, contribue de ce

fait à diminuer la disponibilité en lumière pour les espèces végétales aquatiques. Il y a

cependant une variation considérable dans la réponse de la stœchiométrie du phytoplancton à

la lumière et aux nutriments.

Figure 2 : Courbes de (a) l’intensité des radiations lumineuses utilisables pour la photosynthèse (% de la

surface d’irradiation) et (b) le ratio C : P du seston (moles), en fonction de la profondeur de mélange (mixing depth). D’après Berger et al, 2006.

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Trois approches sont généralement utilisées pour étudier les effets du ratio lumière :

nutriments : études de laboratoire sur une espèce de phytoplancton, études comparatives et

expérimentales de terrain sur des communautés de phytoplancton (Dickman et al, 2006). Les

études réalisées sur une seule espèce de phytoplancton révèlent des effets relativement

importants de la lumière et des nutriments sur la stœchiométrie. Une augmentation du

rayonnement entraîne ainsi des ratios C : N et C : P élevés dans les cellules de phytoplancton,

les quantités d’azote, de phosphore et de chlorophylle a décroissant avec une hausse de la

lumière (Sterner et Elser, 2002). Les études comparatives de terrain ont également montré des

effets de la lumière et des nutriments. L’hypothèse « lumière-nutriments » a ainsi été

confirmée par l’étude de Hasset et al (1997) dans laquelle les résultats montrent que le rapport

C : P du seston et le ratio lumière : phosphore sont fortement corrélés. Il a de plus été observé

que le rapport C : P du seston était plus élevé à proximité de la surface, où la disponibilité en

lumière est plus importante, que dans les couches situées davantage en profondeur

(Hochstädter, 2000).

D’autres études expérimentales réalisées sur le terrain montrent l’importance de

l’influence de la lumière sur la stœchiométrie du phytoplancton. Elser et al (2003) ont testé

l’hypothèse « lumière : nutriments » sur les communautés pélagiques d’un lac limité en

phosphore. Les effets de trois niveaux d’intensité lumineuse et de trois niveaux d’apports en

nutriments ont ainsi été analysés. Les résultats de cette étude montrent que la lumière a

principalement un effet sur le ratio C : P du seston.

2) Upwelling

Le phénomène d’upwelling est le résultat de divergences horizontales dans la couche

supérieure de l’océan (Lehman et Myrberg, 2008). Ces phénomènes se produisent lorsque de

forts vents marins, généralement des vents saisonniers, poussent l’eau de surface et permettent

la remontée d’eaux plus profondes, plus froides, denses et riches en nutriments vers la surface,

remplaçant ainsi les eaux chaudes et épuisées en nutriments (Figure 3). Ces évènements sont

souvent associés à une augmentation de la productivité biologique.

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Figure 3 : Schéma illustrant le processus d’upwelling (Source : Cordell Bank National Marine Sanctuary Official Site)

De nombreuses études ont été réalisées sur ce phénomène, notamment en mer Baltique

(Lehman et Myrberg, 2008) où il a été montré que les évènements d’upwelling étaient à

l’origine des blooms de phytoplancton et de cyanobactéries (Kuvaldina et al, 2009 ; Nausch et

al, 2009) et avaient un impact sur le stockage du nitrate dans le phytoplancton (Bode et al,

1997).

L’azote inorganique dissous (essentiellement NO3 et/ou NH4, NO2) est en général le

nutriment limitant la croissance du phytoplancton en milieu marin, particulièrement pendant

les périodes de stratification (Codispoti, 1983). Les remontées d’eaux froides durant les

évènements d’upwelling, riches en azote (sous forme de nitrate et de nitrite), permettent une

augmentation particulièrement importante de la production de phytoplancton. Le

phytoplancton doit être capable de s’adapter rapidement aux changements de concentrations

en nutriments. Bode et al (1997) ont étudié les relations entre le stockage du nitrate, la

disponibilité en azote inorganique dissous et la biomasse et la production du phytoplancton,

ainsi que l’adaptation des populations de phytoplancton aux variations rapides d’apport en

azote. Ces observations ont été réalisées en comparant des données récoltées pendant des

évènements d’upwelling avec des périodes de non-upwelling. Les résultats montrent que les

profils de nitrate et d’ammonium pendant les upwellings sont différents de ceux obtenus hors

période d’upwelling et que le stockage du nitrate dans le phytoplancton est un bon indicateur

d’un évènement récent d’upwelling. Les concentrations internes en nitrate du phytoplancton

passent de 0.005 mmol N/m² hors période d’upwelling à 0.064 mmol N/m² en conditions

d’upwelling et reflètent ainsi celles du milieu extérieur ([NO3-]= 10.968 mmol N/m² (non-

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upwelling) et 26.965 mmol N/m² pendant l’upwelling) (Figure 4). On peut également voir que

les concentrations intracellulaires en NH4 et NO3 sont supérieures en conditions d’upwelling.

Ces résultats sont les moyennes obtenues pour l’ensemble des populations de

phytoplancton. Les ratios C : N et N : P du phytoplancton varient donc également avec les

quantités d’azote stockées. Le rapport C : N est plus faible en conditions d’upwelling alors

que le rapport N : P est plus élevé. Cependant, d’autres études ont montré que les quantités

d’azote stockées variaient considérablement d’une espèce à l’autre (Martinez, 1991; Marsot et

al, 1992). Ainsi, les diatomées s’adaptent plus rapidement que d’autres aux pics d’azote. Les

variations de ratios sont donc également différentes en fonction de la famille de phytoplancton

considérée ainsi que de la profondeur à laquelle se trouve le phytoplancton.

Figure 4 : Profils verticaux de température (°C), concentrations en nitrate et ammonium (mmol.m-3

), chlorophyle a (mg. m

-3) et production (mg C. m

-3.h

-1), nitrate intracellulaire (µg. m

-3) effectués dans des stations en conditions de

non-upwelling et d’upwelling. D’après Bode et al, 1997.

Comme nous l’avons vu dans la partie précédente, la lumière a un effet sur le

prélèvement de l’azote et plus le phytoplancton est situé à la surface, plus grande sera la

quantité d’azote prélevée. Les résultats de l’étude de Bode et al (1997), ainsi que ceux de

l’étude de Martinez et al (1991) permettent de conclure que les populations de phytoplancton

présentes dans les zones d’upwelling sont capables de prélever le nitrate immédiatement

(lorsqu’il est disponible), et de l’assimiler par la suite dans la matière organique (protéines,

molécules organiques riches en azote). Il apparaît également que le prélèvement de l’azote et

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la fixation du carbone soient en compétition pour l’énergie métabolique qui leur est nécessaire

(Collos et Slawyk, 1979). Lorsqu’aucun élément n’est limitant et que l’organisme est capable

de stocker plus de nutriments qu’il n’en a besoin (consommation de luxe), c’est l’énergie

disponible de cet organisme qui limite le prélèvement des éléments. L’incorporation massive

d’azote diminuerait la fixation du carbone par le phytoplancton. Cela entraînerait une baisse

supplémentaire du rapport C : N au sein du phytoplancton.

II) Bioturbation

La bioturbation est un réarrangement physique du profil de sol ou des sédiments par la

macrofaune et les systèmes racinaires des plantes. En creusant terriers et galeries, les

invertébrés mélangent de grandes quantités de sol, de sédiments et de matière organique. Ils

ont un rôle majeur dans la dégradation de la matière organique et dans la libération et le

recyclage des nutriments qu’elle contient (Edwards, 2004) et ce, dans les écosystèmes

aquatiques et terrestres. De par ces effets, ces invertébrés sont considérés comme des

organismes ingénieurs, c’est-à-dire qu’ils modulent directement ou indirectement la

disponibilité en ressources pour les autres espèces en provoquant des changements d’état

physiques de la matière biotique ou abiotique (Jones et al, 1994).

De plus, les invertébrés contribuent indirectement au recyclage de la matière par la

stimulation de l’activité microbienne (Binet et al, 1998 ; Mermillod-Blondin et al, 2004 ;

Mermillod-Blondin et Rosenberg, 2005). En écosystème aquatique, les invertébrés permettent

également l’augmentation de l’interface eau-sédiment et sont à l’origine de la hausse des

échanges d’éléments entre ces deux compartiments (Mermillod-Blondin et al, 2004).

1) Effet de la bioturbation sur le ratio C : N de la litière

De nombreuses études se sont intéressées à l’effet de la bioturbation sur la dynamique

de l’azote et du carbone (Lavelle et al, 1992 ; Bohlen et al, 1997 ; Decaëns et al, 1999 ;

Amador et al, 2003). L’étude de Bohlen et al (1997) a examiné l’influence de Lombricus

terrestris sur la décomposition de la litière dans un agrosystème. Des populations de

L.terrestris ont été soumises à trois traitements différents : populations contrôles, avec ajout

ou retrait d’un certain nombre de lombrics. Les auteurs ont tout d’abord remarqué que

L.terrestris augmentait le taux de décomposition de la litière de surface pour les deux années

étudiées. De plus, le ratio C : N de la litière subsistant à la surface était significativement plus

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élevé pour les placettes contenant des populations non modifiées ou augmentées de lombrics.

Ce même ratio est cependant moins élevé dans les turricules de lombrics déposés à la surface

ou dans les galeries creusées. Il a également été montré que ces excréments étaient riches en

azote (Lavelle et al, 1992 ; Edwards et Bohlen, 1996). Cette baisse du rapport C : N dans les

excréments de lombrics suggère que ceux-ci ingèrent préférentiellement la litière ayant un

faible ratio C : N, ce qui a pour conséquence d’augmenter le rapport de la litière restante.

2) Minéralisation et infiltration de l’azote

Les excrétions de lombrics sont donc riches en azote, particulièrement en ammonium

(NH4+) (Lavelle et al, 1992 ; Decaëns et al, 1999 ; Amador et al, 2003). Cette forte teneur en

NH4+ peut être expliquée par la stimulation de la minéralisation de la matière organique et de

l’activité microbienne dans l’intestin des lombrics (Barois et Lavelle, 1986). Cette forte

concentration en NH4+ est observée dans les turricules « frais ». Plusieurs auteurs ont constaté

une baisse de cette concentration (Lavelle et al, 1992 ; Decaëns et al, 1999). Dans leur étude,

Decaëns et al (1999) constatent que le premier mois suivant l’excrétion, les excréments

présentent une forte concentration en ammonium. Une baisse de cette concentration est

ensuite observée et serait due à la production de NO3- via un processus de nitrification

(Lavelle et Martin, 1992). Certaines études montrent une accumulation du NO3- (Syers et al,

1979) alors que d’autres ne constatent aucune augmentation de la concentration en NO3- dans

les turricules de lombrics (Lavelle et Martin, 1992 ; Decaëns et al, 1999). La diffusion rapide

du NO3- dans le sol pourrait expliquer que l’on ne retrouve pas de forte concentration en

nitrate dans les excréments. Decaëns et son équipe observent trois pics de nitrate qu’ils

expliquent par trois processus différents. Le premier pic serait dû à la production de NO3-, le

second à la diffusion rapide du nitrate avec les flux d’eau s’infiltrant dans les galeries et le

troisième pic à une diffusion latérale avec l’eau ruisselant sur les excréments, plus lente. Le

processus de bioturbation augmenterait la vitesse d’infiltration de l’azote dans le sol. Il a en

effet été observé que l’augmentation des populations de lombrics entraîne une augmentation

de l’infiltration de l’azote dans le sol dans les agrosystèmes (Domìnguez et al, 2004). Cette

étude a également montré que la densité des populations de lombrics expliquait 50% de la

variabilité des flux totaux d’infiltration d’azote dans le sol. L’azote est ainsi disponible en

quantités supérieures et plus facilement prélevable par les racines des plantes. Cela entraîne

l’augmentation du rapport N : P et la diminution du ratio C :N.

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3) Impact de la bioturbation sur la disponibilité en phosphate

La bioturbation a une influence sur la distribution et la disponibilité en phosphore dans

le sol. Plusieurs études ont montré que les excréments de lombrics contenaient trois fois plus

de phosphore que le sol environnant, ce qui signifie des ratios C : P plus faibles (Lopez-

Hernandez et al, 1993). Le rapport C : P des végétaux présentant une plasticité de leur

stœchiométrie suit la même tendance et baisse avec le ratio du milieu. De plus, l’ingestion et

le mélange du sol favorise la dissolution du phosphore et la disponibilité de ses composés

dans le sol (Le Bayon et Binet, 2006).

4) Augmentation de la surface de l’interface eau-sédiments

Les exemples évoqués précédemment sont tirés d’études réalisées en milieu terrestre.

La bioturbation en écosystèmes aquatiques présente cependant quelques différences avec la

bioturbation en milieu terrestre. La faune benthique joue un rôle clé non seulement dans la

transformation de la matière organique mais également dans le cycle des nutriments à

l’interface eau-sédiment (Aller, 1983). De nombreuses études ont montré l’importance de la

faune présente dans les sédiments notamment dans le remaniement des sédiments et

l’irrigation dans les écosystèmes lacustres, marins et de rivière (Mermillod-Blondin et al,

2004). L’action de la faune benthique sur la minéralisation de la matière organique est

différente selon le mode de bioturbation. La faune benthique peut ainsi avoir une action de

remaniement des sédiments ou un comportement de bio-irrigation. Selon l’espèce considérée,

les impacts sur la disponibilité en nutriments ne seront pas les mêmes. Par exemple, l’activité

de bio-irrigation en profondeur d’Arenicola marina sera à l’origine d’une meilleure

minéralisation du carbone que celle plus en surface de Nereis diversicolor (Banta et al, 1999).

Mermillond-Blondin et al (2004) ont étudié l’effet de trois espèces d’invertébrés sur les

processus biogéochimiques et les cycles de nutriments dans l’eau (NO2-, NO3

-, NH4

+, PO4

3-,

SiO44-

). Ils se sont ainsi intéressés à une espèce de polychète, Nereis diversicolor, une espèce

de bivalve, Cerastoderma edule ainsi qu’à Corophium volutator (amphipode). Ils ont observé

que les trois espèces avaient une activité de bioturbation différente. Selon leurs résultats, N.

diversicolor faciliterait la diffusion des éléments dans la couche de sédiments grâce à un

réseau dense de galeries qui permet le transport des nutriments en profondeur alors que C.

edule et C. volutator facilitent la diffusion des éléments par le remaniement des sédiments

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(Figure 5). Les nutriments sont alors disponibles dans la colonne d’eau et peuvent être captés

par les autotrophes, dont les rapports C : N et C : P diminuent avec l’augmentation de leur

concentration en N et P.

Figure 5 : Impact de la bioturbation par trois espèces d’invertébrés benthiques, Cerastoderma edule, Corophium volutator et Nereis diversicolor correspondant à trois modes de bioturbation. + indique un effet positif, - un effet

négatif et 0 pas d’effet significatif du mode de bioturbation sur les processus biogéochimiques. D’après Mermillod-Blondin et Rosenberg, 2005.

En augmentant la surface de l’interface eau-sédiments, les invertébrés stimulent

indirectement le processus de nitrification. En effet, l’oxygène est l’un des éléments qui

diffusent des sédiments vers l’eau, entraînant ainsi une hausse de l’activité microbienne. Il y a

une augmentation de la concentration en nitrate en profondeur et une baisse de la

concentration en ammonium (Hüttel, 1990). Le nitrate formé est alors disponible pour les

producteurs primaires. Cette augmentation de la concentration en NO3- est particulièrement

importante en milieu marin car dans ces écosystèmes, la croissance des organismes est

principalement limitée par la quantité d’azote disponible (Elser et al, 2007).

5) Effets des modifications de la disponibilité en nutriments par la bioturbation sur les

autres organismes

Comme nous l’avons vu précédemment, la bioturbation permet, directement ou

indirectement, la baisse du ratio C : N par une augmentation de la quantité d’azote disponible.

La croissance des producteurs primaires des écosystèmes terrestres et marins étant

principalement limitée par la quantité d’azote disponible, la bioturbation favorise la

croissance des plantes dans ces milieux (Hüttel, 1990). Ces effets positifs ont ainsi été

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observés en horticulture (Hidalgo, 1999) ainsi que dans les agrosystèmes (Pashanasi et al,

1996). De plus les autotrophes étant capables de modifier leur stœchiométrie via une

consommation de luxe, la hausse de la quantité d’azote disponible peut être à l’origine de

modifications des ratios en éléments au sein des producteurs primaires. Cela peut se traduire

par une baisse du rapport C : N et une hausse du rapport N : P.

III) Changements globaux

Les activités anthropiques sont à l’origine de nombreux changements et perturbations

des écosystèmes. Parmi ces nombreux changements, la hausse des températures, les

perturbations dans le régime des précipitations, le changement d’usage des terres et la

pollution sont des facteurs susceptibles de modifier les cycles biogéochimiques ou d’avoir un

impact sur la stœchiométrie des organismes. De nombreuses études permettent d’obtenir des

prédictions quant à la réaction des espèces face aux changements climatiques.

1) Effet de la hausse des températures en milieu terrestre

La hausse des températures est l’un des problèmes majeurs liés aux activités

humaines. Ces modifications peuvent avoir des effets sur les écosystèmes terrestres comme

sur les écosystèmes aquatiques.

Dans une étude réalisée sur 1 280 espèces de plantes terrestres (5 087 observations),

Reich et Oleksyn (2003) ont analysé les effets de la température sur la composition en azote et

phosphore. Les résultats montrent que les quantités d’azote et de phosphore contenues dans

les feuilles des plantes analysées diminuent avec l’augmentation des températures moyennes

annuelles (TMA), représentant une baisse des ratios C : N et C : P. A l’inverse, le rapport N :P

augmente avec les TMA. Ces changements dans les ratios en fonction des températures

moyennes pourraient être dus à l’adaptation des plantes aux conditions environnementales

rencontrées. Les besoins des plantes en azote (synthèse de protéines riches en N) augmentant

plus rapidement que ceux en phosphore (synthèse d’ARN riche en P), on observe une hausse

du rapport N : P. L’augmentation des températures moyennes due au réchauffement

climatique pourrait être à l’origine de modifications des ratios au sein des plantes terrestres.

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2) Effets conjugués de l’acidification des océans et de la température

D’autres études menées en milieu aquatique démontrent qu’il existe bien un effet de la

température sur la stœchiométrie des producteurs primaires. La température peut avoir un

effet indirect sur la stœchiométrie des cyanobactéries en renforçant les effets induits par

l’augmentation de la concentration en CO2 (Fu et al, 2007). Dans leur étude réalisée sur des

picocyanobactéries marines, Synechococcus et Prochlorococcus, ces auteurs se sont penchés

sur les effets combinés de l’augmentation de température et de concentration en CO2 et ont

ainsi comparé la croissance et la composition en éléments de ces cyanobactéries en les

incubant dans les conditions actuelles de concentration en dioxyde de carbone et de

température ainsi que dans les conditions prédites en 2100. Les deux facteurs combinés ont un

impact sur la photosynthèse, ce qui, indirectement, modifie les rapports C : nutriments

intracellulaires (Hyvönen et al, 2007). Les quantités de carbone et d’azote augmentent au sein

des cyanobactéries au contraire du phosphore chez Synechococcus sous l’effet de la hausse de

concentration en CO2. Cela entraîne une hausse d’environ 20% des rapports C : P et N : P. A

l’inverse, chez Prochlorococcus, il n’y a pas d’effet de la concentration en CO2 mais la

température entraîne le doublement des quantités en éléments, sans toutefois modifier

significativement la stœchiométrie. De récentes expériences (Hutchins et al, 2007 ; Fu et al,

2007) ont montré que les hausses de températures attendues avec le réchauffement climatique

au cours du siècle prochain auront sans doute des effets, certes mineurs, sur le ratio C : N : P.

Cependant, l’effet de la température combiné avec d’autres changements tels que

l’augmentation du CO2 pourrait avoir des conséquences bien plus importantes sur ce ratio,

telles qu’une baisse des rapports C : N et C : P. De plus, les changements induits dans le

phytoplancton sont susceptibles d’influencer la composition de la matière organique à des

niveaux trophiques plus élevés.

3) Effets des UV sur la stœchiométrie

En milieu marin, d’autres changements sont également prévus tels qu’une

modification des courants marins, une acidification des océans, des variations des UV-B dans

la colonne d’eau supérieure ainsi que d’autres formes de pollution (Beardall et Raven, 2004 ;

Raven et al, 2005a).

L’appauvrissement de l’ozone dû aux activités anthropiques est associé à des

modifications au niveau des radiations ultraviolets (UV) traversant l’atmosphère. Ces

changements ont un impact sur la colonne d’eau supérieure, dans les océans (Beardall et

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Raven, 2004). Les effets de ces radiations sur la composition en acides gras et sur les ratios

des éléments (C, N, P) d’une algue unicellulaire, Selenastrum capricornutum, ont été étudiés

par Leu et al (2006). Ils ont observé des modifications à la fois dans la composition en acides

gras et sur les différents rapports, en réponse à une irradiations aux ultraviolets. Les résultats

montrent une diminution importante des ratios C : P et N : P causée par de fortes quantités de

phosphore dans les cellules. Cela indique que S. capricornutum réagit à une exposition aux

ultraviolets par un prélèvement plus importants de ce nutriments. Les mêmes résultats ont été

trouvés à la fois lors d’expérience en laboratoire ainsi que sur le terrain, avec de la lumière

naturelle (Leu et al, 2006). Une explication possible à ce prélèvement élevé serait

l’augmentation de la demande en phosphore à cause de la stimulation le l’activité de

biosynthèse, nécessaire pour réparer les dommages créés par les UV. Le phosphore prélevé en

grande quantité serait stocké temporairement, probablement sous forme de polyphosphates,

avant d’être utilisé, par exemple dans la synthèse d’ARN riche en P.

En s’accumulant, ces facteurs de stress sont susceptibles d’entraîner des modifications

dans la composition des communautés de phytoplancton ainsi que dans la stœchiométrie du

phytoplancton et des effets en cascade dans la dynamique des chaînes alimentaires et des

cycles de nutriments (Beardall et Raven, 2004). Finkel et al (2009) ont résumé les effets

potentiels des changements environnementaux (notamment les effets directs et indirects des

changements de température) sur la taille des cellules phytoplanctoniques (pouvant influencer

la stœchiométrie en éléments, de même que le taux de métabolisme), la composition des

communautés et en éléments du phytoplancton.

Conclusion

Les différents processus abordés sont à l’origine de changements dans la

stœchiométrie des organismes directement, par une modification de la capacité de

prélèvement des nutriments par les autotrophes ou en modifiant leur besoins en éléments (C,

N, P) (lumière, température, UV…) ou indirectement par l’induction de changements de la

disponibilité de ces nutriments (bioturbation, upwelling). La majorité de ces processus permet

une augmentation de la concentration interne des organismes en azote et phosphore, ce qui

diminue les rapports C : N et C : P des organismes n’étant pas soumis à une homéostasie

stricte (principalement les producteurs primaires). La modification de la croissance et de la

stœchiométrie des organismes induit à sont tour des changements dans la quantité et la

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composition de la matière organique transmise aux niveaux trophiques supérieurs. Si les

hétérotrophes ne sont pas plastiques au niveau de leur stœchiométrie, ils sont à l’origine d’un

feedback par la régulation effectuée (excréments, urée) sur les pools de nutriments

disponibles, de même que les végétaux qui modifient la qualité de la litière (Hall, 2009).

L’équilibre des éléments chimiques au sein des organismes et les cycles biogéochimiques sont

ainsi interactifs et interdépendants. Les processus physiques sont ainsi à l’origine de

l’augmentation des flux au sein des écosystèmes.

Il existe cependant des différences concernant les effets des différents processus sur la

stœchiométrie des organismes. L’influence de ces processus diffère selon qu’il se produise en

milieu terrestre ou aquatique. C’est le cas notamment de la température qui a certes un effet

semblable sur le rapport C : N mais dont la hausse entraîne une augmentation du ratio N : P en

milieu terrestre et une baisse de ce même ratio en écosystème aquatique (effet conjugué de la

concentration en CO2 et de la température). De même, les impacts de la bioturbation observés

en milieu terrestre sont également présents en milieux aquatiques. Dans ces écosystèmes

cependant, les invertébrés benthiques permettent la remise à disposition des nutriments dans

la colonne d’eau. Les écosystèmes aquatiques et terrestres ne sont pas non plus soumis aux

mêmes processus contrôlant leur stœchiométrie écologique. Par exemple, la turbulence n’est

pas un facteur présent en milieu terrestre.

Ces observations sont à replacer dans le contexte actuel de changements climatiques.

Les activités humaines ont en effet de nombreux impacts sur les cycles biogéochimiques et

sur les processus physiques les contrôlant. Nous avons ainsi pu voir les effets de la hausse

moyenne des températures à la surface du globe et dans les océans ainsi que l’impact des UV

et de l’augmentation de la concentration en CO2. Ces impacts sur la stœchiométrie seront de

plus en plus importants sous l’effet des activités anthropiques, cependant, peu d’études

permettent réellement de les prévoir.

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Résumé : La stœchiométrie écologique étudie les rapports entre les éléments chimiques au

sein des organismes et dans leurs interactions avec l’environnement. Les organismes ont des

compositions relativement constantes en divers éléments tels que le carbone, l’azote et le

phosphore. Les rapports entre ces éléments (C : N : P) varient d’un type d’organisme et d’un

milieu à un autre et peuvent être modifiés par la disponibilité en nutriments et en lumière au

sein des organismes présentant une plasticité au niveau de leur stœchiométrie (autotrophes).

Tout facteur, tels que les processus physiques, susceptible d’avoir une influence sur la

quantité de nutriments ou de lumière disponible peut induire des changements dans les

rapports en éléments des organismes et influencer les transferts de ces éléments vers les

niveaux trophiques supérieurs. La turbulence, par la remise en suspension de particules

organiques ou inorganiques, influe sur la profondeur de mélange et induit une diminution de

la disponibilité en lumière dans les milieux aquatiques, ce qui se traduit par une baisse du

rapport C : P du seston. Les phénomènes d’upwelling, causés par l’influence du vent sur les

courants, provoquent des remontées de nutriments et sont à l’origine de blooms de

phytoplancton ainsi que de modifications de leurs ratios C : N : P. La bioturbation modifie la

disponibilité en azote entraînant une baisse du ratio C : N et une hausse du ratio N : P. La

stœchiométrie écologique permet également de faire des prédictions quant à la réponse des

organismes aux changements globaux et s’avère donc être un outil nécessaire à la

compréhension du fonctionnement des écosystèmes de plus en plus altéré par les activités

humaines.

Mots-clés : stœchiométrie écologique, réseaux tropiques, hypothèse lumière-nutriments,

upwelling, bioturbation, changements globaux.

Abstract : Ecological stoichiometry deals with the balance of multiple chemical substances in

ecological interactions et processes. Organisms have relatively constant compositions in

different elements such as carbon, nitrogen and phosphorus. C: N: P ratios vary between

organisms and ecosystems and may be modified by light and nutrient availability on

organisms which are plastic in their stoichiometry (autotrophs). Any factor, such as physical

processes, which may affect the amount of nutrient or the available light can induce changes

in elemental ratios and influence the transfer of these elements to higher trophic levels.

Turbulence, by resuspension of particulate organic and inorganic matter, affects mixing

depths and induces a decrease in light availability in aquatic ecosystems, resulting in a

decrease in seston C: P ratio. Upwellings, provoked by the influence of winds on oceanic

currents, cause nutrients wind up and spark phytoplankton blooms off as well as C: N: P ratios

modifications. Bioturbation modifies nitrogen availability, causing a decrease in the C: N

ratio and an increase in the N: P ratio. Ecological stoichiometry can also make predictions

about the response of organisms to global change and is therefore a necessary tool for

understanding the functioning of ecosystems increasingly altered by humans activities.

Key-words: ecological stoichiometry, food web, light-nutrient hypothesis, upwelling,

bioturbation, global change.