37
Distribution limitée SHS/YES/COMEST-9EXT/16/2 Paris, le 5 juillet 2016 Original anglais PROJET PRELIMINAIRE DE RAPPORT DE LA COMEST SUR « L’ÉTHIQUE DE L’EAU : UNE APPROCHE EXHAUSTIVE » Dans le cadre de son programme de travail pour 2016-2017, la COMEST a décidé d’aborder le thème de l’éthique de l’eau et des océans, se fondant sur ses travaux antérieurs relatifs à l’éthique de l’environnement et aux principes éthiques en rapport avec le changement climatique. La COMEST entend aborder les questions d’éthique de l’eau d’une manière holistique, en mettant l’accent sur le cycle naturel de l’eau et sur l’interdépendance qui existe entre l’eau, le sol, les humains, les autres espèces vivantes et la biosphère de la planète que nous habitons tous. À la 9 e session (ordinaire) de la COMEST, en septembre 2015, le Comité a créé un groupe de travail chargé d’engager une première réflexion sur ce sujet. Ce groupe s’est réuni au Koweït en avril 2016 pour définir la structure et la teneur de son texte. Fondé sur les travaux menés à ce jour, ce document contient l’avant-projet de rapport établi par le groupe. En l’état, cet avant-projet de rapport ne représente pas nécessairement l’opinion finale de la COMEST ; la Commission l’examinera plus avant en 2016 et 2017. Il ne prétend pas à l’exhaustivité et ne représente pas nécessairement les vues des États membres de l’UNESCO.

Projet préliminaire de rapport de la COMEST sur …unesdoc.unesco.org/images/0024/002455/245531f.pdf · créé un groupe de travail chargé d’engager une première réflexion sur

Embed Size (px)

Citation preview

Distribution limitée

SHS/YES/COMEST-9EXT/16/2 Paris, le 5 juillet 2016 Original anglais

PROJET PRELIMINAIRE DE RAPPORT DE LA COMEST SUR « L’ÉTHIQUE DE L’EAU : UNE APPROCHE EXHAUSTIVE »

Dans le cadre de son programme de travail pour 2016-2017, la COMEST a décidé d’aborder le thème de l’éthique de l’eau et des océans, se fondant sur ses travaux antérieurs relatifs à l’éthique de l’environnement et aux principes éthiques en rapport avec le changement climatique. La COMEST entend aborder les questions d’éthique de l’eau d’une manière holistique, en mettant l’accent sur le cycle naturel de l’eau et sur l’interdépendance qui existe entre l’eau, le sol, les humains, les autres espèces vivantes et la biosphère de la planète que nous habitons tous.

À la 9e session (ordinaire) de la COMEST, en septembre 2015, le Comité a créé un groupe de travail chargé d’engager une première réflexion sur ce sujet. Ce groupe s’est réuni au Koweït en avril 2016 pour définir la structure et la teneur de son texte. Fondé sur les travaux menés à ce jour, ce document contient l’avant-projet de rapport établi par le groupe.

En l’état, cet avant-projet de rapport ne représente pas nécessairement l’opinion finale de la COMEST ; la Commission l’examinera plus avant en 2016 et 2017. Il ne prétend pas à l’exhaustivité et ne représente pas nécessairement les vues des États membres de l’UNESCO.

- 2 -

PROJET PRELIMINAIRE DE RAPPORT DE LA COMEST SUR « L’ÉTHIQUE DE L’EAU : UNE APPROCHE EXHAUSTIVE »

I. INTRODUCTION

II. IMPORTANCE DE L’EAU

II.1 Signification de l’eau II.2 Usages de l’eau II.3 Énergie et eau II.4 Transports et eau II.5 Écosystèmes et eau II.6 Déchets et eau II.7 Eau potable et assainissement II.8 Industrie et eau II.9 Agriculture, production alimentaire et eau

III. LA CRISE MONDIALE DE L’EAU III.1 Pollution de l’eau III.2 L’effet du changement climatique sur les ressources en eau

IV. EAU ET PRINCIPES ÉTHIQUES : UNE ENQUÊTE IV.1 Les cadres en matière d’éthique de l’eau IV.2 De l’anthropocentrisme à l’écocentrisme

V. PRINCIPES DIRECTEURS V.1 Dignité humaine et droits de l’homme V.2 Solidarité et bien commun V.3 Durabilité V.5 Justice environnementale mondiale et eaux transfrontières V.6 Égalité des sexes V.7 Frugalité V.8 Intégrité scientifique V.9 Partage de savoirs et de technologie

VI. RECOMMANDATIONS BIBLIOGRAPHIE

- 3 -

PROJET PRELIMINAIRE DE RAPPORT DE LA COMEST SUR « L’ÉTHIQUE DE L’EAU : UNE APPROCHE EXHAUSTIVE »

I. INTRODUCTION

1. Prendre le changement climatique au sérieux nous oblige à reconfigurer son impact sur l’ensemble du cycle de l’eau. Par définition, ce cycle englobe l’eau douce et les océans. Cette façon d’aborder les questions relatives à l’eau explique la perspective originale que la COMEST a adoptée dans le présent rapport, reliant deux objets scientifiques que l’on distingue généralement : l’eau douce, souvent dominée par les questions d’eau potable et d’assainissement, et les océans, pour ce qui est de la pollution et de la protection de la vie marine. Notre but est d’examiner les implications éthiques de l’interaction qui existe entre les activités humaines et le cycle de l’eau, les changements climatiques influençant les deux de plus en plus. Le cadre d’éthique décrit ici souligne qu’il est temps de passer d’un point de vue anthropocentrique de l’eau à une perspective écocentrique de l’eau et des océans.

2. Concrètement, on ne peut plus diviser l’eau en deux catégories – eau douce et eau salée. Le changement climatique favorise une nouvelle compréhension des cycles de l’eau. Un écocentrisme bien compris invite les humains à s’inclure dans les écosystèmes et à appliquer le principe d’équité à tous les êtres vivants, faisant un usage plus judicieux des technologies, agissant avec modestie face aux incertitudes du changement climatique et consommant avec modération. L’application de ces valeurs est liée au principe de diversité culturelle, qui permet, pour ce qui est de protéger et d’utiliser l’eau, de suivre diverses voies. Il n’existe pas de solution technique unique à l’extrême diversité des effets du changement climatique, les situations différant grandement aux niveaux national, régional et local, qu’il s’agisse de sécheresses ou d’inondations, de villes industrielles ou de terres agricoles, de communautés côtières ou de populations de forêts humides. La façon dont nous nous adaptons collectivement au changement climatique et atténuons ses effets est directement liée aux multiples interactions et usages culturels de l’eau.

3. Passant à une approche écocentrique de l’eau, nous traitons ce problème à deux niveaux. Premièrement, nous proposons un cadre d’éthique propre à éclairer les politiques publiques d’utilisation de l’eau et les stratégies d’adaptation au changement climatique. Deuxièmement, nous suscitons une réflexion éthique plus large sur notre interdépendance à l’eau et aux écosystèmes dans notre vie quotidienne. Le mode de vie des gens est profondément lié à leur approche culturelle et spirituelle de l’eau. Nous utilisons ici la diversité culturelle comme réservoir de pratiques et de comportements vivaces pour inspirer collectivement la conception conjointe de solutions techniques modernes plus adaptées et respectueuses des situations et des populations locales et régionales.

(Commentaire : noter que ceci est l’avant-projet du rapport, fusion de chapitres préparés par différents membres du groupe de travail. Cet avant-projet restera à réviser collectivement en 2016 et 2017.)

II. IMPORTANCE DE L’EAU

II.1 Signification de l’eau 4. Il est établi que la vie provient de l’eau, ce qui explique que celle-ci soit l’un des principaux constituants des cellules des organismes vivants, dont elle représente 60 à 95 % de la masse (Pimentel et al., 2004). L’eau est donc indispensable à la poursuite et à l’épanouissement de la vie. La majeure partie de la terre est recouverte d’eau, dont seulement 3 % est douce (et moins de 1 % accessible), tandis que 97 % se trouve dans les océans (Pimentel et al., 2004). La sécurité hydrique en termes d’offre mondiale d’eau potable propre et salubre constitue un nouveau défi. L’eau est considérée comme une ressource renouvelable du fait des processus physiques qui forment son cycle, mais sa forme douce ne reste pas dans cette catégorie ; ses ressources ne cessent de diminuer du fait de l’utilisation irrationnelle et excessive qu’on en fait pour satisfaire les besoins croissants de populations de plus en plus nombreuses. Il existe, à la rareté de l’eau potable, des explications environnementales, mais les principales raisons sont l’augmentation spectaculaire de

- 4 -

la consommation d’eau avec la croissance exponentielle des populations, le développement des agro-industries et l’incapacité des communautés à collaborer pour gérer les ressources correctement. Du fait de la rareté des ressources d’eau douce et de pratiques contraires à l’éthique, la consommation d’eau a atteint un niveau qui fait que plus de 1,8 milliard de personnes manquent d’eau potable propre, selon un rapport des Nations Unies (2014). La société de technologie de l’eau Xylem (2014) a analysé la situation et prévu que la demande en eau dépasserait l’offre d’environ 40 % en l’an 2030 ; il faut donc que l’ONU agisse pour éviter cette crise qui se dessine.

5. Outre l’eau douce, un sujet important pour toute l’humanité est celui de l’éthique d’utilisation de l’espace marin. Les utilisateurs de cet espace doivent comprendre les questions éthiques, convenir des problèmes que crée un usage contraire à l’éthique de l’espace marin et adopter des comportements éthiques appropriés.

II.2 Usages de l’eau 6. L’interdépendance de toutes les formes de vie sur terre (plantes, animaux et micro-organismes) et de l’environnement s’opère par l’eau, dont ils dépendent pour leur existence. L’eau représente 75 % du poids de la plupart des êtres vivants et est considérée comme la vie elle-même par de nombreuses religions. Elle détermine non seulement l’endroit où les gens vivent, mais aussi leur qualité de vie, y compris leur état de santé.

7. Du point de vue anthropocentrique, l’usage de l’eau peut être :

a. domestique (boisson, cuisine, bain, lessive et vaisselle, assainissement) ;

b. agricole (irrigation, aquaculture, élevage) ;

c. industriel (hydroélectricité, énergie hydraulique, extraction, raffineries de pétrole, acier, papier, procédés chimiques et usines de transformation, qui utilisent l’eau comme solvant ou réfrigérant) ;

d. récréatif (canotage en eau vive, pêche, ski nautique, randonnée et natation) ; e. culturel et religieux (symbole de purification, de renaissance et de réconciliation ; soutient

l’imagination et l’esprit) ; f. social (transports, navigation, aménagement paysager, recherche scientifique, habitat

pour de nombreux organismes).

8. Malgré son cycle, l’eau doit être considérée comme une ressource finie dont l’offre et l’aptitude à l’emploi sont limitées. De nombreuses sources sont menacées par les prélèvements opérés sur les aquifères et par les détournements de rivières et de réservoirs réalisés pour satisfaire non seulement les besoins, mais aussi les désirs de foyers, de municipalités, d’exploitations agricoles et d’industries.

9. L’usage de l’eau par les individus diffère étonnamment en fonction de facteurs tels que l’offre, les traditions, etc., et sa consommation n’est souvent limitée que par l’imagination. Les humains utilisent l’eau de manières différentes, à des fins qui peuvent être culturelles, religieuses ou récréatives. L’importance de l’eau diffère pour chaque société et dépend de l’offre de cette précieuse denrée. Les communautés côtières utilisent l’eau très différemment de celles qui vivent dans des déserts où l’eau est rare. Les indicateurs les plus importants et évidents de la valeur de l’eau au sein d’une société sont les niveaux de pollution, le taux de consommation d’eau et la perception de l’éthique de l’eau (Groenfeldt, 2013). L’essence de cette éthique est bien connue et toutes les sociétés en possèdent une forme ou une autre, mais ne réalisent pas véritablement la valeur de l’eau, ni ne savent comment appliquer l’éthique existante à l’utilisation de l’eau et à la conservation de cette denrée indispensable (Groenfeldt, 2013, Liu et al., 2014).

II.2.1 Usages culturels

10. Suite à l’attribution du titre L’eau, source de vie à la Décennie internationale d’action 2005-2015, le rôle important que la culture joue dans la gestion de l’eau a été mis en avant lors de la Journée mondiale de l’eau 2006, qui avait pour thème L’eau et la culture. Dans la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle (UNESCO, 2002), le savoir culturel est défini comme un ensemble de croyances, de perceptions et de conceptions acquises et partagées d’un

- 5 -

groupe (Garro, 1986 ; Romney et al., 1986 ; Weller, 2007 ; Weller et al., 1986). En outre, la culture est dynamique et devrait, selon l’UNESCO, être considérée comme « l’ensemble des traits distinctifs spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social ». Dans le même temps, un ensemble de valeurs, de traditions et de croyances reste ancré au cœur tandis que des changements peuvent se produire à la périphérie.

11. Dans la version actuelle de la Charte éthique de l’eau (Projet 2.0) que prépare le Réseau correspondant, il est énoncé ce qui suit :

La diversité culturelle et les droits des peuples autochtones et traditionnels à vivre selon leurs traditions culturelles sont des droits fondamentaux énoncés dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Les traditions culturelles liées à l’eau comprennent des stratégies élémentaires de subsistance économique telles que la pêche, ainsi que des cérémonies religieuses qui gravitent autour de masses d’eau ou des formes particulières d’utilisation de l’eau. Ces usages culturels de l’eau doivent être protégés, et les droits des communautés locales à se livrer à des pratiques traditionnelles liées à l’eau être reconnus et honorés (Partie 5.A).

12. L’ethnohydrologie a été pratiquée pour la première fois par Back (1981), dans une étude historique de la conception amérindienne de l’eau. Plus tard, Gelles (1998, 2000) et Sherbondy (1982, 1992) ont proposé d’organiser cette discipline selon deux dimensions : croyances spirituelles et rituelles, et connaissance technique de la qualité et de la gestion de l’eau (tous cités dans M. Gartin, B. Crona, A. Wutich et P. Westerhoff, 2010).

13. Il a été mené, sur différentes sociétés, plusieurs études qui ont montré que la culture influençait grandement la façon dont l’eau était perçue, appréciée et gérée. Par exemple, la perception du rôle que l’eau joue dans l’hygiène et dans l’assainissement, qui sont liés à la santé, est essentielle à la mise au point d’un traitement approprié des eaux usées.

14. C’est pour comprendre la relation entre les cultures nationales, les différences historiques et politiques entre les pays et leur expérience concrète de la participation que l’on a appuyé la mise en œuvre de la Directive-cadre européenne sur l’eau (2000). Le dialogue interculturel par la participation devrait être le principe qui guide l’élaboration d’une éthique transculturelle de l’eau. La participation et la culture étant étroitement liées, il faudrait que tout cadre d’éthique de la gestion des ressources en eau prenne pleinement en compte la seconde pour éviter toute divergence entre le modèle ethnohydrologique et les éléments scientifiques.

15. L’eau a également eu une valeur différente pour différentes cultures. Les civilisations anciennes similaires aux modernes avaient des conceptions différentes de la valeur et de l’importance de l’eau. Dans l’Antiquité, par exemple, le philosophe grec Thalès considérait l’eau comme l’« archê », principale source de tout ce qui existe dans la nature (Sison, 2007). En fait, Thalès considérait l’eau comme le centre de son savoir, qui se fondait sur la science et sur le raisonnement, et rejetait le mythe et la légende (Sison, 2007). Thalès postulait que la terre était légère comme le bois et pouvait flotter sur l’eau (Sison, 2007). Enfin, Thalès considérait également l’eau comme une métaphore de la sagesse, la sagesse et l’eau étant « un » et ne pouvant être « divisées » (Sison, 2007). Le cas de Thalès illustre clairement l’importance que l’eau revêtait pour la Grèce antique, en particulier pour des régions côtières telles que celle de Milet, dont il était originaire (Sison, 2007). Pour chaque population, l’eau revêt une très forte valeur et une très grande importance.

II.2.2 Usages religieux

16. Tout au long de l’histoire de l’humanité, l’eau a revêtu, dans les pratiques religieuses, une grande importance, qui a varié d’une religion à l’autre : pour certaines religions, l’eau est une entité divine porteuse de vie ; pour d’autres, elle est une source de paix et de réconfort (Liu et al., 2014). Dans certaines, elle est considérée comme une force de purification des péchés et un symbole de sainteté (Liu et al., 2014). Dans le christianisme, par exemple, elle est utilisée pour le baptême, alors que dans le bouddhisme, elle est utilisée pour les funérailles (Liu et al., 2014). Chez les Hindous, l’eau est utilisée pour la purification ; un Hindou doit se baigner avant d’entrer dans un temple, qui est souvent situé à proximité d’une source d’eau (Liu et al., 2014). Le judaïsme compte de

- 6 -

nombreuses pratiques impliquant l’utilisation de l’eau, comme celle de se laver les mains avant et après un repas (Liu et al., 2014). L’Islam, enfin, prescrit l’utilisation de l’eau pour se préparer à la prière, se baigner après un rapport sexuel et préparer un enterrement (Liu et al., 2014).

17. Dans le Coran, l’eau est mentionnée environ 63 fois dans différents versets. Considérée comme un don d’Allah, elle doit être préservée (Hefny, 2007). La doctrine musulmane prévoit l’égalité de l’eau pour les humains et les autres organismes vivants (Hefny, 2007). Dans le cadre d’éthique de l’eau, par conséquent, il faudra que les lignes directrices prennent en compte le rôle que l’eau joue dans toutes les religions, y compris celles des populations autochtones.

II.2.3 Usages récréatifs

18. Les loisirs ne doivent pas être considérés uniquement comme une source de santé et de bien-être que procurent l’exercice et le divertissement, mais aussi comme une ressource économique, en particulier dans le secteur du tourisme. Les activités récréatives liées à l’eau sont nombreuses, avec notamment la natation, le surf, la plongée, la voile, le ski nautique et la pêche. La consommation d’eau à des fins récréatives est minime et sans grand dommage. Dans les piscines, l’eau est généralement filtrée et réutilisée avec des pertes minimes de volume. D’autres activités telles que le surf, la plongée, la voile et le ski nautique ne modifient pas de manière significative la qualité de l’eau. Cet usage récréatif peut aussi, cependant, avoir des effets néfastes sur la santé si l’eau est polluée ou insalubre. Les modifications apportées aux ressources en eau, par exemple aux régimes d’écoulement du fait de la construction de barrages ou de détournements réalisés à des fins d’irrigation, ont d’importantes incidences sur l’offre de loisirs et sur leur qualité. Pour gérer efficacement les conflits entre pratiquants de loisirs et entre les loisirs et les autres usages de l’eau, il faudra étudier les moyens de combiner loisirs et gestion de l’eau pour minimiser les incidences négatives tant sur les premiers que sur la seconde (Kakoyannis et Stankey, 2002).

II.3 Énergie et eau 19. L’eau est essentielle au secteur de l’énergie et ses utilisations sont pratiquement illimitées. Pour atteindre les objectifs de développement durable, il faut pouvoir accéder facilement aux services liés à l’eau et à l’énergie. Dit simplement, tout risque lié à l’eau entraîne un risque énergétique. Aussi la demande croissante d’eau, dont l’offre est limitée, accroît-elle l’inquiétude des producteurs d’énergie. Généralement, les personnes qui n’ont pas accès à l’eau potable et à l’assainissement sont également les plus susceptibles de ne pas avoir accès à l’électricité, ce qui se traduit, pour la cuisine, par une dépendance à l’égard des combustibles solides (Rapport mondial sur la mise en valeur des ressources en eau, 2014). La nécessité de disposer d’eau pour divers types de production d’énergie est moins prise en compte par les responsables de la politique énergétique. L’eau et l’énergie sont coordonnées séparément et considérées comme des questions distinctes. De ce fait, il est adopté, pour l’eau et l’énergie, des pratiques non durables au lieu de synergies. L’eau est utilisée dans le secteur du pétrole et du gaz, ainsi que dans la production d’électricité dans les centrales électriques ou les barrages hydroélectriques. La consommation d’eau par ce secteur est estimée à 45 milliards de mètres cubes d’eau dans 158 pays (Spang, 2014). La présente section étudie quelques exemples pour clarifier le rôle que l’eau joue dans le secteur de l’énergie et le degré d’éthique de l’eau.

II.3.1 Barrages hydroélectriques

20. La construction de barrages est une pratique connue de l’humanité depuis des siècles, répondant à différents besoins de contrôler le débit d’eau. Un exemple en est le barrage des Trois Gorges, en Chine, qui a été achevé en 2012, et qui est le plus grand barrage hydroélectrique au monde, avec une capacité de 22 500 MW, selon le Service géologique des États-Unis (USGS, 2016). Dans le secteur de l’énergie, on utilise également l’eau dans la production de pétrole. Xylem (2014) a expliqué le rôle que l’eau joue dans la production de pétrole et de gaz, notant que la consommation d’eau par le secteur de l’énergie arrive au deuxième rang après l’irrigation des cultures.

21. Les barrages hydroélectriques respectent l’environnement s’ils sont construits dans le respect des normes environnementales. Ils utilisent l’énergie cinétique et potentielle de l’eau pour produire de l’électricité. Le principal avantage des barrages hydroélectriques sur toute autre forme de

- 7 -

production d’énergie est qu’ils ne produisent aucune émission, n’ont aucune empreinte carbone et ont un coût de production minime. Liu et al. (2014) ont signalé que près de 50 barrages, dans différentes parties du monde, produisaient 39 000 MW, ce qui équivalait à environ 51 millions de tonnes de combustible par an.

22. Les barrages ont pour principal avantage de produire une énergie propre, sans produits dérivés nocifs. Cependant, Kingsford (2001) a déclaré qu’ils perturbent la distribution et la circulation de l’eau dans un écosystème donné, ce qui peut avoir des effets dévastateurs sur la vie marine et entraîner un manque ou un excès de nutriments dans un écosystème, l’eau étant le principal véhicule de nombreux nutriments et minéraux.

II.3.2 Fracturation hydraulique

23. La fracturation hydraulique est un procédé utilisé pour extraire du pétrole ou du gaz de roches de schiste en utilisant un mélange d’eau et d’autres agents chimiques (Xylem, 2014). Dans la fracturation, on utilise généralement une source naturelle d’eau comme force motrice pour produire du pétrole et du gaz, ce qui génère de grandes quantités d’eaux usées contaminées par des sédiments solides provenant de l’exploitation ou, pire encore, par des hydrocarbures (gaz et pétrole) (Holzman, 2011 ; Rozell et Reaven, 2011). Cette activité a de graves conséquences sur la santé et sur l’environnement.

24. Nombre de pays et d’entreprises de négoce en énergie travaillent en permanence à réduire la consommation d’eau ou à utiliser des méthodes qui la limitent. Ces efforts, cependant, ne suffisent pas. La majorité des pays, notamment les économies émergentes, n’intègrent pas l’éthique de l’eau dans leurs politiques et pratiques. La consommation d’eau n’est pas le seul problème ; sa contamination par des agents chimiques et polluants est également alarmante. L’eau potable doit répondre à certains critères ; elle doit, notamment, être stérile, propre et exempte de polluants dangereux. Comme on l’a dit plus haut, dans le monde entier, des populations n’ont pas accès à l’eau potable (Nations Unies, 2014). La contamination des ressources naturelles par les eaux usées ou par des déversements de pétrole réduit l’offre d’eau et menace sa sécurité. Ce qui est alarmant, ce sont moins les cas individuels de mauvaise gestion de l’eau que l’effet collectif des abus répétés (même si certains endommagent gravement les réservoirs d’eau). Dans le secteur de l’énergie, ces abus et les cas de mauvaise gestion sont trop nombreux pour qu’on les mentionne et qu’on les étudie. Il faut, cependant, que l’on s’efforce d’intégrer l’éthique de l’eau et les méthodes appropriées de gestion de l’eau pour assurer sa qualité et sa sécurité.

II.4 Transports et eau 25. Nos océans couvrent environ deux tiers de la surface de la Terre et sont utilisés par les humains à diverses fins essentielles, comme l’exploration et l’exploitation des ressources vivantes et non vivantes, le transport, les loisirs et le développement des infrastructures côtières. Tout pays qui dispose d’un littoral utilise la bande de 12 miles nautiques qui longe ce dernier comme zone économique exclusive (ZEE). L’océan est un milieu dynamique. Ses eaux se déplacent, transportant toute matière que l’on y jette d’un endroit à l’autre. Un objet flottant librement peut se déplacer de la côte est vers la côte ouest de l’océan Atlantique sous l’effet des vents, de la houle et des courants. En outre, de nombreux poissons passent également d’un océan vers une mer ou des rivières à différentes saisons. Ces dernières années, la pollution des océans est devenue l’une des principales préoccupations dans le monde.

26. Le fret maritime est la forme de transport la plus importante connue à ce jour. Les navires sont très efficaces pour transporter des marchandises, car ils peuvent emporter des milliers de tonnes, à la différence des avions, qui n’emportent que quelques centaines de tonnes à la fois et sont généralement très coûteux. C’est pour cela que la majorité des marchandises est transportée par voie maritime. Selon Eurostat (2016), environ 3,8 milliards de tonnes de marchandises ont été traitées par les ports de l’Union européenne pendant la seule année 2014. En fait, le commerce mondial a atteint 9,84 milliards de tonnes selon la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED, 2015) ; le transport maritime est donc vital pour le commerce mondial. Les cours d’eau sont également utilisés par différents navires pour la pêche, le transport de déchets nucléaires et de pétrole brut ou d’autres fins. Il est difficile de surveiller et de réglementer

- 8 -

l’utilisation des navires, notamment de ceux de petite taille, en raison de leur grand nombre et des différences de réglementation qui existent d’un pays à l’autre.

27. Les pratiques maritimes ont de graves effets sur les voies navigables. Il est plus facile de surveiller les navires-citernes et les navires de grande taille pour s’assurer qu’ils respectent les directives environnementales, ce qui n’est pas toujours le cas. Il entre en jeu, en ce qui concerne la contamination de l’environnement et des sources d’eau, plusieurs phénomènes que l’on peut principalement classer en six catégories :

a. rejets de cale et de ballast de navires ; b. élimination de déchets non dégradables dans les voies navigables ; c. fuites de pétrole accidentelles, matières toxiques ; d. émissions atmosphériques provenant des moteurs de navires ; e. construction de chenaux ; f. contamination de l’environnement due au transport de diverses espèces sur les navires

(Hecht et Andrew, 1997).

28. L’intégration de l’éthique de l’eau dans les politiques assure la sécurité des voies navigables et protège la vie marine. La réglementation des navires, bien que souvent suffisante, ne l’est pas dans la majorité des cas. Pour bien intégrer l’éthique de l’eau dans les politiques, il faut disposer d’un cadre qui définisse les procédures à suivre. La réglementation des Nations Unies sur les pratiques maritimes peut, à cet égard, constituer un bon point de départ. Chaque gouvernement doit également œuvrer à la réalisation des objectifs communs de sécurité hydrique.

29. Un autre problème important, en ce qui concerne la sécurité de l’eau et de la vie marine, tient à l’élimination de déchets dans des masses d’eau ou des sols proches de l’eau, où les déchets finissent par fuir (Hecht et Andrew, 1997 ; Holzman, 2011). Cette pratique a de graves effets sur l’environnement. Selon Environnement et changement climatique Canada (ECCC), ces effets peuvent comprendre l’appauvrissement de l’eau en oxygène, l’accumulation d’inhibiteurs chimiques de corrosion et un apport excessif de nutriments tels que le phosphore et l’azote sous forme d’ammoniac (Environnement et changement climatique Canada, 2014). Les effets des fuites de pétrole ou de carburant sont bien pires, supprimant ou endommageant la vie marine. Depuis 1967, d’importantes marées noires (ITOPF, 2015) se produisent régulièrement, par exemple :

Tableau 1 : Principales marées noires survenues depuis 1967 (statistiques de 2015) Position Nom du navire Année Lieu Volume

déversé (tonnes)

1 Atlantic Empress 1979 Au large de Tobago (Antilles)

287 000

2 Abt Summer 1991 700 miles au large de l’Angola

260 000

4 Amoco Cadiz 1978 Au large de la Bretagne (France)

223 000

6 Odyssey 1988 700 miles au large de la Nouvelle-Écosse (Canada)

132 000

7 Torrey Canyon 1967 Îles Scilly (Royaume-Uni)

119 000

12 Independenta 1979 Bosphore (Turquie) 94 000 16 Sea Empress 1996 Milford Haven

(Royaume-Uni) 72 000

18 Nova 1985 Au large de l’île de Kharg (Golfe persique)

70 000

20 Prestige 2002 Au large de la Galice (Espagne)

63 000

35 Exxon Valdez 1989 Baie du Prince-William (Alaska, États-Unis)

37 000

- 9 -

131 Hebei Spirit 2007 Taean (République de Corée)

11 000

II.5 Écosystèmes et eau 30. L’eau est essentielle au fonctionnement des écosystèmes de la planète ; elle est nécessaire à la croissance et à la survie des organismes, et offre un habitat à de nombreuses espèces, y compris quelque 8 500 espèces de poissons et 4 200 espèces d’amphibiens et de reptiles (Acerman, 2004:5). La dépendance, cependant, ne s’opère pas qu’à sens unique : les processus écosystémiques sont également un élément essentiel du cycle hydrologique. Les forêts, les zones humides et les prairies régulent le ruissellement pendant les périodes humides, accroissent l’infiltration de l’eau dans les sols et les nappes phréatiques, et réduisent les risques d’inondation et l’érosion des sols (Acerman, 1999). Les eaux de ruissellement et les inondations sont importantes pour la migration des poissons et le transport des sédiments, et les écosystèmes côtiers (souvent négligés dans la gestion de l’eau) ont besoin d’eau douce pour continuer de fonctionner et maintenir la biodiversité. Les forêts absorbent et libèrent de l’eau dans l’atmosphère, jouant un rôle important dans le cycle de l’eau de pluie et dans les processus météorologiques. Les zones humides – plaines inondables, marais et lagunes – agissent comme des installations naturelles de stockage de l’eau, tout comme les océans, la banquise et les aquifères (Acerman, 2004:12).

31. De nombreux écosystèmes présentent un intérêt direct pour l’humanité en tant que fournisseurs de produits (poissons, plantes, terres arables), de services (régulation de l’eau, circulation des nutriments) et d’équipements (paysage et espèces). Les habitats, les plantes et les animaux peuvent apparaître comme des concurrents directs des humains pour l’eau, mais si l’on veut maintenir les produits et les services qu’ils fournissent, il faut leur allouer suffisamment d’eau pour qu’ils restent en bonne santé. À la Conférence de la CNUED, à Rio, il a été convenu que « dans la mise en valeur et l’utilisation des ressources en eau, il faut donner la priorité à la satisfaction des besoins fondamentaux et à la protection des écosystèmes » (CNUED, 1992, Action 21, chapitre 18, 18.8). La protection des écosystèmes ne se justifie pas que par l’intérêt direct qu’ils présentent pour les humains. Il est de plus en plus admis qu’il faut les conserver comme biens publics, indépendamment de leur utilité comme ressource.

II.6 Déchets et eau II.6.1 Déchets solides et lixiviats

32. L’activité humaine produit des déchets. Les surplus alimentaires, les eaux usées, les vêtements usagés, les accessoires utilisés et d’autres matières finissent tous en déchets après usage, mais la façon dont ces matières sont éliminées diffère d’un pays ou d’une culture à l’autre. La définition même des déchets peut également différer d’un endroit à l’autre. D’après le Programme des Nations Unies pour l’environnement et l’Association internationale pour la gestion des déchets (PNUE ; IWMA, 2015), ces derniers sont tout ce qui est produit et rejeté dans l’atmosphère, dans des masses d’eau ou dans le sol. Les lois relatives à l’environnement diffèrent d’un pays à l’autre : strictes dans nombre d’entre eux, indulgentes dans d’autres. Plus précisément, ces lois ont des définitions différentes de ce qui est un déchet et de ce qui n’en est pas (PNUE ; IWMA, 2015).

33. Les déchets solides sont généralement classés en déchets recyclables, réutilisables, inutilisables ou nocifs. Ceux qui sont recyclables subissent différents processus en fonction de leur composition jusqu’à ce qu’ils soient prêts à être réutilisés. Les objets réutilisables n’ont généralement pas besoin de beaucoup de traitement, comme les vieux appareils électroniques qui fonctionnent encore. Les déchets inutilisables ou nocifs sont des déchets qui ne peuvent être traités pour une utilisation ultérieure ou doivent subir un important traitement pour pouvoir être utilisés à nouveau, comme les aliments avariés et les seringues médicales. Les déchets inutilisables aboutissent généralement dans des décharges, soit parce qu’ils sont inutilisables, soit parce que leur traitement est coûteux et peu rentable du point de vue économique.

34. L’accumulation de déchets nuit gravement à la santé et à l’environnement. Selon le rapport du PNUE (PNUE ; IWMA, 2015), les problèmes de santé découlent du contact direct avec les déchets et leurs sous-produits, source de problèmes bénins tels que la diarrhée ou graves tels que des

- 10 -

maladies virales et bactériennes. Quant aux dommages causés à l’environnement, ils incluent la contamination des eaux souterraines et océaniques ainsi que les dommages causés à la vie marine (PNUE ; IWMA, 2015). L’accumulation de déchets dans les décharges crée un mélange de matières organiques et inorganiques qui interagissent au fil du temps en raison de la pression qui s’exerce sur eux et de l’accumulation de chaleur qui s’ensuit. Il se forme alors des lixiviats qui finissent par passer dans le sol, puis dans les voies navigables et dans les eaux souterraines (Abd El-Salam et Abu-Zuid, 2015) (PNUE ; IWMA, 2015).

35. Il existe, en ce qui concerne le partage régional de l’espace marin, de nombreux principes clés d’éthique qui interdisent ce qui suit :

a. Immersion de déchets/matières toxiques/radioactives non traités dans l’océan b. Immersion de déblais de dragage et endommagement de l’infrastructure d’autrui c. Immersion intentionnelle de déchets de lavage de navires dans l’océan d. Exploitation illégale de ressources pétrolières sous-marines par forage radial de l’espace

marin d’un pays à l’autre e. Développement inapproprié de l’infrastructure côtière (maisons de plage, rampes

d’accès, etc.) et induction de changements morphodynamiques (érosion ou accrétion) dans le voisinage

f. Endommagement intentionnel ou non de coraux et de mangroves.

II.6.2 Eaux d’égout

36. L’eau utilisée au niveau individuel passe par un système de canalisations, l’égout principal, où un certain traitement s’opère, après quoi l’eau est soit réutilisée pour l’irrigation ou d’autres fins, soit, souvent, évacuée vers les voies navigables. Selon Ariffina et Sulaiman (2015), près de 80 % des eaux usées, dans les pays en développement, sont rejetées non traitées dans des masses d’eau telles que les lacs, les rivières et les océans. Cette pratique accroît les niveaux d’azote, de phosphore, de soufre et d’autres nutriments dans les masses d’eau et provoque l’eutrophisation des plus petites, tels les lacs (Yang et al., 2008). L’eutrophisation accroît rapidement la présence d’algues et de micro-organismes, ce qui nuit gravement à la santé de la faune marine et des humains (Qasim et Mane, 2013). Enfin, l’eutrophisation épuise l’oxygène de l’eau, menaçant la faune marine qui, pour sa survie, dépend de l’oxygène qui y est dissous (Qasim et Mane, 2013 ; Yang et al., 2008).

(Commentaire : section à élaborer et à actualiser en intégrant les effets du changement climatique.)

II.7 Eau potable et assainissement 37. En 1977, à Mar del Plata (Argentine), il a été déclaré, à la Conférence des Nations Unies sur l’eau, que « tous les peuples ont le droit d’avoir accès à une eau potable dont la quantité et la qualité soient égales à leurs besoins essentiels » (Conférence des Nations Unies sur l’eau, 1977). Dernièrement, dans sa résolution 64/292, l’Assemblée générale des Nations Unies a reconnu le droit à l’eau potable et à l’assainissement et considéré que ce droit était un droit de l’homme (Nations Unies, 2010). Il s’agit d’un droit éthique. D’après Popkin, D’Anci et Rosenberg (2010), le manque d’eau ou la consommation d’eau contaminée peut causer des problèmes allant de troubles mineurs à la mort. En outre, la consommation d’eau contaminée ou l’insuffisance de boisson entrave le développement des capacités cognitives et physiques, ce qui pose des problèmes de performance, en particulier dans les situations physiquement stressantes (Popkin, D’Anci et Rosenberg, 2010). Comme le rapporte la Banque mondiale (2003), 88 % des maladies sont causées par une mauvaise hygiène, la consommation d’eau insalubre et un assainissement insuffisant.

38. Nous avons la responsabilité d’agir et de travailler dur pour réduire notre empreinte écologique et accroître la proportion d’eau propre et potable pour les différentes populations du monde. On pourra y parvenir en sensibilisant les gens à l’éthique de l’eau et en mettant en œuvre des politiques qui intègrent cette éthique dans ses principales utilisations.

(Commentaire : section à élaborer et à actualiser en intégrant les effets du changement climatique et les technologies alternatives.)

II.8 Industrie et eau

- 11 -

39. Dans l’industrie, l’eau est largement utilisée, notamment dans les secteurs de l’énergie, des transports et de l’agriculture, cette dernière représentant à elle seule 70 % de la consommation mondiale d’eau (Nations Unies, 2014). Les autres secteurs, y compris celui de l’énergie, représentent 20 % de cette consommation (Nations Unies, 2014) ; c’est donc la consommation d’eau par l’agriculture qui influe le plus fortement sur la sécurité hydrique. L’eau est un ingrédient de base dans de nombreuses industries alimentaires, ainsi que pour la production de boissons. Elle joue également un rôle important dans des applications industrielles telles que le forage, le découpage, le chauffage et le refroidissement. Dans les pays développés, la plupart des grandes usines suivent des règles strictes pour l’utilisation de l’eau, mais la majorité des autres, en particulier dans les pays en développement, violent gravement l’éthique. Ces violations sont négligées, sanctionnées de manière ambiguë ou punies d’amendes diverses qui ne donnent aucun résultat.

II.8.1 Application thermique (refroidissement)

40. L’industrie utilise de nombreux mécanismes mobiles pour fabriquer ou manipuler les produits. Ces machines produisent de la chaleur causée par la friction et, dans les réacteurs commerciaux, les réactions chimiques produisent de l’énergie. L’eau est utilisée pour éliminer la chaleur produite et éviter tout endommagement ou déformation de pièces. Elle possède également de nombreuses caractéristiques qui en font un réfrigérant approprié. Premièrement, elle est, du point de vue économique, relativement peu onéreuse et disponible en abondance. Deuxièmement, elle possède de fortes liaisons moléculaires et forme des liaisons hydrogène qui se traduisent par des points relativement élevés d’ébullition en fonction de la pression et de la température (Sharp, 2001). Troisièmement, elle a une capacité thermique spécifique élevée, ce qui lui permet de stocker de l’énergie hautement thermique (ou cinétique) (Sharp, 2001). Ces propriétés et d’autres font que l’eau est très pratique pour transporter l’énergie, chauffer et refroidir. De plus, elle est cohésive et fait un très bon solvant grâce à son faible volume moléculaire et à ses propriétés chimiques (Sharp, 2001). Cette propriété permet aux chimistes et aux ingénieurs de mélanger l’eau avec d’autres composés pour former des solutions aux propriétés différentes, qu’il s’agisse du point d’ébullition, de la viscosité, de la capacité thermique ou de la tension superficielle de solutions aqueuses. Les réfrigérants chimiques autres que l’eau sont généralement remplacés après un certain temps pour diverses raisons (dégradation thermique, évaporation ou réaction). Les réfrigérants usés sont souvent déversés dans les égouts ou dans des friches, pour finir par atteindre des ressources d’eau naturelles telles que les aquifères et les lacs. Enfin, le rejet de réfrigérant chaud ou d’eau chaude dans les ressources en eau en accroît la température, ce qui nuit gravement à la qualité de l’eau et à la vie marine (Liu et al., 2014 ; Goel, 2006).

II.9 Agriculture, production alimentaire et eau II.9.1 Agriculture

41. L’agriculture et la production alimentaire sont depuis toujours indispensables à l’humanité puisque les aliments sont essentiels à la survie. Pour cultiver des plantes, on a besoin de trois éléments principaux : l’énergie solaire, des terres fertiles et de l’eau. La plupart des prélèvements d’eau opérés dans le monde sont destinés à l’agriculture ou à la production alimentaire (Pimentel et al., 2004 ; Liu et al., 2014). Ces dernières années, le recours aux engrais a considérablement augmenté pour de nombreuses raisons, y compris le manque de terres fertiles accessibles et l’important volume requis pour alimenter les énormes économies et populations du monde. En outre, l’agriculture est la principale source de sécurité alimentaire, fournissant à l’humanité du bétail, de la volaille et d’autres aliments (Villholth, 2007). Dans la plupart des cas, la quantité d’engrais utilisée est supérieure à celle dont les plantes ont besoin pour croître (Monteny, 2001). Les engrais sont soit produits chimiquement dans des laboratoires, soit organiques, issus de fèces animales ou de fumier (Soeparjono, 2016). Ils introduisent les nutriments requis pour maintenir ou améliorer la fertilité des sols (Smith et Siciliano, 2015). Ils sont riches en azote, en phosphore, en potassium et en leurs composés. Ils peuvent, en outre, inclure d’autres éléments ou composés selon les besoins et les applications (Soeparjono, 2016). Enfin, ils améliorent l’infiltration de l’eau dans le sol, ce qui améliore la productivité des cultures (Pimentel et al., 2004).

42. Les terres agricoles sont généralement situées à proximité de sources d’eau telles que les rivières, les lacs, les puits et les aquifères. L’azote pénètre dans les masses d’eau par le biais du

- 12 -

lessivage et du ruissellement, ce qui s’effectue sur une longue période de temps (Monteny, 2001). Le lessivage de l’azote et la migration des nitrates sont corrélés à la contamination des eaux souterraines de l’Union européenne (Monteny, 2001). En outre, des cas similaires ont été observés en Chine (Smith et Siciliano, 2015). En fait, la Chine emploie davantage d’engrais que tout autre pays au monde (Smith et Siciliano, 2015). Les données donnent à penser que 57 % de l’azote et 69 % du phosphore présents dans les cours d’eau proviennent de l’agriculture (Smith et Siciliano, 2015). On ne peut, en outre, réduire la consommation d’eau du fait de la demande croissante d’aliments. On pourrait, cependant, réduire le recours aux engrais sans effet sur la productivité des cultures en choisissant des engrais plus efficaces (Smith et Siciliano, 2015). L’eau est également utilisée à des fins agricoles pour produire des cultures et d’autres denrées nécessaires aux humains.

(Commentaire : il faudrait ajouter un paragraphe sur l’irrigation.)

II.9.2 Production alimentaire

43. La production alimentaire et l’agriculture sont étroitement liées. Tout, des produits laitiers à la viande, dépend de l’agriculture. Nourrir les animaux et en prendre soin nécessite une grande quantité de nourriture et d’eau, en particulier à l’échelle industrielle. C’est pourquoi les activités agricoles et la production alimentaire sont souvent menées de pair. La plupart des animaux vivent sur des terres agricoles, consommant du fourrage et de l’eau. Dans la plupart des pays, les animaux s’abreuvent directement à des sources naturelles ou à des systèmes de distribution artificiels. En outre, les eaux usées retournent généralement à la source, contaminant l’eau et accroissant sa pollution. L’eau est contaminée non seulement par des produits chimiques, mais aussi par des micro-organismes qui menacent gravement la santé (Pimentel et al., 2004). Selon Pimentel et al. (2004), par exemple, environ 40 % de l’eau douce, aux États-Unis, est contaminée par des micro-organismes, donc impropre à la consommation humaine. Un autre exemple est l’industrie laitière en Inde.

44. L’industrie laitière indienne représente 35 % du lait produit en Asie, et le pays est considéré comme le plus grand producteur de lait au monde (Qasim et Mane, 2013). Les déchets industriels posent un grave problème à des pays en développement tels que l’Inde, qui connaissent une croissance démographique et industrielle rapide (Qasim et Mane, 2013). L’industrie laitière indienne produit de grandes quantités de déchets, qui, le plus souvent, ne sont pas traités, mais simplement éliminés pour diverses raisons, dont le coût élevé du traitement (Qasim et Mane, 2013). Les polluants sont notamment le pétrole, la graisse et d’autres produits chimiques, qui peuvent modifier les propriétés de l’eau à des niveaux nocifs pour les organismes vivants (Qasim et Mane, 2013).

III. LA CRISE MONDIALE DE L’EAU

III.1 Pollution de l’eau 45. On entend par pollution de l’eau tout changement apporté à une masse d’eau par des agents chimiques, physiques ou biologiques ayant des effets nocifs sur l’être humain et d’autres organismes. Bon nombre des utilisations de l’eau examinées plus haut provoquent une certaine forme de pollution, chimique ou physique, comme une modification de la température de l’eau (Liu et al., 2014). Les entreprises industrielles sont responsables du rejet en eau douce et en mer de toute une série de produits chimiques qui risquent de nuire gravement à la vie aquatique et à la santé, et d’accroître les coûts de traitement des eaux (Petrie, Barden, et Kasprzyk-Hordern, 2015). L’industrie du pétrole est l’un des principaux pollueurs du milieu marin du fait d’activités de routine telles que les forages et le rejet de l’eau produite, ainsi que des déversements accidentels de pétrole (examinés au chapitre 1). L’eau produite est la cause des plus vastes rejets de radionucléides dans la mer du Nord, par suite de l’enrichissement des radionucléides d’origine naturelle (OSPAR, 2012). L’extraction minière est une autre industrie qui pollue en raison de la concentration accrue de métaux naturels dans ses rejets, et de l’acidification. Parmi les autres grandes sources de pollution figurent l’agriculture, les déversements d’eaux usées et les transports.

46. Les rejets d’azote, de phosphore, de soufre et d’autres nutriments provenant des eaux usées ou de l’agriculture peuvent causer l’eutrophisation de petites étendues d’eau telles que les lacs ou des portions localisées des eaux côtières (Yang et al., 2008). L’eutrophisation provoque une

- 13 -

prolifération rapide des algues et des microorganismes (Qasim et Mane, 2013), qui absorbent l’oxygène dissout et privent ainsi les organismes aquatiques de cet apport indispensable à leur survie (Qasim et Mane, 2013 ; Yang et al., 2008). Selon Ariffina et Sulaiman (2015), près de 80 % des eaux usées des pays en développement sont rejetées sans avoir été traitées dans des masses d’eau telles que lacs, cours d’eau et océans.

47. Les polluants d’apparition récente comprennent les produits médicamenteux prescrits, comme les oestrogènes et les perturbateurs endocriniens (liés à des altérations des caractères sexuels dans les organismes aquatiques), et les drogues à usage « récréatif », les nanomatériels, les plastiques et les nouvelles émissions de métaux provenant des transports (platine et cérium émis par les pots catalytiques, par exemple). Ajoutant aux problèmes que continue de poser la pollution des eaux douces et des nappes souterraines, la pollution des régions côtières et des mers s’amplifie et se diversifie, compliquée en outre par les défis liés à la gestion et à la gouvernance internationales des ressources communes. Les (micro- et nano-) plastiques et les contaminants non biodégradables sont une menace croissante, en particulier pour la vie marine, et les effets du changement climatique allongent encore la liste des facteurs de stress (voir plus loin). Même si les rejets directs diminuent, ceux qui proviennent de sédiments contaminés dans le passé témoignent des conséquences permanentes et à long terme de l’action humaine. La rareté des sources d’eau peut exposer l’être humain à l’absorption d’eau toxique, comme les eaux souterraines contaminées par l’arsenic (Smedley et Kinniburgh, 2002) ou les eaux contaminées par le plomb à Flint, dans le Michigan.

48. Aux effets directs de la pollution de l’eau sur la santé humaine, la biodiversité et les écosystèmes s’ajoutent ses effets indirects dans le domaine social et économique pour les communautés affectées (voir l’encadré sur Fukushima).

49. Il est possible de réduire la pollution de l’eau en lançant des initiatives mondiales sur de multiples fronts et en sensibilisant un nombre toujours plus grand de personnes à la lutte contre les déchets non recyclables (Liu et al., 2014). Malgré l’absence de prise de conscience, les fondements de l’éthique de l’eau sont déjà présents au sein des populations (Hefny, 2007). De nombreux programmes et organismes internationaux œuvrent aujourd’hui dans le monde pour la qualité de l’eau et son utilisation durable. Ce sont souvent l’ignorance, mais aussi les pratiques culturelles, économiques et industrielles contraires à l’éthique qui alimentent la pollution de l’eau. De plus, la distribution inégale des ressources en eau contribue de manière dramatique à cette pollution et à la consommation de l’eau (Hoekstra et Mekonnen, 2012).

Étude de cas : l’accident nucléaire de Fukushima Daiichi L’accident de Fukushima Daiichi (réacteur numéro 1) en 2011 nous rappelle de manière poignante les répercussions considérables de la contamination des océans. Les rejets de radionucléides pendant l’accident, et le déversement continu des eaux souterraines contaminées dans l’océan représentent l’un des rejets de radionucléides les plus massifs dans le milieu marin. La contamination du poisson et les préoccupations concernant ses effets sur la santé humaine ont conduit à interdire la pêche côtière dans un rayon de 30 km (ramené ensuite à 20 km). Même si les impacts radiologiques sur la santé humaine sont restés minimes grâce à un contrôle strict des denrées alimentaires, l’impact économique et social a été énorme. La perte de revenus résultant de l’interdiction de la pêche a durement touché les communautés côtières, exacerbant les préoccupations déjà anciennes au sujet de la transmission des activités familiales à la génération montante. Le retour des populations évacuées dans les zones décontaminées a été lent, en particulier chez les familles ayant des enfants en bas âge, d’où des changements dans la structure démographique de la société. D’autres impacts sociaux et culturels sont liés au non-accès aux plages, lieux de patrimoine et de célébrations. Les conséquences économiques de l’impossibilité de vendre les produits de la mer dépassent celle de l’interdiction de la pêche : ce sont tous les produits de la région qui ont vu leur valeur commerciale baisser (de 20 % par rapport au reste du Japon) du fait de la méfiance des consommateurs. Certains pays, comme la Corée, continuent d’interdire l’importation de produits de la mer. La complexité socioéconomique du problème transparaît aussi dans les économies que pourrait entraîner l’absence de subventions à la pêche. Les niveaux de radiation accrus ne sont pas jugés de nature à avoir un quelconque impact négatif durable sur les

- 14 -

organismes marins, et pourraient même être contrebalancés par les bénéfices écologiques des mesures d’interdiction de la pêche.

III.2 L’effet du changement climatique sur les ressources en eau 50. À mesure que les températures de la Terre s’élèvent sous l’effet du réchauffement du globe, les cycles hydrologiques sont perturbés dans de nombreuses régions du monde. Des conditions météorologiques extrêmes telles que l’amplification des phénomènes el Niño et la Niña causent des sécheresses et des inondations qui mettent à mal les infrastructures sur lesquelles repose l’approvisionnement en ressources agricoles et aquatiques. Les exploitants agricoles et les pêcheurs dont la subsistance dépend de la terre ou de la mer ne peuvent plus prévoir le temps qu’il fera, et sont donc plus exposés à la famine et à des conflits avec d’autres groupes tentant eux aussi de survivre. Il devient plus difficile de planifier à long terme alors qu’individus et familles s’efforcent de se protéger contre les intrusions des hommes et de la nature qui menacent leurs conditions de vie.

51. L’élévation du niveau des mers consécutive à la fonte des icebergs oblige les petits États insulaires et les populations côtières à s’adapter ou à émigrer vers des zones situées plus en hauteur ou d’autres territoires qui ne risquent pas d’être envahis par l’eau salée. Les ressources en eau douce se raréfient sur les littoraux alors que les aquifères, de plus en plus sollicités par les autres organismes vivants tels que les plantes et les animaux, se tarissent. Les pauvres dont la subsistance dépend des ressources naturelles sont les plus affectés car incapables de s’adapter immédiatement à de nouveaux environnements qui réclament des compétences autres que celles du travail manuel. Même les pays plus développés ne sont pas épargnés par les conditions météorologiques extrêmes : les niveaux de précipitations plus élevés et la fonte des icebergs grossissent les systèmes fluviaux qui inondent alors les zones urbaines et érodent les sols, dont le rendement agricole diminue.

52. L’érosion des terres du fait des inondations ou de l’aridité empêche la croissance de la végétation, ce qui ralentit les infiltrations d’eau vers les nappes aquifères, d’où un appauvrissement des ressources en eau souterraines disponibles pour l’agriculture et la consommation humaine. L’approvisionnement en eau potable fraîche et sûre est donc compromis pour ceux qui ne disposent pas des outils technologiques permettant de transformer en eau douce les ressources en eau polluées ou salées. Les maladies véhiculées par l’eau deviennent alors endémiques, les populations humaines étant privées d’accès à de l’eau potable saine pour leur consommation quotidienne.

53. Les ressources marines et alimentaires livrées par les océans diminuent aussi en raison de l’acidification, qui détruit les coraux et autres organismes servant d’habitat et de sources d’énergie à des formes plus évoluées de la flore et de la faune aquatiques. La diminution des stocks de poisson réduit donc l’approvisionnement, ce qui pousse à développer la production d’élevage. Pour maintenir le poisson en vie dans des conditions artificielles, ces systèmes de production industrielle doivent recourir à des antibiotiques qui pénètrent dans la chaîne alimentaire et peuvent avoir des effets négatifs sur la santé humaine.

54. L’altération des cycles de l’eau sous l’effet du réchauffement planétaire signe la mort des mécanismes écologiques systémiques, avec pour résultat des conséquences imprévues et imprévisibles au-delà de l’environnement immédiat qui affectent l’ensemble de la population du globe. Des inondations en un point du globe peuvent être dues à une sécheresse sévissant ailleurs, du fait du déplacement de l’eau d’une partie à l’autre du système atmosphérique mondial. L’illustration ci-dessous, réalisée par l’Agence pour la protection de l’environnement des États-Unies, montre les changements des cycles hydrologiques induits par le réchauffement de la planète.

- 15 -

Figure 1 : Changements affectant les cycles hydrologiques par suite du réhauffement planétaire, United States Global Change Research Program, 2009

IV. EAU ET PRINCIPES ÉTHIQUES : UNE ENQUÊTE

IV.1 Les cadres en matière d’éthique de l’eau IV.1.1 UNESCO/Nations Unies

55. Les défis permanents et urgents liés à la disponibilité des ressources, à leurs utilisations concurrentes et à l’accès à l’eau potable font que la vaste majorité des travaux des Nations Unies sur l’éthique de l’eau ont été centrés sur l’eau douce. Parmi les organismes des Nations Unies qui ont défini des principes ou valeurs éthiques figurent la Commission mondiale sur les barrages, le Programme hydrologique internationale (PHI), la COMEST, et l’Unité régionale de l’UNESCO pour les sciences sociales et humaines en Asie et dans le Pacifique (RUSHSAP).

56. Le document publié en 2004 par la COMEST sous le titre Meilleures pratiques éthiques : l’eau et la gouvernance a été le résultat de cinq années de travaux et d’examen des divers aspects de l’éthique de l’eau, à l’issue desquelles a été établie une série de valeurs en matière d’utilisation de l’eau (COMEST, 2004) :

a. La dignité humaine : l’eau est indispensable à la vie et toute personne privée d’eau est privée de vie.

b. La participation de tous : les pauvres, en particulier, doivent être associés à la planification et à la gestion de l’eau. Les défis liés à la pauvreté et à l’égalité des genres occupent une place importante dans ces processus.

c. La solidarité : l’eau oblige les individus à prendre conscience de leur interdépendance profonde. Les initiatives de gestion intégrée des ressources en eau doivent refléter cette solidarité.

d. L’égalité entre les êtres humains : chacun doit avoir accès, dans des conditions d’égalité, à l’eau dont il a besoin.

e. Le bien commun : l’eau est perçue par tous ou presque comme un bien commun et l’absence de gestion adéquate de l’eau porte atteinte au potentiel et à la dignité de l’être humain.

- 16 -

f. La transmission du patrimoine : elle commande un usage sage et respectueux de l’eau. g. La transparence et l’accès universel à l’information : si les données ne sont pas

accessibles sous une forme aisément compréhensible, une partie sera avantagée au détriment de l’autre.

h. L’inclusion : les politiques de gestion de l’eau doivent tenir compte des intérêts de toutes les personnes vivant dans les aires de captation de l’eau. Les intérêts des minorités et des pauvres doivent être protégés. La gestion intégrée des ressources en eau est une pratique équitable, économiquement réaliste et durable du point de vue de l’environnement.

i. L’autonomisation : elle est nécessaire pour faciliter la participation à la planification et à la gestion, et implique bien plus que la simple possibilité d’être consulté.

Ces principes sont conçus comme des préalables à une forme de justice sociale et environnementale à long terme qui touche aussi aux conditions d’accès à l’eau des générations futures et reflète un vif souci d’équité et la volonté de faire en sorte que tous puissent avoir accès à des ressources sûres en eau.

57. Une étude plus récente des cadres en matière d’éthique de l’eau, intitulée « Water Ethics and Water Resource Management » (Éthique de l’eau et gestion des ressources en eau) a été réalisée par la RUSHSAP (Bureau de l’UNESCO à Bangkok, 2011) et s’inspire du rapport de 2004 de la COMEST, ainsi que d’une série de 14 essais publiée par l’UNESCO/PHI (Priscoli et al., 2004). Ce travail est le fruit d’une collaboration internationale entre l’UNESCO et un groupe de travail créé dans le cadre du projet sur l’éthique et le changement climatique en Asie et dans le Pacifique (ECCAP). Le rapport contient quatre études de cas qui illustrent l’application de modèles éthiques, et met en relief des problèmes d’éthique souvent oubliés ou tenus pour secondaires dans la gestion des ressources en eau. L’objectif général était d’examiner les questions d’éthique liées à l’utilisation et à la gestion des ressources en eau « par l’analyse des dilemmes éthiques complexes relatifs à l’énergie et à l’environnement, et d’identifier les données scientifiques, ainsi que les cadres de valeurs et de principes éthiques existants en vue de produire des éléments de fond transculturels et multidisciplinaires de nature à contribuer à l’élaboration de politiques à long terme » (UNESCO-Bangkok, 2011, préface, p. v).

58. Comme dans les rapports précédents, l’accent principal est mis sur l’eau douce, même si cette étude-ci reconnaît l’utilisation des mers et des océans pour le transport, comme décharges où sont jetés des polluants et à des fins récréatives, et traite des défis que représente l’aquaculture dans les eaux côtières. La disponibilité (accès et stress, pollution), les utilisations concurrentes de l’eau (agricoles, domestiques, industrielles, récréatives, culturelles et religieuses), la dynamique et l’interdépendance de tous les types d’eau, ainsi que les lois et réglementations régissant l’usage de l’eau, et les conflits liés à l’eau (qualité et quantité de l’eau, énergie hydraulique, gestion conjointe et développement économique – internationalisation d’un bassin, grands barrages) sont autant d’aspects jugés importants. Une distinction est faite entre consommation et usage sans consommation de l’eau, et le rapport considère qu’il importe au regard de la préservation des ressources environnementales de tenir compte des valeurs indirectement liées ou non liées à l’utilisation.

59. Sur la base de ces considérations, les éléments suivants ont été définis comme principes directeurs en matière d’éthique de l’eau et aux fins de l’élaboration des politiques :

a. Proximité b. Frugalité c. Transaction d. Usages multiples et bénéfiques e. Obligation d’appliquer des mesures de quantité et de qualité f. Compensation, et paiement par l’utilisateur g. Paiement par le pollueur h. Participation de tous

- 17 -

i. Utilisation équitable et raisonnable.

60. Le rapport recommande en outre que l’établissement d’une éthique de l’eau fasse l’objet d’une collaboration interdisciplinaire entre experts, parties prenantes et décideurs, utilise des méthodes et des outils de modélisation scientifiques, et prévoie l’éducation des jeunes à l’éthique. Il invite à entreprendre de plus amples études pour mieux comprendre la complexité des prévisions relatives à l’utilisation de l’eau dans les divers secteurs, ainsi que les approches de la gouvernance et de l’éthique de l’eau.

61. Contrairement au rapport de 2004 de la COMEST, dont le cadre en matière d’éthique de l’eau repose sur une solide assise anthropocentrique, le rapport de 2011 de l’UNESCO suggère que les réflexions futures sur l’éthique de l’eau adoptent une approche plus écocentrique : « étant donné que l’eau est si indispensable au bien-être fondamental de tout être vivant sur Terre, humain ou animal, et à la santé de l’environnement, l’accès à l’eau et à son utilisation est en soi un droit moral fondamental et universel qui commande d’élargir la notion morale de communauté au-delà du seul être humain (anthropocentrisme) pour l’étendre aux animaux doués de conscience (conscientocentrisme), à tous les organismes vivants (biocentrisme) et à l’environnement (écocentrisme) (Rai et al., 2010) » (Bureau de l’UNESCO à Bangkok, 2011, p. 23). Cette évolution de l’anthropocentrisme à l’écocentrisme est proposée aussi par d’autres auteurs (par ex. Armstrong, 2009), et constituait un concept central dans les travaux de la COMEST sur l’éthique du changement climatique (COMEST, 2015).

IV.1.2 Autres cadres

62. Bien que la présente section ne soit pas conçue comme un relevé exhaustif des cadres d’éthique de l’eau, il convient de mentionner deux ou trois autres initiatives qui illustrent les défis complexes à relever. La Commission mondiale sur les barrages (WCD, 2000) a retenu cinq valeurs éthiques fondamentales :

a. L’équité b. La durabilité c. L’efficacité d. La participation aux prises de décision e. La responsabilité.

63. Ces valeurs sont complétées par sept principes stratégiques, axés en grande partie sur les barrages et la production d’énergie :

f. Obtention de l’assentiment du public g. Étude de toutes les options possibles h. Prise en compte des barrages existants i. Préservation des cours d’eau et des moyens de subsistance j. Reconnaissance des droits acquis et partage des avantages k. Contrôle de la conformité l. Partage des cours d’eau pour la paix, le développement et la sécurité.

64. Rappelant que l’eau peut être considérée non seulement comme une ressource et un service, mais aussi comme un risque potentiel, Janos J. Bogardi suggère que tout dispositif conçu pour faire face à des catastrophes liées à l’eau intègre un cadre comprenant les principaux éléments suivants (Bogardi, 2009, p. 324) :

a. une éthique de la préparation (investissement dans la sensibilisation, la formation des ressources humaines, mais aussi l’infrastructure et les institutions) ;

b. une éthique de l’alerte (rapide) (avertir la population à temps, même si cela révèle des faiblesses institutionnelles) ;

c. une éthique de la réponse aux catastrophes (sauver des vies, passer à un mode d’intervention d’urgence obéissant éventuellement à des principes et normes éthiques différents de ceux qui ont cours en temps normal) ;

- 18 -

d. une éthique du relèvement (aider la population à se prendre en main et renforcer sa préparation, et mettre aussi à l’honneur les habitudes de solidarité locales).

Bogardi mentionne encore une éthique de la solidarité, une éthique de la subsidiarité, et une éthique de l’action au moment propice (Bogardi, 2009, p. 324-325).

65. S’appuyant sur des principes similaires formulés par le Programme hydrologique international (PHI) de l’UNESCO et par la Sous-Commission de la COMEST sur l’éthique de l’eau douce, Jennings et al. (2009, p. 2-4) ont identifié les principes suivants en matière d’éthique de la gestion de l’eau :

a. Égal respect de la dignité humaine b. Équité et proportionnalité c. Solidarité d. Bien commun e. Relations justes ou gestion responsable f. Participation fondée sur l’inclusion et le débat.

Ces auteurs ajoutent que « [c]onsidérées ensemble, les valeurs éthiques d’efficacité, d’équité et de gestion responsable peuvent servir de base à un ensemble de principes éthiques propres à guider sur le plan normatif les politiques de gestion de l’eau et de santé publique. Les principes additionnels en matière d’éthique de l’eau reposeront sur des valeurs en rapport avec les procédures et les processus de prise de décision, telles que les droits liés à une gouvernance démocratique, la participation active, la transparence, l’obligation de rendre des comptes et la collaboration et les partenariats entre secteurs public et privé » (Jennings et al., 2009, p. 26).

66. Pour conclure, un certain nombre de valeurs et de principes éthiques ont été proposés, dont une majorité font référence à des degrés divers à l’importance de la dignité humaine, de la solidarité, de la durabilité, de l’équité, de la justice, de la gestion responsable et de la participation. L’accent est mis aussi sur la coopération aux niveaux national et international, et sur le partage des responsabilités de part et d’autre des frontières culturelles et géographiques. Si, dans leur majorité, ces travaux sont centrés sur l’éthique de l’eau douce et les valeurs et intérêts humains directs qu’elle défend, ces principes fondamentaux doivent s’appliquer aussi à l’utilisation des eaux côtières et des océans. Cela implique toutefois que nous étendions nos préoccupations éthiques à une conception morale élargie de la communauté, qui englobe les écosystèmes.

IV.2 De l’anthropocentrisme à l’écocentrisme 67. La réflexion sur l’éthique de l’eau a obéi le plus souvent à une approche anthropocentrique, inspirée en grande partie par une vive préoccupation pour l’équité et la justice en matière d’accès de tous les êtres humains à l’eau potable. Elle ne répond pas à la nouvelle prise de conscience du changement climatique ni au bouleversement des valeurs jusque-là admises qui en est résulté. L’analyse des valeurs et des principes qui figure dans le rapport de 2004 de la COMEST reflète la situation particulière du début des années 1990, marqué par la mondialisation de l’économie et la privatisation des services de distribution de l’eau, mais aussi de captation de l’eau à sa source.

68. Ces défis peuvent être illustrés tout d’abord par l’examen d’un récent rapport d’ONU-Eau, où l’on voit que cette optique anthropocentrique qui s’appuie sur le discours du développement durable peine à répondre aux enjeux radicaux des changements climatiques. Le dernier rapport en date du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) peut être cité ensuite comme un exemple du basculement de cette optique anthropocentrique à une optique écocentrique.

69. Le rapport de 2014 d’ONU-Eau, qui avait pour objet de définir des objectifs mondiaux relatifs à l’eau dans le cadre du programme pour l’après-2015 est un parfait exemple de cette vision où l’eau est d’abord et avant tout considérée sous l’angle de ses « utilisations humaines » (ONU-Eau, 2014)1. L’eau y est présentée comme une « ressource » à protéger contre la surexploitation et la pollution, et qui contribue à des fins humaines claires : fourniture d’eau potable et assainissement, agriculture,

1 ONU-Eau est une entité interorganisations des Nations Unies.

- 19 -

énergie et autres usages industriels. Le rapport tente donc de répondre à la question de savoir comment s’assurer l’approvisionnement en eau nécessaires à toutes ces utilisations humaines.

70. Les objectifs sont définis en fonction des « trois piliers » du développement durable, puis évalués par une analyse coûts-avantages et du point de vue des mécanismes de gouvernance. Ces trois piliers – environnement, économie et développement – postulés par le rapport Brundtland en 1987 ont, en l’espace de 20 ans, été ramenés à un concept plus étroitement lié à des paramètres économiques : le pilier « environnement » se décompose en services écosystémiques monétisables, le développement des sociétés s’est mû en développement humain à travers la lutte contre la pauvreté et l’autonomisation de l’individu, et l’économie est censée aujourd’hui être « verte ».

71. Cette conception du développement durable appliquée aux usages humains de l’eau a relancé pour la décennie suivante les priorités issues des Objectifs du Millénaire pour le développement adoptés en 2000 par les Nations Unies. L’accès à l’eau potable et à l’assainissement conformément aux principes de justice et d’équité est l’objectif premier. L’idée de « durabilité » des ressources est axée sur la gestion de l’eau indispensable pour éviter le gaspillage et réduire la pollution. Cette gestion nécessite une infrastructure permettant un usage « productif » de l’eau qui crée à son tour des avantages à tous les niveaux : des avantages environnementaux, en réduisant l’eutrophisation des eaux, des avantages économiques, en limitant le gaspillage, et des avantages sanitaires en améliorant la santé humaine, en particulier celle des enfants.

72. Cet objectif consistant à assurer la durabilité des « ressources en eau » est nécessaire pour maîtriser les effets du changement climatique, c’est-à-dire les inondations et autres catastrophes « naturelles » qui ont un coût économique et humain très élevé. Résilience et adaptation sont donc deux stratégies supplémentaires visant à atténuer les impacts du changement climatique.

73. La contribution du Groupe de travail II au cinquième rapport d’évaluation du GIEC intitulé Changements climatiques 2014 : impacts, adaptation et vulnérabilité, et en particulier quatre des chapitres de la section sur les « ressources et systèmes naturels et gérés et leurs utilisations », adoptent un point de vue complètement différent et donnent à l’eau une position centrale (GIEC, 2014). Quels que soient ses formes ou ses usages, l’eau est fortement affectée par le changement climatique.

74. Le GIEC examine les divers types d’eau (eau douce, océans, eau potable, eaux de pluie et eaux de crue) et les relations entre eux. Ils apparaissent étroitement liés aux différents écosystèmes (terrestres, marins et côtiers), l’eau étant alors associée à l’éventail varié des cultures et utilisations humaines : en tant qu’élément essentiel à la survie et dans les activités agricoles, halieutiques et industrielles. Même si les différents types d’eau sont traités successivement, l’analyse vise clairement à mettre en lumière les relations d’interdépendance de façon à montrer la nécessité d’une approche globale mais aussi d’approches et de solutions locales et culturellement diversifiées.

75. Les principaux points qui ressortent de ces quatre chapitres du rapport, totalisant plusieurs centaines de pages, sont les suivants. Le chapitre 3 met en évidence de fortes incertitudes concernant l’évolution des réserves d’eau douce au fil du temps du fait de la prévalence et de la gravité croissantes des inondations et des épisodes de sécheresse. Les ressources en eau douce varient de manière significative d’une région à l’autre, et le rapport indique « pas à pas » la marche à suivre pour adapter les systèmes d’utilisation de l’eau, en synergie avec les diverses composantes de la préservation des écosystèmes, tels que la conservation des sols, la reforestation, la gestion des pâturages et la protection des habitats humides.

76. Le rapport examine attentivement la vulnérabilité des écosystèmes terrestres du point de vue des ressources en eau douce (chapitre 4). La mortalité des arbres, la migration des espèces, la sécheresse qui affecte certaines parties de la forêt dense amazonienne et la prolifération des incendies de forêt sont autant d’exemples d’événements dont la fréquence est appelée à croître. Les changements qui en résulteront pour les écosystèmes auront aussi un impact sur les cultures humaines du point de vue de leurs liens avec l’environnement – et de leur manière de l’habiter. À cet égard, les stratégies d’adaptation des écosystèmes pourraient être facilitées par des interventions humaines, telles que la création de corridors verts pour aider des espèces à migrer.

- 20 -

77. Les deux autres chapitres traitent des systèmes océaniques et côtiers affectés par le changement climatique. Les systèmes côtiers (chapitre 5) font face à deux grands phénomènes : d’une part, l’élévation démontrée du niveau des mers accélère l’érosion des côtes et, d’autre part, l’acidification de l’océan a un impact sur les poissons et les récifs coralliens qui sont une source d’alimentation essentielle des populations du littoral. Là encore, l’intervention de l’être humain peut faciliter l’adaptation de l’écosystème. L’approche prônée par le rapport consiste essentiellement à travailler avec la nature, et non contre elle.

78. Le chapitre 6, qui traite des systèmes océaniques, montre qu’aux incertitudes qui pèsent sur l’avenir des océans du fait des impacts combinés des éléments observés s’ajoute notre méconnaissance de leur évolution générale. Certains faits scientifiquement établis sont mentionnés, comme la modification de la salinité des océans et l’élévation de leur température, également dues à la pollution, et l’hypoxie qui en résulte. De tels phénomènes physiques vont affecter la dynamique des courants océaniques et ont déjà des impacts sur tous les écosystèmes marins : microorganismes, algues, poissons et animaux marins. Les pêcheries et les communautés de pêcheurs en ressentent les effets (17 % des protéines animales sont fournies par la pêche).

79. Le rapport du GIEC est clair : quels que soient les types d’eau – eau douce, eau potable, eau de mer ou eaux de pluies – les cycles de l’eau sont altérés par le changement climatique et provoquent des changements aussi importants dans les écosystèmes et les environnements humains parce que l’eau est présente partout. L’eau est le lien universel qui crée l’interdépendance des êtres vivants et de leur environnement ainsi que les cycles biogéochimiques. L’eau est une forme du « grand tout ». Une telle réflexion permet d’échapper à la vision anthropocentrique qui a dominé jusqu’ici notre compréhension de l’eau. Adopter une vision écocentrique suppose un changement de valeurs susceptible de mieux guider nos décisions et nos tentatives pour nous adapter au changement climatique.

80. En conclusion, les défis liés au changement climatique suscitent une nouvelle compréhension des cycles de l’eau qui dépasse la dichotomie eau douce/eau salée et souligne l’importance à la fois de la diversité culturelle et de l’interdépendance de l’être humain et des écosystèmes. L’élaboration d’un nouveau cadre en matière d’éthique de l’eau suppose que l’être humain s’inclue dans ces écosystèmes et reconnaisse l’importance de la protection de tous les écosystèmes hydriques comme une fin légitime en soi, et non pas seulement en raison des impacts potentiels pour lui-même. En 2015, la COMEST a, dans son dernier rapport sur l’adaptation éthique au changement climatique, identifié certains des principes pouvant contribuer à une réflexion sur ces relations d’interdépendance et à une nouvelle approche écocentrique de nature à faciliter la recherche de solutions qui améliorent notre environnement, et en particulier l’eau qui lie entre eux tous les êtres vivants.

81. Comment pouvons-nous donc appliquer le principe d’équité à tous les êtres vivants, sachant que tous ont besoin de l’eau ? Comment pouvons-nous intégrer dans nos choix et nos comportements une utilisation équilibrée de la technologie qui tienne compte des incertitudes générées par le changement climatique et le souci de la durabilité de tous les êtres vivants ? Une nouvelle série de principes est présentée dans la partie V.

V. PRINCIPES DIRECTEURS

V.1 Dignité humaine et droits de l’homme 82. Plusieurs conférences internationales consacrées à l’eau, depuis la Conférence des Nations Unies sur l’environnement tenue à Stockholm (1972) et, notamment, à Mar del Plata (1977), New Delhi (1990) et Dublin (1992), ainsi que les sept Forums mondiaux de l’eau qui se sont tenus tous les trois ans, la première fois à Marrakech (1997) et la dernière en 2015, ont tous reconnu et réaffirmé le rôle crucial de l’eau comme besoin humain fondamental. En outre, plusieurs traités internationaux relatifs aux droits de l’homme ont énoncé des obligations précises concernant l’accès à l’eau potable et à l’assainissement. Il s’agissait notamment de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, adoptée en 1979 (art. 14-2), de la Convention n° 161 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur les services de santé au travail, adoptée en 1985 (art. 5), de la Convention relative aux droits de l’enfant, adoptée en 1989

- 21 -

(art. 24 et 27-3) et de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, adoptée en 2006 (art. 28). En septembre 2000, l’Assemblée générale des Nations Unies a décidé d’œuvrer à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). L’OMD 7 visait à réduire de moitié, d’ici à 2015, le pourcentage de la population qui n’a pas durablement accès à l’eau.

83. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (ONU) promeut, depuis la fin des années 1980, en rapport avec les droits de l’homme, l’idée d’un bien-être lié à l’eau (Salman et McInerney-Lankford, 2004), idée qui a été adoptée en 2002 dans l’Observation générale n° 15 sur le droit à l’eau. L’article I.1 énonce que « le droit à l’eau est indispensable pour mener une vie digne. Il est une condition préalable à la réalisation des autres droits de l’homme ». L’Observation n° 15 définit également le droit à l’eau comme le droit de chacun à un approvisionnement suffisant, physiquement accessible et à un coût abordable, d’une eau salubre et de qualité acceptable pour les usages personnels et domestiques de chacun » (cité dans Risse, 2014:179). Enfin, le 28 juillet 2010, par la résolution 64/292, l’Assemblée générale des Nations Unies a explicitement reconnu que le droit à l’eau potable et à l’assainissement est un droit de l’homme, essentiel à l’exercice de tous les droits de l’homme. La résolution demande aux États et aux organisations internationales d’apporter des ressources financières, de renforcer les capacités et de procéder à des transferts de technologies, en particulier en faveur des pays en développement, afin d’intensifier les efforts faits pour fournir une eau potable et des services d’assainissement qui soient accessibles et abordables pour tous (Nations Unies, 2010). Plus tard cette même année, il a été adopté, par consensus, une résolution du Conseil des droits de l’homme confirmant que les droits à l’eau et à l’assainissement existent déjà dans le droit international, car ils découlent des droits à un niveau de vie suffisant et à la santé, garantis par les articles 11 et 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. En 2013, l’Assemblée générale, dans sa résolution 68/157, et le Conseil des droits de l’homme, dans sa résolution 24/18, ont tous deux réaffirmé, par consensus, reconnaître les droits de l’homme à l’eau et à l’assainissement.

84. Bien que le droit à l’eau n’ait pas été expressément mentionné dans la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948, art. 25-1), il a été reconnu que les droits à l’eau et à l’assainissement sont une composante fondamentale du droit à un niveau de vie approprié à la santé et au bien-être. Le droit au logement nécessite une infrastructure d’approvisionnement en eau et d’assainissement qui soit accessible à tous. L’eau représente en outre un aspect fondamental du droit à l’alimentation, car pour faire pousser les cultures et cuire les aliments, il faut de l’eau. L’exercice du droit à l’éducation est entravé lorsque les filles abandonnent l’école par manque d’établissements de santé et d’hygiène féminine. Cette interdépendance des droits de l’homme ne peut donc pas être considérée isolément et nécessite une approche exhaustive. Amy Hardberger (2005:361), cependant, a avancé, en ce qui concerne les droits juridiques, qu’il faudrait considérer les droits à l’eau non comme un moyen vers d’autres droits, mais comme un droit en soi. En outre, il a été suggéré ailleurs que si les droits à l’eau et à l’assainissement devraient tous deux être envisagés dans le cadre des droits de l’homme, il faudrait les traiter séparément puisque des installations sanitaires appropriées revêtent une importance particulière lorsque les gens estiment que des toilettes ou des latrines font qu’ils peuvent uriner, déféquer et s’occuper de leur hygiène de manière privée et digne. Dans le même temps, l’assainissement protège la qualité de l’eau potable.

85. Bien que les engagements pris (souvent dans des déclarations) aux sommets, conférences et forums internationaux puissent avoir un effet bénéfique sur la définition et l’exercice des droits de l’homme à l’eau et à l’assainissement et permettre de sensibiliser et de mobiliser la collectivité, ils ne sont pas juridiquement contraignants pour les États, ce qui fait que pour nombre de gens, l’eau n’est pas encore un droit de l’homme. Thielborger (2013:2) se demande dans quelle mesure et sous quelle forme ce droit devrait exister et si les récentes affirmations de l’Assemblée générale et du Conseil des droits de l’homme ainsi que le mandat confié en 2008 à l’Expert indépendant/Rapporteur spécial des Nations Unies de surveiller si les États honorent cette obligation ont enfin donné au droit à l’eau le statut et la signification que beaucoup réclament depuis la première moitié du XXe siècle. Après avoir analysé la situation de ce droit dans divers pays, il conclut que ce n’est qu’en considérant le droit à l’eau simultanément dans son contexte juridique, théorique et pratique que l’on pourra pleinement prendre en compte sa situation actuelle et son potentiel futur (Thielborger, 2013:3).

86. Hardberger estime que :

- 22 -

(…) le droit des droits de l’homme est un moyen approprié pour instaurer le droit à l’eau, cela pour de nombreuses raisons. Premièrement, la nécessité de l’eau et le fait que l’homme dépende d’elle pour sa santé et son hygiène font que ce droit est similaire à des droits de l’homme tels que le droit à la vie. Deuxièmement, les droits de l’homme sont des droits détenus par les citoyens et sont opposables à l’État. En faisant du droit à l’eau un droit de l’homme, on satisfera effectivement les besoins humains plutôt que simplement encourager l’adoption de législations locales. En outre, bien qu’il ait été initialement fait valoir que l’eau est inhérente au droit à la vie ou à la santé, les récents débats ont montré l’importance d’en faire un droit à part. On peut faire valoir que l’eau est implicite dans les documents existants, mais son absence dans ces documents crée des problèmes d’application (2005:360-361).

87. Mathias Risse fait valoir que fondamentalement, garantir l’accès à l’eau potable et à l’assainissement de base devient une responsabilité véritablement mondiale, condition de l’acceptabilité même du système de l’État, qui, selon lui, caractérise les droits de l’homme (2014:106) ; il justifie sa position en faisant découler les droits de la propriété collective, la copropriété donnant droit à l’accès aux ressources naturelles, qui doivent être préservées ou ajustées de façon appropriée lorsque les individus vivent dans des États (Risse, 2014:195). Il énonce en outre qu’à la différence de ce qui se passe avec d’autres ressources naturelles, il faut soit mettre l’eau à la disposition des humains partout dans le monde, soit autoriser les gens qui vivent dans des pays où il n’y a pas assez d’eau pour que l’on puisse exercer ce droit à se rendre dans des pays qui disposent d’eau (Risse, 2014:197).

88. L’idée de bien commun est bien plus ancienne que l’homme et celle de l’eau comme bien commun, contrairement à ce qu’il en est de la terre, est encore largement acceptée, si bien que le droit à l’eau est inscrit dans diverses lois internationales et certaines constitutions nationales. Si l’eau n’est pas considérée comme un bien commun, on peut la privatiser et la commercialiser, comme cela se produit actuellement ; alors, le droit à l’eau existe, mais seulement si vous pouvez la payer, comme la terre. L’appui à l’idée de traiter l’eau comme un bien commun émane de trois sources : le mouvement anti-privatisation, le mouvement opposé aux grands barrages/projets et au détournement de l’eau à des fins d’agriculture industrielle, et le mouvement de défense des populations autochtones ; il relève d’un point de vue culturel unique selon lequel la sacralité de l’eau et de ses sources est intimement liée à la culture, à la géographie et au sentiment communautaire (Hardberger, 2005). Ces groupes vont au-delà des notions de droits de l’homme et d’équité pour défendre les droits de la terre et de son écosystème composite. Adrian C. Armstrong, pour sa part, estime qu’un point de vue holistique étendrait ce droit [le droit à l’eau] à toutes les créatures et à tous les environnements (Armstrong, 2009:143). Le concept de dignité humaine ne s’oppose pas au respect des autres créatures et de la nature et est donc essentiel également à l’éthique de l’environnement (Vega de Cuna, 2007). Les principes de respect des droits de l’homme, de non-discrimination et d’égalité, de responsabilité, de transparence, de durabilité, d’accès à l’information et de participation, ainsi que d’éthique de l’environnement peuvent de la même manière s’appliquer à l’éthique de l’eau.

V.2 Solidarité et bien commun 89. Le principe de solidarité reconnaît l’interdépendance qui existe entre les humains, ainsi qu’entre les humains et leur environnement. Cette dépendance mutuelle est illustrée par la nécessité que l’eau représente pour la vie humaine, dépendance qui confronte continuellement les humains à leur interdépendance amont et aval (COMEST, 2004:6). La solidarité implique que nous agissions de manière à respecter les besoins des humains dans et entre les pays, ainsi que de toutes les générations. Elle s’applique également dans un contexte écologique et écocentrique, non seulement parce que les humains et les autres communautés biotiques dépendent de l’eau pour vivre et doivent partager les ressources, mais aussi parce que les humains et les écosystèmes dépendent les uns des autres pour survivre et exister. Le respect de la solidarité a été mis en avant par la COMEST, comme principe clé de l’éthique de l’eau (COMEST, 2004) et comme l’un des principaux principes éthiques applicables au changement climatique (COMEST, 2015), ainsi que par d’autres auteurs et organismes internationaux (Jennings et al., 2009:28, par exemple).

90. Dans le contexte de l’éthique de l’eau, le principe de solidarité est lié au principe du bien commun (Jennings et al., 2009 ; COMEST, 2004). Jennings et al. notent que l’eau et les techniques

- 23 -

employées pour l’utiliser présentent souvent des scénarios de type « tragédie des biens communs », auxquels une conceptualisation de l’eau comme ressource commune et une utilisation durable de l’eau comme bien commun apportent une réponse éthique appropriée (Jennings et al., 2009:29). Selbourne énonce que presque tout le monde définit l’eau comme un bien commun et que si on la gère mal, le potentiel et la dignité de l’homme diminuent (COMEST, 2014:8). Dans la pratique, cependant, la notion de bien commun est compliquée par différentes perceptions et définitions juridiques de la propriété et de la commercialisation de l’eau (Li et al., 2011:20, 33-34). En ce qui concerne les océans, le champ des problèmes s’étend aux questions relatives aux droits de navigation, aux limites de la mer territoriale, à l’exploitation des ressources (pêche et pétrole, par exemple) et à la pollution. La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (Nations Unies, 1994) et les traités connexes représentent la principale tentative faite, au plan international, de réglementer tous les aspects des ressources de la mer et des utilisations de l’océan.

V.3 Durabilité 91. Deux des 17 Objectifs de développement durable (ODD) fixés par l’ONU pour les 15 prochaines années concernent l’eau : les Objectifs 6 (Eau propre et assainissement) et 14 (Vie aquatique) (Nations Unies, 2015). Tous deux traitent de la préservation de la vie humaine et de l’amélioration des conditions de vie, notamment sous les angles de la santé et de la sécurité alimentaire. Bien que ces objectifs soient teintés d’anthropocentrisme, leur réalisation dépend d’une gestion judicieuse des ressources en eau pour répondre aux besoins non seulement de la génération actuelle, mais aussi des générations futures.

92. Pour réussir dans cette entreprise, cependant, il faut tenir compte des cycles hydrologiques naturels qui transforment et transportent l’eau en fonction de ses différents réceptacles : nuages, glace, êtres vivants comme les plantes et les animaux, pots de terre et même récipients en plastique. Ces transformations doivent être gérées, par l’intervention humaine, pour promouvoir la vie et prévenir ou atténuer des puissances destructrices telles que les tempêtes, les inondations et la salinisation de l’eau douce. La durabilité des ressources en eau est donc assurée en suivant les contours hydrologiques de la nature afin que l’eau puisse continuer à subvenir aux besoins des humains et des autres êtres vivants. Il faut mentionner, en particulier, le rôle essentiel que jouent les plantes et les arbres qui guident l’eau le long de leurs racines vers des aquifères ainsi préservés pour la consommation humaine et la production agricole.

93. L’impératif moral de la durabilité exige donc que l’eau soit utilisée frugalement et recyclée dans la mesure du possible, et que les déchets soient traités avant d’être relâchés dans la nature. L’ODD 6 énonce que plus de 80 % des eaux usées résultant des activités humaines sont déversées dans les rivières ou la mer sans aucune dépollution (Nations Unies, 2015). Il faut donc que les fluides qui doivent être éliminés dans le sol, l’air et des masses d’eau telles que des rivières et des lacs soient d’abord traités et purifiés afin d’aider la nature à se nettoyer. Les humains servent finalement leur intérêt lorsqu’ils contribuent au pouvoir vivifiant d’une eau de qualité. Il faudrait que l’homme s’aligne et aligne la technologie sur cet objectif. V.4 Justice

94. La justice, environnementale, en particulier, peut être l’un des principes directeurs que l’on peut appliquer à la gestion des ressources en eau. Dans l’un de ses rapports, la COMEST énonce que cette gestion est fondamentalement une question de justice sociale et environnementale fondée sur trois concepts essentiels : l’équité, la justice et l’accès intergénérationnel (COMEST, 2004:6). Dans les années 1980, certains auteurs et groupes ont fait appel à la justice environnementale pour régler les problèmes environnementaux disproportionnés auxquels faisaient face, en Amérique du Nord, certains groupes de personnes pour des raisons de racisme, de racisme de classe et d’autres formes de discrimination allant de concentrations élevées d’installations dangereuses autour de leurs quartiers à la contamination d’eaux souterraines par des déchets, des activités agricoles, etc. D’emblée, la justice environnementale a été définie comme la répartition équitable des biens et des charges liés à l’environnement entre tous les humains.

95. Divers auteurs, cependant, ont estimé que la justice environnementale devait aller au-delà de la répartition et inclure la participation, la reconnaissance et les capacités. La justice distributive ne pouvait, à elle seule, expliquer et traiter les risques et les méfaits associés à différentes formes de

- 24 -

pollution de l’environnement et l’exclusion des populations minoritaires, à faible revenu et autochtones de la prise de décisions concernant l’environnement et de la conception, de la mise en œuvre et de l’application des lois et politiques environnementales. Amartya Sen (1985, 2000) et Martha Nussbaum (2000, 2006) ont montré comment les questions de répartition sont liées à la reconnaissance et à la participation. La répartition peut entraver ou promouvoir le bien-être humain. La limitation de capacité se traduit par une injustice. Malheureusement, comme la grande majorité des théoriciens de la justice et toutes les approches strictement libérales et rawlsiennes, des théoriciens de la reconnaissance tels que Sen et Nussbaum ont employé un cadre individualiste libéral sans expliquer combien d’injustices sont faites à des groupes. David Scholsberg, pour sa part, souligne que la justice devrait se préoccuper des individus, des groupes sociaux et des systèmes écologiques. Selon lui, la justice est affaire de répartition, mais aussi de reconnaissance, de participation et de fonctionnement des individus et des communautés (Scholsberg, 2007:viii).

96. Il importe également de noter que la justice sociale et l’environnement sont inséparables. Une répartition équitable des richesses, des possibilités, des privilèges et des charges au sein d’une société peut inciter les gens à protéger leur environnement et à en promouvoir ainsi la durabilité. Les citoyens qui ont accès à l’eau potable, à l’assainissement et à d’autres services sociaux ont toutes les raisons de protéger les biens publics et autres ressources naturelles.

97. On notera qu’initialement, les théoriciens et les promoteurs de la justice environnementale ont tenté de traiter les effets négatifs de la destruction de l’environnement sur certains groupes de personnes. C’est plus tard que certains auteurs ont souligné la nécessité d’étendre la justice environnementale au monde non humain. Actuellement, nombre de gens considèrent l’eau comme une ressource qui a différentes fonctions – irrigation, loisirs, transport et habitat pour différentes formes de vie. Dans ces utilisations, l’eau n’est plus conçue comme une source sacrée de vie. Greta Gaard estime que pour aider à résoudre les problèmes actuels liés aux cultures de domination, il faudrait raviver une culture de partenariat qui considère nos identités humaines comme fondamentalement interdépendantes des autres, humaines ou non (Greta Gaard, 2010:73). Il est intéressant de noter que dans le monde, certaines populations autochtones, y compris les Anishnaabe du Canada, ont étendu la portée de la justice environnementale au-delà des humains pour inclure tous les êtres de la création parce que du point de vue aborigène, la justice parmi les êtres de la création est une affirmation de la vie (McGregor, 2009:27). Elles ont reconnu l’interdépendance des différentes entités du monde bien avant la montée du mouvement en faveur de la justice environnementale dans la seconde moitié du XXe siècle. La destruction de l’environnement a affecté toutes les espèces, l’humaine et les autres. Selon McGregor, la justice environnementale est souvent présentée comme un concept relativement nouveau, tant en Amérique du Nord que dans le monde. Or, les peuples autochtones détiennent des idées anciennes et hautement développées de la justice qui sont parfaitement applicables dans ce domaine (McGregor, 2009:28).

98. La justice, en ce qui concerne l’eau, se réfère également à l’importance que revêt cette dernière pour la santé d’autres espèces et écosystèmes. Aucun organisme vivant ne devrait être privé d’eau. La justice, dans ce domaine, vaut non seulement entre les espèces, mais aussi entre les générations. La génération actuelle doit laisser un environnement en bon état aux générations futures. Une mauvaise gestion de l’eau nuira à leur bien-être.

99. À l’inverse, l’injustice environnementale renvoie à une répartition inéquitable, à un manque de reconnaissance, à une participation limitée, à un manque critique de capacités au niveau tant individuel que collectif, à une application inéquitable de la réglementation environnementale, à une exclusion systématique de groupes minoritaires ou majoritaires des politiques et des décisions environnementales, au déversement de déchets toxiques, à l’assomption d’une part disproportionnée de nuisances causées à l’environnement, à la privation individuelle ou collective des droits à un air propre, à l’eau, à la terre et à un environnement sain, au déplacement forcé de communautés, à l’interférence d’humains avec l’aptitude d’autres êtres à assumer leurs fonctions (McGregor, 2009:39, par exemple), etc.

100. Plus précisément, l’injustice, en ce qui concerne l’eau, comprend la pollution de cette dernière, le manque d’accès à de l’eau salubre et à un assainissement approprié, l’inégalité d’accès à de l’eau

- 25 -

salubre abordable, la privatisation de services publics de distribution et d’assainissement, le rejet de déchets dangereux dans des ruisseaux, des rivières et des océans, etc.

101. Dans le monde, un grand nombre de personnes – près d’un milliard et 2,6 milliards, respectivement – n’a pas accès à l’eau potable et à l’assainissement (Jennings et al., 2009:25). Le manque d’accès à l’eau potable pose un très grave problème dans les pays en développement. Nombre de ruraux n’ont pas accès, localement ou à l’extérieur, à l’eau courante. Différentes sources d’eau ont été contaminées par des déchets municipaux et industriels. Dans de nombreux pays en développement, les berges de rivières et certains centres urbains sont devenus des sites de rejets illégaux. Dans de nombreux pays, les quartiers pauvres sont entourés de décharges. Des rivières polluées sont à l’origine d’épisodes de fièvre typhoïde et d’autres maladies dans les villes situées en aval et dans les zones rurales. L’eau contaminée nuit à la santé des êtres, humains ou non. C’est là un exemple d’injustice distributive et intergénérationnelle, les pauvres payant le prix des rejets de déchets solides et subissant ses conséquences sociales et environnementales.

102. La justice, en ce qui concerne l’environnement et l’eau, veut que tous les humains aient accès à une eau salubre abordable et à des services correspondants. Elle passe par une répartition équitable et une gouvernance durable de l’eau. Elle comprend également le traitement équitable et la participation significative de tous, indépendamment de leur origine, y compris la prochaine génération, à la conception et à la mise en œuvre des lois et des politiques relatives à l’eau. D’autre part, des sociétés transnationales et certains pays exportent leurs déchets industriels et électroniques vers des pays en développement. Le transport de déchets dangereux et d’appareils électroniques brisés ou périmés vers des pays en développement est un cas typique d’injustice environnementale. Les métaux lourds issus de déchets électroniques contaminent les sols, les plantes et les eaux de surface. Il faudrait, au plan international, coordonner les méthodes pour combattre le commerce illicite de déchets dangereux en appliquant les législations nationales et internationales de manière non discriminatoire.

103. L’exclusion des femmes des mécanismes de gouvernance de l’eau est une forme d’injustice environnementale. Bien que les femmes ne participent pas à la prise de décisions concernant la gouvernance de l’eau, ce sont elles, dans les pays en développement, qui doivent aller chercher l’eau pour leur famille. Elles gèrent l’eau utilisée pour le foyer et la production. La Conférence des Nations Unies sur l’eau et l’environnement a reconnu, en 1992, le rôle qu’elles jouent. Le troisième des quatre Principes de Dublin énonce que les femmes jouent un rôle central dans l’obtention, la gestion et la sauvegarde de l’eau.

104. Les mythes de création de nombreuses civilisations ont exprimé le lien qui existe entre la nature et les femmes (pour plus de détails, voir Gaard, 2010:62-63). Bien que ces mythes aient exprimé l’association des femmes et de la nature, de la naissance et de la mort, de la création et de la mort, du renouvellement et de la circularité de la notion de vie, d’autres cultures ont ignoré la circularité de la vie et introduit une nouvelle conception de la vie comme trajectoire linéaire, de la naissance à la mort, au ciel ou à l’enfer éternel, ou à l’anéantissement (Gaard, 2010:62-63). Riane Eisler (1987, citée dans Gaard, 2010:63) énonce que les cultures de partenariat ont été remplacées par des cultures de domination. Bien que l’association entre les femmes et l’eau ait survécu à la transition de cultures de partenariat vers des cultures de domination, leur signification s’est inversée : plus révérées comme sources de vie, ni les femmes ni l’eau ne sont considérées comme sacrées dans les religions patriarcales (Gaard, 2010:63). Certains autochtones, cependant, insistent encore sur la relation particulière qui lie l’eau et les femmes, estimant que les deux sont sources de vie (McGregor, 2009:38). Pour assurer la justice en ce qui concerne l’eau, il faudrait que les décideurs reconnaissent le rôle positif que les femmes jouent dans la gestion des ressources en eau dans le monde.

105. Bien que l’eau soit la base de toute vie, elle peut aussi devenir source de menace par ses caractéristiques tant quantitatives que qualitatives. Les maladies d’origine hydrique et la détérioration de la qualité de l’eau tuent plus que les guerres, les accidents ou d’autres maladies. L’abondance incontrôlée (inondation) ou la pénurie durable (sécheresse) d’eau peut générer un stress social et entraîner la perte de biens, la destruction d’infrastructures physiques et politiques et la perte de vies humaines. Parmi tous les risques naturels qui peuvent déclencher des catastrophes, les inondations et les sécheresses sont ceux qui causent le plus de destructions, de souffrances et

- 26 -

de morts. En raison de leur répartition quasi-universelle dans le monde, il est juste de dire que nous sommes davantage menacés par l’eau que par tout autre vecteur potentiel de danger (Bogardi, 2009:316 ; voir également Doorn, 2013:105).

106. Neelke Doorn caractérise l’eau comme un risque, une ressource rare et un service. Selon elle, gérer l’eau, c’est gérer à la fois des risques et des ressources limitées, et cela exige une infrastructure appropriée d’approvisionnement, d’assainissement et de protection contre les inondations (Doorn, 2013:105). Comme cela a été dit plus haut, les changements climatiques dus à l’activité humaine ont aggravé les pénuries d’eau, les sécheresses et les inondations extrêmes. Le réchauffement climatique et l’appauvrissement de la couche d’ozone entraînent une élévation du niveau de la mer (inondant les côtes et les petites îles, ce qui peut provoquer des migrations massives). Les inondations nuisent aux hommes et à l’environnement. Ce problème nécessite d’agir au plan international pour mettre fin aux émissions de gaz à effet de serre. La justice, en ce qui concerne l’eau, exige également de ratifier la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Bien que 166 pays et l’Union européenne aient adhéré à cet instrument, les États-Unis ne l’ont pas ratifié.

107. Comme cela a été dit précédemment, la justice exige que tous les êtres vivants aient accès à l’eau. Risse estime qu’il faudrait instaurer un pacte en vertu duquel l’eau serait répartie au niveau mondial. Il propose que les pays qui ont des ressources suffisantes en eau accueillent davantage d’immigrés provenant principalement de pays qui (a) surutilisent leurs ressources et, en particulier, (b) souffrent de pénuries d’eau (Risse, 2014:198). Bien que de nombreux pays développés soient réticents à accueillir des immigrants victimes de persécutions et d’autres forces qui menacent leur vie, et encore moins à permettre à des personnes privées d’eau de s’installer sur leur territoire, Risse, en tant que philosophe politique, conseille aux gouvernements de faire le bon choix.

V.5 Justice environnementale mondiale et eaux transfrontières 108. Une autre question importante est de savoir comment traiter la répartition de l’eau en aval et en amont. En théorie, les pays amont et aval peuvent assurer la justice en coopérant au sujet de leurs eaux transfrontières. L’exploitation unilatérale d’une eau partagée par un pays sans le consentement d’un autre pays concerné peut être une source de conflit entre les deux pays. Il vaudrait donc mieux que les pays concernés coopèrent plutôt qu’ils ne s’affrontent. Les ressources rares en eau peuvent être partagées et utilisées de façon équitable et durable sur la base des lois internationales. La Convention de 1997 sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation s’est fondée sur les Règles d’Helsinki de 1996. Elle a énoncé trois principes de fond : absence de préjudice, notification préalable et, pour guider la répartition équitable de la ressource, utilisation équitable et raisonnable (Zeitoun, 2013:143). Il faut que les pays concernés engagent un dialogue véritable et éthique pour déterminer ce qui constitue une part raisonnable et équitable. Il faudrait également que les accords mondiaux relatifs à la gouvernance de l’eau prêtent attention au principe de subsidiarité qui peut s’appliquer au niveau le plus bas (Doorn, 2013:105). En d’autres termes, il importe d’équilibrer les mécanismes de gouvernance locaux et mondiaux.

109. La nature et le coût des projets, l’existence de différentes lois nationales, l’absence de méthodologie fiable et généralement acceptable capable de résoudre les problèmes de répartition ainsi que l’absence de solide législation internationale, notamment, font qu’il est très difficile de partager les ressources en eau de bassins transfrontières (Kindler, 2009:76). Le droit international existant ne peut pas traiter correctement les aspects relatifs à la qualité de l’eau et d’autres questions importantes.

110. Les conflits entre États riverains en ce qui concerne les problèmes de limites, notamment les droits de navigation et de pêche dans les eaux limitrophes, peuvent être résolus sur la base d’accords internationaux. Les autres accords peuvent être regroupés en quatre catégories : (a) affectation de l’eau ; (b) gestion de la qualité de l’eau (contrôle de la pollution) ; (c) gestion des inondations ; et (d) gestion intégrée des ressources en eau (Kindler, 2009:77). Face à la pénurie généralisée, à la destruction progressive et à la grave pollution des ressources en eau douce de nombreuses régions, il faut adopter une approche intégrée de la gestion de ces ressources (Kindler, 2009:77).

- 27 -

111. Comme le note Zeitoun (2013:142), il se peut que des acteurs (et médiateurs) plus puissants manipulent des négociations relatives à des eaux transfrontières et obtiennent des résultats inéquitables malgré une procédure qui semble équitable. Très souvent, les accords relatifs aux eaux transfrontières ne satisfont pas aux positions originelles d’égalité de Rawls (Rawls, 1971:177), car les États concernés ne sont pas égaux. Dans la plupart des cas, les relations de pouvoir ne favorisent pas, en ce qui concerne les eaux transfrontières, la justice.

112. Les asymétries de pouvoir entre États peuvent déboucher sur des arrangements de partage injustes, contraires à la notion de justice distributive. Comme le note Zeitoun, le statut quo de partage asymétrique de l’eau reste favorable à l’acteur le plus puissant, tandis que ses conséquences sont ressenties par l’acteur non hégémonique, en particulier par ses communautés les plus vulnérables (Zeitoun, 2013:145). Aussi une négociation réputée juste peut-elle aboutir à des résultats injustes, comme les arrangements actuels relatifs à l’utilisation du Nil et du Jourdain. Il ressort donc clairement que la justice procédurale ne suffit pas, à elle seule, à résoudre les conflits relatifs aux eaux transfrontières.

V.6 Égalité des sexes 113. Les relations hommes-femmes peuvent donner lieu à des inégalités lorsqu’un groupe est systématiquement favorisé et détient des avantages sur l’autre. Dans les ménages, généralement, ce sont les femmes qui utilisent, procurent et gèrent l’eau. La problématique hommes-femmes revêt une importance cruciale en raison des défis que présente la croissance démographique et du mauvais usage qui est fait des ressources en eau. Il faut que tous les secteurs et acteurs sachent gérer cette problématique et formuler des réponses appropriées. Il faut que les hommes et les femmes assument de manière égale leurs droits et responsabilités en matière d’autonomisation et de prise de décisions. Dans la famille, les femmes sont généralement les principales consommatrices de services publics, l’eau devenant le plus important. La consommation personnelle (obtention de l’eau, boisson, lavage, cuisine, bain et nettoyage) est le besoin de base, mais pour utiliser le moins d’eau possible, il faut bien la gérer. Depuis quelque temps, les questions de genre et d’eau bénéficient d’une attention considérable au plan international, le but étant d’instaurer l’égalité des sexes. Malgré le vaste soutien international et l’engagement pris de traiter les questions de genre dans le contexte de l’eau et de l’assainissement, on ne dispose toujours pas des données ventilées par sexe requises pour progresser (Fletcherand et Schonewille, 2015).

V.7 Frugalité 114. Dans son rapport intitulé Principes éthiques en rapport avec le changement climatique : Adaptation et atténuation, la COMEST définit la frugalité comme suit :

(…) Principe pratique qui équilibre les niveaux de consommation et de production afin de réduire les déchets au minimum tout en limitant l’extraction des ressources en fonction de la capacité de la nature à se reconstituer. Les empreintes écologiques sont ainsi réduites, de sorte que les niches écologiques ne s’étendent pas au-delà de leurs capacités de charge. Les innovations technologiques qui suivent le principe de frugalité impliquent une proportionnalité entre les coûts de production et la capacité financière des consommateurs. Frugalité ne signifie pas sacrifier ses besoins. Elle oblige à établir une distinction entre les besoins et les désirs. Les désirs sont simplifiés afin que d’autres puissent vivre simplement en fonction de leurs besoins. En tant qu’éthique de la vertu, la résilience et la frugalité mettront en question les attitudes individuelles et collectives vis-à-vis de l’environnement et des groupes les plus défavorisés de sorte que ces derniers puissent également participer à une société harmonieuse (COMEST, 2015:12).

115. Appliqué à l’éthique de l’eau, ce principe peut s’entendre comme suit (Partie 3.A de la Charte éthique de l’eau (version 2.0)) :

(…) L’eau doit être utilisée de manière raisonnable et frugale, en utilisant seulement ce qu’il en faut pour un but donné. Il faut s’efforcer de la réutiliser plutôt que d’en prélever dans l’environnement. Il faut maintenir les stocks d’eau existants et garantir leur résilience et leur durabilité (dans la gestion des aquifères et des lacs, par exemple). L’eau étant intrinsèquement

- 28 -

un bien commun (tant dans le monde qu’au niveau local), sa propriété privée doit être mise en balance avec l’intérêt de la société (Réseau éthique de l’eau, 2015).

116. La frugalité (frugalitas), synonyme de modération, de tempérance et de simplicité, s’inscrit dans un système de valeurs ancestrales, traditionnelles et quasi-universelles afférentes à l’éthique du travail, au rejet de l’oisiveté et au patriotisme. Pierre Rabhi nous invite à pratiquer une « sobriété agréable » dans le contexte du développement durable (Rabhi, 2010).

V.8 Intégrité scientifique 117. L’intégrité scientifique consiste à respecter les valeurs et les pratiques professionnelles lorsqu’on conduit des recherches et qu’on en applique les résultats. Elle en garantit l’objectivité, la clarté, la reproductibilité et l’utilité. Un code de conduite scientifique comprendra les principes suivants :

a. excellence, intégrité et honnêteté ; b. responsabilité personnelle de la conduite des recherches et de la diffusion des résultats ; c. courtoisie professionnelle et équité dans le travail avec autrui ; d. coopération désintéressée aux activités de recherche ; e. bonne gestion de la recherche pour le compte d’autrui ; f. respect de la législation dans tous les aspects de la recherche, y compris la propriété

intellectuelle ; g. évaluation humaine des incidences de la recherche sur les humains et les animaux.

118. L’inconduite scientifique caractérisée comprend le plagiat, la falsification de données par la manipulation ou l’interprétation pour étayer une conclusion a priori, et le fait d’entraver des recherches solides et des protocoles d’étude valides par de fausses statistiques. Il est en outre exigé des scientifiques qu’ils divulguent pleinement tous les biais possibles, comme leurs sources de financement et leurs conflits d’intérêts. Lorsqu’on viole tout aspect du code de conduite scientifique, cela est contraire à l’éthique non seulement intrinsèquement, mais aussi de manière extrinsèque, car cela peut nuire directement à des individus et à des populations lorsque ces recherches sont utilisées pour le développement. Il s’ensuit une méfiance de la communauté et un gaspillage de ressources (Coughlin et al., 2012:1). Souvent, le résultat peut être catastrophique. Tandis qu’il faut au minimum suivre les règles, Coughlin et al. postulent en outre que la clé de l’intégrité scientifique est la formation de chercheurs critiques capables et désireux d’assumer la responsabilité de leurs actions. L’instruction et le mentorat sont importants pour encourager les comportements éthiques comme aspect essentiel de l’éducation (2012:71-83).

V.9 Partage de savoirs et de technologie 119. Les pays développés comme ceux en développement risquent de faire face à des catastrophes liées à l’eau du fait des conditions météorologiques incertaines et de la surexploitation de ressources limitées et inégalement réparties, le tout étant exacerbé par le changement climatique et l’accroissement démographique dû non seulement à l’augmentation du taux de natalité, mais aussi à l’urbanisation croissante et à l’afflux de réfugiés. Il faut donc qu’il y ait un partage de savoirs et de technologie dans tous les aspects de la gestion des ressources en eau afin que l’on puisse appliquer les meilleures pratiques. Les eaux de la planète sont toutes reliées entre elles et, nonobstant la création de zones exclusives, il nous faut respecter le principe de bien commun.

120. Le partage de technologie a pour but de déterminer la mesure dans laquelle celle-ci permet de faire face à chaque situation, d’autant plus que le changement climatique induit une incertitude quant à l’offre future d’eau. Il faut évaluer avec soin la proportionnalité des outils, leur impact sur les humains et les écosystèmes, leur coût et leurs avantages, en consultant les communautés directement concernées par ces technologies.

- 29 -

Cas : La problématique de la sauvegarde de la ville de Saint Louis du Sénégal : quelles stratégies d’atténuation et d’adaptation des interventions en milieu fluviomaritime Les inondations qui ont menacé la ville de saint louis en 2003 ont provoqué l’ouverture d’une brêche pour évacuer les eaux en mer malgré la présence de l’embouchure du fleuve.

Contexte : érosion côtière et hausse du niveau de la mer (changement climatique) dans un écosystème fluviomaritime.

Conséquences :

• Élargissement du canal créé passant de 10 m à 5 km • Submersion de l’aire marine protégée, • Disparition et réapparition de l’île Doun Baba • Déplacement involontaire des populations • Mort de quelques 240 pêcheurs • Nouvelle dynamique

À la fois ville située sur un delta amphibie et ville maritime, Saint Louis est protégée par un fin cordon littoral qui lui sert de rempart et protège le delta contre les furies de l’océan : la Langue de Barbarie, elle s’étend de la Mauritanie à l'embouchure du fleuve Sénégal, à une trentaine de kilomètres en aval de St Louis. La construction du barrage de Diama sur le delta du fleuve Sénégal sert de retenue de la langue salée pour permettre l’irrigation des terres de la vallée. La Langue de Barbarie, à l’estuaire du fleuve, subit différentes formes d’érosion côtière et d’interventions agressives. Son équilibre avec l’embouchure naturelle est remis en cause. Depuis l’ouverture de la brêche en amont de l’embouchure, elle est devenue discontinue parce que déchiquetée. On constate d’autres ouvertures plus au sud, trois nouvelles embouchures pour ainsi dire. Le canal de délestage aujourd’hui une immense brêche (10 m à 5 km de large) est à la fois source d’espoir et de désolation pour les pêcheurs-marins et les populations de l’île Doun Baba Dièye dévastée dans sa grande partie par les eaux. Maintenant pour relier le village Tassinère à la ville de Saint Louis, la navigation fluviale est fortement perturbée. L’embouchure naturelle se colmate et il faut dévier son chemin vers la mer par un petit passage pour reprendre la route via la brêche.

• L’embouchure avait-elle cessé de jouer son rôle d’exutoire ? que va-t-elle devenir ou va-t-elle disparaitre à jamais ?

• Quel avenir nous réserve la nouvelle brêche ? • Quelles sont les conséquences de cette ouverture du canal sur le milieu fluvio maritime et

sur les populations ? • Dans quelles conditions peut-on stabiliser le canal de délestage ? • Comment assurer de meilleures conditions de navigabilité ? • Le reprofilage du canal ne s’impose-t-il pas ? • Faut-il envisager la construction d’une digue pour contrôler les échanges entre la mer et

le fleuve ? • Existe-t-il d’autres solutions alternatives à envisager ? • Avons-nous suffisamment pris la mesure des impacts biophysiques, socioéconomiques à

court, moyen et long termes du canal de délestage sur la ville de Saint Louis et sur le département ?

• Quels sont les impacts transfrontaliers de la brêche sur le littoral ?

Une reconfiguration de la LB est en train de se dessiner avec la brêche et avec la formation en cours d’une lagune nouvelle. L’évolution du colmatage progressif de l’embouchure peut créer un bras mort du fleuve. On peut s’attendre à une transformation du bras mort du fleuve par la naissance d’une lagune.

- 30 -

• N’y a-t-il pas un risque d’émergence de « zone morte» 2 dans un nouveau complexe (embouchure fermée – lagune - digue) du fait d’interventions humaines multiples?

• Dans le contexte d’une hausse probable du niveau marin dans le futur, ne court-on pas vers un risque plus grave de submersion marine, à moyen et à long terme, de l’île de Saint Louis ?

Dans cette perspective, les causes de nos inquiétudes se trouvent renversées : en lieu et place du fleuve, c’est la mer qui va dicter sa loi. Le régime hydrologique va se modifier : les crues du fleuve qui inondaient naguère la cité vont laisser la place à l’océan, il faudra s’adapter au rythme des marées. La question de la brêche relève d’une problématique d’aménagement du territoire communal et départemental de Saint Louis et à ce titre, elle mérite un traitement pluridisciplinaire orienté vers des solutions d’intégration.

VI. RECOMMANDATIONS

121. Renforcer et appliquer les conventions internationales actuelles relatives à l’eau :

a. Presser les gouvernements d’appliquer les conventions relatives au droit de la mer qu’ils ont ratifiées en adoptant, à l’échelle nationale, les lois requises pour, par exemple, empêcher la pêche illégale et non réglementée.

b. Adopter des méthodes scientifiques d’intégrité reconnue et modéliser des outils tout en veillant à ce que les interventions d’infrastructure s’inscrivent dans un processus plus large de « modernisation écologique » qui réponde aux aspirations des gens dans le cadre d’un paradigme écologique viable et socialement acceptable. Mise en place, par exemple, de réserves marines, de cultures d’algues comme cela se fait dans l’océan Indien.

122. Éducation et formation :

a. Éduquer, former et sensibiliser les décideurs et les scientifiques aux questions suivantes : i. reconnaissance des liens qui existent entre la biodiversité et la sécurité hydrique

(approche écocentrique, par exemple) et de l’importance d’une prise de décisions participative pour la réussite des projets ;

ii. amélioration de la compréhension interculturelle, y compris l’utilisation de savoirs traditionnels autochtones et locaux dans l’élaboration des politiques et dans la prise de décisions ;

iii. nécessité d’élaborer une éthique de l’eau avec des experts de toutes les disciplines les mieux à même d’analyser les problèmes, les parties prenantes pour qu’elles rendent compte de la perception du risque par le public, et les décideurs pour qu’ils présentent les conclusions des études d’experts au public ;

iv. adoption d’une approche de la gouvernance et de l’éthique de l’eau fondée sur les droits et écocentrique qui place notamment l’accent sur l’autonomisation des personnes, le respect interculturel, les besoins écologiques, l’équité, le principe de précaution et l’autonomie de gouvernement ;

v. nécessité de renforcer les capacités de prospective pour la planification stratégique en ce qui concerne l’avenir de l’eau pour inclure non seulement son utilisation dans divers secteurs, mais aussi les inondations, les sécheresses et les conflits entre utilisateurs ;

vi. reconnaissance de l’importance d’adopter des méthodes scientifiques d’intégrité reconnue et de modéliser des outils tout en veillant à ce que les interventions d’infrastructure s’inscrivent dans un processus plus large de « modernisation écologique » qui réponde aux aspirations des gens dans le cadre d’un paradigme écologique viable et socialement acceptable.

2 Zone devenue vulnérable par anoxie

- 31 -

b. Élaborer un programme d’éducation à l’éthique pour les jeunes à tous les niveaux d’enseignement et dans toutes les disciplines.

c. Procurer une formation appropriée qui évite d’imposer les valeurs occidentales pour permettre aux populations rurales, y compris les femmes, de participer à la prise de décisions.

(Commentaire : à compléter)

- 32 -

BIBLIOGRAPHIE

Abd El-Salam, M., and Abu-Zuid, G. 2015. “The impact of landfill leachate on the groundwater quality: A case study in Egypt.” Journal of Advanced Research, 6(4):579-586. Acreman, M.C. 1999. “Water and Ecology. Linking the Earth’s Ecosystems to its Hydrological Cycle.” Afers Internacionals, 45-46:129-144. Available at: http://www.raco.cat/index.php/revistacidob/article/viewFile/28129/27963 Acreman, M.C. 2004. Water and Ethics: Water and Ecology. Series on Water and Ethics. Paris: UNESCO. Available at: http://unesdoc.unesco.org/images/0013/001363/136355e.pdf Adeola, F.O. 2000. “Cross-National Environmental Injustice and Human Rights Issues: A Review of Evidence in the Developing World.” American Behavioral Scientist, 43(4):686-706. Ariffina, M. and Sulaiman, S. 2015. “Regulating Sewage Pollution of Malaysian Rivers and its Challenges.” Procedia Environmental Sciences, 20:168-173. Armstrong, A.C. 2009. “Viewpoint - Further Ideas towards a Water Ethic.” Water Alternatives, 2(1):138-147. Available at: http://www.water-alternatives.org/index.php/allabs/41-a2-1-9/file Bogardi, J.J. 2009. “Water Disasters and Ethics”, in Llamas, M.R., Martinez-Cortina, L. and Mukherji, A. (eds.). Water Ethics. Leiden: CRC Press/Balkema, pp.315-325. Clawson, M. and Knetsch, J. 2013. Economics of Outdoor Recreation. New York: Earthscan. COMEST. 2004. Best Ethical Practice in Water Use. Paris: UNESCO. Available at: http://unesdoc.unesco.org/images/0013/001344/134430e.pdf COMEST. 2015. Ethical Principles for Climate Change: Adaptation and Mitigation. Paris: UNESCO. Available at: http://unesdoc.unesco.org/images/0023/002345/234529E.pdf Coughlin, S.S., Barker, A. and Dawson, A. 2012. “Ethics and Scientific Integrity in Public Health, Epidemiological and Clinical Research.” Public Health Reviews, 34(1):71-83. UN-HABITAT. 2014. Realising the human rights to water and sanitation: A Handbook by the UN Special Rapporteur Catarina de Albuquerque. Portugal: UN-HABITAT. Available at: http://unhabitat.org/books/realising-the-human-rights-to-water-and-sanitation-a-handbook-by-the-un-special-rapporteur-catarina-de-albuquerque/ UNCTAD. 2015. Review of Maritime Transport 2015. Geneva: United Nations. Available at: http://unctad.org/en/PublicationsLibrary/rmt2015_en.pdf Doorn, N. 2013. “Water and Justice: Towards an Ethics of Water Governance.” Public Reason, 5(1):97-114. Environment and Climate Change Canada. 2014. Wastewater Pollution. Retrieved from Environment and Climate Change Canada: http://www.ec.gc.ca/eu-ww/default.asp?lang=En&n=6296BDB0-1 EuroStat. 2016. Freight transport statistics. January. Retrieved from Eurostat: http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Freight_transport_statistics#Main_statistical_findings

- 33 -

Fletcher, A. and Schonewille, R. 2015. Overview of resources on gender-sensitive data related to water. Gender and Water Series. United Nations World Water Assessment Programme (WWAP). Paris: UNESCO. Available at: http://www.unesco.org/new/fileadmin/MULTIMEDIA/HQ/SC/pdf/Overview_of_resources_on_gender_sensitive_data_related_t_01.pdf Gaard, G. 2010. “Women, Water, Energy: An Ecofeminist Approach”, in Brow, P.G., Schmidt, J.J. (eds.). Water Ethics: Foundational Readings for Students and Professionals. Washington, Covelo and London: Island Press, pp.59-75. Gartin, M., Crona, B., Wutich, A. and Westerhoff, P. 2010. “Urban ethnohydrology: cultural knowledge of water quality and water management in a desert city.” Ecology and Society 15(4):36. Available at: http://www.ecologyandsociety.org/vol15/iss4/art36/ United Nations General Assembly (UNGA). 2012. Resolution 64/292. The human right to water and sanitation, A/RES/64/292 (28 July 2012), Available at http://www.un.org/es/comun/docs/?symbol=A/RES/64/292&lang=E Glazebrook, T. and Kola-Olusanya, A. 2011. “Justice, Conflict, Capital, and Care: Oil in the Niger Delta.” Environmental Ethics, 33(2):163-184. Goel, P. 2006. Water Pollution: Causes, Effects and Control. New Delhi: New Age International. Greenpeace. 2010. The Toxic Ships: The Italian Hub, the Mediterranean Area and Africa. Available at: http://www.genovaweb.org/doc/Report-The-toxic-ship.pdf Groenfeldt, D. 2013. The Practical Importance of Water Ethics. Water-Culture Institute Discussion Paper, August 2013. Available at: http://www.waterculture.org/uploads/WEC_Background_Paper_-_16Aug2013.pdf Hardberger, A. 2005. “Life, Liberty, and the Pursuit of Water: Evaluating Water as a Human Right and the Duties and Obligations it Creates.” Northwestern University Journal of International Human Rights 4(2):331-362. Available at: http://ssrn.com/abstract=1873998 or http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.1873998 Hecht, D. and Andrew, D. 1997. The Environmental Effects of Freight. Paris: Organisation for Economic Co-operation and Development (OECD). Hefny, M. 2007. “Water Management Ethics in the Framework of Environmental and General Ethics: The Case of Islamic Water Ethics,” in Llamas, M.R., Martinez-Cortina, L. and Mukherji, A. (eds.). Water Ethics. Leiden: CRC Press/Balkema, pp.25-44. Hoekstra, A. and Mekonnen, M. 2012. “The Water Footprint of Humanity.” PNAS, 109(9):3232–3237. Holzman, D. 2011. “Methane Found in Well Water Near Fracking Sites.” Environmental Health Perspectives,119(7): A289. ICWE (International Conference on Water band the Environment). 1992. International Conference on Water and the Environment, Dublin Principles. Geneva: ICWE Secretariat. IPCC (Intergovernmental Panel on Climate Change). 2014. Climate Change 2014: Impacts, Adaptation, and Vulnerability. Part A: Global and Sectoral Aspects. Contribution of Working Group II to the Fifth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Cambridge and New York: Cambridge University Press. Available at: www.ipcc.ch/report/ar5/wg2/

- 34 -

ITOPF (The International Tanker Owners Pollution Federation Limited). 2015. Oil tanker spill statistics 2014. London: ITOPF. Available at: http://www.itopf.com/fileadmin/data/Documents/Company_Lit/Oil_Spill_Stats_2014FINALlowres.pdf Jennings, B., Heltne, P. and Kinzele, K. 2009. “Principles of Water Ethics.” Minding Nature, August:25-28. Johnson, B.-R. (ed) 2012. Water, Cultural Diversity and Global Environmental Change. Emerging Trends, Sustainable Futures? Paris: UNESCO; Dordrecht, Heidelberg, London, New York: Springer. Available at: http://unesdoc.unesco.org/images/0021/002151/215119E.pdf Kakoyannis, C. and Stankey, G.H. 2002. Assessing and Evaluating Recreational Uses of Water Resources: Implications for an Integrated Management Framework. Gen. Tech. Rep. PNW-GTR-536. Portland, OR: U.S. Department of Agriculture, Forest Service, Pacific Northwest Research Station. Kindler, J. 2009. “Ethics and Uncertainty in Integrated Water Resources Management with Special Reference to Transboundary Issues”, in Llamas, M.R., Martinez-Cortina, L. and Mukherji, A. (eds.). Water Ethics. Leiden: CRC Press/Balkema, pp.69-79. Kingsford, R. 2001. “Ecological Impacts of Dams, Water Diversions and River Management on Floodplain Wetlands in Australia.” Austral Ecology, 25(2):109-127. Liu, J., Dorjderem, A., Fu, J., Lei, X., Liu, H., Macer, D. and Zheng, Y. 2014. Water Ethics and Water Resource Management. Bangkok: UNESCO. Available at: http://unesdoc.unesco.org/images/0019/001922/192256E.pdf

Vega da Cuna, L. 2007. “Water a human right or an economic resource?”, in Llamas, M.R., Martinez-Cortina, L. and Mukherji, A. (eds.). Water Ethics. Leiden: CRC Press/Balkema, pp.97-114. McGregor, D. 2009. “Honouring Our Relations: An Anishinabe Perspective on Environmental Justice”, in Agyeman, J., Cole, P. and Haluza-Delay, R. (eds.). Speaking for Ourselves: Constructions of Environmental Justice in Canada. Vancouver, BC: University of British Columbia Press, pp.27-41. Monteny, G. 2001. “The EU Nitrates Directive: A European Approach to Combat Water Pollution from Agriculture.” Scientific World Journal. 12(1), Suppl 2:927-35. Nussbaum, M.C. 2000. Women and Human Development: The Capabilities Approach. Oxford: Oxford University Press. Nussbaum, M.C. 2006. Frontiers of Justice: Disability, Nationality, Species Membership. Cambridge, MA.: Harvard University Press. Petrie, B., Barden, R., and Kasprzyk-Hordern, B. 2015. “A review on emerging contaminants in wastewaters and the environment: Current knowledge, understudied areas and recommendations for future monitoring.” Water Research, 72:3-27. Pimentel, D., Berger, B., Filiberto, D., Newton, M., Wolfe, B., Karabinakis, E., Clark, S., Poon, E., Abbett, E. and Nandagopal, S. 2004. “Water Resources: Agricultural and Environmental Issues.” Bioscience, 54(10):909-918. Available at: http://bioscience.oxfordjournals.org/content/54/10/909.full

- 35 -

Popkin, B., D'Anci, K. and Rosenberg, I. 2010. « Water, Hydration and Health.” Nutr Rev, 68(8):439-458. Available at: http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2908954/ Priscoli, J.D., Dooge, J. and Llamas, R. 2004. Water and Ethics: Overview. Series on Water and Ethics. Paris: UNESCO. Available at: http://www.internationalwaterlaw.org/bibliography/articles/Ethics/Overview.pdf Qasim, W. and Mane, A. 2013. “Characterization and treatment of selected food industrial effluents by coagulation and adsorption techniques.” Water Resources and Industry, 4:1-12. Rabhi, P. 2010. Vers la sobriété heureuse. Paris: Actes Sud. Rai, J. S., Thorheim, C., Dorjderem, A. and Macer, D. 2010. Universalism and Ethical Values for the Environment. Bangkok: UNESCO. Available at: http://unesdoc.unesco.org/images/0018/001886/188607e.pdf Rawls, J. 1971. A Theory of Justice. Cambridge, MA: Harvard University Press. Risse, M. 2014. “The Human Right to Water and Common Ownership of the Earth.” The Journal of Political Philosophy, 22(2):178-203. Rozell, D. and Reaven, S. 2011. “Water Pollution Risk Associated with Natural Gas Extraction from the Marcellus Shale.” Risk Analysis, 32(8):1382-1393. Rucevska, I., Nellemann, C., Isarin, N., Yang, W., Liu, N., Yu, K., Sandnaes, S., Olley, K., McCann, H., Devia, L., Bisschop, L., Soesilo, D., Schoolmeester, T., Henriksen, R. and Nilsen, R. 2015. Waste Crime-Waste Risks: Gaps in Meeting the Global Waste Challenge. A UNEP Rapid Response Assessment. Nairobi and Arendal: United Nations Environment Programme and GRID-Arendal. Schlosberg, D. 2007. Defining Environmental Justice: Theories, Movements, and Nature. Oxford: Oxford University Press. Secretariat of the Basel Convention. 2011. Where are WEEE in Africa? Findings from the Basel Convention E-waste Africa Programme. Available at: http://www.basel.int/Portals/4/Basel%20Convention/docs/pub/WhereAreWeeInAfrica_ExecSummary_en.pdf Sen, A. 1985. “Well-Being, Agency and Freedom: The Dewey Lectures 1984.” The Journal of Philosophy, 82(4):169-221. Sen, A. 2000. Development as Freedom. New York: Anchor Books. Sharp, K. 2001. Water: Structure and properties. Philadelphia: E.R. Johnson Research Foundation. Sison, A.J. 2007. “Water and Wisdom as embodied in the Works of Thales of Miletus,” in Llamas, M.R., Martinez-Cortina, L. and Mukherji, A. (eds.). Water Ethics. Leiden: CRC Press/Balkema, pp.3-12. Smedley, P.L. and Kinniburgh, D.G. 2002. “A review of the source, behaviour and distribution of arsenic in natural waters.” Applied Geochemistry, 17(5):517-568. Smith, L. and Siciliano, G. 2015. “A comprehensive review of constraints to improved management of fertilizers in China and mitigation of diffuse water pollution from agriculture.” Agriculture, Ecosystems & Environment, 209:15-25.

- 36 -

Soeparjono, S. 2016. “The Effect of Media Composition and Organic Fertilizer Concentration on The Growth and Yield of Red Ginger Rhizome.” Agriculture and Agricultural Science Procedia, 9:450-455. Spang, E. 2014. “A thirst for power: A global analysis of water consumption for energy production,” in Grafton, R., Wyrwoll, P., White, C. and Allendes, D. (eds.). Global Water: Issues and Insights. Canberra: ANU Press, pp.131-138. Thielbörger, P. 2013. The Right(s) to Water: The Multi-Level Governance of a Unique Human Right. Berlin, Heidelberg: Springer-Verlag. United Nations. 1994. United Nations Convention on the Law of the Sea. New York: United Nations. Available at: http://www.un.org/depts/los/convention_agreements/texts/unclos/unclos_e.pdf United Nations. 1997. United Nations Convention on the Law of Non-navigational Uses of International Watercourses. New York: United Nations. Available at: http://legal.un.org/ilc/texts/instruments/english/conventions/8_3_1997.pdf United Nations. 2012. Managing Water under Uncertainty and Risk, The United Nations World Water Development Report 4. UNICEF. 2011. Protecting children from unsafe water in Gaza. Strategy, action plan and project resources. Summary document. UNCTAD. 2015. Review Of Maritime Transport 2015. Geneva: United Nations. Retrieved from http://unctad.org/en/pages/PublicationWebflyer.aspx?publicationid=1374 UNEP;IWMA. 2015. Global Waste Management Outlook. United Nations Environment Programme: United Nations Environment Programme (UNEP). United Nations. 2010. Water for Life Decade>>Human right to water. Retrieved from United Nations: http://www.un.org/waterforlifedecade/human_right_to_water.shtml United Nations. 2014. UN water-statistics. Retrieved from UN-Water: http://www.unwater.org/statistics/statistics-detail/en/c/260727/ United Nations. 2015. Sustainable Development Goals. Available at: http://www.un.org/sustainabledevelopment/sustainable-development-goals/ Accessed on June 8, 2016 United Nations. [n.d.]. Sustainable Development Goals. Goal 6: Ensure access to water and sanitation for all. Available at: http://www.un.org/sustainabledevelopment/water-and-sanitation/ Accessed on June 8, 2016 United States Environmental Protection Agency [n.d.]. Basic Information about Scientific Integrity. Available at: https://www.epa.gov/osa/basic-information-about-scientific-integrity United States Environmental Protection Agency [n.d.]. Water Resources. Available at: https://www3.epa.gov/climatechange/impacts/water.html UN-Water 2014, A post-2015 Global Goal for Water: Synthesis of key findings and recommendations from UN-Water. Available at: http://www.un.org/waterforlifedecade/waterandsustainabledevelopment2015/water_post2015.shtml

- 37 -

United Nations World Water Development Report (WWDR), 2014. Water and Energy, Volume 1. Paris: UNESCO. Available at: http://unesdoc.unesco.org/images/0022/002257/225741E.pdf USGS. 2016. Three Gorges Dam.Retrieved from USGS: http://water.usgs.gov/edu/hybiggest.html Villholth, K. 2007. “Water and ethics in food production and provision - How to ensure water and food security and equity into the 21st century?” In M. R. Llamas, L. Martínez-Cortina, and A. Mukherji, Water ethics (pp. 81-95). Santander: CRC Press/Balkema. Warner, N. 2013. Impacts of Shale Gas Wastewater Disposal on Water Quality in Western Pennsylvania. Environmental Science and Technology. Water Ethics Network. 2015. Water Ethics Charter (Draft 2.0). Available at: http://waterethics.org/the-water-ethics-charter/ World Bank. 2003. Water Sanitation and Hygiene. Available at: http://web.worldbank.org/archive/website01213/WEB/0__CO-81.HTM Xylem. 2014. Water use in oil and gas. Retrieved from Xylem: http://oilandgas.xylem.com/en-us/industries/oilandgas/Documents/WhitePapers/Water%20Use%20Oil%20Gas.pdf YANG, X.-e., WU, X., HAO, H.-l., and HE, Z.-l. (2008). Mechanisms and assessment of water eutrophication. Yang et al. / J Zhejiang Univ Sci B, 197-209. Zeitoun, Mark. 2013. “Global Environmental Justice and International Transboundary Waters : an Initial Exploration.” The Geographical Journal 179 (2):141-149.