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Prophètes et visions du futur - Le Monde de la Bible · mêmes traits « royaux » chez Louis-Philippe Ier, le dernier roi, ... dans la mesure où la forte personnalité des

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Sommaire

Introduction

Aux racines du prophétisme biblique, par Pierre Gibert

• Où les prophètes se sont-ils formés ?

Isaïe un citadin de haut rang, par Jesús Asurmendi

• De la sagesse politique à la confiance en Dieu

Le prophète absorbé par le sage, par Hugues Cousin

• La censure des rabbins

Le cœur inquiet du christianisme, par Daniel Marguerat

• Signature d’un temps nouveau

• Ne méprisez pas les prophéties

• Prophètes contestés

• Grandeur et déclin

L’Apocalypse livre prophétique, par Jean-Pierre Prévost

• Jean, lecteur des prophètes

• Le visionnaire de Patmos

• Apocalypse 2-3 : lettres ou oracles prophétiques ?

• Prophète, pour quoi faire ?

La prophétie comme prédiction, par Pierre-Emmanuel Dauzat

• Dialogue avec les païens

Introduction

Toute génération doit résoudre le triple problème de recevoir et transmettre une tradition passée, de l’adapter à ses difficultés actuelles en la réinterprétant au présent, et de l’ouvrir à l’inattendu pour s’inventer librement un futur. On appelle prophétie cette activité lorsqu’elle s’exerce dans son troisième aspect. C’est l’activité imaginante par laquelle une génération se construit dans la différence par rapport à celles qui l’ont précédée, souhaitant mieux vivre, et le voulant déjà pour les temps présents. Le prophétisme hérite d’abord du passé, critique ensuite le présent proche et dessine un futur meilleur et habitable. Il rompt, vraiment comme un traître, en assumant une bifurcation neuve. Sa voix est donc inéluctablement recouverte et sans cesse redécouverte comme une aurore revenue et cependant inouïe. ●

Aux racines du prophétisme biblique

Pierre Gibert

Professeur honoraire de l’Université catholique de Lyon

Élie est nourri par un ange,1 Rois (19, 5-6). Gravure de Gustave Doré (1832-1883). © D. R.

Parler de « prophète » et de « prophétisme », c’est d’abord utiliser des termes qui, même dans le cadre de l’Ancien Testament,

font question. Transcriptions en latin comme en français d’un terme grec, prophètès, ces mots ont été réemployés

dans le cadre de la culture biblique naissante pour « traduire » un terme hébreu de vieille racine sémitique, nabi,

avec lequel il n’avait a priori rien de commun. Dans ce passage de l’hébreu nabi au grec prophètès, on doit parler d’à peu près, d’accommodation, sinon

d’anachronisme. En Égypte, au cours du IIe siècle avant notre ère, et peut-être un peu avant, des traducteurs juifs décidèrent de choisir ce mot grec pour rendre une vieille réalité israélite, le nabi, ignorée pendant des siècles de la culture hellénistique.

Sans doute n’y avait-il aucun arbitraire dans le choix du grec prophètès, et les discussions durent aller bon train avant le choix de cette option définitive. Car les différences étaient considérables entre le « prophète » grec (ou la « prophétesse » grecque), interprète des oracles apolliniens transmis par une pythie en délire, ou Platon « prophète » de son maître Socrate, et Amos ou Isaïe « prophète de Yhwh ». Aussi serait-il intéressant de savoir ce qui motiva finalement le choix. Du moins pouvons-nous retenir de cette « traduction » de nabi en « prophète » un point fondamental, et donc commun aux deux termes, celui d’intermédiaire vocal et donc verbal entre l’ordre du divin et l’ordre de l’humain, entre Dieu, ou Yhwh, et l’homme d’Israël.

À partir de là, on peut oublier l’origine grecque du terme, d’autant que, dans nos cultures marquées par la Bible, le terme « prophète » est désormais identifié à ces personnages bibliques qui marquèrent la religion et l’histoire d’Israël pendant plus de dix siècles. Ce qui conduit à une autre question provoquée cette fois par la réalité que ce terme sert à désigner.

En effet, même si d’autres termes sont parfois utilisés en synonymie (« voyant », « homme de Dieu »), le nabi-prophète désigne de multiples personnages, hommes ou femmes, que l’on repère dès le Pentateuque, dans le Deutéronome (Dt 18,15-22), dans les livres historiques à partir du livre des Juges, ainsi que dans les livres prophétiques proprement dits.

Certes, variété et multiplicité n’aboutissent pas nécessairement à une définition univoque, simple et définitive. Près d’une dizaine de siècles, jusque dans le Nouveau Testament, ont marqué la fonction, voire l’institution, prophétique de telle sorte qu’au terme du parcours biblique, il est bien difficile de reconnaître une seule et même réalité entre les premiers et les derniers prophètes. C’est comme si on voulait reconnaître les mêmes traits « royaux » chez Louis-Philippe Ier, le dernier roi, et chez Hugues Capet, le premier, séparés par près de dix siècles. Autrement dit, l’appellation « prophète » dit une grande variété de personnages et d’importantes évolutions à travers les étapes nombreuses et différentes de l’histoire et de l’expression religieuse d’Israël sur dix siècles.

Qu’y a-t-il de commun entre Saül désigné « prophète » dans une étrange scène où il délire parmi d’autres « prophètes » délirants (1 S 10,10-12), et Samuel, lui aussi, désigné prophète à la suite d’un appel divin (1 S 3,20-21), et tenant comme tel un langage parfaitement clair à ses auditeurs, dont Saül lui-même (1 S 12,1-2 ; 13, 7b-15…) ? Ou

comment confondre Élie ou Élisée au IXe siècle avant notre ère, dont on rapporte des histoires merveilleuses de type légendaire, et qui ne laissèrent aucun écrit, et Amos ou Osée qui, un siècle plus tard, offrent des condensés écrits de leur prédication ignorant le pittoresque de la légende au bénéfice d’une véhémente dénonciation des péchés du roi et des riches ?

Entre les délirants et voyants de l’époque pré-royale, et les grands prophètes-écrivains à partir du VIIIe siècle, y eut-il place pour une institution prophétique que concrétiserait notamment le « prophète de cour » incarné par Nathan auprès de David ? Ou encore le « prophète régional » lié à un sanctuaire particulier, selon l’invective du prêtre Amasias chassant Amos du sanctuaire de Béthel (Am 7,12-13) ?

C’est possible sans être probant, dans la mesure où la forte personnalité des prophètes a pu amener à recouvrir rétroactivement de leur désignation des fonctions ou des rôles qui n’avaient pas grand-chose à voir avec le grand prophétisme d’Isaïe ou Ézéchiel.

Quoi qu’il en soit, le flou du titre de nabi, et donc de prophète, tendra à s’effacer devant la force d’évocation, d’intégration et d’expression des prophètes à partir du VIIIe siècle grâce au repérage des « livres prophétiques » proprement dits, mais peut-être dès le prophète Élie, au IXe siècle, appelé à devenir, dans le judaïsme tardif et dans le Nouveau Testament, le symbole du prophétisme.

À partir de ceux qu’on appelle aussi les « prophètes-écrivains », parce que nous lisons des livres sous leur nom, le prophétisme va effectivement connaître en Israël une originalité qui a fortement contribué à l’originalité même de sa religion.

Tout d’abord, le prophète échappe en général à l’anonymat caractéristique des auteurs des livres du Pentateuque comme des livres historiques, sapientiels ou poétiques souvent placés sous l’autorité fictive et symbolique d’un personnage célèbre, tels les Psaumes sous David, le livre de la Sagesse sous Salomon. Même s’ils n’ont pas rédigé les livres qui portent leur nom, ceux-ci sont suffisamment proches de leur histoire personnelle pour nous laisser, outre leur message, des notations biographiques voire autobiographiques.

Le message est évidemment religieux, révélant l’essentiel de la foi d’Israël sous ses rois et après l’exil (587-538). Mais il est surtout marqué par une histoire, celle du moment, révélant l’incarnation d’une expression théologique dans les nécessités de tel règne, de tel état de la société, de telle situation politique, nationale et internationale.

Il s’agit donc de bribes, d’éléments, d’allusions, liés à un moment particulier, et dont il est parfois difficile de saisir les tenants et aboutissants.

Sans doute est-il tentant de rattacher le message à l’arrière-fond religieux et théologique d’Israël, celui qu’expriment le Pentateuque et les Lois qu’il contient. Ce faisant, on risque, là aussi, l’anachronisme. Dans quelle mesure, en effet, les prophètes ont-ils reçu leur mission d’une religion préexistante et de sa cohérence théologique, morale et rituelle, avec notamment la référence à l’Alliance et à la Loi ? N’auraient-ils pas plutôt contribué, partiellement, au déploiement de cette religion dans cette cohérence jusque dans le Pentateuque lui-même ? Autrement dit, les Prophètes sont-ils des « héritiers » ayant pour fonction de rappeler à Israël l’Alliance et la Loi qu’il aurait trahies ou oubliées, ou ne seraient-ils pas davantage les initiateurs de cette Alliance et de cette Loi ? Ou du point de vue de la composition de l’Ancien Testament, ne faut-il pas penser les « Livres prophétiques » précédant, dans une large mesure, le Pentateuque, et non l’inverse ?

En ce sens s’imposent deux données propres. Tout d’abord, la plupart des prophètes, sinon tous, se réclament d’une « vision inaugurale », d’un appel particulier, venant directement de Yhwh qui les a appelés à être Ses prophètes (Is 6 ; Jr 1 ; Am 7,14-15…). Leur expérience de Dieu s’enracine là, même s’ils pouvaient y être préparés par des antécédents religieux précis (culte, observance de règles).

En second lieu, dans l’ensemble de leurs livres et aussi haut qu’on puisse remonter dans les couches et traditions qui les constituent, ils ne témoignent pas de références et rappels précis à ce qui identifie le Pentateuque à la Loi.

À part quelques allusions, souvent ajoutées, la Loi se réduit chez eux à deux ordres de préceptes par rapport auxquels ils sont intransigeants : le respect de l’unicité de Dieu éliminant toute forme d’idolâtrie et de représentation matérielle, et l’attention efficace aux faibles et aux petits, en matière de justice notamment. Respect de Dieu et respect d’autrui, surtout du plus faible, pourraient donc être les deux commandements auxquels se ramène la « Loi » des prophètes.

Pour le reste, on trouve même de sérieuses prises de distance par rapport au culte, à ses rites, son calendrier et ses lieux (Am 5,21-25 ; Jr 7,2-15…), comme par rapport aux institutions fussent-elles religieuses, la critique du roi comme celle des prêtres leur valant pas mal de déboires pouvant aller jusqu’aux menaces de mort (Jr 37,3-38,28).

Où les prophètes se sont-ils formés ?Ces conceptions religieuses ainsi que leur expression propre, comme la durée de

leur ministère qui a pu s’étendre sur deux, trois, ou quatre décennies, posent aussi la question de leur formation. Tous attribuent leur vocation à Yhwh ; mais aucun ne s’explique sur ce qui lui a permis de s’exprimer d’une façon plutôt que d’une autre et qui permet de distinguer la voix d’Amos de celle d’Osée, la voix d’Isaïe de celle de Jérémie ou d’Ézéchiel, et qui fait qu’on ne peut les confondre, même si les thèmes s’entrecroisent de l’un à l’autre.

La question de la formation des prophètes se pose selon au moins trois caractéristiques de leur expression et de son contenu : où ont-ils reçu leur formation religieuse et théologique ? Où ont-ils reçu leur formation politique et sociale, tant sur le plan national qu’international ? Où se sont-ils formés à l’expression orale, littéraire, rhétorique, poétique ?

En ces trois domaines, en effet, les prophètes ne sont rien moins que des analphabètes ou des ignorants aux frustes connaissances. Quelle que fût leur inspiration religieuse, ou le caractère inné de certaines qualités de réflexion et d’expression, les prophètes révèlent incontestablement des éléments qui supposaient une véritable formation théologique, politique et littéraire. Ils manifestaient des connaissances, une puissance de réflexion aussi bien théologique que politique, des talents oratoires et poétiques qui font souvent d’eux des auteurs dignes des anthologies de l’Antiquité. Beaucoup de leurs compatriotes ne s’y trompèrent pas qui désoleront notamment Ézéchiel en raison de la séduction poétique qu’il exerçait sur eux au lieu de les convertir (Éz 33,30-33) !

Dans l’état actuel de nos connaissances, avouons notre ignorance sur ces questions.Enfin, il faut ici dire un mot de l’influence qu’en retour les prophètes ont jouée sur

la religion d’Israël et donc sur la composition de l’Ancien Testament.Comme nous nous le sommes déjà demandé, les Prophètes sont-ils des « héritiers »

ou des successeurs destinés à rétablir la vérité d’une religion déjà élaborée ou connue ? La construction actuelle de l’Ancien Testament les place en second par rapport à la Loi d’Alliance qu’ils sont censés rappeler à un peuple pécheur, oublieux de la Loi avec ses attendus de menaces de châtiment divin, notamment par le truchement d’un peuple étranger envahisseur. Or, cette construction est finale justement, consécutive à la prise en compte des écrits prophétiques. Dans ces conditions, on est amené à se demander s’ils ne seraient pas au contraire, sinon les maîtres d’œuvre, du moins

les inspirateurs directs de ce qui constituera après eux et en tout cas à une époque relativement tardive, à partir du retour d’exil, l’essentiel de la religion de leur peuple dans sa législation comme dans sa théologie avec l’intransigeance du monothéisme et de la justice.

La réponse à ces questions n’est pas à sens unique puisque l’avènement des prophètes suppose aussi des éléments propres à la religion yahviste, pour qu’ils aient été entendus. Mais il ne faut pas exclure que le refus de les entendre et de les comprendre révèle une ignorance originelle de la Loi, voire une religion plus ou moins institutionnellement idolâtrique. Ceci ne réduit pas la puissance décisive de leur intervention, en particulier dans le sens d’une dimension mystique, leur propre foi et l’expérience religieuse et morale qu’ils exigeaient de leurs compatriotes pouvant être aussi bien une nouveauté qu’un rappel.

On sait aujourd’hui que le Deutéronome comme la rédaction définitive des livres historiques, des Juges au 2e Livre des Rois, sont dans le droit fil de leur enseignement mais aussi de leur expérience de Dieu. Et qu’Israël soit devenu un peuple monothéiste, le seul de l’Antiquité à l’être aussi radicalement et explicitement, témoigne de l’intransigeance mais aussi de l’expérience personnelle mystique des prophètes. ●

Isaïe un citadin

de haut rangJesús Asurmendi

Professeur à l’Institut catholique de Paris

La vocation d’Isaïe, (Isaïe 6,8-9). Gravure de Gustave Doré (1832-1883). © D. R.

Isaïe est un homme de la ville, de la capitale du royaume de Juda. Il y est né autour des années 760, au moment où Juda vivait une période de prospérité et de paix sous le roi Ozias. Son livre ne dit

pas explicitement qu’il est originaire de Jérusalem, mais une lecture attentive de ses oracles amène à cette conclusion. Dans cette moitié du VIIIe siècle, Amos ignore la capitale de Juda. Michée annonce sa destruction et celle du Temple tandis qu’Isaïe parle souvent de

Jérusalem. Le rôle politique et religieux de la ville de David constitue un des piliers de sa théologie.

Le prophète de Jérusalem est un homme très cultivé qui connaît et manie sa langue avec un art admirable. On ne trouve pas chez lui de longs oracles ou des descriptions obscures comme chez Ézéchiel, son style est sobre et concis. Qu’on pense à l’oracle contre la ville infidèle (Is 1,21-26) ou au célèbre Chant de la vigne (5,1-7). Les images sont hardies, fortes et précises. Et ceux qui ont entendu pour la première fois ce Chant de la vigne ont sans doute été envoûtés par sa beauté et pris au piège tendu par le prophète pour qu’ils reconnaissent leur culpabilité. Mais Isaïe excelle dans d’autres genres : que dire de la description de l’armée qui s’avance inexorablement vers Juda (10,28-34) ? Des textes célèbres comme Isaïe 9,1-6 et 11, 1-9 sont des témoins précieux des capacités littéraires du prophète.

Isaïe fréquente les hautes sphères de la société de son temps. À commencer par le roi. Le texte de l’Emmanuel (7,1-17) fournit un exemple de ce type de rapports. Il s’agit d’une rencontre avec Achaz, roi de Jérusalem, pendant laquelle le prophète,

après avoir promis l’aide du Dieu national, a un dialogue houleux avec son souverain.Même si les chapitres 38-39 posent des problèmes, ils témoignent, eux aussi, de la

relation familière entre le roi et le prophète que le reste du livre laisse deviner.Quand il prend son fils comme signe de la solidité de son oracle, il engage deux

personnages importants à titre de témoins : Urie le prêtre et Zacharie, le fils de Barachias (2 R 17,10). Ses oracles sur Shebna et Elyaqim (22,15-25) montrent qu’il connaît non seulement les hauts personnages de la cour, mais aussi les intrigues et les affaires les concernant.

De la sagesse politique à la confiance en DieuIsaïe baigne dans le courant et l’ambiance de la sagesse officielle. La sagesse politique

n’est pas l’apanage de quelques Anciens qui tiendraient les ficelles du pouvoir. Elle est l’art de réussir et tous ceux que nous appellerions aujourd’hui les hauts fonctionnaires, les technocrates, se doivent de la posséder. Isaïe utilise à profusion le langage de ce milieu : conseil, conseiller, projeter, être sage, habile, faire des plans, comprendre, voir, savoir. Mais il dénonce la vacuité de cette sagesse politique si elle ne s’enracine pas dans la sagesse de Dieu. Car le Dieu d’Israël, lui aussi, est sage, il a ses plans et ses projets, et c’est lui qui finalement triomphera (31, 2).C’est dans le récit de sa vocation (chap. 6) qu’Isaïe présente la vraie sagesse : il « a vu le Roi YHWH Sabaot », et cette vision lui fait découvrir qu’il ne peut plus parler : il est « réduit au silence ». Sage de la cour, il constate qu’il ne peut plus exercer son métier comme auparavant : il doit changer de sagesse. Le rite symbolique de la purification des lèvres sert à signifier ce changement. Dorénavant sa mission de prophète va dépasser cette sagesse politique qui consiste à se fier à ses propres forces, à être habile pour s’en tirer avec le maximum de profit ; à sa place il proposera au peuple de nouvelles bases : la confiance dans le Dieu d’Israël qui intervient dans l’Histoire. Désormais toute sa vie fera corps avec cette mission : « Moi et les enfants que le Seigneur m’a donnés, nous sommes des signes et des présages pour Israël » (8,18).

Homme de son temps, homme de sa ville, Isaïe a su écouter la Parole du Dieu de son peuple et la transmettre en y engageant complètement sa vie. ●

Le prophète absorbé par le sage

Hugues CousinAncien professeur de Nouveau Testament à la Faculté de théologie de Lyon

Moïse brise les tables de la Loi (Exode 32,19). Gravure de Gustave Doré (1832-1883). © D. R.

Aux IIe et Ier siècles avant notre ère, un changement d’attitude se produit, dans le judaïsme,

à l’égard de la prophétie. Les sages affirment que le temps des prophètes

est achevé et imposent leur interprétation de la Torah donnée à Moïse.

Entre 166 et 160 av. J.-C., les juifs conduits par Judas Maccabée se soulèvent contre la persécution du roi séleucide Antiochus IV Épiphane. Dans le récit de cette révolte, donné au 1er Livre des Maccabées, apparaît à plusieurs reprises l’affirmation qu’il n’existe plus de prophètes comme autrefois. Quelques exemples le montrent : lorsque Judas Maccabée reprend le Temple profané par les païens, et décide de démolir l’autel des holocaustes qui avait été souillé, il en dépose les pierres sur le mont des Oliviers « en un endroit convenable, en attendant la venue d’un prophète » (1 M 4,46) ; à la mort de Judas, lit-on plus loin, il sévit « en Israël une oppression telle qu’il ne s’en était pas produite de pareille depuis le jour où l’on n’y avait plus vu de prophète » (1 M 9,27) ; enfin, lorsque Simon est nommé grand prêtre, il l’est « pour toujours jusqu’à ce que paraisse un prophète accrédité » (1 M 14,41). Plus tard, la même idée est reprise dans la littérature rabbinique. « Depuis la mort d’Aggée, Zacharie et Malachie, les derniers prophètes, l’Esprit saint cessa en Israël » ; ou encore, dans un texte plus récent, « C’est Alexandre le Grec qui régna douze ans. Jusqu’alors, les prophètes prophétisaient par le pouvoir de l’esprit de sainteté. Désormais, tendez l’oreille, et soyez attentifs aux paroles des sages. »

Ce thème de la prophétie qui cesse d’exister est donc une idée ancienne, bien antérieure à l’apparition du christianisme, et qui est développée par les sages, par les rabbins. Pour eux, Dieu a tout révélé à Moïse au Sinaï : la loi écrite, mais aussi la loi orale et tout ce que diront les prophètes. Selon les sages, les prophètes n’ont fait que proclamer, au moment opportun, des paroles qui avaient déjà été dites. Ainsi les sages se présentent-ils comme les successeurs des prophètes. Ils ne font eux aussi qu’expliquer la Torah donnée à Moïse. La totalité de la révélation a été faite à Moïse.

Cette attitude découle d’une théologie du don de la loi, comme loi écrite et loi orale. Il n’y a plus rien à attendre. Le rôle de prédication, de remontrance qui a été celui des prophètes est désormais transféré aux sages et au collège rabbinique. Le problème n’est pas celui de l’existence de la prophétie. Le problème est celui de son utilité et de sa nécessité. La prophétie ne sert plus. Plus tard, cette tension existera aussi dans le christianisme. Dès lors qu’il sera affirmé que la révélation est terminée avec le dernier apôtre, des manifestations prophétiques ultérieures pourront être utiles à la piété individuelle, mais elles n’apporteront rien à la foi de l’Église.

Pour les rabbins toutefois, la prophétie sera restaurée comme un don eschatologique, à la fin des temps. Une histoire le montre de manière intéressante. Avant, racontent les rabbins, dans les temps « préhistoriques », l’Esprit saint était donné un peu partout, y compris en dehors d’Israël (Balaam, Nb 22-24). En raison du mauvais usage qu’on en fit, l’Esprit saint fut réservé à Israël : au moment du passage de la mer Rouge, les Hébreux ont chanté ensemble un cantique de louanges qu’ils ne connaissaient pas auparavant. C’est le signe que tous étaient prophètes. Mais comme Israël a continué à pécher au désert, Dieu n’a plus donné l’esprit prophétique qu’à des individus charismatiques : rois, comme David, ou prophètes. Et le redoublement des fautes a conduit à l’arrêt total de l’esprit de prophétie, lequel est « éteint ». Cependant, à la fin des temps, l’Esprit reviendra pour tout le monde.

La censure des rabbinsLes rabbins, cela doit être souligné, s’appliquent ces critères à eux-mêmes. L’histoire

de Rabbi Éliézer le montre : même parmi les rabbins, le pouvoir charismatique n’est pas reconnu. C’est la majorité qui importe. De ce point de vue, l’influence de la théologie rabbinique sur le christianisme est loin d’avoir été négligeable. Lors des conciles, quel

que soit le charisme reconnu à chacun, on se compte. Personne, ont estimé les sages, ne tient son autorité directement de Dieu. Il n’existe plus personne à travers qui Dieu s’exprime directement. Dieu s’exprime par le peuple, par le collège. C’est ici que se produit le clivage entre Jésus et les rabbins. Pour eux, le comportement charismatique et prophétique de Jésus n’est rien. Là où, face à une guérison, R. Hanina ben Dossa déclare « Je ne suis ni prophète, ni fils de prophète », Jésus aurait sans doute dit : « Si c’est par l’esprit que je chasse les démons, alors le règne de Dieu est parmi nous. »

La censure des rabbins va aussi s’exercer à l’égard de la littérature apocalyptique, qui s’est substituée à la prophétie dans les décennies qui précèdent la naissance de Jésus. La fièvre apocalyptique, qui amène le soulèvement juif de 66 ap. J.-C., est rendue responsable de la destruction du Temple. Après 70, les rabbins ne reçoivent dans le canon aucun ouvrage apocalyptique, à l’exception du livre de Daniel. Cela n’empêche pas la persistance dans le peuple de l’attente de prophètes, voire de l’attente du prophète ultime, « semblable à Moïse » (Dt 18,15 ; Mt 21,11). Le petit peuple est très friand de manifestations prophétiques. Cela permet de comprendre pourquoi la figure de Jésus parlait aux gens, mais suscitait la méfiance des rabbins. ●

Le cœur inquiet du christianisme

Daniel MargueratProfesseur honoraire de l’université de Lausanne. Faculté de théologie et de sciences des religions

Paul prêche aux Thessaloniciens (1 Thessaloniciens 2,11-12). Gravure de Gustave Doré (1832-1883). © D. R.

L’image de marque du prophétisme est attachée à la tradition d’Israël. Mais qui se souvient des prophètes chrétiens ? Qui sait encore

le rôle décisif qu’ils ont joué dans l’enfance de la chrétienté ? Le christianisme ne serait pas né sans l’apport puissant de ces hommes

et femmes prophètes, dont saint Paul dit qu’ils constituent, à côté des apôtres et des enseignants, le fondement de l’Église (1 Co 12,28).

Retour à une page méconnue des origines chrétiennes.

Comme les apôtres, les prophètes chrétiens n’ont duré qu’un temps. Très présent dans les communautés des premières générations chrétiennes, leur mouvement sombre dès la fin du Ier siècle dans le soupçon et le déclin. Mais alors que des apôtres ont écrit (en premier lieu Paul), le seul document portant signature prophétique est l’Apocalypse de Jean. Un premier trait apparaît : les prophètes chrétiens ne furent pas gens d’écriture. Risquons un portrait. Ces hommes et ces femmes étaient des prédicateurs charismatiques, avec pour champ d’action l’église locale. Ils intervenaient dans le cadre du culte pour annoncer le dessein du Dieu qui vient, et d’autre part, pour signifier la volonté de Dieu dans le présent. Leur mission : édifier, affermir, rassurer la communauté croyante.

Comment les connaît-on, puisqu’ils n’ont pas écrit ? Outre l’Apocalypse de Jean, les traces d’une activité prophétique se repèrent dans le livre des Actes, dans la correspondance paulinienne et dans l’évangile de Matthieu. Ces traces sont assez nombreuses pour nous faire saisir l’importance de leur rôle, mais aussi la diversité de leurs fonctions. Selon qu’ils interviennent dans les églises fondées par Paul ou qu’ils sillonnent la campagne syro-palestinienne durant les années 40-70, ils sont sédentaires ou itinérants, intégrés ou marginaux, prédicateurs ou thérapeutes. Mais partout, le feu de l’Esprit les habite.

Signature d’un temps nouveauLa profusion des prophètes chrétiens est d’autant plus surprenante que le judaïsme

d’obédience pharisienne avait statué l’extinction de l’esprit prophétique après Aggée, Zacharie et Malachie. Mais depuis Pâques, les premiers chrétiens ont la conscience de vivre un temps où l’Esprit, à nouveau, provoque des éruptions prophétiques.

Le récit de Pentecôte (Ac 2) traduit cette conviction qu’à la naissance du christianisme, l’Esprit parle et enrôle. Il est même précisé comment : par des visions et des songes (2,17-18). Appuyé sur le texte du prophète Joël, l’auteur des Actes fait droit à la dimension extatique de toute prophétie, qui s’autorise d’une communication immédiate avec Dieu ; c’est là qu’elle trouve son autorité. Mais c’est aussi là que réside sa fragilité – car comment « prouver » l’authenticité d’une révélation ? Rapidement, les chrétiens se trouveront confrontés au même problème qu’Israël : comment séparer la vraie de la fausse prophétie ?

Pentecôte fait savoir que la vocation prophétique est désormais promise à l’universalité (Ac 2,17-21). Au fil du récit des Actes, on rencontre des groupes prophétiques à Jérusalem et à Antioche (11,27 ; 13,1). De Philippe, on dit que ses quatre filles prophétisent (21,9). Agabus de Judée prophétise une famine à venir sous le règne de Claude (11,28), mais aussi la fin tragique de Paul (21,10-11). Simultanément, le mage Élymas est traité de « faux-prophète juif » (13,6) ; la dureté du constat s’explique : le discours du mage, qui parle contre Jésus, ne peut émaner de l’Esprit. Désormais, nul ne peut revendiquer l’Esprit s’il s’écarte du Messie.

Ne méprisez pas les prophétiesDans les églises fondées par l’apôtre Paul, la présence permanente de prophètes est

attestée à côté d’enseignants. Si l’on a reçu le don de prophétie, « qu’on l’exerce en accord avec la foi » (Rm 12,6). Hommes et femmes prophétisaient donc, non en fonction d’un ministère institué, mais d’une vocation reconnue. À Corinthe, le fameux conflit du voile a été précisément déclenché par des prophétesses décidées à ne plus le porter lorsqu’elles prophétisaient au culte (1 Co 11,2-16). « Ne méprisez pas les prophéties », implore l’apôtre aux Thessaloniciens (1 Th 5,20). Plus tard, c’est un prophète qui conférera à Timothée sa vocation de gérer sa communauté (1 Tm 4,14).

On entrevoit un peu mieux leur activité lorsque Paul tente de mettre de l’ordre dans le culte corinthien (1 Co 14). Il oppose d’un côté ceux qui parlent en langues, et dont

la parole est incompréhensible, d’un autre côté les prophètes qui parlent en clair. Leur vocation est d’édifier et d’encourager la communauté. Au nom de quoi ? Au nom du Christ vivant dont ils reçoivent une parole, et qu’ils retransmettent à tous.

Le prophète, donc, est canal de l’Esprit du Christ. Il est, dans la communauté, la voix du Seigneur vivant. On saisira mieux son rôle si l’on se rappelle que les églises pauliniennes ne disposaient pas d’un évangile où serait consigné l’enseignement de Jésus ; la tradition transmise par l’apôtre est orale. Le prophète assure dès lors la mémoire du groupe. Mais il n’est pas, selon Paul, un enthousiaste ébouriffé. Au chaos de l’inspiration sauvage, l’apôtre des Gentils oppose une spiritualité articulée à la raison. « Je prierai par l’Esprit, mais je prierai aussi par l’intelligence » (14,15). Et il ajoute que « les esprits des prophètes sont soumis aux prophètes » (14,32), refusant d’octroyer à l’inspiration prophétique un droit à l’anarchie et à l’imposition sauvage de son discours. Déjà, le prophète échappe à la régulation de la parole.

Prophètes contestésPassons à une autre aire géographique : la Syro-Palestine. L’évangile de Matthieu se

fait l’écho d’un dur conflit, signalant que le discernement entre vrais et faux prophètes devient une question aiguë en église (Mt 7,15-23). Nous sommes une génération après Paul. Ce que l’évangéliste reproche à ces prophètes, dont le palmarès charismatique est pourtant brillant, c’est d’adorer le Christ élevé au détriment de l’enseignement de Jésus. Branchés sur la présence du Ressuscité dans la communauté, ils en oublient l’enseignement du maître de Nazareth. Pratiquement, ils se concentrent sur l’activité de guérison en négligeant l’essentiel de l’éthique du Nazaréen : ils prophétisent sans amour. Matthieu n’est pas tendre : le déficit d’amour ruine l’esprit prophétique.

Cette escarmouche n’est que la pointe de l’iceberg. L’activité prophétique, dans cette chrétienté sise entre Jérusalem et Antioche, fut en effet intense entre 40 et 70. Recourant à la sociologie de la littérature, les travaux de l’exégète Gerd Theissen nous en livrent une image plus précise. Sa question de départ est simple : comment les prescriptions radicales de Jésus, qui enjoint ses disciples de partir en mission dans le dénuement le plus absolu, ont-elles été préservées (Mt 10,5-42 ; Lc 10,1-20) ? Réponse : pour que des hommes se fassent les porteurs de paroles aussi exigeantes, il fallait qu’ils s’identifient à elles, qu’ils se reconnaissent en elles, qu’ils en vivent.

Or, à n’en pas douter, ce discours d’envoi de Jésus construit une existence prophétique. Les disciples sont invités à proclamer la venue du Royaume en passant de lieu en lieu, prêchant et guérissant les malades comme l’avait fait le Maître. Un tel choix implique le renoncement à un domicile fixe et l’adoption d’une vie placée sous le signe de l’itinérance. Ce nomadisme s’accompagne d’un renoncement à la vie menée antérieurement, y compris la rupture des liens familiaux (Mt 8,22). En bref, la parole de Jésus dessine la carte d’un prophétisme charismatique itinérant, coupé des liens sociaux, assumant une précarité économique, mais brûlant d’une certitude : « Le Règne de Dieu est parvenu jusqu’à vous » (Lc 10,9). Ces prophètes (uniquement des hommes ?) vivent la conviction que le Règne de Dieu est à portée de main. Leur mission est celle d’avant-coureurs du Messie, inquiets de voir le monde s’enfermer dans le refus de Dieu.

Grandeur et déclinL’injonction de Jésus, prise au sérieux par ces prophètes nomades, inclut une

radicale pauvreté. « Ne prenez rien pour la route, ni bâton, ni sac, ni pain, ni argent […]. N’échangez de salutations avec personne en chemin » (Lc 9,3 ; 10,4). L’interdit des salutations, dans une culture orientale hypersensible aux rites d’accueil, dit bien l’urgence du message à transmettre ; peu de temps subsiste avant le retour du Messie. Mais il y a plus. Le bâton et le sac étaient les insignes du philosophe stoïcien itinérant (le moine-mendiant de l’Antiquité). On aperçoit dès lors la pointe du message : pas question que le prophète chrétien s’affiche comme un mendiant. Son complet dénuement le rend pourtant dépendant des dons qui lui sont offerts en chemin. S’il prêche le Règne de Dieu, s’il opère des guérisons, il a droit à l’hospitalité ; sinon, qu’il passe son chemin. Le prophète itinérant est ainsi mis en garde contre la tentation d’exploiter la bienveillance des chrétiens visités.

Cet avertissement trouve sa confirmation dans un écrit de la fin du Ier siècle : la Didachè. Les prophètes y constituent, comme les apôtres et les docteurs, un ministère pour lequel on nourrit le plus grand respect. Mais ces personnages itinérants sont aussi décriés comme des perturbateurs potentiels, des profiteurs qu’on ne laissera s’installer qu’avec de solides précautions (chap. 10). Le rôle de messager de Dieu n’est pas remis en cause ; mais l’inspiré vagabond n’a plus sa place dans la communauté.

Vingt ans après la rédaction de l’évangile de Matthieu, le soupçon s’est donc aggravé. Interprètes et gardiens de l’Écriture, les docteurs prennent le pas sur l’inspiration prophétique, trop grevée d’imprévisible. Le déclin qui s’annonce est irrémédiable. Un sursaut se produira au IIe siècle avec le mouvement prophétique inspiré par Montan ; mais il sera rejeté dans la marginalité, comme ceux qui le suivront, par l’Église institutionnelle. Éruptif, marginal, le prophétisme demeure tout au long de l’histoire de l’Église comme le cœur inquiet du christianisme. Il cherche à interpeller la société par ses intuitions, ses visions, ses actions excentriques. Il incarne l’exigence, l’utopie, la part de rêve. Une façon extrême de rappeler que le christianisme se perd s’il cesse d’être sel de la terre. ●

L’Apocalypse livre prophétique

Jean-Pierre PrévostAncien professeur d’exégèse à l’université Saint-Paul, à Ottawa

La nouvelle Jérusalem (Apocalypse 21,1-2). Gravure de Gustave Doré (1832-1883). © D. R.

Les discussions se poursuivent toujours chez les exégètes pour savoir si l’apocalypse, entendue au sens de corpus et de genre littéraire, est fille de la sagesse – comme le suggérait Gerhard von Rad dès 1960 dans sa Théologie de l’Ancien Testament, – ou de la prophétie, selon

la thèse classique de Paul D. Hanson exposée dans The Dawn of Apocalyptic et retenue par la majorité. Et s’il faut trancher en faveur d’une filiation par rapport à la prophétie, l’apocalypse en est-elle un

aboutissement ou un avatar ?

Le cas de l’Apocalypse johannique est tout à fait singulier. Si le livre présente quelques affinités avec l’univers de la sagesse – invitations au discernement et intérêt pour les énigmes et la symbolique des chiffres (2,7.11.17… ; 13,17-18 ; 17,9) –, il s’affiche, plus que toute autre apocalypse, juive ou chrétienne, en étroite dépendance de la tradition prophétique.

Singulier, le livre de l’Apocalypse l’est également par rapport aux écrits du Nouveau Testament. C’est en effet le seul écrit qui revendique le statut de prophétie : « Heureux celui qui lit et ceux qui entendent les paroles de la prophétie et qui gardent les choses qui y sont écrites… » (1,3 ; 22,18-19).

En outre, le visionnaire de Patmos est salué par l’ange interprète comme faisant partie d’un cercle de prophètes : « Je suis un compagnon de service, pour toi et pour tes frères les prophètes et pour ceux qui gardent les paroles de ce livre […]. Puis il me dit : Ne garde pas secrètes les paroles prophétiques de ce livre, car le Temps est proche » (22,9-10).

La mission prophétique de Jean avait d’ailleurs été confirmée en conclusion de la scène de la manducation du petit livre : « Et l’on me dit : il te faut à nouveau prophétiser sur des peuples, des nations, des langues et des rois en grand nombre » (10,11).

Jean, lecteur des prophètesSi l’on se tourne maintenant du côté de la filiation littéraire, force est d’admettre que

Jean est un lecteur bien au fait des écrits des prophètes bibliques. C’est même, parmi tous les écrits bibliques, la source principale de son inspiration. Du seul point de vue statistique, la dépendance est en effet exceptionnelle. Des quelque trois cent cinquante citations ou allusions bibliques qu’on croit pouvoir reconnaître dans l’Apocalypse de Jean, plus de la moitié provient de la littérature prophétique, et d’une manière toute spéciale, de la prophétie au temps de l’exil (587-538) et après : Jérémie (22 références), Ézéchiel (43 références), Isaïe 40-66 (environ 50 références), Zacharie (15 références). À ce nombre, il faut adjoindre les quelque cinquante références au livre de Daniel, que la Septante et les traditions qui en découlent classent parmi les écrits prophétiques. Le choix de Jean n’est donc pas neutre : les communautés chrétiennes d’Asie Mineure à la fin du Ier siècle sont confrontées à une épreuve et à des défis comparables au choc de l’exil et de la conquête babylonienne (comparer Ap 13, 10 et Jr 15, 2) et de la crise provoquée par l’hellénisation de Jérusalem et la profanation du temple au temps d’Antiochus Épiphane (vers 167 av. J.-C.).

Au-delà des statistiques, on se rend compte que l’influence est profonde. Quelques exemples suffiront à illustrer le propos : la scène du Trône (Ap 4) emprunte largement et conjointement à la vision de la Gloire chez Ézéchiel, avec les quatre animaux (Éz 1-3) et chez Isaïe, avec les séraphins et le « Saint, saint, saint » (Is 6). La vision du Fils de l’Homme au milieu des chandeliers (Ap 1,13-20) et celle des quatre cavaliers (Ap 6,1-8) est inspirée aussi bien de Zacharie (chap. 4) que de Daniel (chap. 7). L’épisode de la manducation du petit livre (Ap 10) ainsi que la longue élégie funèbre du chapitre 18 sont à comprendre à la lumière respectivement d’une consigne donnée au prophète Ézéchiel (Éz 3,1-3) et de la complainte qu’il prononce à propos du prince de Tyr (Éz 28). Enfin, la description de la nouvelle Jérusalem et de la création nouvelle (Ap 21-22) emprunte plus d’un trait à celle qu’on retrouve en Is 65-66. Il s’agit là de visions stratégiquement importantes aussi bien chez les prophètes de l’Ancien Testament que dans l’œuvre de Jean. La dépendance par rapport aux prophètes est donc substantielle. Mais en même temps, on notera que Jean n’est pas prisonnier de ses sources et qu’il les a remarquablement intégrées à son propos. Il en fait chaque fois une relecture originale, en lien avec la situation de sa communauté et, surtout, à la lumière de la nouveauté radicale instaurée par l’événement christologique par excellence de la Résurrection.

Le visionnaire de PatmosTout aussi important, pour le statut prophétique de l’Apocalypse de Jean, est le fait

que l’œuvre se présente comme une succession ininterrompue de visions – l’action est sans cesse relancée par les allusions de Jean à son expérience de vision : « je vis » (1,12-17 ; 4, 1 ; 5,1.2.6.11…) –, qui sont interprétées la plupart du temps par un messager ou par une voix céleste, ce qui correspond également à un procédé de révélation qu’on retrouve dans les livres prophétiques de l’Ancien Testament.

C’est ainsi, par exemple, que les livres d’Amos, d’Isaïe et d’Ézéchiel, portent un titre générique associé à la vision : « Paroles d’Amos, qui fut l’un des éleveurs de Teqoa, paroles dont il eut la vision, contre Israël » (Am 1,1), « Vision d’Isaïe » (Is 1,1) et « Comme j’étais parmi les captifs du fleuve du Kebar, les cieux s’ouvrirent, et j’eus des visions divines » (Éz 1,1). Le titre de ces trois livres prophétiques est d’ailleurs corroboré par des références explicites à leur expérience de vision (Am 7-9 ; Is 6,1 ; 13,1 ; Éz 10,1 ; 40,2 ; 43,3).

Et que dire du titre de l’œuvre johannique : Révélation, sinon qu’il est en parfaite harmonie avec celui des livres des prophètes, qui comporte habituellement une référence explicite à une révélation venue d’en haut : parole du Seigneur, vision, proclamation ?

Apocalypse 2-3 : lettres ou oracles prophétiques ?Les chapitres 2-3 de l’Apocalypse, ordinairement présentés comme étant des lettres

aux sept Églises, appartiennent davantage, du point de vue littéraire, au genre des oracles prophétiques qu’au genre proprement épistolaire. Chacun des messages, placé dans la bouche du Christ Ressuscité, commence en effet par la formule : « Ainsi parle… » calquée sur les oracles des prophètes bibliques : « Ainsi parle le Seigneur… » En outre, la structure de chacun des messages est identique à celle des oracles prophétiques, en ce qu’elle oscille entre jugement et salut. On y trouve la plupart du temps un jugement sur la situation des communautés : « Je sais tes œuvres […]. J’ai contre toi » (2,2.4.9., 13-14…), assorti, comme chez les prophètes, d’une invitation à la conversion (2,5.16 ; 3,3.19). Or le message ne s’achève jamais sans la perspective

du salut : « Au vainqueur je donnerai » (2,7.11, 17.26…), ce qui correspond, là aussi, à une structure fondamentale des livres des prophètes, dont les oracles font d’abord apparaître la perspective du jugement avant de s’apaiser dans celle du salut.

Prophète, pour quoi faire ?Jean appartient donc à la plus pure tradition prophétique. Comme les prophètes

de l’Ancien Testament, il est profondément enraciné dans l’histoire contemporaine, et comme eux, il relit l’histoire à partir de sa foi. Comme eux – selon le très beau mot de Noël Colombier, dans sa chanson sur les prophètes : Ils « dénonçaient », ils « annonçaient » –, Jean surgit pour dénoncer les prétentions monstrueuses, voire diaboliques, du pouvoir politique, en l’occurrence le pouvoir impérial romain, ainsi que la tiédeur ou l’affadissement de la foi des communautés. Mais il surgit aussi pour exhorter au courage et à l’espérance, pour changer la situation présente et proposer un avenir tout en lumière. La finale du livre (Ap 21-22) est une vibrante symphonie où les plus belles espérances des prophètes – cieux nouveaux et terre nouvelle : Isaïe 65-66 ; victoire sur la mort : Isaïe 25 ; Jérusalem, cité idéale : Ézéchiel 40-48 ; montée des nations à Jérusalem : Isaïe 42 ; fleuve d’eau vive et arbre de vie : Ézéchiel 47 – trouvent leur expression la plus achevée et la plus sublime. ●

La prophétie comme prédiction

Pierre-Emmanuel DauzatTraducteur et essayiste

Une fois n’est pas coutume, un soupçon de matérialisme est de nature à éclairer l’ambiguïté de la notion de prophétie

chez les Pères de l’Église. Le passage du Tanakh, la Bible des juifs, à la Bible des chrétiens s’est accompagné d’une métamorphose matérielle dans la fabrication du livre qui a fait provisoirement

du corpus biblique un chapitre clos. L’essor du codex a en effet fixé dès le IIe siècle une certaine composition des textes,

tandis que le rouleau demeurait la seule forme acceptable pour les Écritures juives. L’ordre de lecture des livres bibliques

s’est alors figé. Désormais, à la suite de la Septante, mais contrairement à la tradition juive, qui sertit les Prophètes entre les Livres de Moïse et les Écrits, la Vulgate des chrétiens va placer le recueil des prophètes à la fin des livres bibliques, et juste avant le Nouveau Testament : disposition artificielle,

qui ne pouvait qu’accréditer l’idée que les livres prophétiques annonçaient les Évangiles, et qui scellait une manière

de lire la prophétie non plus comme prédication, mais comme prédiction.

La difficulté de « définir la nature exacte et la place du prophétisme au sein du christianisme tient à une contradiction que l’on voit apparaître dès les premiers temps de la nouvelle religion », explique justement le médiéviste André Vauchez. D’un côté, Jean Baptiste avait été le dernier des prophètes (Lc, 1-3) : après lui, c’est un chapitre qui se referme avec l’Incarnation et la Résurrection du Christ. Toutes les annonces – c’est

ce qu’il va falloir démontrer, notamment à l’intention des juifs – sont censées avoir trouvé leur aboutissement et leur accomplissement en Jésus-Christ. La Révélation est terminée ou, plus exactement, l’ère des prophéties s’achève tandis que commence celle de l’exégèse. Mais, pour les premiers Pères de l’Église, les problèmes posés par la réorganisation du corpus appartiennent encore au futur. La prophétie n’annonce pas encore définitivement le passé du christianisme, encore moins son futur. Il va leur appartenir de démontrer que tout avait été dit et d’en convaincre d’un côté leurs anciens coreligionnaires juifs, de l’autre leurs adversaires païens qui traversent une crise de la divination et de la prophétie. L’incertitude régnant chez les Pères autour de l’étymologie du mot « prophète » réfléchit cette double mission des premiers Pères et apologètes : tantôt on fera dériver le mot de phaïnô, pour lui donner le sens de « celui qui montre à l’avance » ; tantôt on le fera dériver de phêmi, le prophète devenant alors « celui qui parle pour » un autre. Dans la polémique avec les juifs, les Pères seront tentés de retenir le premier sens ; dans celle avec les païens, d’insister sur le second : les Grecs et les Romains avaient eux aussi leurs oracles, qui donnaient des avis plus qu’ils ne prédisaient. Restait à savoir qui parlait le plus juste.

Dès les premiers temps du christianisme, cependant, la prophétie revient : le don du Saint-Esprit à la Pentecôte, mais surtout l’Apocalypse de Jean ressuscitent la prophétie sous des formes nouvelles. Très tôt, Jean passera pour un voyant ou un prophète, annonçant les turbulences à venir. Enfin saint Paul, dans la 1re épître aux Corinthiens (12,8-10), inclut le « don de prophétie », qu’il associe au discernement des esprits et au don d’interprétation, pour expliquer comment l’Esprit se manifeste au sein des communautés de chrétiens. Apparemment, l’apôtre des Gentils entendait par là deux choses : la faculté de comprendre les passages obscurs des Écritures (voir Origène) ; et celle de lire les signes de la grâce de Dieu et de la fin des temps. L’Église des martyres en fera un usage abondant, qui transparaît clairement dans les divers récits du martyre de Pionios (en 250). Mais il s’agit d’une prophétie un tantinet édulcorée : la prouesse prophétique est surtout destinée aux païens, histoire de leur montrer qu’on peut faire aussi bien qu’eux, sinon mieux. Le brave Pionios annonce qu’il mourra dans un an, jour pour jour. Ce qui arrive. Donc, il a été éclairé par Dieu, ce qui prouve ipso facto la vérité des prophéties chrétiennes et la véracité de la lecture qu’en ont faite les Pères. Sur le plan de la catéchèse, l’usage de cet artifice se révélera plus probant : éclairés par

le don du Saint-Esprit, les chrétiens sont par nature meilleurs prophètes. Mais sont-ils vraiment meilleurs philologues ?

Justin, l’un des plus grands apologètes chrétiens au IIe siècle, résume avec force sobriété et componction l’une des intentions directrices de la plupart des chrétiens : la réappropriation des Écritures juives. Les passages relatifs au Christ, explique-t-il à son interlocuteur dans le mémorable Dialogue avec Tryphon (29, 2), « sont déposés dans vos Écritures, ou plutôt non pas dans les vôtres mais dans les nôtres ». En fait, observe cependant l’historien de la théologie Jaroslav Pelikan, certains de ces passages n’étaient contenus que dans « nos » Écritures, l’Ancien Testament chrétien, par opposition à celui des juifs. Très vite, les théologiens chrétiens allaient accuser les juifs de contresens, d’interprétations erronées, mais aussi de falsification. Le même Justin n’hésitera pas à accuser les juifs d’avoir « supprimé entièrement beaucoup de passages des Écritures de la traduction faite par les vieillards de Ptolémée », autrement dit de la Septante (Dialogue, 66-67). Ainsi le mot « vierge » (parthénos) que l’on peut lire à la place de « jeune femme » dans l’Isaïe 7,14 de la Septante et qui avait été adopté par le Nouveau Testament puis consacré par les premiers auteurs chrétiens. Commentant ce passage, Jérôme, le savant traducteur et vir trilinguis, évite le problème pour ainsi dire « matriciel » et se contente d’une sibylline et casuistique digression sur l’usage du futur dans la prophétie et dans le récit d’un fait passé, d’où il ressort que l’histoire est écrite pour confirmer la prophétie. À la suite de Matthieu 1,23, les Pères de l’Église commentant le passage d’Isaïe appliqueront cet oracle à Marie, tout en s’inscrivant cependant dans une tradition juive qui, dès le IIe siècle av. J.-C., avait cru deviner l’annonce d’une naissance virginale du Messie.

De même pour le Psaume 22,17, la tradition juive avait transmis deux lectures : « Ils ont percé mes mains et mes pieds » et « comme un lion sont mes mains et mes pieds ». Jérôme traduira prudemment par « ils ont lié », mais donnera la même exégèse que ses homologues. Il fallait être bien impie ou obtus pour nier pareille évidence. Les Pères chrétiens firent leur la version des Septante pour voir dans le verset en question une annonce de la Crucifixion alors que leurs adversaires juifs « prétendent que ce psaume même n’aurait pas été dit du Christ ». Ces deux exemples témoignent avec acuité de la constitution d’un corpus prophétique post-factum. Jamais la venue du Christ ne leur parut plus facile à prophétiser que lorsque tout fut consommé, comme si cette manière d’entretenir l’« illusion rétrospective de la fatalité » était aussi et surtout

une manière de se convaincre soi-même de la terrible aberration de la Résurrection : Jésus serait d’autant plus Prophète, Messie, Serviteur Souffrant ou Fils de l’Homme que sa présence se lirait, fût-ce en filigrane et au prix de quelque « contrainte de sens », sous la plume des prophètes censés l’avoir annoncée. « Aussi longtemps que les croyants ne s’abandonnèrent pas complètement à leurs espérances d’avenir, conclut justement le grand historien des dogmes, Adolf von Harnack, leur préoccupation principale fut de prouver que l’Ancien Testament tout entier aboutit au Christ et que la personne de Jésus, ses actes et son sort sont l’accomplissement réel et littéral des prophéties. » On ne connaît pas, chez les Pères, d’exception à cette quête effrénée de la « preuve prophétique ». Mais la relecture des Écritures ne pouvait pas tout : les lacunes de l’Ancien Testament furent palliées par les nouveaux prophètes, dont les communautés les plus anciennes n’étaient jamais à court et qui « fabriquèrent » alors de l’inédit et du merveilleux comme l’ascension de Jésus et sa descente aux Enfers. Et ce genre de self-fulfilling prophecy, de prophétie autoréalisatrice comme disent les sociologues, n’atteignit « son but », précise encore Harnack, que par la création du Nouveau Testament. Mais la lecture de l’exégèse comme prophétie reste à écrire, même si Harnack a tracé quelques pistes en ce sens dans son Histoire des dogmes.

Dialogue avec les païensLe débat avec les juifs mis à part, le « dialogue » des Pères sur la prophétie a lieu

essentiellement avec les païens. Quand Grégoire de Nysse ou Origène, dans son Commentaire sur Ézéchiel, s’interrogent sur la prophétie, ils parlent essentiellement des « faux prophètes ». Il s’agit moins de savoir ce qui a été annoncé et si cela s’est réalisé que de savoir qui est le plus crédible. D’où des comparaisons qui paraissent bien souvent saugrenues. Ainsi lorsque Tertullien, dans son Apologétique, fait de la mort volontaire d’Hercule une noble figure de la mythologie païenne qui annonce, à sa façon, la figure du Christ et surtout sa mort « volontaire ». Mieux encore, les païens ont prophétisé Jésus et ne le savaient pas. Jusque dans l’Énéide on va traquer la preuve, l’indice de la Vierge qui accouchera d’un Sauveur. Et naturellement on la trouvera. La christianisation des auteurs païens devient ainsi l’un des domaines d’élection de la prophétie ex post chez les Pères. « Les Grecs ont eu des prophètes », claironne Clément d’Alexandrie dans Les Stromates (VI, V, 42) : « Il a fait surgir chez les Grecs

les plus réputés d’entre eux, pour en faire des prophètes qui parleraient leur langue » : autrement dit, la philosophie est un don de Dieu aux Grecs. Après Justin, le même Clément citera la fameuse Apocalypse d’Hystaspe, qui aurait prédit la destruction de Rome et en qui ces Pères semblaient reconnaître un prophète païen de la conflagration finale et des mystères de la vie du Christ. Tout le problème est que lesdits païens avaient apparemment du mal à croire à leurs propres prophètes. Que ce passage des Stromates suive directement des considérations sur le « plagiat » dit bien l’état d’esprit dans lequel est faite cette remarque. Le sous-entendu est clair : les Grecs qui s’obstinent dans l’erreur ont plagié les vérités postérieures des chrétiens. « Prenez aussi les livres des Grecs, étudiez la Sibylle », avait déjà plaidé en substance saint Paul à l’adresse des païens incrédules. Le christianisme ne faisait que confirmer la véracité de leurs prophéties. Ainsi en va-t-il par-dessus tout de la prophétie sur la mort du dieu Pan, dont la mystérieuse annonce eut lieu sous le règne de Tibère et dont l’empereur s’inquiéta si fort qu’il diligenta une enquête qui ne donna guère de résultats. Au même moment, le Christ mourait et ressuscitait. Alors que les païens, sous l’empire du lyrisme d’Horace, avaient tant de mal à croire à la mort de leur dieu, les Pères chrétiens, à l’instar d’Eusèbe de Césarée, y discernèrent carrément la fin du panthéon païen. Jouant sur le sens du mot Pan, qui signifie « tout », ils diagnostiquèrent sans hésitation la mort de tous les dieux d’antan, qui ne pouvaient plus être que des démons. Pouvaient-ils rêver meilleure confirmation, de la part même des païens, que la prophétie sur la résurrection du Christ, à laquelle ses sectateurs, hormis « Marie Madeleine », avaient tant de mal à croire, s’était accomplie ? « Il vaut la peine d’observer à quel moment […] a eu lieu la mort du démon [Pan] ; c’était sous Tibère, époque où, selon les ouvrages historiques, notre Sauveur accomplissant son séjour chez les hommes a chassé de leur vie toute espèce de démon » (Praep. evang., V, 17). En un mot, pour qui savait lire, la prophétie païenne confirmait la prophétie chrétienne. La relève était assurée. ●

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En couverture : Les Prophètes, 1447. Fresque de Fra Angelico (1387-1455). Cathédrale d’Orvieto, Italie. © DeAgostini/Leemage

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