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DROIT ET JUSTICE Qu’est-ce que le droit ? Le Droit objectif est l’ensemble des règles régissant la vie en société et sanctionnées par la puissance publique. Par exemple, la limitation de vitesse s’applique à tous, elle relève du droit objectif. Il s’oppose au droit subjectif qui est la prérogative attribuée à un individu lui per- mettant de jouir d’une chose, d’une valeur ou d’exiger d’autrui une prestation (le créan- cier bénéficie d’un droit subjectif à l’égard du débiteur puisque deux personnes seule- ment sont concernées par l’obligation en cause 1 ). D’où vient le droit ? Le législateur est-il libre de l’établir comme bon lui semble ? Deux conceptions s’affrontent : Une conception idéaliste : Les partisans du droit naturel plaident pour l’existence d’un ensemble de règles idéales, supé- rieures au droit positif et qui s’imposent à tous, y compris au législateur. Cette conception est fondée sur le postulat du droit naturel. • Une conception positiviste : Elle ne reconnaît que le droit positif, c’est-à-dire l’ensemble des règles de droit objectif, en vigueur dans un État, à un moment donné. Quelles relations entretient le droit avec la morale ou la religion ? La morale et la religion s’intéressent aussi à la vie en société. Mais elles concer- nent essentiellement l’individu. Une différence de finalité : La règle morale tend à la perfection de l’être humain. La règle religieuse veille à son salut individuel. La finalité sociale du droit est donc une particularité plus évidente. Le but de la règle de droit étant d’assurer l’ordre de la société en général, elle peut être amenée à trancher sans considération pour une exi- gence morale ou religieuse. Cela dit, des points de rencontre peuvent exister entre le droit et la morale (honnêteté, Qu’est-ce que le droit ? 2 1 Voir Lexique des termes juridiques, Dalloz, 2011 ; G. CORNU, Vocabulaire juridique, PUF-Quadrige, 2007. CATHERINE AUDÉOUD CATHERINE AUDÉOUD Pages Servir 4-2010 01/12/10 11:39 Page2

Qu’est-ce que le droit - CAEF · 2013. 5. 10. · Ce qui importe donc, c’est qu’il y ait des règles qui évitent les luttes. Le juste ici est l’utile ; et l’utile est le

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DROIT ET JUSTICE

Qu’est-ce que le droit ?Le Droit objectif est l’ensemble des règles

régissant la vie en société et sanctionnéespar la puissance publique. Par exemple, lalimitation de vitesse s’applique à tous, ellerelève du droit objectif.

Il s’oppose au droit subjectif qui est laprérogative attribuée à un individu lui per-mettant de jouir d’une chose, d’une valeurou d’exiger d’autrui une prestation (le créan-cier bénéficie d’un droit subjectif à l’égarddu débiteur puisque deux personnes seule-ment sont concernées par l’obligation en cause1).

D’où vient le droit ?Le législateur est-il libre de l’établir

comme bon lui semble ? Deux conceptionss’affrontent :• Une conception idéaliste : Les partisans

du droit naturel plaident pour l’existenced’un ensemble de règles idéales, supé-rieures au droit positif et qui s’imposentà tous, y compris au législateur. Cetteconception est fondée sur le postulat dudroit naturel.

• Une conception positiviste : Elle nereconnaît que le droit positif, c’est-à-direl’ensemble des règles de droit objectif, envigueur dans un État, à un momentdonné.

Quelles relations entretientle droit avec la morale ou lareligion ?

La morale et la religion s’intéressentaussi à la vie en société. Mais elles concer-nent essentiellement l’individu.• Une différence de finalité : La règle morale

tend à la perfection de l’être humain. Larègle religieuse veille à son salut individuel.La finalité sociale du droit est donc uneparticularité plus évidente. Le but de larègle de droit étant d’assurer l’ordre de lasociété en général, elle peut être amenéeà trancher sans considération pour une exi-gence morale ou religieuse.Cela dit, des points de rencontre peuvent

exister entre le droit et la morale (honnêteté,

Qu’est-ce que le droit ?

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1 Voir Lexique des termes juridiques, Dalloz, 2011 ; G. CORNU,Vocabulaire juridique, PUF-Quadrige, 2007.

CATHERINE AUDÉOUD

CATHERINE AUDÉOUD

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courtoisie), comme entre le droit et la reli-gion (condamnation du faux témoi-gnage, du vol, du meurtre). Par ailleurs,il existe des droits religieux, comme ledroit hébraïque, l’ancien droit romain,le droit canonique, le droit musulman oule droit hindou.

Des dissemblances se manifestentaussi : l’inspiration religieuse est absentedes dispositions relatives au permis deconstruire ou à la mitoyenneté.

Des contradictions apparaissent éga-lement : la légitime défense heurte le pos-tulat de rendre le bien pour le mal, ledivorce s’oppose à la théorie du mariage–sacrement de la religion catholique.• Une différence de sanction : La règle

de droit étant imposée par l’État,elle peut être sanctionnée par l’État,seul habilité à contraindre. La viola-tion d’un commandement religieuxmet en cause les relations de l’hommeavec Dieu (sanction interne d’ordrepsychologique, remords…). La vio-lation de la règle de droit déclencheune sanction mise en œuvre par lespouvoirs publics (sanction externe :amende, emprisonnement).

Comment le droit s’est-ilconstitué à traversl’histoire ?2

L’histoire du droit permet de connaîtreles conditions dans lesquelles les règlesjuridiques sont nées, se sont développéeset ont disparu. Elle révèle ainsi la rela-tivité des phénomènes juridiques dansle temps. Le droit n’est pas immuable,il évolue. Mais l’histoire du droit révèleaussi l’héritage dont notre droit est por-teur. Ainsi, les droits modernes sont nésde la transformation des systèmes juri-diques qui les ont précédés.

À l’origine, les droits orientaux (droitscunéiformes, droit hébraïque) se carac-térisent par deux éléments :• Empirisme : les lois se présentent sous

une forme casuistique. Elles énumè-rent des solutions fixées pour chaquecas d’espèce, par exemple : « quandun homme volera…, il donnera encompensation… », la réflexion théo-rique n’existe pas.

• Imprégnation religieuse : le droit faitl’objet d’une révélation (exemples :Code d’Hammourabi, loi de Moïse).Les modes de preuve font appel à ladivinité. Ainsi, l’ordalie ou jugementde Dieu soumet le plaideur à uneépreuve matérielle destinée à mani-fester la vérité (ordalie fluviale enMésopotamie, ordalie des eauxamères dans la Bible)L’apport décisif du droit romain et l’une

des principales raisons de son succès his-torique fut d’avoir isolé le droit de lamorale ou de la religion. Ainsi séparé dela sphère religieuse, il a pu être analysé,critiqué, et ouvrir la voie à la théorie juri-dique.

Après la chute de Rome en 476, l’an-cien empire d’Occident laisse place à unemosaïque de royaumes barbares. Ces tri-bus sont régies par un droit rudimentaire,aux usages fort variables d’un peuple àl’autre. Au VIe siècle de notre ère, l’em-pereur d’Orient Justinien fait réaliser unecompilation du droit romain qui sauvel’héritage séculaire de Rome et servira demodèle au système juridique de l’Europecontinentale. Droit romain et droit cano-nique (l’Église est devenue une institutionreconnue par l’État au IVe siècle) forment

2 Nous nous permettons de renvoyer le lecteur aux manuels d’intro-duction historique au droit : C. LOVISI, Introduction historique au droit,Dalloz, 2007 ; A. LECA, La genèse du droit, Essai d’introduction his-torique au droit, librairie de l’Université d’Aix en Provence, 2002

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les droits dits « savants » du Moyen Âge.Ils provoquent le réveil de la science dudroit et vont permettre au roi de Francede déployer sa souveraineté en matièrede législation ou de justice.

Malgré l’effort du roi pour recon-quérir ses prérogatives, l’ancien droit restemarqué par la superposition et l’épar-pillement des normes. Les sources dudroit sont éclatées entre les mains d’in-nombrables acteurs : les seigneurs, l’É-glise, les villes émancipées, le roi…

C’est pourquoi les rédacteurs desCahiers de doléances réclament uncorps de droit unique pour tout leroyaume. La Révolution met en avantles nouveaux principes qui devront ani-mer le droit (liberté, égalité, laïcité).Mais elle ne parvient pas à unifier la légis-lation civile. Le Code civil napoléonienvoit le jour en 1804 : il se veut une tran-saction entre l’Ancien Régime et laRévolution. Il reprend la division tripar-tite du droit romain3 et laïcise le droit (finde l’interdiction du prêt à intérêt, conser-vation du mariage civil).

Comment le droit évolue-t-il ?

Les principales sources du droit objec-tif sont internationales, ou nationales. Àl’heure de la mondialisation, les pre-mières (traités internationaux, droit com-munautaire) prennent une ampleur crois-sante. Les sources nationales sontessentiellement la Constitution, les lois, lesrèglements, la coutume. La jurisprudence(ensemble des décisions des tribunaux)a pour rôle l’interprétation de la loi, et doncson adaptation. La doctrine (opiniondes auteurs : professeurs de droit, prati-ciens) met en lumière les insuffisances oules contradictions du système juridique.

Elle influence ainsi le juge et le législateur.Le droit est fortement lié au contexte

extra-juridique. Il traduit les aspirationset subit les influences de son milieu d’ori-gine : la politique, la religion, la morale,la philosophie, les faits économiques etsociaux contribuent à façonner le droitd’une société donnée.

Ainsi, les valeurs dominantes jusqu’àla fin du XIXe siècle privilégiaient-elles lahiérarchie et l’autorité dans les rapportssociaux (forte autorité patronale, puis-sance maritale et paternelle, incapacitéde la femme mariée…). Depuis lesannées 1880, une demande socialepour plus d’égalité et de liberté entraîneune adaptation du droit (développe-ment de la législation ouvrière, lenteémancipation de la femme, améliorationde la condition des enfants…).

De nos jours, la valeur fondamentalede la société est l’individu, et non legroupe. Cet individualisme se traduitnotamment par le souci de respecter leschoix de chacun au nom de la libertéindividuelle. C’est ainsi que les droits del’individu sont sacralisés et que la pro-motion des droits de l’homme est l’ins-trument juridique le plus efficace del’individualisme.

Mais l’évolution sensible du droitn’empêche pas des permanences. Ainsi,le consentement des époux au mariage(article 146 du Code civil) est un héri-tage du droit romano-canonique, ledroit de grâce du président de laRépublique (article 17 de la constitutionde 1958) est une survivance de lamonarchie de droit divin… Notre droitcontemporain porte l’empreinte dessiècles passés… C.A.

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3 Le livre Ier du Code civil a pour titre « Les personnes », le livre II « Lesbiens », et le livre III « Des différentes manières dont on acquiert lapropriété ».

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Droit et sociétéDu latin « sans courbure », le droit est né de

la nécessité de régler, d’ajuster, de rectifier, les rela-tions entre les hommes. Ceux-ci vivant en société,il leur est nécessaire d’assurer tout ce qui contri-bue au « vivre-ensemble ».

Il ne peut y avoir de droit que dans une sociétédonnée. En effet, dès qu’il y a un groupe social(État, Église, Communauté, etc.), il y a des loiscommunes, des règles, du droit. Cela ne sauraitse concevoir en dehors d’un cadre social et sup-pose en outre l’intervention initiale d’une auto-rité. Le droit, ici, est le signe de la puissance, ence qu’il constitue le moyen de déterminer laconduite des personnes.

Mais, selon Emmanuel KANT, les hommes sont« insociablement » sociables. Conflits, insécurité,inimitiés, disputes, ne tardent pas à naître et à sedévelopper dès lors qu’il y a un quelconquecorps social (Cf. Tite 3.3). Il est donc nécessairede mettre en place un arbitrage équitable. Il fautalors comprendre à quelles conditions un droit estvéritablement un droit, garantissant à chacun lafaculté d’user de ses droits et lui imposantconjointement des devoirs légitimes. Selon lephilosophe anglais Thomas HOBBES, le droit nesert avant tout qu’au bonheur de l’homme, enassurant la paix sociale. Ce qui importe donc,c’est qu’il y ait des règles qui évitent les luttes. Lejuste ici est l’utile ; et l’utile est le critère du droit.

Les voies d’accès à la philo-sophie (ou à la théologie) dudroit ne sont pas aisées, àcause tout d’abord du péchéoriginel qui a tout corrompu,et notamment notre capacitéà reconnaitre ce qui estjuste. À cause également dulien étroit qui rapprochethéorie et pratique. Le droitéchappe, en effet, àl’intangible. Il est toujours enmarche et n’existe jamais endehors de son applicationdans le monde humain,contingent et toujours chan-geant. C’est de cette doubledifficulté que nous allonsparler en considérant dansle même temps les rapportsentre le droitet la Parole deDieu.

STÉPHANE

JALLIFIER

DROIT ET JUSTICE

Les fondementsthéologiques du droit

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L’instauration du droitLe modèle du droit n’est pas dans la

nature, il ne gît pas dans la nature deschoses. Mais les hommes se voient néan-moins dans l’obligation de l’instaurer.Pour HOBBES, il existe une loi de la naturequi interdit aux personnes de faire ce quimène à la destruction de leur vie. Mais« l’homme étant un loup pour l’homme »,il est obligatoire de sortir de cet état d’in-sécurité. Il faut pour cela instaurer l’as-sociation, le droit, mais aussi le pouvoirpolitique qui se chargera de l’instituer.C’est pour corriger la nature et empêcherles rapports de force inter-individuels queles hommes ont institué le droit.

Le droit naturel n’existe pas « natu-rellement ». C’est la raison humaine, etnon la nature, qui l’institue, dans le but,comme nous l’avons dit, de corriger lanature. Le droit est donc rendu néces-saire par l’incapacité des hommes àrégler spontanément leurs relations. Ilrésulte d’un accord entre les individus,du consentement des hommes. Mais « laraison se borne à organiser et mettre enordre, elle ne constitue pas une sourceni une mesure de la justice et du droit »écrit Jacques ELLUL. Peut-être ici pensait-il à Pascal qui affirmait que « cette belleraison corrompue a tout corrompu ».

Par conséquent, le droit posé et éta-bli par la volonté de l’homme est lui-même imparfait, car né précisément del’imperfection de l’homme. « Dans unbois aussi courbe que celui dont est faitl’homme, on ne peut rien tailler de toutà fait droit. La nature ne nous imposeque de nous rapprocher de cette idée »,écrit Emmanuel KANT, en pensant évi-demment à Luther. L’idée du droit estdonc, selon KANT, « une idée à réaliserdans un horizon infini ». C’est là sa limite.

Justice humaine et droit

La justice est ce qui permet d’établirde justes rapports à autrui, par voie deconséquence elle est le critère du droit.Ce qui est juste au sens moral permet dereconnaitre et d’établir le droit. Fonda-mentalement, la justice est la dispositionde la volonté à rendre à chacun ce quilui est dû, autrement dit son droit. Maisl’homme est-il apte à discerner ce qui estjuste ? À cause de la chute, l’accès directà la justice est interdit à l’homme. C’estpourquoi il ne peut obéir qu’à ce qui luireste ici-bas, comme l’écrit Pascal : « Lajustice est ce qui est établi ; et ainsitoutes nos lois établies seront nécessai-rement tenues pour justes, puisqu’ellessont établies ». La justice étant inacces-sible à la raison, et l’homme étant inca-pable de faire le bien ou de le concevoir– il faut entendre ici le Bien selon Dieu –,il faut se tourner alors vers l’autorité etvers la force. Mais l’autorité ne suffit pasà faire le droit, Pascal n’est pas dupe. Etni même la force, car celle-ci est contra-dictoire avec le droit. La contrainte exté-rieure ne peut, en effet, jamais engendrerune obligation intérieure.

Doit-on se résigner à ce que la justice,ici-bas, ne soit pas la justice ?

Justice divine et droitDans la Bible, le droit exprime tou-

jours la justice, celle de Dieu. Est droitce qui est conforme à la justice divine.Par exemple, lorsque Jean-Baptisteprêche la repentance, lorsqu’il enseignequ’il faut rendre droits les sentiers del’Éternel, Jésus-Christ dira plus tard duprophète qu’il est venu dans la « voie dela justice » (Cf. Matthieu 21.32).

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La règle de justice, c’est la volonté deDieu. « Est droit ce qui est ordonné parrapport à cette justice-là » écrit JacquesELLUL. C’est la volonté de Dieu qui rendla justice, par conséquent le droit appa-rait comme un acte divin.

Dans Deutéronome 1.16, il estdemandé de juger selon la justice, selon lajustice de Dieu. Il s’agit de le faire dans lebut d’organiser la justice humaine, autantpour Israël que pour l’étranger : « Écou-tez les différends qui seront entrevos frères, et jugez droitemententre l’homme et son frère, etentre l’étranger qui est avec lui ».

Justice de Dieu et justice deshommes ne sont pas séparéesen ce sens. Certes indépen-dantes, elles coexistent. Il n’y aqu’une seule justice, dans lamesure où la just ice del’homme s’articule sur la justicede Dieu, souverain et juste juge,qui fait entrer son action au seindes contingences humaines.

Droits de l’hommeLa not ion de droi ts de

l’homme n’a pas attendu 1789 pourapparaître. Dieu l’avait déjà posée danssa Parole. Ainsi, parmi une grande quan-tité de textes, nous pouvons lire : « Tu nepervertiras point le droit, et tu n’auraspoint égard à l’apparence des personnes[…] Tu suivras exactement la justice,afin que tu vives, et que tu possèdes lepays que l’Éternel, ton Dieu, te donne »(Deutéronome 16.19-20). Afin que semaintiennent la vie et une relative har-monie entre les individus, des droits del’homme sont posés et ne doivent pointêtre transgressés. Ces droits sont attri-bués à l’homme, en tant que créature etimage de Dieu. Des droits attribués dans

une société donnée, car l’homme n’estpas sans société, comme nous l’avonsvu. On parle ici de l’homme relié à safamille, ses amis, sa communauté, sontravail, etc. Ces droits sont donnés pourque l’homme puisse tenir sa place dansla situation qui est la sienne. C’est pour-quoi retirer l’homme de sa société seraitcomme lui retirer ses droits.

Pour ce qui concerne le contenu deces droits, la Parole de Dieu ne nous en

donne ni une liste figée, ni une chartedéfinitive. Car il varie et dépend dessituations historiques dans lesquellesl’homme est placé. Toutes les sociétésn’ont pas les mêmes exigences, selonl’époque et le lieu où elles naissent et sedéveloppent. La mentalité des hommeschange, les orientations économiqueset politiques aussi.

Ces droits peuvent néanmoins êtredéterminés, notamment par l’exemplequi suit. C’est parce qu’il a des exigencespersonnelles qu’il juge nécessaires pourvivre que l’homme reconnait qu’il a desdroits. C’est pourquoi ses revendicationsse doivent d’être prises en considération.

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Car c’est lorsqu’il se plaint, qu’il proteste,qu’il réclame, que l’homme exprime plusou moins correctement son droit. Rap-pelons-nous la parabole de la veuve qui,sachant qu’elle a le droit pour elle, se per-met d’insister face au juge inique. Celui-ci peut lui faire droit ou peut l’ignorer.C’est dire qu’il n’a aucune raison de fairejustice, car il est inique. Mais s’il porte unjugement juste c’est à cause de cettefemme qui fait valoir ses droits.

La justice et le droit se fondent en Jésus-Christ

« Éternel fais-moi droit : car j’ai mar-ché en mon intégrité, et je me suis confiéen l’Éternel » (Psaume 26.1) crie le psal-miste. Dieu est interpelé ici comme legarant du droit d’un homme en faced’ennemis qui n’ont aucun égard. Il réta-blit par le jugement une situation juri-dique, troublée par la violence. Car l’onpeut dire que le droit suppose la violenceà laquelle il s’oppose. Dieu se place surle terrain de l’homme. Il prend en consi-dération le droit de chacun au sein deson peuple dans une situation concrète.« Mon droit est par-devers l’Éternel »(Ésaïe 49.4) reconnait le fidèle. C’est leseul droit qu’a l’homme, c’est le seuldroit de l’homme.

En même temps, et paradoxalement,Jésus-Christ, et lui seul, a un droit devantDieu, et c’est en lui seul que les hommesreçoivent un droit devant Dieu. Tout ceque l’homme construit de lui-même enmatière de droit est « du Non-Droit »selon l’expression de Jacques ELLUL. Ence sens, le droit ne se forme que par lesjugements de Dieu.

Jésus-Christ n’est donc pas seulementle témoin de la justice de Dieu, il est lui-

même la totalité de cette justice. Il estcelui qui a porté les péchés de plusieurset qui, par conséquent, a satisfait auxexigences de la justice, en même tempsqu’il manifeste l’injustice de toute œuvrehumaine.

Il fonde le droit humain dans sonensemble. En lui et par lui le jugementdu monde est prononcé. Il est celui, enoutre, pour qui et par qui la terre estconservée jusqu’au jour dernier d’unepart, et gouvernée d’autre part, car il enest le Seigneur à qui tout pouvoir a étédonné.

C’est lui, le Serviteur, l’Élu en qui estl’Esprit, « qui met en avant le jugementaux nations » (Ésaïe 42.1)

Face à Jésus-Christ, nous sommesplacés en présence de la réponse queDieu, le juste Juge, a formulée à la ques-tion que posait le problème de la justiceet du droit. Tous les aspects de la justicede Dieu sont réalisés dans la vie, la mortet la résurrection de Jésus-Christ.

Le droit des élus Le seul droit que les élus affirment et

exposent se fonde sur la seule justicequ’ils aient, c’est-à-dire en Jésus-Christ,qui a été fait pour eux « de la part deDieu, justice » (1 Corinthiens 1.30). Larevendication de leur droit, c’est dansleur prière d’affirmation que Jésus-Christles sauve et les conduit ; c’est plus encorel’exigence du retour de Jésus-Christ etl’attente pressante du juste jugement :« Seigneur, qui es saint et véritable ! Nejuges-tu point, et ne venges-tu pointnotre sang de ceux qui habitent sur laterre ? » (Apocalypse 6.10).

Maranatha , « Viens, Seigneur,viens ! » est l’expression de cettedoléance.

S.J.

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JACQUES

NUSSBAUMER

DROIT ET JUSTICE

Beaucoup de croyants achop-pent sur l’aridité du Lévitiqueet craignent de se perdre dans

un système complexe de sacrifices etde lois qui paraît étrange à bien deségards. Une lecture thématique peutnéanmoins permettre de faire émer-ger certains caractères importants duDieu qui se révèle. Pour comprendrele droit et la justice selon Dieu dansle Lévitique, il est nécessaire deprendre quelques précautions pouréviter les malentendus.

Trois précautionsD’abord, notons que dans l’Ancien

Testament, la société forme un tout :cela n’a pas de sens de séparer le reli-gieux et le civil, le moral et le social1

comme si ces termes relevaient desphères distinctes. Ainsi, le Lévitiqueentremêle soigneusement tous lesaspects de la vie du peuple en les pla-çant sous l’autorité de Dieu : il n’ya pas d’espace « laïque » dans lessociétés du Proche-Orient Ancien.

Ensuite, on ne peut restreindre ledroit et la justice au fonctionnementdu système judiciaire. La préoccu-

pation de justice imprègne tous lesdomaines. Wright rappelle que la déli-vrance que Dieu a opérée en Égypteest à comprendre non seulementcomme un acte de salut, mais aussicomme un acte de justice face à l’op-pression imposée par le pharaon2.Dans cette logique, une guerre peuttrès bien constituer un acte de jus-tice tout autant qu’un arbitrage opérépar les juges ou les anciens d’une villequi étaient en charge de la justicecivile et pénale3.

Enfin, la justice dans l’AncienTestament n’a de sens que par rap-port à la relation d’alliance entre Dieuet son peuple. La loi que l’on trouvedans le pentateuque est d’abordconsacrée aux règles qui organisentles relations asymétriques entre lesuzerain, le Seigneur YHWH, et levassal, le peuple d’Israël : la loi tra-duit l’altérité de Dieu par la mise enlumière du gouffre qui sépare leDieu saint et souverain du peuplefaillible et souvent rebelle. Dans leLévitique, les relations humainessont régulées en lien explicite avecles relations à YHWH, le Dieu saint.

1 La lecture thématique doit rester cohérente avec l’intention du texte : si notre réflexion s’appuie prin-cipalement sur les chapitres 17-26, elle espère être cohérente avec le reste du livre.2 Christopher Wright, L’éthique de l’Ancien Testament, Cléon d’Andran, Excelsis, 2007, pp.305-3063 Ibid.

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Droit et justicedans le Lévitique

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La sainteté de Dieu et l’ordre social

À de nombreuses reprises, la justifi-cation des instructions données reposesimplement sur l’identité de Dieu : « Jesuis YHWH » (52 fois). YHWH, le Dieude l’alliance, est la référence absolue dubon, du pur, du juste et du droit, sans autrecritère que lui-même, parce qu’il est leSeigneur. À 23 reprises, on trouve cetteprécision « je suis YHWH votre [ou leur]Dieu », insistant sur la relation d’appar-tenance à Dieu, qui fonde la loi. Enfin,9 fois, cette justification est liée à l’actionlibératrice de Dieu en Égypte qui souligneson souci des opprimés. Or, si la justifi-cation du droit repose sur l’identité duDieu saint qui rachète un peuple, celui-ci est appelé à manifester cette identitédans la pratique de la justice.

La sainteté absolue de Dieu fonde undroit qui manifeste un ordre qui a deuxaspects :• Un aspect absolu qui s’exprime dans

des normes et limites absolues : le res-pect de YHWH, de la vie humaine etde certains interdits. La transgressionde ces limites, comme le blasphème,conduit à la mort : la sainteté absoluede Dieu ne peut souffrir que son nomsoit raillé parmi le peuple.

• En situant le peuple dans ce rapportà un absolu, la loi donne aux rapportshumains un caractère qui respecte cerapport asymétrique : quelles quesoient les proximités avec les codeslégislatifs des pays voisins, c’est la réfé-rence au Seigneur YHWH qui validece qui est juste et droit selon le prin-cipe fondamental de l’équité.

Or, l’équité est garantie par un modede fonctionnement fondé sur :

• la proportionnalité (19.34b) et la réci-procité : le respect des étalons de poidset de mesure permet de garantir uncommerce équitable (19.35) en éta-blissant des équivalences mesurables ;la loi du talion (24.17s) impose au cou-pable de dédommager la victime oude subir lui-même un préjudice pro-portionnel à celui qu’il a occasionné ;

• une forme d’égalité : toute vie humainea une valeur absolue (24.17) : notonsque la loi mosaïque sanctionne pluslourdement les atteintes aux personnesque les atteintes aux biens, alors queles législations des peuples voisinsfont l’inverse.

Sainteté de Dieu, équitéet égalité

Ceci étant, la loi intègre aussi l’existencede distinctions au sein de la société :h o m m e / f e m m e , e s c l a v e / l i b r e ,Israélite/étranger. Il est intéressant deconstater que si ces distinctions paraissenten partie entérinées par la loi divine, ellessont aussi relativisées : par exemple, la loiest donnée pour le peuple, mais, dans laplupart des domaines, la même législa-tion doit s’appliquer à l’étranger (23.24).Les notions même d’étranger et d’esclavesont relativisées, puisque les israéliteseux-mêmes sont d’une part immigrés etrésidents dans le pays qui n’appartientqu’à YHWH (25.23), et d’autre partesclaves de celui qui est le seul maître,YHWH (25.424, 55). La solidarité maté-rielle comme le commandement d’amoursont explicitement étendus à l’immigré(19.34 ; 25.34). Ainsi, malgré l’inégalitépropre aux sociétés humaines, l’égalitédevant Dieu exige de poursuivre unéquilibre : si le pauvre ou le faible doit être

DROIT ET JUSTICE

4 S. ROMEROWSKI, article « loi » in collectif, Le Grand Dictionnaire de laBible, Excelsis, Cléon D’Andran, 2004, p.949

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protégé de l’oppression (19.13), il ne doitpas être avantagé devant la justice, carl’égalité de traitement manifeste sonégale dignité (19.15). L’identité du Dieusaint implique que les statuts ethniques,économiques ou sociaux perdent de leurconsistance en droit.

Ainsi, à ceux qui, oubliant l’écart quinous sépare des sociétés antiques, s’of-fusqueraient de certaines dispositions(existence de l’esclavage, sévérité des sanc-tions, traitement des épouses…), on peutrappeler que si la loi est donnée par Dieu,elle ne propose pas un modèle de sociétéqui nie toute la culture de l’époque. Enprenant acte de certaines pratiques (mêmedéviantes), elle pose des limites et des pro-tections face aux abus5. Il ne faudrait doncpas voir dans chaque commandementl’expression directe d’une justice « abso-lue », mais bien d’un droit qui prend encompte la dureté du cœur (Mt 19.8).D’ailleurs, dans le Lévitique, on trouveassez peu le terme « juste » ou « justice »,mais plutôt les mots « droit », « jugement »liés à l’action dirigée vers plus de justice…Jésus, dans le Sermon sur la Montagne,souligne la radicalité de la justice que laloi mosaïque vise. Si la loi du Lévitiqueest « juste », elle l’est en traduisant dansson contexte l’intention que vise la jus-tice de Dieu.

Ainsi, si le développement d’injus-tices économiques (pauvreté) et sociales(statut d’esclave ou d’immigré) n’est pasévitable, ses conséquences doivent êtrelimitées par le droit. Le principe du jubilé(25.8s) en est un bon exemple : il poseune limite à l’aggravation des inégalitésau sein du peuple6, puisque la cinquan-tième année était une année de libéra-tion des liens de la dette et de l’esclavagepour ceux que la pauvreté avait poussésà se vendre comme esclave. Les terresachetées devaient également être rendues

au propriétaire initial, limitant l’extensionde la propriété privée. Lors du partage,la terre avait été répartie par tribu, clanet famille, et non selon le mérite7 ou lerang. Lors de l’année du jubilé, les comp-teurs étaient remis à zéro, espérance quisera projetée plus tard sur le messie (És61 ; Lc 4).

* * *L’absolue sainteté du Dieu de l’al-

liance permet de fixer normes et principesde justice pour le peuple. Dans cecontexte, l’amour du prochain n’est pasune vertu optionnelle, mais une néces-sité de justice : est-ce bien ainsi que nousle comprenons ? De plus, le réalisme duLévitique, avec sa prise en compte dupéché (importance des sacrifices, centralitédu jour des expiations), rappelle que laloi invite à une justice plus intérieure, cellequi trouve son accomplissement dans leChrist. Enfin, en insistant sur les personneset en relativisant les statuts humainsassociés au rang ou au sang, le Lévitiquenous incite à ne pas laisser le droit vali-der les rapports de force que génèrent lessociétés marquées par le péché.

Ces éléments nous permettent peut-être de mieux percevoir l’équilibre de laloi exposée dans le Lévitique, mêmes’ils n’épuiseront pas les interrogations quesoulève le texte. En quoi les lois depureté contribuent-elles à la compré-hension de la justice ? Il nous faudrait unautre article pour commencer à yrépondre ! J.N.

5 Ibid, p.9486 Pour ce verset, la plupart des traductions françaises (sauf la Pléïade etla traduction du Rabbinat) utilisent deux termes différents (« …mes ser-viteurs » – « comme on vend des esclaves ») pour traduire le même mot.7 Par rapport aux femmes, aux esclaves, aux étrangers etc.8 Pour une lecture contemporaine stimulante de la loi du jubilé, voir F deConinck, La justice et l’abondance, coll. Sentier, La Clairière, Québec,1997.9 Sauf pour Caleb (cf. Jos 14 ; Jg 1,20)

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DROIT ET JUSTICE

Justice1 : ce qu’en dit la Bible

1 Ce texte reproduit,avec l’autorisation deAl l iance Bibl iqueFrançaise, l’ar ticle« Justice » de la Nou-velle Bible Segond,Éditions Bibli’O.

La justice (hébreu tsedaqa ; grecdikaïosunè) n’est pas seule-ment dans la Bible l’équité

judiciaire ou sociale, quoiqu’elle l’in-clue de façon notable (Lv 19.15 ;Dt 16.18,20 ; Es 5.7,23 ; Am5.7,10 ; Ps 7.12). Comme sondoublet concret « justesse » (lesdeux notions se recoupent de façonévidente lorsqu’on parle, en matièrecommerciale, de poids et demesures « justes », Lv 19.36 ; Ez45.10), le terme évoque plus géné-ralement la conformité à unenorme communément reconnue,que celle-ci relève de la religion, dela morale, des convenances, de lacoutume ou du bon sens. Ainsi,hors de tout contexte religieux oumoral, la pluie « selon la justice »peut être simplement la pluie salu-taire, celle qui est utile à l’agricul-ture parce qu’elle tombe en sontemps (Jl 2.23).

Dans le monothéisme biblique,la norme suprême est représentée,en principe, par Dieu et par sa loi(Es 42.21). Cependant, en pratique,la notion de justice reste assez dis-tincte du discours religieux pour queDieu lui-même puisse être déclaréjuste sans qu’il s’agisse nécessai-rement là d’une pure tautologie (cf.Dt 32.4 ; Jr 12.1 ; Ps 51.6 ; Jn17.25 ; Rm 3.26 ; 2Tm 4.8 ; 1P

2.23 ; 1Jn 1.9 ; Ap 16.5,7 ; 19.2).La preuve en est qu’on peut mettresa justice en question (comme lefont, ouvertement, les plaintes deJob). Évidemment, plus la théolo-gie se voudra cohérente, plus ellehésitera à suggérer que Dieu puisseêtre jugé par une norme quel-conque. Entre un jugement naïf surDieu (je dis que Dieu est justeparce que je peux constater que sonaction est conforme au sens com-mun de la justice) et une louangeconventionnelle où le mot mêmede justice perdrait son sens (Dieuest forcément juste parce que Dieuest Dieu), l’affirmation biblique dela justice de Dieu signifie souventque Dieu agit de façon conformeà ce qu’on peut attendre de lui, ouencore qu’il est, pour ainsi dire,logique avec lui-même.

La justice de Dieu est compa-rable à celle d’un juge qui juge jus-tement et dont les jugements sontsuivis d’effets (Es 5.16). Les deuxvont de pair dans l’ancien Israël oùil n’y a pas de séparation nette entrepouvoir législatif, judiciaire et exé-cutif. La tâche d’un tel juge consistedès lors à (litt.) « faire sortir le droit »(hébreu mishpath, Es 42.1 ; Ha1.4), en deux sens complémen-taires : d’abord, en faisant apparaîtrece qu’est le droit et ce qu’il requiert

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dans une situation donnée, ensuite enle faisant appliquer. D’une part, donc, ils’agira de distinguer entre le juste, c’est-à-dire l’innocent, celui qui est dans sondroit, et le méchant, le coupable, celuiqui est en tort (cf. Dt 25.1 ; 2S 15.4 ; Pr17.15 ; cf. le célèbre jugement deSalomon en 1R 3.16ss). Maisil faudra également veiller àl’exécution de la sentence oudu jugement (autre sens duterme mishpath). En d’autrestermes, le juge juste – et, paranalogie, Dieu lui-même –n’est pas seulement celui quivoit juste et qui parle juste,mais encore celui qui rétri-bue, qui rend effectivementà chacun ce qu’il mérite (Rm2.2,5s).

La justice de Dieu se per-çoit dans ce qui est compris,directement ou indirecte-ment, comme son action,c’est-à-dire dans les événe-ments de l’histoire tels que lesinterprète la foi : ainsi ce queDieu fait pour la justice (péri-phrase pour rendre le plurieldu terme hébreu habituellement traduitpar justice, pluriel qui désigne manifes-tement des actes : ses justices = ses actesde justice), c’est ce qu’il accomplit pourréaliser ses promesses et faire respecterses lois. En particulier, cet emploi duterme évoque les victoires militaires qu’ilaccorde à son peuple (Jg 5.11 ; 1S 12.7-15 ; Mi 6.15 ; cf. Es 41.10).

Le juge juste fournit aussi bien lemodèle idéal du roi d’Israël, qui reçoitsa capacité de discernement et son pou-voir de Dieu (Ps 89.15 ; 97.2 ; Es 32.1 ;33.5 ; cf. 2S 8.15 ; 1R 3.28 ; 10.9 ; Es9.6 ; 11.3ss ; 16.5 ; Jr 22.3,15 ; 23.5 ;33.15 ; Ez 45.9 ; Ps 45.8 ; Pr 16.12 ;20.28 ; 25.5 ; 29.14 ; 31.9 ; 1Ch 18.14 ;

2Ch 9.8 ; on notera que le verbe hébreucorrespondant au substantif mishpath,habituellement traduit par « juger »,signifie aussi « gouverner », cf. Jg 2.16)que celui du simple sujet : chacun se doit,à son niveau, d’agir selon le droit (litt.« faire le droit », hébreu mishpath, Es

64.4 ; Ez 18.19 ;Ps 106.3).

Dans l ’AncienTestament, unh o m m e p e u tdonc être déclaréjuste, par opposi-tion au méchant,celui qui a tortdans une situa-tion donnée. Et iln’en est pas ainsiseulement au tri-bunal. Dans uncontexte pratiquee t q u o t i d i e ncomme celui desProverbes, le justeest tout simple-ment celui qui agitconvenablement,efficacement, en

harmonie avec l’ordre des choses tel quele constate la sagesse. A ce niveau lesmots « juste » et « méchant » peuventavoir quasiment le même sens que« sage » et « stupide » (et leurs multiplessynonymes dans le vocabulaire de lasagesse) : ainsi Pr 12.10 est probablementmoins à lire comme une condamnationmorale – et a fortiori religieuse – de lacruauté envers les animaux que commeune observation pratique (à l’instar denotre proverbe « qui veut voyager loinménage sa monture »). A l’opposé, dansle discours moral qui est souvent celuides prophètes, on ne s’interrogera plusseulement sur ce qui est légal, mais surce qui est légitime : de ce fait on secontentera de moins en moins d’une jus-

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CRUCIFIXION,A. DURER -1508

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tice sociale consistant à ne pas faire dutort à autrui (un tort que pourrait punirla loi) ; il s’agira de faire du bien à sonprochain, de combler ses besoins dansla mesure du possible ; ce qui peut ame-ner à dépasser, voire à remettre radica-lement en cause, la norme sociale etlégale en vigueur qui consacre un cer-tain état des rapports entre le riche et le

pauvre, le fort et le faible (Es 58.2,6ss ;Ez 18.5ss,15ss ; Ps 112.9 ; Jb 29.12ss ;cf. 22.5ss ; 31.16ss). Dans un contextereligieux, le juste est celui qui seconforme à la volonté de Dieu, tellequ’elle est connue ou reconnue dans unmilieu donné : on ne s’étonnera pas, endépit de nombreuses influences réci-proques (ainsi chez Ezéchiel qui est à lafois prêtre et prophète), de trouver unaccent particulier sur la pureté rituelledans les écrits des prêtres (Lévitique,Nombres) et sur l’éthique sociale chez lesprophètes (Esaïe, Amos, Michée).

Le Nouveau Testament, commel’Ancien Testament, n’hésite pas à qua-lifier de justes des hommes et desfemmes (Mt 1.19 ; 13.17 ; 23.29,35 ; Lc1.6 ; 2.25 ; Ac 10.22 ; 2P 3.7).Néanmoins l’expression est parfois

employée avec une part d’ironie plus oumoins grande (Mt 5.45 ; Mc 2.17 ; Lc5.32 ; 15.7 ; Rm 5.7), certains textes pré-cisant qu’il s’agit alors moins de justesà proprement parler que de gens qui secroient justes (Mt 23.28 ; Lc 18.9 ;20.20). En revanche le NouveauTestament fait de Jésus, en dépit de sacondamnation au nom de la loi juive ou

romaine, le juste par excel-lence, à la fois comparable àd’autres justes et unique enson genre (Mt 27.19,24 ; Lc23.47 ; Ac 3.13s ; 7.52 ; 1P3.18 ; 1Jn 2.1,29 ; 3.7).

Dans le Nouveau Testament,la notion de justice connaîtdeux développements théo-logiques symétriques, liés l’uncomme l’autre à une identi-fication de la justice à Dieu et,corrélativement, à une radi-calisation de la notion de jus-tice. Dans cette perspective,la justice de Dieu ne pourraplus s’opposer à sa compas-

sion – comme ce serait le cas dans uneconception naturelle de la justice, où ilserait « juste » de punir le coupable, nonde l’épargner (cf. 2P 1.1 ; 1Jn 1.9s).

Chez Matthieu ou Jacques p. ex. (etdans une large mesure chez Jean), la jus-tice s’identifie à l’ensemble du desseinou de la volonté de Dieu, dont lesmaîtres mots sont la compassion etl’amour et qui, dès lors, va bien au-delàde la justice distributive. Cette évolutioncorrespond pour une bonne part à celledu judaïsme de la même époque. Dansla ligne de la justice morale prônée parles prophètes de l’Ancien Testament, lestermes hébreu et grec traduits habituel-lement par « justice » avaient même fini,dans une acception concrète, par dési-gner précisément l’aumône, les dons faitsaux pauvres, déjà dans le Siracide et Tobit

DROIT ET JUSTICE

LE

JUGEMENT

DE

SALOMON,NICOLAS

POUSSIN,LOUVRE

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(cf. la « justice » dont il est question enMt 6.1ss ; 25.37ss,46 ; 1Jn 3.10-18).Selon l’enseignement de Jésus tel que lerapporte en particulier Matthieu, l’hommepeut, à n’importe quel moment de sa vieet indépendamment de son rapportantérieur (ou postérieur ?) à la loi, entrerdans le grand mouvement de la justicecompatissante de Dieu, qui s’étend à tousles êtres par-delà toute mesure légale (cf.Mt 5.17-20). En aimant, en pardonnant,en cessant de juger, en se montrant com-patissant, chacun peut expérimentercette justice, en être ainsi l’instrumentautant que le bénéficiaire, échappant dumême coup à tout jugement d’une jus-tice qui ne serait que rétribution équitabledu bien et du mal (Mt 5.48 ; 7.1ss ; Jc2.13 ; cf. 1Jn 3.19ss ; 4.17ss).

Chez Paul, la notion de justice fait l’ob-jet d’un développement théologiquetout à fait original (cf. Rm 1.16s ; 3.5,21s,25s ; 10.3 ; 2Co 5.21). Dans Romainset Galates surtout, l’apôtre oppose deuxtypes de justice auxquels correspon-dent deux modes de justification, c’est-à-dire d’accès à la justice :

Pour lui, il y a d’une part, au moinsthéoriquement, la « justice par la loi ».Ainsi, dans le cadre du judaïsme, la loide Moïse sert de norme, de critère sta-tique pour définir et sanctionner la jus-tice de chacun : chaque individu peut seconsidérer comme juste devant Dieu pourautant qu’il respecte la loi. La seule jus-tification possible, dans cette perspective,est une autojustification – même si, deson propre point de vue, le fidèle prati-quant de la loi s’appuie sur l’aide de Dieu(Rm 2.13 ; 1Co 10.3s ; Ph 3.9 ; cf. Lc18.9,11).

Mais il y a aussi, d’autre part, « la jus-tice par la foi » : c’est celle qui a coursdans le cadre des communautés chré-tiennes, notamment non juives ou mixtes.Ce qui fait l’essence même de ces com-munautés, c’est que Jésus y est reconnu

comme sauveur et rédempteur, et qu’ons’identifie à lui par la foi : chacun peutlire sa propre condamnation dans la cru-cifixion de Jésus (cf. 2Co 5.14s ; Ga3.13) ; chacun peut aussi voir le signede son salut, foncièrement gratuit, dansla résurrection de Jésus (cf. Rm 5.10s ;2Co 5.21). Dans cette logique nouvelle,qui est celle de la foi, aucune justice indi-viduelle ou collective ne peut subsistercomme une norme indépendante, liéeà la logique de la loi. La justice ne peutplus être comprise que de façon dyna-mique : comme justice donnée (cf. déjàEs 53.11 ; Dn 12.3), comme justificationgratuite du pécheur croyant « en Jésus-Christ » – même si cette justification doitdéboucher sur la pratique de l’amour deDieu, perçu comme l’essence même dela loi, tel qu’il s’est révélé en Jésus-Christ(cf. Rm 8.4 ; 13.8-10 ; Ga 5.23).

La voie de Matthieu et de Jacquesd’une part, et celle de Paul d’autre part,sont sans doute moins contradictoiresqu’il y paraît à première vue. C’estpeut-être ce que suggère la premièreépître de Jean quand, en matière de jus-tice, elle pose une équivalence entrel’amour des frères et la foi en Jésus-Christ,montrant qu’en profondeur l’un ne sau-rait se comprendre sans l’autre (1Jn2.1,29 ; 3.6 ; 4.7,15 ; 5.1). Certes, la pre-mière voie donne la priorité à l’agir et àl’expérience (où nul ne saurait s’enga-ger sans une certaine foi en la révélationde Dieu, telle qu’elle apparaît dans laparole de Jésus), tandis que la secondemet en avant l’adhésion fondamentaleà l’action décisive de Dieu que la foi litdans l’histoire de Jésus-Christ, à laquellele croyant s’agrège (ce qui ne se fera passans acte et sans expérience). Cependant,dans un cas comme dans l’autre, la jus-tice de Dieu ne s’oppose plus à sonamour et dépasse infiniment la sommedes commandements de la loi. ■

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DROIT ET JUSTICE

La justification1

du pécheur croyant

1 Ce texte reproduit,avec l’autorisation del’Institut Biblique et Missionnaire Emmaüs, l’article« Justification » du Nouveau Dictionnaire Biblique,Éditions Emmaüs, 2002, édition revue et aug-mentée.

La justification est gratuite, c’est-à-dire totale-ment imméritée (Rm 3.24) ; elle est cependantjuste, car Dieu ne passe pas simplement

l’éponge sur nos péchés, au mépris de sa sainte loi.Cette loi a été satisfaite en Jésus-Christ, qui l’a par-faitement accomplie et a subi pour nous toute sacondamnation. Au « temps de sa patience » (l’AncienTestament), Dieu pouvait paraître injuste en ne punis-sant pas des hommes comme David, par exemple ;ayant maintenant concilié sa justice et son amourà la croix, il peut librement justifier même l’impie (Rm3.25-26 ; 4.5). Jésus nous justifie par son sang (Rm5.9) et par sa pure grâce (Tt 3.7). La justification estdonc reçue par la foi, et nullement sur la base desœuvres (Rm 3.26-30; 4.5; 5.1; 11.6 ; Ga 2.16 ; Ép2.8-10). Elle est un acte souverain de Celui qui, enChrist, nous a appelés, justifiés et glorifiés : « Quiaccusera les élus de Dieu ? C’est Dieu qui justifie ! »(Rm 8.30-34). Le pécheur accusé par la loi (Ga 3.10-14), par Satan (Za 3.1-5 ; Ap 12.10-11) et par saconscience (1Jn 3.20), est non seulement délivré duchâtiment par le Souverain Juge : il est déclaré juste,et rendu plus blanc que la neige (És 1.18). Il n’y aplus pour lui aucune condamnation (Rm 8.1), carDieu le voit « en Christ », revêtu de la justice par-faite de son divin Fils (2 Co 5.21).

Le point le plus controversé au cours des sièclesà propos de cette merveilleuse doctrine est le sui-vant : la foi est-elle réellement la seule condition dela justification, ou les bonnes œuvres ajoutées à lafoi ne sont-elles pas également nécessaires pour y

Acte par lequel le Dieu

trois fois saint déclare

que le pécheur croyant

est devenu juste et

acceptable devant lui,

parce que Christ a

porté son péché sur la

croix, ayant été « fait

justice » en sa faveur

(1 Co 1.30).

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parvenir ? On rencontre sur ce point lesopinions les plus extrêmes. Déjà, parmiles premiers chrétiens, certains pen-saient pouvoir se contenter d’une adhé-sion simplement intellectuelle à la doc-trine évangélique, sans conséquencespratiques quantà leur vie moraleet à leur service.Paul a constam-ment cherché à réfuter cettegrave erreur (Rm 6.1). Les cha-pitres 12 à 16 des Romainscomplètent son magistralexposé du salut par lafoi en insistant sur lesœuvres qui sontle fruit néces-saire de la justifi-cation (cf. Ga 5.16-25 ; Tt 2.14;3.1,5,8,14, etc.) Quant à Jacques, il ditla même chose en déclarant que « la foisans les œuvres est morte ». La foi quia justifié Abraham était vivante parcequ’elle produisait des œuvres ; elle futainsi « rendue parfaite » (Jc 2.17-26). Onpeut résumer ainsi l’argumentation desdeux auteurs sacrés : le pécheur est jus-tifié gratuitement par la foi seule, avantd’avoir pu faire aucune œuvre (Paul) ;dès qu’il a reçu la grâce de Dieu, sa foiproduit des œuvres qui prouvent la réa-lité de sa justification (Jacques). Si sa foidemeurait sans œuvres, elle ne l’auraitpas non plus justifié. On greffe un arbresauvage afin qu’il porte de bons fruits ;une nouvelle nature lui est donnée dansce but, et non pas parce qu’il aurait peuà peu porté des fruits satisfaisants. Maissi ensuite il ne produit rien de bon, c’estque la greffe n’a pas réussi.

Beaucoup de personnes sincèresconfondent la justification et la sanctifi-

cation. Elles disent : « Comment puis-jeme croire justifié, puisque je vois encoretant d’imperfections et même de chutes

dans ma vie spirituelle ? » Enréalité, la justification nous est

accordée dès que nouscroyons, au moment de notre

nouvelle naissance. Dieu, dans sagrâce et à cause de la croix, efface nos

péchés passés et nous régénère. Mais dèsce moment-là, commence la croissancedu nouveau-né en Christ. Il aura chaque

jour des progrès à faire, des victoiresà remporter ; comme un

enfant à l’école, ilapprendra sa

l e ç o nmalgré et parles fautes commises,pour connaître toujours plusla marche dans la lumière, grâceà la puissance et la plénitude du Saint-Esprit (1 Jn 1.6-2.2).

Au cours du moyen-âge, dans lesÉglises romaine et orthodoxe grecque,la doctrine de la justification par la foifut obscurcie par une fausse conceptiondu rôle des bonnes œuvres. La croix deChrist n’était plus suffisante pour payertoute notre dette : l’homme devait aumoins en payer une partie par sesœuvres méritoires, ses pèlerinages, lesrites de l’Église, et ses propres souffrancesau purgatoire. C’est en découvrant à nou-veau le lumineux enseignement de Paul,en particulier dans les épîtres auxRomains et aux Galates, que lesRéformateurs ont ramené les croyants àl’assurance du salut et à la liberté glo-rieuse des enfants de Dieu. ■

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Pour l’apôtre Paul, magistrat évoqued’abord autorité au service de Dieupour notre bien :

« Les chefs, en effet, ne sont pas à craindrequand on fait le bien, mais quand on fait le

mal. Veux-tu ne pas craindre l’auto-rité ? Fais le bien, et tu auras sonapprobation, car elle est au service deDieu pour ton bien. Mais si tu fais lemal, crains, car ce n’est pas pour rienqu’elle porte l’épée : elle est en effetau service de Dieu pour faire justice,pour la colère, contre celui qui pra-tique le mal. C’est pourquoi il est

nécessaire d’être soumis – non seulementà cause de la colère, mais encore par motifde conscience. » Romains 13.3-5

Les versions Segond et Semeur emploientle mot magistrat dans ce contexte. D’autrestraductions récentes préfèrent s’en tenir àautorité (sens habituel du mot grec utilisé).Mais il serait difficile de contester le faitque l’apôtre Paul fait référence ici à l’auto-rité judiciaire.Pour comprendre ce que Paul entend parau service de Dieu pour faire justice, nousdevons nous tourner d’abord vers la miseen œuvre de ce principe en Israël et doncvers les textes qui régissaient la vie judiciaireà partir de l’époque de Moïse.

Les affaires judiciaires en IsraëlSubmergé par les litiges qu’on lui deman-dait de juger, Moïse délègue le travail de

juge de paix à soixante-dix anciens1. Plustard, c’est le roi qui deviendra le dernierrecours du justiciable, mais plusieurs textessuggèrent que les affaires courantes conti-nuent à être jugées par les anciens qui seréunissent à la porte de chaque ville2.Les qualités exigées de ces juges sontl’équité, l’impartialité et le souci de la répa-ration. L’équité doit se manifester par unengagement à justifier les innocents, à lesacquitter, bien évidemment, mais aussi àrétablir leur honneur. En même temps, lerespect de l’équité implique de sanctionnerle coupable. Lorsque des hommes qui ontun litige comparaissent pour être jugés, onacquittera l’innocent et on condamnera lecoupable3.L’impartialité s’appuie d’abord sur l’incor-ruptibilité. Le juge n’accepte ni présents ni« renvois d’ascenseur » pour favoriser lespuissants4. Mais l’impartialité exige aussi lerefus de tout sentimentalisme qui inclineraità être plus clément pour les moins fortunés :Tu ne favoriseras pas le pauvre dans sonprocès5. On établit comme juges des per-sonnes qui manifestent de la sagesse et del’intelligence (indispensables à la recherchede la vérité) et qui sont respectées par leurspairs6.

ROBERT SOUZA

Grain à moudre

Le magistrat, un serviteur de Dieu ?Qu’évoquent pour nous les mots juge et magistrat ? On pense à tribunal,verdict, peine, justice, acquittement ou condamnation.

1 Exode 18.13-262 Par exemple : 2 Chroniques 19.4-11 ; Ruth 4.1-12.3 Deutéronome 25.14 Ex 23.6-8 ; Lv 19.15 ; Dt 1.17 ; 16.195 Exode 23.36 Deutéronome 1.13

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Mais la disposition de cœur laplus importante pour dispenserla justice en Israël est sansaucun doute la crainte de l’É-ternel qui sous-tend et nourrittoutes les autres qualités recher-chées.Dans la pratique, les abus serontnombreux et souvent dénoncéspar les prophètes : Écoutez…magistrats de la maison d’Israël,vous qui avez l’équité en abo-mination et qui tordez toutedroiture…7

Les affaires judiciairesdans le NouveauTestament

Dans les évangiles et le livre desActes, nous trouvons des repor-tages qui décrivent le déroule-ment de différents procès : Jésusface au sanhédrin, à Pilate ou àHérode ; les apôtres ou Étiennedevant le sanhédrin ; Paul etses démêlées avec les magis-trats de Philippes, sa comparu-tion devant Félix ou Festus.La lecture de ces comptes ren-dus nous laisse avec la très forteimpression que toutes ces ins-tances judiciaires fonctionnentde façon terriblement impar-faite. Les faux témoignages nesont pas rares, les entorses audroit sont nombreuses et desinnocents sont condamnés !Par ailleurs, le livre de l’Apoca-lypse met en scène des autori-tés devenues tyranniques, qui re-nient leur vocation première etdonc le service de Dieu pour lebien de tous8.Lorsque nous abordons les re-commandations de Romains 13,

nous ne devons surtout pas ima-giner que Paul idéalise les tribunauxou les magistrats de son époque.Il connaît aussi bien ce que lesjuges devraient être que ce qu’ilssont en réalité.

Les autorités judiciaireset nousLa vie en société ne peut fonc-tionner sans ordre et donc sansautorités. S’il fallait des jugesau sein de la théocratie d’Israël,ils sont d’autant plus indispen-sables dans une société multi-culturelle où les dieux sontlégion ! Paul n’hésite donc pasà recommander aux chrétiens lasoumission aux autorités – ycompris judiciaires – sans les-quelles nous ne pourrions pasjouir d’un minimum d’ordre etd’un État de droit , mêmeapproximatif.Certes, l’obéissance à Dieu auratoujours la priorité9. Si l’autoritéjudiciaire veut exiger de nousla désobéissance à Dieu, nousn’obéirons pas à cette autorité !Mais nous nous soumettronssans esprit de rébellionà la peine qu’ellepourra nous infli-ger en consé-quence10.Prenons doncconscience dufait que le magis-

trat fait partie de ceux qui occu-pent une position d’autorité etpour lesquels nous sommesexhortés à faire des requêtes,des prières, des supplications etdes actions de grâce… afin quenous menions une vie paisibleet tranquille, en toute piété et entoute dignité11. Nos magistratssubissent des pressions, ils sontsoumis à des tentations – et sub-mergés par de trop nombreuxdossiers. Il est facile de les criti-quer. La Parole de Dieu nousincite à prier pour ceux qui sont(qu’ils le veuillent ou non) auservice de Dieu pour faire jus-tice.« Seigneur, que nos juges – ceuxqui te craignent et ceux qui nete craignent pas – soient équi-tables, impartiaux, honnêtes,sages et intelligents, pour recher-

cher la vérité etrendre la jus-tice, autant quecela soit pos-sible ! Amen ! »

R.S.

7 Michée 3.98 On pense aux souffrances del’église de Smyrne et à la bête duch. 13 qui fait la guerre aux saints.9 Actes 4.19 ; 5.2910 1 Pierre 4.12-1911 1 Timothée 2.1-4

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DROIT ET JUSTICE

1 Si Dieu existe, pourquoi le mal ? Éditions Farel-GBU, Coll.Question suivante, 2006, p 48. Le présent article doit beaucoupà cet ouvrage.

« Si Dieu existe, un Dieu bon et tout-puis-sant, pourquoi le mal ? » Question classiquequ’on entend régulièrement et qu’on se pose.Vouloir résoudre cette question est normal. Maiscette démarche rencontre en elle-même desdifficultés. Car elle nous situe en dehors du pro-blème, même au-dessus de lui, puisque nouspensons pouvoir le résoudre. Louis Schweitzer,évoquant cet aspect, rappelle que nous nedominons pas le mal, nous le subissons1. Nousn’essayons pas de remonter un casse-têtechinois, nous en sommes un élément. Parailleurs, ayant attribué à Dieu dans la ques-tion de départ le qualificatif de tout-puissant,nous nous situons ainsi au-dessus de Dieu. Cequi par essence est impossible.

On pourrait objecter à cela que nousavons la révélation de Dieu par sa Parole. Onconstate l’existence du mal, ses conséquenceset les solutions que Dieu propose. Mais l’ex-plication de ses origines n’est pas abordée.

Le cas de JobJob est présenté comme un juste assailli par

le mal et affligé de tous les maux. Le prologuedu livre nous transporte dans une situation queJob ignore, une discussion entre Dieu etSatan sur la question de savoir si Dieu peutêtre aimé pour lui-même ou s’il achète l’amourdes hommes et donc de Job par les bienfaitsqu’il leur octroie.

FRANÇOIS-JEAN

MARTIN

Pourquoi le mal ?Si Dieu existe pourquoi la souffrance et l’injustice ?

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Pour résoudre cette question, Dieu per-met à Satan de tenter Job. Ce dernierperd tout ce qui peut importer à un êtrehumain : famille, richesse, santé… en trèspeu de temps. De plus, ses amis, qui vien-nent pour le consoler, forts des réponsesreligieuses habituelles, le rendent res-ponsable de ses souffrances. C’est unethéologie de la prospérité ; l’homme justeest béni et récompensé par Dieu, l’hommepécheur est puni par Dieu et souffre. Cesamis vont même ajouter aux souffrancesde Job en le condamnant et en rejetantsa défense et ses arguments.

Les lecteurs du prologue savent quele mal, dans ce cas, n’est pas la consé-quence du péché de Job. À la fin du livre,Dieu balaye et condamne les argumentsdes amis de Job et par la même occa-sion ce type de théologie. Mais les pro-testations de Job sont aussi réfutées parl’affirmation que Dieu nous dépassetotalement et qu’il est au-delà de toutecompréhension humaine. (Job 38.4 et42.2, 5-6)

Il n’y a pas d’explication donnée à l’ori-gine du mal. C’est au travers de son che-minement avec Dieu, de sa découvertede celui-ci, que Job est conduit à laconfiance. C’est une démarche de foi, jus-tement dans la bonté et la toute-puissancede Dieu, qui est la seule réponse donnée.

Il me semble qu’on est là à la frontièreextrême de la raison. Dieu paraît nousdire « jusque-là ». Au-delà, il n’y a plusde place que pour la foi (Deutéronome29.28).

L’accueil des paradoxesCette démarche nous amène à

accueillir des paradoxes2. En effet, ration-nellement, il est difficile de coordonnerentre elles certaines affirmations. Noussommes conduits à une démarche dia-

lectique. La dialectique, c’est affirmerconjointement ce que notre raison ne peutcomprendre, c’est-à-dire « prendreensemble ». Si nous choisissons seulementl’un ou l’autre des aspects, nous faussonsla Parole. Ils sont vrais ensemble et sépa-rément, mais, si on n’en accepte qu’unen rejetant l’autre, ils deviennent faux.

Ils fonctionnent ensemble comme unstéréoscope, un appareil fait pour regar-der deux photos aériennes très proches.Il faut les superposer pour que le paysageen 2D surgisse en 3D. Il nous faut accep-ter que deux aspects qui nous paraissentcontradictoires puissent être non seule-ment vrais, mais aussi vrais ensemble.Pour un être humain et un théologien enparticulier, il est difficile de devoir renon-cer à une explication d’ensemble cohé-rente, à la non-possibilité d’élaborer unsystème.

Dieu est Dieu !À cause de nos préliminaires, une

remarque s’impose. Notre dernier constatne signifie pas pour autant que la véritéde Dieu est paradoxale, mais simplementque nos limites ne nous permettent pasde saisir la totalité de Dieu. Dieu parnature nous dépassera toujours. Notrecompréhension de lui et notre façon d’enparler resteront toujours limitées3. « Dieuest un océan, dont nous n’avons reçu quequelques gouttes », dit LEIBNIZ4.

L’existence de la révélation nous per-met de raisonner et argumenter sur lesujet. Elle ne nous autorise pas à pré-tendre tout comprendre et ainsi à maî-triser Dieu, à l’enfermer dans notrevision. Il reste un mystère.

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2 Belle expression de Louis SCHWEITZER, ibid, p. 493 Daniel 4.31-324 Essais de Théodicée, 1710, www.evene.fr, cité par Claude BOUCHOT

dans Dieu et le mal in www.Bouquetphilosophique.

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La réponse de Dieu :Jésus-Christ

Revenons à notre questionnement. Lemal, sans que nous sachions exactementson origine, est présent pour nous dès lespremiers textes de la Genèse. Il est là sousla forme d’un serpent. Il surgit dans letexte comme une donnée, comme un fait.Il paraît évident qu’il est lié à la déso-béissance, à l’orgueil et à la tentation dupouvoir. Il manifeste clairement la sépa-ration entre la créature et le Créateur. Dieuest celui qui constamment libère les êtreshumains des conséquences du mal aumilieu d’eux, en eux. Et la réponse estlui-même en Christ-Jésus.

Le Fils de Dieu est précisément apparu,pour détruire les œuvres du diable(1 Jean 3.8). Et cela s’est réalisé, car ils’est offert pour nous sur la croix, pournous délivrer de la puissance du mal. Surla croix, il a désarmé toute autorité,tout pouvoir, les donnant publiquementen spectacle quand il les a traînés dansson cortège triomphal après sa victoiresur la croix. (Colossiens 1.20)

La Bible nous révèle un plan de salutqui permet la venue du royaume de Dieu.C’est le « déjà pas encore ». Car ceroyaume est déjà là (il s’est approché denous lors de la venue du Christ) et enmême temps nous en attendons la pleinemanifestation. Henri BLOCHER dit : « [Lerègne qui est] englobe mystérieusementle mal, alors que [le règne qui vient] l’ex-pulse. »5 Dieu a répondu au mal d’unemanière active et engagée par sa vie etpar la croix. C’est un combat et c’est bience que souligne le texte de Colossiens déjàcité qui utilise l’image du triomphe dugénéral romain.

À l’heure actuelle, point de doute, lasouffrance et le mal non seulement sontprésents, mais on peut dire qu’ils s’« épa-

nouissent ». Quand le royaume en Christsurvient, les puissances du mal multiplientles combats. On suit cette réalité, depuissa venue au monde et l’absence deplace pour lui dans une hôtellerie, jus-qu’aux autorités qui cherchent à le tuer.Dès que son ministère commence, lesdémons réagissent et sont constammentprésents même s’ils sont toujours vain-cus. L’opposition des autorités civiles etreligieuses suit encore et la croix en estl’étape finale, mais aussi le triomphe deChrist (Col 1.20).

Il nous a libérés du mal, il a porté surlui, dans son corps, le poids du mal etde la souffrance et il est ressuscité.« Cette résurrection de Jésus est le signe,le gage et la manifestation initiale d’unenouvelle création, d’une réalité nouvelleà laquelle nous aurons part, qui est déjàacquise et qui sera bientôt manifestée. »6

Une vie à sa suiteÀ l’image du Christ, nous sommes

appelés à le suivre : c’est la suivance chèreà Dietrich BONHOEFFER (Nachfolge) qui,face au mal nazi, est aussi allé jusqu’aubout. La lutte est tout d’abord person-nelle, lors de notre conversion au Christ,c’est-à-dire quand nous tournons vers luinotre vie. En renonçant à toutes lesfausses sources de lumière qui nous gui-daient auparavant, nous accueillons ennous l’Esprit de Dieu. Le travail de ce der-nier en nous, entre autres choses, est d’ex-tirper toute racine du mal dans nos vies.C’est ce que la Bible appelle la sanctifi-cation. C’est un combat de toute notrevie terrestre. Nous passons ainsi durègne du mal au règne de Dieu. Si parcette nouvelle vie que Dieu crée en

DROIT ET JUSTICE

5 Le mal et la croix, Sator, 1990, p. 154.6 Louis SCHWEITZER, ibid., p. 55

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nous par Jésus-Christ, nous sommeslibérés de la conséquence principale dupéché dans nos vies, à savoir la condam-nation et la séparation éternelle d’avecDieu, nous n’échappons pas pour autantà l’existence du mal et aux souffrancesautour de nous et en nous. L’Évangile s’in-carnant dans nos vies n’est pas unegarantie contre le pouvoir du mal. Il peutmême le provoquer.

Ainsi, comme pour le scribe quidemande « qui est mon prochain ? » etdont la question est transformée en : « dequi suis-je le prochain ? », notre questionsur l’origine du mal, qui reste un mystèresans réponse, est changée pour nousconduire à nous tourner vers le futur, ennous donnant comme réponse non lasolution, mais une autre question : quefaire contre le mal ? « Par une tâche àaccomplir qui réplique à celle d’une ori-gine à découvrir. »7 Nous sommes doncinvités comme disciples à participer aucombat pour que le règne de Dieuvienne et que sa volonté soit faite. Cettelutte est contre le mal subi et contre le malcommis, mais c’est aussi une lutte contreles structures d’injustice dans notre sociétéqui non seulement s’accommodent fortbien de l’oppression et du malheur, maisencore les provoquent. Si certaines idéo-logies sont mauvaises par essence,d’autres peuvent au départ prôner desidéaux de liberté, de justice et de frater-nité, et cependant finir par des dictaturesatroces, des millions de morts. Des idéesnobles ne suffisent pas et les moyensemployés pour les défendre peuventpervertir les fins les plus justes.

Une conclusion qui n’estpas une réponse

En abordant la question du mal, noustouchons au cœur de la démarche chré-

tienne, cette « suivance » du Christ, àsavoir être son disciple. Essayons de gar-der tout ce qui nous est donné en nousrefusant de simplifier pour faire entrer laréalité du mal et de la souffrance dansnos systèmes. Je ne crois pas que nousayons à défendre Dieu. Dieu, parce qu’ilest Dieu justement, n’a pas besoin de nouspour se défendre. Mais nous devons refu-ser les solutions simplistes qui sont uncontre-témoignage et ne pas accepter lesaffirmations sur Dieu qui lui enlèvent unepart de divin. Non, Dieu n’a pas créé lemal, non, il n’est pas injuste. Si onacceptait une de ces positions, Dieu neserait plus bon et juste donc il ne seraitplus Dieu.

Rappelons-nous que nous parlons dusein même de la situation humaine, etdonc comme sujet et objet du mal. C’està l’Évangile que tout doit être ainsi rap-porté, ce centre, en Christ, de la foi et detoute compréhension qui se veut chré-tienne. La croix et la résurrection en sontle cœur, mais tout le cheminement du dis-ciple en découle. Nous ne devons jamaiscesser de lutter contre le mal sous quelqueforme que ce soit et contre ses effets. C’esten cela que nous serons bien les disciplesdu Christ. Aucun raccourci n’est possible,aucune solution ou explication qui nousferait apprivoiser le mystère inaccep-table du mal et nous donnerait des rai-sons d’arrêter le combat. Le mal reste unmystère que nous ne pouvons percer. Lafoi, la lutte contre le mal et les soins appor-tés à ceux qui souffrent sont les meilleureset les seules vraies réponses qu’il m’estdonné d’avoir et de vivre.8

F-J.M.

7 Paul RICŒUR, Le mal, un défi à la philosophie et à la théologie, Laboret Fides, 1996, p. 39.8 Nous avons ici fait nôtres les paroles de conclusion de Louis SCHWEITZER

que nous approuvons pleinement. Ibid p. 61-62.

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DROIT ET JUSTICE

ANNE LOMBET

AVOCAT AUPRÈS

DU BARREAU DE

PARIS,MEMBRE DE

L’EGLISE BAPTISTE

DE L’AVENUE DU

MAINE À PARIS

Avocat, découverted’un métier

« Je jure, comme avocat, d’exer-cer mes fonctions avec dignité,conscience, indépendance, probitéet humanité ! » Tel est le sermentque j’ai formulé il y a quelquessemaines déjà. Il y a derrière cesmots des siècles de tradition et d’his-toire et, également, je le perçois par-ticulièrement, une vocation presqueecclésiastique et le poids – et la joie– d’une mission de cet ordre. Jeviens d’entrer dans cette professiond’avocat avec tout l’enthousiasmede la jeunesse et la joie de la fin demes études.

J’ai commencé mes études dedroit avec l’envie de devenir magis-trat. J’ai gravi les échelons, obtenules diplômes successifs, choisi dem’orienter vers les carrières judi-ciaires, avec cette même envie, etme suis alors heurtée à la douleurde l’échec. J’ai appris que lesvoies de Dieupouvaientêtre dif-

férentes de celles que je m’étais tra-cées. La porte m’a été fermée pourêtre magistrat. Elle s’est cependantlargement ouverte pour être avo-cat. J’ai changé de voie, sans aucunregret à ce jour, convaincue quecette place ne pouvait que meconvenir puisque si clairement choi-sie pour moi.

Au cours de ma formation pourêtre avocat et de mes différentsstages, j’ai découvert un métierextraordinaire. Je l’ai appris, et jel’apprends encore, au sein de cabi-nets de petite taille, qui exercentnotamment en droit de la famille,matière qui, déjà au cours de mesétudes à la fac, m’attirait particuliè-rement. J’aime cette liberté que j’aidans l’exercice de mon métier ; derecevoir des clients, de gérer leurdossier en toute indépendance,d’écouter, de chercher des solutions,des rapprochements, et de plaideraussi.

Il y a tellement d’avo-cats, et tellement de

manières d’exercercette profes-s ion. Cer-

tains s’orien-tent vers les

affaires, vers leconseil, côtoient

plutôt des sociétés,

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des dirigeants, des professionnels, etrejoignent de grands cabinets, souventanglo-saxons. D’autres choisissent descabinets « à taille humaine », reçoiventdes particuliers, s’exercent à des matièrescomme le droit de la famille, le droitsocial, et veulent, au quotidien, allerplaider. Ce schéma, un peu caricatural,reflète les deux grandes tendances decette profession.

J’ai choisi pour ma part d’exercer entant que collaboratrice d’un cabinet depetite taille. J’y ai découvert tout ce queje sais aujourd’hui, tant dans mes rela-tions avec les clients, que sur le fond etla forme du droit que je pratique.

Je suis entrée dans un ordre porteurd’histoire et de tradition, porteur devaleurs et de grandes missions. Quelleque soit la forme d’exercice choisie, ils’agit de défendre les droits de son client,et d’œuvrer au mieux de ses intérêts.L’avocat n’est pas si loin de l’ecclésias-tique, qu’il était historiquement. Il nes’agit plus seulement de défendre laveuve et l’orphelin, mais cette missiond’aide, de soutien, perdure de façonincontestable. La robe noire des avocatsen est le rappel.

En entrant dans ce métier, j’ai décou-vert un cadre très particulier, un code àrespecter, des usages à conserver. Lelangage du droit sonne déjà comme unelangue étrangère pour ceux qui ne leconnaissent pas. L’introduction dans lemilieu judiciaire ajoute à ce sentimentd’étrangeté. Tout un rituel est mis enplace, une manière de parler, une façonde se comporter... J’aime énormémentce cadre, ce cérémonial, ce rappel denos responsabilités et du soin que nousdevons porter à la défense de nos clients.

La lucidité veut cependant quej’aborde également les difficultés de ce

métier. C’est un métier qui exige dispo-nibilité et travail. Qui exige de donner deson temps, de son énergie, et de sonargent également. Rejetez l’idée del’avocat qui s’enrichit comme il respire,elle est loin d’être vraie.

Et cependant, cela n’ôte pas ce sen-timent si précieux d’être utile, de savoirque les compétences acquises au coursde tant d’années d’études ne sont pasvaines, mais peuvent prendre du reliefen servant autrui.

En ce début d’exercice profession-nel, j’espère pouvoir exercer mon métieravec la droiture et la rigueur qui m’ontété enseignées, dans mes études dedroit, mais également dans ma famille,dans mon cadre de vie. J’ai la joie depouvoir travailler dans un cabinet danslequel ma foi n’est pas un secret. J’enretire beaucoup de paix et de force.

***Certains diront sans doute que je n’en

suis qu’au début de mon activité pro-fessionnelle, et que cela se sent. Quemes idéaux envers cette professionseront certainement mis à mal au coursde mes années d’exercice. Sans doute,peut-être. Mais je sais aujourd’hui quece métier n’est pas le mien pour rien. J’aila joie de m’épanouir dans ce que je fais,de ressentir tant de joie et de recon-naissance pour la place qui est la mienneaujourd’hui.

J’ai toujours voulu pouvoir dire, avecconviction, un jour dans ma vie : « Jesais en qui j’ai cru », à l’image de l’apôtrePaul (2 Tm 1.12). Aujourd’hui, je sais enqui je crois.

Cette entrée dans le métier d’avocata été pour moi une révélation de lagrandeur de Dieu et de la confiancequ’il mérite en toute circonstance.

A.L.

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Merci, Élie, de répondre aux ques-tions de « Servir ». Tu es aujourd’huipasteur dans une Église évangé-lique arménienne de Marseille et tuas aussi passé quelques annéesdans l’Église de Loriol. Commentt’es-u retrouvé juré à la cour d’as-sises ?

Par tirage au sort sur liste électorale :un premier, puis un deuxième quiconfirme et ensuite un troisième tirageparmi les présents. Neuf jurés et unsuppléant sont retenus. Être juré, celapeut donc arriver à tous ceux qui figu-rent sur les listes électorales. C’est undevoir de citoyen.

Lors du tirage, certains jurés peu-vent être récusés sur avis des avocats.Ces derniers ont leurs raisons mais nedonnent aucune explication. Il se peutqu’un juré soit récusé parce qu’il setrouve en relation indirecte avec lesfaits, par exemple à cause de sa pro-fession (être banquier et juger uneaffaire de braquage)

Combien de temps cela t’a-t-il pris ?Cela a duré deux semaines pour

trois affaires. Pour la troisième, j’ai eule privilège d’être élu premier juré, c’est-à-dire celui qui représente les jurés dansles délibérations.

Qu’est-ce qui était le plus délicat,le plus difficile ?

Ce qui était difficile, à mon avis,c’est tout d’abord de rendre un juge-ment juste. Quand on prête serment,on promet de n’écouter ni la haine oula méchanceté, ni la crainte ou l’af-fection. On doit se baser exclusivementsur les faits. C’est délicat : il ne faut passe laisser entraîner par les émotionssans toutefois tomber dans la froideur,dans l’absence de compassion.Finalement, la loi pose cette questionaux jurés : Avez-vous une intimeconviction ? Aux Assises, on se donnele temps pour écouter, saisir, être le plusobjectif possible. On entend les poli-ciers, les experts psychiatres et méde-cins légistes, les témoins de la défenseet de la partie civile. Dans les troisaffaires, la sentence maximale a été de17 ans fermes. L’accusé, reconnu cou-pable, est encore en prison actuelle-ment et pour longtemps. Pourtant jen’ai aucun sentiment de culpabilité ;je ne suis pas en train de me dire queje me suis trompé.

La deuxième difficulté est de voirla profondeur du mal dans l’humain,l’étendue du péché. Comme le sou-ligne Paul TOURNIER : « On a toujoursdes surprises avec l’homme, des sur-prises en mal ou des surprises enbien. » En écoutant le récit d’un crime,

Questions à Interview Élie Jalouf

Juré... un devoir de citoyen

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on réalise pleinement que souvent toutcommence par un mauvais choix, qui enentraîne d’autres. La machine est enmarche, et il faudrait à ce moment-làbeaucoup d’énergie pour l’arrêter. Lesconséquences de cet engrenage de mau-vais choix vont rapidement dépasser lapersonne. On peut penser au verset del’épître de Jacques : « Mais chacun est tentéquand il est attiré et amorcé par sa propreconvo i t i se . Pu i s l aconvoitise, lorsqu’elle aconçu, enfante le péché ;e t l e p é c h é , é t a n tconsommé, produit lamort. » (Jc 1.14-15)

Un mot sur les rela-tions entre jurés, leséchanges …

La personnalité desjurés apparaît très vite.Comme il s’agit d’ungroupe composé degens tirés au sort parmil ’ e n s e m b l e d e scitoyens, on obtientforcément une équipehétéroclite et toute unepalette de positionnement qui va du léga-lisme jusqu’au laxisme.

Pourtant, le président (le juge) estarrivé, pendant les sessions d’Assises aux-quelles j’ai pu participer, à modérer, àprendre en compte notre individualité eten dégager une homogénéité. C’est luiqui nous a expliqué le fonctionnement :le nombre d’années qui peut être attri-bué à telle ou telle faute. Cependant, unepeine peut varier en fonction du pour-centage d’hommes ou de femmes parmiles jurés, de la récidive et de la couver-ture médiatique du moment : notammentsi un fait similaire a ému l’opinion

publique, pendant ou juste avant leprocès.

Arrivais-tu à prendre du recul par rap-port aux plaidoiries ?

En tant que chrétien, on a forcémentdu recul par rapport au discours humain,sachant que tout homme est pécheur, etque la Vérité ne se trouve pas en lui.

Quand on écoute les avocats de

chaque partie, on est à la fois ému parl’éclairage qu’ils apportent sur les raisonsqui ont entraîné l’accusé aux Assises, età la fois vigilant sur tous les faits qu’ilspassent sous silence. Chacun est convain-cant. C’est la défense qui parle en der-nier.

Il nous faut d’abord déterminer, ennotre âme et conscience ce qui noussemble véridique. Les doutes sont fina-lement levés en grande partie. En effet,le juge pose des questions pertinentes quiclarifient autant que possible les zonesd’ombre. Pour les trois affaires, à unmoment donné, pour les jurés c’était

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clair : nous avions une intime conviction. On en tire une leçon de vie : notre

décision se forge avec des doutes et descertitudes et cela finit par devenir uneconviction.

Il nous faut ensuite fixer la hauteur dela peine et là c’est beaucoup moins évi-dent, même si le juge nous explique lebarème des peines. Les positions de cha-cun ressortent souvent à ce moment-làet nous emportent dans des discussionsparfois longues.

Naviguais-tu entre le désir de justiceet la compassion ?

La conviction n’enlève pas la com-passion. Ce qui limite cette dernière, c’estla récidive. Dans l’un des cas, l’accusécomparaissait pour la sixième fois devantla justice. Être alors compatissant, qu’est-ce que cela voudrait dire ?

Mais il nous faut garder la notion quela justice n’est pas là pour se venger, etque tout homme peut se repentir à unmoment de sa vie. Si le jugement viseà déterminer la culpabilité et la durée dela peine, il cherche aussi, et peut-être sur-tout, à faire réfléchir l’accusé sur son étatet les conséquences de ses choix de vie.On ne pense pas seulement au coupable,mais aussi à l’homme, à sa vie et à safamille.

Portes-tu un regard différent sur la jus-tice après l’avoir côtoyée de plusprès ?

J’ai sympathisé avec le président dela Cour et l’avocat général. J’ai rencontrédes gens très humains, avec leurs limiteset la compréhension de leur rôle. Ce n’estpas la justice froide.

Par exemple, un homme s’est vuacquitter alors qu’il aurait pu êtrecondamné pour recel. Pourquoi ? Des élé-

ments ont été pris en compte : avant leprocès, il a trouvé un travail, acquis unecertaine stabilité au niveau de son coupleet, enfin, il était gravement malade. Lejuge lui a bien signifié qu’une chance luia été accordée. C’est de la clémence. Lejuge m’a regardé en donnant le verdictet a dit : « C’est un geste chrétien. »

Cependant, « la justice a la mémoirelongue ». Si quelqu’un est gracié une foiset qu’une autre affaire survient…

Penses-tu qu’un juré chrétien soit dif-férent d’un autre juré ?

Pour le juré chrétien, il y a la loi et lagrâce. Pour les autres, souvent ce n’estque la loi ou que la grâce. Et puis, jepense que le juré chrétien va davantagerespecter l’accusé, même si ce qui a étécommis est effroyable, parce qu’il sait quele péché est en l’homme.

Par ailleurs, en tant que pasteur, lorsdes Assises j’ai reçu beaucoup de témoi-gnages de respect de la part des jurés etdes magistrats. Il semble que certainesde mes paroles aient vraiment été enten-dues, appréciées. On est toujours heu-reux quand, en tant que chrétien, on estporteur de lumière.

Elie, tu avais été aumônier stagiaireà la prison des Baumettes. Est-ce quecela t’a aidé quand tu t’es retrouvéjuré ?

Oui, cela m’a permis de relativiser, car,lors de mon stage, j’avais eu connaissancede délits plus graves que ceux que j’aiété amené à juger. Cela m’a égalementpermis de visualiser le milieu carcéral,c’est-à-dire le concret de la peine que ceshommes et ces femmes vont devoirvivre.

Propos recueillis par Marie Christine FAVE

DROIT ET JUSTICE

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Chaque décembre à la salle desfêtes de Villard-de-Lans, la pe-

tite assemblée « Agape du Vercors »,qui ne compte qu’une vingtainede membres, présente son désormaistraditionnel spectacle de Noël.

Sur les bases d’un scénario « mai-son » écrit chaque année pour l’oc-casion et constituant unepièce à part entière, unepetite équipe s’enthou-siasme en créant décors,costumes… et en faiantjouer une quinzaine d’en-fants, sans compter lesmusiciens, marionnettistes,« ingénieurs son et lu-mière »… et autres préposésau goûter final.

C’est un gros travailde rédaction et de préparation. Maisquel plaisir à concevoir ensemble,trouver place à chacun et voir lasalle des fêtes se remplir de visi-teurs ravis, revenant chaque an-née, demandant à s’impliquer !Quelle joie pour les enfants qui at-tendent, qui répètent, qui invitent !Quelle reconnaissance pour la ri-chesse des moments partagés,des échanges engendrés, de la Pa-role semée !

Car si ce spectacle fédère les

membres de l’É-glise et enthousiasmeleurs enfants, il at-tire aussi des spec-tateurs et des par-

ticipants extérieurs à la communauté

– la moitié des enfants pour le cru2010 ! – fidèles d’année en année.

Une formidable occasion de vivreensemble et de partager notrefoi en évoquant le sens de Noël…

Christel ENTZMANN

Évangéliser aujourd’huiRubrique de la Commission d’Évangélisation et d’Implantation d’Eglises (CEIE) des CAEF

C.E.I.E.

Noël, une opportunité pourprésenter le message de l’ÉvangileARTICLE RÉALISÉ PAR MARIE CHRISTINE FAVE

Spectacle de Noël à Villard-de-Lans

Noël en fête à l’ECE de Grenoble

Depuis un an maintenant, l’É-glise Chrétienne Evangélique1

prépare, pour la fin de l’année2010, un festival d’évangélisation :Noël en fête ! dans le centre-villegrenoblois, lieu de notre implan-tation. Nous avons souhaité à la

fois partager, avec le plus grandnombre, le message de l’Évangilesouvent oublié à Noël et impliquerde nombreux frères et sœurs del’Église dans la préparation. Un

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1 3bis rue Casimir Périer 38000 GRENOBLE

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Église de Villenave-d’Ornon (33)Interview de Marc WEBER

Que faites-vous pendant la période de Noël ?Nous préparons un spectacle d’environ 1 h 30et un culte de Noël. Le spectacle s’adresse aux enfants et auxadultes et une trentaine de personnes inter-viennent. Une personne dans l’église est pré-posée aux évènements spéciaux.Pour le culte, les uns et les autres participent etpartagent autour de Noël. Certaines personnesinvitées au spectacle viennent aussi au culte. Lescultes des années passées ont encouragé leschrétiens à inviter. Pendant ce temps de l’année,je souhaite aussi rééquilibrer par rapport à cequ’on entend dans le monde, et je donne ainsiquelques prédications sur Noël.

Un mot sur l’assistance au spectacle…Bonne fréquentation : familles, amis, connais-sances. Ces personnes viennent surtout parinvitation personnelle.

Les revoyez-vous après ?Ce sont des personnes que nous voyons régu-lièrement. Certains ont l’impression que rien neprogresse et que nous retrouvons toujours lesmêmes d’une année sur l’autre. Je ne suis pasde cet avis. Il ne faut pas se décourager parcequ’à un moment ou à un autre, la Parole deDieu touche les cœurs. D’ailleurs, l’un ou l’autres’est rajouté à l’Église.

Quelles conséquences ces évènements ont-ils dans votre vie d’église ?Depuis la rentrée, un groupe se retrouve tousles jeudis matin pour les préparatifs du spec-tacle. Cela participe à la communion frater-nelle et ouvre parfois sur des entretiens pasto-raux. On travaille ainsi sur plusieurs axes. Demême, pour la dernière kermesse, nous avonseu moins de visiteurs et cependant nous récol-tons encore les fruits de cette préparation dansla vie d’église.

festival d’activités s’est donc rapidement imposé,ainsi que la période de l’Avent pour sa produc-tion.

Une année, rien de trop pour préparer une telleaction ! La remettre sans arrêt dans la prière, ajus-ter, modifier, planifier, se préparer logistique-ment et spirituellement : autant de challenges pourles amateurs que nous sommes, mais aussi debénédictions !

Noël en fête ! c’est une brocante d’affaires pourenfants, un tournoi de « futsal » avec l’associa-tion Sport et Foi, deux concerts, deux fêtes de Noëlpour enfants, des clubs de Noël dans les maisons,des sondages, des Bibles et évangiles distribués,des crêpes pour les passants, une chorale deNoël… Les préparatifs vont bon train, en parti-culier avec des sorties d’évangélisation les same-dis après-midi, de nombreuses répétitions en tousgenres, autant d’occasions qui nous sont donnéespour nous encourager, mieux nous connaître et,parfois, être confrontés à nos limites et nosfatigues.

En parallèle à ces actions, nous avons voulupenser aussi aux plus faibles dormant dans les ruesde notre cité, par le don de couvertures et de bois-sons chaudes.

Pour nous, tout est défi et chaque perspectiveest un acte de foi, jusqu’au tout dernier jour ! Maisnous avons confiance en l’efficacité de la Parole :elle est notre ancre, notre assurance. C’est pourcela qu’un défi a été lancé dans l’Église : quechaque frère et sœur donne au moins une Bible2

à une personne de son entourage. À ce jour, prèsde 100 Bibles ont déjà quitté nos locaux !

C’est avec beaucoup d’humilité, d’enthou-siasme et une pointe d’anxiété, que nous abor-dons cette action. Mais à nous qui sommes en« première ligne », Dieu nous a déjà tellementdonné dans cette préparation…Noël en fête ! En toute chose, nous avonsvoulu sa préparation à la seule Gloire de notreDieu ; qu’il en soit de même dans sa production.

Jean-Marc BOGGETTO

2 Merci à l’Église de Paris Nation pour son don !

NOËL EN FÊTE À L’ECE DE GRENOBLE (SUITE)

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Depuis quand la bourse existe-t-elle et quelle est son évolution ?Cette bourse a démarré, il y a 14ans,par l’initiative de Catherine DICK-SON. Au fil des années, elle a prisde l’ampleur. Aujourd’hui, envi-ron 200 personnes des alentoursdu CEP rentrent dans nos locauxà cette occasion.

Comment fonctionnez vous ?Les personnes qui participent ontdeux possibilités :• Elles peuvent donner des jouets

et 100 % de la vente sera reverséeau Service d’Entraide et deLiaison (SEL).

• Elles peuvent aussi apporterles jouets en dépôt vente. Dansce cas, nous retenons 10 % dela vente pour le SEL.

La somme récoltée s’élève au-jourd’hui à l’équivalent de trois par-rainages annuels d’enfants. Elle atriplé depuis le début.

En tant qu’église, quelles sontvos motivations pour organisercet évènement ?Principalement quatre :• Récolter de l’argent pour par-

rainer des enfants avec le SEL.Aujourd’hui, nous assurons un

parrainage et le reste de l’argentsert pour d’autres projets du SEL.

• Se faire connaître dans le quar-tier. On atteint davantage les gensqui viennent pour le dépôtvente car on les voit. Les autresparfois déposent seulementleurs paquets. On remet unprospectus du SEL et un calendrierà chaque participant. 80 %l’acceptent et certains le rede-mandent l’année suivante.

• Faire meilleure connaissancedans l’église. Servir ensemble per-met d’apprendre à se connaître.C’est une se-maine privi-légiée. Na-turellement,je vais tou-jours vers lesmêmes per-sonnes. Labourse nous amène à connaîtredes frères et sœurs vers quinous ne serions pas allé. Unetrentaine de bénévoles partici-pent, y compris de l’Église an-glophone qui partage nos locaux.

• Côté écologique, cela montre aussiaux enfants qu’on se soucie dela planète. Les jouets non ven-dus sont envoyés dans un or-

phelinat ou donnés à une as-sociation.

Que constatez vous au niveaudes conséquences et des fruitsd’un tel investissement ? Deux familles ont demandées àen savoir davantage au sujet denotre foi. Nous les avons orien-

tées vers les Cours Al-pha que notre as-semblée organise.Il y a aussi une re-connaissance de la

part des mairies de Meylan etCorenc. Cette dernière met aussià notre disposition des tables,une petite subvention et parle denous dans ses journaux.

En conclusion ?Beaucoup de stress, beaucoupde prière et des moments superforts !

Le CEP du Grésivaudan, à Corenc (Isère), organise chaque annéeune bourse aux jouets pendant la troisième semaine de Novembre.Meryem DUCRET, une des responsables, nous explique leur démarche.

Bourse aux jouets au CEP Meylan (38)

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Conte de Noël

Le cadeau de l’Enfant JésusLe cadeau de l’Enfant JésusLe cadeau de l’Enfant JésusLe petit Jonathan, huit ans,

arriva avec les bergers àla crèche de Bethléem. Il

regarda l’Enfant et l’Enfant le re-garda. Les larmes lui vinrent alorsaux yeux.– Pourquoi pleures-tu ?, de-manda Jésus.– Parce que je ne t’ai rien ap-porté.– Tu peux quand même m’offrirquelque chose, répondit Jésus.Alors Jonathan devint rougede joie et dit :– Je veux bien t’offrir ce que j’aide plus beau.– Je voudrais trois choses de toi,dit Jésus.Jonathan proposa tout de suite :– Ma Game-Boy, mon trainélectrique et mon plus beaulivre, celui avec plein d’imagesdedans.– Non, dit Jésus, je n’ai pas be-soin de tout ça. Ce n’est pas pourça que je suis venu sur la terre.Je voudrais tout autre chosede toi.– Quoi donc ? demanda Jona-than. Il avait très envie de sa-voir.

– Offre-moi donc le dernier de-voir que tu as fait à l’école, ditJésus tout doucement pour quepersonne d’autre n’entende. Jo-nathan sursauta, il s’approchatout près, tout près de la crècheet chuchota à son tour :– Mais écoute, Jésus, le maître,il a écrit dessus : insuffisant.– C’est bien pour ça que je leveux !– Ben pourquoi ? demanda Jo-nathan.– Donne-moi toujours ce qui estclassé insuffisant dans ta vie. Tume le promets ?– Ben, j’veux bien, réponditJonathan. – Et je veux encore un deuxièmecadeau, dit Jésus. Donne-moiton bol du petit-déjeuner.– Mais je l’ai cassé ce matin !– Apporte-moi ce que tu ascassé et ce qui est cassé dans tavie, je le réparerai. Tu me don-neras ça aussi ?– Oui, je veux bien. Si tu veuxça, je te le donne aussi. – Et maintenant, mon troisièmevœu, dit Jésus. Voilà, apporte-moi la réponse que tu as faite

à ta mère quand elle t’a demandécomment ton bol s’était cassé.Là, Jonathan a posé sa tête surle bord de la crèche et il s’est misà pleurer, mais à pleurer tout fortcomme un petit garçon qui a untrès gros chagrin.– J’ai, j’ai, j’ai…Il avait du mal à parler.– J’ai dit que le bol était tombépar terre et que c’était la fautede ma petite sœur, mais envrai, c’est moi qui l’ai poussé dela table parce que j’étais très encolère.– Apporte-moi tous tes mensonges,tes jalousies, ta fierté, tout ce quetu penses avoir fait de méchant,dit Jésus. Et si tu viens avec toutça vers moi, je te prendrai dansmes bras, je te consolerai et jet’aiderai. Je veux te libérer. Jet’accueille dans ta faiblesse, teslimites, ta fragilité. Tu veux bienaccepter mon cadeau ?Et Jonathan écouta et s’émer-veilla.Il s’agenouilla, son cœur jubilait.

Recueilli sur Internet par Thierry SEEWALD

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Paruen librairie

Animationbiblique.org- LE LIVRECOLLECTIF, EDITIONS LLB, 2010,72 PAGES, 12,00 €

Ce livre tire sa substance du site« www.animationbiblique.org »

réalisé en parte-nariat avec la Fé-dération Protes-tante de France.Cet ouvrage offreune pédagogie etdes outils pouranimer un groupede découverte dela Bible et de dia-

logue. Il propose à l’animateuren herbe qui sommeille envous, de bâtir ses propres ani-mations de groupe. Il contient12 fiches théoriques concer-nant le groupe, le texte bi-blique et l’animateur et 8 fichesde méthodologie. Une aidepour ceux qui doivent animerun groupe de découverte de laBible avec des adolescents, desjeunes ou des adultes. F-J.M.

Foi, politique et sociétéCOLLECTIF, ÉDITIONS OURANIA, 2010,236 PAGES, 22,00 €

Thème délicat dans nos Églises :celui de l’engagement poli-tique et social du chrétien.Qu’en dit la Bible ? Plusieurspoints de vue etpistes de réflexiond’auteurs de dif-férents horizonsculturels et géo-graphiques sonttraités dans cet ou-vrage. Les contri-

butions sont : 1) L’individu, lareligion et le pouvoir politiqueface à la crise écologique (F. Bau-din) ; 2) Être engagé politi-quement, oui mais pour quoifaire ? (F. de Coninck) ; 3) Stylede vie simple et engagement so-ciopolitique (D. Hillion) ; 4) Lechrétien engagé : valeurs vécues(S. Hyka et M. Holland) ; 5) Lechrétien face au défi de l’im-migration (R. Lumengo) ; 6)Être témoin du Christ en poli-tique (F. Meyer) ; 7) Le chris-tianisme au défi de la démocratie(J. Neirynck) ; 7) L’étoile et le sex-tant. L’utilité d’une vision bibliquepour la société (C. L. Ngnambi).

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Décidé à tuer Un révolté devenuréconciliateurSTEPHEN LUNGU ET ANNE COOMES,ÉDITIONS BLF, 2010, 252 PAGES,14,00 €

Ceux qui aimentl’aventure se-ront servis. Ste-phen vit dansun quartier noiret pauvre duZ i m b a b w e .Abandonné àsept ans par samère, maltraité par sa tante, ilpréfère survivre dans la rue et

dormir sous les ponts. Ado-lescent, il devient chef degang. Sa haine de lui-mêmeet de la vie ne cesse d’aug-menter. Un jour il planifie unattentat contre un rassem-blement chrétien... Par unesuccession d’aventures in-

croyables, Dieu transforme Ste-phen et le guérit de sa haineet de sa culpabilité. Stephen seretrouvera ensuite à la tête dela mission internationale Afri-can Enterprise.

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Combattre l’incrédulité Contrer le plaisir du péchépar un plaisir supérieurJOHN PIPER, EDITIONS CLE, 2010,160 PAGES, 11,00 €

Comme son sous-titre le précise, cecin’est pas un livresur l’évangélisa-tion ! L’incrédu-lité dont il est ques-tion est la mienne,la nôtre, celle quinous fait prendredes vessies pour des lanterneslorsque nous nous laissons ber-ner par les promesses – allé-chantes mais creuses – du pé-ché. John Piper ne se contentepas de démasquer les ruses dumal. Il nous rappelle en mêmetemps et avec force les promessesextraordinaires de Dieu, cellesqui fournissent l’antidote pourl’anxiété, l’orgueil, la honte in-appropriée, l’impatience, laconvoitise, l’amertume, le dé-couragement et la luxure. Cespromesses devraient nousconvaincre que nous sommes loind’avoir épuisé toute la grâce queDieu tient en réserve pour sesenfants. Un livre édifiant etencourageant qui nous incitefortement à vivre dans l’at-tente active de la grâce en-core à venir. RS

La rédaction de « Servir » ne cautionne pas obligatoirement toutes les affirmationset positions présentées dans les ouvrages répertoriés. Certains ouvrages peuvent tou-tefois présenter un intérêt pour l’étude et nous faisons alors mention de nos réserves.

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