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Propriété Intellectuelle et Savoirs Traditionnels

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PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLEET SAVOIRS TRADITIONNELS

Brochure nº 2La présente brochure fai t partie d’une sérieportant sur les questions de propriété intellectuellerelatives aux ressources génétiques, aux savoirstraditionnels et aux expressions culturellestraditionnelles ou expressions du folklore

Pour plus d’informations, veuillez contacter l’OMPI à l’adresse: www.wipo.int

Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle 34, chemin des ColombettesCase postale 18CH-1211 Genève 20Suisse

Téléphone:+41 22 338 91 11

Télécopieur:+41 22 740 18 12

Publication de l’OMPI Nº 920(F) ISBN 92-805-1429-6

Avertissement : les informations que contient la présente brochure ne sauraient sesubstituer à des conseils juridiques professionnels. Elles visent essentiellement à

présenter dans ses grandes lignes la question traitée.

Certaines images apparaissant dans cette brochure proviennent de bases de données ducommerce auxquelles l’OMPI est abonnée.

Les photos de couverture sont reproduites avec l’aimable autorisation de :1 : Ana Carvalho (également p.3 ); 2 : FAO/19469/G. Bizzarri;

4 : FAO/14904/G.d. Onofrio

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Table des matières

Les savoirs traditionnels, gages d’un avenirde diversité et de stabilité à long terme 1

Tour d’horizon 2

Concepts fondamentaux 4Définitions et utilisation des termes 4Quels sont les défis à relever pour lesdétenteurs de savoirs traditionnels? 7Quelle protection juridique pour les savoirstraditionnels? 10Formes de protection 11

Protection positive : reconnaissance des droits de propriété intellectuelle sur lessavoirs traditionnels 16

Recours aux lois de propriété intellectuelleen vigueur 17Adaptations des systèmes de propriétéintellectuelle existants par le biais demesures sui generis 20Utilisation des droits sui generis exclusifs 20Autres concepts juridiques pour la protectiondes savoirs traditionnels 23

Protection défensive : garanties contrel’acquisition de droits de propriétéintellectuelle illicites sur les savoirstraditionnels 26

Modification des systèmes de brevetsadministrés par l’OMPI existants 28Instruments pratiques de renforcementdes capacités 30

Conclusion 31

Les savoirs traditionnels,gages d’un avenir dediversité et de stabilité àlong terme

C’est à juste titre que les communautésautochtones et locales sont profondémentattachées aux savoirs traditionnels en tantqu’élément de leur identité culturelle. Laconservation des systèmes de connaissanceparticuliers qui ont donné naissance auxsavoirs traditionnels peut être essentielle àleur bien-être et à leur développementdurable futurs ainsi qu’à leur vitalitéintellectuelle et culturelle. Les savoirstraditionnels relèvent d’une conception dumonde holistique qui les rend indissociablesdes modes de vie et des valeurs culturelles,des convictions spirituelles et des systèmesjuridiques coutumiers d’un grand nombre decommunautés. En d’autres termes, ce ne sontpas seulement les savoirs qu’il est vital depérenniser, mais aussi le milieu social etmatériel dont ils font partie intégrante.

Par ailleurs, les savoirs traditionnelscomportent un aspect pratique incontour-nable dans la mesure où ils représententsouvent une réaction intellectuelle face auxexigences de la vie; à ce titre, ils peuventbénéficier directement et indirectement àl’ensemble de la société. On pourrait citerbien des exemples de technologiesimportantes issues tout droit des savoirstraditionnels. Mais lorsque certains tententd’utiliser ces savoirs à leur profit, notammentpour en retirer un avantage industriel oucommercial, on peut craindre qu’il n’y ait eu

Les savoirs traditionnels

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Tour d’horizonappropriation illicite de ces savoirs et que lerôle et la contribution des détenteurs desavoirs traditionnels n’aient pas été reconnuset respectés comme ils devraient l’être. L’undes enjeux de notre époque consiste àtrouver le moyen de renforcer et de protégerles racines des savoirs traditionnels même enpériode de bouleversement et dechangement sociaux, de sorte que les fruitsde ces savoirs puissent être savourés par les

générations futures et que les communautéstraditionnelles puissent continuer deprospérer et de se développer en harmonieavec leurs valeurs et intérêts propres.Parallèlement, les détenteurs de savoirstraditionnels font valoir que ces savoirs nedevraient pas être utilisés par autrui de façoninconsidérée, sans leur consentement et sansque soient prises les dispositions vouluespour partager de façon équitable lesavantages découlant de leur utilisation; d’unefaçon plus générale, il s’impose de mieuxrespecter et apprécier les valeurs,contributions et préoccupations desdétenteurs de savoirs traditionnels.

Tour d’horizon

Ce type d’enjeu se fait jour de toutes sortes defaçons concrètes et immédiates, dont voiciquelques exemples :

––––– en vertu d’un accord récent, lesguérisseurs traditionnels du Samoarecevraient une partie des bénéfices tirésd’un nouveau médicament contre le sidadont la mise au point s’inspire de leurconnaissance de l’arbre mamala;

––––– il est prévu que la tribu des Kani, en Indedu Sud, reçoive une partie des bénéficestirés d’un nouveau médicament poursportifs dont la mise au point s’appuie sursa connaissance de la plante médicinalearogyapaacha;

––––– les représentants des détenteurs desavoirs traditionnels ont dénoncé lesbrevets exploitant ces savoirs (concernantpar exemple l’utilisation d’extraits del’arbre neem et l’utilisation du curcumacomme agent de cicatrisation);

––––– les savoirs écologiques traditionnels descollectivités autochtones du Canada sesont avérés précieux dans les domaines dela planification environnementale et de lagestion des ressources;

––––– parmi certaines collectivités, les savoirstraditionnels représentent l’un deschemins du développement social etéconomique et ouvrent la voie à desformes de tourisme nouvelles, plusconformes à leur culture: les Seri duMexique utilisent la marque Arte Seripour distinguer leurs produits d’artisanatqui s’appuient sur leurs savoirs

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traditionnels et les ressources génétiquesconnexes, et pour soutenir un commerceviable à long terme de ces produits;

––––– le Portugal a récemment adopté une loidestinée à protéger les savoirs traditionnelset les obtentions végétales des agriculteursportugais, loi qui est venue s’ajouter à unensemble de plus en plus important de loisdites “sui generis” sur les savoirs tradition-nels adoptées dans divers pays du monde;

––––– en 2001, la Chine a délivré plus de 3000brevets se rapportant à des innovationsdans le domaine de la médecine chinoisetraditionnelle (voir encadré p. 19).

L’importance prise par les savoirs traditionnelsalimente les débats internationaux consacrés àdes questions fort diverses : l’alimentation etl’agriculture; la diversité biologique, ladésertification et l’environnement; les droits del’homme, en particulier les droits des peuplesautochtones; la diversité culturelle; et lecommerce et le développement économique.Par ailleurs, les savoirs traditionnels se situent àprésent au cœur du débat de politiquegénérale sur la propriété intellectuelle, ce quiamène à se poser un certain nombre dequestions difficiles. Le système de propriétéintellectuelle est-il compatible avec les valeurset les intérêts des communautés traditionnellesou privilégie-t-il les droits individuels parrapport aux intérêts collectifs de lacommunauté? La propriété intellectuelle peut-elle renforcer l’identité culturelle descommunautés autochtones et locales et leurpermettre d’avoir une plus grande influence surla façon dont leurs savoirs traditionnels sontgérés et utilisés? A-t-on utilisé le système depropriété intellectuelle pour s’approprierillicitement les savoirs traditionnels au lieu de

protéger les intérêts des communautésautochtones et locales? Comment peut-onveiller – sur les plans juridique et pratique –à ce que le système de propriété intellectuelleserve mieux les intérêts des communautéstraditionnelles? Quelles formes de respect et dereconnaissance des savoirs traditionnelspourraient répondre aux préoccupationsconcernant ces savoirs et donner auxcommunautés concernées les outils dont ellesont besoin pour préserver leurs intérêts?

Ces questions étant posées, l’OMPI acommencé à travailler sur les savoirstraditionnels en 1998. Dans un premier temps,elle s’est mise directement à l’écoute desdétenteurs de savoirs traditionnels, sefamiliarisant avec les besoins et attentes dequelque 3000 représentants de communautésdétentrices de savoirs traditionnels de 60endroits du monde. Leurs idées et points de vuecontinuent d’inspirer les travaux de l’OMPI. LeComité intergouvernemental de la propriétéintellectuelle relative aux ressources génétiques,aux savoirs traditionnels et au folklore (l’“IGC”)a été créé par l’OMPI en 2001 en tantqu’instance internationale de politiquegénérale. En somme, l’OMPI s’intéresse tout àla fois à la dimension internationale des savoirstraditionnels et à la coopération avec d’autresorganisations internationales, et aurenforcement des capacités et à la mise encommun des données d’expérience accumuléesdans ce domaine complexe. La présentebrochure vise à donner un aperçu de ce quefait l’OMPI à cet égard, analyse certainsconcepts fondamentaux et explique lesstratégies nationales de protection des savoirstraditionnels contre leur utilisation abusive etleur appropriation illicite.

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Concepts fondamentauxConcepts fondamentaux

Définitions et utilisation des termes

Qu’entend-on par “savoirs traditionnels”?Est-il possible d’appliquer une définitionunique à des traditions intellectuelles et à unpatrimoine culturel aussi divers que ceux descommunautés autochtones et locales sans engommer la diversité qui en est pourtantl’élément vital? Est-il réalisable, voiresouhaitable de trouver une forme unique deprotection internationale des savoirstraditionnels? Au fait, qu’est-ce que cela veutdire, “protéger” les savoirs traditionnels?Qu’y a-t-il à protéger et de quoi faut-il leprotéger, dans quel but et au bénéfice dequi? Ces questions, importantes en elles-mêmes, débouchent sur un certain nombrede questions plus profondes. Qu’est-ce quirend les savoirs traditionnels si précieux et siparticuliers? En quoi sont-ils “traditionnels”?Comment ces qualités pourraient-elles êtremieux appréciées et protégées sur le planjuridique hors du contexte traditionnel, dansle monde entier, en fait, mais d’une façon quidemeure appropriée, utile et bénéfique pourles communautés qui préservent les systèmesde savoirs traditionnels?

Aucune définition ne saurait rendre compte àelle seule de toute la diversité des savoirs dontles communautés traditionnelles sont lesdépositaires; et aucune forme de protectionjuridique ne pourra remplacer les systèmessociaux et juridiques complexes qui encadrentles savoirs traditionnels au sein descommunautés d’origine. Une forme deprotection, et une forme seulement, consiste

dans l’application de lois destinées à prévenirl’utilisation sans autorisation ou inappropriéedes savoirs traditionnels par des tiers hors ducontexte traditionnel : c’est la protection autitre de la propriété intellectuelle, découlant dela constatation qu’il importe d’empêcher destiers de faire un usage abusif des savoirstraditionnels dans certaines circonstances. On yest parvenu selon bien des modalitésdifférentes dans le cadre des lois nationales –et pas nécessairement en créant des droits depropriété à l’égard des savoirs traditionnels,encore que cette démarche ait été retenuedans certains cas. Il s’est agi dans tous les casde recibler les lois existantes ou d’en créer denouvelles afin de préciser et de renforcer lesobstacles légaux contre différentes formesd’utilisation abusive ou d’appropriation illicitedes savoirs traditionnels.

Les savoirs traditionnels et lesexpressions culturelles traditionnelles(folklore)

Cette forme de protection est focalisée surl’utilisation de savoirs tels que le savoir-fairetechnique ou les savoirs écologiques,scientifiques ou médicaux traditionnels. Elle serapporte au contenu des savoir-faire, desinnovations, des informations, des pratiques,des compétences et de l’apprentissagepropres aux systèmes de savoirs traditionnels,tels que les savoirs dans les domaines del’agriculture, de l’environnement ou de lamédecine traditionnels. Ces formes de savoirspeuvent être associées aux expressionsculturelles traditionnelles ou expressions dufolklore, telles que les chansons, les chantsreligieux, les récits, les motifs et les dessins.Un outil traditionnel peut incarner un savoirtraditionnel, mais peut également être

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considéré comme une expression culturelle enlui-même de par son dessin et sonornementation. En d’autres termes, pourbeaucoup de communautés, les savoirstraditionnels et leur forme d’expression sontconsidérés comme formant un tout indissociable.

On a donc été amené à demander auxdécideurs de respecter le contexte holistiquedans lequel s’inscrivent les savoirs tradition-nels et les expressions culturelles tradition-nelles, et de prendre conscience des liensexistant entre ces aspects de la vie et de laculture des communautés traditionnelles.Ainsi le même ensemble de lois coutumièressemble-t-il s’appliquer à la fois au savoirtraditionnel et aux expressions culturellestraditionnelles.

Quand il s’agit d’assurer une protectionjuridique spécifique hors de la communautétraditionnelle contre l’utilisation abusive par

des tiers, la pratique amontré que certainsinstruments juridiques

sont particulièrement efficaces pour empêcherdes tiers de s’approprier illicitement les savoirstraditionnels. D’autres instruments juridiquessont plus opérants dans la lutte contrel’utilisation abusive des expressions culturellestraditionnelles. Par ailleurs, la protection de cesexpressions (folklore) concerne égalementd’autres domaines de politique générale, telsque la politique culturelle et artistique. C’estun domaine de politique générale et du droitqui est en pratique distinct de la protection dessavoirs traditionnels, mais lié à celle-ci. On adonc élaboré une brochure distincte(“Propriété intellectuelle et expressionsculturelles traditionnelles (folklore)”,publication de l’OMPI n° 913) qui traite de laprotection complémentaire des expressionsculturelles traditionnelles, tandis que laprésente brochure se focalise sur la protectiondes savoirs traditionnels en tant que tels, c’est-à-dire du contenu de ces savoirs, ce quicorrespond à la diversité des choix opérés dansde nombreux pays : les savoirs traditionnels etles expressions culturelles traditionnelles sontsouvent protégés par des mécanismes

Quelques exemples de savoirs traditionnels

––––– les guérisseurs traditionnels thaïlandais utilisent le plao-noi contre lesulcères

––––– les San utilisent le cactus hoodia pour tromper la faim lorsqu’ils chassent

––––– l’irrigation durable est assurée par le biais de réseaux d’adduction d’eautraditionnels tels que l’aflaj en Oman et au Yémen et le qanat en Iran

––––– les Cris et les Inuits préservent des ensembles irremplaçables deconnaissances sur le comportement migratoire saisonnier de certainesespèces de la région de la baie d’Hudson

––––– les guérisseurs autochtones de la partie occidentale du bassin del’Amazone utilisent la plante grimpante ayahuasca pour préparer diversmédicaments auxquels sont attribuées des vertus sacrées.

La plante hoodia

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juridiques distincts; dans certains cas, les deuxaspects sont protégés par une loi globaleunique.

La dimension “traditionnelle” dessavoirs traditionnels

Ce n’est pas leur ancienneté qui rend lessavoirs “traditionnels” : la plus grande partiede ces savoirs ne sont pas anciens ou inertes,mais sont un élément essentiel et dynamiquede la vie de nombreuses communautéscontemporaines. Ils représentent une forme desavoir qui est traditionnellement lié à unecommunauté donnée : il s’agit d’uneconnaissance qui est élaborée, préservée ettransmise au sein d’une communautétraditionnelle, et de génération en génération,parfois par le biais de systèmes coutumiersspécifiques de transmission de la connaissance.Une communauté peut considérer ses savoirstraditionnels comme faisant partie intégrantede son identité culturelle ou spirituelle. C’estdonc le lien avec la communauté qui rend cessavoirs “traditionnels”. Les savoirs traditionnelssont créés tous les jours et se développent àmesure que les individus et les communautésrelèvent les défis que leur lance leurenvironnement social. Cet aspect contemporainest une raison de plus de mettre en place uneprotection juridique. Non seulement il estsouhaitable d’élaborer une politique deprotection qui fixe et préserve les savoirstraditionnels créés dans le passé, qui peuventêtre sur le point de disparaître, mais il importetout autant de réfléchir à la façon de respecteret de maintenir le développement et ladiffusion de nouveaux savoirs traditionnels quitrouvent leur origine dans l’utilisationpermanente des systèmes de savoirstraditionnels.

Les options et les points de détail dessystèmes de protection sont très divers, maisces derniers retiennent tous l’idée selonlaquelle la protection doit bénéficier avanttout aux détenteurs des savoirs en question,en particulier aux communautés et peuplesautochtones et traditionnels qui élaborent etpréservent des savoirs traditionnels ets’identifient culturellement à eux, ets’emploient à les transmettre aux générationsfutures, ainsi qu’aux membres éminents deces communautés et peuples. Les représen-tants de ces communautés soulignent souventque l’approche de la protection devrait tenircompte de leurs lois et pratiques coutumièresau lieu d’imposer un mécanisme impossible àmettre en œuvre qui ne tienne pas compte deleurs besoins et de leurs attentes.

Certains savoirs traditionnels sontétroitement liés aux plantes et autresressources biologiques, telles que les plantesmédicinales, les plantes cultivéestraditionnelles et les races animales. Lessavoirs traditionnels mettent souvent leschercheurs sur la voie qui leur permet d’isolerdans les ressources biologiques d’excellentscomposés actifs. Ces ressources génétiques etbiologiques sont liées aux savoirstraditionnels et aux pratiques traditionnellespar le biais de l’utilisation et de lapréservation desdites ressources, observéessouvent depuis des générations, et de leurutilisation courante aux fins de la recherchescientifique moderne. Souvent, la protectiondes savoirs traditionnels est étroitement liéeà celle de la diversité biologique, enparticulier dans le cadre de la Convention surla diversité biologique (CBD).

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En Inde du Sud, les savoirs médicaux des tribus Kani ont permis demettre au point un médicament pour sportifs appelé Jeevani, qui est unagent de lutte contre le stress et la fatigue tiré de la plante médicinalearogyapaacha. Les chercheurs indiens du Tropical Botanic Garden andResearch Institute (TBGRI) se sont appuyés sur le savoir-faire de ces tribuspour mettre au point le médicament. Les connaissances ont étédivulguées par trois Kani, tandis que les droits coutumiers existant àl’égard de la pratique et du transfert de certains savoirs traditionnelsdans le domaine des plantes médicinales parmi les tribus Kani sontdétenus par des guérisseurs tribaux appelés Plathis. Les chercheurs ontisolé 12 composés actifs de la plante arogyapaacha, mis au point lemédicament Jeevani et déposé deux demandes de brevet concernant cemédicament. Une licence d’exploitation de la technologie a ensuite été

accordée à la société Arya VaidyaPharmacy, Ltd., fabricant indien deproduits pharmaceutiques engagédans la commercialisation desformules médicinales ayurvé-diques. Les bénéfices tirés de lacommercialisation du médicamentbasé sur le savoir traditionnelseront partagés par le biais d’unfonds spécial créé à cet effet.

La plante arogyapaacha, à partir delaquelle le médicament Jeevani a été misau point par l’Institut de rechercheindien TBGRI, qui l’a ensuite fait breveter

Un Kani identifie leséléments de la plantearogyapaacha

Le médicament JEEVANIest un produit fabriquépar la société indienneArya Vaidya Pharmacy

Quels sont les défis à relever pourles détenteurs de savoirstraditionnels?

Les détenteurs de savoirs traditionnels sontconfrontés à un certain nombre de difficultés.Dans certains cas, c’est la survie même de cessavoirs qui est en jeu, dans la mesure où lasurvie culturelle des communautés estmenacée. Les pressions sociales etenvironnementales extérieures, la migration,la progression des modes de vie modernes etla déstabilisation des éléments traditionnelsde l’existence sont autant de causesd’affaiblissement des moyens traditionnels de

préservation des savoirs ou de leurtransmission aux générations futures. Il y arisque de perte de la langue même qui est leprincipal moyen d’expression d’une traditiondu savoir et de la conception spirituelle dumonde sur laquelle s’appuie cette tradition.Que ce soit par acculturation ou par diffusion,un grand nombre de pratiques traditionnelleset de convictions et savoirs connexes ont étéirrémédiablement perdus. Il s’impose doncavant toute chose de préserver les savoirsdétenus par les anciens et les communautésun peu partout dans le monde.

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Les détenteurs de savoirs traditionnels seheurtent à un autre problème : on n’accordepas beaucoup de respect ni une grandevaleur à ces savoirs. Ainsi lorsqu’il fournit unemixture d’herbes pour guérir une maladie, leguérisseur n’isole ni ne décrit certainscomposés chimiques et n’analyse pas leurseffets sur l’organisme selon les règles de labiochimie moderne, mais il n’en fonde pas

moins ce traitement médical sur desgénérations d’essais cliniques réalisés par lesguérisseurs du passé et sur une solideconnaissance empirique de l’interaction de lamixture et de la physiologie humaine. Aussipeut-on ne pas mesurer la véritable valeurdes savoirs traditionnels si l’on envisage leursqualités scientifiques et techniques d’unpoint de vue culturel étroit. En réalité, denombreux consommateurs des paysoccidentaux se tournent vers des traitementsfondés sur les savoirs traditionnels, car ilscroient pouvoir dire que ces systèmes“alternatifs” ou “complémentaires” reposentsur des observations empiriques sérieusesréalisées au fil des générations.

Les détenteurs de savoirs traditionnels sontégalement en butte au problème del’exploitation commerciale de leurs savoirs parautrui, ce qui soulève les questions de laprotection juridique des savoirs traditionnelscontre leur utilisation abusive, du rôle du

consentement préalable éclairé et de lanécessité d’un partage équitable desavantages qui découlent de cette utilisation.Les procès auxquels donnent lieu des produitsnaturels attestent la valeur prise par les savoirstraditionnels dans l’économie moderne. Laméconnaissance des systèmes formels deprotection existants, la modicité de leursressources économiques, les facteurs culturels,l’absence de perspective unifiée et, dans biendes cas, l’absence de politique nationaleprécise quant à l’utilisation et à la protectiondes savoirs traditionnels font que lespopulations concernées sont nettementdésavantagées pour ce qui est d’utiliser lesmécanismes de propriété intellectuelleexistants. Par ailleurs, l’absence de concerta-tion et de règles précises concernantl’utilisation appropriée des savoirs tradition-nels crée des zones d’incertitude pour ceux quicherchent à mettre ces savoirs en œuvre dansla recherche-développement de nouveauxproduits. On voit qu’il est nécessaire de définirdes règles reposant sur un fondement solide,appropriées sur le plan culturel et fiables tantpour les détenteurs de savoirs traditionnelsque pour leurs utilisateurs légitimes.

Il reste enfin à tenir compte de la dimensioninternationale de la protection des savoirstraditionnels et du partage des avantagesdécoulant de l’utilisation des ressourcesgénétiques connexes, tout en tirant lesenseignements des expériences nationales.Ce n’est que par le biais de la participationdes communautés et des pays de toutes lesrégions du monde que l’on pourra avancerdans cette voie pour obtenir des résultatsréels et équitables que toutes les partiesprenantes puissent accepter.

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Ces défis et problèmes sont très divers et deportée considérable, et mettent en jeu biendes domaines du droit et de la politique,dépassant de beaucoup la vision la plus largeque l’on puisse avoir de la propriétéintellectuelle. Un grand nombred’organisations internationales et demécanismes internationaux se penchentactuellement sur ces questions et desquestions connexes. Mais il y aurait lieu decoordonner et d’harmoniser les contributionsà l’étude de ces problèmes, et d’instituer unsoutien mutuel en vue d’atteindre desobjectifs plus vastes. C’est ainsi que, parexemple, la protection, au titre de la propriétéintellectuelle, des savoirs traditionnels doitprendre en considération les objectifs de la

CBD en matière de conservation etd’utilisation durable des ressourcesgénétiques et de partage équitable desavantages découlant de l’utilisation de cesressources. D’une façon générale, lapréservation des savoirs traditionnels et leurprotection contre les pertes et dégradationsdevraient aller de pair avec la protection dessavoirs traditionnels contre leur utilisationabusive et leur appropriation illicite. Ainsi,lorsque les savoirs traditionnels sontenregistrés ou fixés aux fins de préservationpour les générations à venir, convient-il des’assurer que cet acte de préservation n’envienne pas involontairement à faciliterl’appropriation ou l’utilisation illicites de cessavoirs.

Oryza longistaminata est un riz sauvagepoussant au Mali. Les agriculteurs dupays le considère comme une mauvaiseherbe, mais la communauté migrante desBela a acquis une connaissance détailléede sa valeur agricole. Cette communautéa constitué un ensemble systématique dedonnées sur les propriétés particulièresde cette espèce de riz et d’autresespèces de riz, et a constaté que oryzalongistaminata présente une plus granderésistance aux maladies telles que larouille du riz que beaucoup d’autres

espèces nationales de riz. Se fondant sur ce savoir traditionnel, les chercheurs ont ultérieurementisolé et cloné un gène appelé Xa21, qui a conféré cette résistance aux plants de riz.

Oryza longistaminata pousse dans les marécages et aubord des rivières du Mali

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Quelle protection juridique pourles savoirs traditionnels?

La protection des savoirs traditionnels revêtune grande importance pour lescommunautés de tous les pays, en particuliercelles des pays en développement et des paysles moins avancés. En premier lieu, les savoirstraditionnels tiennent une place importantedans la vie économique et sociale de cespays. Le fait d’attacher du prix à ces savoirsaide à affirmer l’identité culturelle et à élargirleur utilisation pour atteindre des objectifssociaux et de développement, tels quel’agriculture durable, un système de santépublique approprié et économiquementaccessible et la conservation de la diversitébiologique. En second lieu, les pays endéveloppement et les pays les moins avancésmettent en application des accordsinternationaux qui peuvent influencer lafaçon dont les savoirs associés à la mise enœuvre des ressources génétiques sontprotégés et diffusés, et, partant, la façon dontleurs intérêts nationaux sont défendus. Lesfrontières nationales ne constituant unecloison étanche ni pour les types de propriétédes savoirs traditionnels, ni pour l’intérêtculturel, scientifique et commercial pour cessavoirs, ni pour les possibilités de partenariatsprofitables en matière de recherche-développement, ni pour le risque d’utilisationabusive de ces savoirs, un minimum decoordination et de coopérationinternationales est indispensable pour réaliserles objectifs de la protection des savoirstraditionnels.

Il s’ensuit qu’une stratégie globale deprotection des savoirs traditionnels devraitprendre en considération les dimensionscommunautaire, nationale, régionale etinternationale. Plus sérieuses serontl’intégration des différents niveaux et lacoordination entre eux, plus cette stratégieaura de chances d’être opérante. Beaucoupde communautés, de pays et d’organisationsrégionales s’occupent actuellement de cesdifférentes dimensions. Les lois nationalessont pour le moment le principal mécanismede mise en place d’une protection et d’octroid’avantages concrets aux détenteurs desavoirs traditionnels. C’est ainsi que le Brésil,le Costa Rica, les États-Unis d’Amérique,l’Inde, le Pérou, le Panama, les Philippines, lePortugal et la Thaïlande ont tous adopté deslois sui generis qui protègent au moinscertains aspects des savoirs traditionnels (les

mesures sui generis sont des mesuresspécialisées se rapportant auxcaractéristiques d’un objet spécifique, tel queles savoirs traditionnels). Un documentd’information de l’OMPI intitulé “Analyseglobale de la protection juridique des savoirstraditionnels” présente une analyse détailléede ces lois. En outre, un certain nombre

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d’organisations régionales, comme dans lePacifique Sud et en Afrique, se sontemployées à définir les droits spécifiques surles savoirs traditionnels et à préciser lesmodalités de gestion de ces droits. Diversdétenteurs de savoirs traditionnels et d’autresparties prenantes de différents pays ontd’ores et déjà jugé utiles les droits depropriété intellectuelle et mettent dans unecertaine mesure en œuvre le système depropriété intellectuelle dans leurs stratégiesde protection des savoirs traditionnels.

Les approches nationales et régionales de laprotection des savoirs traditionnels sont aussidiverses que ces savoirs eux-mêmes et leurcontexte social, mais certains élémentscommuns se profilent dans le débat depolitique générale. Ainsi est-il souligné que laprotection doit tenir compte des aspirationset des attentes des détenteurs de savoirstraditionnels et promouvoir autant que fairese peut le respect des pratiques, protocoles etlois autochtones et coutumiers. Plusieursmesures sui generis ainsi que les lois depropriété intellectuelle classiques ontconsacré certains éléments de ce droitcoutumier dans un cadre de protection élargi.Il y a lieu de s’intéresser aux aspectséconomiques du développement et d’assurerla participation effective des détenteurs desavoirs traditionnels, conformément auprincipe du consentement préalable éclairé.Par ailleurs, la protection des savoirstraditionnels doit être économiquementabordable, facile à comprendre et accessiblepour les détenteurs de ces savoirs. Ons’accorde très largement à penser que cesderniers devraient pouvoir compter sur un

partage équitable des avantages découlantde l’utilisation de leurs savoirs. Le cadrejuridique international, tant au sein qu’endehors du système de propriété intellectuelle,est un autre facteur important. Lorsque lessavoirs traditionnels sont associés à desressources génétiques, les bénéfices devraientêtre distribués d’une façon conforme auxmesures prises en application de laConvention sur la diversité biologique (CBD),qui prévoit le partage des avantagesdécoulant de l’utilisation des ressourcesgénétiques. Parmi les autres instrumentsinternationaux importants, on peut citer leTraité international sur les ressourcesphytogénétiques pour l’alimentation etl’agriculture de l’Organisation des NationsUnies pour l’alimentation et l’agriculture(FAO), l’Union internationale pour laprotection des obtentions végétales (UPOV)et la Convention des Nations Unies sur lalutte contre la désertification. Le contexte dela protection des savoirs traditionnelsenglobe d’autres branches du droitinternational, et en particulier les droits del’homme et la politique culturelle.

Formes de protection

Le débat de politique générale a faitapparaître deux exigences fondamentalespour ce qui est du système de propriétéintellectuelle : en premier lieu, la demande dereconnaissance des droits des détenteurs desavoirs traditionnels sur ces savoirs et, ensecond lieu, l’exigence de règlement de laquestion de l’acquisition sans autorisationpar des tiers de droits de propriétéintellectuelle à l’égard des savoirstraditionnels. On a donc élaboré et mis en

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application deux formes de protection au titrede la propriété intellectuelle, à savoir :

––––– une protection positive : il s’agit dedonner aux détenteurs de savoirstraditionnels le droit d’intenter une actionen justice ou de former un recours contrecertaines formes d’utilisation abusive deces savoirs;

––––– une protection défensive : il s’agit d’uneprotection contre l’acquisition illicite dedroits de propriété intellectuelle sur unobjet relevant d’un savoir traditionnel.

Les parties prenantes ont souligné que cesdeux approches peuvent se compléter. Uneapproche globale de la protection desintérêts des détenteurs de savoirstraditionnels ne semble pas pouvoirs’appuyer entièrement sur l’une ou l’autreforme de protection.

Cadre international de politiquegénérale

La protection des savoirs traditionnels met enjeu d’importantes questions de politiquegénérale qui dépassent le champ d’applicationde la propriété intellectuelle. On passebrièvement en revue ci-dessous les activitésmenées par divers organismes et mécanismesinternationaux dans ce domaine.

Environnement

� Le Programme des Nations Unies pourl’environnement (PNUE) montre la voieà suivre et invite à forger des partenariatsen matière de protection de l’environ-nement en fournissant aux pays et auxpopulations l’inspiration, l’information etles moyens dont ils ont besoin pouraméliorer la qualité de leur vie sanscompromettre celle des générationsfutures. Dans le cadre de son Initiativepour le renforcement des capacités, lePNUE s’emploie à observer, suivre etanalyser l’état de l’environnement mondial,et à faire avancer la connaissancescientifique des modalités du changementde l’environnement et des modes degestion de ce changement fondés sur despolitiques nationales et des accordsinternationaux orientés vers l’action [pouren savoir plus, voir www.unep.org].

� En 1992, la Conférence des Nations Uniessur l’environnement et le développements’est tenue à Rio de Janeiro sous lesauspices du PNUE et a débouché surl’adoption de la Déclaration de Rio surl’environnement et le développement, qui ainstitué la Convention sur la diversité

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de l’Organisation mondiale du commercene contient pas de dispositions traitantspécifiquement de la question des savoirstraditionnels, mais les liens existant entreles savoirs traditionnels et les normesconcernant les ADPIC ont fait l’objet d’unriche débat et d’un certain nombre depropositions. La Déclaration de Doha,adoptée à l’issue de la Conférenceministérielle de l’OMC tenue à Doha en2001, a donné pour instruction auConseil des ADPIC d’examiner, entreautres choses, la question de laprotection des savoirs traditionnels et dufolklore [voir www.wto.org].

� En 2000, la Conférence des NationsUnies sur le commerce et ledéveloppement (CNUCED) a, dans sonPlan d’action, souligné qu’il importaitd’étudier les moyens de protéger lessavoirs traditionnels, les innovations etles pratiques des communautés localeset autochtones et de renforcer lacoopération en matière de recherche-développement dans le domaine destechnologies associées à l’utilisationdurable des ressources biologiques. À saonzième session, tenue en 2004, laCNUCED a adopté le Consensus de SãoPaulo, qui a vu dans l’“absence dereconnaissance des droits de propriétéintellectuelle destinés à protéger lessavoirs traditionnels” un problème àrégler lorsqu’il s’agit de faire progresserle système commercial international etfaire avancer les négociationscommerciales internationales [voirwww.unctad.org].

biologique (CBD) chargée de promouvoirla conservation de la diversité biologique,l’utilisation durable de ses composantes et lepartage loyal et équitable des avantagesdécoulant de l’utilisation des ressourcesgénétiques. Les dispositions relatives aurespect et à la reconnaissance des savoirstraditionnels sont un élément essentiel de laCBD, et des activités importantes sont encours de réalisation dans le cadre de laConvention pour donner effet à cesdispositions [voir www.biodiv.org].

� Conclue en 1994, la Convention desNations Unies sur la lutte contre ladésertification a prévu la protection dessavoirs traditionnels dans l’environnementécologique ainsi que le partage desavantages découlant de toute utilisationcommerciale de ces savoirs traditionnels [voirwww.unccd.int].

Santé

� En 1978, l’Organisation mondiale de lasanté (OMS) a pour la première fois mesurél’importance de la médecine traditionnelleen tant que source de soins de santéprimaires dans la Déclaration d’Alma-Ata. Cette question est traitée depuis 1976par l’Équipe de médecine traditionnelle del’OMS, notamment par le biais du dévelop-pement de la stratégie de l’OMS en matièrede médecine traditionnelle [voirwww.who.int].

Commerce et développement

� L’Accord sur les aspects des droits depropriété intellectuelle qui touchentau commerce (Accord sur les ADPIC)

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� Le Programme des Nations Unies pour ledéveloppement (PNUD) mène uneactivité importante de renforcement descapacités dans le domaine des savoirstraditionnels, notamment sur les aspectsde la protection juridique et du partageéquitable des avantages [voirwww.undp.org].

Alimentation et agriculture

� En 1983, l’Organisation des NationsUnies pour l’alimentation et l’agriculture(FAO) a adopté l’Engagementinternational concernant lesressources phytogénétiques,instrument non contraignant, pour faireen sorte que les ressources phytogéné-tiques destinées à l’alimentation et àl’agriculture soient préservées, exploréeset mises à disposition aux fins de lasélection végétale et de la recherchescientifique. En 1989, la Conférence de laFAO a reconnu les droits des agriculteurset a, en 1991, décidé que ces derniersseraient réalisés par l’intermédiaire d’unfonds international pour les ressourcesphytogénétiques. En 1993, la Conférencede la FAO a décidé de renégocierl’Engagement international en tantqu’instrument international liant lesparties, conformément à la CBD et auxfins de la réalisation des droits desagriculteurs. Au bout de sept années denégociations, la Conférence de la FAO aadopté le Traité international sur lesressources phytogénétiques pourl’alimentation et l’agriculture, quiprévoit, dans sa partie III, lareconnaissance des droits desagriculteurs, notamment “la protection

des savoirs traditionnels concernant lesressources phytogénétiques pourl’alimentation et l’agriculture” [voirwww.fao.org].

Droits des peuples autochtones

� La négociation de la Déclaration sur lesdroits des peuples autochtones sepoursuit depuis 1993. Le projetmentionne les droits des peuplesautochtones à l’égard de leurs biensculturels et intellectuels.

Propriété intellectuelle

� En 1998 et 1999, l’OMPI a envoyé desmissions exploratoires dans 28 paysafin de recenser les besoins et attentesdes détenteurs de savoirs traditionnels enmatière de propriété intellectuelle. Plusde 3000 personnes représentantnotamment les communautésautochtones et locales, les organisationsnon gouvernementales, l’État,l’université, la recherche et le secteurprivé ont été consultées dans le cadre deces missions. L’OMPI en a publié lesrésultats dans un rapport intitulé “Savoirstraditionnels : besoins et attentes enmatière de propriété intellectuelle,rapport de l’OMPI sur les missionsd’enquête (1998-1999)“.

� À la fin de 2000, le Comitéintergouvernemental de lapropriété intellectuelle relative auxressources génétiques, aux savoirstraditionnels et au folklore (lecomité) a été créé. Il a bien avancél’étude tant des liens de politique

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générale que des liens concrets existantentre le système de propriétéintellectuelle et les préoccupations despraticiens et des dépositaires des savoirstraditionnels. Un certain nombre d’étudesont alimenté le débat de politiquegénérale qui se poursuit au niveauinternational et ont aidé à élaborer desinstruments pratiques. Fort de cetteexpérience diversifiée, le comité entenddégager une concordance de vues auniveau international au sujet des objectifset principes communs qui devraientinspirer la protection des savoirstraditionnels. La documentationpertinente est mise à disposition par leSecrétariat de l’OMPI et consultable àl’adresse suivante : http://www.wipo.int/tk/en/tk/index.html.

� Dans le cadre de son programme généralsur les savoirs traditionnels, l’OMPIorganise également des ateliers et desséminaires, des missions d’experts et desmissions exploratoires, et des études decas confiées à des commissions, et assuredes services de rédaction législative,fournit des conseils et dispense uneformation théorique et pratique.

� La Convention de l’Unioninternationale pour la protectiondes obtentions végétales (UPOV)prévoit une forme sui generis deprotection par la propriété intellectuellespécifiquement adaptée à la sélectionvégétale, afin d’encourager ledéveloppement de nouvelles obtentionsvégétales. Ce système de protectionprévoit une “exception en faveur del’obtenteur” : aucune restriction n’est

apportée aux actes accomplis aux fins desélectionner d’autres variétés, de façon àmaximiser les ressources génétiques à ladisposition des obtenteurs et, de ce fait,à maximiser les progrès de la sélectiondans l’intérêt de la société. Le “privilègede l’agriculteur” concernant lessemences conservées par l’agriculteur estun dispositif de partage des avantagesfacultatif, en vertu duquel les Étatsmembres de l’UPOV peuvent autoriserleurs agriculteurs à utiliser une partie deleur récolte d’une variété protégée pourplanter une deuxième récolte sur leurpropre exploitation. En vertu du critèredu “caractère distinct” énoncé par laConvention de l’UPOV, la protection n’estaccordée qu’une fois qu’il a étédéterminé que la variété considérée estmanifestement distinguable de toutes lesautres variétés, dont l’existence estconnue de tous, indépendamment de leurorigine géographique. On a là unfondement juridique de la protectiondéfensive en ce qui concerne les variétésvégétales existantes. Dans le cadre dusystème de l’UPOV, seule la personne –un agriculteur, par exemple – qui réaliseune nouvelle obtention végétale peutrevendiquer une protection au titre decette variété [voir www.upov.int].

� D’autres organismes des Nations Uniesmènent également des activités dans ledomaine de la protection des savoirstraditionnels. C’est ainsi que l’Universitédes Nations Unies a publié un rapport sur“Le rôle des répertoires et des bases dedonnées dans la protection des savoirstraditionnels”.

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Protection positive : reconnaissance des droits depropriété intellectuelle sur les savoirs traditionnels

Protection positive : reconnaissance des droits depropriété intellectuelle sur les savoirs traditionnels

La diversité est l’essence même des systèmesde savoirs traditionnels, précisément parcequ’ils sont si étroitement liés à l’identitéculturelle de communautés aussi nombreusesque diverses. On ne s’étonnera donc pas deconstater que, comme il ressort del’expérience pratique accumulée jusqu’àprésent en matière de protection des savoirstraditionnels, aucun modèle ou solutionunique ne peut s’adapter à toutes lespriorités nationales et cadres juridiques, ni, àplus forte raison, répondre aux besoins descommunautés traditionnelles de tous lespays. On recherchera plutôt une protectionefficace dans un “menu” coordonné deformules de protection diverses. On pourraitpeut-être donner une assise plus solide à cemenu en élaborant un ensemble convenud’objectifs et de principes fondamentauxcommuns, qui pourrait s’intégrer au cadrejuridique international. Il s’agit au fond depermettre aux détenteurs de savoirstraditionnels de choisir la forme de protectionqui leur convient, de leur donner les moyensde prendre la mesure de leurs intérêts et dechoisir eux-mêmes les modalités de laprotection et de l’utilisation de leurs savoirstraditionnels, et de s’assurer de l’existencedes capacités nécessaires à l’application desstratégies de protection.

La conception et la définition d’un systèmede protection dépendent dans une largemesure des objectifs assignés à ce système.

Comme la protection de la propriétéintellectuelle en général, la protection dessavoirs traditionnels n’est pas une fin en soi,mais un moyen d’atteindre des objectifs plusgénéraux. Elle vise à concourir à la réalisationdes objectifs suivants :

––––– Prise de conscience de la valeur etpromotion du respect des systèmes desavoirs traditionnels

––––– Prise en considération des besoinseffectifs des détenteurs de savoirstraditionnels

––––– Répression de l’appropriation illicite etd’autres formes d’utilisation déloyale etinéquitable des savoirs traditionnels

––––– Protection de la créativité et del’innovation fondées sur la tradition

––––– Soutien aux systèmes de savoirstraditionnels et renforcement des moyensd’action des détenteurs de savoirstraditionnels

––––– Promotion d’un partage équitable desavantages découlant de l’utilisation dessavoirs traditionnels

––––– Promotion de l’utilisation des savoirstraditionnels aux fins d’une approche dudéveloppement privilégiant les initiativespartant de la base

La diversité des systèmes de protection dessavoirs traditionnels déjà en place et celle desbesoins des détenteurs de savoirs traditionnels

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arri

imposent de faire preuve d’une certainesouplesse quant aux modalités de réalisationdes objectifs au plan national. Il en va demême dans d’autres branches du droit de lapropriété intellectuelle, les instruments relatifsà la propriété intellectuelle en vigueurautorisant les pays à appliquer avec souplesseleur politique de protection.

Les formules de protection positive sont lessuivantes : les lois de propriété intellectuelleen vigueur et les systèmes juridiquesexistants (y compris la loi sur la concurrencedéloyale), les droits de propriété intellectuelleétendus ou adaptés, axés spécifiquement surles savoirs traditionnels (aspects sui generisdes lois de propriété intellectuelle) et denouveaux systèmes sui generis autonomesqui confèrent en eux-mêmes des droits sur

les savoirs traditionnels. Les formules nerelevant pas de la propriété intellectuellepeuvent être inscrites au menu général, parmilesquelles les lois sur les pratiquescommerciales et sur l’étiquetage, la loi sur laresponsabilité civile, l’utilisation de contrats,les lois et protocoles coutumiers etautochtones, la réglementation de l’accès auxressources génétiques et aux savoirstraditionnels associés, et les voies de recoursfondées sur des faits dommageables tels quel’enrichissement injuste, les droits de publicité

et le blasphème. Chacune de ces formules aété utilisée dans une certaine mesure pourprotéger différents aspects des savoirstraditionnels. On trouvera une analyse dequelques exemples de l’application des droitsde propriété intellectuelle dans la publicationde l’OMPI intitulée “Analyse globale de laprotection juridique des savoirs traditionnels”.Pour une brève introduction pratique auxmarques déposées et aux dessins et modèles,voir “Créer une Marque” (publication del’OMPI n° 900F) et “La beauté est dans laforme” (publication de l’OMPI n° 498F). Ilest prévu de consacrer d’autres guides de lamême série aux brevets et au droit d’auteur.

Sur le terrain, les détenteurs de savoirstraditionnels mettent d’ores et déjà en œuvretoute une série d’instruments juridiques pourprotéger leurs intérêts, en s’appuyant sur les loisde propriété intellectuelle et d’autres branchesdu droit suivant leurs besoins. À cette fin, ils ontbesoin d’avoir accès aux compétences et auxressources. Un certain nombre d’ONGs’entremettent en prêtant leur concours auxcommunautés locales aux fins des négociationscontractuelles et de l’application des stratégiesde propriété intellectuelle (y compris en ce quiconcerne les savoirs traditionnels) en matièred’accès aux ressources génétiques et aux savoirstraditionnels. C’est ainsi que le Centre derecherche-information-action en Afrique-Développement et consultation en Afriqueaustrale (CRIAA SADC) aide les communautéslocales de Namibie à exploiter durablement lesressources botaniques naturelles et à appliquerdes stratégies de propriété intellectuelleappropriées, concernant, par exemple, un projetrelatif aux fruits autochtones, afin de réaliser lesobjectifs du développement communautaire.

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Recours aux lois de prRecours aux lois de prRecours aux lois de prRecours aux lois de prRecours aux lois de propriétéopriétéopriétéopriétéopriétéintellectuelle en vigueurintellectuelle en vigueurintellectuelle en vigueurintellectuelle en vigueurintellectuelle en vigueur

Le débat de politique générale sur les savoirstraditionnels et le système de la propriétéintellectuelle a bien montré que les lois depropriété intellectuelle en vigueur nepermettent pas de répondre pleinement auxbesoins et aux attentes des détenteurs desavoirs traditionnels. Cela étant, on a sumettre ces lois à profit à titre de protectioncontre certaines formes d’utilisation abusive etd’appropriation illicite des savoirs traditionnels,notamment par le biais des lois sur les brevets,les marques déposées, les indicationsgéographiques, les dessins industriels et lessecrets commerciaux. Toutefois, il peut y avoirlieu d’adapter ou de modifier une loi depropriété intellectuelle pour en tirer unmeilleur parti. Ainsi, les savoirs traditionnelssont-ils souvent détenus collectivement pardes communautés, non par des propriétairesindividuels : ce fait est souvent considérécomme l’une des difficultés de la mise en placed’une protection des savoirs traditionnels.Pourtant, il est possible de créer desassociations, des sociétés communautaires oud’autres entités juridiques du même genresusceptibles d’agir pour le compte de lacommunauté considérée. Dans certains pays,des organismes gouvernementaux s’emploientactivement à représenter la communauté.Certaines formes de protection, telles que lesvoies de recours contre la concurrencedéloyale et la divulgation d’informations

confidentielles,n’exigent pas dedétenteurs de droitsspécifiques. Lespréoccupations que

leurs savoirs traditionnels inspirent auxcommunautés s’étalent le plus souvent sur desgénérations, soit une période beaucoup pluslongue que la durée de la plupart des droits depropriété intellectuelle. Mais certains droits dePI, notamment ceux qui s’appuient sur uneréputation spécifique, peuvent durerindéfiniment. Il y a aussi le problème du coûtde l’utilisation du système de propriétéintellectuelle, considéré comme un sérieuxobstacle pour les détenteurs de savoirstraditionnels. On en est ainsi venu à envisagerde renforcer les capacités, d’élaborer desconcepts juridiques faisant une plus grandeplace aux perspectives des savoirstraditionnels, de recourir à des modalités nonconventionnelles de règlement des différendset de faire jouer un rôle plus actif par lesorganismes publics et d’autres acteurs. Lesdroits de propriété intellectuelle existants ontété utilisés comme suit :

––––– Lois sur la concurrence et lespratiques commerciales déloyales :ces lois permettent d’intenter une actionen justice contre l’auteur d’une allégationfrauduleuse ou fallacieuse selon laquelleun produit est authentiquementautochtone ou a été fabriqué ouapprouvé par telle ou telle communautétraditionnelle ou est associé à celle-ci àun autre titre. C’est ainsi qu’une sociétés’est vu interdire par la loi de présenterdivers produits peints à la main comme“certifiés authentiques” et “art indigène”alors qu’ils n’avaient pas été peints pardes autochtones et n’avaient fait l’objetd’aucun processus de certification.

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Demande internationale présentée en vertu du Traité de coopération en matière de brevets, n° 2004/052382 A 1,concernant une application de la médecine chinoise traditionnelle servant à réduire la concentration des graissesdans le plasma, qui revendique une invention associant l’enseignement de la médecine chinoise traditionnelleet la médecine moderne.

––––– Brevets : les praticiens qui innoventdans le cadre traditionnel ont pu utiliserle système des brevets pour protégerleurs innovations. C’est ainsi qu’en 2001,la Chine a délivré 3300 brevets pour desinnovations dans le domaine de lamédecine chinoise traditionnelle (voirencadré ci-dessus). De même, on a mis enplace des systèmes qui s’opposent à ceque soient conférés illégitimement uneprotection par brevet à l’objet d’un savoirtraditionnel qui n’est pas une véritableinvention (voir “protection défensive”p.26).

––––– Signes distinctifs (marques déposées,marques collectives, marques decertification, indications géographiques) :les signes, symboles et termes traditionnelsassociés aux savoirs traditionnels ont été

protégés comme marques et ont été mis àl’abri de la revendication par des tiers dedroits afférents aux marques déposées.C’est ainsi que, par exemple, les Seri, quidevaient, au Mexique, faire face à laconcurrence de la fabrication en série, ontdéposé la marque de commerce Arte Seriafin de protéger les objets qui sontfabriqués selon des méthodes tradition-nelles à partir de l’arbre olneya tesota. Laconservation de cette espèce d’arbreexceptionnelle a été un argumentsupplémentaire en faveur de la protectionde cette marque. Au Mexique toujours, lesappellations d’origine olinalá et tequilaservent à protéger les objets en bois laquéet l’eau-de-vie traditionnelle tirée del’agave bleu, qui sont deux produits issusde savoirs traditionnels qui dérivent

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également leurs caractéristiquesparticulières des ressources génétiquespropres à ces localités.

––––– La loi sur la confidentialité et lessecrets commerciaux : elle a étéutilisée pour protéger les savoirstraditionnels non divulgués, notammentles savoirs traditionnels secrets et sacrés.Les lois coutumières des communautésprescrivent souvent de ne divulguercertains savoirs qu’à certainsdestinataires. Les tribunaux ont adjugédes réparations pour divulgationd’informations confidentielle en cas deviolation de ces lois coutumières. Ungroupe de communautés autochtones

d’Amérique du Nord, les tribus tulalip, amis au point une collection numérisée deses savoirs traditionnels, Storybase.Certains des savoirs en question peuventêtre divulgués aux fins de l’examen d’unedemande de brevet. Les dirigeants de lacommunauté des Tulalip recensent lesautres informations comme étantutilisables uniquement au sein de leurcommunauté, conformément au droitcoutumier; ces informations sontprotégées en tant qu’informations nondivulguées. Les responsables des projetsde retour numérique qui consistent àrestituer des savoirs autochtones auxcommunautés d’origine ont souventbesoin d’appliquer de façon rigoureuse laloi sur la confidentialité afin de seconformer aux restrictions fixées par ledroit coutumier en matière d’accès auxsavoirs en question.

Adaptations des systèmes depropriété intellectuelle existantspar le biais de mesures sui generis

Un certain nombre de pays ont adapté lessystèmes de propriété intellectuelle existantsaux besoins des détenteurs de savoirstraditionnels par le biais de mesures suigeneris. Ces dernières prennent différentesformes. Une Base de données des insignesdes tribus amérindiennes empêche autruid’enregistrer ces insignes comme desmarques déposées aux États-Unisd’Amérique. La loi néo-zélandaise sur lesmarques déposées a été modifiée pourexclure les marques déposées offensantes, cequi s’applique plus particulièrement auxsymboles des Maoris. L’Inde a modifié sa loi

On a pu empêcher la publication dedocuments secrets et sacrés dans le cadred’une action intentée pour divulgationd’informations confidentielles. Dans Foster c.Mountford, les membres du Conseil desPitjantjatjara ont obtenu une ordonnance deréféré, sur la base d’une divulgationd’informations confidentielles, pour interdirela publication d’un livre intitulé Nomads ofthe Australian Desert. Les demandeurs ontfait valoir avec succès que le livre contenaitdes informations qui n’auraient pu êtrefournies et présentées qu’à titre confidentielà l’anthropologue Mountford, il y avait decela 35 ans. Les demandeurs ont égalementestimé que “la divulgation des secretscontenus dans le livre à leurs femmes, enfantset hommes non initiés pourrait compromettrela stabilité sociale et religieuse de leurcommunauté en proie à de graves difficultés”.

Examen d’un cas concret tiré de “Stopping theRip-offs”, ministère public australien, à l’adressewww.ag.gov.au

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––––– Au Pérou, le régime sui generis a été misen place par la loi n° 27, 811 de 2002,dont les objectifs sont les suivants :protéger les savoirs traditionnels,promouvoir une distribution loyale etéquitable des avantages découlant deleur utilisation, faire en sorte que lessavoirs en question ne soient utilisésqu’avec le consentement préalableéclairé des peuples autochtones etprévenir l’appropriation illicite. Uneprotection est accordée aux savoirscollectifs des peuples autochtones liésaux ressources biologiques. La loi accordeà ces peuples le droit de consentir àl’utilisation des savoirs traditionnels. Parailleurs, elle prévoit le versementd’indemnisations équitables au titre del’utilisation de certains types de savoirstraditionnels à un Fonds national dedéveloppement des peuples autochtonesou directement aux détenteurs de savoirstraditionnels.

––––– Au Costa Rica, la Loi sur la diversitébiologique n° 7788 est destinée àréglementer l’accès aux savoirstraditionnels. Elle prévoit la distributionéquitable aux détenteurs de savoirstraditionnels des avantages découlant del’utilisation de ces derniers. C’est un objetà deux dimensions que la loi définit : ils’agit tout d’abord des savoirstraditionnels dont l’accès est réglementépar la loi et, ensuite, des savoirstraditionnels pour lesquels celle-ci prévoitdes droits exclusifs. Il appartient à laCommission nationale de gestion de ladiversité biologique d’engager unprocessus participatif en collaboration

sur les brevets pour préciser le statut dessavoirs traditionnels au regard du droit desbrevets. L’Office chinois de la propriétéintellectuelle dispose d’une équiped’examinateurs de brevets spécialisés dans lamédecine chinoise traditionnelle.

Utilisation des droits sui generisexclusifs

Dans certains pays et communautés, on estparvenu à la conclusion que même lesadaptations des systèmes de droits depropriété intellectuelle existants ne tiennentpas suffisamment compte de la natureholistique et spécifique de l’objet des savoirstraditionnels. Il a donc été décidé de protégerces savoirs par le biais de droits sui generis.Un système de propriété intellectuelle devientsui generis une fois que certains de seséléments ont été modifiés de façon às’adapter comme il convient aux spécificitésde son objet et aux besoins de la politiqueparticulière qui ont débouché sur la mise enplace d’un système distinct.

Ci-après quelques expériences nationalesconcernant l’utilisation de droits de propriétéintellectuelle sui generis aux fins de laprotection des savoirs traditionnels :

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avec les communautés autochtones et lescommunautés de petits exploitantsagricoles, processus qui vise à déterminerla durée et le champ d’application desdroits intellectuels communautaires suigeneris.

––––– Au Portugal, le Décret-loi sui generisn° 118, en date du 20 avril 2002, a pourobjectif d’enregistrer et de préserver lesressources génétiques et les savoirstraditionnels et d’en organiser la garde.La loi institue une protection contre “lareproduction et/ou l’utilisationcommerciales ou industrielles” dessavoirs traditionnels élaborés par descommunautés locales, aux plans collectifou individuel.

––––– La loi sur la protection et la promotiondes renseignements concernant lamédecine thaïlandaise traditionnelle(1999) protège les “formules” desmédicaments thaïlandais traditionnels etles “textes sur la médecine thaïlandaisetraditionnelle”. D’une façon générale, ilfaut entendre par “renseignementsconcernant la médecine thaïlandaisetraditionnelle” “les connaissances et lescapacités de base dans le domaine de lamédecine thaïlandaise traditionnelle”. Laloi confère aux détenteurs de droits –“les personnes qui ont enregistré leursdroits de propriété intellectuelle sur lesrenseignements concernant la médecinethaïlandaise traditionnelle en applicationde la loi” – “la propriété unique de lafabrication du médicament et de larecherche-développement”.

Lorsqu’ils cherchent à élaborer un système suigeneris de protection des savoirs traditionnels,les décideurs doivent généralement prendreen considération les questions fondamentalesci-après :

––––– quel est l’objectif (politique) de laprotection?

––––– quel objet convient-il de protéger?––––– à quels critères l’objet doit-il satisfaire pour

être protégé?––––– qui sont les bénéficiaires de la protection?––––– quels sont les droits?––––– comment les droits sont-ils acquis?––––– comment les droits sont-ils administrés et

comment en fait-on respecter l’exercice?––––– comment les droits sont-ils perdus ou

viennent-ils à expirer?

Pour en savoir plus sur ces importantesquestions, on se reportera à la publication del’OMPI intitulée “Analyse globale de laprotection juridique des savoirs traditionnels”.L’IGC a consacré de nombreux travaux tant à laprotection des savoirs traditionnels par le biaisdes systèmes de propriété intellectuelleexistants qu’à la mise en place et àl’application de systèmes sui generis. Voir, parexemple, les documents de travail de l’IGCsuivants : WIPO/GRTKF/IC/5/8, WIPO/GRTKF/IC/5/INF/2 et INF/4, WIPO/GRTKF/IC/6/4, WIPO/GRTKF/IC/7/5 et WIPO/GRTKF/IC/7/6.

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Autres concepts juridiques pour laprotection des savoirs traditionnels

Lorsqu’ils étudient des mécanismes juridiquespouvant permettre de protéger les savoirstraditionnels contre l’appropriation illicite, lesdécideurs font appel à des conceptsjuridiques qui ne se limitent pas au type dedroits exclusifs sur lesquels s’appuient laplupart des formes de protection par lapropriété intellectuelle. On décritsuccinctement ci-dessous plusieurs de cesconcepts alternatifs :

Consentement préalable éclairé

En vertu du principe du consentementpréalable éclairé, les détenteurs de savoirstraditionnels doivent être pleinementconsultés avant que des tiers n’aient accès àces derniers ou ne les utilisent, et un accordaux conditions appropriées doit être conclu,et ils doivent également être pleinementinformés des conséquences de l’utilisationvisée. Le domaine d’utilisation convenu peutêtre indiqué dans les contrats, les licences oules accords, lesquels doivent égalementpréciser les modalités de partage desavantages découlant de l’utilisation dessavoirs traditionnels. Le principe duconsentement préalable éclairé applicable àl’accès aux ressources génétiques est l’un deséléments essentiels de la CBD (voir encadrépage ). Étant donné le lien étroit existantentre les ressources génétiques et certainesformes de savoirs traditionnels, ce mêmeprincipe est repris dans un certain nombre delois nationales concernant l’accessibilité etl’utilisation des savoirs traditionnels.

Partage équitable

On retrouve l’idée d’un dosage équitable desintérêts dans un grand nombre de systèmesjuridiques. En droit de la propriétéintellectuelle, on parle souvent de dosage desintérêts des détenteurs de droits et de ceuxdu grand public. Le partage loyal et équitabledes avantages découlant de l’utilisation desressources génétiques est l’un des objectifsde la CBD, qui invite également à partageréquitablement les avantages découlant del’utilisation de certaines formes de savoirstraditionnels. Aussi retrouve-t-on le principedu partage équitable dans un certain nombrede lois nationales régissant l’accessibilité etl’utilisation des savoirs traditionnels,notamment lorsque ces derniers sont associésaux ressources génétiques. En vertu de ceprincipe, les détenteurs de savoirstraditionnels (ST) recevraient une partéquitable des avantages découlant del’utilisation de ces savoirs, laquelle peut êtreexprimée par un paiement compensatoire oud’autres avantages non monétaires. Le faitd’avoir droit à un partage équitable peut êtreparticulièrement indiqué dans les situationsoù les droits de propriété exclusifs sontconsidérés comme inappropriés.

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Oryza longistaminatapoussant près d’un village

de la communauté des Bela

Partage des avantages et savoirs traditionnels au Samoa

Les services rendus par les guérisseurs traditionnels du Samoa ont été récemment récompensés àl’occasion d’un accord de partage des avantages découlant de la mise au point de la prostratine,composé antisida dérivé de l’arbre samoan mamala (homalanthus nutans). La prostratine chassele VIH des réservoirs de l’organisme, permettant ainsi aux médicaments antirétroviraux d’attaquerle virus. L’écorce de l’arbre mamala a été utilisée par les guérisseurs traditionnels pour traiterl’hépatite, entre autres utilisations médicales de cet arbre. Ce savoir traditionnel a guidé leschercheurs dans leur quête de composés thérapeutiques utiles. Il est question que les recettestirées de la mise au point de la prostratine soient partagées avec le village où le composé a étédécouvert et avec les familles des guérisseurs qui ont contribué à sa découverte. Une partie desrecettes sera également affectée à la recherche sur le VIH/sida. Par ailleurs, il est proposéd’accorder aux fabricants de produits pharmaceutiques l’autorisation de poursuivre la recherchesur la prostratine de façon que les médicaments qui en résulteront soient mis à la disposition despays en développement à titre gratuit, au prix coûtant ou à un profit peu élevé.

Partage des avantages et savoirs traditionnels au Mali

Les connaissances agricoles traditionnelles qui ont conduit à l’identification des précieusesqualités d’oryza longistaminata ont également permis d’identifier le gène qui lui a conféré sarésistance aux maladies (voir encadré de la p. 9). Lorsque ce gène a été isolé et breveté parl’Université de Californie à Davis, un accord a été conclu au sujet du partage des avantages avecle pays d’origine. On a créé un Fonds de valorisation des ressources génétiques pour organiser,avec les parties prenantes au Mali et dans d’autres pays en développement, le partage desavantages découlant de l’utilisation commerciale du gène breveté. L’utilisateur de la technologieest tenu de verser au Fonds de valorisation un certain pourcentage du produit de la vente desproduits pendant un nombre d’années spécifié. Le Fonds doit octroyer des bourses à desétudiants en agronomie et à des spécialistes de la recherche agronomique du Mali et d’autrespays où pousse le riz sauvage, afin de renforcer les capacités des pays fournisseurs. L’OMPI aconsulté les Bela et les communautés agricoles en vue d’une étude de cas sur cette utilisation dessavoirs traditionnels: voir “WIPO-UNEP Study on the role of intellectual property rights in thesharing of benefits arising from the use of biological resources and associated traditionalknowledge” (Publication de l’OMPI n° 769E).

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Préparation d’oryza longistaminatapour la consommation, au Mali

donner lieu, ainsi que bien d’autres aspects dela préservation, de l’utilisation et de lajouissance de ces savoirs.

C’est ainsi qu’en Amérique du Nord, l’héritageet le transfert de “bourses sacrées” au seindes familles ou entre familles s’accompagnentde la transmission des savoirs médicauxtraditionnels et de certains droits de pratiquer,de transmettre et d’appliquer ces savoirs. Lapropriété de la bourse elle-même est souventliée à des droits exclusifs concernantl’exploitation des produits et processusassociés au savoir traditionnel auquel labourse se rapporte.

Les savoirs traditionnels intéressant de plus enplus de personnes se situant hors du contextetraditionnel, leurs détenteurs ont demandé laprise en considération et le respect de leurslois, pratiques et convictions coutumières parles utilisateurs potentiels. Pour beaucoup dereprésentants des communautéstraditionnelles, il s’agit là d’un élémentfondamental des formes de protectionappropriées. On a donc été amené à envisagerdivers moyens de faire respecter les lois etpratiques coutumières dans le cadre d’autresmécanismes juridiques, notamment lessystèmes de propriété intellectuelle classiques.

Concurrence déloyale

Les normes internationales afférentes à lapropriété intellectuelle exigent depuislongtemps la répression de la concurrencedéloyale, par laquelle il faut entendre “toutacte de concurrence contraire aux pratiqueshonnêtes en matière industrielle oucommerciale” et qui englobe différents actesde nature à induire le public en erreur ou àprêter à confusion. La législation sur laconcurrence déloyale a été utilisée commeune base potentielle de protection desschémas de configuration des circuitsintégrés, des indications géographiques, desinformations non divulguées et des donnéesd’essais, ainsi que des phonogrammes. Elle aégalement été considérée et utilisée commeun fondement juridique potentiel aux fins dela protection des ST contre différentes formesd’utilisation commerciale déloyale.

Respect des lois et pratiquescoutumières

Les lois, pratiques et protocoles coutumiersservent souvent à préciser comment lescommunautés traditionnelles élaborent,détiennent et transmettent les savoirstraditionnels. Ainsi, n’est-il permis dedivulguer certains savoirs traditionnels sacrésou secrets qu’à certains membres initiésd’une communauté autochtone. Les lois etpratiques coutumières peuvent définir desdroits et obligations en matière de garde dessavoirs traditionnels, notamment l’obligationde les protéger contre l’utilisation abusive oula divulgation illégitime; elles peuventpréciser les modalités d’utilisation des savoirstraditionnels, de partage des avantagesdécoulant de cette utilisation et de règlementdes différends auxquels ces savoirs peuvent

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Protection défensive : garanties contre l’acquisitionde droits de propriété intellectuelle illicites surles savoirs traditionnels

Protection défensive : garanties contre l’acquisitionde droits de propriété intellectuelle illicites surles savoirs traditionnels

La protection “défensive” des savoirstraditionnels consiste en mesures prises pourempêcher des tiers d’obtenir ou d’exercer desdroits de propriété intellectuelle non valablessur les savoirs traditionnels. Cette forme deprotection peut être utile en faisant obstacleà l’acquisition de droits de propriétéintellectuelle illicites, mais elle n’empêche pasautrui d’utiliser ou d’exploiter activement lessavoirs traditionnels. Il faut mettre en placeune certaine forme de protection positivepour s’opposer à toute utilisation nonautorisée. Aussi une approche globale de laprotection doit-elle considérer la protectionpositive et la protection défensive comme lesdeux facettes d’un même problème. Ainsi, lapublication d’un savoir traditionnel en tantque mesure défensive peut-elle empêcherautrui de le breveter, mais elle peut aussirendre le savoir en question plus facilementaccessible et le faire entrer dans le domainepublic, ce qui peut, paradoxalement, permettreà des tiers de l’utiliser plus facilement contre lavolonté de ses détenteurs.

Les mesures de protection défensive ontprincipalement visé le système des brevets. Laprotection défensive entend veiller à ce queles savoirs traditionnels existants ne soientpas brevetés par des tiers, de préférence enfaisant en sorte que les savoirs en question

soient pleinement pris en considération aumoment d’examiner la nouveauté et lacréativité revendiquées par un brevet.

En principe, une invention revendiquée dansune demande de brevet est évaluée au regardde l’“état de la technique”, c’est-à-direl’ensemble de savoirs considérés commeprésentant un intérêt s’agissant de déterminerla validité d’un brevet. Ainsi si un savoirtraditionnel a fait l’objet d’une publicationdans une revue avant la date d’une demandede brevet, il est compris dans l’état de latechnique et la demande ne peut pasvalablement affirmer que ce savoir traditionnelest une invention – cette invention ne seraitpas considérée comme ayant un caractère denouveauté. Depuis quelques années, on estimequ’il faudrait se demander plus souvent si lessavoirs traditionnels ne sont pas compris dansl’état de la technique, de façon à moins courirle risque de voir des brevets se rapporter à dessavoirs traditionnels existants ayant fait l’objetd’une divulgation publique.

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La protection défensive des savoirstraditionnels présente deux aspects :

––––– un aspect juridique : comment faire ensorte que les critères définissant l’état dela technique s’appliquent aux savoirstraditionnels; cela pourrait amener às’assurer de la prise en considération desinformations divulguées oralement (carbeaucoup d’ensembles de savoirstraditionnels sont en principe transmis etdiffusés par la voie orale)

––––– un aspect pratique : comment faire ensorte que les responsables de larecherche et les examinateurs de brevetspuissent avoir effectivement et facilementaccès aux savoirs traditionnels –s’assurer, par exemple, qu’ils sont indexésou classés, de façon à pouvoir êtreretrouvés facilement dans le cadre d’unerecherche sur l’état de la technique.

Les savoirs traditionnels et la planification environnementale

La Commission d’aménagement du territoire du Nunavut (NPC) a cartographié les espècessauvages, l’utilisation humaine et les sites d’importance archéologique tout en examinant lesquestions liées à l’occupation des sols. Ce travail de cartographie applique la technologie decartographie numérique la plus récente aux savoirs traditionnels des Inuits. La base de donnéesqui en résulte englobe la Base de données environnementales du Nunavut (NED), qui est un sous-ensemble de la Base de données ASTIS (Systèmed’information sur les sciences et les techniques de l’Arctique)de l’Institut arctique de l’Amérique du Nord. On a établi laNED pour la NPC en sélectionnant les enregistrements del’ASTIS concernant le Nunavut. La NPC a affiché la NED surl’Internet pour faciliter la recherche documentaire. Il a éténécessaire de disposer d’informations pratiques sur les incidences en matière de propriétéintellectuelle et sur les modalités techniques d’une telle divulgation publique car la NPC envisagede formuler une stratégie de documentation globale applicable à tous les savoirs traditionnels duNunavut, avec possibilité de saisie dans les bases de données.

Le contexte général dans lequel s’inscrit cettequestion est le suivant : à mesure que lesystème de propriété intellectuelle étend, à lafaveur de la société mondiale del’information, son champ d’intervention à denouvelles parties prenantes, telles que lescommunautés autochtones et locales, la basede connaissances de ces dernières, etnotamment leurs savoirs traditionnels, envient de plus en plus à représenter unensemble d’objets compris dans l’état de latechnique, objets dont le recensement prendde plus en plus d’importance pour lefonctionnement du système de propriétéintellectuelle.

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Une autre démarche relevant de la protectiondéfensive dont on parle beaucoup consiste àavancer l’idée selon laquelle les demandeursde brevets devraient d’une manière ou d’uneautre avoir à divulguer les savoirstraditionnels (et les ressources génétiques)utilisées dans l’invention revendiquée ou s’yrapportant à un autre titre. Le droit desbrevets fait déjà obligation au déposant dedivulguer une partie de l’informationcorrespondante, mais on a fait plusieurspropositions tendant à étendre et à ciblercette obligation, et à créer des obligationsspécifiques de divulgation concernant lessavoirs traditionnels et les ressourcesgénétiques. Cet aspect de la protectiondéfensive est analysé dans “WIPO TechnicalStudy on Patent Disclosure RequirementsRelated to Genetic Resources and TraditionalKnowledge” (publication de l’OMPI n° 786E).

Les savoirs traditionnels et la protection défensive : le brevet concernant le curcuma

Le brevet des États-Unis 5 401 504 a été initialement délivré au vu d’une revendication principaleconcernant “une méthode propre à faciliter la cicatrisation d’une blessure, consistantessentiellement en l’administration au patient d’un agent cicatrisant constitué d’une quantitéefficace de poudre de curcuma”. Les déposants ont admis l’utilisation connue du curcuma enmédecine traditionnelle pour le traitement de différentes entorses et inflammations. Aprèsexamen de la demande de brevet, l’autorité qui en avait été chargée a considéré l’inventionrevendiquée comme une nouveauté à l’époque de la demande au vu des informations auxquelleselle avait eu accès. Une documentation complémentaire ayant été ultérieurement mise àdisposition (notamment d’anciens textes en sanscrit) et ayant établi que l’invention revendiquéeétait en réalité un savoir traditionnel déjà connu, le brevet a été contesté et déclaré invalide.

Modification des systèmes debrevets administrés par l’OMPIexistants

Les pays et les organisations internationalesont mis au point et en place divers dispositifspratiques de protection défensive des savoirstraditionnels. Dans ce domaine, l’OMPI amodifié les systèmes gérés par elle et élaborédes instruments pratiques de renforcementdes capacités.

C’est ainsi que, par exemple, le principal outilde localisation d’informations techniques auxfins des brevets, la Classificationinternationale des brevets (CIB), fait à présentune place plus importante aux savoirstraditionnels, s’agissant en particulier desproduits médicaux tirés d’extraits devégétaux. De la sorte, les examinateurs dedemandes de brevets ont plus de chances delocaliser des savoirs traditionnels déjà publiésse rapportant aux inventions revendiquéesdans lesdites demandes, sans que cela aitd’effets préjudiciables sur le statut juridiquedes savoirs traditionnels du point de vue de

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leurs détenteurs. On étudie d’autrespossibilités de développement des activitésde l’IGC dans cette direction.

Le Traité de coopération en matière debrevets est un traité administré par l’OMPIaux fins de la coopération internationale dansle domaine des brevets. Il prévoit notammentune recherche et un examen internationaux,qui contribuent à préciser la validitééventuelle d’une demande de brevet avant lelancement d’une procédure nationalespécifique. Cela a son importance pour lesdemandeurs comme pour les stratégies deprotection défensive. La documentationminimale qui doit être prise en considérationà l’occasion d’une recherche internationale arécemment été étoffée et englobe à présent11 sources d’informations sur les savoirstraditionnels, ce qui augmente les chances delocaliser les savoirs traditionnels pertinents àun stade précoce de la vie d’un brevet.

Instruments pratiques derenforcement des capacités

L’OMPI a également entrepris de mettre aupoint un ensemble d’instruments et deproduits pratiques aux fins de la protectiondes savoirs traditionnels et des ressources

génétiques. Cesproduits compren-nent un instrumentde gestion de lapropriété intellec-tuelle, un portail enligne des répertoireset des bases dedonnées relatifs auxsavoirs traditionnels

Le projet de Bibliothèque numérique surles savoirs traditionnels (BNST), lancépar plusieurs organismes du gouvernementindien, se propose de faire connaître lessavoirs médicaux traditionnels divulguéstombés dans le domaine public en passant aucrible et en compilant des informations surles savoirs traditionnels à partir de ladocumentation divulguée existante surl’Ayurveda. La BNST rassemble l’informationsous forme numérique dans cinq langues(anglais, allemand, français, japonais etespagnol). Une équipe interdisciplinairecomposée de spécialistes de l’Ayurveda, d’unexaminateur de brevet, de spécialistes destechnologies de l’information, descientifiques et de techniciens a travaillépendant 18 mois à la mise en place de laBNST de l’Ayurveda. Cette bibliothèques’emploie à valoriser et à légitimer les savoirstraditionnels existants, et à protéger cetteinformation pour qu’elle ne soit pas brevetée.

La Classification des ressources ensavoirs traditionnels (CRST) est unsystème structuré de classement novateurpermettant la disposition systématique, ladiffusion et l’extraction des données. CetteClassification comprend quelque 5000 sous-groupes, contre un seul groupe dans laClassification internationale des brevets, àsavoir AK61K35/78, pour les plantesmédicinales. La BNST est un projet réalisé encommun par l’Indian National Institute ofScience Communication and InformationResources et le Département des systèmesindiens de médecine et d’homéopathie duMinistère de la santé et de la protection dela famille.

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et aux ressources génétiques, y compris uneversion d’essai d’une base de donnéesrelative à la médecine traditionnelleayurvédique de l’Asie du Sud, et une normeconvenue au plan international pour lesbases de données et les répertoires relatifsaux savoirs traditionnels et aux ressourcesbiologiques connexes.

Un “Instrument de gestion des incidences dela fixation des savoirs traditionnels et desressources génétiques sur le plan de lapropriété intellectuelle” est un projet préparéen collaboration pour aider les détenteurs desavoirs traditionnels et dépositaires desressources génétiques à gérer les incidencesde leur activité de fixation sur le plan de lapropriété intellectuelle. Cet instrument a pourobjet de décrire les instruments juridiquesdisponibles, de présenter les moyens d’entirer parti et, ce faisant, de permettre auxdétenteurs de savoirs traditionnels eux-mêmes de faire des choix en connaissance decause. Il s’agit de donner aux partiesintéressées la possibilité de déterminer si, etdans quelles circonstances, les droits depropriété intellectuelle sont le mécanismejuridique et pratique qui convient pouratteindre leurs objectifs en matière de savoirstraditionnels et de ressources génétiques.

Les détenteurs de savoirs traditionnelsparticipent à la réalisation de toute une série derecueils, bases de données, répertoires et autresformes de fixation et d’enregistrement de leurssavoirs traditionnels. Il convient de veiller avecle plus grand soin à éviter toute divulgationinvolontaire des savoirs traditionnels, parexemple en les mettant à la disposition dugrand public en violation des lois et pratiquescoutumières. L’instrument montre commenttoute entreprise de fixation ou de création debases de données doit préalablement fairel’objet d’un examen complet des éventuellesincidences sur le plan de la propriétéintellectuelle, ce qui doit notamment permettred’éviter de faire tomber involontairement lessavoirs traditionnels dans le domaine public oude les publier de façon inconsidérée. L’OMPI nefournit pas de conseils aux détenteurs desavoirs traditionnels sur la création de bases dedonnées sur les savoirs traditionnels et n’encrée pas elle-même.

L’activité relevant des démarches défensivesest menée dans le contexte d’une approcheglobale de la protection des savoirstraditionnels, qui tient compte de la nécessité,très largement exprimée, de fournir unprotection positive plus efficace et de faire ensorte que tout détenteur ou dépositaire desavoirs traditionnels soit pleinement informédes conséquences de toute divulgation de sessavoirs traditionnels, en particulier lorsquecette divulgation entraîne la publication dessavoirs traditionnels ou leur plus grandeaccessibilité pour le public.

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ConclusionConclusionConclusionConclusionConclusionConclusion

Le besoin de protection des savoirstraditionnels contre l’utilisation abusive oul’appropriation illicite soulève d’importantesquestions de politique générale et de gravesproblèmes d’ordre pratique. L’évolution ducadre social et le sentiment de vivre unbouleversement historique qui affectentactuellement un grand nombre de communau-tés peuvent en fait renforcer la déterminationde préserver les savoirs traditionnels dansl’intérêt des générations futures. Alors quel’intérêt technologique des savoirs tradition-nels est de mieux en mieux perçu et leurpotentiel de mieux en mieux exploité, il s’agitde valoriser comme il convient la contributionintellectuelle et culturelle des communautéstraditionnelles. En d’autres termes, il s’imposede prendre mieux en considération les besoinset attentes des communautés détentrices desavoirs traditionnels en ce qui concerne lesystème de la propriété intellectuelle. De parleurs qualités traditionnelles et le fait qu’ilssont souvent en symbiose étroite avec leurcadre naturel, les savoirs traditionnels peuventêtre un instrument durable et approprié dedéveloppement axé sur les réalités locales. Ilspeuvent également donner aux pays endéveloppement, et en particulier aux moinsavancés d’entre eux, la possibilité de tirerparti de l’économie du savoir.

La présente brochure a présenté succincte-ment quelques-unes des directions suivies parce processus. Celui-ci comporte une série detâches difficiles dont la réalisation exige unegrande vigilance et un gros effort de concerta-tion. Il impose le respect des valeurs et des

préoccupations des communautés tradition-nelles, ainsi que la prise en compte del’ensemble du contexte politique et juridiqueinternational, y compris toute une série dedébats internationaux en cours. Même lesformes nouvelles et élargies de protection autitre de la propriété intellectuelle ne sauraientrépondre à tous les besoins et à toutes lesattentes qui ont été exprimés, mais diversmécanismes de propriété intellectuelle se sontavérés utilisables dans la pratique. L’actionactuellement engagée par l’OMPI vise àdégager les enseignements pratiques etgénéraux de l’expérience vécue par un grandnombre de pays en vue de forger une optiquecommune et des instruments pratiquesefficaces.

L’OMPI définit les principes de base sur lesquelsdoit s’appuyer la protection des savoirstraditionnels. Ce faisant, elle offre une baseéventuelle au développement juridiqueinternational sous la forme d’options précisesde caractère politique et législatif devantdéboucher sur une protection renforcée dessavoirs traditionnels par le biais de l’adaptationou de l’élargissement des systèmes de propriétéintellectuelle classiques ou dans le cadre desystèmes sui generis autonomes. Ce processuspeut lui-même faciliter l’instauration d’unconsensus international sur les aspects plusdétaillés de la protection à mesure que l’ontirera la leçon collective de l’expérience pratiquede la concrétisation de ces principes. Celadevrait renforcer les liens existant entre lesbesoins et intérêts des communautéstraditionnelles et les principes de politiquegénérale fondamentaux du système depropriété intellectuelle.

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Pour en savoir plus

La présente brochure s’appuie sur un grand nombre de documents, d’études et d’autres textesétablis et consultés dans le cadre des travaux de l’OMPI, et que l’on peut se procurer auprèsdu Secrétariat à l’adresse suivante : http://www.wipo.int/tk/en/tk/index.html. On pourraégalement se reporter aux documents ci-après :

Secrétariat de l’OMPI, “Savoirs traditionnels : besoins et attentes en matière de propriétéintellectuelle : rapport de l’OMPI sur les missions d’enquête consacrées à la propriétéintellectuelle et aux savoirs traditionnels (1998-1999)”, publication de l’OMPI n° 768F

Secrétariat de l’OMPI, “La protection des savoirs traditionnels : Résumé du projet d’objectifs depolitique générale et de principes fondamentaux” (WIPO/GRTKF/IC/7/5)

“La Stratégie de l’OMS en matière de médecine traditionnelle 2002-2005” (WHO/EDM/TRM/2002.1)

“Le rôle des répertoires et des bases de données dans la protection des savoirs traditionnels –Analyse comparative”, Université des Nations Unies, Institut d’études avancées

“Composite report on the status and trends regarding the knowledge, innovations andpractices of indigenous and local communities relevant to the conservation andsustainable use of biodiversity”, CBD (en préparation)

“Protecting and Promoting TK: Systems, National Experiences and International Dimensions”,CNUCED, 2004

“WIPO-UNEP Study on the Role of Intellectual Property Rights in the Sharing of BenefitsArising from the Use of Biological Resources and Associated Traditional Knowledge”,publication de l’OMPI n° 769E

“WIPO Technical Study on Patent Disclosure Requirements Related to Genetic Resources andTraditional Knowledge”, publication de l’OMPI n° 786E

“Analyse globale de la protection juridique des savoirs traditionnels” (à paraître)

PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLEET SAVOIRS TRADITIONNELS

Brochure nº 2La présente brochure fai t partie d’une sérieportant sur les questions de propriété intellectuellerelatives aux ressources génétiques, aux savoirstraditionnels et aux expressions culturellestraditionnelles ou expressions du folklore

Pour plus d’informations, veuillez contacter l’OMPI à l’adresse www.wipo.int

Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle 34, chemin des ColombettesCase postale 18CH-1211 Genève 20Suisse

Téléphone:+41 22 338 91 11

Télécopieur:+41 22 740 18 12

Publication de l’OMPI Nº 920(F) ISBN 978-92-805-1429-2