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Psychanalyse et pédiatrie

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Françoise Dolto

Psychanalyse et pédiatrie

Les grandes notions de la psychanalyse.Seize observations d’enfants

Éditions du Seuil

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ISBN 978-2- - -(ISBN 2-02-004348-9, 1reÞpublication)

© Éditions du Seuil, 1971

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisationcollective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédéque ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue unecontrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

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Préfacede la présente édition

Malgré bien des lacunes, je pense que, tel quel, ce livrepermet aux médecins, aux parents et aux éducateursune compréhension des rapports de la psychanalyseavec le développement intellectuel et caractérielÞ; etqu’il permet de comprendre ce qu’il en est de la santégénérale des êtres humains, face à l’évolution de lasexualité. Depuis trente ans, les études psychanaly-tiques ont permis d’approfondir beaucoup de questionsici soulevées. L’interférence entre les troubles orga-niques, fonctionnels ou lésionnels, et le développementde la sexualité s’est imposée aux médecins, dont cer-tains se spécialisent en médecine dite psychosoma-tique. La société dans son ensemble, depuis 1939, est enpleine transformation. La pédagogie, face à un nombrecroissant d’enfants présentant des difficultés carac-térielles et scolaires et des inadaptations de tousordres, a affiné ses méthodes d’enseignement et de«ÞrattrapageÞ». Des consultations médico-pédagogiquesrépondent un peu partout aux inquiétudes des parentsconcernant les difficultés de leurs enfantsÞ: difficultéspour l’élocution, pour l’écriture, la lecture, la motri-cité, la scolarité, l’adaptation à la loi. Pendant ce temps,les conditions de la vie citadine font que se trouventcomprimés le temps et l’espace pour vivre. La conscience

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de la responsabilité de soi s’éveille, d’un autre côté,chez des jeunes pour qui les parents ne savent ou nepeuvent plus être écoutés avec confiance. La famille,autrefois soutien et refuge, n’est plus qu’un lieu tran-sitoire de croissance, où pénètrent par les yeux et lesoreilles tous les échos du monde. Plus que jamais,chaque être humain, dont le corps est mis à l’abri dessuites de tous incidents de santé, s’aperçoit que sesimpuissances affectives et psychiques le mettent dansle danger de perdre son équilibre mental. Il lui fautassumer dans la réalité une sexualité qu’il sent bienêtre en son imagination la cause de ses angoisses,assumer une fécondité qu’il sent être le seul garant desa mort. L’intelligence des hommes du XXeÞsiècle s’estouverte non seulement à l’énergie de la matière, et à larecherche de sa maîtrise, mais aussi à celle de la puis-sance inconsciente de la libido. Le sentiment de la res-ponsabilité n’en est que plus grand.

Je dédie ce livre aux pédiatres.

Paris 1971

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Introduction

On ne sait pas assez que Freud, loin d’être un philo-sophe aux vues originales et révolutionnaires, était,avant de devenir psychiatre, un homme de laboratoire.Il s’était formé à la discipline rigoureuse des expé-riences scientifiques et de l’exploration au microscope.Avec l’objectivité que cette première formation avaitcontribué à développer, Freud s’est appliqué à l’étudedes phénomènes psychologiques. Ses théories n’étaientà ses yeux qu’hypothèses de travail, aussi longtempsque la suite de ses études cliniques n’en avait apportéconfirmation. C’est la raison pour laquelle on a assistéà l’évolution de ses conceptions théoriques. Devant lesproblèmes dont il ne trouvait pas l’explication avec lejeu des premiers postulats, il se remettait à l’étude, sefondant toujours sur la thérapeutique pour confirmer ouinfirmer la justesse de ses vues.

Freud allait ainsi élaborer progressivement et faireconnaître au public, séduit ou réfractaire, une doctrineessentiellement originale.

Il était médecin avant tout. Il voulait soigner, il visait àguérir. De même qu’en chimie ses premières recherchesavaient un but pratique – et la découverte ultérieure de lacocaïne devait les couronner –, de même ses recherchespatientes dans le domaine psychologique étaient

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conduites par un souci de médecin désireux de guérirles maladies mentales, et que la thérapeutique habi-tuelle laissait désarmé.

Nous avons souvent entendu des confrères de bonnefoi nier aux théories psychanalytiques tout fondementréel, traiter la sexualité infantile de pure invention, sesmanifestations sinon inconvenantes, du moins ininté-ressantes à approfondir. Il n’est pas jusqu’au complexed’Œdipe que certains n’accusent d’être une vue del’esprit ou un conflit monstrueux réservé à certains indi-vidus anormaux.

Pour ceux qui vivent au contact permanent des enfants,s’ils ont la sincérité d’enregistrer ce qu’ils voient, ilsapportent maintes observations à l’appui des décou-vertes de la psychanalyse.

Or s’il n’était question que de la joie toute spécu-lative de voir se confirmer des hypothèses, on pourraitadmettre que la question laisse indifférents ceux queleur rôle social éloigne pratiquement de leur table detravail, à savoir, les éducateurs et les médecins.

Mais on oublie quelquefois dans ces polémiques que,si la psychanalyse ouvre des voies d’étude nouvelles àl’historien, au sociologue, au psychologue, son intérêtle plus grand, auquel nul médecin ne peut rester indif-férent, c’est que la méthode psychanalytique, partie dela clinique, a une fin thérapeutique.

Armés de nos systèmes scientifiques d’observationet d’un arsenal thérapeutique extraordinairement déve-loppé et nuancé, allant aujourd’hui jusqu’à la psycho-chimie, nous voyons de nombreux cas rebelles à nossoins. En présence d’insomnies, de dépressions phy-siques, d’asthénies, de spasmes, d’angoisses, à traduc-tions digestives ou cardiaques, le médecin embarrassémet en jeu ses ressources médicamenteuses, mais le plussouvent sans succès autre que passager.

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On admet les réactions physiologiques de la peur, dutrac, de la souffrance morale, de l’inquiétude et tousles troubles fonctionnels à point de départ psycholo-gique en rapport avec une cause objective connue etdisparaissant avec elleÞ; mais pour des troubles du mêmeordre et dont la cause n’est pas objective, les malades– car ce sont des gens qui souffrent, qui demandent dessoins – s’entendent direÞ: «ÞCe n’est rien – c’est ner-veuxÞ».

Que des conflits affectifs puissent entraîner desdésordres graves dans la santé générale, nous n’endonnerons pour preuve qu’un exemple.

C’est le cas d’une fillette de 3Þans et demi, Josette,amenée à la consultation de M.Þle docteur Darré, auxEnfants-Malades, pour un état général inquiétantÞ: amai-grissement, pâleur, anorexie, indifférence aux jeux,nervosité, insomnie ou cauchemars au réveil desquelsl’enfant était en proie à des crises de nerfs.

La mère faisait remonter les troubles à une quin-zaine de joursÞ; à leurs débuts, elle n’y avait pas prisgarde, mais devant leur aggravation et l’abattementde l’enfant en dehors de ses crises nerveuses, elle s’étaitdécidée à consulter le médecin.

L’examen somatique était négatif, le médecin avaitordonné du gardénal et un stimulant de l’appétit.

Huit jours après, on ramène JosetteÞ; le poids aencore diminué d’une livre en huit jours. Elle est tou-jours abattue, sans fièvreÞ; l’enfant, propre depuis plusd’un an, recommence à mouiller son lit.

Grâce à ce symptôme de l’énurésie, auquel on savaitque je m’intéressais du point de vue psychologique,mon camarade m’appelle et me ditÞ: «ÞElle relève

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peut-être de vos soins.Þ» Je recommence l’interroga-toire de la mère en précisant les dates d’une façonserrée.

Nous apprenons que les cauchemars ont commencéil y a trois semaines. Le caractère de l’enfant s’estmodifié en même tempsÞ; de gaie et vivante, elle estdevenue taciturne et indifférente. Les réveils nocturnesentraînaient la gronderie des parents, de véritablescrises de nerfs s’ensuivaient et, devant l’état quis’aggravait, on avait conduit Josette à l’hôpital.

Apparemment il n’y a rien eu dans l’entourage del’enfant pour l’impressionner. Je demande où coucheJosette. Dans la chambre de ses parents.

–ÞMais, ajoute la mère, nous trouvons, mon mari etmoi, qu’elle est trop grande maintenant, et nous avonsdécidé, il y a quelque temps, d’acheter un divan pourla faire coucher à la salle à manger.

Je demande des précisions de dates.–ÞIl y a trois semaines environ que la décision a été

prise, et nous avons même acheté le divan, mais natu-rellement nous n’avons encore rien changé, j’attendsqu’elle soit rétablie.

Je souligne la coïncidence des trois semaines.–ÞPensez-vous, me répond la mère, elle est bien trop

petite pour comprendre. Elle ne le savait même pas. Sonpère et moi ne lui en avons pas dit un mot à elle-même,et pour vous convaincre, figurez-vous, Docteur, qu’ellen’a même pas fait attention au nouveau divan qui estdans la salle à manger. C’est un vrai bébé.

Je voyais l’enfant qui sur les genoux de sa mère laregardait depuis le début de l’entretien d’un air un peuhébétéÞ; elle se mit à me fixer attentivement dès quej’eus parlé de la coïncidence des troubles avec l’achatdu divan.

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Par ces symptômes, dont le mobile lui était incons-cient, l’enfant exprimait un refus de quitter la chambrede ses parents, d’abandonner sa mère à son père.

Nous ne sommes pas entrés dans la détermination dechacun des symptômesÞ: cauchemars, terreurs nocturnes,anorexie, énurésie, perte des intérêts de son âge. Toustraduisaient une angoisse entraînant des symptômesnévrotiques régressifs.

Comprenant le conflit qui se jouait chez l’enfant, nousavons expliqué à la mère, et devant Josette, que sonenfant souffrait moralement, qu’il fallait l’aider à sup-porter l’idée de se séparer de ses parents, à être trai-tée en grande fille, ce dont elle avait peur.

J’ai expliqué à Josette qu’elle voulait rester commeun bébé pour ne pas quitter maman. Peut-être croyait-elle qu’on l’aimait moins, que papa voulait se débar-rasser d’elleÞ? La petite, très attentive, écoutait etpleurait silencieusement. Les parents ont supprimé lesmédicaments et ont suivi nos conseils.

Le soir même, papa et maman ont parlé à Josette duchangement prochain. Papa a été plus câlin avec elleque d’habitude, il lui fit envisager un avenir nouveau,il lui décrivit la grande fille qu’elle allait devenir etdont il serait fierÞ; l’école où elle irait bientôt avecd’autres enfants.

Quatre jours après la mère revient, et me dit quel’enfant est plus calme. Sans gardénal elle a dormi,d’un sommeil léger, mais sans cauchemars, l’énurésiea persisté les deux premières nuits et on n’a pas grondél’enfant. Depuis deux jours, l’incontinence nocturne acessé, l’appétit est revenu et l’enfant est gaie dans lajournée. Elle pose de nombreuses questions. (L’angoissea disparu et l’enfant a reconquis son niveau affectifnormal.)

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Je propose qu’elle couche maintenant dans l’autrepièce et je l’explique à Josette qui acquiesce. Je conseilleau père d’aller embrasser la petite au lit. Et j’ajouteque, sous aucun prétexte, les parents ne devront lareprendre dans leur chambre.

Huit jours plus tard, la mère revient avec une Josetterieuse et fière. Tout va bien. L’appétit, le sommeil et lagaieté sont revenus. L’enfant prend des airs de filletteet c’est elle-même qui a demandé à sa mère de venirdire à la doctoresse qu’elle était guérie 1.

Ceci n’est qu’un de ces cas, plus moraux que psy-chiques, devant lesquels la thérapeutique habituellereste inefficace, et ce sont des cas que ne voit jamais lepsychiatre, mais le médecin de médecine générale. Lessymptômes organiques seuls alarment les parents. Maisl’interrogatoire poussé, guidé par la connaissance desmécanismes névrotiques, mène à leur origineÞ: le trau-matisme psychologique.

Or de même que pour conduire l’anamnèse d’un cassomatique il faut prévoir ce qu’on cherche, tout enayant l’oreille à ce que nous apprend le malade, de même,pour l’étude des troubles du comportement, il fautconnaître le fonctionnement général du psychisme.

Et tous les médecins devraient avoir des notions pré-cises sur les écueils que rencontre l’individu au coursde son développement psychologiqueÞ; cela vaut prin-cipalement pour les médecins d’enfants à qui incombe,en collaboration avec les éducateurs, la prophylaxiedes névrosesÞ; mais aussi pour tous les autres médecins

1. Voir p.Þ176-177.

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qui devant certaines manifestations organiquement inex-plicables se trouvent désarmés mais ne l’avouent pasau malade, le laissent lui-même se décourager, allerd’un médecin à l’autre, qui l’éconduisent plus ou moinsnettement. Pourtant ce sont des gens qui souffrent etqu’un traitement psychanalytique pourrait améliorer,sinon guérir.

Privé de la connaissance de la physiologie mentale,le médecin fait penser à un chirurgien qui, devant unabcès chaud, tenterait de cacher la tuméfaction etl’enduirait de topiques analgésiques au lieu de viderl’abcèsÞ; tels sont les «Þcalmants nerveuxÞ», les «Þchan-gements d’airÞ».

La nature, dira-t-on, peut faire elle-même le travail,d’où les «Þavec le tempsÞ», «Þprenez patienceÞ» qu’ondit aux malades fonctionnels. Oui, mais la suppurationsera longue et la cicatrice sera laide. L’abcès peut aussis’enkyster et, jugulé en apparence, le foyer infectieuxse réveillera à l’occasion d’un moment de moindrerésistance générale ou d’un traumatisme au pointsensibleÞ: angoisses, obsession, dépression, insomnies,troubles cardiaques ou digestifs, apparaissant brusque-ment chez un adulte à propos d’une émotion ou d’unévénement malheureux auxquels il aurait pu réagir s’iln’y avait eu le foyer névrotique infantile prêt à seréveiller.

Il nous a donc paru intéressant d’attirer l’attentionsur des cas de malades comme il en vient journelle-ment aux médecins – et non aux psychiatres – et dontle diagnostic ainsi que le traitement ont relevé de lapsychanalyse.

L’importance des traumatismes infantiles dans tous lesouvrages qui traitent de la psychanalyse étonne parfois.Pourtant, chacun sait que chez tous les individus les mala-dies les plus graves et les chocs les plus traumatisants

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sont ceux qui attaquent un organe en germe, un organede moindre résistance ou un organe comportant unelésion ancienne dont la guérison n’est pas encoreassurée. Ce qui est vrai dans le domaine physique l’estaussi dans le domaine psychique.

Les cas dont nous parlerons sont des plus simples,sans avoir été simplifiés artificiellement.

Quant aux cas pour lesquels le psychiatre est d’embléeconsulté, nous n’y ferons que des allusions, car nousles avons à dessein éliminés de ce travail.

La symptomatologie des adultes est plus riche, lesdifférentes réactions étant plus intriquées, mais en faitce sont toujours, à la base, les mêmes mécanismes.Aussi, à part quelques généralités cliniques, les limitesde ce travail 1 ne nous permettront pas d’exposer desobservations d’adultes. Chez tout adulte, même s’il estpsychiquement sain, on peut retrouver à l’occasion decertaines difficultés rencontrées au cours de l’exis-tence, les traces du complexe de castration, tout aumoins dans ce témoin de l’activité inconsciente qu’estle rêve.

C’est d’ailleurs par les psychanalyses, ne l’oublionspas, qu’on a pu établir l’universalité des conflits ren-contrés au cours du développement humain, et surtoutdu conflit œdipien, qui marque définitivement un sujetsuivant la manière dont il y a réagi.

1. Cf. Lagache, La Psychanalyse, PUFÞ; Berge, Éducationsexuelle et affective, ScarabéeÞ; Favez, La Psychothérapie, inC.P.M., Bourrelier.

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Les chapitresÞI, II, III sont des exposés théo-riquesÞ; le lecteur peut passer directement à laseconde partie (p.Þ167) assurément plus concrèteet clinique, quitte à revenir aux chapitresqui précèdent, si quelque chose lui sembleobscur dans la discussion des observations.

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Première partie

Partie théorique

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Observations 287

8ÞmarsÞ:

Denise n’a pas fait une seule fois de la semaine, ni aulit ni dans sa culotte en classe. Elle n’a eu besoin de selever qu’une seule fois dans la nuit et l’a fait seule, etelle ne s’est même pas réveillée entièrement.

La petite a fait plusieurs fois remarquer à sa mèreque «ÞMlleÞMarette 1 avait dit te j’n’étais plus un bébéÞ».Les parents sont enchantés. Denise n’a jamais encoreété aussi charmante. Il n’y a pas eu un incident decaractère cette semaine. Le docteur a dit que sa vue estbonne.

Seule, elle me dessine une pipe, une pomme, un oiseauet un aéroplane en écrivant, au-dessous de chaque dessin,ce qu’il représente. Ses yeux ne sont plus rouges.

22ÞmarsÞ:

La mère me la ramène pour me remercier. Il n’estplus question, depuis trois semaines maintenant, de lamoindre incontinence d’urine, et Denise devient«ÞvivanteÞ» encore qu’elle soit un peu timide. Nousrestons seules toutes les deux. Elle me raconte Blanche-Neige, me parle de chansons. Elle aimerait être maî-tresse d’école, parce qu’on écrit au tableau, qu’on peutavoir des bébés (il y a une pouponnière à son école) etqu’on a des élèves «Þti font ce t’on ditÞ» 2.

29ÞmarsÞ:

Il y a eu un accident dans le lit cette semaineÞ! Deniseest désolée, elle prend devant moi un air penaud.

1. Le nom de jeune fille de Françoise Dolto. C’est en 1942que le docteur Françoise Marette épousa le docteur BorisDoltoÞ; ce travail date de 1939.

2. Même désir que Zazie, de Zazie dans le métro deR.ÞQueneau.

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288 Partie clinique

Caractère toujours parfait. Bonne attitude à la maisonet en classe.

Sa sœur de 8Þans, en revanche, devient jalouse etréagit en accusant mensongèrement de jeux sexuelset de gros mots, une petite fille de l’école. Elle avoueensuite son mensonge parce que l’autre se défend,mais elle ment aussi pour des riens à la maison. Lamère et le père estiment que Denise est guérie, malgrél’incident de la semaine. On ne la lève plus la nuit,même une seule fois, comme au début du traitement.

19ÞavrilÞ:

La mère revient. Cela avait été parfait jusqu’à lasemaine après Pâques, mais depuis huit jours, Denise afait trois fois au lit.

La seule chose nouvelle qu’on relève dans sa viependant les vacances, c’est qu’elle a joué avec un petitgarçon de son âge, Bernard. Les parents désireraientqu’on envoie Denise à la campagne, car elle est pâlotte.

Denise reste seule avec moi. Elle dessine un petitgarçon. Elle écrit au-dessusÞ: «ÞmimiÞ». Or Mimi est ungarçon avec lequel elle n’a pas joué mais qu’elle a vuet «Þte je trouvais beau parce t’il était tout frisé et moije frise pas des bouclesÞ». (Denise est très coquette deson nœud sur la tête.) Elle me raconte, en enchaînant,qu’elle a eu peur du paravent de l’hôpital qui a faillitomber sur sa tête tout à l’heure, comme elle a eupeurÞ!… puis en continuant son coup d’œil circulairesur la salle, elle regarde longtemps le lavabo, puis ditÞ:«ÞÀ l’école, c’est pas tomme ça, les garçons y z’ontdes robinets, mais pas tomme toi, plus petits et pas sihauts (elle veut dire des urinoirs à cuvette basse) et lesfilles, elles ont des tabinets pour aller assise, sans çaon fait (sic) dans ses souliersÞ; y a une porte avec un