Hyppolite - L'Existence Humaine Et La Psychanalyse

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  • 8/11/2019 Hyppolite - L'Existence Humaine Et La Psychanalyse

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    3

    L EXISTENCE HUMAINE

    ET

    LA

    P S Y C ~ A L Y S E

    lNrRODUCTION

    Notre poque a t profondment marque

    par

    des hommes

    comme Freud

    ou

    Einstein (dont il est difficile de dire en quel sens

    ils sont, en quel sens ils ne sont pas des philosophes... encore pour

    rait-on rapprocher Einstein de Newton, mais Freud, parce qu il

    touche la psychologie, a une situation plus ambigu) qui, dans des

    domaines diffrents,

    ont

    vraiment fray une voie, ouvert l humanit

    des perspectives absolument nouvelles.

    n

    en rsulte que notre mdi

    tation philosophique doit aujourd hui interprter leur message,

    tenter de mesurer ce qu ils nous

    ont

    apport, ce sans quoi nous ne

    saurions penser.

    Dans le cas de Freud, la difficult parait tenir l ambigut

    de sa rflexion. S agit-il

    d un

    savant, neurologue et psychiatre, qui

    a fait progresser la psychologie positive

    et

    conu une thrapeutique

    nouvelle, susceptible

    d une

    extension presque indfinie? S agit-il

    d un philosophe qui s est hauss

    une

    vision nouvelle et originale

    du

    monde

    et

    a permis ainsi

    l esprit humain d clairer le sens de

    son destin et de

    son

    existence ?

    En

    fait,

    Freud

    se situe aussi bien sur

    le plan

    d une

    science positive -

    laquelle il a toujours voulu rester

    fidle - que sur celui

    d une

    philosophie : ne dclarait-il pas lui-

    Confrence faite Cologne (Universit

    et

    Archives Husserl),le z fvrier I

    9

    9

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    398 FIGURES DE L PENS f E PIDLOSOPHIQUE

    mme, ds sa jeunesse, qu'il tenait essentiellement

    parvenir

    comprendre quelque chose au monde?

    Nous ne voudrions pas choisir chez Freud le savant positiviste,

    ou

    le philosophe, cartant

    l un

    pour retenir l'autre. Nous n'insiste

    rons pas d'emble sur la contradiction qu'il y a entre une science

    mcaniste et une philosophie de la signification. Nous voulons

    montrer: 1

    que Freud nous prsente un fonctionnement de l'esprit

    qui labore du sens, une nature d o jaillit de la signification;

    z. que cette signification apparait surtout dans

    un

    dialogue, celui

    du psychanalyste et du psychanalys (langage et parole).

    I. -

    PsYCHOLOGIE

    El MTAPHYSIQUE

    Freud, d'abord neurologue, a consacr

    l'aphasie

    un

    travail

    qui aurait suffi assurer sa rputation. D y critique la thorie des

    localisations crbrales trop prcises, et cherche concevoir des

    centres d'associations, en mme temps

    qu il

    se rfre un des pre

    miers Jackson. C'est

    la

    mme poque qu'il publie avec Breuer

    ses Bttltks 1llr {Jstril et tudie le phnomne de conscience par

    lequel une ide inconsciente se convertit en

    un

    symptme physique.

    Tout

    au long de sa carrire Freud

    va

    tenter, comme la mme

    poque le faisait Bergson dans Maliir1

    11 Mmoir1

    de se reprsenter

    le fonctionnement (et il faut insister sur cette ide)

    de

    l'esprit,

    comme

    on

    comprend le fonctionnement

    d une

    machine : une

    machine simple, une machine nergtique, une machine

    fteJ-baJ:.

    n

    peut considrer Matiire Mmoir1

    d un

    certain point de vue,

    comme une tentative de reprsentation du fonctionnement plus

    ou

    moins souple, plus

    ou

    moins tendu, de l'intelligence humaine

    aux prises avec

    la

    ralit. Du plan extrme du rve, o l'esprit

    s'tend en se dtendant, la pointe de l'action, ce cher point du

    monde , l'intelligence se concentre

    ou

    se dtend, se rassemble

    ou

    se disperse. Dans tous les cas, et quel que soit l'tage occup, l'asso

    ciation n'est jamais

    un

    phnomne purement mcanique, mais

    un

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    FREUD

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    phnomne intentionnel; nous associons de faon diffrente selon

    le degr mme de notre intrt au mone, de notre insertion dans

    la ralit, insertion assure pat le cotps. e point de dpart de

    Bergson est celui d un organisme vivant amen ragir aux exci

    tations du milieu, de faon de plus en plus confuse et imprvisible.

    On

    sait que Bergson symbolise toute cette activit de l esprit par

    l image d un cne dont

    la

    pointe repose sur le plan

    du

    rel et dont

    la

    base se perd d ns l extrme dispersion du rve. Bergson, enfin, a

    insist plus tard sur les analogies entre

    sa

    conception du fonction

    nement de l esprit, et celle que proposait Pierre Janet dans ses tudes

    psychiatriques sur la psychasthnie

    et

    le sens du rel.

    n est sans doute

    pas

    inutile de comparer Freud et Bergson,

    d autant plus que Bergson cite Freud dans son article sur le rve

    (paru juste aprs Die Trllllmdeutung et prsente une conception ana

    logue de la pathologie mentale d ns l tude du dj-vu (la fausse

    reconnaissance) : la pathologie n ajoute rien, elle libre ce que la

    vie restreint. Freud, lui aussi, a voulu dcrire le fonctionnement de

    l esprit et depuis ses tudes sur l aphasie jusqu aux articles de Mta-

    PVtho/ogie

    ( la

    fin

    de sa carrire), en passant par la dernire partie

    de l Inhrprltation des Rives (Die Tratlllldellltlng , l n a cess de per

    fectionner et de compliquer une reprsentation topique et dyna

    mique de l esprit humain. Cette reprsentation est bien plus complexe

    que celle du

    cne bergsonien, elle en diffre notablement, surtout

    parce que Bergson croit l imprvisibilit, la libert de l action

    humaine, et que Freud s enferme de principe d ns

    un

    rigoureux

    dteoninisme; mais aussi patce que Freud, aux prises avec la thra

    peutique psychanalytique, est amen sans cesse

    remanier son

    schma du fonctionnement spirituel. Freud,

    enfin,

    par son inter

    prtation des rves et de l inconscient, s loigne de l axe J

    bergsonien (axe orient du rve

    la

    ralit)

    et

    donne un sens au rve

    et l inconscient, sens propre et fonctionnement originel.

    Freud a donn le nom de Mtapsychologie aux hypothses diverses

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    FIGURES E LA PENSE PHILOSOPHIQUE

    par

    lesquelles

    i l

    a tent de rendre compte

    du

    fonctionnement de

    l'esprit humain et qui le conduisent distinguer des i n s t ~ ~ ~ ~ I J diverses

    (des systmes diffrents en prise les uns sur les autres), allant de

    l'inconscient au conscient,

    par

    l'intermdiaire du prconscient.

    La conception que Freud se fait du fonctionnement est la fois

    gnltifJ et slrllllrall a

    structure est un

    produit de la

    vie, une

    ralisation historique de la vie. a structure s'explique

    par

    agense (

    1 .

    a

    distinction radicale

    qui

    s'tablit entre l'inconscient

    et

    le

    prcons

    cient, entre le

    (o se dploient

    leur

    faon les pulsions primaires

    et

    leurs reprsentants)

    et

    le moi,

    dont

    la

    pointe seule lie

    la

    per

    ception du monde est consciente, est elle-mme

    un produit

    de l'adap

    tation.

    a

    conscience percevante est seulement

    la

    partie

    de

    nous

    mme qui a rapport avec le monde extrieur, s'engage dans l'preuve

    de

    la

    ralit. L'extratne

    bord

    de

    la

    perception est conue comme sans

    mmoire (z). a conscience refoule, grce l'introjection des parents,

    (1) Inllrpr. Ml

    Rirllt p. 463:

    Cetappareiln'apuatteindtesapetfectionactuelle

    qu'au bout d un long dveloppement. Essayons de le ramener l

    un

    stade antmew:.

    L'enfant

    qui

    a

    fim

    criera ~ p r m e n t

    ou

    bien s'agitera, mais

    la

    situation

    demeure la meme,

    car

    l'excitation provenant

    d un

    besoin intrieur rpond

    une

    action continue et

    non

    un heurt momentan avec l acitation externe. l ne peut

    y avoir changement que quand d'une faon

    ou

    d'une autre (dans le cas de l'enfant,

    par suite d'une intervention trangre), l on acquiert l'exprience de la sorte

    d'apaisement qui met fin

    l acitation

    interne. Un lment essentiel de cette

    exprience, c'est l'apparition d'une certaine perception (l'aliment dans l'exemple

    choisi), dont l'image restera

    associe

    dans la mmoire au souvenir de l'excitation

    du besoin.

    (z)

    On

    distinguera le systme

    ou

    les systmes de la mmoire des systmes

    de

    la

    perception.

    Il

    est dif icile

    qu un

    seul et mme systme garde fidlement des

    transformations de ses lments

    et

    of e

    en mme temps aux nouvelles possibilits

    de changement une riccptivit toujours fraiche .Nous supposons

    qu un

    systme

    aterne (superficiel) de l'appareil reoitles excitations perceptives, mais n'enretient

    rien,

    n a

    donc p s de mbnoire, et que derrire cc systme i l s'en trouve un autre

    qui transforme l'excitation momentane du premier en traces durables.

    Il

    y a

    donc deux systmes fondamentalement dift'rents, deux instances psychiques :

    le systme qui critique

    et

    qui soumet l sa critique l'activit de l'autre. L'instance

    qui critique est le principe directeur de notre vie ~ l i e le mme qui dcide

    de nos actes volontaires et conscients.

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    FREU

    401

    grice au surmoi, tout ce qui, guid par

    le

    seul principe du plaisir,

    ou

    de la dcharge

    tout

    prix de l excitation

    trop

    forte, risquerait

    de dtruire

    le

    moi.

    e

    a

    (qui est l inconscient authentique),

    le

    moi

    et le

    surmoi,

    qui

    peuvent tre conscients

    ou

    inconscients, constituent les diverses

    instances entre lesquelles s tablissent des changes nergtiques.

    n

    y a, des uns aux autres, des barrires diverses, des censures mobiles.

    Ce

    schma,

    qui

    peut, au premier abord, para.itre arbitraire, rsulte

    des expriences mmes de Freud, de l interprtation

    qu il

    donne

    aussi bien des psychonvroses

    que

    des phnomnes normaux de la

    vie quotidienne, les lapsus, les jeux de mots et surtout, les rves.

    Nous n insisterons ici que sur l interprtation des rves, telle

    que nous la trouvons dans la

    Traumtkuhlng

    de

    1900

    ou

    dans les

    articles postrieurs de mtapsychologie. e rve est,

    pour

    Freud, une

    rlgr1s rion

    en

    un

    triple sens. C est une rgression topique, chronolo

    gique

    et

    formelle. e moi est absorb tout entier

    par

    le dsir de dor

    mir. Dormir, avait

    dit

    Bergson, c est se dsintresser; on dort dans

    l exacte mesure

    o l on

    se dsintresse;

    et cette

    formule pourrait tre,

    en

    un

    sens, mais en

    un

    sens seulement, celle de Freud.

    e

    moi

    est donc

    livr au dsir de dormir, au dsir puissant de retour au sein maternel,

    ou

    au narcissisme primitif. Ce narcissisme n est pas l gosme de

    l intrt, mais est

    une

    nature premire. e moi retourne ainsi

    dans le

    germe et la sombre innocence , mais ce retour

    qui

    fait perdre aux

    instances du moi leur force de refoulement - la censure - libre

    au contraire l inconscient,

    le

    a

    qui

    est la proie

    du

    dsir

    du

    rve.

    Dsir du rve et dsir de dormir se confondent peut-tre dans ce

    retour au narcissisme primitif.

    L abandon de la direction volon

    taire de nos reprsentations est incontestables, mais la vie psychique

    n en

    reste pas moins oriente car, dans ce cas, des reprsentations

    de but involontaire remplacent des reprsentations voulues.

    e rve est une rgression topique, parce qu il est

    un

    retour au

    stade de la satisfaction hallucinatoire du dsir. Ici, la gense explique

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    4oz

    FIGURES

    E LA PENSE

    PillLOSOPHIQUE

    la structure. L enfant, qui est sous la domination de ses pulsions

    internes insatisfaites, apprend d abord les satisfaire par la repr

    sentation objectale de l objet de ses dsirs.

    n

    imagine

    par

    halluci

    nation le sein maternel qui lui manque,

    ou

    la personne dsire

    dont

    i l

    a besoin. Cette hallucination caractrise le rve qui est moins

    une monte du a vers le moi, qu une descente du moi vers le a.

    L preuve de la ralit - qui subsiste encore plus ou moins dans la

    rverie - a cess. a censure a perdu de sa vigueur, et les soucis de

    la veille,

    qui mettraient obstacle au sommeil, sont comme attirs

    dans l enfer du profond souvenir, dans la partie indestructible,

    atavique et enfantine de nous-mme. Nous percevons l inconscient

    comme nous percevons la ralit,

    et

    c est cette perception

    qui

    eflleure

    le moi conscient dans le rve. Le moi se livre alors une laboration

    secondaire, le travail de dplacement - qui dplace l accent psy

    chique - et de condensation - qui est

    un

    langage abrg -

    tant l laboration primaire. Notre moi prconscient

    et

    conscient

    s efforce, quand nous nous rveillons, d introduire la logique, la

    cohrence, le principe de ralit enfin. celui qui revt le souvenir

    quand

    i l

    n est plus que langage

    et

    syntaxe logique, dans le monde du

    rve, incohrent

    pour

    la logique, mais qui a pourtant sa logique

    propre, son sens et

    son langage lui (x).

    e rve est rgression chronologique, car l est un retour au

    pass et

    l originaire, archaque, atavique (z) et enfantin.

    En

    dfet,

    les soucis de la veille subsistant dans le moi sont toujours le commen-

    (1)

    No

    Confl . tur

    ltl .

    la P

    rydmnalyre

    p.

    29 :

    Seuls les matriaux bruts

    de la pense peuvent encore s exprimer, comme dans une langue primitive, sans

    grammaire.

    Quand

    un

    grand nombre d objets, de processus sont rcpdsents

    par

    des

    symboles devenus trangers la pense consciente, ce fait est attribuable autant

    une rgression archaque dans l appareil psychique qu aux exigences de la

    censure.

    (z) Rves typiques :

    ct

    le rve de Nausicaa; f3 le rve de mort ou les frres

    ennemis;

    y

    tes rves d examen.

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    FREU

    cement

    du

    rve, mais ils

    n en

    sont pas l'essentiel, leur nergie est

    g oante

    pour

    le sommeil, insuffisante pt>ur la manifestation, c'est

    pourquoi ils sont attirs vers les dsirs enfantins et ataviques qui

    ont

    gard dans l'inconscient leur puissance et leur force d'investisse

    ment.

    Le

    souci de la veille joue le rle de l'entrepreneur, les dsirs

    d'enfance, celui du capitaliste. C'est pourquoi le rve nous fait

    toujours remonter plus loin dans le pass que l'incident de la veille

    qui est seulement une incitation et qui masque

    un

    dsir plus ancien (

    .

    Le rve n'est donc pas la monte de l'inconscient au conscient

    par

    l'intermdiaire de la censure qui le transforme, il est plutt une

    faon de se drober, de s'vader jusqu' une perception de l'incons

    cient lui-mme, bien que le souvenir

    ou

    l'moi inconscient ait pour

    tant besoin de se transfrer sur un dtail ou un souci insignifiant

    de la veille. Par l, le rve nous parle le langage de l'inconscient,

    un langage qui

    ne

    ressemble pas au langage plus ou moins logique

    de la veille,

    un

    langage narcissique

    o

    o me parle. Le rve est le moyen

    de saisir linconscient qui efHeure le moi, de pntrer dans son tra

    vail, si loign du travail conscient, logique, rationnel, li aux signes

    du

    langage vocal; travail

    qui

    s'effectue sur des images

    et

    qui

    ne

    cannait n la ngation - une forme ultrieure de refoulement -

    n

    la contradiction;

    un

    travail

    qui

    s'effectue

    par

    des dplacements

    et des condensations, que nous apprenons reconnattre dans les

    phobies et les symptmes surdtermins des nvroses. Car le rve

    - ce phnomne normal - est aussi

    le

    modle de toutes les psycho

    nvroses. n y avait longtemps qu on avait peru cette similitude entre

    le rve

    et

    la folie; mais il

    y

    avait loin d'une analogie lointaine

    (1) N o t ~ ~ ~ ~ l l s Confirrnns . p. p.

    :

    La contradiction qui subsiste au-dedans

    meme des penses du rve entre la pulsion instinctuelle inconscirnte

    et

    les restes

    diurnes [ ], alors que ces derniers t6noignent de toute la diversit de nos

    actes

    spirituels, l'autre, moteur vritable de l'laboration

    du rvc,

    tend

    rgulire

    ment vers la ralisation du dsir.

    L'laboration du rve, partout o elle se produit, transforme les rapports

    temporels en rapports spatiaux.

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    404 FIGUR S

    E LA PENSE

    PHILOSOPHIQU

    une justification si pertinente de ce rapprochement,

    la

    tentative

    de Freud pour l exploiter compltement.

    e

    rve est enfin une rgression formelle, c est--dire qu il

    est rgression par excellence, puisqu il est un retour au narcissisme

    primitif,

    un

    stade antrieur l preuve de

    la

    ralit : celui de

    la

    satisfaction hallucinatoire des dsirs.

    Notre

    enfance, notre atavisme

    est toujours l, indestructible,

    et

    nous tue de tout son poids, bien que

    la

    veille et le moi soient une sorte de triomphe rationnel sur lui ou,

    si l on veut, soient le rationalisme mme.

    Nous avons insist sur cette thorie du rve-rgression, car

    elle est trop souvent mconnue au profit d une interprtation des

    rves seule mise en avant. L exploration de l inconscient,

    la

    rechetche

    du sens

    de

    ce qui, jusque-l, tait considr comme non-sens, carac

    trisent les tudes freudiennes, mais ce n est l qu une base de cette

    mtapsychologie qui,

    par

    l tude des nvroses,

    et par

    une psychana

    lyse de

    la

    vie quotidienne, tente de comprendre comment, partir

    de pulsions internes (pulsion de plaisir et pulsion

    de

    mort) s est

    constitue une srie d instances, de systmes qui mettent en commu

    nication l inconscient et

    la

    ralit.

    e

    refoulement est, en effet,

    l gard de l inconscient, ce que

    la

    fuite est l gard de

    la

    ralit, car

    si

    on

    peut fuir une source d excitation,

    on

    ne peut se fuir soi-mme.

    e fonctionnement de l esprit tel que le dcrit Freud, avec ses

    admirables exemples concrets (par exemple,

    sur

    le deuil et

    la

    mlan

    colie}, fait tout aussi bien penser au fonctionnement d une machine

    lectronique avec ses diverses rserves de mmoire, mmoire image

    objectale, mmoire des signes verbaux, qu une analyse de sens.

    D y a l, certes, comme une contradiction qu on ne pourrait lever

    sans trahir Freud lui-mme. La vision du monde de Freud est d abord

    certainement

    la

    vision d un philosophe de la nature, qui fait surgir

    l esprit de l abi.me naturel. Ici encore,

    la

    comparaison avec Bergson

    s impose, mais tandis que Bergson parle

    d une

    volution cratrice

    de la vie, il semble qu il y ait chez Freud une vision infiniment plus

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    FREU

    pessimiste, peut-tre inspire par l poque. L instinct de mort l em

    porte,

    l

    religion est une illusion, t dettixe l effort lucide de l homme

    pour

    rationaliser,

    pour

    comprendre, se retrouve toujours une nature

    laquelle, par des voies

    qui

    lui sont propres,

    l

    vie aspire revenir.

    Cependant, nous devons aussi bien Freud

    un

    effort

    pour

    remonter sans cesse u signifiant au signifi,

    un

    signifi qui se

    drobe toujours, de sorte que certains disciples franais de Freud

    peuvent aujourd hui situer toute

    l

    technique psychanalytique sur

    le plan u seul langage,

    un

    langage qui dborde le langage vocal et

    l

    parole et

    qui

    dsigne toujours, sans atteindre jamais ce qu il dsigne,

    un signifiant

    qui

    ne cannait u signifi que

    l

    pure rfrence. Mais

    pour

    parler encore de sens, il faut envisager

    l

    psychanalyse comme

    un dialogue, il faut tudier l intersubjectivit dans

    l

    psychanalyse.

    [La

    S

    lllllllfl .]

  • 8/11/2019 Hyppolite - L'Existence Humaine Et La Psychanalyse

    10/10

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    rrflir

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    COLLECTION

    FONDE

    PAR

    JE N HYPPOLITE

    FIGURES

    DE

    L PENSE

    PHILOSOPHIQUE

    CRITS

    DE

    JEAN HYPPOLITE

    1931-1968)

    TOM PR MI R

    PRESSES UNIVERSITAIRES

    DE

    FRANCE

    Jo8

    BOULEV.AllD SAINT-GERMAIN PARIS

    97