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Distribution : limitée SHS/EST/CIB-13/06/CONF.505/2 Rev.1 Paris, 13 avril 2007 Original : anglais Projet de rapport sur le consentement établi par LE GROUPE DE TRAVAIL DU CIB SUR LE CONSENTEMENT _____________________ Le présent projet de rapport a été mis au point par le Groupe de travail mis en place par le CIB, sur la base des discussions tenues sur ce sujet à la treizième session du CIB (Paris, 20-22 novembre 2006) et des commentaires écrits reçus par la suite. Division de l'éthique des sciences et des technologies

Projet de rapport sur le consentement; 2007 - …unesdoc.unesco.org/images/0015/001505/150520f.pdf · Table des matières I. INTRODUCTION II. CADRE GÉNÉRAL II.1. Le contenu de l’information

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Distribution : limitée

SHS/EST/CIB-13/06/CONF.505/2 Rev.1 Paris, 13 avril 2007

Original : anglais

Projet de rapport sur le consentement

établi par LE GROUPE DE TRAVAIL DU CIB SUR LE CONSENTEMENT

_____________________

Le présent projet de rapport a été mis au point par le Groupe de travail mis en place par le CIB, sur la base des discussions tenues sur ce sujet à la treizième session du CIB (Paris, 20-22 novembre 2006) et des commentaires écrits reçus par la suite.

Division de l'éthique des sciences et des technologies

Table des matières

I. INTRODUCTION

II. CADRE GÉNÉRAL II.1. Le contenu de l’information II.2. Les conditions de recueil du consentement II.3. Le mode d’expression du consentement II.4. Retrait du consentement

III. CIRCONSTANCES D'APPLICATION III.1 Le consentement dans diverses catégories de pratiques

III.1.1. La pratique clinique Soins médicaux primaires Interventions médicales invasives

III.1.2. Le consentement dans la recherche biomédicale et clinique III.1.3. La recherche épidémiologique

Données collectées pour une étude utilisées pour d’autres études

III.1.4. Santé publique III.1.5. Situations d’urgence II.1.6. Don d’organes, de tissues et de cellules

III.2 Le consentement chez diverses catégories de sujets qui requièrent une protection spéciale

III.2.1. Manque de capacité à consentir III.2.2. Catégories de personnes n’ayant pas la capacité de consentir

Nouveau-nés Enfants Patients âgés désorientés Patients ayant des difficultés d’apprentissage Patients souffrant de troubles mentaux Patients inconscients

III.3 Le consentement dans différentes catégories de contextes

III.3.1. Contexte économique Le niveau de formation des professionnels de la santé Le manque de temps compte tenu du nombre des patients Le manque de moyens des professionnels de la santé Le manque de moyens des populations pour couvrir leurs soins de santé

III.3.2. Le contexte de populations ayant un faible niveau d’instruction Difficultés d’accès à l’information Difficultés à attester du consentement

III.3.3. Contexte social et culturel Consentement communautaire et individuel Le processus de décision dans la cellule familiale L’intégration de l’information dans des perceptions sociales et des croyances religieuses L’autorité du savoir Public captif

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IV. APPLICATION ET PROMOTION IV.1. Éducation des donneurs d’information IV.2. Communication : processus et matériels IV.3. Implication du public

V. RESUME ET CONCLUSIONS Pourquoi le consentement est-il un principe fondamental en bioéthique ? Quand et comment devrait-on rechercher le consentement ? Quels sont les éléments principaux du consentement ? Quels sont les aspects les plus importants de l’information fournie ? Quelles sont les différentes formes d’expression du consentement ? Les procédures sont-elles différentes suivant les diverses circonstances d’application ? Quelles sont les caractéristiques les plus importantes du consentement en matière de pratique clinique ? Quelles sont les caractéristiques les plus importantes du consentement en matière de recherche biomédicale/clinique ? Y a-t-il des exceptions aux procédures de consentement en matière de recherche épidémiologique ? Quels sont les exemples d’interventions de santé publique qui sont menées sans le consentement des individus ? Quelles sont les caractéristiques les plus importantes du consentement en situation d’urgence ? Quelles sont les caractéristiques les plus importantes du consentement en matière de don d’organes, de tissus et de cellules ? Quelles procédures devraient être suivies concernant les personnes incapables de consentir ? La recherche scientifique sur des personnes incapables d’exprimer leur consentement est-elle justifiable ? Comment la pratique du consentement dépend-elle du contexte économique ? Comment les contextes sociaux et culturels influencent-ils le consentement ?

I. INTRODUCTION 1. Le Comité international de bioéthique (CIB) a déjà abordé la question du consentement lors de l’élaboration de ses rapports sur des sujets spécifiques(1). Cependant, à sa douzième session (Tokyo, Japon, 15-17 décembre 2005), le Comité a estimé que, bien que le consentement soit une question traditionnelle de bioéthique, le débat et la réflexion sur cette question demandaient à être approfondis à la lumière des avancées récentes des sciences et des technologies et des spécificités culturelles de chaque société. Le Comité a donc décidé de constituer un groupe de travail spécialement chargé d’étudier le principe du consentement tel qu’énoncé dans la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme (2005).

2. Adoptée par acclamation le 19 octobre 2005 à la 33e session de la Conférence générale de l’UNESCO, la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme (ci-après dénommée « la Déclaration ») consacre deux articles à la question du consentement : l’article 6(2) traite du principe du consentement et l’article 7(3) couvre le cas des personnes n’ayant pas la capacité de consentir.

3. Conscient des difficultés auxquelles peut se heurter l’application pratique du principe du consentement, le CIB a souhaité, à travers le présent rapport, soutenir et éclairer les actions que les États, les institutions et les citoyens ont engagées ou envisagent d’engager pour que le consentement d’une personne « à toute intervention médicale (...) ou à des recherches scientifiques » soit l’expression de sa liberté.

1. Thérapie génique humaine (Rapport de 1994, Réf. : SHS-94/CONF.011/8), dépistage et tests génétiques (Rapport de 1994, Réf. : SHS-94/CONF.011/7), conseil génétique (Rapport de 1995, Réf. : CIP/BIO/95/CONF.002/4), éthique et neurosciences (Rapport de 1995, Réf. : CIP/BIO/95/CONF.002/3), bioéthique et recherche en génétique des populations humaines (Rapport de 1995, Réf. : CIP/BIO/95/CONF.002/5), accès aux traitements expérimentaux et expérimentation sur des sujets humains (Rapport de 1996, Réf. : CIP/BIO.501/96/4), confidentialité et données génétiques (Rapport de 2000, Réf. : BIO-503/99/CIB-6/GT-2/3), utilisation des cellules souches embryonnaires pour la recherche thérapeutique (Rapport de 2001, Réf : BIO-7/00/GT-1/2 (Rev. 3)), données génétiques humaines (Rapport de 2002, Réf. : SHS-503/01/CIB-8/3 (Rev.2)), diagnostique génétique pre-implantatoire (Rapport de 2003, Réf. : SHS-EST/02/CIB-9/2 (Rev. 3)). 2. « 1. Toute intervention médicale de caractère préventif, diagnostique ou thérapeutique ne doit être mise en œuvre qu’avec le consentement préalable, libre et éclairé de la personne concernée, fondé sur des informations suffisantes. Le cas échéant, le consentement devrait être exprès et la personne concernée peut le retirer à tout moment et pour toute raison sans qu’il en résulte pour elle aucun désavantage ni préjudice. 2. Des recherches scientifiques ne devraient être menées qu’avec le consentement préalable, libre, exprès et éclairé de la personne concernée. L’information devrait être suffisante, fournie sous une forme compréhensible et indiquer les modalités de retrait du consentement. La personne concernée peut retirer son consentement à tout moment et pour toute raison sans qu’il en résulte pour elle aucun désavantage ni préjudice. Des exceptions à ce principe devraient n’être faites qu’en accord avec les normes éthiques et juridiques adoptées par les États et être compatibles avec les principes et dispositions énoncés dans la présente Déclaration, en particulier à l’article 27, et avec le droit international des droits de l’homme. 3. Dans les cas pertinents de recherches menées sur un groupe de personnes ou une communauté, l’accord des représentants légaux du groupe ou de la communauté concerné peut devoir aussi être sollicité. En aucun cas, l’accord collectif ou le consentement d’un dirigeant de la communauté ou d’une autre autorité ne devrait se substituer au consentement éclairé de l’individu. » 3. « En conformité avec le droit interne, une protection spéciale doit être accordée aux personnes qui sont incapables d’exprimer leur consentement : (a) l’autorisation d’une recherche ou d’une pratique médicale devrait être obtenue conformément à l’intérêt supérieur de la personne concernée et au droit interne. Cependant, la personne concernée devrait être associée dans toute la mesure du possible au processus de décision conduisant au consentement ainsi qu’à celui conduisant à son retrait ; (b) une recherche ne devrait être menée qu’au bénéfice direct de la santé de la personne concernée, sous réserve des autorisations et des mesures de protection prescrites par la loi et si il n’y a pas d’autre option de recherche d’efficacité comparable faisant appel à des participants capables d’exprimer leur consentement. Une recherche ne permettant pas d’escompter un bénéfice direct pour la santé ne devrait être entreprise qu’à titre exceptionnel, avec la plus grande retenue, en veillant à n’exposer la personne qu’à un risque et une contrainte minimums et si cette recherche est effectuée dans l’intérêt de la santé d’autres personnes appartenant à la même catégorie, et sous réserve qu’elle se fasse dans les conditions prévues par la loi et soit compatible avec la protection des droits individuels de la personne concernée. Le refus de ces personnes de participer à la recherche devrait être respecté. »

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4. Il convient de noter que le présent rapport s’inscrit dans un contexte où le principe du consentement a été et continue d’être le sujet d’intenses débats aux niveaux à la fois international et local. En outre, il doit être rappelé que le principe du consentement a déjà été traité dans des instruments normatifs internationaux existants dans le cadre du système des Nations Unies et en-dehors du cadre du système des Nations Unies. (De plus amples informations sont exposées en Annexe 1 du présent rapport).

II. CADRE GÉNÉRAL 5. Le consentement éclairé est un principe fondamental qui a marqué l’émergence de l’éthique médicale basée sur l’autonomie personnelle. Le besoin de consentement éclairé en matière de recherche biomédicale a été mis en exergue par les procès de Nuremberg qui ont révélé des expériences inhumaines menées sur des prisonniers dans des camps de concentration. Son importance dans le cadre de la recherche scientifique a été d’autant plus renforcée par un grand nombre d’exemples de recherches non éthiques sur des sujets humains, poursuivies même après la période postérieure à la Deuxième Guerre Mondiale. Dans le contexte clinique, l’importance du consentement éclairé a été reconnue suite au mouvement croissant des droits des patients et des technologies biomédicales émergentes qui ont mis l’accent sur la nécessité pour le patient lui-même de décider sur les choix complexes de soins de santé à prendre. L’introduction de la pratique du consentement éclairé a également transformé une relation traditionnellement paternaliste entre le professionnel de la santé et le patient.

6. Le consentement de la personne constitue l’un des principes fondamentaux auxquels doivent satisfaire les pratiques qui s’inscrivent dans le champ d’application de la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme. Le principe du consentement est étroitement lié au principe d’autonomie (article 5 de la Déclaration) et à l’affirmation des droits de l’homme et du respect de la dignité humaine (article 3 de la Déclaration). L’architecture même du texte de la Déclaration reflète ce lien étroit.

7. L’autonomie implique la responsabilité. En effet, le pouvoir de décider pour soi-même entraîne ipso facto qu’on accepte les conséquences de ses actes, ce qui, en matière de santé, peut être redoutable. Par conséquent, il doit être souligné que la personne doit être précisément informée des conséquences de son choix, ce qui amène à s’interroger sur les conditions dans lesquelles le consentement est « éclairé » et est obtenu.

8. Le respect de l’autonomie dont jouissent les personnes pour prendre leurs décisions, tout en assumant la responsabilité de celles-ci est étroitement lié à l’article premier de la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) qui dispose que tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits, sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.

9. Comment pourrait-on donc contester l’affirmation de l'article 5, qui ne fait que prolonger l’article 3 intitulé : « Dignité humaine et droits de l’homme » ? On ne doit pas toutefois en sous-estimer la portée. Le lien étroit qui lie autonomie et responsabilité suppose que le consentement soit donné librement par la personne concernée, que les informations les plus claires possibles lui soient fournies, que ses facultés de compréhension soient intactes, qu’elle ait pu mesurer les conséquences de la maladie et son évolution et qu’elle ait saisi en quoi consistent les avantages et inconvénients des traitements alternatifs éventuels.

10. On ne saurait se borner à affirmer un principe sans étudier les conditions de sa mise en œuvre et les conséquences de son application : tel est l’objet du présent chapitre. Seront envisagés les aspects suivants :

- le contenu de l’information, - les conditions de recueil du consentement, - le mode d’expression du consentement, - les difficultés particulières d’application du principe de consentement.

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II.1 Le contenu de l’information 11. L’article 6 de la Déclaration précise que le consentement « éclairé » doit être « fondé sur des informations suffisantes ». D’une manière générale, l’intéressé doit recevoir des informations compréhensibles, pertinentes, structurées et correspondant à son cas personnel, qui lui permettent de décider s’il doit ou non accepter une intervention médicale ou participer à une recherche scientifique. Mais il reste nécessaire de préciser ce qui est entendu par cela.

12. En ce qui concerne le consentement du patient à une intervention médicale, il convient de prendre en considération quelques éléments importants :

- le diagnostic et le pronostic, - la nature et le processus de l’intervention, - les bénéfices escomptés de l’intervention, - les éventuels effets secondaires indésirables de l’intervention, - les possibilités, les bénéfices et les risques d’interventions alternatives,

D’autres éléments également à prendre en compte concernent l’expérience et les compétences des professionnels impliqués dans l’intervention médicale et leur possible intéressement financier.

13. Dans le cas de la recherche scientifique, il est nécessaire de faire connaître à la personne le but de la recherche, sa méthodologie et sa durée, des bénéfices attendus pour cette personne ou pour d’autres personnes concernées, et les risques encourus.

14. Lorsque le consentement n’est pas donné, cela ne doit jamais conduire à administrer au patient des soins moins diligents ni à pratiquer aucune espèce de discrimination. Il en est de même pour la recherche : les personnes qui refusent d’y participer ne doivent jamais être désavantagées en raison de leur décision et elles doivent continuer de bénéficier de tous les soins habituels que requiert leur état.

15. Enfin, selon la Déclaration, la personne doit être informée qu’elle peut retirer son consentement à tout moment et pour toute raison, que ce soit dans le cas d’une intervention médicale de caractère préventif, diagnostique ou thérapeutique ou dans celui d’une recherche scientifique, sans qu’il en résulte pour elle aucun désavantage ni préjudice.

II.2 Les conditions de recueil du consentement 16. Il est du devoir de la personne qui effectue l’intervention médicale ou entreprend la recherche scientifique de recueillir le consentement éclairé auparavant.

17. Bien que la relation médecin-patient ne puisse être une relation symétrique, elle suppose néanmoins une confiance mutuelle et le respect de la confidentialité. Une relation de collaboration devrait donc être encouragée, plutôt qu’une relation paternaliste.

18. Pour le médecin, fournir l’information au patient ne doit pas être simplement une procédure administrative ou une obligation légale, mais plutôt une reconnaissance de la confiance placée en lui/elle par le patient. L’information doit être adaptée selon le patient et ses degrés de tolérance : par exemple, dans le cas où une maladie grave est découverte, le tact et le choix des mots sont particulièrement importants.

19. L’énonciation des risques que peut présenter un traitement ou une recherche est une démarche délicate. Dans certains pays, en cas d’accident médical, la jurisprudence condamne le médecin qui n’a pas mentionné les risques, même exceptionnels, que comportent certains actes médicaux. Mais une énumération exhaustive des risques majeurs peut susciter chez la personne concernée une crainte disproportionnée, et il importe d’informer le patient sur sa maladie et d’éviter de lui causer un traumatisme émotionnel. D’ailleurs, certains patients souhaitent ne pas être informés avant de donner leur consentement, s’en remettant entièrement à leur médecin.

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20. Au cours du processus de recueil du consentement éclairé, le patient ou le participant potentiel à une recherche peut éprouver des doutes en ce qui concerne les objectifs, les risques, les bénéfices et les résultats escomptés de la proposition du médecin ou du chercheur, ou même ses droits. Dans de tels cas, un médiateur peut être appelé pour analyser les informations fournies au patient ou au participant potentiel (devant être libre de tout dogmatisme et de toute coercition) et rendre le consentement plus compréhensible.

II.3 Le mode d’expression du consentement 21. Le consentement doit être « exprès », c’est-à-dire ne laissant aucun doute sur la volonté de la personne concernée. Il peut être exprimé par écrit, par oral ou même par geste, selon les circonstances et les cultures.

22. Différentes perceptions de l’expression du consentement existent selon les régions du monde. Si, dans de nombreux pays, c’est le consentement donné par écrit qui est considéré comme présentant le maximum de garanties, certaines sociétés utilisent le consentement oral, au point que demander la confirmation écrite d’un engagement est signe de méfiance et de doute et constitue une offense pour la personne concernée.

23. Une manière spécifique d’exprimer le consentement est le recours aux directives anticipées. Les directives anticipées sont de plus en plus souvent envisagées comme un moyen de permettre à l’autonomie de la personne de s’exprimer sur des décisions relatives à la santé dans les cas où l’intéressé n’est plus apte à donner un consentement valable en raison d’un état d’incompétence (patients inconscients ou dans un état confusionnel). Ces directives comportent, entre autres, des instructions concernant les traitements ou interventions, de caractère médical ou non, que la personne demande ou refuse.

24. Il existe deux principaux types de directives anticipées : (1) les directives d’instruction relatives à des situations bien définies et (2) les directives de procuration qui désignent un « représentant » habilité à prendre les décisions à la place du patient incompétent (« décideur subrogé »). L’association de ces deux types de directives est souhaitable pour mieux couvrir les différents besoins ou situations que l’on peut rencontrer.

25. Les directives anticipées de procuration s’appliquent à toutes les situations médicales, y compris les problèmes de fin de vie et les nombreux cas où les personnes concernées ont une capacité de jugement altérée qui les empêche d’exprimer leur consentement de façon compétente.

26. Les directives anticipées doivent être rédigées par une personne compétente, sans aucune contrainte de la part de sa famille ou de son environnement. Elles doivent avoir une durée de validité définie (3 à 5 ans en général) et peuvent être révisées ou modifiées à volonté et à tout moment par la personne compétente.

27. Les dispositions réglementaires et procédurales relatives aux directives anticipées et décideurs subrogés dans le domaine de la santé et des soins de fin de vie sont en rapide évolution et sujettes à grand débat. Dans certains pays, ces directives ne sont pas soumises à des conditions de forme particulière ; comme pour d’autres testaments, elles n’ont pas besoin de faire l’objet d’un acte authentique ; qui plus est, sous réserve que leur existence soit attestée par des témoins crédibles, il doit en être tenu compte même en l’absence de document écrit. Dans d’autres pays, en revanche, la loi exige que les directives anticipées et/ou la désignation d’un décideur subrogé fassent l’objet d’un acte écrit authentique.

28. Dans le suivi d’une maladie chronique et dans le cadre d’une relation thérapeutique au long cours, il est généralement inutile de demander au patient de renouveler formellement son consentement, dans la mesure où il accepte les examens et le traitement. Si de nouvelles méthodes font leur apparition (médicaments, possibilités chirurgicales), alors il est nécessaire de tenir le patient informé de ces nouveautés et de lui demander si cela influe sur son consentement.

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29. Il ne faut pas déduire de ce qui précède que l’on ne doit pas présenter au patient les informations pertinentes à plusieurs reprises, et s’assurer ainsi que son consentement est toujours valable. Il doit être rappelé qu’il arrive souvent que le patient ne comprenne pas - ou pas correctement - dès la première fois toutes les informations que le praticien lui communique. C’est pourquoi il est souvent sage, voire nécessaire, de lui redonner les mêmes informations plus tard, éventuellement sous une autre forme.

II.4 Retrait du consentement 30. Le consentement est valide tant qu’il n’a pas été retiré librement. Le consentement peut être retiré à tout moment. Le patient est autonome et décide de ce qui lui semble la meilleure ligne de conduite (ou d’inaction).

31. Si un patient devait retirer son consentement, la pratique adéquate, dans l’esprit de la Déclaration, est d’exposer clairement et sereinement les conséquences possibles de ce retrait, en veillant à ce qu’elles soient comprises par le patient - qui en assume l’ultime responsabilité.

III. CIRCONSTANCES D'APPLICATION III.1 Le consentement dans diverses catégories de pratiques 32. L’article 6 de la Déclaration opère une distinction entre les interventions médicales de caractère préventif, diagnostique ou thérapeutique (paragraphe 1) et la recherche scientifique (paragraphe 2). Le paragraphe 1 exige le consentement préalable, libre et éclairé des personnes concernées. Il stipule également que, le cas échéant, le consentement devrait être exprès. En ce qui concerne la recherche scientifique, selon le paragraphe 2, le consentement de la personne concernée devrait toujours être préalable, libre, exprès et éclairé. Le paragraphe 3 introduit la notion d’accord collectif et stipule que, dans les cas pertinents, l’accord des représentants légaux du groupe ou de la communauté concernés peut être sollicité. Toutefois, l’accord collectif ou le consentement d’un dirigeant de la communauté ou d’une autre autorité ne doit en aucun cas se substituer au consentement éclairé de l’individu.

III.1.1 La pratique clinique 33. Dans le contexte clinique, les caractéristiques du recueil du consentement dépendront :

- de l’ancienneté et de la qualité de la relation entre le soignant et le patient, - du caractère invasif de l’acte médical, - des bénéfices potentiels et des éventuels effets secondaires, - du possible impact sur les tiers, en particulier les membres de la famille, - des conséquences économiques de l’intervention, en particulier lorsque son

coût n’est pas ou pas entièrement couvert par un régime d’assurance santé.

Comme il est indiqué plus haut, il est utile de souligner que demander et recueillir le consentement n’est pas l’affaire de quelques secondes mais il s’agit souvent d’un processus où il est nécessaire de discuter avec le patient à différents moments successifs, à travers un dialogue permanent.

34. Il convient de souligner que, de manière générale, une information adéquate donnée au patient est la condition sine qua non de la validité de son consentement ; sans une information adéquate, il ne peut y avoir de consentement donné de manière valide. Il convient également d’insister sur le fait qu’il est de l’obligation du professionnel de fournir systématiquement des informations suffisamment complètes et compréhensibles. À cet égard, on ne saurait défendre plus longtemps la notion de privilège thérapeutique (du professionnel de santé) qui figure dans certains codes de déontologie. Une exception thérapeutique peut parfois être admise ; elle conduit, dans des circonstances exceptionnelles, à limiter ou retarder la communication de certaines informations au patient.

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La règle, cependant, est de fournir toutes les informations, dès qu’elles sont disponibles. Quant au contenu et à d’autres aspects de l’information, certains se réfèrent au standard de la personne raisonnable. Néanmoins, dans tous les cas, le professionnel de la santé a la responsabilité de s’assurer que les efforts nécessaires ont été faits pour informer le patient.

Exemple clinique : la prise de sang- Examens systématiques dans le suivi d’une thérapie anti-coagulation : une explication et un consentement adéquates sont requis au commencement du traitement ; par la suite – sans circonstances spéciales – aucun consentement exprès n’est recueilli. Le fait que le patient ne s’oppose pas à la prise de sang peut être considéré comme un signe qu’il a compris et est d’accord. - Tests sanguins au cours d’une première visite : le médecin doit fournir suffisamment d’information précise sur l’analyse qu’il entend demander pour évaluer les conditions de santé du patient. Le degré d’information peut légitimement varier, c’est-à-dire : « ces trois tests vont permettre de vérifier l’état de votre foie », ou « je propose de procéder à une batterie de tests qui sont traditionnellement recommandés pour le check-up d’une personne de votre âge concernant l’état des organes suivants :… ». Mais des indications plus précises sont exigées dans les cas où, pour diverses raisons, le consentement exprès est requis (voir ci-dessous). - Test HIV : le poids / l’importance pratique et symbolique de ce test est bien connu. Dans toutes les circonstances, un consentement exprès est exigé pour faire le test (qui peut être oral – le médecin peut juger si un consentement écrit est nécessaire). - Tests génétiques : Une information minutieuse sur le test et les possibles découvertes et conséquences est impérative, dans la mesure où les résultats auront vraisemblablement un impact non seulement sur la personne testée mais aussi sur ses parents (enfant et enfants potentiels, éventuellement frères et sœurs – ainsi qu’un fiancé/un partenaire si les tests sont effectués en vue d’un mariage).

- Don du sang : ici la situation est différente : aujourd’hui les dons du sang doivent passer par toute une série de tests afin d’éviter tout risque pour le receveur. Le donneur donne du sang dans des circonstances totalement libres et volontaires mais ne peut le faire que si il/elle accepte sans restrictions que les tests requis soient réalisés. Il n’y a pas de possibilité de dire : « Je veux donner mon sang mais à la condition que tel et tel test ne soit pas fait. »

35. Comme la pratique clinique concerne uniquement des situations concernant des problèmes de santé graves, des examens invasifs ou des pronostics négatifs, différents modes de recueil du consentement sont admissibles, selon le cas. On pourra à cet égard prendre en considération le contexte local ou les particularités socioculturelles, sans pour autant transiger sur les principes bioéthiques énoncés dans la Déclaration de l’UNESCO, ni sur les règles du droit médical ou de la santé.

Soins médicaux primaires 36. Il existe, dans la pratique médicale quotidienne, un certain nombre d’interventions courantes, simples et non invasives dont on peut présumer qu’ils sont connus du patient ordinaire (par exemple la mesure de la pression artérielle). Les examens médicaux physiques (palpation ou mouvement passif) de parties du corps douloureuses ou présentant d’autres symptômes qui amènent le patient à consulter peuvent également être réalisés par le praticien sans qu’il ait à obtenir le consentement exprès du patient. Lorsque le médecin dit « Je vais examiner votre genou/votre abdomen », le fait que le patient ne s’y oppose pas peut être considéré comme une acceptation tacite. Il en irait différemment dans le cas où le professionnel de la santé procéderait à un examen gynécologique sur une patiente venue consulter pour une affection de l’oreille. Des informations précises sur la nécessité de cet examen complémentaire doivent alors lui être données et son consentement exprès doit être recueilli. Dans une telle situation, le consentement préalable, libre et éclairé est requis, sans qu’il doive nécessairement être écrit.

37 En outre, une grande partie des soins primaires, en particulier dans les pays à population vieillissante, sont liés à des maladies chroniques impliquant des consultations ou visites régulières (de routine) du médecin ou autre soignant. En pareil cas, le soignant ne sera pas tenu d’informer chaque fois le patient sur des éléments pratiquement inchangés de son état de santé ou de son traitement.

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Interventions médicales invasives

38. Plus une intervention est invasive et plus ses conséquences physiques, psychologiques et/ou socio-économiques sont graves, plus le consentement du patient devra être exprès et formalisé. Exemples : actes de chirurgie entraînant des atteintes à l’intégrité corporelle importantes, physiquement ou symboliquement (mastectomie, perte éventuelle de puissance sexuelle, anus praeternaturalis, amputation d’un membre, etc.), chirurgie hasardeuse de la colonne vertébrale (possibilité de séquelles paralytiques), traitement lourd du cancer avec diminution importante de la qualité de vie pendant des mois (à mettre en balance avec la qualité et l’espérance de vie que pourrait avoir le patient en l’absence de ce traitement). Il en va de même, pour des raisons évidentes, de la stérilisation chirurgicale ou de l’interruption de grossesse, ou encore de la procréation médicalement assistée. Il est recommandable dans de tels cas de donner au patient un délai de réflexion.

39. Il est plus prudent de demander le consentement écrit du patient dans un certain nombre d’autres situations telles que celles mentionnées dans le paragraphe ci-dessus. C’est ainsi que ce consentement est systématiquement exigé avant des interventions médicales qui sont optionnelles, de nature non indispensables ; par exemple, une opération de chirurgie esthétique, cas où la qualité du résultat obtenu risque fort d’être appréciée différemment par différentes personnes, et où les méthodes sont actuellement en cours de développement sous le nom de « médecine d’amélioration ».

III.1.2 Le consentement dans la recherche clinique et biomédicale 40. Ce qui est énoncé au paragraphe précédent sur la pratique clinique s’applique également en matière de recherche. La question du consentement et les circonstances pratiques de son obtention varient en fonction de critères supplémentaires, en particulier :

- de la question de savoir si la recherche est pratiquée sur les volontaires sains, - de la question de savoir si les personnes participants à une recherche ont des

chances d’en tirer ou non un bénéfice direct ou indirect.

Il y a plusieurs autres aspects à prendre en considération, concernant le statut civil et la capacité de jugement/ consentement des participants à la recherche (mineurs, personnes n’ayant pas la capacité de consentir, etc.). Ces aspects sont traités dans une section ultérieure du présent document.

41. En général, il faut prendre toutes les précautions voulues pour garantir que les participants à la recherche ne sont pas soumis à des pressions pour participer. En règle générale, il faut donc s’abstenir de demander à des prisonniers, du personnel militaire ou autres individus se trouvant dans une situation de dépendance, de participer à une telle recherche.

42. S’agissant des volontaires sains, le fait primordial est que ces personnes n’ont pas demandé à recevoir des soins ou à être impliquées dans une procédure médicale. Elles acceptent de participer à la recherche soit par altruisme soit pour rechercher une compensation d’une autre manière(4). Comme elles ne sont pas demandeuses, il faut leur donner des assurances particulières que si quelque chose de fâcheux devait se produire, elles seraient protégées/soignées (responsabilité civile du chercheur). Les risques associés à la recherche doivent être minimisés. La participation doit être décrite en termes précis par écrit et le consentement éclairé écrit devrait être obligatoire.

43. En raison de la récente tendance, en Europe par exemple, à impliquer des volontaires sains venant d’autres pays en tant que touristes pour une durée limitée, et afin d’éviter d’éventuelles conséquences indésirables, plusieurs pays ont établi des registres pour suivre la fréquence avec laquelle un volontaire est impliqué/« employé ». Ces registres peuvent aider à éviter une possible dépendance du fait du profit en jeu. 4. La Déclaration internationale sur les données génétiques humaines fait référence à une possible

« incitation impropre ».

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44. Concernant la recherche pratiquée sur des patients pour lesquels il n’y a pas de bénéfice escompté, la situation est quelque peu semblable à celle qui vient d’être décrite à propos des volontaires sains : les risques doivent être raisonnables et il faut prendre des dispositions pour éviter tout préjudice que pourrait leur causer la recherche ou, en cas de préjudice, de le réduire au minimum ou de l’indemniser.

45. Pour ce qui est des patients susceptibles de bénéficier de la recherche, les risques éventuels associés au projet - qui doivent toujours être aussi limités que possible - doivent être considérés en relation avec la gravité de l’état du patient et aux chances d’amélioration substantielle de cet état. Les situations désespérées autorisent des procédures plus risquées que la recherche dans des situations qui ne représentent pas de menaces pour la vie ou les fonctions essentielles.

46. Un principe éthique clé de la recherche impliquant des sujets humains est que si les études peuvent être menées avec validité scientifique sur des personnes qui peuvent fournir leur propre consentement compétent, éclairé et libre, elles ne doivent pas être menées avec des personnes incapables de consentir, sauf lorsque le projet a des chances de leur apporter un bénéfice direct ou lorsqu’il n’est pas possible de mener une étude comparable - et obtenir des résultats pertinents - avec d’autres patients. La même prudence s’applique si les futurs participants à la recherche semblent particulièrement vulnérables. Le droit de cesser de participer à un projet de recherche est également garanti sans préjudice pour la personne, qui devrait continuer à bénéficier de tous les soins standards que sa condition nécessite.

III.1.3 La recherche épidémiologique 47. L’objectif de la recherche épidémiologique est d’élucider les caractéristiques, dans une population, de la prévalence et de l’incidence d’une maladie ou d’un autre problème de santé (accidents, maltraitance/violences, intoxications,…) et de la distribution du problème (c’est-à-dire en fonction de l’âge, du sexe, du type de travail, des conditions sociales, du lieu de résidence, des habitudes/comportements quotidiens).

48. Ce type de recherche peut inclure divers modes de participation, tels que :

- l’utilisation de données déjà collectées (dans le cadre d’une recherche médicale, sociologique ou autre), éventuellement codées ou sous forme anonyme ;

- les réponses à un questionnaire écrit ou électronique ; - participer à un entretien ; - la fourniture d’échantillons de matière biologique (sang, urine, salive, etc.).

49. Une information préalable compréhensible et suffisante fournie aux personnes concernées est bien sûr exigée. S’agissant du consentement, le fait de librement remplir un questionnaire ou de participer à un entretien constitue une indication claire du consentement, mais il faut fournir aux participants à la recherche une information complète sur l’utilisation donnée aux données qu’ils fournissent, y compris sur la question de savoir comment et quand ces données pourraient être codées ou rendues anonymes, et sur leur droit de quitter le projet à tout moment.

50. Quant aux échantillons biologiques, leur utilisation potentielle et ses limites doivent être clairement définies. La question de savoir s’il est possible ou non de remonter d’un résultat au participant/informateur est une question éthique d’importance. En tout état de cause, dans les études épidémiologiques qui incluent des données génétiques provenant d’échantillons biologiques, le consentement éclairé doit obéir aux dispositions de la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l’homme et de la Déclaration internationale sur les données génétiques humaines adoptées par l’UNESCO.

51. Une attention particulière devrait être portée aux intérêts des tiers, en particulier dans les recherches épidémiologiques qui utilisent des données génétiques et dans les études socio-anthropologiques.

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52. La participation à la recherche de nombreux membres d’une même communauté soulève des questions spécifiques (qu’évoque l’article 6 (3) de la Déclaration). Tel a par exemple été le cas en Islande, pays relativement isolé durant des siècles, ayant une population très homogène et d’excellentes archives généalogiques. Cela présente un grand intérêt pour les études sur les prédispositions génétiques à certaines maladies. Un accord collectif, qui est souhaitable, doit être recherché selon des modalités socialement acceptées, démocratiques, mais il doit toujours demeurer possible aux individus de refuser leur collaboration. Tout exercice de pressions doit être évité s’ils refusent de s’associer à un tel programme ou s’en retirent.

Données collectées pour une étude utilisées pour d’autres études

53. Le principe du consentement éclairé exige que la personne concernée soit informée de manière adéquate de l’utilisation faite des données/matériels qu’elle fournit. Il y a toutefois des situations dans lesquelles les possibilités d’utilisation pour une autre recherche de données/matériels déjà collectés n’apparaissent que plus tard. D’un point de vue scientifique, il ne serait pas souhaitable de renoncer à cette possibilité et la question du consentement est délicate en pareil cas. Chaque fois que possible, on peut consulter les participants et demander leur consentement pour la nouvelle recherche. Dans les situations où cela n’est pas faisable, les pays, les comités d’examen éthique ou les associations professionnelles doivent avoir établi des règles spécifiques, prévoyant entre autres un examen par des organismes d’experts, pour déroger à l’exigence du consentement individuel. De plus, les individus doivent avoir le droit de se retirer du projet de recherche ou disposer d’un moyen de protéger leurs droits. Enfin, une autre chance d’obtenir le consentement doit être donnée lorsque les progrès de la recherche créent une situation différente quant au résultat vraisemblablement bénéfique.

54. Le consentement devrait être basé sur le but existant du projet de recherche épidémiologique concerné. Il est inacceptable de demander aux participants à un projet de recherche de donner un consentement préalable général (le célèbre « consentement général ») aux termes duquel ils consentiraient à toute étude susceptible d’être menée au moyen des données/matériels qu’ils ont fournis, à moins que les données/matériels ne soient dissociés de manière irréversible des participants.

III.1.4 Santé publique 55. Il faut noter tout d’abord que la recherche épidémiologique est souvent importante pour la santé publique. Ce qui a été dit plus haut est applicable.

56. Le problème majeur ici tient au fait que les mesures de santé publique visant à empêcher, éliminer ou atténuer un problème important pour toute la population - ou des groupes au sein de celle-ci - peuvent entraver l’autodétermination des individus. De telles limitations à la liberté des personnes de choisir pour elles-mêmes doivent être étroitement réglementées et doivent être en conformité avec l’article 27 de la Déclaration « Limitations à l’application des principes ». Par exemple, la menace d’une épidémie légitime le pouvoir de l’État d’édicter des mesures obligatoires ; un exemple bien connu est celui de la quarantaine, imposée depuis le XIVe siècle en Europe pour tenter d’endiguer la propagation de la peste. Aujourd’hui, ces menaces peuvent conduire à vacciner toute une population ou certaines catégories de population (par exemple les personnes travaillant dans le domaine de la santé). En outre, même s’il n’y a pas de danger immédiat d’épidémie, il peut être justifié de déclarer obligatoires les vaccinations afin d’assurer une couverture suffisante de la population.

57. En 2005-2006, des pays ont élaboré des plans concernant la grippe aviaire et le danger majeur qu’elle représenterait en cas de mutation permettant à la maladie de se transmettre d’un être humain à un autre. Lors d’une épidémie, le droit de choisir librement son médecin ou son hôpital pourrait être suspendu et les patients dirigés vers un lieu de traitement en fonction d’un plan préétabli (ce qui constituerait aussi une exception à l’exigence du consentement informé de l’individu). En fait, il est clair que la planification du

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dispositif de santé et d’hospitalisation dans un pays ou une région, impliquant la concentration des ressources technologiques en certains points de préférence à d’autres, induit aussi en soi des limitations aux choix que peuvent exercer les personnes. Cependant, ces contraintes sont généralement comprises par le public et peuvent être édictées par la loi.

58. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a travaillé, avec d’autres, sur le large éventail des problèmes éthiques que soulèverait une éventuelle pandémie de grippe, afin de pouvoir apporter aux États membres des conseils pratiques détaillés sur la façon d’intégrer les considérations éthiques (et les considérations connexes relatives aux droits de l’homme et aux questions juridiques) dans leurs plans et leur préparation - et leur réponse - à une épidémie de grippe(5).

59. Des questions similaires sont soulevées par d’autres mesures de santé publique qui bénéficient à l’ensemble de la population et sont parfois imposées. Par exemple dans certains pays, durant des décennies le sel avait été iodé afin de prévenir l’hyperthyroïdie et le goitre (avec d’excellents résultats). Les gens qui ne voulaient pas absorber d’iode avec leur sel n’avaient pas le choix (aujourd’hui toutefois, il est aussi possible d’acheter du sel non iodé).

60. Dans la médecine du travail, des contrôles périodiques obligatoires, qui font partie de la santé publique, sont prescrits dans les emplois impliquant des risques sérieux. Du point de vue de la santé publique, cela est justifiable. Mais sur le plan du consentement, il se peut que le travailleur n’ait d’autre choix que d’accepter les contrôles (s’il veut garder son emploi).

61. Dans la mesure où des comportements individuels peuvent avoir des conséquences de santé publique, une intervention médicale peut être justifiée sans le consentement, dans des cas spécifiques, afin de protéger les individus.

62. La question de l’examen ou du traitement obligatoire d’un individu pour protéger la santé des autres est une question qui fait débat. Au cas où une maladie potentiellement grave pourrait être transmise dans les circonstances de la vie quotidienne et à l’insu des intéressés, par exemple dans les transports ou les lieux publics, des mesures obligatoires, ex officio, peuvent être justifiées. S’agissant des maladies transmissibles, c’est-à-dire des maladies transmises sexuellement, pour lesquelles il n’y a guère ou pas du tout de danger d’une épidémie à grande échelle et pour lesquelles on peut considérer que les personnes à risque (partenaires sexuels) agissent librement et disposent généralement d’informations adéquates sur les menaces éventuelles pour leur santé, certains jugent néanmoins logique de rechercher les partenaires et de les examiner/traiter sans leur consentement. Dans d’autres parties du monde, cette manière de procéder est aujourd’hui considérée comme une atteinte indue à l’autonomie individuelle.

63. Une situation dans laquelle le traitement obligatoire est permis dans certains systèmes juridiques est celle de la toxicomanie ; cependant, les résultats de ces mesures sont très décevants ; sans leur plein consentement et leur adhésion personnelle, il s’avère très difficile d’aider des personnes à cesser de se droguer. Une question connexe est celle de la femme enceinte qui continue à consommer des drogues à la fin de sa grossesse et nuit ainsi à la santé de son enfant. Certains États des États-Unis d’Amérique autorisent les tribunaux à ordonner une césarienne contre la volonté de la femme ; une telle décision ne peut être prise dans les systèmes juridiques d’Europe occidentale, qui considèrent qu’il y a là une atteinte trop grave à l’autonomie de la mère, tandis que le bénéfice pour l’enfant est aussi discuté.

64. Il y a débat sur la possibilité de castrer les personnes atteintes de perversions sexuelles graves qui s’avèrent rebelles à tout traitement. Il a été estimé que la castration est la seule mesure permettant de libérer ces personnes de prison - ou autre forme d’isolement - sans qu’elles continuent à représenter un danger. Il est difficile de déterminer si cela devrait être autorisé, quand bien même l’intéressé la demande, et elle est certainement inacceptable s’il la refuse, étant donné qu’il s’agit d’une atteinte majeure à l’intégrité physique.

5. Principes directeurs de l’OMS pour les recherches de cas humains de grippe aviaire A(H5N1), janvier

2007.

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III.1.5 Situations d’urgence 65. Les situations d’urgence soulèvent des questions particulières en raison de la nécessité d’agir rapidement pour sauver la vie du patient et/ou d’en limiter les conséquences dans toute la mesure possible. Il en résulte à l’évidence des difficultés pour obtenir le consentement préalable et pleinement éclairé de la personne concernée. De plus, il se peut que le patient soit désorienté ou, pire encore, inconscient, et qu’il ne soit donc pas capable de se prononcer de manière valable.

66. Deux questions se posent à ce sujet :

- celle de la décision par un représentant légal. La question de savoir qui peut être un représentant légitime, différent du représentant légal, doit être traitée et dépend largement de facteurs socio-économiques (voir plus loin dans le présent rapport). Dans certaines législations, la personne peut désigner un représentant thérapeutique qui ne doit pas forcément être le représentant légal ;

- celle du devoir du praticien d’administrer des soins, de prolonger la vie et d’atténuer les souffrances. Cela suscite des difficultés particulières lorsque le praticien considère que la décision par procuration n’est pas dans l’intérêt supérieur du patient.

Etude de cas : témoins de Jéhovah Le cas des témoins de Jéhovah est l’un de ceux qui a été le plus débattu ces dernières années. En raison de leur conviction religieux, les témoins de Jéhovah refusent catégoriquement de recevoir des transfusions sanguines. Cette position implique de graves risques, qui peuvent être vitaux, dans le cas de grave hémorragie. Il s’agit alors d’une question éthique capitale de savoir s’il faut passer outre ce refus du patient adulte compétent et néanmoins lui faire la transfusion, qui peut lui sauver la vie. Par le passé, à l’époque où la pratique médicale était marquée par le paternalisme professionnel, il n’était pas rare que les équipes médicales ne tiennent tout simplement pas compte de la position exprimée par le patient et réalise tout de même la transfusion. Suite aux évolutions récentes, en particulier en Amérique du Nord, les choses ont beaucoup changé. Les professionnels de santé ont réalisé qu’ils peuvent bien sauver la vie du patient grâces aux transfusions, mais qu’en faisant cela, ils risquent d’en faire des parias, des exclus, dans leur propre groupe social qui les rejetterait parce qu’ils ont reçu du sang. Un tel résultat d’un acte basé sur la conviction que l’on sait mieux que le patient ce qui est bon pour lui, doit être mis en question – même s’il est délicat de laisser une jeune mère mourir post-partum en raison d’un saignement incontrôlable par exemple. Ceci dit, la position et pratique habituellement prédominante aujourd’hui est de prêter attention à ces refus et de s’abstenir de transfuser (il faut noter ici que la médecine intensive a désormais à sa disposition un certain nombre de solutions non sanguines et de mesures qui peuvent éviter un résultat tragique – et les membres des témoins de Jéhovah en sont bien informés). Dans de telles situations, l’adolescent ayant toute sa capacité devrait en principe être considéré comme un adulte. La question est plus difficile quand il s’agit d’un nourrisson ou d’un jeune enfant. Sur la base du devoir général de protection de l’Etat, en cas d’urgence l’on peut donc considérer l’Etat, par le biais de son organe pertinent, comme le garant de l’enfant, en restituant leurs droits aux parents lorsque la vie de l’enfant n’est plus en danger. Bien que cette position semble compréhensible, elle n’est pas acceptée par tous aujourd’hui : en effet, sa conséquence malheureuse peut aussi être que l’enfant soit plus tard rejeté par sa famille et sa communauté.

67. Selon le principe d’autonomie du patient, la conviction personnelle du professionnel de la santé ne doit pas prévaloir sur une décision préalable valable et connue du patient.

68. Dans les situations de vie en danger où il n’y a pas de préférence connue ou vraisemblable du patient et où un représentant adéquate n’est pas disponible ou donne une décision non claire, plusieurs codes éthiques mettent l’accent sur le devoir de sauver la vie du patient autant qu’il soit raisonnable médicalement.

69. Il est nécessaire ici de souligner la pertinence des directives anticipées (aussi appelées testaments de vie) émises par le patient, exposant clairement quel type de traitement il souhaite recevoir - ou ne pas recevoir - dans des cas particuliers (voir para. 21 à 29). Jusqu’à une époque récente, les médecins considéraient ces directives comme des documents utiles auxquels ils pouvaient se référer mais n’avaient nullement l’obligation de se conformer. Aujourd’hui, il est de plus en plus largement reconnu que les directives anticipées

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sont contraignantes pour les professionnels de la santé, qui ne peuvent y désobéir que pour des raisons impératives. Dans plusieurs systèmes juridiques, cette règle est déjà consacrée dans le droit de la santé.

70. Dans les cas où il n’y a pas de directives anticipées ni de représentant légal, les professionnels de la santé ont le devoir de recueillir l’opinion des membres de la famille de la personne concernée et/ou de ses intimes concernant sa ses préférences - tout en restant conscients des conflits d’intérêt possibles entre ces personnes et le patient. En cas de doute, la décision doit de préférence pencher en faveur des mesures les plus aptes à sauver le patient et limitant les conséquences néfastes (voir ci-dessus). En cas d’opposition entre le professionnel de la santé et la famille/les amis, et étant présumé qu’un délai est acceptable, certains systèmes juridiques exigent la décision d’une autorité tutélaire ou du juge. Dans tous les cas, il est recommandé que des démarches soient entreprises par les Etats pour établir un cadre juridique afin de traiter de telles situations.

71. Dès que la personne concernée est à nouveau en mesure de prendre une décision, elle doit être pleinement informé de la situation et des mesures médicales prises durant la période où elle ne pouvait pas en avoir conscience, et son consentement doit être obtenu avant que le traitement ne soit poursuivi.

72. Les projets de recherche dans les situations d’urgence soulèvent des questions comparables. Il faut les examiner en tenant compte de ce qui vient d’être dit ainsi que des considérations émises plus haut concernant la recherche clinique/biomédicale.

II.1.6 Don d’organes, de tissues et de cellules 73. Les personnes qui consentent au don d’organes par prélèvement sur leur corps après décès sont les donneurs les plus répandus dans l’hémisphère occidental, bien que la situation soit en cours d’évolution, en particulier en ce qui concerne la transplantation rénale. Si l’autorisation a été donnée par le sujet avant son décès, l’utilisation de sont corps est acceptable d’un point de vue éthique. Néanmoins, il peut y avoir des problèmes soulevés par la pratique de l’utilisation du corps de personnes décédées. Dans certaines cultures, les membres de sa famille conservent des droits sur le corps du défunt en vertu du lien sanguin et/ou de l’affection qui les unissait.

74. Il y a deux principaux types de législations concernant le consentement au don d’organes prélevés sur des cadavres :

(a) le consentement présumé : il est basé sur le postulat que tout personne décédée est un donneur potentiel, sauf dans les cas où, lorsqu’il était en vie, le sujet a expressément stipulé le contraire. Il est estimé que ce type de législation augmenterait sensiblement la disponibilité d’organes aux fins de greffe,

(b) le consentement exprimé : celui-ci requiert l’autorisation expresse du sujet ou, après son décès, des membres de sa famille. Dans certains pays, l’autorisation doit être donnée par écrit et sous acte notarié.

Dans certains pays, il est admis dans le système juridique que la famille a le droit de prendre des décisions concernant le corps du défunt.

75. Pour les donneurs vivants, les principes classiques relatifs au consentement de l’adulte compétent s’appliquent. En principe, les conditions d’obtention du consentement peuvent être plus facilement remplies dans le cas de don de personnes vivantes que de dons post-mortem (en raison de la possibilité d’interaction avec le donneur). En pratique néanmoins, l’autonomie du donneur vivant peut être compromise. Une attention spéciale est requise afin de garantir que : (a) le donneur soit complètement informé des possibles effets indésirables et des conséquences à long terme de la donation ; (b) des pressions émotionnelles n’aient pas compromis le consentement libre du donneur ; et (c) le consentement soit donné sans incitations par des gains financiers ou autres.

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III.2 Le consentement chez diverses catégories de sujets qui requièrent une protection spéciale

76. L’article 7 de la Déclaration stipule qu’une protection spéciale doit être accordée aux personnes qui sont incapables d’exprimer leur consentement à une recherche ou une pratique médicale. Une personne incapable d’exprimer son consentement peut être un mineur ou un adulte handicapé mental ou juridiquement incapable, pour une période donnée ou de manière permanente. La protection doit être prévue par le droit interne et dans l’intérêt supérieur de la personne, et la participation de la personne concernée au processus de décision devrait être recherchée. Dans le cas de la recherche, la Déclaration établit le principe général selon lequel une telle recherche ne devrait être menée qu’au bénéfice direct de la santé de la personne concernée, sous réserve des autorisations et des mesures de protection prescrites par la loi, et s’il n’y a pas d’autre option de recherche d’efficacité comparable faisant appel à des participants capables d’exprimer leur consentement. L’article prévoit qu’une recherche ne permettant pas d’escompter un bénéfice direct pour la santé ne devrait être entreprise qu’à titre exceptionnel, avec la plus grande retenue, en veillant à n’exposer la personne qu’à un risque et une contrainte minimums et si cette recherche est effectuée dans l’intérêt de la santé d’autres personnes appartenant à la même catégorie.

77. L’autonomie désigne le droit des personnes de faire des choix authentiques au sujet de ce qu’elles feront, de ce qui leur sera fait et, dans toute la mesure possible, de ce qui devrait leur arriver. Il y a pourtant de nombreuses circonstances dans lesquelles la capacité d’exercer son autonomie est assujettie à des limites qui mettent en question le respect de cette autonomie. Ces limites sont examinées dans les sections qui suivent.

III.2.1. Manque de capacité à consentir 78. Les personnes incapables d’exprimer leur consentement peuvent être définies comme celles qui, pour des raisons personnelles à elles-mêmes, n’ont pas la capacité de faire des choix autonomes, indépendamment des circonstances externes. Différents groupes de personnes sont traditionnellement considérées ainsi. Cela inclut les personnes ayant des difficultés d’apprentissage, les malades mentaux, les enfants, les personnes âgées désorientées et les personnes inconscientes.

79. Les critères employés pour la capacité à consentir incluent l’aptitude à comprendre les questions que soulèvent les décisions à prendre, l’aptitude à les évaluer rationnellement, un résultat raisonnable de la décision et la preuve qu’une décision a été prise.

80. La garantie générale de la liberté des patients dans ces situations est qu’aucun jugement concernant la capacité de consentir ne doit être exigé à moins que des éléments d’information ne viennent contredire la présomption normale selon laquelle les individus sont capables de décider par eux-mêmes. Autrement dit, il faut prouver l’incapacité et non la capacité. Des décisions ineptes peuvent être prises par les personnes les plus autonomes et la liberté d’agir ainsi ne doit pas être limitée par l’imposition de normes de capacité exagérément strictes.

81. Ces critères paraissent objectifs, mais leur application suscite des difficultés. Inévitablement, lorsqu’une personne évalue la capacité de consentir d’une personne, elle le fait à partir de son idée de ce qu’il faut comprendre, de ce qui est rationnel et de ce à quoi peut ressembler un résultat raisonnable. Mais il peut y avoir désaccord sur chacun de ces points.

(i) Par exemple, le deuxième critère ne permet pas de faire une distinction claire et définitive entre les patients qui peuvent être des preneurs de risques dans la vie et les cliniciens qui sont prudents. Ce qui semble rationnel aux premiers peut ne pas le sembler aux seconds. (ii) Il se peut aussi que les gens ne soient pas d’accord quant à ce qui constitue un résultat raisonnable d’une décision. C’est là un danger des procédures sur le consentement éclairé, instituées pour garantir le respect de l’autonomie de décision,

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qui sont privées de sens si le patient ne choisit pas le résultat que préfère le clinicien. Il se peut par exemple qu’un patient ne souhaite pas recevoir un possible traitement salvateur d’une maladie maligne mais préfère optimiser les jours qui lui restent à vivre en évitant les rigueurs d’un traitement médicamenteux cytotoxique. Interpréter un tel résultat comme déraisonnable compromet le processus de consentement car si le patient choisit le traitement, il sera considéré comme capable de consentir et subira ainsi le traitement, tandis que s’il le refuse, la procédure suivra quand même son cours puisque le choix déraisonnable prouvera son incapacité à consentir et invalidera de ce fait son refus. iii) L’évaluation du degré de compréhension des données communiquées à un patient n’est pas non plus une science exacte. Tout en acceptant qu’un décideur comprenne la situation, certaines personnes veulent comprendre plus en détail un ensemble plus complet de faits que d’autres personnes. Mettre la barre trop haut risque de bafouer les libertés des patients inexperts lorsqu’ils sont jugés par leurs cliniciens médicalement experts.

III.2.2 Catégories de personnes n’ayant pas la capacité de consentir Nouveau-nés

82. Les nouveau-nés ne peuvent penser comme des adultes. Il leur est donc impossible de prendre des décisions, de comprendre des informations ou de les traiter rationnellement, et de désirer des résultats raisonnables. Autrement dit, ils ne peuvent satisfaire à aucun des critères standard de la capacité à consentir. Il faut pourtant prendre des décisions les concernant. Les mieux placés pour cela sont les parents, étant présumé qu’ils auront à cœur plus que personne l’intérêt supérieur de leur enfant.

83. Il arrive malheureusement que les parents ne décident pas dans l’intérêt supérieur de leurs enfants. Cela pose problème dans le cadre des soins de santé, surtout quand les résultats des décisions pourraient être très préjudiciables à la santé de l’enfant. Dans la plupart des sociétés, des dispositions sont prévues pour protéger les enfants dont les parents ne sont pas capables ou désireux de pourvoir aux besoins fondamentaux. En pareil cas, l’État peut intervenir et leur enlever le pouvoir de décision. Il le fait en plaçant l’enfant sous la protection du tribunal et en attribuant ce pouvoir à des personnes responsables. Cette mesure doit être un dernier recours car elle a généralement des répercussions très néfastes sur la relation entre le professionnel de la santé et les parents. Un tel résultat met en cause le futur bien-être de l’enfant, qui aura moins de chances d’être présenté en temps aux examens de contrôle et aux soins.

Enfants

84 De même, il pourrait sembler que les enfants, eux aussi, de par leur nature même, sont incompétents parce qu’ils ne peuvent pas penser comme des adultes. Bien que cela soit certainement vrai des très jeunes enfants, à mesure que les enfants grandissent, ils manifestent des différences individuelles prononcées. La fixation d’un âge chronologique, de 16 ans par exemple, pour marquer l’accession à la compétence, n’est pas une bonne solution. La Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant affirme que les enfants ont le droit de donner leur avis lorsque des adultes prennent des décisions qui les concernent et de faire prendre en considération leurs opinions (article 12), le droit de recevoir et de répandre des informations (article 13), la liberté de pensée, de conscience et de religion et le droit de pratiquer leur religion dans la mesure où ils n’empêchent pas les autres personnes de jouir de leurs droits (article 14) et le droit de protéger leur vie privée (article 16). Tous ces droits supposent des niveaux croissants de capacité à consentir qui doivent être pris sérieusement en considération.

85. Mais à partir de quel moment sont-ils capables de décider par eux-mêmes ? L’idée qu’ils atteindront un âge magique - le même pour tous - auquel il en sera ainsi a été testée par la justice du Royaume-Uni dans l’affaire Gillick (Gillick c. West Norfolk and Wisbech

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Health Authority & DHSS). Dans cette affaire, Mme Gillick, mère d’adolescentes, a contesté la proposition tendant à donner des conseils de contraception aux jeunes femmes à l’insu de leurs parents. Elle a contesté en justice la proposition et a gagné son procès. Cependant, l’affaire est venue en appel et la décision de la juridiction inférieure a été infirmée. Dans le jugement célèbre rendu par le tribunal d’appel, la question des différences de degré de maturité atteint par les jeunes à des âges donnés a été examinée. La recommandation du tribunal a été qu’il fallait remplacer un âge chronologique arbitraire par un test de l’aptitude de l’enfant à comprendre la nature de la décision à prendre et les conséquences probables du choix effectué entre les différentes options possibles. Cette norme a été largement acceptée dans d’autres pays depuis que le jugement a été rendu. Bien entendu, cela impose un fardeau supplémentaire au professionnel de la santé qui propose une intervention clinique ou des conseils, mais une telle démarche est considérée comme indispensable pour sauvegarder les droits de l’enfant susmentionnés.

86. Il est clair que certaines décisions sont plus faciles à prendre que d’autres, dans la mesure où elles sont plus aisément comprises et où les conséquences d’un mauvais choix sont moins lourdes ou dangereuses. On pourrait à juste titre appliquer un test de compétence plus exigeant pour les décisions les plus importantes. Cependant, il importe ici de faire preuve de circonspection car cela peut porter atteinte aux droits des enfants matures de décider par eux-mêmes en adoptant des normes de maturité exagérément sévères. Les adultes eux aussi sont souvent compétents pour prendre certains types de décisions mais pas d’autres, et nous pourrions concevoir des tests plus exigeants, dans leur cas, pour les décisions les plus lourdes. Cependant, les normes ne devraient pas être plus sévères dans le cas des enfants qu’elles ne le sont dans le cas de ces adultes, si nous voulons dûment respecter leur autonomie de décision.

87 Les activités de recherche impliquant des enfants sont menées pour en savoir plus sur la nature du développement, des maladies et des traitements potentiels en pédiatrie. Bien qu’on puisse espérer qu’elle sera dans certains cas bénéfique pour le participant à la recherche, on ne saurait affirmer que l’activité est spécifiquement conçue pour cela, du fait de la nature de la question de la recherche. C’est à cet égard qu’elle diffère du traitement clinique en soi. En conséquence, les parents ne peuvent consentir à la participation de leur enfant à la recherche, sur la base de la présomption selon laquelle ils sont les personnes qui

John était un bébé quleucémie myéloïde. Sopossibilité de salut étaiMais où trouver à tempjumeau, mais la meilleusœur susceptible de fofrères et sœurs dont ledemi. Les cinq premieêtre des donneurs comd’entre eux n’offrait Finalement, le plus jeuconclu qu’il offrait la ptout pour sauver la vie leur consentement, maS’il était évidemmentconsentent à la procédans l’intérêt de l’enfancontentés d’accéder auune classe d’étudiants été qu’en dépit du éprouverait une douleviendrait où il pourrait avait toutes les chand’apprendre qu’il avait au moins qu’il avait étéjamais connaître sa medonc été appelé cconsentement qui seradonneur lorsqu’il atteinmoins probable si dedonneur, comme dansl’hypothèse d’un niveaul’enfant pourrait aussi êdonnées ou sa participnouveau traitement ouredoutée. Dans la mescela équivaut à un constitue donc une mexercée par procuration

Etude de cas : John

i avait été diagnostiqué comme atteint d’une n état de santé était très précaire et la seule t de procéder à une greffe de moelle osseuse. s un donneur compatible ? Il n’avait pas de vrai re autre possibilité était d’identifier un frère ou

urnir la meilleure possibilité de greffe. Il avait six s âges allaient de dix-sept ans à deux ans et

rs ont été testés et bien que certains aient pu patibles pour d’autres frères et sœurs, aucun une compatibilité suffisante avec John.

ne de ses frères et sœurs a été testé et il a été lus grande compatibilité. Les parents, prêts à de leur bébé, voulaient donner immédiatement is ils étaient confrontés à un conflit d’intérêts. dans l’intérêt de l’enfant récepteur qu’ils dure, on ne pouvait dire que la procédure fût t donneur. Les cliniciens ne se sont donc pas vœu des parents mais ont réfléchi au cas avec en médecine. La conclusion de cette réflexion a fait que durant quelques jours le donneur ur inexplicable et désagréable, le moment avoir une vue mature de son expérience. Il y ces qu’une fois plus âgé, il serait heureux été le moyen de sauver la vie de son frère - ou le moyen de donner à un frère qu’il ne devait illeure chance de survivre. Le consentement a onsentement hypothétique, à savoir un it probablement conforme aux sentiments du drait la maturité. Un tel résultat serait bien sûr s risques indus étaient pris avec la vie du le cas de la greffe d’un organe entier. Dans de risque soigneusement réduit au minimum, tre heureux d’apprendre que l’utilisation de ses ation à un essai a facilité la découverte d’un permis de mieux comprendre une maladie ure où tel est bien le cas, on pourrait dire que consentement éclairé, quoique anticipé, et anifestation de respect de son autonomie

.

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ont le plus à cœur l’intérêt supérieur de leur enfant, car les procédures de recherche ne visent pas spécifiquement à garantir l’intérêt supérieur de leur enfant. Nous ne savons pas à ce stade si elles ont des chances d’être ou non bénéfiques - nous ne savons même pas quelle est la question que pose la recherche. Ceux qui pourront en bénéficier sont les futurs enfants, puisque les résultats de la recherche serviront à éclairer leur traitement.

88 Cependant, il n’est pas acceptable de laisser de côté ce groupe, ou du reste d’autres groupes spécifiques de personnes qui sont dépourvues de l’aptitude à faire leurs propres choix quant aux souffrances et aux conséquences des maladies et des affections qui leur sont propres. La recherche sur les maladies pédiatriques et le développement de l’enfant, la schizophrénie, les maladies neurologiques dégénératives, etc., est absolument nécessaire.

89. Dans les cas où il n’y a pas d’autres alternatives que d’utiliser les membres de ces groupes, une sauvegarde cruciale qui est requise pour minimiser la perte de respect de l’autonomie ainsi causée est la règle générale qui est appliquée à tous les groupes de patients réputés incapables de consentir, à savoir que lorsque la recherche sur leurs diverses affections peut être menée en employant des participants autonomes, il ne faut pas utiliser de participants n’ayant pas la capacité de consentir.

Patients âgés désorientés

90. Il y a de plus en plus de patients qui dans le passé ont joui de la capacité de prendre des décisions de toutes sortes dans leur vie mais qui malheureusement n’en sont plus capables. Diverses formes de détérioration neurologique, dont la maladie d’Alzheimer, privent les gens de cette capacité. Comment respecter leur autonomie altérée lorsque sont prises des décisions de traitement ou autres décisions qui les impliquent dans des activités en rapport avec la santé ?

91 Il serait contraire à l’éthique de considérer ces patients avec moins de sérieux que les patients ayant leur pleine compétence. Lorsqu’il s’agit des décisions les concernant, on dispose de beaucoup plus d’éléments que dans le cas des nouveau-nés. Ce sont des gens qui ont vécu toute une vie, dont les préférences, les valeurs et les désirs sont probablement présents à l’esprit de quelques-unes sinon de beaucoup des personnes qui les connaissaient quand ils étaient en pleine possession de leurs moyens. Il faut solliciter ces personnes quand on réfléchit à ce qu’il faut faire pour le patient. Il faut leur demander non pas de donner des consentements par substitution mais d’aider à retracer un tableau de la vie du patient dans lequel la décision à prendre puisse être trouvée. Dans la mesure où il est possible de le faire, il pourrait être dit qu’un jugement de substitution au sujet de ce à quoi le patient consentirait est en train d’être construit.

Etude de cas : Susan Susan avait la cinquantaine. Jusqu’à deux ans plus tôt, elle avait été cadre, membre très actif de sa communauté. Chanteuse amateur passionnée d’opéra, professeur chevronnée de sciences dans une école et épouse merveilleuse d’un mari aimant. Soudain, tout a commencé à changer. Sa mémoire a commencé à défaillir et elle s’est mise à se répéter, oubliant qu’elle avait posé la même question quelques minutes auparavant. En quelques mois, elle ne pouvait plus tenir une conversation, reconnaître les gens, avoir des activités ordinaires. Elle avait besoin qu’on s’occupe constamment de tous ses besoins. Six mois après le début de sa maladie, elle ne reconnaissait plus personne. Hospitalisée, elle semblait ne répondre même plus aux stimuli physiques et ses articulations étaient devenues rigides. Ses proches la faisaient péniblement manger deux fois par jour. Au même moment, l’école de médecine locale mettait en place un nouveau programme d’enseignement et recherchait des cas intéressants. En neurologie, il fallait un cas d’Alzheimer. Susan a été identifiée comme le sujet idéal. Sa famille possédait de merveilleux films amateurs récents dans lesquels on pouvait la voir en pleine santé, se livrant à ses activités favorites. La juxtaposition de ces images et d’une vidéo montrant les soins quotidiens qui lui étaient administrés offrirait un tableau saisissant des ravages de la maladie. Mais comment tourner cette vidéo sans son consentement ? Comment respecter son autonomie et sa dignité si elle devait apparaître sans en avoir manifesté la volonté dans un enregistrement vidéo permanent que visionneraient des classes successives de jeunes étudiants ? Les arguments qui militaient contre la proposition paraissaient irrésistibles, jusqu’à ce que le mari de la patiente vienne donner le compte rendu suivant de la vie de Susan. Celle-ci était une enseignante accomplie et enthousiaste qui portait un intérêt

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particulier à l’enseignement de la médecine. Lorsqu’elle était en bonne santé, elle avait déployé une activité inlassable au sein de la communauté, donnant toujours la priorité aux autres. Désormais, elle ne pouvait plus rien faire pour les apprenants ou pour la société. Mais était-ce bien le cas ? Il y avait une dernière chose qu’elle pouvait faire. Elle pouvait être le moyen d’aider les jeunes médecins à comprendre quelque chose de la tragédie humaine et des signes cliniques de la maladie d’Alzheimer. « Si elle bénéficiait ne serait-ce que d’une minute de lucidité et qu’on lui demandait si elle consentirait au film », disait son mari, « elle dirait oui, oui, oui, n’hésitez pas à tourner la vidéo. C’est la dernière chose utile que je puisse faire pour l’humanité ». Le comité chargé du programme a été ému et convaincu. L’enregistrement a été fait et il n’a jamais manqué d’impressionner les étudiants. Les circonstances de sa production sont expliquées à la classe pour démontrer que l’école enseigne le consentement informé à la fois par la parole et par l’exemple. La vidéo a été projetée à son enterrement à titre d’hommage. Dans ce cas, il n’y avait pas de consentement par procuration du mari mais un jugement de substitution permettant à Susan de s’exprimer elle-même - assurément une preuve de respect de son autonomie.

Patients ayant des difficultés d’apprentissage

92. Il importe de ne pas confondre la déficience intellectuelle avec la maladie mentale. Ce groupe de personnes englobe un large éventail d’aptitudes intellectuelles et on ne saurait supposer qu’il existe un standard simple de capacité à consentir qui soit applicable à tous ses membres. Dans chaque cas, il est besoin de procéder à une évaluation en fonction des critères décrits ci-dessus tout en ayant conscience de la nature de la décision à prendre. Ce n’est que dans des cas d’une gravité extrême qu’une personne ayant ce problème sera incapable de prendre une décision sur n’importe quel sujet. S’il était possible d’identifier une vie antérieure à la survenance de ce problème de développement, cela permettrait de collecter des informations suffisantes pour émettre des jugements de substitution. De même, il n’existe pas de la perspective d’une maturation intellectuelle permettant d’anticiper un jugement hypothétique quant à ce qui sera considéré par la personne concernée comme une décision acceptable. Aussi, dans les cas où la déficience est si grave que la décision est trop lourde ou trop complexe pour être comprise par la personne concernée, il nous faut apprécier à sa place quel est son intérêt supérieur.

Patients souffrant de troubles mentaux

93. Il est admis depuis longtemps et entré dans la pratique que les troubles psychiatriques peuvent constituer un motif de dérogation au principe du consentement du patient - lequel n’est alors pas en état de juger de son propre intérêt (voir section II.2 du présent rapport). Cependant, il convient de souligner que cela ne signifie pas que l’avis exprimé par le patient ne doit plus du tout être pris en considération, que l’on peut l’ignorer. La situation doit être appréciée avec professionnalisme, de façon nuancée et dans le respect de la règle de proportionnalité, et il faut, dans toute la mesure possible, accorder la plus grande attention aux capacités manifestées par le patient. Cela est vrai également pour d’autres personnes considérées comme manquant de capacité à consentir.

Etude de cas : C c. Hôpital Broadmoor C était un immigré jamaïquain vivant à Londres peu après la Deuxième Guerre mondiale. Il tenta de tuer son amie et fut incarcéré à la prison de Brixton. Un examen médical aboutit au diagnostic de schizophrénie paranoïde et il fut transféré à l’Hôpital psychiatrique de Broadmoor. Au bout de trente ans, il était toujours sujet à des illusions grandioses et il n’y avait guère ou pas du tout de chances qu’il soit libéré. Un de ses pieds fut atteint de gangrène et on ne lui donna que 15 % de chances de survie s’il n’était pas amputé. Le personnel médical recommanda son amputation dans son intérêt supérieur. Il refusa de perdre sa jambe. On aurait pu supposer qu’il n’avait pas la capacité pour prendre une telle décision, si bien que l’affaire fut soumise à la justice. Le tribunal statua que la décision de C n’avait rien à voir avec un défaut de compréhension du pronostic, pas plus qu’avec sa paranoïa. Il prit au sérieux l’assertion de C selon laquelle « Je préférerais mourir avec mes deux jambes plutôt que de rester vivant avec une seule » et estima que C savait parfaitement de quoi il parlait. C garda sa jambe - et survécut. Toutefois, ce dernier point n’était pas une justification de la décision du tribunal car celle-ci n’avait rien à voir avec la raison invoquée par C pour refuser l’amputation.

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94. Dans le cas de la maladie mentale comme dans celui de la déficience intellectuelle, il ne peut être supposé que toutes les personnes appartenant à ce groupe ont ou non une égale capacité à consentir. À un extrême, les psychotiques ne peuvent, par définition, faire de choix autonomes. En revanche, hors des épisodes aigus, une personne atteinte de schizophrénie peut clairement savoir ce qu’elle ressent au sujet des problèmes de la vie et comment elle souhaiterait les résoudre. C’est la même personne de laquelle il s’agit lorsqu’elle est malade et tous les efforts doivent être faits pour utiliser le souvenir de cette personne bien portante dans les procédures de décision en son nom.

95. La capacité à consentir d’une personne souffrant de troubles mentaux doit être évaluée indépendamment de la nature de la décision qu’elle souhaite prendre. Bien que le caractère raisonnable du résultat soit un critère de capacité, il importe de prendre en compte la possibilité de divergences entre le patient et le clinicien quant à ce qui peut être considéré comme raisonnable.

Patients inconscients

96. Des décisions concernant les traitements et les activités de recherche s’imposent souvent dans le cas des patients inconscients. Les médecins doivent-ils réanimer ? Doivent-ils utiliser tel ou tel médicament dans les phases initiales d’un arrêt cardiaque ? Ce sont là des questions que se posent chaque jour les médecins des unités de soins intensifs et il est évident que leurs patients ne sont pas capables de consentir à ces traitements ou de les refuser. Les médecins disposent parfois d’informations du genre de celles qui ont été mentionnées à propos des décisions par substitution. Les proches sont habituellement la source de ce type d’informations. En revanche, comme le temps est un élément essentiel dans ces cas, il se peut que les médecins ne puissent pas rechercher ces informations et préfèrent se tromper en optant pour la vie. Cela peut se révéler un désastre pour de nombreux survivants dont la qualité de vie est terriblement amoindrie. Existe-t-il un autre moyen pour les médecins de préserver le respect de l’autonomie de ces patients ?

97 Il arrive que les médecins - et cela est probablement de plus en plus fréquent - aient directement accès à ce qui semble être la volonté expresse du patient inconscient - directive anticipée ou d’un testament de vie. Si ces documents peuvent constituer les guides les plus utiles pour garantir le respect de l’autonomie du patient, ils sont loin d’être parfaits et présentent des faiblesses intrinsèques dont le clinicien doit tenir compte. Il se peut qu’ils soient anciens, périmés, et les vues du patient peuvent avoir changé si elles n’ont pas été réitérées dans le temps. En outre, ce sont des vœux hypothétiques. Ils se présentent sous la forme suivante : « S’il est constaté que je suis dans tel ou tel état, je considérerai cet état comme pire que la mort et je ne souhaite pas que des moyens extraordinaires soient employés pour me maintenir en vie ». Cependant, il est souvent imaginé que certains états sont inacceptables mais quand ils surviennent, ils ne le sont pas. Il est également nécessaire de savoir dans quelles circonstances les documents ont été élaborés et être sûr que la personne n’était pas sous la contrainte. En outre, en cas de besoin d’une décision d’urgence de maintien en vie, le médecin qui doit prendre la décision ne peut considérer des instructions préalables comme le dernier mot sans que ces circonstances soient établies. Aussi, quand bien même il ferait preuve de négligence en ne tenant pas compte de ce document, il n’est pas tenu de le suivre.

III.3 Le consentement dans différentes catégories de contextes 98. En sus des conditions internes mentionnées plus haut, il peut y avoir des contraintes externes exercées sur la liberté de choisir du décideur. Par exemple, la capacité de choisir ne peut être limitée que dans de rares circonstances externes, dont chacune implique la protection de l’autonomie d’autrui. Dans certains cas, le personnel médical peut détenir de force des personnes souffrant de troubles mentaux pour les protéger et les traiter si elles constituent un danger pour les libertés et la sécurité d’autres personnes. De même, les personnes atteintes d’une maladie infectieuse très grave peuvent être éloignées de force de leur lieu de résidence ou de travail afin de protéger la santé des autres personnes. Ces

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restrictions à la liberté de décision des individus sont très rares et sont strictement encadrées afin de maximiser le respect de l’autonomie individuelle. Elles peuvent être justifiées pour la protection de la santé publique ou pour la protection des droits et libertés des autres conformément à l’article 27 de la Déclaration sur « Limitations à l’application des principes » (voir la section III.1.4 du présent rapport). Cependant, il existe d’autres circonstances externes qui peuvent affecter la capacité à faire des choix autonomes.

99. Si en théorie le principe de la recherche systématique du consentement éclairé est universellement admis, son application effective peut être confrontée à des limites opérationnelles qui ne sauraient être ignorées. Sa mise en œuvre pratique peut être menacée par les circonstances, par exemple dans les traitements d’urgence ou dans certaines pathologies telles que dans le domaine de l’oncologie. En outre, il peut exister des contraintes supplémentaires en raison des différents contextes sociaux, économiques ou culturels. Les pays en développement par exemple, tout en étant d’accord avec le principe universellement accepté du consentement, sont en retard pour ce qui est des mesures - juridiques, en particulier - censées accompagner le respect de ce principe. Si certaines contraintes sont évidentes et peuvent être limitées, pour d’autres, qui sont tout aussi réelles, il peut être difficile de préconiser des mesures préventives.

III.3.1 Contexte économique 100. Dans les contextes économiques défavorisés, où la demande de traitement est particulièrement forte et où les systèmes de santé ont du mal à y répondre adéquatement, il peut être difficile d’admettre ou d’appliquer le principe de consentement éclairé dans le cadre de la pratique médicale. Différentes raisons peuvent sous-tendre ces difficultés.

Le niveau de formation des professionnels de la santé

101. Le système de soins de santé de nombreux pays en développement est fondé sur une pyramide des soins dont la base est constituée par des unités allant de l’infirmerie gérée par des agents de santé communautaires au centre de soins doté d’une infirmière et qui comporte, au sommet, l’élément de référence constitué par le complexe hospitalier avec les différentes catégories de personnel de santé, dont les médecins. Il est évident que compte tenu de cette structure, l’information donnée dans le cas des soins de santé peut être très superficielle, voire inexistante si la personne responsable n’a reçu qu’une formation limitée et n’a pas une parfaite maîtrise des détails de cette information.

Le manque de temps compte tenu du nombre des patients

102. Dans de telles structures de santé, les moyens humains sont généralement en nombre insuffisant par rapport à la demande de soins. Alors que dans certains pays européens il y a en moyenne 300 médecins pour 100 000 habitants, il y en a 100 fois moins dans certains pays africains (1 à 5 médecins pour 100 000 habitants). Il peut être difficile, voire impossible, d’assurer une information adéquate dans le contexte d’une constante surcharge de travail. Néanmoins, aucun praticien ne doit être exempté de déployer tous les efforts possibles pour informer les patients qu’il traite.

Le manque de moyens des professionnels de la santé

103. Dans un contexte socioéconomique où il n’y a pas de couverture sociale de la maladie, où les moyens sont limités et l’accès à certaines thérapies problématique, il peut se poser un problème de conscience au médecin qui informe son patient sans que cette information puisse déboucher sur aucun acte de traitement adéquat. Cela peut être le cas de certaines pathologies, comme par exemple le cancer, dans lesquelles le praticien, en l’absence de toute possibilité d’offrir des interventions appropriées, ne peut proposer que des soins palliatifs. Il est permis de se demander, dans de telles conditions, à quoi peut servir une information complète, outre le fait qu’existe, même dans les pays qui sont dotés de moyens adéquats, la notion de la mesure dans laquelle un patient peut supporter l’information qui lui est fournie (la vérité tolérable).

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Le manque de moyens des populations pour couvrir leurs soins de santé

104. Dans beaucoup de pays en développement, l’absence de couverture sociale des soins de santé et le défaut de ressources suffisantes constituent des pressions pour consentir là où le consentement est vu comme un moyen d’accéder aux soins. Dans ces conditions, il est à craindre que l’octroi du consentement ne soit qu’un moyen d’accéder aux soins. De plus, dans certains cas, le manque de confiance dans l’équité de l’accès aux moyens disponibles peut conduire à mettre en doute l’information donnée et encourager les pratiques de corruption.

105. À la lumière des considérations qui précèdent, il semble que l’application systématique des principes d’information et d’obtention du consentement soit fonction de la qualification appropriée des professionnels de la santé ainsi que de la présence de ressources matérielles et humaines pratiquement inexistantes dans de tels contextes (personnel qualifié et personnel de médiation en nombre insuffisant, temps disponible, etc.).

III.3.2 Le contexte de populations ayant un faible niveau d’instruction Difficultés d’accès à l’information

106. Dans le contexte d’un faible niveau d’instruction, ou dans un contexte d’analphabétisme, il est plus difficile de donner une information adéquate au patient ; la simplification de l’information peut avoir pour résultat que celle-ci est tronquée. Une bonne compréhension de l’information peut en outre devenir plus difficile quand les intervenants n’utilisent pas les mêmes références en matière d’approche des problèmes de santé (approche scientifique contre approche mystique, surnaturelle).

107. Un moyen d’atténuer ces difficultés est d’encourager la mise en place de systèmes d’information/éducation/communication par une approche multisectorielle dans les communautés, le développement d’outils appropriés de transmission de l’information et la formation des professionnels de la santé pour qu’ils proposent une information simple, accessible et fiable.

108. L’emploi des langues nationales et locales est souvent recommandé pour faciliter la compréhension, et il peut assurément permettre aux populations d’accéder au moins à une information simplifiée. Cependant, cette recommandation se heurte à des limites pratiques dans la mesure où certains pays sont multiethniques et où, en conséquence, il y a beaucoup de langues dans le pays qui ne sont pas nécessairement parlées à la fois par le professionnel de la santé et le patient. Il en résulte que cet obstacle linguistique demande de passer par un tiers pour communiquer l’information, ce qui n’est pas toujours possible ni fiable.

109. Ce problème de compréhension de l’information fournie par les praticiens se pose parfois dans les pays développés, où l’analphabétisme un moindre problème mais où l’incapacité à comprendre est dû à la complexité et la longueur des documents qui sont soumis aux patients. Certains auteurs ont en fait souligné l’effet pervers de certaines jurisprudences qui conduisent à élaborer des documents d’information et de consentement qui sont très difficiles à comprendre, étant davantage destinés à empêcher que le praticien puisse être accusé de fournir une information insuffisante qu’à assurer une information claire du patient. Tandis que fournir trop d’information peut protéger les praticiens, cela peut retirer aux patients tout pouvoir de consentement.

110. Il est donc nécessaire de souligner combien il importe que le document soumis soit clair et qu’il contienne les informations nécessaires et suffisantes pour prendre la décision de consentir ou de refuser de consentir, et ce dans un langage qui soit accessible à la personne concernée dans tout traitement où le consentement est recherché. Une attention encore plus grande doit être accordée à ce point dans les pays en développement.

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Difficultés à attester du consentement

111. Dans certains cas, en particulier dans les situations intéressant la recherche scientifique, il peut être nécessaire d’attester de l’obtention du consentement. Là encore, la satisfaction de cette exigence peut rencontrer des difficultés, dont celles-ci :

- dans les sociétés de tradition orale, où la valeur du consentement verbal ne saurait être mise en question, l’exigence d’une attestation du consentement sous forme écrite peut être considérée comme un signe de défiance voire comme une insulte ; - dans les populations analphabètes, où un signe au bas d’une page risque de ne pas refléter un réel accord sur le contenu du document.

112. C’est pourquoi, même si en principe il est nécessaire de faire tout son possible pour obtenir un consentement par écrit, il serait approprié, en fonction du contexte, d’explorer d’autres moyens pour démontrer que le consentement a été recueilli.

III.3.3 Contextes social et culturel Consentement communautaire et individuel

113. Dans beaucoup de sociétés, la communauté est l’entité à laquelle s’identifie l’individu. Les dirigeants de la communauté prennent des décisions au nom de leurs membres et de la communauté et celles-ci ne sont pas mises en question ni discutées en raison du respect qui leur est dû de par leur âge, leur sagesse présumée, et parce qu’ils sont censés savoir ce qui sert le mieux les intérêts de la communauté.

114. Il y a une difficulté pour concilier l’autonomie individuelle que consacre l’article 5 de la Déclaration avec certains contextes culturels dans lesquels on pourrait penser que prévaut l’autonomie de la communauté. L’expression d’une volonté individuelle allant à l’encontre de ces décisions peut être difficile ou impossible, soit par crainte des conséquences négatives pour l’individu (réprobation sociale, exclusion…) soit par respect pour le dirigeant.

115. Bien entendu, il est indispensable de solliciter le consentement d’un individu même si sa communauté est consultée, mais la valeur réelle du consentement d’un individu, une fois que la communauté a donné son approbation, peut parfois susciter des interrogations.

116. Mais est-il clair qu’il faille préférer l’autonomie individuelle à l’autonomie communautaire ou l’inverse ? Cela dépend du genre de décision qui est en jeu. Par exemple, en tant que membre d’un groupe culturel particulier, une personne peut être sollicitée pour participer à un projet de recherche ou à une entreprise commerciale qui donnerait aux chercheurs ou à l’entreprise en question accès à des matériels ou des connaissances qui pourraient être considérées comme appartenant au groupe et non à un de ses membres individuels. On appelle parfois les matériels de ce genre connaissances traditionnelles ou trésors culturels. Il s’ensuit qu’il n’appartient pas à un membre individuel du groupe de tirer un profit personnel des trésors de la communauté ou de divulguer ces connaissances exclusives à des étrangers sans le consentement du groupe. Dans de tels cas, comme celui de l’exploitation de la flore ou de la faune locale, l’autonomie communautaire imposerait des limites appropriées à l’autonomie individuelle.

117. Cependant, ces exemples ne doivent pas servir à conclure que les considérations culturelles peuvent dicter que pour les membres de certains groupes l’autonomie communautaire doit toujours prévaloir sur l’autonomie individuelle. Par exemple, si un groupe est disposé à permettre à des personnes extérieures de mener une recherche sur la communauté, les membres individuels de cette communauté ne doivent pas être obligés de se proposer comme participants à cette recherche. Ils peuvent volontairement confier à la communauté le pouvoir de décider à leur place, mais cela ne saurait porter atteinte au respect de leur autonomie. Tel est le sens de l’article 12 de la Déclaration, qui affirme que le respect de la diversité culturelle ne doit pas être invoqué pour porter atteinte aux libertés fondamentales ni à aucun des principes énoncés dans la Déclaration, y compris à son article 5.

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Le processus de décision dans la cellule familiale

118. Dans certains cas, dans la structure de nombreuses sociétés, en particulier dans les pays en développement, et surtout dans les environnements ruraux, la répartition des responsabilités et la hiérarchie des pouvoirs de décision dans la cellule familiale sont telles que le choix d’être traité ou non n’est pas nécessairement fait par la personne concernée. En pareil cas, le consentement ou le non consentement risque de refléter non pas la volonté réelle de l’individu mais un choix imposé par une autre personne. Cela peut être le cas en particulier des femmes et des enfants pour lesquels certaines décisions sont prises par le mari, le père, la belle-mère, le beau-père,…

119. L’enfant, par exemple, jusqu’à un certain âge, n’est pas suffisamment doué de raison et ne peut donc être consulté. Cet aspect est renforcé par la culture de l’obéissance aux parents et surtout au père.

120. La femme concernée par certaines décisions qui intéressent directement soit sa propre personne, soit son enfant, peut elle aussi être confrontée à cette hiérarchie. C’est pourquoi, même si elle est consultée comme il est recommandé, le consentement (ou le non consentement) qu’elle donne risque de ne pas refléter son choix réel et d’être le choix de la personne qui détient le pouvoir de décision.

121. Il faut donc envisager la question du consentement dans un contexte éducatif plus global et rendre les personnes autonomes, en gardant à l’esprit la primauté des intérêts de la personne concernée mais en accordant l’importance voulue à la préservation de la structure sociale. Il faut pour cela rechercher d’autres solutions qui soient adaptées mais garantissent le respect de la volonté de la personne concernée, et promouvoir l’éducation à l’autonomie et à la responsabilité individuelle.

L’intégration de l’information dans des perceptions sociales et des croyances religieuses

122. L’information sur les risques éventuels associés à une pratique clinique, en particulier s’il y a un risque pour la vie, n’est pas nécessairement perçue comme un choix proposé au patient de consentir ou non à un acte, dans la mesure où la vie et la mort sont dictées par une puissance supérieure et ne dépendent donc pas du choix du patient. Ce fatalisme peut conduire à accepter mécaniquement ce qui est proposé, surtout si la confiance dans les capacités et les connaissances de la personne qui propose le choix est totale et dans la mesure où les conséquences de ces actes qui ont une finalité thérapeutique ne sont pas présumées dépendre de cette personne.

L’autorité du savoir

123. Un autre aspect qui existe dans la plupart des sociétés (du Nord comme du Sud) est la confiance absolue accordée à « ceux qui savent » et en particulier à ceux qui répartissent les soins de santé souvent présents dans ces sociétés, dans la mesure où le consentement à ce qui est proposé n’est pas sujet à discussion, sur la base de l’argument suivant : « Il faut laisser faire ceux qui savent, ils sont mieux placés que moi ou mon enfant, mes parents, etc. ». Cet aspect est encore plus accentué lorsqu’il concerne une population pauvre, ayant un faible niveau d’instruction.

Public captif

124. Le contexte du public captif doit être pris particulièrement en considération dans la mesure où cette catégorie de personne peut subir de sérieuses restrictions pour donner un consentement véritablement « libre », en particulier en matière de recherche. Le premier texte éthique (le Code de Nuremberg) a en effet été établi pour condamner ce que les médecins nazis ont fait avec les sujets captifs dans les camps de concentration.

125. Depuis le Code de Nuremberg, des recherches non éthiques sur des détenus ont été largement rapportées par différents groupes oeuvrant pour la protection des sujets humains et restent une question actuelle qui devrait attirer l’attention.

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126. Ainsi les droits des populations vulnérables que sont les détenus devraient être protégés et les recherches sur cette catégorie de personnes devraient connaître des limitations strictes. S’il est évident en parlant de « public captif » que l’on considère les personnes qui sont privées de leur liberté, il ne faut par oublier que d’autres catégories de personnes peuvent être considérées comme des publics captifs. C’est le cas des personnes dont la liberté de consentir peut être compromise par leur statut, qui les soumet à un pouvoir/l’autorité de quelqu’un d’autre (position hiérarchique en milieu militaire, des étudiants par rapport à leurs professeurs, des jeunes chercheurs par rapport à leur superviseurs).

127. La protection de toutes ces catégories de public captif doit inclure non seulement les recherches qui peuvent induire des risques physiques mais aussi, ce qui n’est pas toujours pris en compte, celles qui conduisent à des dommages psychologiques ou sociologiques.

IV. APPLICATION ET PROMOTION 128. Dans la mesure où le consentement est étroitement lié à l’autonomie et la responsabilité, il relève de la décision de la personne qui a donné son consentement d’accepter une intervention médicale ou de participer à une recherche scientifique. Bien que le consentement soit recueilli avant l’intervention ou la recherche, il est supposé que la personne impliquée continue à consentir, au moins implicitement, tant que l’intervention ou la recherche se poursuit. Cependant, le consentement peut être retiré à tout moment (voir par. 30). La personne devrait donc se voir donner l’opportunité de réviser son consentement. Il est également recommandable de répéter régulièrement l’information sur la base de laquelle le consentement a été initialement donné, afin d’être certain que le patient comprend dans quelle intervention ou recherche il est impliqué. 129. Dans le cas de la recherche scientifique, l’application et la mise en œuvre du principe de consentement sont généralement examinées par des comités d’éthique. Afin de s’assurer que le consentement de la personne impliquée est préalable, libre, exprès et éclairé, l’examen éthique de la recherche exige l’évaluation de l’information fournie à tous les sujets de la recherche ainsi que des procédures suivies pour recueillir le consentement. Les comités d’éthique exigent également dans de nombreux cas des documents attestant du consentement recueilli.

130. Les comités d’éthique doivent jouer un rôle actif dans le développement et la promotion des modèles et procédures pour la pratique et la mise en œuvre du consentement éclairé, non seulement dans le domaine de la recherche mais aussi en matière d’interventions médicales. Les comités d’éthique doivent s’assurer que toutes les pratiques sont conformes avec les principes fondamentaux de la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme. Ils doivent également s’assurer que tous les principes appliqués prennent en compte les divers contextes sociaux, culturels et économiques. Un rôle actif des comités d’éthique est particulièrement important pour protéger les droits et les intérêts des personnes n’ayant pas la capacité de consentir.

IV.1. Éducation des personnes chargées de donner l’information 131. En recueillant le consentement éclairé, la personne menant l’intervention médicale ou la recherche scientifique doit prendre en compte les différentes catégories de pratique, les sujets requérant une protection spéciale et les divers contextes. Recueillir le consentement exige aussi confiance, confidentialité et une relation de collaboration. L’information fournie doit être adaptée au patient et pas simplement délivrée d’une manière procédurale. Par conséquent, recueillir le consentement atteste du besoin de compétences spéciales et de sensibilité. 132. Les formations médicales en générale et les formations en bioéthique en particulier doivent accorder une attention particulière au principe du consentement et ses applications. Il convient de souligner l’importance capitale du consentement éclairé en matière de soins de santé et de la recherche d’aujourd’hui. Recueillir le consentement doit être enseigné et pratiqué. Les questions sensibles liées aux différentes catégories de pratiques, aux sujets requérant une protection spéciale et aux divers contextes doivent être débattues et analysées.

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IV.2. Communication : processus et matériels 133. Appliquer le principe du consentement est un processus de communication visant à permettre aux sujets d’une recherche, aux patients et, si nécessaire, à leurs représentants, de prendre des décisions et de prendre leurs responsabilités quant à ces décisions. Plutôt qu’un moment isolé dans le temps, un effort constant est nécessaire pour être sûr que l’information continue d’être comprise.

134. Afin de faciliter le processus de recueil du consentement, les chercheurs et les professionnels de santé doivent développer des matériels d’information qui sont compréhensibles du point de vue du sujet de la recherche et du patient.

135. Pour l’application du principe du consentement dans différentes circonstances, il serait très utile de procéder à un échange d’expériences et de les rendre publiquement accessibles. L’Observatoire mondial de l’éthique de l’UNESCO peut être un moyen utile pour recueillir et fournir des expériences provenant d’un grand nombre d’Etats membres, par exemple en mettant en place une base de données d’études de cas, modèles et expériences issus d’un grand nombre de pratiques et régions, et en publiant des manuels d’études de cas tirés de différentes cultures et traditions.

IV.3. Implication du public 136. Le consentement éclairé est un principe fondamental. Quiconque impliqué dans la recherche et des interventions médicales doit tout d’abord fournir un consentement basé sur une information adéquate. Cela implique que tout un chacun devrait savoir que ce principe doit être respecté. Les individus, les groupes, les communautés, les institutions et les sociétés, publiques et privées, doivent par conséquent être mis au courant de l’importance et la pertinence de ce principe pour les recherches et les soins de santé.

137. Les comités d’éthique, aux niveaux adéquates, ont un rôle spécial à jouer en favorisant le débat et la sensibilisation du public sur le principe du consentement (voir article 19 de la Déclaration).

V. RESUME ET CONCLUSIONS 138. Conscient des difficultés que l’application pratique du principe de consentement – tel qu’énoncés aux articles 6 et 7 de la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme (2005) – peut rencontrer, le CIB a décidé d’approfondir l’examen de ce principe afin d’apporter un soutien et de clarifier les actions que les Etats, les organisations et les citoyens ont entreprises ou entendent entreprendre, de manière à ce que le consentement d’une personne « pour toute intervention médicale (…) ou recherche scientifique » soit l’expression de sa liberté.

Pourquoi le consentement est-il un principe fondamental en bioéthique ? 139. Le consentement est l’un des principes de base de la bioéthique parce qu’il est étroitement lié au principe d’autonomie et parce qu’il reflète l’affirmation des droits de l’homme et de la dignité humaine, qui sont des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques.

Quand et comment devrait-on rechercher le consentement ? 140. Le consentement doit être recueilli au préalable de toute intervention médicale ou scientifique. Même s’il existe une certaine asymétrie dans la relation entre le professionnel de santé et le patient, le consentement doit procéder d’un dialogue entre les deux partenaires, qui mette l’accent sur l’importance de l’autonomie personnel et de l’autodétermination.

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Quels sont les éléments principaux du consentement ? 141. Le consentement est basé sur:

• une information adéquate fournie par le professionnel de santé aux patients et aux participants à la recherche ;

• une compréhension adéquate de l’information fournie ; et • la liberté de consentir ou de refuser une intervention proposée.

Quels sont les aspects les plus importants de l’information fournie ? 142. L’intéressé doit recevoir des informations compréhensibles, pertinentes, structurées et correspondant à son cas personnel, qui lui permettent de décider s’il doit ou non accepter une intervention médicale ou participer à une recherche scientifique.

143. L’information sur les possibles risques et bénéfices liés à une intervention médicale ou scientifique proposée est un élément clé dans le recueil du consentement. Les interventions médicales et scientifiques peuvent impliquer un ratio complexe de bénéfices et risques et il est du devoir du professionnel de santé de relayer l’information au patient ou au sujet de la recherche dans un langage compréhensible.

144. Dans les cas où des interventions médicales alternatives sont disponibles, il est capital de présenter ces alternatives au patient de manière compréhensive et de lui donner l’opportunité de choisir.

145. Il doit également être souligné que le consentement à une intervention médicale ou scientifique particulière implique le droit de retirer librement le consentement à tout moment. Dans le cas des interventions médicales, les conséquences possibles d’une telle décision doivent être exposées au patient, en s’assurant qu’elles sont comprises par le patient.

Quelles sont les différentes formes d’expression du consentement ? 146. Le consentement doit être « exprès », c’est-à-dire ne laissant aucun doute sur la volonté de la personne concernée. Il peut être exprimé par écrit, par oral ou même par geste, selon les circonstances et les cultures. Le caractère verbal ou écrit du consentement peut dépendre du type d’intervention réalisé (par exemple le consentement à une recherche scientifique doit habituellement être un consentement écrit) ainsi que des circonstances culturelles (par exemple, dans certaines sociétés, le consentement oral peut être préférable en raison de l’analphabétisme).

147. Les directives anticipées sont de plus en plus souvent considérées comme un moyen de permettre à l’autonomie de la personne de s’exprimer sur des décisions relatives à la santé dans les cas où l’intéressé n’est plus apte à donner un consentement valable (par exemple, personnes âgées désorientées ou patients inconscients).

148. Dans certains cas, les procédures sont supervisées par des entités spéciales. Dans le cas de la recherche biomédicale par exemple, le document d’information et le formulaire de consentement ainsi que les autres documents pertinents doivent être examinés par des comités d’éthique.

Les procédures sont-elles différentes suivant les diverses circonstances d’application ? 149. Si en théorie le principe de la recherche systématique du consentement éclairé est universellement admis, sa mise œuvre effective peut être menacée par différentes circonstances qui dépendent du type de pratiques, des sujets et des contextes. Concernant les pratiques, l’article 6 de la Déclaration opère une distinction entre les interventions médicales de caractère préventif, diagnostique ou thérapeutique et la recherche scientifique. Une distinction peut aussi être faite entre les personnes capables de consentir et celles n’ayant pas la capacité de consentir qui requièrent une protection spéciale. Enfin, des contraintes supplémentaires peuvent être dues aux différents contextes sociaux, économiques ou culturels.

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Quelles sont les caractéristiques les plus importantes du consentement en matière de pratique clinique ? 150. Recueillir le consentement doit être une condition sine qua non. Cependant, les procédures de consentement peuvent prendre des formes très différentes, en particulier en matière de pratique clinique, et vont dépendre :

- de l’ancienneté et de la qualité de la relation entre le soignant et le patient, - du caractère invasif de l’acte médical, - des bénéfices potentiels et des éventuels effets secondaires, - du possible impact sur les tiers, en particulier les membres de la famille, - des conséquences économiques de l’intervention, en particulier lorsque son

coût n’est pas ou pas entièrement couvert par un régime d’assurance santé.

151. D’un côté, il existe, dans la pratique médicale quotidienne, un certain nombre d’interventions courantes, simples et non invasives, dont on peut présumer qu’elles sont connues du patient ordinaire et qui peuvent être réalisées sans avoir besoin d’un consentement exprès, à la condition que le fait que le patient ne s’y oppose pas puisse être considéré comme une acceptation tacite (par exemple communication entre un patient et un médecin pendant la mesure de la pression artérielle constituant une partie d’un examen clinique). D’un autre côté, plus une intervention est invasive et plus ses conséquences physiques, psychologiques et/ou socio-économiques sont graves, plus le consentement du patient devra être exprès et formalisé.

Quelles sont les caractéristiques les plus importantes du consentement en matière de recherche biomédicale/clinique ? 152. En matière de recherche biomédicale/clinique, la question du consentement et les circonstances pratiques de son recueil varient en fonction de critères supplémentaires, en particulier :

- de la question de savoir si la recherche est pratiquée sur les volontaires sains, - de la question de savoir si les personnes participants à une recherche ont des

chances d’en tirer ou non un bénéfice direct ou indirect. 153. La participation à une recherche biomédicale/clinique doit être décrite dans des termes précis par écrit et requiert le consentement exprès, formel et de manière préférable par écrit. En outre, les formulaires de consentement et les documents d’information fournis aux participants à la recherche doivent être approuvés par des comités d’éthique avant le commencement d’une recherche. 154. En général, il faut prendre toutes les précautions voulues pour garantir que les participants à la recherche ne sont pas soumis à des pressions pour participer. En outre, il y a plusieurs autres aspects à prendre en considération, concernant le statut civil et la capacité de consentir des participants à la recherche (mineurs, patients inconscients, etc.).

Y a-t-il des exceptions aux procédures de consentement en matière de recherche épidémiologique ? 155. Dans les cas où les possibilités d’utilisation pour une autre recherche de données/matériels déjà collectés n’apparaissent que plus tard, la question du consentement devient délicate. Dans pareil cas, les pays, les comités d’examen éthique ou les associations professionnelles doivent établir des règles spécifiques, y compris un examen par des organismes d’experts, pour déroger éventuellement à l’exigence du consentement individuel. De plus, les individus doivent avoir le droit de se retirer du projet de recherche ou disposer d’un moyen de protéger leurs droits. Il est inacceptable de demander aux participants à un projet de recherche de donner un consentement préalable général (le célèbre « consentement général ») aux termes duquel ils consentiraient à toute étude susceptible d’être menée au moyen des données/matériels qu’ils ont fournis, à moins que les données/matériels ne soient dissociés de manière irréversible des participants.

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Quels sont les exemples d’interventions de santé publique qui sont menées sans le consentement des individus ? 156. Les interventions de santé publique visent à empêcher, éliminer ou atténuer un problème important pour toute la population - ou des groupes au sein de celle-ci. Dans les cas où la maladie ou le comportement d’un individu peut avoir des conséquences sérieuses pour la santé publique, il peut être justifié, pour la protection de la santé publique ou pour la protection des droits et libertés d’autrui, d’interférer dans l’autodétermination des individus. Les exemples suivants de telles situations peuvent être donnés : la proclamation d’une quarantaine pour limiter la propagation d’une épidémie nuisible (par exemple la peste), l’immunisation obligatoire d’une population entière ou de certaines catégories de la population (par exemple les professionnels de la santé) afin de réduire la propagation de maladies transmissibles, des contrôles de santé régulier des professionnels dont le métier implique de sérieux risques, hospitalisation et traitement de certaines formes de maladies transmissibles ou de maladies mentales.

Quelles sont les caractéristiques les plus importantes du consentement en situation d’urgence ? 157. Les situations d’urgence soulèvent des questions spécifiques en raison de la nécessité d’agir rapidement pour sauver la vie du patient et/ou d’en limiter les conséquences dans toute la mesure du possible. De plus, le patient peut se trouver dans un état de confusion ou, pire, dans un état d’inconscience et donc ne peut pas donner une décision valide. Dans pareil cas, quand il y n’y a pas de préférence connue ou vraisemblable du patient, le professionnel de la santé a le devoir de consulter un représentant approprié, s’il est disponible. Dès que la personne concernée se trouve à nouveau dans une position de pouvoir décider, elle doit être complètement informée de la situation et des mesures médicales prises alors qu’elle ne pouvait pas en être consciente, et son consentement doit être recueilli avant de poursuivre plus avant le traitement. Les projets de recherche en situation d’urgence pose des questions similaires.

Quelles sont les caractéristiques les plus importantes du consentement en matière de don d’organes, de tissus et de cellules ? 158. Dans les cas de don post mortem, certains pays ont entériné la pratique du consentement présumé, basé sur le postulat que chaque personne décédée est un donneur potentiel, sauf quand de son vivant le sujet s’est prononcé expressément en sens contraire. Dans d’autres pays, le consentement exprès est exigé, c’est-à-dire l’autorisation explicite du sujet ou, après sa mort, de ses proches.

159. Dans les cas de dons de personnes vivantes, les conditions de recueil du consentement peuvent être plus facilement remplies, en raison de la possibilité d’interaction avec le donneur. En pratique néanmoins, l’autonomie du donneur vivant peut être compromise. Une attention spéciale est donc requise afin de garantir que : (a) le donneur soit complètement informé des possibles effets indésirables et des conséquences à long terme de la donation ; (b) des pressions émotionnelles n’aient pas compromis le consentement libre du donneur ; et (c) le consentement soit donné sans incitations par des gains financiers ou autres.

Quelles procédures devraient être suivies concernant les personnes incapables de consentir ? 160. L’article 7 de la Déclaration stipule qu’une protection spéciale doit être accordée aux personnes qui sont incapables d’exprimer leur consentement à une recherche ou une pratique médicale. Les personnes incapables d’exprimer leur consentement peuvent être définies comme celles qui, pour des raisons intrinsèques à elles-mêmes, n’ont pas la capacité de faire des choix autonomes, indépendamment des circonstances externes. Différents groupes de personnes sont traditionnellement considérées ainsi. Cela inclut les

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personnes ayant des difficultés d’apprentissage, les malades mentaux, les enfants, les personnes âgées désorientées et les personnes inconscientes.

161. La garantie générale de la liberté des patients dans ces situations est qu’aucun jugement concernant la capacité de consentir ne doit être demandé à moins que des éléments d’information ne viennent contredire la présomption normale selon laquelle les individus sont capables de décider par eux-mêmes.

162. Ils doivent être impliqués dans le processus de décision en fonction de leur âge, de leur maturité et/ou de leur degré de capacité à consentir. Dans certains cas, néanmoins, un représentant chargé de définir le meilleur intérêt de la personne est nécessaire. La question de savoir qui peut être un représentant légitime doit être traitée et dépend largement de critères juridiques, sociaux et culturels.

La recherche scientifique sur des personnes incapables d’exprimer leur consentement est-elle justifiable ? 163. Si des études peuvent être menées avec validité scientifique sur des personnes qui peuvent fournir leur propre consentement compétent, éclairé et libre, elles ne doivent pas être menées avec des personnes incapables de consentir, sauf lorsque le projet a des chances de leur apporter un bénéfice direct ou lorsqu’il n’est pas possible de mener une étude comparable - et d’obtenir des résultats pertinents - avec d’autres patients. Une recherche ne permettant pas d’escompter un bénéfice direct pour la santé ne devrait être entreprise qu’à titre exceptionnel, avec la plus grande retenue, en veillant à n’exposer la personne qu’à un risque et une contrainte minimums et si l’on attend de cette recherche qu’elle contribue à des bénéfices médicaux d’autres personnes appartenant à la même catégorie.

Comment la pratique du consentement dépend-elle du contexte économique ? 164. Dans les contextes économiques défavorisés, où la demande de traitement est particulièrement forte et où les systèmes de santé ont du mal à y répondre adéquatement (en raison du manque de professionnel de santé, du manque d’infrastructures, du manque de médicaments, du manque de formation, etc.) il peut être difficile d’admettre ou d’appliquer le principe de consentement éclairé dans le cadre de la pratique médicale.

165. De telles difficultés doivent pas être utilisées comme un argument pour diminuer le rôle du consentement. Au contraire, des tentatives devraient être faites pour trouver des moyens de mettre en œuvre ce principe, même dans de telles circonstances.

Comment les contextes sociaux et culturels influencent-ils le consentement ? 166. Il faut envisager la question du consentement dans un contexte éducatif plus global et rendre les personnes autonomes, en gardant à l’esprit la primauté des intérêts de la personne concernée mais en accordant l’importance voulue à la préservation de la structure sociale. Il faut pour cela rechercher d’autres solutions qui soient adaptées mais garantissent le respect de la volonté de la personne concernée, et promouvoir l’éducation à l’autonomie et à la responsabilité individuelle.

167. L’une des situations les plus complexes apparaît dans les sociétés où la forme communautaire de prise de décision prévaut. Dans de telles circonstances l’exercice des procédures de consentement individuel devient très problématique. Rechercher le consentement d’un individu est indispensable même si sa communauté est consultée, mais la valeur réelle du consentement d’un individu, une fois que la communauté a donné son approbation, peut parfois poser question. La prise de décision dans la cellule familiale peut aussi poser des problèmes similaires. Cependant, il doit être noté que, bien qu’il soit important d’observer et de respecter les valeurs des différentes cultures, ces valeurs ne doivent pas porter atteinte aux libertés fondamentales.

168. Le contexte du public captif doit être tout particulièrement pris en considération dans la mesure où cette catégorie de personnes peut subir de sérieuses restrictions pour donner un consentement réellement « libre », en particulier en matière de recherche.

Appendice 1 Le contexte juridique international

À la suite des abus médicaux commis pendant la Seconde Guerre mondiale, le principe du consentement a été énoncé dans le Code de Nuremberg (1947) - premier texte éthique fondamental de portée internationale - comme la première des dix règles à respecter dans la conduite de recherches impliquant des sujets humains : « Le consentement volontaire du sujet humain est absolument essentiel. Cela veut dire que la personne intéressée doit jouir de capacité légale totale pour consentir : qu’elle doit être laissée libre de décider, sans intervention de quelque élément de force, de fraude, de contrainte, de supercherie, de duperie ou d’autres formes de contrainte ou de coercition. Il faut aussi qu’elle soit suffisamment renseignée, et connaisse toute la portée de l’expérience pratiquée sur elle, afin d’être capable de mesurer l’effet de sa décision ».

Dans le cadre du système des Nations Unies, le principe du consentement de la personne soumise à une expérience scientifique ou médicale a été ensuite expressément consacré par l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966). Quand la personne concernée n’est pas en mesure d’exprimer son consentement, cet article exige qu’une double condition soit remplie, à savoir que le consentement soit donné conformément à la loi et qu’en outre la personne ou l’autorité compétente soit guidée par l’intérêt supérieur de l’intéressé(e).

D’autres instruments des Nations Unies énoncent des dispositions sur le consentement dans des cas spécifiques : par exemple, la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 garantit à « l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité » (article 12).

A un niveau international plus général, la Déclaration d’Helsinki de l’Association médicale mondiale (AMM) sur les principes éthiques applicables aux recherches médicales sur des sujets humains (adoptée en 1964 et modifiée en 1975, 1983, 1989, 1996 et 2000) ainsi que les Principes directeurs internationaux d’éthique de la recherche biomédicale concernant les sujets humains adoptés par le Conseil des organisations internationales des sciences médicales (CIOMS) (adoptés en 1982 et modifiés en 1993 et 2002) comportent des dispositions détaillées sur le consentement exigé dans le domaine de la recherche.

Il convient également de rappeler qu’au niveau régional la Convention pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine : Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine du Conseil de l’Europe (1997) et ses Protocoles consacrent plusieurs articles à la question du consentement.

Enfin, avant que la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme ne soit adoptée en 2005, l’UNESCO avait déjà contribué à l’élaboration du cadre juridique international actuellement en vigueur sur cette question.

La Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l’homme - adoptée par la Conférence générale de l’UNESCO en 1997 et entérinée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1998 - traite de la question du consentement à l’article 5(1) dans le cadre

1. « (a) Une recherche, un traitement ou un diagnostic, portant sur le génome d'un individu, ne peut être effectué qu'après une évaluation rigoureuse et préalable des risques et avantages potentiels qui leur sont liés et en conformité avec toutes autres prescriptions prévues par la législation nationale. (b) Dans tous les cas, le consentement préalable, libre et éclairé de l'intéressé(e) sera recueilli. Si ce(tte) dernier(e) n'est pas en mesure de l'exprimer, le consentement ou l'autorisation seront obtenus conformément à la loi, et seront guidés par son intérêt supérieur. (c) Le droit de chacun de décider d'être informé ou non des résultats d'un examen génétique et de ses conséquences devrait être respecté.

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spécifique de la recherche, du traitement ou du diagnostic affectant le génome d’un individu. Les différents paragraphes de l’article 5 tendent à protéger les droits des personnes concernées et à souligner la nécessité de prévenir toute pratique contraire à la dignité, à la liberté et aux droits de l’homme. Cet article dans son ensemble énonce les principes essentiels auxquels doit être subordonnée toute intervention sur le génome humain, à savoir : le principe du consentement préalable, libre et éclairé, ayant pour corollaire le droit de chacun de refuser d’être informé de ce qui concerne ses propres données génétiques ; et tous autres principes fondés sur l’autonomie de l’individu, qui découle de son droit au respect de la vie privée.

Dans la Déclaration internationale sur les données génétiques humaines (2003), un certain nombre de dispositions traitent de la question du consentement en relation avec le sujet spécifique des données génétiques humaines et approfondissent les dispositions de la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l’homme sur cette question. L’article 8(2) traite du consentement à la collecte d’échantillons biologiques et de données génétiques humaines, l’article 9(3) est consacré au retrait du consentement et l’article 10(4) porte sur le droit de décider d’être informé ou non des résultats de la recherche.

(d) Dans le cas de la recherche, les protocoles de recherche doivent être soumis, de plus, à une évaluation préalable, conformément aux normes ou lignes directrices nationales et internationales applicables en la matière. (e) Si conformément à la loi une personne n'est pas en mesure d'exprimer son consentement, une recherche portant sur son génome ne peut être effectuée qu'au bénéfice direct de sa santé, sous réserve des autorisations et des mesures de protection prescrites par la loi. Une recherche ne permettant pas d'escompter un bénéfice direct pour la santé ne peut être effectuée qu'à titre exceptionnel, avec la plus grande retenue, en veillant à n'exposer l'intéressé(e) qu'à un risque et une contrainte minimums et si cette recherche est effectuée dans l'intérêt de la santé d'autres personnes appartenant au même groupe d'âge ou se trouvant dans les mêmes conditions génétiques, et sous réserve qu'une telle recherche se fasse dans les conditions prévues par la loi et soit compatible avec la protection des droits individuels de la personne concernée. » 2. « (a) Le consentement préalable, libre, éclairé et exprès, sans tentative de persuasion par un gain pécuniaire ou autre avantage personnel, devrait être obtenu aux fins de la collecte de données génétiques humaines, de données protéomiques humaines ou d'échantillons biologiques, qu'elle soit effectuée par des méthodes invasives ou non, ainsi qu'aux fins de leur traitement, de leur utilisation et de leur conservation ultérieurs, qu'ils soient réalisés par des institutions publiques ou privées. Des restrictions au principe du consentement ne devraient être stipulées que pour des raisons impératives par le droit interne en conformité avec le droit international des droits de l'homme. (b) Lorsque, conformément au droit interne, une personne est incapable d'exprimer son consentement éclairé, une autorisation devrait être obtenue de son représentant légal, conformément au droit interne. Le représentant légal devrait agir en tenant compte de l'intérêt supérieur de la personne concernée. (c) Un adulte qui n'est pas en mesure d'exprimer son consentement devrait prendre part dans la mesure du possible à la procédure d'autorisation. L'opinion d'un mineur devrait être prise en considération comme un facteur dont le caractère déterminant augmente avec l'âge et le degré de maturité. (d) Les dépistages et tests génétiques pratiqués à des fins de diagnostic et de soins de santé chez des mineurs et des adultes incapables d'exprimer leur consentement ne seront en principe éthiquement acceptables que s'ils ont d'importantes implications pour la santé de la personne et tiennent compte de son intérêt supérieur. » 3. « (a) Lorsque des données génétiques humaines, des données protéomiques humaines ou des échantillons biologiques sont collectés aux fins de la recherche médicale et scientifique, le consentement peut être retiré par la personne concernée, sauf si les données en question sont dissociées de manière irréversible d'une personne identifiable. Conformément aux dispositions de l'article 6 (d), le retrait du consentement ne devrait entraîner ni désavantage ni pénalité pour la personne concernée. (b) Lorsqu'une personne retire son consentement, ses données génétiques, ses données protéomiques et ses échantillons biologiques ne devraient plus être utilisés à moins qu'ils ne soient dissociés de manière irréversible de la personne concernée. (c) Si les données et les échantillons biologiques ne sont pas dissociés de manière irréversible, ils devraient être traités conformément aux souhaits de la personne concernée. Si ces souhaits ne peuvent être déterminés ou sont irréalisables ou dangereux, les données et les échantillons biologiques devraient être soit dissociés de manière irréversible soit détruits. » 4. « Lorsque des données génétiques humaines, des données protéomiques humaines ou des échantillons biologiques sont collectés aux fins de la recherche médicale et scientifique, les informations fournies lors du consentement devraient indiquer que la personne concernée a le droit de décider d'être informée ou non des résultats. Cette clause ne s'applique pas à la recherche sur des données dissociées de manière irréversible de personnes identifiables ni à des données n'aboutissant pas à des conclusions individuelles concernant les personnes qui ont participé à ladite recherche. Le cas échéant, le droit de ne pas être informé devrait être étendu aux parents identifiés de ces personnes qui pourraient être affectés par les résultats ».

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