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Promotion culturelle à l’étranger : diplomatie ou marketing ? Le cas des Instituts Culturels Nationaux à Paris Olivia Horvath Janvier 2014

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Promotion culturelle à l’étranger : diplomatie ou marketing ?

Le cas des Instituts Culturels Nationaux à Paris

Olivia HorvathJanvier 2014

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Master Marketing et communication des entreprises Paris, promotion 2013 - 2014Université Paris 2 Panthéon Assas | Formation continue Janvier 2014

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Prologue. Une histoire personnelle

Cette dissertation porte sur des entités qui ne relèvent pas naturellement du marketing. Cette difficulté dans la conception de l’argument fait que la démonstration théorique qui soutient mon analyse empirique prend une place importante et se revendique également des domaines hors du marketing.

Il s’agit notamment d’un raisonnement au croisement de trois domaines, intrinsèques à l’activité des organisations étudiées : la culture, la diplomatie, et le marketing territorial.

Suite à mon expérience de trois ans dans la fonction de responsable communication externe d’un institut culturel national, j’ai estimé nécessaire la démarche de situer ces institution dans leur définition actuelle, celle réelle, au-delà des énoncés officiels de mission. La formation en marketing que j’ai choisi de suivre à l’Université Paris 2 Panthéon Assas m’a apporté les outils et les aptitudes nécessaires pour faire cette analyse.

Remerciements

La réalisation de ce mémoire a été possible grâce au concours de plusieurs personnes à qui je tiens témoigner ma reconnaissance.

Tout d’abord, merci, Frédéric Beau, pour m’avoir offert la confiance en moi-même, pour ton esprit toujours optimiste, pour ton soutien assidu et rationnel. Le reste ne rentre pas dans l’espace d’un mémoire.

Je voudrais adresser ma gratitude au tuteur de ce mémoire, Philippe Legendre, pour sa confiance, son aide et le temps qu’il a consacré à mon travail.

Mes remerciements aux cinq interviewés Lizzy, de British Council, Giulia de l’Istituto Italiano di Cultura, Haïfa de l’Instiut du Monde Arabe, Marzena de l’Instytut Polski et Gunilla de Svenska Institutet, et aux 130 personnes qui ont participé au sondage d’opinion, pour avoir consacré le temps de répondre à mes questions.

Mes remerciements à Katia Danila, Directrice de l’Institut culturel roumain de Paris (2010 – 2012) et à Horia Roman-Patapievici, le Président de l’Institut culturel roumain de Bucarest (2005 – 2012) pour le management professionnel et démocratique qu’ils ont exercé. Je suis convaincue que dans la période ci-dessus mentionné, l’Institut culturel roumain a été l’institution publique roumaine la plus évoluée. Mes analyses critiques et j’espère raisonnées suivent dans ce mémoire. Entre autres, Katia à Paris et Horia à Bucarest ont toujours mis en œuvre des politiques de ressources humaines correctes, un rare exploit dans l’environnement donné.

Ma reconnaissance aux collègues de promotion pour avoir fait de cette année intense d’études un « sport » d’équipe.

Je souhaite également remercier Amelia Tue pour m’avoir inlassablement encouragé à m’inscrire à ce master, et pour m’avoir appris, il y a longtemps, les avantages d’un logiciel de feuilles de calcul.

Et très important, mulţumesc Rodica et Adrian Horvath, pentru toatã iubirea voastrã, toatã viaţa mea ! (Merci Rodica et Adrian Horvath pour tout votre amour, tout au long de ma vie !)

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PROMOTION CULTURELLE À L'ÉTRANGER : DIPLOMATIE OU MARKETING ? LE CAS DES INSTITUTS CULTURELS NATIONAUX À PARIS

TABLE DE MATIERES

1. Introduction .............................................................................................................................................................. 5

1.1 Méthodologie ..................................................................................................................................................... 6

1.2 Critères de définition du terrain de recherche : le choix des instituts................................................................ 6

2. L’écosystème des instituts culturels nationaux : entre diplomatie, industries culturelles et marketing ................ 6

2.1 Diplomatie: la route de la préhistoire à 2.0. La sortie dans l'Agora .................................................................... 7

Culture, diplomatie et image: soft power ............................................................................................................. 8

2.2 La culture, catalyseur d'innovation et source de revenus ................................................................................. 8

2.3 Marketing territorial ......................................................................................................................................... 10

Branding pays : l’engrenage ................................................................................................................................ 11

3. Une définition réelle des instituts culturels nationaux .......................................................................................... 12

4. Le produit culturel – clé de voute de l’activité des ICN ......................................................................................... 14

4.1 L’oeuvre comme produit ? ................................................................................................................................ 15

4.2 La place du besoin culturel .............................................................................................................................. 15

4.3 Spécificités du produit culturel ........................................................................................................................ 17

5. Le contexte de l’activité des ICN à Paris ................................................................................................................. 18

5.1 Marché culturel francilien : chiffres clés .......................................................................................................... 19

5.2 La participation culturelle en France ............................................................................................................... 20

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5.3 Sondage d’opinion : le public des ICN .............................................................................................................. 21

6. Marketing non-profit, un paradoxe ?.................................................................................................................... 23

7. En guise de résumé ............................................................................................................................................... 25

SWOT généraliste sur l’activité des ICN en IdF ................................................................................................... 25

8. Six instituts culturels nationaux à Paris : analyse empirique ................................................................................ 26

« Propension marketing » ................................................................................................................................... 27

British Council ..................................................................................................................................................... 27

Istituto Italiano di Cultura ................................................................................................................................... 31

L’Institut du Monde Arabe .................................................................................................................................. 33

Institutul Cultural Român.................................................................................................................................... 35

Instytut Polsky .................................................................................................................................................... 37

Svenska Institutet ............................................................................................................................................... 38

9. Le cadre d’analyse de la propension marketing des ICN étudiés .......................................................................... 40

9.1 Méthode d’évaluation de la « propension marketing » selon types d’organisation : un score sur de 1 à 5 ... 41

9.2 Positionnement des ICN étudiés selon le score « propension marketing » .................................................... 42

10. Défis et opportunités : marketing pays à travers le produit culturel .................................................................... 46

10.1 Les parties prenantes : qui est le client .......................................................................................................... 46

10.2 Flux financiers et responsabilité ..................................................................................................................... 47

11. Conclusion : une démarche structurelle pour une vision à long terme ............................................................... 48

Liste des abréviations ................................................................................................................................................. 52

Liste de graphiques, tableaux et images ..................................................................................................................... 52

Bibliographie ............................................................................................................................................................... 53

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EN Abstract

Basing its argument on a theoretical demonstration of the major role played by the cultural product in a country branding process, this paper tests the hypothesis that the National Cultural Institutes of the European Union member states, based in Paris, use marketing techniques but not as a strategic practice. In the first chapters these organizations have been defined, beyond their declared mission statements, taking into consideration the span of their actual functioning and their environment. In the second phase, this dissertation uses an organizational analysis framework, applying marketing relevant criterion, to evaluate the degree of marketing provisions in the strategy and functioning of the institutes. The findings confirm the hypothesis in the case of the majority of the six organizations that have been examined.

FR Résumé

Ce mémoire se fonde sur une démonstration du rôle fondamental joué par le produit culturel dans le processus de branding pays. Prenant les Instituts culturels nationaux des états membres de l’Union Européenne, basés à Paris, comme objet d’étude, on vérifie l’hypothèse que les techniques de marketing ne font pas partie de leurs démarches stratégiques institutionnelles. Dans les premiers chapitres, ces organisations ont été définies, au-delà de leur déclaration officielle de mission, prenant en compte leur fonctionnement et leur environnement actuels. Dans une seconde phase, cette étude utilise un cadre d’analyse organisationnelle croisé avec des critères relevant du marketing pour évaluer le degré de propension naturelle des organisations étudiées vers le marketing, comme élément constitutif de leur stratégie à long terme.

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1. INTRODUCTION

Ce mémoire prend ses origines dans une expérience personnelle de travail pour un Institut culturel national (ICN). Les difficultés rencontrées dans ma mission de responsable de la communication externe m’ont amené instinctivement vers l’hypothèse que ces organisations n’ont pas encore trouvé le mode de fonctionnement adéquate à leur mission ainsi qu’à leur métier.

J’ai choisi de tester cette supposition à travers une comparaison de six des ICN de Paris, appartenant aux états membres de l’Union Européenne. En encadrant ces organisations par rapport à leur rôle et leur environnement actuels, j’ai constaté que leur principale fonction se définie autour du processus de création de marque pays. Dans une discussion sur les théories et les applications actuelles du concept de soft power et d’idées connexes, cette observation sera illustrée dans la première partie du présent mémoire.

Le marketing n’est pas une discipline qui surgit naturellement dans le domaine de la culture ou de la formation, et encore moins dans le milieu des organisations diplomatiques comme les ICN. Provenant d’un univers commercial, la technique marketing est encore regardée comme une discipline éloignée, presque immorale, pour une démarche d’intérêt général.

Dans une discussion sur ce sujet avec un architecte j’ai reçu cette demande intriguée : l’ouverture d’un nouveau Starbucks dans une ville était-elle comparable à l’ouverture d’un institut culturel. Ma réponse d’alors demeure : oui. Il est possible de comparer les deux démarches. Le produit qui structure l’activité des deux entités est en effet très différent. Nonobstant, les ICN et Starbucks ont deux choses importantes en commun : ils sont des fournisseurs de services (leur métier), et des « architectes » d’une image de marque (leur mission identitaire).

Le siècle est nouveau. Les ICN, institutions traditionnelles de propagation soft power à travers des relations diplomatiques, sont soumises aux évolutions de leur monde. Internet, ouverture, performance économique, solidarité internationale, participation : voici quelques mots clés du présent.

Dans ce nouvel environnement ou les ICN sont une pièce de l’engrenage du branding pays on ne peut plus contourner le marketing dans l’analyse de ces organisations et encore moins dans la planification stratégique de leur fonctionnement. Malgré cela, au premier regard les techniques de marketing ne sont pas considérées dans la stratégie globale de la majorité des institutions examinées.

Pour cela j’ai choisi de fonder la comparaison des six organisations d'après un cadre d’analyse organisationnelle auquel des critères spécifiques marketing ont été appliqués. Cela permet de porter un regard sur l’ensemble de la structure organisationnelle, afin de tirer une conclusion sur la correspondance entre le rôle réel des ICN et leur structure, mission et métier.

Envisageant les ICN comme des créateurs de marque pays, la question qui structure mon analyse dans la deuxième partie du mémoire porte sur une évaluation de l’orientation naturelle, structurelle, des ICN vers le marketing. En fonction de cette « propension naturelle » vers les techniques stratégiques marketing, on peut étudier la corrélation entre leur vocation professionnelle d’institutions culturelles, leur mission d’architectes de l’image de pays à l’international, et leur structure d’institutions publiques diplomatiques.

La littérature sur les instituts culturels nationaux est peu abondante et les études de marketing que j’ai pu trouver ne les mentionnent pas. Comme définition de base, on peut avancer que les ICN sont des institutions culturelles agissant à l’extérieur de leur pays d’origine, comme représentantes diplomatiques nationales. Mais, comme nous allons voir par la suite, il est difficile aujourd’hui de confiner ces organisations au domaine de la diplomatie.

La réalisation de cette étude est largement facilitée par le fait qu’on se trouve à Paris. Cette ville est le carrefour le plus important des relations internationales culturelles au monde, avec le plus grand nombre d’institutions culturelles étrangères actives sur un territoire. 51 pays ont choisi d’investir pour leur promotion culturelle dans la ville de Paris et on suppose qu‘une des raisons pour cela est le fait d’une dynamique forte du marché français de la culture.

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1.1 METHODOLOGIE

Pour évaluer l'orientation marketing des instituts analysés des méthodes de recherche qualitatives et quantitatives ont été utilisées. Des entretiens avec des responsables de communication et un sondage auprès du public des instituts étudiés ont été réalisés. Le croisement de la documentation existante sur les ICN et les conclusions tirées des entretiens ont permis de déterminer une définition actuelle des ICN. Une recherche documentaire a été déployée pour définir le juste paradigme marketing à utiliser dans l’analyse. Enfin, une analyse structurelle de ces organisations d’un point de vue marketing et selon la classification d’Henry Mintzberg a permis la détermination d’un « score de propension marketing » (la tendance naturelle de ces structures à s’orienter vers ce domaine) et les évaluer sur une échelle de 1 à 5.

1.2 CRITERES DE DEFINITION DU TERRAIN DE RECHERCHE : LE CHOIX DES INSTITUTS

Par rapport à leur représentativité administrative au niveau européen, six instituts ont été choisis parmi les 51 présents en France.

La capacité d’adopter un fonctionnement de type marketing dépend premièrement de l’organisation administrative d’une entité. Pour comparer des cultures administratives et des civilisations similaires, le terrain de recherche a été limité à l'Union Européenne (UE) : la Suède, le Royaume-Uni, l'Italie, la Roumanie et la Pologne. Seul l’Institut du Monde Arabe (IMA) est une institution hybride, promouvant une culture non-européenne, mais financée et gérée par l'administration publique française. L'IMA a été rajouté à la sélection pour avoir une bonne représentation des différents types d’organisation des ICN.

Entre les ICN de Paris nous retrouvons des institutions de l’administration publique, plus ou moins rattachées au ministère des affaires étrangères du pays d’origine et des organisations de la société civile. Le choix de la recherche couvre ces formules (voir chapitre 10).

Un dernier instrument qui a été utilisé dans le choix des organisations étudiés sont les classements mondiaux des marques pays. Nous avons pris comme référence le dernier publié, le « National Goodwill Observer »1 (NGObs). Réalisée en 2012 par W, Havas Design+, Ernst & Young, Cap et HEC Paris, l'observation porte sur les ressources immatérielles de 26 pays. Analysant l’image instantanée et celle projetée des pays étudiés2 les états sont classés en fonction de leur compétitivité à l’international. Les six instituts culturels inclus représentent les quatre catégories de pays définis par le NGObs : l'Italie (les latins), la Suède et le Royaume Uni (le groupe « performers »), la Pologne, (les « top-émergeants »). Dans la catégorie « next generation » le NGObs place exclusivement des pays non-européens. Une comparaison avec les pays UE, à travers des équivalences d'autres classements3

2. L’ECOSYSTEME DES INSTITUTS CULTURELS NATIONAUX : ENTRE DIPLOMATIE, INDUSTRIES CULTURELLES ET MARKETING

, a montré que la Roumanie se rapproche le plus des pays inclus dans cette catégorie next generation.

PREMIERE PARTIE : ENCADREMENT THEORIQUE

Les ICN naissent après la Première Guerre Mondiale (1914 – 1918). Ces structures - initiateurs, commanditaires et administrateurs de politique culturelle étrangère - apparaissent au même moment que les grandes institutions internationales. Historiquement c’est la France qui fonde le premier établissement de ce genre – Le Bureau des écoles

1HEC Paris, Nation Goodwill Observer, http://www.hec.fr/Salle-de-presse/Actualites/Premiere-edition-du-Nation-Goodwill-Observer-la-marque-pays-un-atout-dans-la-mondialisation 2L'étude a défini l’image «instantanée» du pays comme celle fondée sur la performance économique du pays, son potentiel d’innovation, son attractivité et son développement humain. L’image «projetée» est celle fondée sur la capacité perçue du pays à être compétitif dans des conditions de mondialisation. 1000 leaders économiques et d'opinion internationaux ont était interrogés. 3 Bloom Consulting Country Brand Ranking (http://bloom-consulting.com/en/country-brands-ranking) et Future Brand Country Brand Index (http://www.futurebrand.com/foresight/cbi).

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et des œuvres – une structure qui coordonne dès 1909 les différentes agences culturelles françaises à l’étranger, ayant pour but la promotion de la culture française. En 1923 le Ministère des affaires étrangères Français crée un office dédié à la diplomatie culturelle, le premier du genre.

En Allemagne le concept apparait en 1912. Malgré la mise en place rapide des structures étatiques, comme le précurseur du Goethe Institut, 4 celles-ci ne ciblent pas un public étranger, comme les françaises, mais les communautés d’allemandes expatriées. En Italie les Instituti Italiani di Cultura sont, à la base, un instrument de propagande établi en 1926 par Benito Mussolini, afin de diffuser dans le monde entier des informations sur l’idéologie fasciste. La Grande Bretagne suit cette évolution en créant en 1934 le British Council, une fondation liée au Foreign & Commonwealth Office5

Dans les années 1980 les politiques culturelles étrangères entament « un processus de rapprochement de l’intérêt de gagner des parts du marché internationales des industries culturelles. »

qui se concentre sur la diffusion de la langue anglaise dans le monde. Les Etats Unis établissent leur premier politique du genre en 1936, comme réponse à la propagande culturelle nazi en Amérique latine.

Dans ses premières années la politique culturelle internationale tourne autour du nationalisme. La stigmatisation de la « propagande culturelle » après les guerres et l’établissement de l’UNESCO, en 1945, rendent les politiques culturelles plus ouvertes à la collaboration entre les pays et donnent naissance aux idées de démocratisation de la culture. L’intérêt national reste prévalent dans chaque structure. L’idée de rayonnement culturel à l’étranger s’ouvre graduellement aux sciences et aux technologies.

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2.1 DIPLOMATIE: LA ROUTE DE LA PREHISTOIRE A 2.0. LA SORTIE DANS L'AGORA

Cette évolution est aussi influencée par la montée en puissance de l’importance du développement des marques pays dans une économie globalisée.

Aujourd’hui, l’activité des ICN se place au croisement de trois univers : la diplomatie, le marketing territorial et les industries culturelles. Pour arriver à une définition viable et actuelle des ICN nous devons aborder, en suite, leur relation aux domaines qui touchent leur activité.

La diplomatie est, d’après le dictionnaire Larousse, « l’action et la manière de représenter son pays auprès d'une nation étrangère et dans les négociations internationales ». La diplomatie nait comme une alternative à la guerre dans les Temps Modernes. Avec la théorisation de Jus gentium (droit des Etats) l'ancien « émissaire » envoyé dans des pays étrangers est investi de pouvoirs de négociation. La négociation diplomatique devient ainsi l'alternative aux armes dans les relations entre divers territoires. C'est le début de l'état moderne, avec sa raison d'état, la doctrine de l'intérêt national, définit comme la préservation du territoire et du gouvernement et les relations internationales, sont guidées par ce concept.

Deux révolutions sociétales changent radicalement la diplomatie au vingtième siècle. La seconde guerre mondiale avec ses 70 millions de pertes humaines détermine les pouvoirs mondiaux à trouver une solution plus viable d’alternative à la guerre que la simple diplomatie : l'idée d’accroître l’interdépendance économique entre les états. Pour preuve, la base la plus importante de coopération dans l’UE, même à ce jour, est le marché unique et l’interdépendance économique entre les états.

Le premier changement radical est celui du concept de la raison d'état. Dans le monde post-industrialisé la performance économique d’un pays devient le but premier. L'intérêt national prioritaire pour un état n’est plus la sûreté de son territoire mais sa sûreté économique – sa compétitivité internationale.

De plus, la globalisation confère des pouvoirs politiques de facto aux corporations, et transforme la configuration des acteurs sur la scène internationale. A côté des états, les grands intervenants économiques deviennent acteurs des relations politiques internationales.

4 La Deutsche Akademie, en 1923. 5 Le Ministère britannique d’affaires étrangères. 6 Paschalidis, G., Exporting National Culture : Histories of Cultural Institutes Abroad, International Journal of Cultural Policy, Vol. 15/3 : 2009

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La deuxième mutation est celle de l'éducation. Avec la popularisation de l’éducation, le vingtième siècle est le siècle des « lumières populaires ». La propagation de l'éducation à tous niveaux de la société confère un rôle de plus en plus important au peuple. Résultat, l'opinion publique devient un facteur obligatoire dans la décision politique.

Ainsi, le rôle des diplomates dans un tel contexte n'est plus confiné derrière les portes fermées du palais. Ils deviennent des porte-paroles de leur pays devant un autre type d’auditoire : l'opinion publique. Leur action est maintenant soumise à l'objectif primordial des états postmodernes : la performance économique et la compétitivité globale. Il s’agit d’un dialogue ouvert où les interlocuteurs se diversifient. La diplomatie postmoderne s’adresse donc à deux types de public : les décideurs dans le pays de destination (dialogue classique) et le grand public (dialogue postmoderne).

Cette forme de diplomatie qui cible les masses est généralement nommée diplomatie publique, et définie comme «la tentative d'un acteur international de gérer l'environnement international par l'engagement avec un public étranger».7

La diplomatie publique a été définie dans les Etats Unis à l’époque de l’USIA (United States Information Agency - L'Agence d'information des Etats Unis). Son rôle primordial était celui d'expliquer aux diverses publics à l'étranger les politiques gouvernementales des Etats Unis. En 1963 le président John Kennedy transforme cette agence d'un communicateur dans un acteur, en lui avançant le défi « d'aider à la réalisation des objectifs de politique externe des Etats Unis en influençant les attitudes des publics dans d'autres pays ».

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En s’adressant à l'USIA il indique: «L'influence des attitudes peut être exercée à travers l'usage ouvert des diverses techniques de communication - contact personnel, diffusion radio, bibliothèques, publications de livre, presse, cinéma, télévision, expositions, cours de langue anglaise. »

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CULTURE, DIPLOMATIE ET IMAGE: SOFT POWER

Voici le cœur de mission adopté ultérieurement par tous les instituts culturels nationaux du monde.

Un élément central de la diplomatie publique est la diplomatie culturelle, c'est-à-dire l'utilisation de la culture d'un pays pour s'adresser aux publics étrangers et projeter une image positive à l'international.

La diplomatie culturelle est en substance la mobilisation de ce que Joseph Nye définis comme « soft power » (la puissance douce) ou la diplomatie d’influence. Dans les mots de Nye, le soft power « repose sur la capacité de former les préférences »10 et consiste dans le pouvoir d’influencer indirectement le comportement d’un acteur à travers des moyens non coercitifs. Nye précise que « la puissance douce d'un pays repose principalement sur trois sources : sa culture, ses valeurs et ses politiques étrangères. »11

2.2 LA CULTURE, CATALYSEUR D'INNOVATION ET SOURCE DE REVENUS

En permettant à un pays d'exposer d'autres nationalités à sa culture, d'augmenter les connexions personnelles entre les individus, la diplomatie culturelle permet de rendre l'image d'un pays plus séduisante dans les yeux de l’audience étrangère.

Par leur nature d’instances de la politique étrangère d’un pays, les ICN sont les premiers porteurs de la diplomatie culturelle.

7 Cull, J. N. (April 2007). Public Diplomacy: Lessons from the Past, http://uscpublicdiplomacy.org/publications/perspectives/CPDPerspectivesLessons.pdf 8 Memorandum From President Kennedy to the Director of the U.S. Information Agency, Washington, Janvier 1963, dans Patterson, D., Foreign Relations of the United States, 1961 - 1963, Vol. XXV, Organization of Foreign Policy; United Nations; Scientific Matters, United States Printing Office, Washington 2001. 9 Memorandum From President Kennedy to the Director of the U.S. Information Agency, Washington, Janvier 1963, dans Patterson, D., Foreign Relations of the United States, 1961 - 1963, Vol. XXV, Organization of Foreign Policy; United Nations; Scientific Matters, United States Printing Office, Washington 2001.. 10 Nye, J. , Soft Power: The Means to Success in World Politics, Public Affairs 5/2004, New York 11 Idem, pg. 5

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En fin, nous devons passer un moment sur l’objet qui structure l’activité des ICN – la culture et l’héritage. Aujourd’hui la culture est un acteur économique incontournable.

Selon le Rapport sur la compétitivité européenne 201012, le chiffre de l'emploi dans la culture est de 3% dans l’UE. Dans sa Communication « Promouvoir les secteurs de la culture et de la création pour favoriser la croissance et l’emploi dans l’Union européenne »13

Dans le nouveau cadre budgétaire 2014-2020 de l’UE les industries culturelles prennent une place plus importante avec le programme de financement Europe créative.

la Commission Européenne mentionne une contribution du secteur des industries culturelles au PIB des pays UE27 de 3,3%, et 6,7 millions d'emplois dans le secteur. Ces chiffres prennent en compte un nombre limité d’industries culturelles : l’édition, l'audiovisuel, la programmation et la diffusion, les arts créatifs et le spectacle vivant et les institutions culturels. Dans des domaines connexes tels que les industries de la mode et du luxe, la

contribution au PIB UE27 est de 6% et le chiffre d'emploi de 4 millions de personnes.

14

Une autre mesure notable au niveau européen est l'initiative de la Commission datant de 2011 pour la création d'un marché unique des droits de propriété intellectuelle. 39% de l’activité économique totale de l’Union européenne (environ 4,7 milliards d’euros

par an) est générée par les secteurs où les droits de propriété intellectuelle jouent un rôle prépondérant. La Commission propose donc un brevet à effet unique, une législation commune sur la gestion collective des droits d'auteurs, une législation en matière d’œuvres orphelines, etc.

Cette préoccupation pour les industries culturelles n’est pas étrangère à la France, pays de tradition dans ce domaine et source de la fameuse et débattue « exception culturelle », désormais européenne.

Cet instrument bénéficiera d’un budget de 1,46 milliards d'euros.

Selon une étude de 2013 du Ministère de la Culture et de la Communication, l'exportation française des produits culturels a augmenté de 30,6% entre 2000 et 201115

12 Commission Européenne, Synthèse du rapport 2010 sur la compétitivité européenne,

. En 2011, la balance commerciale représentait € 645,5 millions. La majorité de l'exportation culturelle de la France se fait vers les pays d’Union Européenne. En 2011 la France a exporté des produits culturels pour 2781 milliards d'euros et en a importé pour 2414 milliards (livres, presse, phono-vidéogrammes, partitions musicales, instruments de musique et objets d'art).

www.eurosfaire.prd.fr/7pc/bibliotheque/consulter.php?id=2095 : 2010 13 Commission Européenne, Promouvoir les secteurs de la culture et de la création pour favoriser la croissance et l’emploi dans l’Union européenne, Communication de la commission au parlement européen, au conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions, COM(2012) 537 final, Bruxelles : 26.09.2012 14 Voir http://ec.europa.eu/culture/creative-europe/index_fr.htm 15 JAUNEAU, Y., Le poids économique direct de la culture, Economie de la Culture et de la communication, no. 3, Ministère de la culture et de la communication : 2013

Source: INSEE, base Esane (chiffres 2011) pour le chiffre d’affaires des branches d’activités et Erns & Young pour l’estimation des impacts des industries culturelles et créatives

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La contribution directe de la culture au PIB français en 2011 est de 2,2%, hors les bénéfices indirects dans des domaines connexes comme le tourisme, ou l'industrie du papier.16 Selon une étude Ernst & Young, élaborée pour le Forum d’Avignon 17 les industries créatives en France ont généré en 2011 plus de 74 milliards d'euros, employant 1,2 million de personnes. 18

Par leur nature d’institutions culturelles nationales agissant à l’extérieur d’un pays, les ICN deviennent automatiquement des exportateurs de produits culturels

et conséquemment des acteurs des industries culturelles et créatives.

2.3 MARKETING TERRITORIAL

Avec la globalisation, les ADN des joueurs sur la scène internationale se croisent de plus en plus : les états sont comparables aux grandes compagnies et ces dernières sont comparables aux états, d’un point de vue politique. L'intérêt national n’est plus confiné à la nation, mais devient un but de compétitivité économique.

« Réparez l'économie et la démocratie suivra », écrit Seymour Martin Lipset en 195319

L’état devient ainsi une marque. Selon Benoît Heilbrunn « au premier niveau de lecture, la marque est un signe distinctif mis sur un objet pour le distinguer (…) afin de créer de la préférence sur des marchés concurrentiels. Au second niveau, la marque a pour fonction de valoriser les produits et services au-delà de leur ancrage strictement fonctionnel. »

. Beaucoup d'auteurs ont défini l'administration publique en mettant l'accent sur ses réalités économiques, plutôt que sur son aspect politique. Si le dix-neuvième siècle a inventé l’état-nation le vingt-et-unième développe l’état-entreprise. Le rôle de l’état est d’assurer le rendement économique du territoire. Le rôle de l'état comme acteur économique est donc incontestable.

Avec cette disparition des frontières entre état et activités économiques, la diplomatie ne peut plus être dissociée de l’économie. Subséquemment, on peut définir la nouvelle diplomatie comme un instrument économique et de construction d'image à l’international.

20 La diplomatie publique et culturelle joue un rôle central dans la création et la promotion d’une marque pays surtout par rapport au suivant trait de la marque : la « capacité à créer de la valeur économique en projetant sur les biens des valeurs émotionnelles (…) renvoie in fine à la notion de légitimité qui conditionne la façon dont la marchandise est rendue visible et désirable. »21

16 Idem 17 Le Forum d’Avignon est un Think Tank français qui se réunit deux fois par an à Avignon et a pour but de générer des études et un processus de réflexion encourageant le développement des industries culturelles. 18 Ernst & Young Advisory , 1er panorama des industries culturelles et créatives. Au cœur du rayonnement et de la compétitivité de la France, Forum d’Avignon : Novembre 2013 19Lipset, S.M., Some Social Requisites of Democracy: Economic Development and Political Legitimacy, The American Political Science Review 53 : 1959 20Heilbrunn, B., « En avant marque ! » L'autorité des marques comme système fonctionnel, Médium, no. 12 : 2007 21 Idem

Source : Europa, IIPA, Unesco, DEPS, ministère des Affaires étrangères et européennes – 2012 / étude Ernst & Young et http://www.cbi.org.uk

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BRANDING PAYS : L’ENGRENAGE

« L’image nationale est comme un camion à remorque sans roues, et imaginer qu'elle peut vraiment être changé à travers un moyen aussi faible comme la communication marketing est une désillusion extravagante. » (Simon Anholt)

Simon Anholt, le créateur du système de classification des pays en fonction de leur capital de marque, affirme que la diplomatie publique est un sous-ensemble de la création de marque pays. Le branding22

Les ICN, objet de cette étude, sont porteurs de l’image nationale pour la culture et l’héritage et pièce de l’engrenage de construction de la marque pays.

national est une harmonisation de divers aspects de la nation: les gens, le sport et la culture, les produits, le tourisme, les investissements, le commerce, le recrutement du talent, et la politique.

L’hexagone du processus de création d’une marque pays (place branding) selon Simon Anholt

Dans sa définition du « brand » (image et promesse de marque) Arnholt insiste toujours sur le fait que « brand image is the context in which messages are received, not the messages themselves. »23

La complexité de la diplomatie publique consiste dans le dialogue qu’elle gère avec le public général. « Les opinions du public sont plus faciles à mesurer et comprendre mais beaucoup plus difficiles à altérer que celles des gouvernements

(L'image de marque est le contexte dans lequel un message est transmis, non pas le message en lui-même).

Si le brand d'une nation dépend du contexte de sa diffusion, alors la promotion culturelle du pays est de première importance dans la création de cette marque.

22 Nous allons utiliser dans ce mémoire le terme anglais branding pour définir la stratégie de création et de promotion d’une marque pays. Par rapport au terme « marque pays », branding comprends une notion plus complexe qui fait référence pas seulement à la marque déjà existante mais aussi à sa stratégie de développement et promotion : « C'est notable que là où la langue française n'utilise qu'un seul mot (la marque), les Anglo-saxons différencient "trademarks" (les signes déposés, concept juridique) et "the brand", cette identité nominale ou symbolique qui porte une promesse incarnée dans des produits ou services. » (Kapferer, J-N., France: Pourquoi penser marque ?, Revue française de gestion, no. 218-219 : 2011). 23Anholt, Simon - Public Diplomacy and place branding: Where's the link?, Place Branding 2006, Vol. 2, 4, 271-275, Palgrave Macmillan : 2006.

Source: Anholt, S., Branding Places and Nations, dans Clifton, R. , Simmons, J., coord., Brands and Branding, The Economist & Profile Books, London : 2003

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et diplomates. »24

« Le branding et le marketing adoptent la clarté scientifique de la pensée et l'observation rigoureuse de la psychologie humaine, de la culture et de la société. Ils mixent les connaissances approfondies de management avec le management sensible interculturel. Ceci amène ensemble le commerce et la culture comme une force pour la création de la prospérité. »

De plus le grand public est censé être substantiellement conditionné par les idées générales déjà formés sur le pays concerné.

Pour Anholt la diplomatie publique peut avoir une influence saillante sur la réputation profonde d'un pays seulement si elle est utilisée en congruence avec les autres composants du brand national. Elle doit intégrer une stratégie globale, à long terme, de management du brand national, dans le but de convertir l'image d'un pays en avantage compétitif.

Deux conditions sine qua non de la création et promotion d’une marque pays sont la consistance et la cohérence. C'est la raison pour laquelle la promotion culturelle d'un pays ne peut pas être séparée de la promotion de son environnement économique. D’où l’argument que les ICN sont des instruments dans le marketing territorial d’un pays.

25

- l’image instantanée du pays pour valoriser ses atouts concrets, facteurs d’attractivité et de compétitivité.

L’étude NGObs met en évidence la même conclusion et fournit deux leviers sur lesquels agir pour accroître le « goodwill » (l’image projetée positivement d’un pays) et déterminer la force d’une marque pays :

- la capacité du pays à tirer parti de la mondialisation pour se doter d’une image dynamique et ouverte sur le monde.26

Ces deux catégories d’actions font partie intégrante des missions et du métier des ICN. Par leur mission principale – la promotion d’une culture et d’une civilisation à l’extérieur du pays, les ICN mettent les bases d’influence, de sensibilisation de l’opinion publique dans le pays cible au message de branding national.

3. UNE DEFINITION REELLE DES INSTITUTS CULTURELS NATIONAUX

Pourquoi réelle ? Une rapide lecture des déclarations de mission de la majorité des instituts étudiés les placent sur le territoire de la diplomatie, de la promotion soft power. Il en est de même pour la tradition institutionnelle dans laquelle les ICN fonctionnent. Mais aujourd’hui, cet encadrement leur est-il suffisant ?

Après avoir revu le contexte conceptuel de l’activité des ICN leur définition apparaît beaucoup plus complexe.

Les ICN sont des institutions nationales culturelles décentralisées qui ont pour mission la promotion de la culture d'un pays à l'étranger.

Bras stratégique de la politique externe d'un pays créé par le biais des accords bilatéraux entre les gouvernements, les ICN obéissent à une logique de diplomatie culturelle.

Du point de vue organisationnel, les ICN sont des établissements de l'administration publique ou des entités de droit public telles que des associations de la société civile ou des organisations à but non-lucratif. Quel que soit leur structure organisationnelle les ICN sont, au moins en partie, financés par des fonds publics de l'état d'origine. La plupart d'entre eux s'autofinancent dans une certaine mesure. En majorité, ils sont coordonnés ou contrôlés par les Ministères des affaires étrangères de leur pays.

Ils organisent des événements culturels pour la promotion de la culture nationale et des créations contemporaines du pays de provenance, des cours et des examens de langue et sont une plateforme de collaboration internationale. Les

24 Idem 25Anholt, S., Branding Places and Nations, Clifton, R. , Simmons, J., coord., Brands and Branding, The Economist & Profile Books, London : 2003 26 Première édition du Nation Goodwill Observer la marque pays un atout dans la mondialisation, www.hec.fr/Salle-de-presse/Actualites/Premiere-edition-du-Nation-Goodwill-Observer-la-marque-pays-un-atout-dans-la-mondialisation

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ICN sont des fournisseurs de services et exercent les métiers suivants : le management culturel international et l’enseignement et la formation.

En l’absence d'une définition globale des activités culturelles, nous avons pris en considération la définition issue des travaux du Réseau des statistiques européennes sur la culture, (initiative de la Commission Européenne (2012). Ainsi, les activités culturelles s'engagent dans huit domaines : l'héritage artistique et monumental, les archives, les bibliothèques, les livres et la presse, les arts visuels, l'architecture, le spectacle vivant et l'audiovisuel et le multimédia. Elles ont six fonctions: la conservation, la création, la production, la diffusion, l'échange (trade) et la formation. Les activités culturelles sont définies par trois caractéristiques : 1) elles sont liées à la notion d'expressions culturelles, 2) elles sont issues de la création et de la communication par le biais des symboles et 3) elles sont habituellement liées à un aspect des droits intellectuels.27

Ainsi, par la nature de leur activité et leur contexte, les ICN sont des médiateurs culturels. Ils sont le lien pédagogique entre le public cible (dans le pays d'accueil) et les produits de la culture qu'ils représentent.

A travers cette définition nous pouvons situer les ICN comme des organisations qui remplissent cinq fonctions de l’activité culturelle : la formation (l’enseignement des langues), l'échange (des plateformes de coopération internationale), la diffusion (la promotion de la culture dans le public du pays d'implémentation), et la production et la création (les contributions des ICN aux projets qui créent une nouvelle œuvre d'art).

28

27ESSSnet-Culture - European Statistical System Network on Culture. Final report, EuropeanStatistical System network on Culture, Luxembourg, 2012 28 « Dans un contexte institutionnel, la notion de médiation culturelle se fonde sur la séparation des mondes de la création artistique et des publics : le médiateur sera celui qui dispose de connaissances et d’outils pour créer les conditions de leur rencontre. » (Dufrêne, B., Gellereau, M., La médiation culturelle. Enjeux professionnels et politiques, C.N.R.S. Editions, Hermès, La Revue, no. 38 : 2004)

Les ICN sont des exportateurs de produits culturels de leur pays respectifs. Ils ont donc une contribution à l'économie culturelle d'un pays. Enfin, ils sont donc des promoteurs des industries culturelles et créatives internationales. De manière naturelle, ils deviennent instrument dans le processus de branding pays.

Finalement, dans les pays d'implémentation, à travers leur programmation culturelle, les ICN deviennent des lieux culturels locaux avec une offre sur le marché local. Cela transforme ces institutions en organisations de management culturel sur un marché local. Cette équation est l'élément principal qui détermine de facto leur stratégie de fonctionnement et leur organisation gestionnaire.

Définition économique des activités culturelles : rôles et domaines d'activité

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Leurs activités relèvent des suivants domaines : la politique externe d’un pays, les industries culturelles et créatives et le branding d’un pays. Mais, à travers leur mission identitaire, ils sont de principaux vecteurs du processus de la construction de marque pays. Cela est leur objectif ultime, ce qui doit structurer leur organisation et fonctionnement. L’importance de ces messagers de la culture nationale à l’étranger consiste dans la création du terrain conceptuel propice, dans l’opinion publique cible, pour la transmission de message de marque pays.

EN CONCLUSION, SELON LA DEMONSTRATION CI-DESSUS, CE MEMOIRE REPLACE LES ICN DANS UN UNIVERS BIEN DIFFERENT QUE LA DIPLOMATIE CULTURELLE, CELUI DU MARKETING PAYS. CHAQUE MISSION DE CES INSTITUTIONS EST UNE PIECE DE L’ENGRENAGE DE LA PROMOTION DU PAYS-MERE. LEUR BUT FINAL POURRAIT DONC ETRE ENVISAGE COMME LE PROCESSUS DU MARKETING PAYS : ACCROITRE LA NOTORIETE POSITIVE D’UN PAYS.

4. LE PRODUIT CULTUREL – CLE DE VOUTE DE L’ACTIVITE DES ICN

Le produit culturel est un des key business drivers (moteurs opérationnels clefs) des ICN. Sur la chaîne de valeur de Michael Porter, pour les ICN, le produit culturel définit la logistique d’approvisionnement et la fabrication et est lient de la chaîne.

Dans un refus de l’appropriation de la culture par des méthodes provenant du champ commercial, beaucoup de professionnels de l’art contestent le concept de « produit culturel ». Les arguments invoqués sont liés au processus de conception et production d’un artefact culturel : une production artisanale ; un résultat unique de la créativité, totalement indépendant de la demande, etc. Dans un raisonnement marketing le produit culturel est défini comme une « œuvre en phase de production et de commercialisation »29

29 Assassi, I., Spécificités du produit culturel. L'exemple du spectacle vivant, Revue française de gestion, no 142 : 2003

souvent comparé aux produits de grande consommation.

Définition des ICN par rapport à leur rôle contemporain

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4.1 L’ŒUVRE COMME PRODUIT ?

Selon Dominique Sagot-Duvauroux, trois oppositions structurent les différences invoquées entre une œuvre et un produit. La première consiste justement dans le processus de production : l’œuvre d’art serait un objet artisanal, produit en petites quantités, tandis qu’un produit est reproductible.30 La seconde est la différence entre une création pour soi-même et une marchandise conçue à fin d’obtenir du profit.31

En même temps pour qu’un objet artistique devienne une œuvre il a besoin d’être référencé par le monde de l’art et ensuite consommé par un groupe d’individus. L’œuvre est donc aussi le résultat d’un type d’échange. Selon Isabelle Assassi, l'œuvre devient produit culturel – objet d'échange et finalement de commercialisation – au moment où elle passe dans les mains du médiateur culturel.

L’objet culturel est résultat de la créativité individuelle, totalement indépendant de la demande. Le troisième type de différence fait référence à la qualité artistique de l’œuvre, référencée par la « culture légitime ». Il s’agit de la différence entre culture de « masse » et celle « savante », établie par Pierre Bourdieu dans La distinction en 1979. L’œuvre d’art est un résultat de l’appréciation des classes sociales avec un niveau supérieur d’éducation et de revenus, tandis que le produit culturel peut être consommé à tous niveaux sociétaux.

32

L’un des premiers auteurs à encadrer le concept de produit culturel est Pierre Bourdieu, qui affirme que le bien symbolique fait partie d’un marché comme tout autre bien.

L’utilisation du mot produit implique ainsi un processus d’échange par lequel un objet artistique passe pour atteindre son public.

33

En fait, le terme Kulturindustrie (allemand) a été employé pour la première fois par Theodor Adorno et Max Horkheimer, comme une critique du caractère « fétichiste » de la relation entre public et œuvre d’art à l’époque moderne. La relation à la culture devient, dans la critique d’Adorno et Horkheimer une question d’image, d’appartenance sociale, d’identification, plus que d’appréciation du contenu immanent de l’œuvre.

Actuellement, les termes industries culturelles et créatives et produit culturel sont très souvent employés dans le discours académique et politique, étant, en conjonction avec le concept d’économie du savoir, un focus de la pensée sur le développement économique.

34

Une modification dans ce sens est réellement survenue au cours du vingtième siècle. Elle est le résultat des évolutions technologiques, des moyens de production et de diffusion de l’art. Pour Walter Benjamin, par exemple, l’élément le plus important de ce changement c’est la technologie, qui permet la reproduction de l’œuvre d’art. Par contre, Benjamin estime que ce changement est une opportunité pour la démocratisation de la culture – son ouverture vers les masses.

35

4.2 LA PLACE DU BESOIN CULTUREL

Analysant les modèles de consommation culturelle, Pierre Bourdieu développe l'idée de capital culturel, désignant l'ensemble des ressources éducationnelles et sociales dont un individu dispose. Une correspondance directe est établie entre les pratiques culturelles des individus, leur niveau d'éducation et enfin leur position sociale.36 Les observations statistiques mentionnées dans le précédent chapitre montrent que l’hypothèse de Pierre Bourdieu sur la corrélation entre l’éducation de l’individu et son besoin culturel est encore d'actualité. Le « besoin culturel » est en effet le résultat et le moteur de l'éducation. De plus, la fréquentation culturelle a souvent une nature collective,37

30 Sagot-Duvauroux , D., De l’œuvre au produit culturel!, dans Sirven H., Thely N., La culture distribuée, SCEREN-CNDP : 2010 31 Idem 32 Assassi, I., Spécificités du produit culturel. L'exemple du spectacle vivant, Revue française de gestion, no 142 : 2003 33 Bourdieu, P., Le marché des biens symboliques, L'année sociologique : n° 22 : 1971 34 Voirol, O., Retour sur l'industrie culturelle, Réseaux (no. 166) 2 : 2011

étant de fait très influencée par le milieu social de l’individu. De nos jours, la distinction par rapport aux revenus avancée par Bourdieu n’a plus la même importance grâce aux moyens de diffusion en masse de la culture.

35 Benjamin, W., L'œuvre d'art à l'époque de sa reproduction mécanisée, www.hypermedia.univ-paris8.fr/Groupe/documents/Benjamin/Ben3.html#ref 36 Bourdieu P., La distinction. Critique sociale du jugement, Éditions de Minuit, Paris : 1979 37 Collin-Lachaud, I., Eurockéennes, Fracofolies, Vieilles Charrues ou Main Square Festival, Décidions Marketing no. 60, Octobre-Décembre : 2010

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Par un rapprochement des théories de Bourdieu, Adorno et Horkheimer et celle de la pyramide des besoins d’Abraham Maslow on peut situer un besoin culturel sur la pyramide de ce dernier, par rapport à la société contemporaine. Actuellement, les évolutions des modes de vie changent radicalement le rapport des biens symboliques aux besoins de l’individu. Quelles sont les changements les plus importants dans le style de vie hypermoderne ? L’instruction, démocratisée à des niveaux sans précédent, l’importance du savoir dans l’économie moderne, beaucoup amplifiée, le pouvoir d’achat augmenté, l’accès aux artefacts culturels facilité à travers les nouvelles technologies et moyens de diffusion et le temps dédié aux loisirs, en expansion continue.

PIB par habitant, pays d'Europe de l'Ouest (en dollars internationaux Geary-Khamis de 1990)

Source : L'économie mondiale. Statistiques historiques, Maddison, Angus, OECD publishing : 2003 Dans ces conditions, on peut conclure que dans les sociétés économiquement développées l'instruction est inévitable pour la sécurité de l’individu, et devient ainsi un besoin secondaire de l'individu (voir l’illustration ci-dessous). La consommation de culture fait partie des choix de loisirs de l’individu, mais également de son identification sociale et de son instruction. Pour cette raison, de nos jours, le besoin culturel, et la consommation des biens symboliques (on ne fait pas référence ici au besoin d’expression/création artistique) descend sur l’échelle des besoins comme dans le suivant schéma.

Le besoin culturel : la (les) place(s) du produit culturel dans la hiérarchie des besoins après la démocratisation de l’accès à l’éducation et à la culture.

0

5000

10000

15000

20000

25000

1950 1970 1980 1990 2000

Autriche

Belgique

France

Allemagne

Italie

•créativité•cultivation, éducation, savoir•epanouissement personnel•contribution culturelle (laisser une trace)

Réalisation de soi

•autonomie / indépendence•reconaissance / appreciation•statut social / réputation

Estime de soi

•intégration•appartenance / dépendance

Appartenance

•épargner •stabilité•santé

Sécurité

•se nourrir•se reproduir

Physiologiques

BESOIN CULTUREL Création / production des

artefacts culturels

BESOIN CULTUREL Fonction de symbole

social intégrateur

BESOIN CULTUREL Consommation / création

intégrée dans l’identification sociale.

BESOIN CULTUREL Fonction basique

d’instruction.

Démocratisation de l’éducation et de l’accès à la culture

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4.3 SPECIFICITES DU PRODUIT CULTUREL

En 1970 Emmanuel Kant notait que l'activité artistique est « essentiellement inutile. »38

Résultant essentiellement d'un processus de création individuel, le produit culturel est une innovation permanente. Sa création est complètement indépendante de la demande, mais son existence sur le marché dépend de sa reconnaissance et sa consommation. Cette dernière est purement expérientielle. Une définition généralement acceptée du bien culturel se limite au fait qu’il est un artefact symbolique et que son existence publique dépend de la reconnaissance de ses symboles

par un groupe d’individus.

En effet, l'usage du produit culturel peut être un choix pour le plaisir, pour l’éducation ou encore pour l’identification sociale mais en aucun cas ce n’est un besoin pour la survie.

Selon Dominique Bourgeon-Renault et Anne Gombault, les caractéristiques d’un produit culturel sont les suivantes : la complexité, l’unicité, le symbolisme, une temporalité particulière, l’hédonisme et l’esthétique.39 Suivant la définition des activités culturelles précédemment exposée, le produit culturel peut être encadré dans le champ des huit domaines suivants : l'héritage artistique et monumental : les archives, les bibliothèques, les livres et la presse, les arts visuels, l'architecture, le spectacle vivant et l'audiovisuel et le multimédia. Subséquemment, les produits culturels peuvent être classés selon leur processus de production : la production dite industrielle (reproduction de masse) et les modes de production s'approchant de l'artisanat. Dans la première catégorie on intègre les produits reproductibles tels que livres, œuvres musicales, œuvres de la cinématographie, jeux vidéo, etc. La seconde catégorie englobe des produits non-reproductibles ou semi-reproductibles comme les spectacles vivants, concerts, opéra, peinture, etc.40

Plus qu’aucun autre produit, le bien culturel fait appel à l’affect et le savoir acquis de l’individu. Sa qualité ne dépend pas d’une vraie chaîne de valeurs, contrôlable à travers la gestion. La valeur d’un produit culturel dépend de la reconnaissance, d’un côté des experts, et de l’autre côté d’un public, plus ou moins nombreux. De plus, en citant Pierre Bourdieu, la consommation culturelle repose sur « un savoir qui n’est pas accessible immédiatement et facilement. »

La valeur d'œuvre d'art réside dans l'appréciation de son contenu par un groupe d'individus. L'artiste produit un artefact mais c'est le monde de l'art qui le classe dans le domaine des œuvres et qui conséquemment le présente comme tel au consommateur final. Du point de vue consommation, le produit culturel n'a donc pas, à sa naissance, une valeur intrinsèque. On peut donc avancer que c'est la consommation elle-même qui attribue de la valeur culturelle à un produit artistique.

41

38 Kant, E., Critique of the Aesthetical Judgemet, cité dans Bourgeon-Renault, D. (coord.), Marketing de l'art et de la culture, Dunod, Paris : 2009 39 Bourgeon-Renault, D., Gombault, A., Champ et produit culturels, dans 39 Bourgeon-Renault, D. (coord.), Marketing de l'art et de la culture, Dunod, Paris : 2009 40 Bourgeon-Renault, D. (coord.), Marketing de l'art et de la culture, Dunod, Paris : 2009 41 Bourdieu P., La distinction. Critique sociale du jugement, Éditions de Minuit, Paris : 1979

Comme énoncé avant, selon Bourdieu la pratique culturelle est déterminée par son interdépendance avec le capital économique (niveau de vie), capital culturel (éducation) et capital social (groupe d’appartenance).

Andy Warhol, Campbell’s Soup Cans (1962), Acrylique et liquitex en sérigraphie sur toile, Série de 32 toiles de 50,8 x 40,6 cm chacune – Museum of Modern Art, New York – photo © Olivia Horvath

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Le cycle de vie du produit culturel est aussi spécifique. Le procès de production du bien culturel est long et ne tient compte en aucune manière de la demande du public. Résultat de la créativité d’un auteur, le bien culturel est unique. C'est l'appréciation des critiques qui place un produit culturel dans un cycle de vie plus ou moins long. La pérennité de la consommation d’un bien culturel dépend entièrement du temps de consommation à travers l’histoire.

Une autre caractéristique du produit culturel est le mode de consommation. Le choix pour la consommation d'un produit culturel se fait par rapport au temps disponible. « La consommation culturelle est chronophage. »42

LE BIEN SYMBOLIQUE A L’INTERNATIONAL

On peut conclure que la majeure partie de la consommation culturelle peut être encadrée dans les codes du luxe : faire le choix de produits de haute qualité, chers en termes de temps dédié et parfois de ressources financières allouées, pour un plaisir individuel en accord avec un propre style de vie.

Dans un monde hypermoderne, le produit culturel répond, plus qu’autres, à une quête de sens de la part du consommateur. Sa consommation fait partie de la construction de l’identité individuelle et sociale. C’est un choix personnel et fortement subjectif. En s’échappant de la logique du besoin primaire, la consommation culturelle est encombrée par l’immense possibilité de choix.

Globalisation économique, savoir, internet, communication en temps réel, moyens de plus en plus rapides de déplacement, la notion d’instantanéité temporelle et rapidité dans l’espace : les particularités du monde actuel ne contournent pas les produits culturels. La consommation des biens symboliques n’est plus confinée par le niveau de revenus, par des barrières de langue ou de territoire. Le bien culturel gagne avec les évolutions de notre époque deux caractéristiques importantes : il devient un produit démocratisé et international.

« Toute culture, pour survivre, a besoin d’aider les gens à donner un sens à leur vie quotidienne. Pour être vivant, un produit fini « international » doit revêtir un sens concret. Le jugement esthétique des significations et implications locales. » (Roger Martinez)43

Les symboles attribués aux artefacts dépendent d’une culture individuelle. On opère ici avec le sens anthropologique du mot culture – la culture sociétale qui est définie par Geert Hoftede comme une « programmation mentale collective propre à un groupe d'individus. »

Revenant aux ICN, on rappelle qu’ils sont des exportateurs de produits culturels et que la consommation d’un tel bien dépend de la capacité du consommateur à décoder ses symboles : langue de production, spécificités du contexte social dans lequel il a été créé, etc.

44 Si, en citant Ward Goodenough, « l'individu est un mélange de cultures de différents groupes [et] il peut choisir sa culture opérationnelle »45

5. LE CONTEXTE DE L’ACTIVITE DES ICN A PARIS

le produit culturel est le résultat du mélange entre la culture sociétale et la culture opérationnelle de l’individu. Le décryptage du bien symbolique sera donc fortement dépendant des contacts que le consommateur a eu avec les symboles de différents groupes culturelles qui ont influencé la création de l’œuvre.

Par exemple, les différences linguistiques entre les sociétés d’export et d’import de ces biens influencent leur consommation. Si le bien est créé dans une langue étrangère à la société d’importation, la capacité de compréhension réduit la plage des personnes auxquelles le bien peut s'adresser. De l’autre côté, la traduction peut éventuellement changer le sens propre à l'unicité du produit.

On comprend que la réussite d’une exportation d’un bien culturel dépend d’une étude culturelle et comportementale de la société d’importation.

42 Bourgeon-Renault, D., Appropriation du marketing par le secteur des arts et de la culture, Décisions Marketing no.60 Octobre-Décembre 2010 43 Martinez, R., La reproduction culturelle des identités locales en Catalogne, Agora – débats jeunesse, no. 20 : 2000 44 Hofstede, G., Usunier, J-C., Hofstede Dimensions of Culture and their Influence on the International Business Negociations, in Ghauri, P., Usunier, J-C., International Business Negociations, Pergamon, Oxford : 2003. 45 Goodenough, W.H., Culture, Language and Society, 1971 cité dans Usunier, J-C., Lee, J.A., Marketing Across Cultures, Forth edition, Prentice Hall, Pearson, Essex : 2005

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La France est le cinquième pays européen à accueillir des ressortissants étrangers, après l’Allemagne, l’Espagne, le Royaume-Uni, et l’Italie46. Selon une enquête de l’Institut national des études démographiques, en 2010, les immigrants représentent 7,2 millions de personnes, soit 11,1 % de la population (ressortissants de l’Union Européenne et d’autres pays).47

Dans le champ de la culture la France est un pays de longue tradition d’accueil des artistes étrangers. L’exemple du navire Mataroa est évocateur de l’attitude française à cet égard. En Décembre 1945, quatre mois après la fin de la guerre un navire avec 200 passagers, au départ du Pirée (Grèce), transfert des jeunes intellectuels grecs vers la France. Ils viennent étudier dans les universités françaises, échappant la guerre civile en Grèce. A part leur protection, le but de cette opération, mise au point par Octave Merlier, directeur de l'Institut Français à Athènes à l’époque était « d’assimiler, et de former comme futurs représentants de la culture française en Grèce, le plus grand nombre d’intellectuels »

La diversité culturelle est une réalité quotidienne française. Ainsi, les politiques françaises de coopération culturelle internationale ont un double but : soutenir la cohésion sociale à l’intérieur du pays mais également créer des sphères d’influence intellectuelle favorables à la France à l’étranger.

48 assurant en même temps «l'influence de la langue française contre l'expansion de l'anglais après la guerre. »49

De nos jours, au niveau institutionnel, le Ministère français de la culture et de la communication se charge « d’accueillir les professionnels de la culture et les artistes étrangers en France ». Le but est de créer « des liens durables avec les artistes (…) du monde entier. »

50

Une telle attitude, activement ouverte aux cultures étrangères, rend la France un pays attractif pour la promotion des cultures étrangères. D’autant plus que le public français est familiarisé aux contacts des produits culturels internationaux.

Des politiques de diversité culturelle sont mises en œuvre par les DRAC (Directions Régionales d’Affaires Culturelles), qui soutiennent les projets de coopération internationale. L’Institut Français, la Maison des Cultures du Monde, ou la Coalition française pour la diversité culturelle sont d’autres organisations françaises importantes dans le domaine.

5.1 MARCHE CULTUREL FRANCILIEN : CHIFFRES CLES

Une rapide recherche sur les agendas culturels parisiens en ligne dévoile un encombrement événementiel du marché culturel. 345 événements sont organisés par soirée, selon le site parisbouge.fr (nombre moyen d’événements compté dans la période Septembre - Novembre 2013). Selon cityvox.fr, dans la même période, 1019 événements distincts par mois ont été présents sur le marché culturel parisien.51

Du point de vue de la stratégie de promotion d'une culture étrangère, malgré son encombrement, l'intensité de la consommation culturelle sur le marché en Ile de France (IdF) sera gage de succès pour les actions de promotion.

Ici, les chiffres de la culture sont évocateurs : 86 % des grands établissements culturels français sont situés à Paris et dans les Hauts-de-Seine selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Au niveau de la consommation culturelle l’IdF est bien sûr en tête des classements. En 2010, 59% du total de 57 millions d'entrées aux musées (sur 1044 musées

46 Eurostat, Communiqué de presse 105/2011 : Les ressortissants étrangers constituaient 6,5 % de la population de l’UE27 en 2010, www.Eurostat.eu,‎ 14 juillet 2011 47Gilles Pison, Le nombre et la part des immigrés dans la population : comparaisons internationales, Population et Sociétés, INED, no 472,‎ novembre 2010 48 Adrikopoulou, Nelly, To taxidi tou Mataroa, Estia : Athens, 2007 cité par Georgopoulos, Nikos, All passengers ready for disembarkation, it's 1945, nikosgeorgopoulos.blogspot.fr 49 Idem 50 Ministère de la culture et de la communication, Politiques ministérielles. Europe et international. Accueillir les cultures étrangères, www.culturecommunication.gouv.fr 51 Les événements pris en compte pour cette recherche sont les concerts, les spectacles, les expositions, les soirées et les événements jeune public.

File d'attente devant le musée du Louvre. ©Norman555 / exponaute.com

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20

dans toute la France), ont été générés par les musées franciliens (33,6 millions d'entrées)52. Les théâtres privés de Paris comptaient à eux seuls en 2012, 15 300 représentations avec 3,3 millions de spectateurs. Et, aux 481 représentations de l'Opéra national de Paris en 2012 ont participé 751 000 personnes53

Selon diverses études de l'Insee et du Ministère de la culture et de la communication la diversité et l'intensité de la consommation culturelle dépendent directement du niveau d'éducation

. C’est évidemment un lien de cause-effet : la consommation est plus intense là où l’offre est plus diversifiée. Mais il y a d’autres explications pour cette intensité des pratiques culturelles en IdF.

54

De plus, la consommation culturelle à Paris est beaucoup influencée par le taux de fréquentation touristique. Cette région est la première destination touristique en France que ce soit pour les français ou pour les étrangers. 45% des clients des établissements d'accueil touristique en IdF sont des français. Paris est visité par plus de 12 fois sa population intramuros : 27 millions de touristes en 2012

. L'Ile de France rassemble 37% des cadres en France, 21% des universités et près du quart des écoles d'ingénieurs, de commerce, gestion et comptabilité. Statistiquement, sur le cinéma, l’une des activités culturelles les plus pratiqués par les français, en 2009 les cadres et professions intellectuelles supérieures en représentent la proportion la plus importante. Seulement 20% d'entre eux ne sont jamais sorties au cinéma au cours de l'année, contre 53% des ouvriers ou encore 41% des employés (source : Insee).

55 (dont 18 millions d'étrangers).56

Malgré leur étiquette institutionnelle (missions diplomatiques), les ICN sont, par la nature de leur activité, des acteurs sur ce marché. Ce point est la source de notre argument sur l'utilité du paradigme marketing dans le management des ICN. Malgré leur caractère éminemment non-profit, ou leur vocation non-concurrentielle et collaborative, les ICN se battent pour les mêmes potentiels consommateurs de culture en IdF. En comptant seulement les résidents franciliens, les institutions culturelles parisiennes (139 musées

57, 245 lieux de spectacle, 288 théâtres et café-théâtre58, 1151 galléries d'art59

5.2 LA PARTICIPATION CULTURELLE EN FRANCE

, 51 instituts culturels étrangers, etc.) baignent dans un environnement naturellement concurrentiel, pour gagner des « parts de public » sur un maximum de 5,8 millions de franciliens potentiels consommateurs de culture (50% de la population – le maximum de la fréquentation culturelle qu’on peut espérer selon les statistiques Insee).

La consommation française de culture se retrouve parmi les plus élevées en Europe. Selon des études statistiques datant de 2008, sur les personnes âgés 15 ans et plus, 30% ont visité un musée au cours de l'année, 39% ont vu une exposition temporaire, 15% ont visité une galerie d'art, 57% sont allés au cinéma et 19% au théâtre. Les

chiffres sont en croissance: par exemple, selon l'Insee, en 2011 35% de la population française déclare avoir visité un musée. En France métropolitaine, 52,5% de la population 16 ans et plus, sont sortis au cinéma, 32,5% ont vu un spectacle vivant (théâtre, concert, etc.) ont visité un musée en 2009.60

Le cinéma, les concerts, le théâtre (et autres spectacles vivants), les musées et les abonnements audiovisuels sont compris dans « les services culturels », premier poste de dépenses des français selon l’Insee (17,2% en 2010).

En 2010, les Français ont consacré aux loisirs et à la culture 8,6 % de leurs dépenses de consommation, soit 93,4 milliards d'euros, dont le tiers pour les services culturels et récréatifs.

61

52 Ministère de la culture et de la communication, Chiffres clés - Statistiques de la culture, Musées, La documentation française : 2012 53 Insee, Fréquentation des principaux établissements culturels nationaux en 2011 : www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF05466 54 Une idée exposée en 1979 par Pierre Bourdieu (Bourdieu P., La distinction. Critique sociale du jugement, Éditions de Minuit, Paris : 1979) 55 Site du Mairie de Paris, www.paris.fr 56 Ministère de la culture et de la communication, Chiffres clés - Statistiques de la culture, Musées, La documentation française : 2012 57 Ministère de la culture et de la communication, Chiffres clés - Statistiques de la culture, Musées, La documentation française : 2012 58 Annuaire des salles de concert et spectacle, www.live-tour-management.com, consulté le 26 .11.2013 59 Rouet, F., Les galeries d’art contemporain en France en 2012, Ministère de la culture et de la communication, Culture - études no. 2 /2013 60 Insee, Fréquentation des principaux établissements culturels nationaux en 2011, www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF05466

61 Insee, Conditions de vie-Société, Vacances, loisirs, sport, www.insee.fr/fr/themes/theme.asp?theme=5 : consulté le 20 décembre 2013

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21

Selon une étude Eurostat62

Selon l’Eurobaromètre 2013

, avec des data de 2006, la France se classe septième parmi les pays de l’UE en ce qui concerne la fréquence des sorties au cinéma, quatorzième pour les participations aux spectacles vivants, neuvième pour les visites aux sites culturels.

63

, la participation culturelle en Europe est en baisse, comme la consommation en général dans une période de crise économique. L’index de la participation culturelle indique que les pays nordiques (Suède, Danemark et Hollande) se trouvent encore en tête du classement, avec même une augmentation des scores de participation « très élevée » et « élevée ». La moyenne européenne de ce score est de 18% et la France enregistre 25% de participation culturelle.

5.3 SONDAGE D’OPINION : LE PUBLIC DES ICN

Si la création d’un produit culturel ne peut pas dépendre de la demande, le service culturel est totalement tributaire à son public. Dans le cas des ICN, le processus d’exportation et de diffusion de biens culturels doit tenir compte des spécificités culturelles du public cible.

Pour le présent mémoire un sondage d’opinion a été réalisé en ligne (lien en références) sur un échantillon de 130 personnes, résidents en Ile de France, CPS+, majoritairement appartenant à l’auditoire des ICN étudiés. Le sondage a été conçu simple et court (5 minutes temps de réponse) afin d’obtenir un nombre important de réponses. Il a été diffusé en ligne entre les 17 octobre et 17 décembre 2013, auprès d’un groupe évalué comme potentiels consommateurs de culture par leur niveau d’éducation : 93,7% des répondants ont un niveau d’éducation d’au moins licence universitaire, plus de 60% d’entre eux étant salariés.

On attire l’attention sur le fait que ce sondage est le reflet des opinions d’un public habituel de trois instituts étudiés. Il ne reflète pas la notoriété des ICN dans le public général français, duquel il n’est pas un échantillon représentatif.

La première partie du sondage concerne l’ouverture des répondants envers les cultures étrangères. La partie principale inclut des questions relatives à leurs attentes, la fréquentation des instituts et la satisfaction avec ceux-ci, et la fin recueille des informations sociodémographiques sur les sondés. La plupart des questions sont fermées. Le sondage a inclus également quatre questions à choix multiple et une ouverte.

L’intérêt a été principalement de confronter l’image perçue des ICN à leur mission comme fournisseurs de services culturels.

Sans surprise, 70% de répondants déclarent avoir déjà visité un institut. Plus de la moitié (69,6%) sont des Français : une bonne nouvelle, car la mission des instituts est de promouvoir leur culture vers un public français.

On peut dire que le public des ICN est constitué de personnes curieuses, en quête d’expériences différentes, ouvertes aux

62 Eurostat, Cultural Statistics, Pocketbook, Bruxelles : 2011 63 European Commission, Special Eurobarometer 399, Cultural Access and Participation, Bruxelles : 2013

Répartition des sondés par genre et tranche d’âge

Niveau de familiarité du répondant avec la culture étrangère (le pays) avant le contact avec l’ICN

Niveau global de satisfaction pour l’expérience culturelle avec les ICN

Probabilité de recommandation à une connaissance

Taux de fréquentation des ICN

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L’appréciation du rapport qualité-prix de l’offre ICN par les sondés.

cultures étrangères : 60,6% des répondants déclarent être « extrêmement intéressé/e » ou bien « très intéressé/e » par les cultures étrangères. Plus de 66% d’entre eux participerait à un événement culturel dans une autre langue (traduit dans une langue de circulation internationale).

Pour la grande majorité des répondants les ICN sont des « institutions culturelles », seulement 17% d’entre eux ont qualifiées de « lieux culturels indépendants », un pourcentage tout de même plus élevé que le 12% qui les a définies comme « des institutions d’état ». Dans notre analyse ce résultat montre que les ICN réussissent à se démarquer de leur structure politique d’origine et se positionner comme des fournisseurs de services culturels pour leur public.

La plupart des individus qui fréquentent les instituts n’utilisent pas l’enseignement de langues, mais les services culturels. 82,6% n’ont jamais suivi un cours de langue mais 69,4% ont participé à un événement dans les ICN. D’ailleurs, 85% des répondants déclarent vouloir bénéficier des événements culturels dans un ICN, 60% sont intéressés dans les cours de langue, 53% dans la documentation touristique sur le pays, 55% dans une bibliothèque et 42% dans un lieu convivial de type bar ou café.

Le sondage restitue un pourcentage bas d’individus n’ayant pas connu la culture respective avant leur visite dans un institut. Seulement 7,3% des répondants n’avaient « jamais entendu parler » de la culture ou du pays. Cependant, à 75,5% des personnes le pays leur est « très » ou au moins « connu ». Ce constat nous mène vers la conclusion que l’action des instituts pourrait ne pas toucher leur véritable cible.

Les bénéficiaires de services d’ICN déclarent que le contact avec ces organisations leur a apporté « plus de connaissances sur la culture du pays » (35%), « plus d’ouverture culturelle internationale » (29%), du « divertissement » (20%) ou un « bon plan culturel » (21%).

En ce qui concerne le comportement du public des ICN il est surprenant de constater l’important pourcentage des gens qui participent aux événements ICN seuls, étant donné que la consommation culturelle a généralement un caractère collectif. 34,7% ont participé seuls, en intérêt personnel (30,4%) ou professionnel (4,3%). 65,3% ont été accompagnés par de la famille (20%), des amis ou par des collègues (42,4% et 2,2%).

On retrouve dans ce sondage un niveau de satisfaction en harmonie avec la fidélité du public des ICN. Plus de 50% des répondants vont recommander un ICN à des connaissances, 30% se déclarent « très satisfaits » et plus de 60% « satisfaits ». Presque 60% fréquentent un institut au moins 5 fois par an. Etant donné que la majorité des instituts organise en moyenne 30 événements par an, cela veut dire que 60% de leur public participe à au moins 16% des événements, un taux de fidélité assez élevé.

Une grande majorité des sondés apprécie la qualité des services offerts par les ICN : 47% l’estiment « très bonne » et 28% « bonne ». Pour 59% l’offre culturelle satisfait leurs attentes.

On peut conclure que les ICN de Paris réussissent à satisfaire et fidéliser un public très ouvert envers des cultures étrangères ou qui a eu un contact a priori avec le pays respectif. Toutefois, dans un environnement où une exposition temporaire d’un grand musée peut attirer en moyenne 7315 visiteurs par jour (l’exposition Salvador Dali au Centre Pompidou, 201364) 13 000 spectateurs pour sept jours de manifestations dans la Semaine des cultures étrangères65

On peut donc tirer la conclusion que les ICN bénéficient d’un public avec une fidélité captive, déterminée non pas par la qualité de leur offre où par leur stratégie de promotion mais par d’autres liens que ces individus ont avec la culture représentée, ou par le coût bas de la participation aux événements. En effet, plus de 60% des sondés trouvent « correct » le rapport qualité prix dans l’offre des instituts, et 27,7% le trouvent « pas du tout cher ».

n’est pas un chiffre important.

66

64 Chiffre selon le site du Musée Centre Pompidou, www.centrepompidou.fr 65 Evénement annuel organisé en collaboration par tous les ICN de Paris sous l’égide de Ficep – taux de participation pour l’édition 2012. 66 Le lien du sondage : http://viavo.eu/sondage-cultures-etrangeres/

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6. MARKETING NON-PROFIT, UN PARADOXE ?

Le débat sur l’utilisation du marketing dans les organisations à but non-lucratif et dans celles publiques a commencé dans les années 60. Philip Kotler et Sidney Levy signent en 1969 un article dans lequel ils font appel à l’extension de la sphère du marketing, comme technique de management, outre le domaine « business ». « Depuis le temps où les problèmes majeurs étaient le manque de nourriture, de vêtements ou de logement, la société a évolué. Elle commence désormais à s’organiser pour faire face à des besoins sociaux différents qui étaient ignorés jusque-là. »67 Pour Kotler et Levy, le marketing est un type de management de l’organisation qui l’aide à « tenir un contact permanent avec son public, »68 une technique « de création de service et de satisfaction des besoins humains. »69

Il y a une tendance générale à établir une dichotomie entre le domaine public et le privé. Dans l'histoire des systèmes modernes on ne retrouve pas d’exemples ou les deux fonctionnent complètement séparés. La réflexion devrait alors amener vers une convergence. Les regards croisés entre le marketing et le secteur public révèlent des idées préconçues des deux côtés.

70

Quatre différences clés entre le domaine privé et le public ont été relevées

Pour le marketeur l'administration publique est un milieu bureaucratique, évoquant l'inefficacité et le manque de management orientée à la performance. Pour le fonctionnaire le marketing est par excellence une technique de la sphère du commerce et des activités orientés vers le profit. Une telle démarche n'est ni utile ni éthique pour un service agissant pour le bien collectif.

71

a) l'accent mis sur des objectifs non-profits et la différence entre les mesures de la performance,

:

b) la nature différente de l’offre de services des non-profits, c) la variété des parties prenantes de ces organisations, et d) la nature indirecte de l'échange (payement-reçu).

Issues d'un environnement économique, les premières définitions du marketing mettaient l'accent sur la maximisation du profit, étant donc mal perçues par les organisations ayant l’intérêt général comme but. L’évolution conceptuelle du marketing a dirigé cette discipline vers une approche fondée sur la création de valeur, et ainsi un développement organisationnel durable. L’un des enjeux les plus importants pour les organisations publiques ou sans but lucratif est de créer de la valeur pour toutes leurs parties prenantes. C'est ici où les deux univers, celui du privé et celui du public, convergent.

"Ce qui est intéressant sur le marketing c'est que toutes les organisations le pratiquent, qu'elles le savent ou pas." (Philip Kotler)72

Un grand nombre d’auteurs, tels que Philip Kotler, Angus Laing, Alan Andreasen, etc., qui se sont penchés sur l’utilisation du marketing dans le domaine public ou non-profit recommandent le marketing relationnel (d’échange). « La pratique du marketing dans les services publics les 30 dernières années a été dominée par le

Dans les années 80 une logique où le service est dominant a commencé à se développer en marketing. On passe ainsi du modèle transactionnel à un paradigme relationnel. Tout est service. Même les produits physiques ne sont rien sans le service et ce dernier suppose une relation entre l’organisation et son public.

Au cœur du marketing relationnel on retrouve la notion de co-création de la valeur pour les parties prenantes et de que toute activité organisationnelle devrait contribuer à cette valeur.

67 Kotler, P. and Levy, S. J., Broadening the Concept of Marketing, Journal of Marketing, no. 33 : 1969 68 Idem 69 Idem 70 Butler, P., Collins, N., Marketing public sector services: Concepts and characteristics, Journal of Marketing Management, Volume 11, Issue 1-3, 1995 71 Sawhill, J., Williamson, D., Mission Impossible? Measuring Success in Nonprofit Organizations, Nonprofit Management and Leadership, no. 11 : 2001 72 Kotler, P., Strategies for Introducing Marketing into Non-profit Organizations, Journal of Marketing, Vol. 43, no. 1, Janvier : 1979

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model transactionnel (…) et l’alternative relationnelle, qui pourrait être en accord avec les besoins de ces organisations, n’a pas été testée. »73

« La littérature qui suggère que les organisations publiques et à but non-lucratif sont différents [de celles commerciales] est issue de l'idée que le marketing est centré sur le produit et pas sur le service et regarde les échanges transactionnelles plus que la co-création et le relationnel. »

74

Dans le modèle relationnel, les produits tangibles et les services intangibles ne peuvent plus être radicalement séparés. Produits tangibles et services sont tous subordonnés à une notion plus large de service.

75 Une extension de cet argument mène vers l'idée que « tout échange deviens un échange de service. »76 Le service deviens lui -même le processus de création de valeur. « Ainsi, des notions comme public / privé, produit / service, deviennent simplement diverses facettes du service. »77

« Le marketing relationnel fait valoir le focus sur l'expérience client, et pas sur le processus de production du bien ou service. Une telle approche conduit à la création de valeur conjointement avec le client. »

78

L’approche, dans le marketing relationnel n’est plus combattante mais collaborative. Michael Harker définit le marketing relationnel comme « une démarche proactive, à long terme, de création, développement et pérennisation d’échanges responsables, interactifs et profitables avec les clients. »

L'approche du marketing relationnel met en évidence deux leviers d'une organisation : a) l'aspect fonctionnel du marketing - le mix marketing et b) la philosophie stratégique d'une orientation vers le marché ou le public. Avec le développement du marketing relationnel le focus s’oriente vers la manière dont une organisation peut satisfaire le besoin de son client.

79

Selon Kotler, dans une phase initiale, les organisations à but non lucratif adoptent de facto des techniques de la partie la plus visible du marketing, la promotion. « Le marketing sera premièrement défini comme publicité et promotion plus qu'une manière révolutionnaire de regarder l'institution et ses objectifs. (…) Les craintes par rapport au marketing dans ce domaine ont leur source dans l'erreur de considérer seulement cette discipline comme de la promotion. La contribution réelle du marketing est de conduire l'institution dans la recherche d'une position éloquente sur un marché plus large. »

Une vertu du marketing relationnel pour la stratégie des organisations publiques ou non-profit est qu’il prend en considération l’environnement pluriel dans lequel elles sont actives, dans une logique de coopération. Il permet de construire du capital confiance entre les diverses parties prenantes de ces organisations. Le marketing relationnel dépasse la simple opposition bipolaire de la concurrence pure, projetant les organisations dans un processus de construction politique et proactive d’un patrimoine relationnel qui peut contribuer au développement organisationnel durable. Pour ceci, les techniques du marketing relationnel ont le potentiel pour être une fonction stratégique à long-terme de l’organisation, à tous niveaux.

80 Pour Kotler, dans le cas d’une organisation à but non lucratif, un planning institutionnel efficace est orienté vers le marché et se fonde sur trois éléments81

a) dédier des ressources humaines au marketing ;

:

b) organiser un audit institutionnel régulier ; c) collaborer avec des agences si besoin.

73 Laing, A., Marketing in the public sector : toward a typology of public services, cite dans McLaughlin, K., Osborne, S., Chew, C., Relationship Marketing, Relational Capital and the Future of Marketing in the Public Service Organisations, Public Money and Management, janvier 2009. 74 Wright, G., Chew, C., Hines, A., The Relevance and Efficacy of Marketing in Public and Non Profit Service Management, Public Management Review, Vol. 14, Issue 4 : 2012 75 Achrol, R. S. and Kotler, P., Marketing in the Network Economy. Journal of Marketing, 63 : 1999 76 Wright, G., Chew, C., Hines, A., The Relevance and Efficacy of Marketing in Public and Non Profit Service Management, Public Management Review, Vol. 14, Issue 4 : 2012 77 Idem 78 Wright, G., Chew, C., Hines, A., The Relevance and Efficacy of Marketing in Public and Non Profit Service Management, Public Management Review, Vol. 14, Issue 4 : 2012 79 Harker, M., Relationship marketing defined? An examination of current relationship marketing definitions, Marketing Intelligence & Planning, Vol. 17 : 1999 80 Kotler, P., Strategies for Introducing Marketing into Non-profit Organizations, Journal of Marketing, Vol. 43, no. 1, Janvier : 1979 81 Idem

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S W

PEST

EL

DEUXIEME PARTIE : ANALYSE EMPIRIQUE

7. EN GUISE DE RESUME

Une vision d’ensemble « P.E.S.T.E.L. »82 et une analyse SWOT83

généraliste par rapport aux ICN sont utiles pour résumer les éléments déjà exposés. Puisque la clé de la mission et de l’activité des ICN est leur public, un sondage d’opinion a été réalisé dans l’audience des ICN étudiés. Une analyse de ce sondage situera clairement la position actuelle des ICN par rapport à leur public.

Comme mentionné, l’environnement politique, économique et social francilien est propice aux ICN. Les institutions publiques Françaises encouragent et soutiennent la diversité culturelle. Les institutions culturelles présentes sont ouvertes pour des partenariats avec d’autres cultures. Socialement, les comportements de consommation culturelle sont des habitudes historiques. Même si le marché culturel à Paris est encombré, cette menace est compensée par une cible de consommateurs disponible et ouverte à la diversité.

Les éléments technologiques et environnementaux ne sont pas relevant pour la présente analyse externe. En ce qui concerne l’aspect légal, les instituts relèvent d’un système législatif étranger, et leur action est beaucoup influencée par l’acquis européen, qui est favorable à leur activité.

Pour la présente analyse la notoriété culturelle et le capital ressources matérielles des pays inclus est important. Les pays nordiques et le Royaume-Uni sont des pionniers dans le domaine, sans posséder une forte quantité de produits culturels classés comme patrimoine universel84

SWOT GENERALISTE SUR L’ACTIVITE DES ICN EN IDF

. L'Italie est le pays ayant le plus grand nombre d'œuvres inscrites sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Parmi les nouveaux membres de l'Union Européenne, la Roumanie, un pays latin, et la Pologne, un pays slave, sont émergeants au niveau de la pratique de la promotion culturelle à l'étranger

Diversité : les ICN apportent sur le marché parisien des produits culturels importés et contribuent à la multiplication de l’offre.

Financement des sources publiques assuré : le financement de la création des services est garanti par la mission qui leur est attribuée. Liberté dans le choix des produits : les ICN peuvent choisir parmi une vaste plage de produits culturels ceux qui représentent le mieux leur culture nationale pour la cible qu’ils se fixent (les acteurs privés sur le marché culturel n’ont pas le même avantage, la production des œuvres étant limitée). Coopération : l’existence d’un forum qui réunit les ICN de Paris (mettant les ressources et les efforts en commun les résultats sont plus pertinents et efficaces).

Langue étrangère : dans la plupart des cas le produit culturel importé est issue d’une civilisation qui n’utilise pas le français comme langue native. Traduction : la traduction des produits culturels diminue leur pouvoir de pénétration et de communication. Financement des sources publiques assuré : la motivation des employés et l’esprit entrepreneurial de l’organisation ne sont pas encouragés. Dissonance entre le métier et la mission : si la mission révèle du domaine public (administration bureaucratique) le métier des ICN les amène sur un marché, en concurrence avec des acteurs du secteur privé.

82 Analyse par rapport aux facteurs politiques, économiques, sociaux, technologiques, environnementaux et légaux autour du sujet. 83 Analyse des menaces, opportunités, forces et faiblesses généraux des ICN. 84 La Liste du patrimoine mondial UNESCO a été prise comme référence : http://whc.unesco.org/fr/list

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O T

Public : la consommation culturelle est un comportement habituel en France, l’un des plus développés en Europe.

Produit de niche : le public cible des produits culturels importés peut être facilement identifié et touché. Partenaires : un nombre important d’opportunités de partenariat avec des institutions culturelles locales. Evénements culturels parisiens : un nombre important d’événements organisés à l’échelle parisienne, communiqués intensivement, très notoires, dans le cadre desquelles les ICN peuvent participer (ex. Nuit blanche). Des salons internationaux : Paris est la ville ou on organise le plus grand nombre de salons en Europe.

Budget : les ressources de la majorité des ICN sont très réduites par rapport à celles de leurs concurrents. Différences culturelles organisationnelles : les stratégies culturelles et de promotion sont élaborés par des professionnelles étrangères, avec un degré variable de connaissance du marché francilien. Ressources humaines relevant de domaines non-représentatifs de la culture : un grand nombre des ICN emploient des professionnels du domaine diplomatique.

8. SIX INSTITUTS CULTURELS NATIONAUX A PARIS : ANALYSE EMPIRIQUE

Cette analyse ne revendique pas d’être exhaustive. L’espace d’un mémoire n’est pas suffisant pour une telle démarche. Les entretiens réalisés avec des responsables des instituts, ainsi que les recherches documentaires, se sont concentrés sur les éléments importants d’un point de vue de l’utilisation des techniques de marketing dans le fonctionnement stratégique des organisations étudiées.

Gardant l’anonymat des interviewés, on en fera référence en citant leur fonctions : responsable communication du British Council (BC), responsable manifestations de l’Institut Italien de Culture (IIC), attaché administratif de l’Institut du Monde Arabe (IMA), responsable de programmes de l’Institut Polonais (IP) et responsable de communication, musique design et mode de l’Institut Suédois (SI). Pour l’Institut Culturel Roumain (ICR), l’expérience personnelle de l’auteur a été utilisé (en fonction de responsable communication externe depuis juillet 2010 jusqu’à mai 2013).

Huit critères ont été considérés pertinents pour analyser la tendance naturelle d’une organisation à but non-lucratif d’adopter des concepts marketing :

1. Le niveau de détail de leur objectif : le but de l’ICN est-il concret et mesurable ? 2. L’orientation stratégique et du fonctionnement : vers l’interne (vers l’organisation, elle-même, ou vers le pays

d’origine) ou vers l’externe (vers le public cible de la mission de l’ICN, orienté vers les partenariats). 3. Les mesures de performances utilisées dans leur activité : orientés vers les résultats ou vers le processus. 4. Les ressources humaines : l’allocation des ressources humaines pour le marketing ou la communication et

l’intégration de ces ressources tout au long de la chaîne des valeurs de l’ICN, mesures de performance, etc. 5. Le processus décisionnel dans la définition du service fourni : centralisé, participatif, autonome ou politique. 6. Le système de financement : pourcentage de financement public et capacité d’autofinancement – une variable

déterminante pour l’ouverture de l’ICN vers leur bénéficiaire. 7. Leur rapport au marché / à la demande : est-ce que les décisions pour la définition des services sont précédées

et suivies par des études du public cible ? Comment est-elle définie la politique de prix ? 8. La relation avec le public : actions et conceptualisation de fidélisation, de communication interactive,

évaluation des services par les consommateurs, etc.

L’évaluation de la « propension marketing » des ICN étudiés est fondée sur les concepts d’analyse organisationnelle d’Henry Mintzberg,85

85 Mintzberg, H., « Le management, voyage au centre des organisations », Editions d’organisation, Paris : 1989

auxquelles ces huit critères ont été appliqués. Le cadre d’analyse sera exposé après la présentation des six ICN. Selon Henry Mintzberg, les deux principales variables à compter dans l’analyse d’une

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organisation sont la division et la coordination du travail. Ces deux données seront les fils d’Ariane suivis dans notre analyse des ICN.

Chaque institut analysé sera après encadré dans une ou plusieurs catégories d’organisations, selon la théorie de Mintzberg. Une analyse croisée avec les critères marketing ci-dessus mentionnés donnera l’échelle de 1 à 5 pour le score « propension marketing ». Cela nous permettra d’estimer combien chaque institut des six est naturellement porté à utiliser des techniques marketing dans sa stratégie de fonctionnement.

Le cadre d’analyse fondé sur le schéma de Mintzberg croisée avec les huit critères de la propension marketing sera détaillé après la présentation des instituts. Par la suite, les instituts seront encadrés dans l’échelle du score propension marketing par rapport à leurs caractéristiques organisationnelles.

La prémisse de cette analyse a été que le marketing est avant tout un outil. Une technique de planification stratégique à longue terme du fonctionnement d’une structure, mettant au premier plan son client – le consommateur, le public cible. Dans le cas des ICN, le client est la clé de voute pour la réalisation de leur mission et pour le succès de leur activité.

« PROPENSION MARKETING »

On a défini la « propension marketing » comme la tendance naturelle d’une organisation, à travers les relations humaines et professionnelles qui sont crées par sa structure, et à travers les moyens qu’elle se donne pour disposer des compétences nécessaires, pour utiliser le marketing comme outil de gestion et lient de sa chaîne de valeurs.

BRITISH COUNCIL (BC) est une organisation d'utilité publique à but non lucratif (charity), indépendante du gouvernement (Non-Departmental Public Body - organisme public non-ministériel86). Cependant, le département de l’état qui le sponsorise et avec lequel l’activité est coordonnée, le Foreign and Commonwealth Office87, reste responsable devant le Parlement pour son activité. La relation entre les deux institutions est étroite : le directeur de cet ICN fait partie du service extérieur de la Grande Bretagne, étant également le conseiller culturel de l'Ambassade. De son côté, le chef de l’ambassade évalue l’activité du BC local. Le conseil Britannique est également défini comme une Public corporation, une compagnie du secteur privé soutenue par l'état88

L’activité des ICN, en général, est amplement soumise au diverses pressions politiques externes ou internes et leur activité culturelle en est tributaire, comme on le montrera par la suite, en référence aussi à d’autres ICN. Par exemple, en Russie le BC a été obligé de fermer ses antennes de St. Petersburg en 2006 et de Moscou en 2007, et le rapport au Parlement britannique mentionne la « pression externe »

.

Le BC de Paris fait partie d’un réseau 189 agences à l’étranger répartis dans plus de 100 pays et il a été établi il y a 69 ans. En 2012, le BC vient d’ouvrir deux antennes supplémentaires en France, à Lyon et Marseille. La France constitue le troisième investissement du BC parmi les pays de l’Union Européenne, avec 9,2 millions de Livres, précédée par l’Espagne et l’Italie.

89

86 Des structures qui dépendent au niveau stratégique de différents départements ministériels britanniques, qui leur délèguent la gestion de certains domaines de leur responsabilité. 87 Le Ministère Britannique des affaires étrangères.

comme raison. Actuellement, le BC passe un processus de profond changement, en syntonie avec la ligne générale de la politique externe britannique. Ils réduisent les ressources investies en Europe pour augmenter celles dans le monde Islamique, le subcontinent indien, et l’extrême Orient.

88 British Council, Management and Structure, http://www.britishcouncil.org/organisation/structure 89 House of Commons, Public Accounts Committee, British Council: Achieving Impact. Fifty–sixth Report of Session 2007–08, Report, together with formal minutes, oral and written evidence : 17 November 2008

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La mission du BC, prévue par sa Charte Royale, est « de créer des opportunités internationales pour les peuples de la Grande Bretagne et des autres pays et de construire la confiance entre eux à l’international. » 90

- « Promouvoir les relations culturelles et la compréhension des différentes cultures entre le peuple et les populations du Royaume Uni de des autres pays ;

Détaillée, cette mission comprend les suivantes objectives :

- Promouvoir une connaissance élargie du Royaume Uni ; - Développer la connaissance de la langue anglaise ; - Encourager la coopération culturelle, scientifique, technologique et éducationnelle entre le Royaume Uni et d’autres pays ; - Autrement, promouvoir l’avancement de l’éducation. »91

Dès la première assertion de ses buts on perçoit chez le BC une orientation vers l’extérieur. Le BC place les autres cultures sur un niveau égal d’importance pour leur activité que la culture britannique. Ainsi, il se positionne, déjà à travers ses buts premiers, comme une plus-value pour toutes les parties prenantes, externes et internes à l’organisation et au pays. Un tel positionnement annonce une stratégie de branding pays de type pull

92

- L’impact des actions significatives par rapport aux buts de l’institution ;

.

A travers une programmation multi annuelle (celle en vigueur étant le Plan Corporate 2011-2015) le BC définit concrètement les domaines d’action pour atteindre les résultats souhaités. Actuellement, le BC travaille sur trois axes conducteurs : 1. l’anglais, 2. les arts et 3. l’éducation et la société.

Les mesures de performance utilisées par le sommet stratégique sont effectuées chaque année par rapport aux achèvements établis dans le planning annuel ou pluriannuel à Londres. Elles font référence aux éléments suivants:

- L’ampleur des actions : le nombre de personnes impliqués dans les actions du BC ; - La qualité du travail – mesurée par rapport aux évaluations internes et externes des années antérieures et par

rapport aux standards existants dans l’institution.

Ainsi, le but est concret et mesurable par des standards et objectifs fixés à l’avance. A Londres l’évaluation est réalisée à travers trois instruments : une Enquête Annuelle d’Impact, l’évaluation de l’implémentation des différents programmes et une enquête parmi les Chefs de mission diplomatique dans les pays ou les BC fonctionnent (étude qui fournit le feedback du Foreign and Commonwealth Office).

L’enquête annuelle d’impact est un sondage appliquée au diverses partenaires avec lesquelles le BC a travaillé pendant l’année. Par exemple, pour le BC de Paris les catégories d’individus qui peuvent être inclus dans le sondage sont les professeurs d’anglais, les partenaires institutionnels français (le Pavillon de l’Arsenal, par exemple), divers théâtres français, un réseau de salles de cinéma partenaires, etc. On note l’importance de la perception des collaborateurs locaux dans les mesures de performance, ce qui donne une idée sur le poids que le BC place sur la politique de partenariats.

Le sondage de 2012 a été mis en œuvre par Ipsos MORI, un institut d’études de marché anglais, dans 50 pays ou le BC est présent, parmi lesquelles la France. L’étude Ipsos va au-delà de l’outil sondage d’opinion pour inclure des entretiens avec ces personnes. Le but est de disposer d’une information plus détaillée par rapport à un simple sondage. L’étude évalue non seulement la performance perçue des actions du BC mais aussi l’impact de la collaboration pour les

90 British Council, Annual Report, 2012 – 2013, http://goo.gl/PH14Ak et l’entretien réalisé le 14.11.2013 avec un responsable du BC Paris. 91 British Council, Annual Report, 2012 – 2013, http://goo.gl/PH14Ak. 92 Stratégie marketing pull : communication sollicitée (ou au moins autorisée) par le destinataire. (Glossaire marketing Mercator www.mercator-publicitor.fr)

Extrait du Rapport annuel 2012-2013 du Conseil Britannique : l'impact sur les collaborateurs selon l'enquête Ipsos MORI

Extrait du Rapport annuel 2012-2013 du Conseil Britannique : le feedback des missions diplomatiques dans 80 pays, France incluse

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objectifs personnels des interviewés. En 2012, l’étude révèle que pour les partenaires de BC le plus important impact de cette collaboration (92%) est l’influence positive sur leur développement professionnel.

L’enquête qui fournit le feedback du ministère des affaires extérieures a été déployée, en 2012, dans 80 pays, la France incluse. Les ambassadeurs apprécient « l’impact des BC à travers leur travail dans l’enseignement de l’anglais, éducation et société et les arts, ainsi que la mesure dans laquelle ils sentent que [le BC respectif a offert le bon rapport qualité-prix. »93

Le BC de Paris soumet des rapports trimestriels sur les évolutions locales par rapport aux mesures de performances décrites.

Les évaluations sont intégrées dans un système de score évalué sur une échelle de 0 à 100, zéro décrivant le qualificatif « fortement négatif ». En 2012, pour les 80 pays inclus, le score se situait un point sous la cible préétablie dans le planning annuel.

Le BC est donc évalué par rapport à des mesurés bien définies et appréciées chaque année dans une démarche continue. Les résultats attendus sont définis préalablement, et le niveau de détail de cette définition permet une évaluation objective. Pour cela on peut affirmer, à travers les mesures de performance utilisées, que le BC est une organisation orientée vers les résultats.

94

Parmi les ICN étudiés, le BC de Paris est le seul à disposer de ressources humaines formées au marketing et dédiées à temps plein. D’ailleurs, la structure du personnel est assez professionnalisée : « managers, gestionnaires de projets, spécialistes de secteurs, enseignants, personnel administratif. »

De même, ils « rapportent de façon annuel au Foreign affairs committee », a déclaré le responsable de BC Paris interviewé pour la présente recherche.

Au niveau des ressources humaines, le BC Paris fonctionne avec une équipe de trois dirigeants, citoyens britanniques, et une technostructure et un centre opérationnel employé localement. Le recrutement des ressources humaines locales est un avantage compétitif sur le marché local. Cette stratégie est symptomatique de la politique générale du BC, orientée vers le bénéficiaire.

95

La performance des employés est évaluée en mesurant la « réalisation des objectifs et cibles individuelles », fixés en accord avec l’employé et comparés aux standards de la fiche de poste

Egalement, le BC fait de sa politique de diversité et d’égalité de chances dans le recrutement un objectif.

96

Le BC réalise des sondages pour tester le niveau d’engagement de son personnel et avoir une image réelle des évolutions courantes internes. Le sondage de l’année 2012 a révélé un niveau d’engagement plus haut que la moyenne des institutions privées et publiques anglaises.

.

97

Pour la définition des services et produits culturels offerts, le BC utilise des études du marché local. Des enquêtes des consommateurs sont réalisées a priori pour percevoir les attentes et a posteriori pour sonder la satisfaction

Le BC Paris déploie une politique active de partenariats locaux. Leur programmation événementielle se développe entièrement en dehors de leur siège. Les locaux sont dédiés à l’activité phare, l’enseignement de l’anglais, qui est la clé de voute de la stratégie de promotion et, très important, la première source de revenus.

98

Le processus de décision dans la définition de l’offre est « variable selon l’équipe, les programmes et les partenaires. »

.

99 Le BC de Paris travaille en collaboration avec des experts locaux français pour bénéficier d’un feedback spécialisé. L’offre est conçue localement, fondée sur des opinions d’experts, et coordonnée avec la stratégie globale à Londres. »100

93 British Council, Annual Report, 2012 – 2013,

Il est important de souligner que, dans le langage des plannings, des évaluations, des documents stratégiques, etc. le terme utilisé pour définir le public cible est « customers » (clients). On peut tirer la conclusion que la mentalité stratégique elle-même du BC est orientée vers le client, dans une logique conceptuel marketing. D’ailleurs, dans l’évaluation annuelle générale du BC Londres la satisfaction des clients est une des mesures importantes.

http://goo.gl/PH14Ak. 94 Entretien avec un responsable communication de BC, réalisé le 14.11.2013. 95 Idem 96 British Council, Annual Report, 2012 – 2013, http://goo.gl/PH14Ak. 97 British Council, Annual Report, 2012 – 2013, http://goo.gl/PH14Ak. 98 Idem 99 Idem 100 Idem

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La stratégie client est assez complexe et développée. « Nous travaillons avec des publics divers et variés. Chaque cible dépends d’un département – par exemple nous distinguons entre contact professionnel et contact non professionnel. »101

Pour les arts, entre autres, l’action du BC est ciblée pour encourager quatre principes fondamentaux de développement, selon lesquelles le public cible sera défini : le leadership (les managers culturels), l’innovation (encouragement des niches culturels et de la mobilité internationale), la responsabilité sociale (les acteurs qui ont une contribution aux enjeux sociales mondiaux), et la diversité culturelle (les artistes qui interagissent avec l’héritage culturel et avec les différents modèles et approches Européennes concernant le multiculturalisme).

Pour la communication le BC Paris finance deux postes à temps plein. En plus, « chaque service a un budget communication variable selon ses objectifs. »102

Le digital est utilisé comme outil d’interaction avec le public cible, mais également comme mesure de performance de l’entière activité. Le BC Paris communique à travers un site web, un blog, des comptes sur les réseaux sociaux Twitter, Facebook, Youtube, un newsletter électronique, et la diffusion sur Google places.

103

Pour la communication « traditionnelle » le BC utilise de la publicité dans les médias, l’outil publi-rédactionnel, la communication directe avec les journalistes, l’affichage, du marketing direct (distribution de flyers) et ils participent aux divers salons (dans leur domaines d’intérêt, comme l’éducation). Par exemple un des premiers événements du BC en 2014 est la participation au Forum de la Mobilité Internationale de Lyon. La communication est gérée en interne, mais de temps en temps, le BC collabore avec des agences.

Dans la conception stratégique du BC la communication ciblée par des segments définis de public est considérée comme

étant une action de fidélisation des clients104

Le système de financement du BC est, parmi les ICN étudiés, le moins dépendant de la « maison mère » et des financements publics. Dans sa propre définition le BC mentionne « nous sommes un service public entrepreneurial, gagnant notre propre revenu et recevant une sponsorisation de la part du gouvernement. »

.

105 Pour le BC global le but est d’arriver à l’horizon 2015, à un taux d’autofinancement de plus de 80%. Actuellement « pour chaque £1 d’aide gouvernemental le BC a généré £3.56 supplémentaires de sources propres »106

101 Entretien un responsable de la communication BC Paris réalisé le 14.11.2013. 102 Entretien réalisé le 14.11.2013 avec un responsable BC Paris. 103 Idem 104 Entretien avec un responsable de la communication BC Paris réalisé le 14.11.2013.

(une augmentation de 47 pennys par rapport au 2011- 2012).

L’autofinancement de la « charité » (fondation) est généré par les paiements pour leurs services par les clients « qui ont la capacité financière de payer ». Il à lieu à travers des services délivrés pour d’autres institutions britanniques ou à l’international, et à travers les partenariats avec des organisations du secteur privé.

105 British Council, Annual Report, 2012 – 2013, http://goo.gl/PH14Ak 106 Idem

Satisfaction client dans les pays de l'Union Européenne, Extrait du Rapport du Conseil Britannique 2012 - 2013

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Une telle politique, comme mentionné dans un chapitre antérieur, impacte sur les principes mêmes qui structurent l’organisation : la distribution de travail et la coordination stratégique.

Le BC, comme toutes les organisations à but non-lucratif dans la culture, ne se rapporte pas à la concurrence du marché culturel local, de manière combattante. Le responsable de la communication a apprécié que : « Il n’y a pas d’autre organismes au Royaume-Uni avec les mêmes objectifs que nous. » 107

CONCLUSION

Les éventuels concurrents seraient donc, de leur point de vue, des organisations nationales œuvrant pour le même intérêt public. La logique de fonctionnement reste celle du partenariat, mais cela n’empêche pas l’utilisation des outils marketing.

Il faut le noter, le BC se donne des moyens importants dans le domaine du marketing, leur budget étant l’un des plus élevés parmi les ICN à Paris. Mais ils vont plus loin que ça, faisant du marketing une technique pour construire des relations avec leur bénéficiaires. Par rapport à l’analyse organisationnelle fondée sur les concepts d’Henry Mintzberg nous pouvons donc placer le BC de Paris dans la définition des organisations divisionnalisées pour sa coordination stratégique et des bureaucraties professionnelles pour sa division du

travail. Le BC de Paris utilise les techniques du marketing dans sa stratégie et dans son fonctionnement quotidien, étant ainsi un exemple de bonnes pratiques dans le sens de notre raisonnement ici. Pour cela le score « propension marketing » de BC est le maximum, 5.

ISTITUTO ITALIANO DI CULTURA (IIC) est une structure légale plus simple que le BC, mais pas forcément plus efficace pour cela. IIC est une institution publique faisant partie intégrante de La Farnesina, le Ministère italien des affaires étrangères (MAE). Sa stratégie découle directement de la politique externe du pays. Les actions de l’IIC sont redevables au Parlement Italien.

L’IIC fait partie d’un réseau de 90 instituts répartis dans tout le monde. En France, l’IIC est présent à Paris, Marseille et Lyon.

La mission de IIC, affirmée sur le site du Ministère des affaires étrangères Italien, comprends les principaux rôles d’un institut culturel, comme définis auparavant : vecteur de la marque pays, vecteur de diplomatie culturelle, etc. « En harmonie avec l’action politique des ambassades, les instituts promeuvent la culture italienne – celle classique mais également et surtout celle contemporaine – desquelles la langue, la recherche scientifique et l’idée « Made in Italy » font partie intégrante. »108 Elle est développée dans des actions concrètes : organisation d’événements culturels, organisation de cours de langue, promotion de la culture scientifique de l’Italie, management de bibliothèque, création de contacts entre les opérateurs culturels italiens et étrangers, « facilitation » du dialogue culturel fondé sur les principes de la démocratie. Dans les rapports vers le Parlement la promotion des « industries culturelles » occupe une place importante.109

Les critères d’évaluation annuelle, réalisé à Rome, ne sont pas liés à des mesures de performance compétitive typiques d’un marché culturel. Par exemple, les résultats sont définis en comptant le nombre d’événements organisés, ou le nombre d’étudiants en italien. La revue de presse, italienne et française, est également un critère d’évaluation. Typique

L’IIC accorde une plus grande importance (par rapport au BC) à la promotion de l’art italien, une chose compréhensible vu l’immense capital historique de ressources immatériels du pays. Néanmoins, la lecture des rapports du MAE au Parlement sur les IIC, laisse penser que la plupart de la promotion culturelle de Italie à l’étranger est plutôt réalisé à travers des écoles italiennes, des coopérations universitaires, scientifiques, etc., qu’à travers les instituts.

107 Entretien avec un responsable de la communication BC Paris réalisé le 14.11.2013. 108 Ministero degli Affari Esteri, La rete degli Istituti Italiani di Cultura, http://www.esteri.it/MAE/IT/Politica_Estera/Cultura/ReteIIC.htm 109 Atti parlamentari, XVI Legislatura, Camera dei Deputati, doc LXXX n. 5, Relazione sull’attività svolta per la riforma degli istituti italiani di cultura e sugli interventi per la promozione della cultura e della lingua italiane all’estero, 2011

Extrait du Rapport du Conseil Britannique 2012 - 2013 - Sources de revenus

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des ICN avec une orientation vers la promotion nationale push110

Le Règlement de fonctionnement prévoit que les personnes envoyées aux IIC aient des compétences professionnelles dans le « domaine de la culture », mais aucun autre détail n’est donné.

, un accent disproportionné est mis sur la couverture des opérations dans la presse locale.

Comme autres critères d’évaluation, le rapport du MAE au Parlement en 2011, par exemple, mentionne le montant des investissements financiers, ou d’autres principes, comme le nombre de prix littéraires accordés. Mais des mesures révélatrices de la relation des IIC avec leur public, comme le nombre de contacts avec la cible ou le taux de satisfaction des contacts, ne sont pas considérés.

Par rapport au BC on note que l’IIC de Paris est une partie intégrante du Ministère. L’organisme coordonnateur est une « Commission nationale pour la promotion de la culture italienne à l’étranger », avec une composition mixte, privée-publique (Ministre et des personnalités du monde culturel, nommés par diverses instances de l’administration publique). L’avantage de cette incorporation ministérielle pour la réalisation de la mission IIC est le fait qu’il est correctement intégré dans un système plus large de promotion de la marque pays à l’international.

Toutefois, pour les ressources humaines, les employés de l’IIC font majoritairement partie du corps diplomatique italien. Des personnalités du monde culturel, « di chiara fama » (renommée illustre) sont nommées par le Ministre en tant que directeurs IIC. Par exemple, la personne en charge actuellement à l’IIC de Paris est une journaliste italienne de renom.

111

Le manque de professionnalisation amène le personnel de l’IIC à prendre en charge des taches très différentes et non-coordonnées. Fait également amplifié par la taille réduite de l’équipe (12 personnes).

Du point de vue de notre argument, ceci est une difficulté structurelle, puisque la répartition des fonctions professionnelles dans l’équipe IIC est laissée à la latitude du directeur (sans aucun règlement par rapport aux compétences individuelles). Ce manque de professionnalisation réglementée, spécifique d’une organisation politisée ou entrepreneuriale (dans le cadre de Mintzberg), est aussi une source de manque compétences marketing dans l’IIC Paris. Il y existe une personne ayant des responsabilités pour le digital, mais pas forcément dédiée à la communication.

L’interview avec le responsable de manifestations de l’IIC Paris a révélé une volonté personnelle de principe pour consacrer le meilleur de ses compétences à la mission de l’IIC. Le fonctionnement de l’institution peut être facilité par une telle attitude individuelle, mais cela ne garantit pas la stabilité du système.

112

Comme le BC, l’IIC se rapporte à une concurrence nationale. L’interviewé a estimé que le seul concurrent réel à Paris pourrait être « l’Institut Culturel Italien », une entité privée diverse, ayant le même but parallèle. Sinon, l’équipe de l’IIC est consciente de l’encombrement du marché parisien : « pour ce qui est des événements culturels ils sont tous nos concurrents. Il y a tellement de choses à faire à Paris … »

Si besoin, la personne responsable de la communication, par exemple, accomplira une fonction d’accueil événementiel. Ce trait, spécifique des organisations entrepreneuriales, n’est pas un mal en soi, mais chez l’IIC, et d’autres instituts culturels, cela vient en contradiction avec les demandes d’un système bureaucratique parfois trop réglementé.

113

Malgré cela, des études de marché ou du public ne sont pas réalisés, sauf pour la politique des prix des cours d’Italien. En définissant les prix, d’autres institutions d’enseignement sont passés en revue, selon l’interviewé. Les cours sont quasiment le seul service payant de l’IIC. « 90 % des événements sont gratuits. On ne fait payer que les concerts parce qu’ils comportent des coûts techniques supplémentaires. Pour les événements nous sommes sous le prix du marché, et je ne pense pas qu’on serait compétitifs avec des prix plus chers. »

Les autres instituts nationaux présents à Paris sont perçus comme une richesse, des potentiels collaborateurs à travers le FICEP.

114

Le public cible n’est pas défini, et son comportement n’est pas étudié. « Nous ne ciblons pas un public prédéfini. On repose sur des gens qui nous connaissent et qui continuent à venir. »

115

Il existe un programme qui se revendique des techniques de la fidélisation (type « surprise & delight »/communautaire

L’IIC ne s’intéresse pas non plus à la satisfaction des clients, ne faisant pas d’enquêtes dans ce sens.

116

110 Communication push, définie comme « messages envoyés par une entreprise, une marque ou un distributeur sans avoir été sollicités par les destinataires. C’est une communication intrusive. » (Glossaire Mercator,

) mais le but est fondamentalement le mécénat. Le seul segment de public à qui le statut est accordé gratuitement est celui des étudiants du cours d’italien.

www.mercator-publicitor.fr) 111 Regolamento recante norme sull’organizzazione, il funzionamento e la gestione finanziaria ed economico-patrimoniale degli istituti italiani di cultura all’estero, Decreto del Ministro degli affari esteri n. 392 : 27 avril 1995 112 http://www.iicparigi.esteri.it/IIC_Parigi/Menu/Istituto/Chi_siamo/Lo_staff/ (consulté le 13 novembre 2013) 113 Entretien réalisé avec un responsable de manifestations de l’Institut Italien de Culture à Paris, le 08 novembre 2013. 114 Idem 115 Entretien réalisé avec un responsable de manifestations de l’Institut Italien de Culture à Paris, le 08 novembre 2013.

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La définition de l’offre est autonome. A part les programmes nationaux conçus à Rome et développés globalement, la programmation est à la discrétion du directeur. La ligne directrice doit être en harmonie avec la politique externe italienne, mais aucune approbation n’est nécessaire de la part du ministère pour l’offre événementielle ou d’enseignement.

L’offre de l’IIC Paris comprend des cours de langue, une bibliothèque italienne et des événements. Une offre commerciale permanente, comme un point de vente ou un café, n’existe pas. Sous une nouvelle direction, dernièrement, l’IIC Paris a commencé organiser des cours de chant lyrique et des cours de cuisine italienne payants.

A travers cette offre l’IIC arrive s’autofinancer à un maximum de 40% du budget, desquelles les cours d’Italien comptent pour 30%. D’autres sources de revenus sont la privatisation d’espace, le mécénat et le sponsoring. « Nous avons un partenaire privilégié, ENEL et des collaborations avec des compagnies de design italien qui ont un intérêt à promouvoir leur produits en France mais c’est un mécénat en objets. »117

Dans son action de communication l’IIC est porté naturellement vers une promotion segmentée, au mois par rapport aux différents domaines sources de leur service : « Nous avons créé des listes de communication par domaine d’art. On peut envoyer des invitations ciblées. »

La grande majorité des fonds provient des sources publiques.

118

En dehors des collaborations avec des agences, les relations presse sont aussi difficiles que pour les autres institutions culturelles de cette taille à Paris. « C’est plutôt la presse italienne qui va nous suivre. »

La communication digitale est prépondérante, avec un site, une newsletter, et l’utilisation des réseaux sociaux, notamment Facebook.

Pour ce qui est de la communication « traditionnelle » l’IIC engage de la publicité dans les médias, de l’affichage ou des collaborations avec des agences seulement pour les grands événements réalisés en partenariat ou à l’échèle globale, comme par exemple, « Suona italiano » ou « Face à face – théâtre italien en France ».

119

CONCLUSION

A l’avis de l’interviewé le manque de couverture dans la presse française est aussi une conséquence de l’absence d’un responsable relations presse à temps plein.

Une structure mixe entre organisation entrepreneuriale et politisée pour la distribution du travail et une bureaucratie mécaniste pour la coordination stratégique, l’IIC a le score 2,25/5 pour la propension marketing. Si les individus dans l’organisation sont prêts à se former, et ont des compétences rudimentaires dans le marketing, les procédures de travail ne sont pas favorables à une telle évolution. L’IIC utilise des éléments de marketing, uniquement par obligation vis-à-vis de la nature de la communication avec le public.

L’INSTITUT DU MONDE ARABE (IMA) est une institution culturelle de droit Français, fondation d’utilité publique sous l’égide du Quai d’Orsay120. Elle a été créée en 1980121

Par rapport aux autres ICN présentés dans cette étude, l’IMA est un géant du marché culturel local parisien. Dans le bâtiment de 16 900 m², œuvre de Jean Nouvel, en 2012, travaillaient 152 employés. La même année, l’IMA rapportait €21,6 millions de dépenses de fonctionnement desquelles plus de €10 millions investis dans des projets culturels

conjointement par la République française et les États membres de la Ligue arabe (l'Algérie, l'Arabie saoudite, le Bahreïn, Djibouti, les Émirats arabes unis, l'Irak, la Jordanie, le Koweït, le Liban, le Maroc, la Mauritanie, Oman, le Qatar, la Somalie, le Soudan, la Syrie, la Tunisie, le Yémen, la Libye, l'Égypte et la Palestine). Cela constitue un statut juridique sui generis (unique dans le droit). Actuellement, l’IMA est placée sous le contrôle financier de l’état français qui contribue à 60% à son financement. D’ailleurs, aujourd’hui la contribution des états de la Ligue Arabe a diminuée à 10%.

122

116 Programme à cartes de membre payantes qui distinguent plusieurs niveaux de reconnaissance, ayant des prix croissants en fonction de la contribution de mécène. Les avantages sont surtout statutaires (invitations spéciales, accès aux événements privés). 117 Idem 118 Idem 119 Idem 120 Ministère français des affaires étrangères. 121 Acte de fondation de l’Institut du Monde Arabe, Texte du décret du 14 octobre 1980, www.imarabe.org

. Cette institution ne souffre pas de comparaison avec un Institut Culturel Roumain, par exemple, comportant à Paris 8 employés et environ €600 000 de budget annuel. En plus, l’IMA bénéficie de la portée d’une grande institution culturelle parisienne : 1700 visiteurs par jour en moyenne en 2012.

122 Institut du Monde Arabe, Rapport d’activité 2012, http://goo.gl/PpBOkr

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Pour l’analyse conceptuelle du présent mémoire l’IMA sert premièrement pour une comparaison des mentalités relatives au marketing dans des structures ou la culture se mélange avec la politique.

Dans le cas de l’IMA la question fortement politique qui croise sa structure et son fonctionnement ne sera pas analysée. On regarde cet institut du point de vue d’une institution culturelle française.

Selon son directeur de la communication, Philippe Cardinal, l’IMA a été établie pour « corriger l’image négative répandue dans l’opinion française et occidentale, après la guerre qui opposait, dans les années 70, Arabes et

Israéliens. » La culture, à son avis, a été utilisée pour contrecarrer la politique123. Pourtant, la politique a plutôt empêché l’art à s’exprimer pendant 27 ans. Jusqu’à la nomination de Dominique Baudis en 2007 comme président du Conseil d’administration de l’institution, la Cour de comptes française a constaté des « sérieuses défaillances dans la gestion de l’institut. »124

Dominique Baudis a mis en place un « effort réel »

125 de redressement financier après une période de «dérive stratégique et financière d’une institution qui n’est jamais parvenue à déterminer ce que devrait être sa place parmi les grandes institutions culturelles parisiennes. »126

En 2011 l’IMA a reçu la dénomination « Musée de France » et en 2012, après une restauration des locaux, financée majoritairement par mécénat, l’IMA est relancé avec de nouvelles ambitions. Le marketing fait partie de cette réforme, même si, comparé au fonctionnement du British Council dans ce domaine, la stratégie marketing de l’IMA s’avère encore embryonnaire.

L’IMA n’exerce pas, au niveau institutionnel, une ouverture complète sur les informations managériales. D’ailleurs, en manque d’informations pertinentes suite à notre premier entretien avec l’attaché d’administration, nous avons essayé, de contacter le dirigeant de la communication de l’institut. Nos démarches sont restées sans succès.

A la fin de cette période de disfonctionnements l’IMA était arrivé à un déficit de €38,5 millions. Cela a été probablement causé par l’ingérence de la politique. Tous les pays fondateurs de la Ligue arabe sont présents dans le Conseil d’administration. En 2006 les arrières de payement des quelques états arabes comptant €12,5 millions.

La reformé opérée n’a pas modifié la mission. Cette institution a « la vocation de faire connaître – ou mieux connaître –, aux publics français et européen, l’apport du monde arabe à la civilisation universelle, comme aussi de promouvoir le dialogue entre l’Orient et l’Occident. »127

L’IMA est une organisation bureaucratique professionnalisé, fonctionnant avec 14 services spécialisés

Mais cette mission est vague et manque d’objectifs concrets. Des mesures de performance ne sont pas définies publiquement.

128

L’institution a une politique active de marketing. Par exemple, elle développe des partenariats, surtout comme moyen de se faire connaître et de cibler des segments bien définis de public. IMA participe également à divers salons. Des partenaires tels que les billetteries Fnac et Ticketnet sont utilisés pour toucher les cibles définis. De même dans l’effort de réforme « la base de données des courriels de l’IMA a été segmentée, afin d’améliorer le ciblage des publics en fonction des centres d’intérêt. »

. Le département de la communication comprend des ressources humaines ayant des compétences marketing.

129

Dans la même logique de développement de publics ciblés, l’IMA a mis en place en 2012 une nouvelle politique de prix. L’interviewé a expliqué que, généralement l’IMA cible « tous publics et tous âges, toutes nationalités confondues,

123 Des pharaons à l’art moderne, Interview du directeur de la communication IMA, Philippe Cardinal, http://goo.gl/zgviIP : février 2008 124 Adresse nr. 64866 du Premier président de la Cour des comptes au Laurent Fabius, Ministre des affaires étrangères : Paris 19 septembre 2012. 125 Idem 126 Senat, Travaux de la commission : audition sur le référé de la cour des comptes relatif à l'institut du monde arabe (IMA) : 27 mai 2008 127 IMA, Fonctionnement, http://www.imarabe.org/connaitre-ima/fonctionnement/ligue-arabe 128 IMA, Organigramme, http://goo.gl/YQiZWa 129 Institut du Monde Arabe, Rapport d’activité : 2012

Extrait du Rapport d'activité de l'Institut du Monde Arabe, 2012

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en particulier, le public jeune issu de l’immigration. » Ainsi leur nouvelle politique de prix prévoyant la gratuité pour les jeunes et les personnes bénéficiant de minima sociaux est cohérente.

En 2012, l’IMA a commandé pour la première fois une enquête sur la satisfaction du public. Le fait que 95% des visiteurs se déclarent satisfaits par les services, et sont, en plus, fidèles (3 visites/an), pourrait aider l’IMA accroître dans le futur sa capacité d’autofinancement.

La communication est une responsabilité transversale : « Le département de communication est chargé de la promotion de toutes les activités de l’IMA. Bien entendu, chaque service fait aussi sa propre promotion par une newsletter ou divers contacts. »130

La décision pour la définition de l’offre croise des critères comme « la fréquentation du public, la programmation culturelle parisienne, la nécessité de faire connaître des sujets spécifiques, parfois selon l’actualité des états arabes. »

Le digital est encore élémentaire : l’IMA est actif sur Facebook depuis 2010, mais seulement à la fin de 2012 il crée un compte Twitter, et commence à accroître sa couverture digitale. Les relations presse sont bien développes et l’IMA bénéficie de l’attention média propre d’une institution culturelle française à sa taille.

131

CONCLUSION

Dans leurs points de vente, comme la librairie, l’IMA a commencé déployer une stratégie de marketing événementiel intense et a développé des produits dérivés, spécifiques aux activités. Cela est une des sources de revenus autofinancés.

Avec des partenaires forts comme Total, Lagardere ou la Fondation Orange, l’IMA bénéficie d’un fort soutien mécénat. Quelques états arabes, tel que le Kuweit, ont été les principales investisseurs pour la rénovation des locaux. Pour l’instant, l’IMA est encore sponsorisé à plus de 50% par l’état Français.

A moitié chemin entre institution diplomatique et culturelle, l’IMA a souffert, comme toutes les ICN d’un manque de coordination entre sa mission originale et son métier. La reforme mise en place la rapproche plus d’une institution culturelle française, mais les intérêts politiques diverses restent à l’intérieure de la structure. La reforme a inclut un important composant marketing qui commence à porter ses fruits. Cette institution se place au 4/5 sur l’échelle de la propension marketing. Même si elle s’est donné tous les moyens, son activité dans ce domaine n’en n’est qu’à ses débuts. L’IMA est une organisation divisionnalisée par rapport à la division du travail et un mix de structure divisionnalisée et politisée, par rapport à sa coordination.

INSTITUTUL CULTURAL ROMAN (ICR) est une institution de l’administration publique roumaine. Si chez l’IMA, les premières années de fonctionnement ont été marquées par une schizophrénie provoquée par les intérêts politiques de plusieurs états présents dans l’administration, avec l’ICR on note un profond clivage au niveau de la structure institutionnelle. A Bucarest, « l’Institut culturel roumain » est une institution publique autonome, ayant pour mission « la représentation, la promotion et la protection de la culture et de la civilisation nationales en Roumanie et à l’international »132. Cette institution exerce une action de promotion culturelle à l’international à travers les « instituts culturels roumains à l’étranger, qui maintiennent leur subordination administrative au Ministère des affaires étrangères. »133

De plus, l’un des plus importants disfonctionnements potentiels de provoqués par cette situation apparait par rapport à la responsabilité juridique des employés. Les équipes à l’étranger sont assimilées au corps diplomatique roumain et leur responsabilité juridique se dirige à travers le Ministère des affaires étrangères. Nonobstant, dans leur activité

En pratique cela veut dire que les ICR qui fonctionnent sur le territoire d’autres pays sont des organisations bicéphales, dépanadant de l’Institut culturel roumain pour la mise en œuvre de leurs projets culturels, mais du Ministère des affaires étrangères pour leur administration logistique.

Il est nécessaire de préciser que les deux institutions en Roumanie ont des administrations, des règlements, de fonctionnement et des métiers complètement différents. Dans les faits, elles se rencontrent seulement au moment de l’évaluation annuelle des ICR à l’étranger, une procédure commune.

130 Entretien avec un attaché administratif de l’IMA réalisé le 24 octobre 2013. 131 Idem 132 Loi nr. 356 de 2003 relative à l’établissement, l’organisation et le fonctionnement de l’Institut Culturel Roumain, http://www.icr.ro/bucuresti/misiune-strategie-functionare/legislatie.html 133 Idem

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quotidienne elles mettent en œuvre une programmation culturelle financée à 100% par l’Institut culturel roumain, fonds pour lesquelles seule la direction peut être responsable.

Ayant un capital image plutôt négatif lié à une culture méconnue et aux effets des vagues d'immigration présents et passés, pour la Roumanie une organisation comme l’ICR est importante. Historiquement, l'assimilation intellectuelle des immigrants, comme Emil Cioran134

Il existe des mesures de performance orientées vers le résultat, mais elles restent conceptuelles. Les évaluations comptent le nombre de participants aux événements, le nombre d’articles médias français et roumains (importance démesurée de la couverture média), le nombre d’événements en partenariat, etc. Toutefois, ce sont tous des données quantitatives, et jamais qualitatives. A son initiative, l’ICR Paris a introduit dans son rapport annuel une mesure qui donne idée de la qualité de l’investissement par événement : le montant dépensé par spectateur présent et le montant dépense par contact (en comptant aussi les visiteurs uniques sur le site et sur les réseaux sociaux). Pourtant ce genre de jugement n’est pas institutionnalisé. Malgré tous, le processus bi-institutionnel d’évaluation de l’activité de l’ICR ne permet pas, en pratique, la réalisation d’évaluations efficaces

, dans leur pays d’accueil, romps leur lien public avec la culture roumaine. Ainsi, même si beaucoup de roumains ont eu des contributions au capital culturel universel, ils ne sont pas connus aujourd’hui comme des roumains, mais assimilés à la culture d’accueil. Au présent, une vague importante d'immigration postcommuniste provoque des réactions sociales naturelles de rejet envers ces nouvelles communautés dans beaucoup de pays de l’UE. Le manque de stabilité politique, propre à beaucoup de pays de l’Est Européen, est un élément participant à cette image.

L’ICR a mis en place une réforme profonde au niveau des mentalités de fonctionnement de 2005 à 2012. Dans un pays sorti d’un régime dur et compliqué, comme le roumain, plus de 20 ans après le changement politique, il n’est encore pas facile de trouver des dirigeants avec une vision qui intègre les dernières évolutions internationales, dont ils n’ont pas fait partie.

Malgré ses bons résultats, la réforme de l’ICR n’a jamais été achevée à cause des difficultés révélant aussi de l’administration bicéphale. En 2012 le fonctionnement reformé a été brusquement interrompu par des intérêts politiques extérieurs à l’institution. Malheureusement, les principes de fonctionnement réformés étaient plus fondés sur la détermination personnelle des employés de travailler dans cette direction, que sur des principes structurels sains.

L’ICR fonctionne à Paris depuis 23 ans et il fait partie d’un réseau de 18 antennes. Comme chez les italiens un des plus grands défis est le manque de professionnalisation de l’architecture de ressources humaines. Les postes dans l’équipe sont repartis à la discrétion complète du directeur territorial. L’organisation fonctionne avec 8 postes, employés du Ministère des affaires étrangères, et les règlements de fonctionnement ne prévoyant rien par rapport aux compétences de ces personnes.

La mission, déjà citée, a une pure vocation de promotion push. Le concept de « protection » de la culture nationale utilisé dans d’affirmation de cette mission amène l’ICR vers les rudiments de l’époque moderne de la politique culturelle internationale, le nationalisme.

135

Avec un budget à 95% financé par des sources publiques, l’ICR n’a ni l’habitude ni la capacité organisationnelle de s’autofinancer. Même si une billetterie est parfois organisée lors de ses événements, les recettes rentrent dans le budget central à Bucarest, et sont repartis entre les 18 antennes, selon les besoins du moment. La politique de prix est aléatoire. De même, le cours de roumain organisé n’apporte des revenus au-delà du payement du professeur.

. Dans le fonctionnement, une bureaucratie lourde, inadéquate pour le métier exercée par l’ICR, cause aussi des disfonctionnements.

Chez les roumains aussi, la communication est importante. Avant 2013, un employé avec des compétences dans le domaine de la communication en était dédié à temps plein. Comprenant l’encombrement du marché parisien et la plus-value des agences spécialisés, l’ICR a beaucoup collaboré avec des attachés de presse, a acheté de la publicité dans les médias et a utilisé l’affichage. La communication sur les réseaux sociaux a vu ses bases fondés en 2010, et l’architecture présente s’est construite autour d’une page Facebook, un compte Youtube et Flickr, un blog, des représentations sur Viadeo et LinkedIn, sur Google places, et des comptes sur les agendas parisiens gratuits. Un compte Twitter a été considéré redondant, par manque d’activité publique quotidienne de l’organisation. Pour le bon rapport qualité-prix, la communication digitale est majoritaire.

Au niveau marketing, l’ICR est totalement inactif. Aucune étude de comportement du consommateur français de culture n’est faite, le public n’est pas segmenté de manière stratégique ni pour la création de l’offre ni pour la communication, et les cibles ne sont pas définies. Le principal focus se met sur la promotion. Nonobstant cela, un processus décisionnaire ad-hoc fait que les événements sont programmés trop tardivement pour pouvoir être promus à leur juste valeur. Une programmation annuelle est réalisée mais elle n’en est, en réalité, respectée qu’à 40%.

134 Philosophe et écrivain roumain d’expression française, publié dans la «Bibliothèque de la Pléiade ». 135 La structure mentale des deux institutions est très différente, et les critères ne seront pas interprétés de la même manière.

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La décision sur l’offre est prise à Bucarest sur la proposition de l’équipe locale. Les employés sont tous impliqués dans la formulation de cette proposition. Parfois, des programmes globaux sont mis en place par le siège à Bucarest.

CONCLUSION

Un manque de vision globale à long terme, une division administrative entre deux entités différentes, et des habitudes de gestion arbitraire font de l’ICR une organisation mixte politique-entrepreneuriale au niveau de la division du travail et politisée-bureaucratie mécaniste au niveau de la coordination. Ainsi, son score « propension marketing » est le plus bas entre les ICN étudiés, 1,75.

INSTYTUT POLSKY (IP) relève du Ministère Polonais des affaires étrangères. Avec un réseau de 23 instituts, la majorité en Europe, l’Institut polonais mets en œuvre la stratégie de diplomatie publique du pays.

L’IP Paris fonctionne avec une équipe de 7 personnes, réparties par domaines d’activité : musique classique et théâtre, histoire et musiques actuelles, cinéma, direction (2 personnes), l’assistance de direction et la logistique.

Sa mission est définie par le Ministère des affaires étrangères : « promouvoir la culture polonaise, la connaissance de l'histoire et du patrimoine national dans le monde, et de faciliter la coopération dans les domaines de la culture, l'éducation, la science et la vie sociale. »136

La première raison pour laquelle l’IP développe une politique active de partenariats est, selon le site du Ministère, la réduction des couts : « La forme préférée d'organisation d'événements est la coproduction (…), d'un côté, pour réduire les coûts, et de l'autre pour toucher le bénéficiaire local. » A travers cette dernière précision, l’IP se tourne vers son bénéficiaire, prenant conscience de sa mission réelle. Un choix positif dans cette direction a été fait il y a 6 ans, quand l’IP a décidé d’organiser tous ses événements hors des murs, en partenariat, le plus possible, avec des institutions françaises. « On essaye d’associer des partenaires pour nous faire connaître et pour avoir un public différent, »

Une mission assez vague et axée sur la promotion push de la culture nationale.

137

136 Ministerstwo Spraw Zagranicznych (Ministère des affaires étrangères de Pologne), Instytuty Polskie :

a apprécié l’interviewé.

On retrouve dans l’énoncé de mission la même importance disproportionnée sur la relation avec les médias, comme dans les cas ICR et IIC (où la revue presse constitue une mesure évaluation des résultats). La « construction d’une relation » durable avec les medias du pays d’implémentation est un objectif stratégique. Les partenariats stratégiques avec des institutions polonaises comme l'Institut Frédéric Chopin, l'Institut Adam Mickiewicz, ou avec des organisations polonaises en France, comme la Librairie Polonaise, sur le boulevard Saint Germain (Paris), constituent un avantage compétitif, formant de manière informelle un réseau de représentation.

L’organigramme IP n’est pas professionnalisé, les employés étant répartis sur des projets en fonction de leurs compétences dans les diverses domaines de la culture. Comme dans le cas des ICR et IIC, la direction locale dispose de la répartition des taches dans l’équipe.

La communication est une fonction transversale qui n’est pas prévue dans aucune fiche de poste. Un responsable de marketing n’existe pas. Pour les plus grands événements l’IP travaille avec des agences de communication. Sinon, les relations presse sont gérés par les responsables de programmes, tout comme la communication digitale (une structure avec site web, Facebook, Twitter, Google places). L’IP a fait l’expérimentation d’externaliser sa communication en travaillant avec un attaché de presse pendant un an. Suite à des questions budgétaires cette démarche n’a pas été poursuivie.

Dans l’intention, l’IP se rapproche du British Council, en déclarant sur le site que, 3 membres des équipes à l’étranger sont des « experts locaux. » Une telle stratégie de ressources humaines aiderait l’institution à bénéficier d’une expertise locale et d’une continuité dans l’activité, indispensables à un fonctionnement efficace. Par contre, les « experts locaux » ne sont pas forcément des spécialistes du marché culturel français et leur contrat ne dure que quatre ans, comme dans le cas d’un diplomate.

La décision sur l’offre est basée sur des études du marché local et bien sûr de l’offre disponible en Pologne. La proposition est réalisée à Paris, mais la décision finale est prise à Varsovie. Des études de comportement consommateur ne sont pas utilisées. « On regarde effectivement qu’est qui se passe dans les institutions culturelles parisiennes. C’est comme ça qu’on fait notre choix », a affirmé l’interviewé.

http://goo.gl/ASoGjS 137 Entretien avec un responsable de programmes IP, réalisé le 15 janvier 2013.

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Certains critères d’évaluation sont pertinents pour une évaluation efficace du résultat. Par exemple, l’utilisation des réseaux sociaux dans la communication des IP, la réalisation des objectifs fixés dans la programmation du début de l’année, etc. Malgré cela, les critères sont plutôt descriptifs et non-standardisés. L’IP Paris compte, à sa propre initiative, le nombre d’individus qui ont été touchés par ses opérations, mais ceci n’est pas une mesure de la performance réglementée.

Par rapport au public, l’IP travaille activement pour cibler les potentiels leaders d’opinion. Un bon instinct marketing, dans les conditions ou un responsable dédié au CRM (customer relationship management) n’est pas disponible.

L’IP n’organise pas de cours de langue. D’ailleurs le financement est à 100% public. La politique des prix dépend entièrement des partenaires, tels que le Théâtre Chaillot ou le Forum des Images à Paris.

CONCLUSION

Comme nous avons vu dans les cas ICR et IIC, l’IP, structure administrative d’un Ministère d’affaires étrangères, n’opère pas d’actions de marketing. Les éléments qui existent de facto se limitent à la communication et ne sont en aucun cas structurels ou stratégiques. L’IP est placé au score 2 « propension marketing ». On estime que cette structure est une organisation entrepreneuriale au niveau de la division de travail et une bureaucratie mécaniciste pour la coordination stratégique.

SVENSKA INSTITUTET(SI) est une agence publique de l’état, indépendante. Pour la promotion externe de la Suède elle intègre une alliance d’institutions qui comprennent le Ministère de l’économie, le Ministère des affaires étrangères, et d’autres institutions qui partagent cette mission. Le SI est singulier dans le paysage des ICN de Paris parce qu’il est la seule mission de l’Institut Suédois à l’extérieur du pays.

A Paris depuis 42 ans, le SI est abrité dans l’Hôtel de Marle, du quartier parisien du Marais. Propriété de la Suède, cet endroit a été acheté et restauré suite à un conseil d’André Malraux. Ce bâtiment est l’un des moteurs opérationnels (key business drivers) du SI.

Avec un café suédois ouvert à l’intérieur, et un placement idéal pour l’organisation d’événements parisiens (le Marais), le SI ne sort pas trop hors de ses murs. Il est fort probable que l’existence de ce bâtiment a déterminé le gouvernement suédois de préserver l’antenne du SI à Paris au moment où ils ont fermé celle de Londres. « Paris a toujours été une ville importante pour la culture et il valait de garder cette maison, » a apprécié l’interviewé, responsable de communication, musique design et mode de SI.

Comme dans le cas du BC on note dans l’énoncé de mission une particulière ouverture vers un partenariat global : « L’Institut Suédois œuvre pour la accroître l’intérêt et la confiance dans la Suède, globalement. A travers la communication stratégique et le développement des relations durables avec des individus, des organisations et des entreprises d’autres pays, nous facilitons la contribution de la Suède au développement et à la coopération internationales. » Tous les événements organisés à Paris ont un partenaire français.

L’organisation du SI de Paris est particulière. Typique d’une organisation entrepreneuriale, les employés accomplissent des tâches dans plusieurs domaines différentes, mais ces responsabilités sont clairement définies. Par exemple, la communication est une tâche transversale, mais le responsable de communication a une fiche de poste ou 50% de son activité en est dédiée. Pour le pourcentage qui reste, il va s’occuper de la programmation événementielle pour des domaines préétablis. De plus, toujours pour la communication, le webmaster s’y consacre à 15% et un autre employé est attaché de presse a mi-temps.

A la différence d’IIC ou d’ICR, le SI est une organisation entrepreneuriale mais la professionnalisation du personnel, et la bonne définition des tâches, l’amène plutôt vers une bureaucratie professionnelle. Le marketing reste basique dû à la petite taille de l’organisation, mais les compétences sont disponibles et utilisées dans la structure.

Les mesures de performance se concentrent sur le résultat : « [la maison mère] jugera sur le résultat de l’événement, par des critères quantitatifs mais aussi qualitatifs : nombre de public, genre de personnes présentes, qu’est que ça a donné comme résultat, etc. »138

138 Entretien avec un responsable de programmes IP, réalisé le 15 janvier 2013.

Pour connaître son public le SI fait quelques enquêtes par an, a posteriori l’événement. Des études de marché ou du comportement du public ne sont pas utilisés, ni des actions de fidélisation opérées.

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« Comme l’entrée est libre pour la majorité des événements, le but est d’offrir plutôt le meilleur service possible et que les gens auront envie de revenir. »139

Le SI confirme une importante caractéristique des institutions culturelles : « On ne réfléchit pas en termes de concurrents mais plutôt en termes de partenaires avec qui on peut travailler. Nous analysons les programmations d’autres institutions pour voir lesquelles sont intéressantes afin de mieux toucher notre cible. »

140

Utilisant un logiciel CRM, le SI cherche les cibles qui sont « déjà intéressés à d’autres cultures, des gens curieux et ouverts à de nouvelles tendances et technologies. »

141

L’offre de services est décidée en autonomie et en collaboration : « nous avons des propositions qui viennent de la maison mère de Stockholm, de partenaires suédois, etc. Il n’y a pas un seul processus de décision, mais plusieurs. L’idée est de toujours faire travailler le plus grand nombre possible de partenaires français et suédois. »

Le SI fait une claire segmentation sur ses cibles professionnelles : journalistes, décideurs, etc.

Pour la communication, le SI décide en fonction de chaque événement. Le digital est toujours utilisé. Des collaborations avec des agences, par contre, très rarement due aux prix trop élevés. L’architecture de la communication digitale sur les réseaux sociaux est embryonnaire, le SI utilisant presque exclusivement Facebook pour mettre à la disposition des offres promotionnelles, organiser des concours, ou interagir avec son public.

142

CONCLUSION

Leur politique de prix a premièrement l’objectif de cibler un certain type de public, sensé apprécier et respecter plus le contenu d’un événement payant. « La raison pour laquelle on établit un prix pour certains concerts ou projections est plutôt pour cibler un autre type de public. »

Le SI autofinance tous ses frais événementielles. Les subventions suédoises sont investies seulement dans les frais logistiques. Les sources de revenus sont la privatisation des espaces et les cours de suédois.

Un mix d’organisation entrepreneuriale et professionnelle, le SI se place à 4,25 sur l’échelle de la propension marketing. Il possède les compétences nécessaires et les utilise dans les limites imposés par la petite taille de sa structure. Toutefois, l’architecture nécessaire pour faciliter l’utilisation des outils marketing dans leur activité est présente.

139 Idem 140 Entretien avec un responsable de communication, musique design et mode de SI, réalisé le 19 octobre 2013. 141 Idem 142 Idem

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9. LE CADRE D’ANALYSE DE LA PROPENSION MARKETING DES ICN ETUDIES

Une analyse organisationnelle basique a été nécessaire pour situer les ICN à leur place réelle d’après le fonctionnement actuel. Utilisant les concepts d'analyse organisationnelle établis par Henry Mintzberg, les ICN étudiés ont été placés dans des catégories d’organisations, selon les entretiens réalisés.

Pour Henry Mintzberg la structure est définie comme « la somme totale des moyens employés pour diviser le travail entre tâches distinctes et pour ensuite assurer la coordination nécessaire entre ces tâches ».143

A partir de cette définition, les principaux types de mécanismes de coordination d’une structure organisationnelle sont indiqués:

La division et la coordination du travail et du pouvoir sont donc les éléments qui définissent, pour l’auteur, toute organisation.

La configuration maximale d’une organisation est composée de cinq éléments, comme dans le schéma n° 13.

1. L'ajustement mutuel : le travail est réalisé à travers une communication informelle, la dimension de l’organisation est petite et le lien entre les diverses parties du travail n’est pas régulé par des normes. 2. La supervision directe : une seule personne ou autorité contrôle la coordination des activités et normalise les liens entre les diverses parties de la structure. 3. La standardisation des procédés de travail : les procédés de travail sont normalisés et ce sont eux qui coordonnent l’activité, cas dans lequel la technostructure (voir schéma n° 13 plus haut) de l’organisation devient la partie la plus importante de l’anatomie. 4. La standardisation des résultats : la division et la coordination du travail sont réalisées par rapport aux standards établis pour les résultats

souhaités, par rapport au type de travail. Les structures coordinatrices sont le sommet stratégique de l’organisation et sa technostructure.

5. La standardisation des qualifications et du savoir : le standard de coordination et de division du travail est la formation et les compétences des individus qui exécutent différentes composantes de l’activité.

6. La standardisation des normes : une standardisation à travers laquelle les normes dictent le travail dans sa globalité.

Mintzberg précise qu’en réalité, aucune organisation n’appartient pas à un seul type de structure ou de coordination. Suite à l’observation de ces mécanismes de travail l’auteur définit six types d’organisation : I. L’organisation politisée OP : la structure fonctionne au croisement de pressions politiques exercées par

tous les individus de l’organisation. Cette organisation ne possède pas une hiérarchie spécifique. Le travail s’ajuste mutuellement.

II. L’organisation missionnaire OM : L’idéologie est la force motrice de tous processus de l’activité. Les membres d’une telle structure agissent ensemble pour le même principe ou croyance. Une structure informelle, d’ajustement mutuel, qui peut pourtant emprunter plusieurs des mécanismes de coordination décrits ci-dessus. Par exemple, un leader peut être identifié et il peut exercer une supervision directe.

III. L’organisation professionnelle (bureaucratie professionnelle) BP : une structure décentralisée laissant un maximum d’autonomie pour les individus qui y travaillent. Plus d’importance est accordée aux qualifications professionnelles des individus, et elles fonctionnent comme des standards dans la coordination. Sa coordination est réalisée à travers la standardisation des qualifications et du savoir.

IV. L’organisation divisionnalisée OD : la ligne hiérarchique est le principe de coordination du travail. C’est par exemple le cas des corporations de grande taille – chaque division de la structure deviens une

143 Mintzberg, H., Le management, voyage au centre des organisations, Editions d’organisation, Pars : 1989

Les composants de base d'une organisation selon Henry Mintzberg , Source: HEC Montréal

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organisation en elle-même. Chaque division dispose d’une autonomie mais rapporte à la hiérarchie. Le sommet stratégique établie les buts, les normes de performances et évalue les résultats à travers une standardisation des résultats et des procédés de travail. Les divisions sont interdépendantes.

V. L’organisation mécaniste ou bureaucratie mécaniste BM : les processus de travail et de coordination sont standardisés, la technostructure à un rôle prépondérant dans l’élaboration des procédures. Le mécanisme de travail est la standardisation des normes.

VI. L’organisation entrepreneuriale (structure simple) OE : Le sommet stratégique coordonne toute l’activité et prends toute décision. L’organisation est petite et sa technostructure peu spécialisée. Le mécanisme de travail est un mix entre l’ajustement mutuel et la supervision directe.

9.1 METHODE D’EVALUATION DE LA « PROPENSION MARKETING » SELON TYPES D’ORGANISATION : UN SCORE SUR DE 1 A 5

Le cadre général de cette démarche est la définition des ICN (chapitre 3). Sur cela les informations tirées des entretiens avec les responsables des instituts ont été superposées. Après l’encadrement de chaque institut étudié dans une ou plusieurs catégories d’organisation de Mintzberg, et l’application des critères d’analyse marketing établis, on peut évaluer la tendance naturelle (« propension marketing ») des ICN à utiliser des techniques du marketing.

A chaque type d’organisation on a attribué des notes d’évaluation de la « propension marketing », une échelle de 1 à 5 (croissante), en fonction des arguments décrits dans le tableau ci-dessous. Les particularités des ICN ont été prises en compte dans ce jugement.

La mesure de la « propension marketing » a été structurée par rapport aux trois particularités qui définissent ces organisations. D’abord leur structure juridique. Comme déjà précisé, les ICN ont tous un lien plus ou moins fort avec la bureaucratie étatique. La deuxième caractéristique importante est le fait que les ICN de Paris font tous partie d’un réseau international, étant des antennes des institutions nationales étrangères. Enfin, ils se placent, à travers leur activité, dans un univers de services.

Rappelons les huit critères pris en considération pour l’évaluation de la tendance naturelle à utiliser des techniques de marketing :

1. Le niveau de détail de leur objectif : le but de l’ICN est-il concret et mesurable ? 2. L’orientation stratégique et du fonctionnement : vers l’interne (vers l’organisation, elle-même, ou vers le

pays d’origine) ou vers l’externe (vers le public cible de la mission de l’ICN, orienté vers les partenariats). 3. Les mesures de performances utilisées dans leur activité : orientés vers les résultats ou vers le processus. 4. Les ressources humaines : l’allocation des ressources humaines pour le marketing ou la communication et

l’intégration de ces ressources tout au long de la chaîne des valeurs de l’ICN, mesures de performance, etc. 5. Le processus décisionnel dans la définition du service fourni : centralisé, participatif, autonome ou politique. 6. Le système de financement : pourcentage de financement public et capacité d’autofinancement – une

variable déterminante pour l’ouverture de l’ICN vers leur bénéficiaire. 7. Leur rapport au marché / à la demande : est-ce que les décisions pour la définition des services sont

précédées et suivies par des études du public cible ? Comment est-elle définie la politique de prix ? 8. La relation avec le public : actions et conceptualisation de fidélisation, de communication interactive,

évaluation des services par les consommateurs, etc.

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OP : 1

OD : 5

BP : 5

OM : 4

BM : 3

OE : 2

LES SUIVANTES CONCLUSIONS ET LE SYSTEME DE NOTATION DE LA « PROPENSION MARKETING » (ECHELLE CROISSANTE DE 1 A 5) SONT RESULTAT DU CROISEMENT DES TYPES D’ORGANISATIONS DE MINTZBERG AVEC NOS CRITERES D’ANALYSE MARKETING.

SYSTEME DE NOTATION DE LA PROPENSION MARKETING POUR LES ICN

Les intérêts personnels et la lutte pour le pouvoir prévalent. L’organisation est orientée vers son intérieur. Les décisions sont aléatoires et la technostructure et le centre opérationnel ne sont ni définis ni professionnalisés

L’organisation ne dispose pas d’une technostructure et un centre opérationnel spécialisés pour garantir les compétences professionnels marketing. Les décisions stratégiques ont plutôt un caractère ad-hoc.

Très spécifique des administrations publiques : historiquement les normes dans les administrations publiques ne se revendiquent pas des concepts issus de l’économie comme le marketing. Les processus administratifs de travail seront plus importants que l’orientation vers le client. La décision est partagée entre plusieurs décisionnaires égaux en hiérarchie, et la responsabilité pour les résultats est diffusée.

Jugement subjectif par rapport aux croyances existantes dans l’organisation : le marketing sera utilisé s’il est conforme à l’idéologie structurante. Toutefois, les techniques de marketing seront recherchées pour leur capacité de portance du message idéologique.

Le sommet stratégique établie les principes de performance et les évalue. La technostructure et le centre opérationnel sont assez professionnalisés pour garantir la présence des compétences spécifiques. La stratégie orientée vers les résultats est une garantie de l’importance accordée au client.

L’autonomie des membres de l’organisation et leur forte professionnalisation rends probable un puissant lien entre les objectifs de l’organisation et les ambitions personnelles. Pour cela le client sera mis au centre de la stratégie et, par la spécificité des métiers présents dans l’organisation la présence des compétences marketing est très probable.

Rappel des abréviations : - L’organisation politisée OP - L’organisation missionnaire OM : - L’organisation professionnelle (bureaucratie

professionnelle) BP

- L’organisation divisionnalisée OD : - L’organisation mécaniste ou bureaucratie mécaniste

BM - L’organisation entrepreneuriale (structure simple) OE

9.2 POSITIONNEMENT DES ICN ETUDIES SELON LE SCORE « PROPENSION MARKETING »

Selon le « score propension marketing » déjà décrit, les ICN étudiés peuvent être positionnés comme suit, par rapport à leur structure de fonctionnement (division du travail et coordination stratégique). Dans l’échelle de 1 à 5, utilisée, 1 signifie la plus basse « propension marketing ».

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La réalisation efficace de la mission des ICN est entièrement dépendante du bénéficiaire de leurs services. Le marketing est donc un outil synonyme de leur activité. Malgré cette évidence, peu d’entre ces institutions l’utilisent de manière stratégique. Des éléments de promotion sont présents dans toutes leurs activités, obligés par la nécessité de communiquer avec un public.

Comme l’analyse empirique le montre, plus il mettra l’accent sur les principes suivants dans son administration organisationnelle, plus un ICN sera incliné à utiliser les techniques de marketing de façon stratégique et structurée :

- adopter une vision globale et long-terme, - assumer une mission de promotion du brand national plutôt pull que push, - établir des buts clairement définis et mesurables - conscientiser une stratégie orientée vers le bénéficiaire, - prévoir de manière normalisée des compétences marketing dans les ressources humaines, - normaliser les démarches spécifiques de marketing : études de marchés, veilles concurrentielles, un basique

benchmarking, et surtout, études de satisfaction et retour client, reporting sur les actions de promotion.

Comme dans les graphiques suivants, plus un ICN est sensé de se tourner vers son bénéficiaire, plus il assume une mission de médiateur culturel plutôt que de promoteur de la culture nationale. De même, moins il assume un rôle d’institution diplomatique (par opposition à l’institution culturelle), plus il se donnera les moyens d’utiliser le marketing à ses fins. Enfin, plus il est capable de gagner son autonomie financière, plus il est efficace en ce qui concerne sa relation à sa cible.

Les schémas suivants illustrent ce raisonnement.

Principes essentiels de définition d’une organisation selon H. Mintzberg

BC

IIC

IMA

ICR

IP

SI

Division du travail BP OP+OE OD OP+OE OE OE Coordination stratégique OD BM OD+OP OP+BM OP+BM OE+BP SCORE PROPENSION MARKETING 5 2,25 4 1,75 2 2,75

Score de propension marketing des six ICN étudiés

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Bureaucratie professionnelle

Organisation divisionnalisée

Organisation entrepreneuriale /politisée

Bureaucratie mécaniste

Vision globale long-terme, Stratégie orientée v. bénéficiaire,

But clairement défini, KPI orientés résultats

Moyens pour marketing

Vision court terme, Stratégie orienté vers l’intérieur,

But complexe et vague, KPI orientés normes / quantitatif,

Marketing circonstanciel.

Mission assumée : médiateur culturel pull

BC 5

IS 2,75

ICR 1,75

IIC 2,25

IP 2

IMA 4

Mission assumée : promotion nationale push

PROPENSION POUR LES ACTIONS MARKETING DES ORGANISATIONS ICN. Une analyse selon la classification des organisations de H. Mintzeberg

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Mission assumée : institution culturelle

Autonomie / autofinancement Bureaucratie / subventions

Mission assumée : institution diplomatique

ICR

IP

Propension marketing

IIC

IMA

IS

BC

POSITIONNEMENT ICN PAR RAPPORT A LEUR MISSION ASSUMEE ET LEUR CAPACITE D’AUTOFINANCEMENT

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10. DEFIS ET OPPORTUNITES : MARKETING PAYS A TRAVERS LE PRODUIT CULTUREL

10.1 LES PARTIES PRENANTES : QUI EST LE CLIENT

En regardant les structures organisationnelles des ICN étudiés, deux questions se posent naturellement : quelle est leur relation au client, key succes factor dans leur activité, et vers ou est-elle orientée la responsabilité institutionnelle de ces organisations.

Dans sa définition basique, le client crée la demande et paye pour le service. Le marketing de la demande a pour objet d'identifier les attentes des clients afin d'orienter la production, la distribution et la communication en conséquence. Le client joue les rôles d'initiateur, chercheur d'information, décisionnaire, acheteur, consommateur et évaluateur144

Le problème qui apparait au transfert de cette définition du client au monde non-profit, c'est la ségrégation entre les parties prenantes de ces organisations. Le client est un « bénéficiaire », un « utilisateur », mais dans la plupart des cas, il ne paye pas directement le service. « Les buts et les activités sont différentes entre les organisations publiques et privées et, on note une disparité entre les façons de traiter leurs clients ou utilisateurs de service. »

.

145

1. La structure politique gérante : envers laquelle les ICN sont responsables pour l’implémentation de la mission qui leur a été confiée ;

La multiplicité des publics avec lesquelles les ICN dialoguent ne converge pas naturellement vers un même but. Autrement dit, les ICN n’arrivent pas à avoir une proposition unique de valeur (CVP – customer value proposition). Leur CVP est divisée en fonction des parties prenantes suivantes (voir schéma page 47) :

2. Le contribuable : un contrôle budgétaire relatif, responsabilité indirecte et obligation à la transparence ;

3. Les partenaires institutionnels (partenaires, sponsors, mécènes, etc.) – une responsabilité morale non-normative, intérêt de les co-intéresser et de les satisfaire pour la prolongation de la collaboration.

4. Le public cible - une responsabilité morale non-normative envers la réalisation de la mission attribuée par rapport aux mesures de performance ;

5. Les artistes – responsabilité de montrer un équilibre et des critères claires de représentation, ressource primaire, besoin de collaboration.

Le but des ICN dans le dialogue avec ces parties prenantes change avec chaque type de public. Cette multiplicité de discours et d'obligations dilue la responsabilité des organisations non-profit146

Dans la structure et le fonctionnement des ICN on retrouve une séparation nette entre leur relation avec deux types principaux de public. Envers leur commanditaire (la structure institutionnelle d’appartenance et le contribuable dans le pays d’origine) les ICN ont une responsabilité directe ou indirecte mais normative (prévue par

en général, et en particulier des ICN, vers leurs parties prenantes. Du point de vue de notre recherche, la conséquence de cette particularité vient du fait que ces institutions n'ont pas une tendance naturelle à prioriser la création de valeur pour leur client, d’où, en général, un manque d'orientation marketing.

Dans le marketing stratégique on se soucie de comprendre le comportement de différents groupes d'individus pour définir un positionnement qui peut satisfaire le plus de besoins. La segmentation, le ciblage et le positionnement sont des éléments clés qui peuvent contribuer à l'efficacité des organisations à but non lucratif.

144 Hudson, M., Managing Without Profit: The Art of Managing Third-Sector Organizations, London: Directory of Social Change : 2002 145 Wright, G., Chew, C., Hines, A., The Relevance and Efficacy of Marketing in Public and Non Profit Service Management, Public Management Review, Vol. 14, Issue 4 : 2012 146 Hudson, M., Managing Without Profit: The Art of Managing Third-Sector Organizations, London: Directory of Social Change : 2002

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des lois et vérifié par des mesures de contrôle et de performance). Par contre, la responsabilité des ICN envers leur public cible (les consommateurs de culture dans le pays d’implémentation et les partenaires institutionnels ici) n’est pas réglementée. La cible de leur service n’exerce aucun contrôle sur les ICN – il s’agit d’une relation basée sur une responsabilité purement morale : celle de servir leur mission.

10.2 FLUX FINANCIERS ET RESPONSABILITE

Une autre question doit être posée par rapport aux ICN est liée à leur flux financiers, la seconde déterminante de leur responsabilité.

Dans tout projet, les indicateurs de performance reflètent la réalisation de l’objectif. Dans notre cas, l’objectif est défini par l’attitude du public cible envers les produits culturels promus par les ICN. L'absence de profit comme but dans l'activité des organisations de l'administration publique et les organisations à but non-lucratif prive leur activité d'une fondation pragmatique de la performance. Ainsi ces organisations ont une tendance naturelle à s'orienter vers des mesures de performance liées à des facteurs qui ignorent l'efficacité financière. Un autre obstacle qu’on note est la rupture des flux financiers des ICN – le public cible de l’offre des ICN ne la finance pas ou presque pas.

Le rapport des ICN à leurs parties prenantes – le manque d’une proposition unique de valeur

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La majorité des ICN est évaluée par rapport à la manière dont ils allouent les ressources financières, par rapport au nombre d’événements organisés ou encore le nombre d’articles de presse parus sur leurs événements. Il existe des exceptions, pour lesquelles l’évaluation dans le pays d’origine prend en considération l’opinion des publics cible, mais elles sont peu nombreuses.

Les ICN qui sont financés à plus de 50% par des ressources publiques mesurent leur performance à travers l'utilisation des services qu'elles offrent, et la visibilité média de leurs actions. Une deuxième catégorie utilise des indicateurs de fréquentation ou satisfaction des clients. Il y a enfin une troisième catégorie qui établit des objectifs doubles d'autofinancement et de performance long-terme comme la notoriété de la culture dans le pays destination.

Dans le cas des ICN les systèmes d'organisation différent par rapport au taux d'autofinancement. Les ICN qui se financent à travers leurs activités propres à plus de 50%, comme le British Council bénéficient d'un système mixte leur permettant un lien direct entre leur activité et l'utilisateur final du service. Par contre des ICN entièrement ou a plus de 50% financés par des fonds publics restent des intermédiaires des flux financières.

De ceci résulte un certain manque de responsabilité au niveau du personnel pour l'argent dépensé, une distance entre les objectifs et les mesures de performance et l'utilisateur final du service, et l'absence d'une motivation pragmatique vers les résultats. Puisque, si on ne perd pas de vue l’objectif final, l’état d’origine devrait attendre un retour économique à longue terme de cet résultat.

Même si le raisonnement profit reste secondaire, cela ne veut pas dire que la notion de profit est complètement exclue de l’activité des ICN.

Par la nature de leur mission le but des ICN peut être interprété dans la logique du marketing social. Ils agissent pour déterminer une attitude positive du public cible vers la culture promue. Leur ROI (retour sur l’investissement) et leur « profit » peuvent donc se mesurer à travers le taux de notoriété obtenu pour les produits culturels promus, et à long-terme par le branding pays développé.

11. CONCLUSION : UNE DEMARCHE STRUCTURELLE POUR UNE VISION A LONG TERME

Les voix contestataires, reniant l’utilisation du marketing ou la qualification d’une œuvre d’art comme « produit culturel » existent encore dans le monde de la culture.

Cela n’est pas surprenant. Dans le cas de la culture, il est évident qu’une œuvre d’art ne peut pas être définie simplement comme un produit. L'œuvre d'art est avant tout une création humaine, un artefact. On ne peut pas encadrer la création subjective de l’humain dans un cycle de production. Pour éviter les longs débats philosophiques sur l’esthétique comme critère de définition de l’art, on peut se limiter à l’affirmation que, pour devenir œuvre d’art, un artefact doit sortir de l’atelier d’artiste, et par conséquent, doit être donc reconnu. Ainsi, cette appréciation subjective par un groupe d’individus, ne peut pas non plus être encadrée dans la définition d’un circuit de « distribution de produits ». L’œuvre est distincte du produit.

En ce qui concerne l’administration publique de la majorité des pays, peu d’entre eux adoptent dans leur fonctionnement des principes issus du domaine économique, comme le management ou bien le marketing.

Pour les administrations d’état, à mon avis, la réticence face aux techniques originaires de l’économie est due premièrement à l’inertie de fonctionnement et au rejet du changement de ces systèmes, qui sont finalement des traits normaux pour de telles constructions. Max Weber a défini la bureaucratie comme l’administration par des règles abstraites, la division claire du travail, la définition stricte des sphères de compétence de « chaque bureau », et une structure hiérarchique explicite. A mon sens, l’apparition de la bureaucratie étatique au début de la modernité a été une conséquence du besoin de créer un système qui fonctionnerait indépendamment de chacun des individus qui l’intègre. Max Weber explique la naissance de la bureaucratie en distinguant trois types de légitimité qui s’expliquent de soi : la légitimité traditionnelle (basée sur des croyances historiques), la légitimité

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charismatique et celle légale, rationnelle. C’est en fait cette dernière l’origine du système d’administration publique, étant la forme la plus stable de légitimité.

L’effet adverse de cette stabilité est, l’hyper spécialisation des processus de travail et la diffusion de la responsabilité individuelle. On retrouve une des critiques les plus connues et en même temps ludiques de la bureaucratie dans Le Procès, de Franz Kafka, où il dévoile le manque de correspondance entre les besoins humains et la rigidité du pouvoir et l’échelonnage des décisionnaires.

**

Comme montré dans le chapitre 6, le marketing non-profit n’est malgré tout pas un paradoxe. Par contre dans des institutions à but non lucratif, le marketing peut structurer une stratégie à long terme, mettant l’utilisateur final des services au cœur du fonctionnement.

Voici la raison pour laquelle le présent mémoire fonde un argument en faveur de l’utilisation de telles techniques dans les ICN. La conclusion de cette recherche est que le marketing relationnel (chapitre 6), comme outil théorique est indispensable pour une institution qui a un rôle dans le processus de branding pays, comme les ICN.

Il est indéniable que les organisations publiques et celles à but non-lucratif ne fonctionnent pas dans une logique guerrière de marché, ni dans leur structure ni dans leur relation avec l'extérieur. La structure collaborative leur est toujours plus profitable. On définit les organisations publics et à but non lucratif comme toute entité qui a un « agenda social, différent des objectifs commerciales du secteur privé. »147

Trois observations importantes au niveau de la structure administrative des ICN méritent l’attention. Premièrement, ma recherche montre qu’il existe un étroit lien entre une politique active d’autofinancement et d’orientation des mesures de performance vers le résultat et la « propension marketing » de ces organisations. Le

Les ICN sont des organismes offrant des services culturels au grand public sur un marché local (le marché du divertissement ou celui de la formation). Ils fonctionnent donc dans un environnement concurrentiel. Si le profit ne structure effectivement pas leur activité, la concurrence avec d’autres institutions culturelles leur est toujours naturelle, car le but des ICN est de gagner des parts de public sur ce marché local.

L’activité des ICN est ainsi directement dépendante de techniques de promotion. En utilisant des techniques de marketing relationnel les ICN peuvent aller au-delà de la simple promotion, vers une stratégie organique, plus efficace pour la fondation du soft power, de l’influence dans l’opinion publique.

Même si, en tant qu'organisations, les ICN fonctionnent comme des acteurs bureaucratiques, majoritairement instances de l’administration publique, leur profil de médiateur culturel les situe dans un champ de liberté à mi-chemin entre le service public et la société civile.

D’après la démonstration sur la définition actuelle des ICN, leur défi structurel est la profonde dichotomie entre leur métier et leur organisation constitutionnelle. Ils sont des organisations agissant sur un marché concurrentiel, mais leurs structures se revendiquent selon des principes politico-bureaucratiques.

Ma recherche empirique sur les instituts culturels présentés ici, ainsi que mon expérience personnelle auprès de l’Institut roumain de Paris, me conduisent à cette conclusion. Les exemples de bonne pratique décrits la confirment.

Même si je suis d’accord avec le fait qu’une œuvre d’art ne peut pas être définie comme un produit, dans le sens marketing du mot, et même si j’affirme qu’il est intrinsèque à la nature même du système bureaucratique de rejeter des techniques issus du domaine économique, mon argument est que le marketing, comme concept de management stratégique, n’est pas nécessaire, mais vital pour un fonctionnement efficient des ICN.

147 Wright, G., Chew, C., Hines, A., The Relevance and Efficacy of Marketing in Public and Non Profit Service Management, Public Management Review, Vol. 14, Issue 4 : 2012

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plus un ICN sera capable de s’autofinancer, plus sa performance sera mesurée par rapport aux résultats réels, plus il sera amené à utiliser des concepts marketing.

Deuxièmement, l’une des plus grandes difficultés constatées chez les ICN est la dépendance administrative d’institutions hors leur domaine d’activité (institutions plutôt diplomatiques que culturelles). Des modèles d’institutions indépendants, comme celui de la Suède, mais intègres dans un système stratégique de branding pays, sont des modèles de succès.

Finalement, à l'exception de British Council et Svenska Institutet les ICN ne sont pas inscrites dans une stratégie plus large de branding pays. Pourtant, comme démontré dans la définition actuelle des ICN, ces organisations ont vocation d’être une pièce de l’hexagone du processus branding pays (voir chapitre 2.2.1). J’estime que, le manque d’encadrement de ces institutions dans un système cohérent de création de marque pays, est une erreur. Elles n’arrivent pas à prendre conscience de leur véritable mission et deviennent des ressources perdues pour le marketing territorial du pays.

En ce qui regarde leur fonctionnement, comme montré, la plupart des ICN déploient des actions de marketing « de facto ». Il s’agit d’un marketing embryonnaire, et son utilisation dans cet environnement est provoquée par la nécessité naturelle de communiquer avec de nombreuses cibles. Mais, chez la majorité des ICN, ces actions ne sont pas intègres dans une démarche stratégique de l’organisation. Ils relèvent des décisions ad-hoc et de l’instinct professionnel et personnel des employés.

La majorité de ces institutions se trouvent dans une phase rudimentaire de l’application du marketing : la phase où ils adoptent la partie la plus visible de cette discipline, et la première qui leur est indispensable - la promotion. Dans leur stratégies respectifs cette partie est appelée « communication » et bénéficie d’une grande importance dans leur fonctionnement quotidien.

Mais la démarche peut être amenée plus loin. Suite à mes recherches empiriques et documentaires, je suis arrivée à la conclusion qu’il serait utile d’utiliser le marketing dans les ICN au niveau de la stratégie de management même de l’organisation.

Pour un ICN, l’utilisation de techniques de marketing est une double opportunité. Premièrement, c’est un levier pour la réalisation efficace de sa mission propre : puisque cette mission est directement dépendante du client (le public / l’utilisateur final). En utilisant les concepts marketing (relationnel) de manière structurelle, un ICN peut créer un avantage compétitif : former des communautés de « prescripteurs » dans le pays d’implémentation (des individus qui connaissent la culture étrangère, adhérent à ses valeurs et la recommandent à leur propre réseau). Les d’influenceurs auront une action pour la croissance organique de la notoriété positive du produit culturel promu.

Par la suite, le marketing stratégique dans un ICN créera une opportunité de compenser la difficulté structurelle naturelle que ces organisations, comme toute autre organisation à but non lucratif : la séparation entre leur responsabilité et leur client.

Comme montré antérieurement, il existe des exemples de bonnes pratiques, notamment le British Council ou le Svenska Institutet. Mais dans notre lot de recherche, le BC est seule à faire cela de manière structurelle.

De manière générale cinq recommandations peuvent être tirées de ma recherche. L’application de ces conclusions aux instituts devrait être faite au cas par cas.

Premièrement, dans la stratégie de ressources humaines de ces institutions, un professionnel avec des compétences de marketing est en générale, anormalement inexistant. Son rôle dans le fonctionnement devrait commencer à l’étape de la définition du service culturel ou d’enseignement offert. Cela déterminerait la définition de ces services sur la base empirique des connaissances du marché local et des comportements du public cible. A ce titre un professionnel du marketing serait fortement recommandé.

Deuxièmement, dans l’esprit marketing, un vrai positionnement de ces institutions devrait être opéré de manière récurrente, en synergie avec des études sur l’évolution de l’image perçue de la marque pays par le public cible. Ce positionnement devrait faire partie des procédés institutionnels réglementés et mesurées.

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Un département marketing serait ensuite nécessaire pour opérer une segmentation experte du public cible. Un vrai ciblage est indispensable dans les conditions ou l’offre de ces organisations est composée de types de services relevant de domaines différents (voir le chapitre « Définition… »). Une telle segmentation permettrait la création des communautés des consommateurs, potentiellement des leaders d’opinion pour le « goodwill » envers le pays.

Le paradigme et les techniques du marketing relationnel sont les concepts les plus adaptés pour l’établissement d’un management marketing des ICN. Ces organisations n’ont pas vocation guerrière, comme toutes les structures qui opèrent avec des produits culturels. L’esprit de coopération leur est plus utile dans leur fonctionnement. Pour cela, c’est le marketing relationnel qui répond le mieux à leur besoins. Malheureusement cette étude montre que peu d’entre eux utilisent cet atout pour développer leurs activités et atteindre leurs objectifs.

Finalement, la normalisation au niveau institutionnel de ces principes est indispensable pour le succès d’une telle stratégie.

Ces organisations ont un réel potentiel pour construire le contexte entier d’une marque pays à l’international. Les exemples de bonnes pratiques dans cette étude, British Council et Svenska Institute, le démontrent. Mais pour cela leurs mentalités structurelles doivent sortir de la modernité nationaliste et rejoindre les réalités du monde actuel.

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LISTE DES ABREVIATIONS

ICN – Institut Culturel National BC - British Council IIC - Institut Italien de Culture IMA - Institut du Monde Arabe IP - Institut Polonais SI - Institut Suédois ICR - Institut Culturel Roumain IdF – Ile de France UE – Union Européenne NGObs - HEC Paris, Nation Goodwill Observer, http://www.hec.fr/Salle-de-presse/Actualites/Premiere-edition-du-Nation-Goodwill-Observer-la-marque-pays-un-atout-dans-la-mondialisation UNESCO - United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization (Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la Culture) CVP – customer value proposition (proposition unique de valeur) KPI – key performance indicators (indicateurs clés de performance) CRM – customer relationship management (management de relation client)

LISTE DE GRAPHIQUES, TABLEAUX ET IMAGES

1. INSEE, base Esane (chiffres 2011) pour le chiffre d’affaires des branches d’activités et Erns & Young pour l’estimation

des impacts des industries culturelles et créatives 2. Europa, IIPA, Unesco, DEPS, ministère des Affaires étrangères et européennes – 2012 / étude Ernst & Young et

http://www.cbi.org.uk 3. Anholt, S., Branding Places and Nations, dans Clifton, R. , Simmons, J., coord., Brands and Branding, The Economist &

Profile Books, London : 2003 4. Définition économique des activités culturelles : rôles et domaines d'activité 5. Définition des ICN par rapport à leur rôle contemporain 6. PIB par habitant, pays d'Europe de l'Ouest (en dollars internationaux Geary-Khamis de 1990); Source : L'économie

mondiale. Statistiques historiques, Maddison, Angus, OECD publishing : 2003 7. Le besoin culturel : la (les) place(s) du produit culturel dans la hiérarchie des besoins après la démocratisation de

l’accès à l’éducation et à la culture. 8. Andy Warhol, Campbell’s Soup Cans (1962), Acrylique et liquitex en sérigraphie sur toile, Série de 32 toiles de 50,8 x

40,6 cm chacune – Museum of Modern Art, New York – photo © Olivia Horvath 9. File d'attente devant le musée du Louvre. ©Norman555 / exponaute.com 10. Structure des dépenses culturelles et de loisirs en 2010 11. Sondage d'opinion : les publics des ICN 12. L’appréciation du rapport qualité-prix de l’offre ICN par les sondés. 13. Extrait du Rapport annuel 2012-2013 du Conseil Britannique : l'impact sur les collaborateurs selon l'enquête Ipsos

MORI 14. Extrait du Rapport annuel 2012-2013 du Conseil Britannique : le feedback des missions diplomatiques dans 80 pays,

France incluse 15. Satisfaction client dans les pays de l'Union Européenne, Extrait du Rapport du Conseil Britannique 2012 - 2013 16. Extrait du Rapport du Conseil Britannique 2012 - 2013 - Sources de revenus 17. Extrait du Rapport d'activité de l'Institut du Monde Arabe, 2012 18. Les composants de base d'une organisation selon Henry Mintzberg , Source: HEC Montréal 19. Tableau: Score de propension marketing des six ICN étudiés 20. Propension pour les actions marketing des ICN. Une analyse selon la classification des organisations de H. Mintzeberg 21. Positionnement ICN par rapport a leur mission assumée et leur capacité d’autofinancement 22. Le rapport des ICN à leurs parties prenantes – le manque d’une proposition unique de valeur

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DATES ENTRETIENS DE RECHERCHE 1. Entretien avec un attaché administratif de l’IMA réalisé le 24.10.2013. 2. Entretien avec un responsable communication de BC, réalisé le 14.11.2013. 3. Entretien avec un responsable de communication, musique design et mode de SI, réalisé le 19 octobre 2013. 4. Entretien avec un responsable de programmes IP, réalisé le 15 janvier 2013. 5. Entretien réalisé avec un responsable de manifestations de l’Institut Italien de Culture à Paris, le 08 novembre

2013.

SONDAGE D’OPINION REALISE http://viavo.eu/sondage-cultures-etrangeres/ (résultats détaillés disponible sur demande)

OUTILS INFORMATIQUES Mind mapping : www.mindmeister.com Microsoft Office OneNote : http://office.microsoft.com/fr-fr/onenote

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Mémoire de fin d’études Olivia Horvath

Master Marketing et communication des entreprises, formation continue 2013 - 2014 Université Paris 2 Panthéon Assas