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1 Qualité de l’information comptable et financière et responsabilité pénale des auditeurs en France et aux États-Unis 1 Un même enjeu en France et aux États-Unis à deux périodes différentes Audrey COUTURIER Ancienne étudiante du Master 2 droit pénal financier promotion 2010 La qualité des informations financières et comptables : un enjeu primordial. 1. « La crise financière a renforcé la pression exercée sur les auditeurs légaux pris souvent entre le marteau et l’enclume, écartelés entre les entreprises qu’ils contrôlent et la Justice qui leur demande d’être les garants de l’ordre public économique. » Les scandales financiers qui se sont multipliés depuis près d’une décennie ont fait apparaître un écart important entre les informations données aux investisseurs et la réalité économique des entreprises. Quel est le rôle joué par l’information comptable et financière vis-à-vis de ses destinataires dans leur décision d’investissement ? Ladite information semble jouer un rôle secondaire dans la décision d’investissement : en effet, l’information est complexe parce que trop abondante : « jamais les rapports annuels ou les documents de référence n’ont été aussi lourds » 2 . De plus, l’information communiquée aux actionnaires et investisseurs n’est plus exclusivement comptable et financière : les informations non financières (notamment les informations sociales et environnementales) jouent aujourd’hui un rôle prépondérant dans la décision 1 Apprentissage effectué chez Aon France. Mémoire dirigé par Jérôme Goy, Directeur d’Aon Professions, et Anne-Dominique Merville, Maître de Conférences à l’Université de Cergy-Pontoise. 2 http://www.rerolle.eu/post/2010/05/24/Le-r%C3%B4le-de-l%E2%80%99auditeur-dans-le- r%C3%A9tablissement-de-la-confiance-des-march%C3%A9s

Qualité de l’information comptable et financière et ... · Malgré la définition précise de l’audit comptable et financier, ... Cette différence de conception du rôle joué

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Qualité de l’information comptable et financière et responsabilité pénale des auditeurs en France

et aux États-Unis 1

Un même enjeu en France et aux États-Unis à deux périodes différentes

Audrey COUTURIER

Ancienne étudiante du Master 2 droit pénal financier promotion 2010

La qualité des informations financières et comptables : un enjeu primordial.

1. « La crise financière a renforcé la pression exercée sur les auditeurs légaux pris souvent entre le marteau et l’enclume, écartelés entre les entreprises qu’ils contrôlent et la Justice qui leur demande d’être les garants de l’ordre public économique. »

Les scandales financiers qui se sont multipliés depuis près d’une décennie ont fait apparaître un écart important entre les informations données aux investisseurs et la réalité économique des entreprises.

Quel est le rôle joué par l’information comptable et financière vis-à-vis de ses destinataires dans leur décision d’investissement ? Ladite information semble jouer un rôle secondaire dans la décision d’investissement : en effet, l’information est complexe parce que trop abondante : « jamais les rapports annuels ou les documents de référence n’ont été aussi lourds »2. De plus, l’information communiquée aux actionnaires et investisseurs n’est plus exclusivement comptable et financière : les informations non financières (notamment les informations sociales et environnementales) jouent aujourd’hui un rôle prépondérant dans la décision

1 Apprentissage effectué chez Aon France. Mémoire dirigé par Jérôme Goy, Directeur d’Aon Professions, et Anne-Dominique Merville, Maître de Conférences à l’Université de Cergy-Pontoise. 2 http://www.rerolle.eu/post/2010/05/24/Le-r%C3%B4le-de-l%E2%80%99auditeur-dans-le-r%C3%A9tablissement-de-la-confiance-des-march%C3%A9s

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d’investissement. Toutefois, la crise financière a relancé le débat et a eu pour effet de remettre l’information comptable et financière au premier plan.

La crise financière a mis en exergue l’existence de failles au sein de la communication des informations comptables et financières. De ce fait, les marchés sont sujets à une crise de confiance. Les objectifs, suite à cette crise financière, tendent à favoriser la transparence sur les marchés financiers et renforcer la qualité de la communication financière afin de rétablir la confiance des investisseurs. Ce rétablissement de la confiance des investisseurs s’avère être un long processus.

Le renforcement de la qualité de la communication financière, afin de rétablir la confiance des investisseurs, est un enjeu international. En effet, suite aux scandales financiers du début des années 2000 en Europe et aux États-Unis, les pouvoirs publics se sont attachés à renforcer la qualité de la communication financière afin de rétablir la confiance du public, des épargnants et des investisseurs. Ce vaste mouvement s’est traduit par l’adoption d’un ensemble de textes dont l’objectif commun est l’amélioration de la sécurité financière. L’année 2005 a ainsi vu l’application des normes IFRS (International Financial Reporting Standards). Ces normes sont destinées aux entreprises cotées ou faisant appel à des investisseurs afin d’harmoniser la présentation et la clarté de leurs états financiers.

2. Le rôle de l’auditeur légal. Les entreprises ayant de plus en plus recours aux marchés financiers comme moyen de financement, les investisseurs sont un élément-clé de la vie économique. Ces investisseurs sont avides d’informations financières fiables3. Il convient donc d’assurer leur protection et de rétablir et élever leur confiance dans les informations comptables et financières qui leur sont communiquées.

Lorsque l’on parle d’informations comptables et financières, il convient d’évoquer le rôle de l’auditeur légal (notion commune aux commissaires aux comptes en France et aux auditeurs externes aux États-Unis). En effet, l’audit comptable et financier est un examen des états financiers de l’entreprise visant à vérifier leur sincérité, leur régularité, leur conformité et leur aptitude à refléter l’image fidèle de l’entreprise. Ainsi l’audit légal fait partie intégrante du contrôle de l’information comptable et financière.

La dernière crise financière ayant mis à mal la confiance des investisseurs, nous allons centrer notre étude sur la relation entre l’auditeur et l’investisseur.

Malgré la définition précise de l’audit comptable et financier, le rôle exact de l’auditeur légal fait l’objet d’un débat. En effet, le commissariat aux comptes a connu une évolution par le biais de l’élargissement du champ d’intervention et du contenu de la mission du commissaire aux comptes et par le biais de mises en cause plus fréquentes. Il y a eu une augmentation du nombre d’informations émises par les entreprises en raison de la complexité croissante des opérations financières et de leur traduction comptable. De plus, nous faisons face à une multiplication des missions particulières. En vertu des nouvelles normes IFRS, il apparaît comme l’assurance de la fair value c’est-à-dire de la fourniture de la valeur de marché de l’entreprise à tout moment. Il est perçu comme une assurance contre les risques d’une mauvaise

3 Rapport d’activité 2007-2008 de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, « Le commissariat aux comptes, une profession en pleine (r)évolution ».

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information comptable et financière. De plus, la loi du 1er août 2003 relative à la sécurité financière avait pour but de responsabiliser les acteurs de l’information financière en rétablissant « une chaîne de sécurité financière rompue » : elle a, dans cet objectif, renforcé le rôle des commissaires aux comptes en le plaçant « au cœur du gouvernement d’entreprise ».

Se pose alors la question suivante (illustrée par la citation précédente) à laquelle est confrontée la profession d’audit : quel est le rôle joué par l’auditeur légal dans la communication d’informations financières (Chapitre 1) ? Ce débat a véritablement émergé en France suite à la crise financière. L’étude comparée avec les États-Unis se justifie par le fait que ce débat n’est pas nouveau aux États-Unis mais chaque crise financière ou scandale financier qu’ont connu les États-Unis le fait redoubler d’intensité. Ce débat reste donc une question d’actualité aux États-Unis.

Ces débats ont été portés devant les juridictions répressives américaines et françaises qui se sont prononcées en faveur du rôle de gardien des marchés financiers des auditeurs légaux. Elles attendent d’eux qu’ils certifient l’exactitude et la sincérité de l’information comptable et financière qui est communiquée aux investisseurs.

Afin d’affirmer leur position, les juges américains et français ont fait application de leur dispositif coercitif respectif sanctionnant les infractions à l’information comptable et financière (Chapitre 2). Aux États-Unis, la réglementation boursière impose des sanctions pénales à l’encontre de toute personne qui participerait à l’établissement d’un prospectus défectueux. En France, le droit boursier et la réglementation générale de l’Autorité des marchés financiers (AMF) imposent des sanctions à l’encontre de toute personne (physique ou morale) qui communiquerait au public des informations inexactes, imprécises et trompeuses. De plus, il existe un délit d’informations mensongères : il s’agit d’une infraction spécifique à la qualité de commissaire aux comptes qui sanctionne les failles dans le contrôle des informations comptables et financières. Quelle application de ces infractions est faite par le juge pénal français ?

Chapitre 1 Quel rôle doit être attribué aux auditeurs légaux des comptes ?

3. À cette question, différentes réponses existent et s’opposent.

Cette différence de conception du rôle joué par les auditeurs légaux donne lieu à un débat connu sous le nom d’expectation gap.

L’ expectation gap est la différence qui existe entre les attentes du public et la performance des auditeurs.

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Ce débat, qui n’est pas nouveau aux Etats-Unis (I), a véritablement émergé en France suite à la dernière crise financière et boursière (II).

I. L’ expectation gap aux États-Unis : un débat qui n’est pas nouveau

4. Le débat relatif à l’expectation gap n’est pas nouveau aux États-Unis. Il convient d’analyser les fondements de ce débat (§1). Toutefois, ce débat reste d’actualité : en effet, chaque scandale financier et crise financière que connaissent les États-Unis fait redoubler d’intensité ce débat : il en est ainsi du scandale financier d’Enron (§2) et de la faillite de la banque d’investissement Lehman Brothers (§3).

§1. LES FONDEMENTS DE CE DEBAT

5. Les premières réflexions relatives à ce débat sont apparues très tôt aux Etats-Unis (A). Il convient alors d’analyser la conception de la profession d’auditeur qui se trouve à l’origine de ce débat (B).

A. LES PREMIERES REFLEXIONS AMERICAINES RELATIVES A CE DEBAT

6. Origine du débat aux États-Unis. Aux États-Unis, ce débat n’est pas nouveau et semble trouver ses origines dans les audiences relatives à la fraude McKesson & Robbins qui a été découverte en 19374.

7. Premières réflexions américaines relatives à ce débat. D’autres réflexions portant sur la profession comptable et son rôle en matière d’audit des comptes ont été menées à partir des années 19605.

Suite aux réflexions menées par Metcalf et Moss, l’Association nationale professionnelle des experts-comptables aux États-Unis6 a nommé en 1974 la commission Cohen afin d’examiner si un expectation gap existait aux États-Unis. La commission a conclu à l’existence d’un expectation gap, mais a relevé que sa présence n’était pas due aux utilisateurs de l’information financière. Elle a relevé que les attentes de ces derniers étaient généralement raisonnables. Cependant, il est apparu que beaucoup d’utilisateurs méconnaissaient la nature de la fonction de certification, plus spécifiquement s’agissant de la certification sans réserve. Ainsi, certains utilisateurs pensaient qu’une certification sans réserve signifiait que l’entité

4 « Auditors’ and Investors’ Perceptions of the “Expectation Gap” », John E. Mcenroe, Stanley C. Martens; Accounting Horizons, Vol. 15, 2001 5 Parmi ces réflexions, les plus renommées sont celles du sénateur Lee Metcalf (au cours des années

1970), du député John Moss (au cours des années 1970), du député John Dingell (au cours des années

1980 et 1990) et du U.S. General Accounting Office (GAO) (au cours des années 1990). 6 American Institute of Certified Public Accountants.

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était financièrement saine. D’autres, quant à eux, attendaient de l’auditeur qu’il effectue l’audit, mais également qu’il interprète les informations financières de manière à permettre à l’utilisateur d’évaluer l’opportunité d’investir dans la société. Enfin, les utilisateurs attendaient des auditeurs qu’ils suivent les procédures d’audit suivantes dans leur mission de certification : s’immiscer dans la gestion de l’entreprise, surveiller la direction et détecter les actes illicites et/ou des fraudes émanant de la direction. La commission a conclu que ces différentes attentes des utilisateurs n’étaient pas remplies et a fait pression sur les auditeurs, et autres personnes participant à la communication des informations financières, afin qu’ils réduisent cet écart.

B. LA CONCEPTION DE LA PROFESSION D’AUDITEUR LEGAL A L’ORIGINE DU DEBAT

8. Les auditeurs légaux, gardiens privés des marchés financiers. La profession d’audit est qualifiée de profession grandissante qui agit en qualité de gardien privé du marché des capitaux. Il est soutenu que les auditeurs légaux jouent un rôle primordial dans la présentation au public de rapports biaisés sur la situation financière d’une société.

Le rôle premier d’un auditeur est de vérifier, analyser et déterminer la validité des prétentions voulant être faites par son client (c’est-à-dire la direction de la société) dans le prospectus. De façon plus déterminante, les auditeurs sont parfois considérés comme étant des garants indépendants de l’exactitude et de la sincérité des informations financières divulguées par les entreprises. Généralement, l’audit des informations financières des entreprises a pour but de montrer la véritable situation financière de l’entreprise aux tiers tels que les régulateurs financiers, les créanciers, les actuels et futurs investisseurs en réalisant une présentation sincère de la situation financière de l’entreprise. Dans la pratique, il est établi que les investisseurs utilisent les informations financières auditées dans leurs décisions d’investissement. L’audit est donc un élément central permettant d’assurer la confiance du public dans les informations financières. Cette confiance absente, le système se paralyse. C’est la raison pour laquelle l’auditeur est considéré comme un intermédiaire entre les entreprises et les investisseurs au regard des informations financières de l’entreprise. Autrement dit, les auditeurs sont, en théorie, des tiers à distance respectable et ils sont supposés travailler à l’abri de toute pression hiérarchique indue.

9. La multiplication des poursuites. Ainsi, les auditeurs ont un rôle extrêmement significatif à jouer en offrant des informations financières fiables au public sur les marchés financiers. Compte tenu de ce nouveau rôle attribué aux auditeurs, les poursuites pour faute professionnelle à l’encontre de ces derniers se sont dramatiquement multipliées durant ces 20 dernières années, où ils sont souvent poursuivis par des tiers qui subissent un dommage alors qu’ils s’étaient fondés sur des informations financières auditées. Bien que les victimes de la faillite d’une entreprise sont habilitées à poursuivre d’autres personnes telles que les directeurs généraux ou les avocats, les auditeurs sont particulièrement visés par les poursuites lorsque l’entreprise a récemment fait l’objet d’un rapport d’audit positif.

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10. Bien que ce débat ne soit pas nouveau, il redouble d’intensité lors de chaque crise financière et scandale financier. Il en a été ainsi suite à la faillite d’Enron.

§2. LA REOUVERTURE DU DEBAT SUITE A LA FAILLITE D’ENRON

11. Le scandale financier résultant de la faillite d’Enron (A) a fait redoubler d’intensité ledit débat. En effet, est apparue la nécessité de protéger les investisseurs contre la mauvaise organisation des marchés suite à la faillite d’une grande entreprise (B).

A. LA FAILLITE D’ENRON

12. La condamnation du cabinet d’audit et ses conséquences. Le 15 juin 2002, Arthur Andersen LLP a été condamné pour entrave à la justice pour avoir détruit des documents lors d’une enquête de la Securities and Exchange Commission : cette condamnation a été à l’origine du scandale financier d’Enron. Nancy Temple (département juridique d’Andersen) et David Duncan ont été cités comme les dirigeants responsables de ce scandale en ce qu’ils auraient donné l’ordre de détruire lesdits documents. En conséquence, la Securities and Exchange Commission a interdit le cabinet d’audit d’exercer le métier d’auditeur. Cela a en réalité eu pour effet de retirer le cabinet d’audit des affaires. Il avait déjà commencé à réduire son activité aux États-Unis suite à sa mise en accusation et beaucoup de ses collaborateurs ont rejoint d’autres cabinets d’audit. Le cabinet a cédé la plupart de ses opérations américaines à KPMG, Deloitte & Touche, Ernst & Young et Grant Thornton LLP. Ses pratiques internationales ont également perdu toute viabilité.

13. L’effet révélateur de cette condamnation. La mise en accusation d’Andersen a également mis en lumière ses audits erronés d’autres sociétés, dont notamment Waste Management, Sunbeam et WorldCom. L’utilité de l’audit a ainsi été remise en cause. La faillite ultérieure de WorldCom est rapidement devenue la plus grosse faillite survenue dans l’histoire américaine, surpassant ainsi celle d’Enron.

14. La relaxe du cabinet d’audit. Toutefois, le 31 mai 2005, dans l’affaire Arthur Andersen LLP v. United States, la Cour suprême des États-Unis a relaxé le cabinet d’audit à l’unanimité en se fondant sur l’existence de failles sérieuses dans les directives données au jury. Selon la Cour, ces instructions étaient trop vagues pour permettre à un jury de déceler une entrave à la justice.

B. L’EXPRESSION D’UNE NECESSITE DE PROTEGER LES INVESTISSEURS CONTRE LA MAUVAISE ORGANISATION DES MARCHES SUITE A LA FAILLITE D’UNE GRANDE ENTREPRISE

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15. Suite à la faillite d’Enron, la régulation des acteurs financiers est apparue essentielle pour la protection des investisseurs, et les sanctions pénales sont devenues cruciales pour permettre la bonne marche d’une entreprise.

Il a alors été soutenu que les investisseurs avaient le droit de recevoir des informations exactes et que les personnes qui violaient ce droit devaient être reconnues responsables, qu’elles soient des acteurs primaires ou secondaires.

Comme l’a observé Tomasic en se référant à la vague des faillites d’entreprises qui ont eu lieu dans les années 1980, les auditeurs sont facilement critiqués pour les faillites d’entreprises.

Ainsi dans la situation post-Enron, le Congrès des États-Unis a mis en avant le rôle de gardien des marchés financiers joué par les auditeurs légaux, et le législateur a adopté une nouvelle législation affectant principalement la profession d’audit dans le but de protéger les investisseurs contre la mauvaise organisation des marchés suite à la faillite d’une grande entreprise.

16. Ce débat est de nouveau d’actualité aux États-Unis suite à la faillite de la banque d’investissement Lehman Brothers.

§3. L’ACTUALITE DE CE DEBAT SUITE A LA FAILLITE DE LA BANQUE D’INVESTISSEMENT LEHMAN BROTHERS

17. Suite à la faillite de la banque d’investissement Lehman Brothers, un rapport a été rédigé (A). Ce rapport a émis de nombreuses critiques à l’encontre du cabinet d’audit, soumettant la profession d’audit à de nouvelles analyses de ses activités (B).

A. LE RAPPORT RELATIF A LA FAILLITE DE LA BANQUE D’INVESTISSEMENT LEHMAN BROTHERS

18. La faillite de Lehman Brothers est intervenue il y a environ deux ans. Est alors né le risque pour son auditeur, Ernst & Young, de voir sa responsabilité légale recherchée7.

En effet, un rapport rédigé par un expert nommé par la cour, Anton R. Valukas8, relatif à la faillite de Lehman Brothers, contient un nombre important de critiques émises à l’encontre de plusieurs acteurs qui ont été impliqués dans la vie de la banque d’investissement. Mais les critiques les plus sévères ont été émises à l’encontre d’Ernst & Young et des manœuvres comptables qu’il a permises.

M. Valukas a en effet reproché au cabinet d’audit de ne pas avoir détecté l’utilisation d’une comptabilité douteuse par Lehman Brothers. En effet, la banque d’investissement a utilisé une manœuvre, connue en interne sous le nom de Repo 105, dans le but de soustraire 50 milliards de dollars de son bilan afin de diminuer temporairement son niveau d’endettement. Selon le rapport, le cabinet d’audit connaissait l’utilisation de la manœuvre par Lehman Brothers depuis 2001,

7 http://dealbook.blogs.nytimes.com/2010/03/15/auditor-could-face-liability-over-lehman 8 Président du cabinet d’avocats Jenner & Block LLP.

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c’est-à-dire peu de temps après sa conception. Cette manœuvre a éclaté au grand jour au printemps 2008.

M. Valukas soutient que le cabinet d’audit pourrait donc être mis en cause sur le fondement de malversations financières.

Cette potentielle mise en cause (tant sur le plan civil que pénal) d’Ernst & Young est soutenue par certains experts juridiques et financiers et soumet la profession de l’audit à un examen de ses activités.

B. LA PROFESSION D’AUDIT SOUMISE A DE NOUVELLES ANALYSES DE SES ACTIVITES

19. Intensification des analyses de la profession d’audit. Suite à la publication du rapport d’Anton Valukas relatif à la faillite de Lehman Brothers, qui a émis de nombreuses critiques à l’encontre de son auditeur, Ernst & Young, les focus politiques et ceux des régulateurs européens se sont intensifiés sur la profession de l’audit. Les auditeurs font aujourd’hui face aux enquêtes de la Commission européenne9.

Par conséquent, les dirigeants des Big Four — PwC, Deloitte Touche Tohmatsu, KPMG et Ernst & Young — affirment qu’ils s’attendent à une analyse beaucoup plus intense de leurs activités dans les mois à venir.

20. Le débat relatif à l’utilité de l’audit. Jeremy Newman, dirigeant de BDO International, l’un des 6 plus grands groupes financiers internationaux, a affirmé que ce nouvel examen accru devrait raviver les anciens débats relatifs aux attentes des destinataires d’un audit et au dit expectation gap qui existe entre les auditeurs et une majorité d’investisseurs. « Nous devons reconnaître que la nature du business a changé. Il est plus rapide, plus connecté et plus global. Nous devons nous demander quel rôle doit jouer l’audit face à ce changement. »

La question la plus débattue aujourd’hui est une question qui avait déjà été soulevée lors de l’ère post-Enron : les auditeurs, comme les agences de notation, souffrent-ils d’un conflit d’intérêts ? En effet, ils sont rémunérés par ceux qu’ils contrôlent.

Cette question a été soulevée dans le rapport Valukas : en effet, le cabinet d’audit a été rémunéré par Lehman Brothers à hauteur de 31 millions de dollars : il a alors réfuté tous les torts retenus contre lui et a soutenu avoir agi conformément aux règles comptables américaines.

La profession qui n’a pas souligné les problèmes dans le secteur bancaire a fait naître des doutes sur l’utilité de l’audit.

Les auditeurs soutiennent qu’ils ont rempli les exigences légales qui régissent leur profession et que le débat est né d’un quiproquo relatif au rôle d’un audit. Selon eux, l’audit ne consiste pas en une prédiction détaillée du futur.

21. Contrairement aux États-Unis où le débat relatif à l’expectation gap n’est pas nouveau, ce débat a véritablement émergé en France suite à la crise financière et boursière.

9 SANDERSON R., « Auditors expect renewed bout of scrutiny », Financial Times, 24 mai 2010

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II. L’ expectation gap : un débat qui a véritablement émergé en France suite à la crise financière

22. La mission de contrôle légal des comptes est une mission annuelle : le commissaire aux comptes effectue un audit, c’est-à-dire un contrôle des comptes10. Il rend compte de sa mission dans un rapport général d’audit des comptes annuels présenté aux actionnaires et à disposition des tiers. Ce rapport est le support légal de l’expression de l’opinion du commissaire aux comptes sur les comptes. Par le biais de ce rapport, il doit notamment assurer la certification des comptes annuels (bilan, compte de résultat, annexe) à la fin de chaque exercice social. Son rôle est alors de certifier que les comptes sont réguliers, sincères et qu’ils donnent une image fidèle de la situation de l’entreprise. À cette fin, il dispose de 3 possibilités :

– la certification classique ;

– la certification avec réserves : il attire alors l’attention sur certains points douteux ;

– le refus de certification.

23. En supplément des diverses missions qui se sont ajoutées à la mission de contrôle légal des comptes du commissaire aux comptes, les objectifs actuels assignés à cette dernière mission semblent dévier de ses objectifs initiaux suite à la crise financière.

Le débat engendré par la notion d’expectation gap est le suivant : le respect des normes d’exercice professionnel relatives à sa mission de contrôleur légal des comptes exonère-t-il le commissaire aux comptes de toute responsabilité ?

Il convient donc d’analyser en premier lieu le rôle des normes d’exercice professionnel dans l’accomplissement par le commissaire aux comptes de sa mission de contrôleur légal des comptes (§1) et, en second lieu, les conceptions opposées de cette mission (§2).

§1. LE ROLE DES NORMES D’EXERCICE PROFESSIONNEL

24. Les institutions représentatives de la profession de commissaire aux comptes. Le Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C) est l’autorité disciplinaire de la profession de commissaire aux comptes qui a été créée par la loi de sécurité financière du 1er août 2003. Sa création fait suite à l’affaire Enron qui a eu lieu aux États-Unis. En effet, suite à cette affaire, le gouvernement des États-Unis a décidé de créer un système d’audit légal. De plus, il a souhaité imposer ces règles aux filiales implantées aux États-Unis. En France, le gouvernement ne souhaitant pas se voir

10 http://www.crcclyon.fr/img000audit&certification.htm

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imposer les règles issues des États-Unis, a voulu montrer qu’une meilleure fiabilité des comptes était assurée en créant le H3C. Ainsi, le H3C est l’organe disciplinaire.

La Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC), quant à elle, est l’institution représentative de la profession de commissaire aux comptes.

25. Les normes d’exercice professionnel. Les normes d’exercice professionnel constituent l’ensemble des règles que le commissaire aux comptes doit respecter dans l’exercice de ses missions. La loi de sécurité financière du 1er août 2003 en a confié l’élaboration à la CNCC qui les transmet au garde des Sceaux pour homologation après avis du Haut Conseil du commissariat aux comptes. Elles ont donc le statut d’arrêté ministériel. Ce caractère public les rend opposables aux tiers.

Ces normes ont pour objet :

– la définition de la démarche d’audit du commissaire aux comptes ;

– l’organisation de ses travaux ;

– l’éthique et le comportement professionnel.

Voici un exemple de normes d’exercice professionnel encadrant l’exercice de la mission d’audit du commissaire aux comptes : il s’agit de la norme d’exercice professionnel NEP-320 relative aux « Anomalies significatives et seuils de signification » qui a été homologuée par arrêté du 6 octobre 2006. En vertu de cette norme, le seuil de signification correspond au « montant au-delà duquel les décisions économiques ou le jugement fondé sur les comptes sont susceptibles d’être influencés ». La norme énumère certains critères sur lesquels le commissaire aux comptes peut se fonder pour déterminer les seuils de signification. Ces critères sont le résultat courant, le résultat net, le chiffre d’affaires, les capitaux propres ou l’endettement net. En vertu de cette norme d’exercice, la commissaire aux comptes doit communiquer aux dirigeants les anomalies détectées afin qu’elles soient corrigées. Si ces anomalies subsistent, le commissaire aux comptes doit en tirer « les conséquences sur son opinion et [formuler] une réserve ou un refus de certifier dans son rapport ».

La CNCC élabore les dites règles : de ce fait, la profession élabore elle-même les normes d’exercice professionnel. Le commissaire aux comptes doit réaliser différentes missions d’audit dans différentes entreprises. Il effectue donc un contrôle ponctuel dans une entreprise. Ainsi, il lui est impossible de contrôler la totalité des documents comptables : il procède donc par technique de sondages avec des seuils de signification : le commissaire aux comptes ne va sonder que certains postes comptables sur l’ensemble des documents comptables : par exemple, le poste des provisions. Les seuils de signification correspondent à un seuil en deçà duquel une erreur est tolérée parce qu’elle n’est pas assez significative pour être relevée, et au-dessus duquel l’erreur doit être relevée parce qu’elle est susceptible d’affecter le résultat comptable.

Bien que ces normes d’exercice professionnel définissent précisément les modalités d’exercice de sa mission d’audit par le commissaire aux comptes, des conceptions opposées de cette mission existent.

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§2. LES CONCEPTIONS OPPOSEES DE LA MISSION DE CONTROLEUR LEGAL DES COMPTES DU COMMISSAIRE AUX COMPTES

26. 2 positions s’opposent :

– celle des commissaires aux comptes ;

– celle des destinataires de leur mission d’audit légal, confortée par les arrêts rendus par la chambre criminelle.

27. L’ expectation gap est une expression propre aux commissaires aux comptes. Elle traduit l’écart qu’il y a entre la mission telle que le commissaire aux comptes la perçoit et l’attente qu’ont les destinataires de la mission du commissaire aux comptes.

28. La conception des commissaires aux comptes. Plus précisément, les commissaires aux comptes ont la perception de leur mission qui est celle d’un contrôle par la technique de sondage et qui n’est qu’une simple obligation de moyens. La certification des comptes permet de donner aux investisseurs une assurance raisonnable de fiabilité de l’information financière qu’elle produit et publie.

Cette conception a été confirmée par certains jugements rendus par les juges du fond dont notamment le jugement du tribunal de grande instance d’Épinal du 23 mars 2000 : « dans le cadre d’une mission de surveillance générale des opérations comptables, les commissaires aux comptes ne peuvent être garants de l’exactitude absolue des comptes qu’ils contrôlent et, à ce titre, ils ne peuvent être tenus que d’une obligation de moyens et non de résultat. Le commissaire aux comptes n’a pas à s’immiscer dans la gestion de la société contrôlée et il appartient aux dirigeants de faire preuve de rigueur dans la gestion de leur entreprise ».

Les commissaires aux comptes considèrent que la bonne application des normes d’exercice professionnel les exonère de toute responsabilité pénale. Ainsi, s’ils ont fait une exacte application des normes d’exercice professionnel et qu’en les appliquant ils n’ont pas détecté une fraude importante, ils considèrent que cela n’engage pas leur responsabilité pénale.

29. La conception des destinataires de la mission d’audit. Contrairement à la position des commissaires aux comptes, le destinataire de la mission du commissaire aux comptes attend de l’auditeur légal beaucoup plus que ce que l’auditeur légal perçoit lui-même dans sa mission. Les destinataires de la mission d’audit légal du commissaire aux comptes sont les actionnaires de la société auditée et les investisseurs (potentiels futurs actionnaires de la société auditée) à qui est communiquée l’information comptable et financière relative à la société auditée. Ces derniers perçoivent le commissaire aux comptes comme un garant de la sincérité et de la fiabilité des comptes de la société contrôlée. Le commissaire aux comptes se présente à leurs yeux comme une barrière à la communication d’une information comptable et financière erronée.

Cette dernière conception n’est-elle pas contraire au principe de non-immixtion du commissaire aux comptes dans la gestion de la société contrôlée ?

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30. La profession de l’audit pense que l’existence de cet écart est préjudiciable à la profession car il entraîne un nombre excessif de procès ainsi que des décisions judiciaires défavorables à l’encontre des auditeurs. En effet, la chambre criminelle de la Cour de cassation consacre dans ses arrêts la conception des destinataires de la mission (comme nous le verrons ci-après). Quelles en sont les conséquences sur leur responsabilité pénale ?

Chapitre 2 Les politiques pénales françaises et américaines relatives à la mission de contrôle légal des comptes des auditeurs légaux

31. Les juridictions pénales américaines et françaises ont pris part au débat précédemment exposé. Elles se sont exprimées en faveur de la conception des investisseurs.

Il est alors intéressant de s’intéresser aux sanctions pénales en droit français et américain des failles des auditeurs légaux dans leur mission de contrôle légal des comptes. Quelles sont-elles ?

Notre étude étant centrée sur la relation entre les auditeurs légaux et les investisseurs, il semble opportun d’analyser les délits issus des droits boursiers français et américain. Ces infractions les plus pertinentes du droit boursier qui sont destinées à assurer la sincérité et l’exactitude de l’information financière délivrée aux investisseurs sont :

– le délit d’établissement d’un prospectus défectueux aux États-Unis ;

– et le délit de fausse information en France.

S’il apparaît que la responsabilité pénale des auditeurs aux États-Unis est recherchée sur le fondement du délit de l’établissement d’un prospectus défectueux, les condamnations du commissaire aux comptes en France, sur le fondement du délit de fausse information, sont rares et sa responsabilité n’est recherchée qu’en qualité de complice de l’infraction. Sont favorisées les sanctions sur le fondement du manquement à la bonne information du public et du délit de diffusion ou de confirmation d’informations mensongères.

Ainsi, la politique pénale américaine relative à la mission de contrôle légal des comptes des auditeurs légaux (I) diffère de la politique pénale française (II).

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I. La responsabilité pénale des auditeurs aux États-Unis sur le fondement du délit de l’établissement d’un prospectus défectueux

32. La responsabilité pénale sur le fondement du délit de l’établissement d’un prospectus défectueux est régie à la fois par le droit boursier et par le droit pénal.

Cette étude ne concernera que la responsabilité pénale encourue sous l’effet du droit boursier11.

33. Historique des dispositions légales relatives à la responsabilité pénale liée à l’établissement d’un prospectus défectueux. À l’origine, la réglementation financière aux États-Unis relevait de la compétence des États et les marchés financiers des États-Unis étaient réglementés par des régulateurs au niveau étatique. Cependant, les États-Unis ont introduit une réglementation financière au niveau fédéral en adoptant le Securities Act 1933 et le Securities Exchange Act 193412.

En effet, suite au crash boursier d’octobre 1929 aux États-Unis, le Securities Act 1933 a été adopté. Il a introduit pour la première fois aux États-Unis la philosophie de la transparence. Tel qu’exposé par la Cour suprême des États-Unis, l’objectif fondamental de ces lois boursières fédérales était de substituer une philosophie de totale transparence à une philosophie de caveat emptor (c’est-à-dire une philosophie de vigilance). Le Securities Act 1933 a été adopté dans le but de protéger les investisseurs. L’un des objectifs principaux de cette loi est de fournir à l’investisseur des informations suffisantes afin qu’il soit en mesure de réaliser une décision économique saine en investissant sur les marchés financiers.

Le Securities Act 1933 a créé des sanctions pénales et civiles pour l’établissement d’un prospectus défectueux. Concernant les sanctions pénales, en vertu de l’article 24 du Securities Act 1933, toute personne qui viole intentionnellement les exigences relatives au prospectus établies dans la dite loi et dans toute loi promulguée postérieurement doit être pénalement sanctionnée.

En vertu de l’article 2 du Securities Act 1933, le terme « prospectus » fait référence à tout prospectus, toute notice, circulaire, publicité, lettre ou communication, par la voie d’un écrit, de la radio ou de la télévision, qui offre ou confirme la cession d’un instrument financier.

34. Impact de la loi Sarbanes-Oxley. Suite à la faillite d’Enron, le Congrès américain a adopté, en 2002, le Public Company Accounting Reform and Investor Protection Act of 2002, connu sous le nom de Sarbanes-Oxley Act 2002 (que nous appellerons loi Sarbanes-Oxley dans la suite de l’étude) dans le but de renforcer la transparence dans le secteur financier.

11 SOLAIMAN S.M., « The Enron collapse and criminal liabilities of auditors and lawyers for defective prospectuses in the United States, Australia and Canada : a review », sur [http://jlc.law.pitt.edu/articles/26/Solaiman.pdf]. 12 lewisme.web.officelive.com/Documents/Ch18a.ppt

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Cette loi a été adoptée en réponse aux importantes fraudes comptables qui ont eu lieu dans les sociétés et elle avait pour principal objectif d’améliorer la supervision comptable des sociétés cotées et de favoriser la transparence et l’exactitude des comptes. Cette loi a été guidée par trois principes fondateurs dont celui d’assurer l’indépendance des auditeurs (qui sont les vérificateurs).

Elle a amendé les dispositions du Securities Exchange Act 1934, législation fondamentale réglementant le marché secondaire des instruments financiers aux États-Unis. Le marché primaire, quant à lui, est toujours régi par le Securities Act 1933. La loi Sarbanes-Oxley n’a ainsi, en théorie, modifié aucune disposition du Securities Act 1933. Les explications concernant cette absence d’impact de la loi Sarbanes-Oxley sur le Securities Act 1933 ne sont pas claires. Cela peut s’expliquer par le fait que les scandales financiers qui ont conduit le Congrès à adopter de nouvelles mesures se sont produits sur le marché secondaire américain. Quelle que soit la raison, son silence relatif à l’amendement du Securities Act 1933 génère des doutes sur l’applicabilité ou non de la loi Sarbanes-Oxley au délit de l’établissement d’un prospectus défectueux. L’intention du Congrès à cet égard n’est pas claire. Des experts dans le droit américain des marchés financiers soutiennent que la loi Sarbanes-Oxley doit s’appliquer aux prospectus défectueux à certains égards. Se fondant sur l’avis de ces experts, nous allons supposer dans notre étude que la loi Sarbanes-Oxley s’applique aux prospectus défectueux.

§1. LES AUDITEURS LEGAUX, AUTEURS OU COMPLICES DU DELIT ?

35. En vertu de l’article 24 du Securities Act 1933, toute personne qui viole intentionnellement les exigences relatives au prospectus établies dans la dite loi et dans toute loi promulguée postérieurement doit être pénalement sanctionnée.

Ainsi, cet article n’identifie pas catégoriquement les personnes qui sont susceptibles de commettre ce délit. Il semble donc que les auditeurs légaux peuvent être sanctionnés pénalement en vertu de cet article. Toutefois, une question s’est posée par la suite : en quelle qualité les auditeurs peuvent-ils voir leur responsabilité pénale engagée en vertu de cet article ? Autrement dit, les auditeurs légaux, acteurs secondaires sur les marchés financiers, peuvent-ils être condamnés en tant qu’auteurs du délit ?

La Cour suprême des États-Unis a répondu à cette question dans la décision Central Bank of Denver v. First Interstate Bank of Denver13 : elle a décidé que des acteurs secondaires sur les marchés financiers peuvent être tenus responsables en tant qu’auteurs du délit puisque « toute personne ou entreprise, y compris un avocat, un auditeur légal ou une banque, qui emploie un dispositif manipulateur ou réalise une fausse déclaration matérielle (ou omission) sur laquelle l’acquéreur ou le vendeur s’est fondé peut être condamnée en tant qu’auteur principal ». Ainsi, suite à cette décision, les auditeurs ne sont plus sanctionnés en tant que complices mais en tant qu’auteurs principaux des infractions boursières. Cependant, ils peuvent toujours être condamnés en tant que complices sous le droit pénal.

13 511 U.S. 164 (1994).

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36. Les fondements de cette décision de la Cour suprême des États-Unis. Langevoort a soutenu que les professionnels tels que les auditeurs et les avocats ont souvent beaucoup d’influence sur les informations financières des entreprises, en termes à la fois de forme et de contenu, qui peuvent tromper les investisseurs, et, de ce fait, ils devraient être tenus responsables sur le fondement de l’établissement d’un prospectus défectueux bien que leur rôle soit parfois indirect. Bien que les juridictions aient, par le passé, présenté des difficultés à se prononcer sur la responsabilité encourue par les auditeurs légaux lors d’une transaction boursière, les positions judiciaires récentes reconnaissent clairement que « si un auditeur légal des comptes a frauduleusement certifié des informations financières mensongères qui étaient contenues dans un prospectus distribué aux investisseurs, une juridiction trouverait un lien suffisant avec la transaction boursière pour engager la responsabilité ». Cette responsabilité serait fondamentale étant donné le rôle crucial joué par un auditeur légal dans le fait de présenter une situation financière biaisée de l’émetteur.

Il est également soutenu que les professionnels tels que les auditeurs (et les avocats) peuvent être reconnus coupables pour leur participation dans le processus de la préparation du prospectus, car leur participation peut fournir une garantie implicite aux investisseurs sur l’exactitude des informations divulguées. En effet, un rapport d’audit est considéré comme étant une représentation réelle et exacte. Illustrant cet argument, dans une affaire impliquant des conduites trompeuses lors d’une cession d’instruments financiers, un tribunal d’instance de Californie a décidé que la simple participation de professionnels peut justifier leur responsabilité.

37. Applications jurisprudentielles antérieures favorables à la responsabilité pénale des auditeurs. Antérieurement à la décision rendue par la Cour suprême, certaines cours d’appel étaient déjà favorables à la responsabilité pénale des auditeurs légaux sur le fondement de ce délit. Dans l’affaire State v. Tarzian, la cour d’appel d’Arizona a condamné l’auditeur légal pour avoir certifié les comptes d’une société qui contenaient des informations erronées. De plus, en faisant application desdites dispositions pénales à l’égard de l’auditeur légal, la cour d’appel du Deuxième Circuit aux États-Unis a voulu insister sur le fait que ces derniers doivent analyser et vérifier les comptes de manière approfondie avant de les certifier sincères. La cour d’appel a considéré qu’une certification de comptes qui sont en réalité erronés peut être un moyen de faire subir des pertes pécuniaires aux investisseurs14.

§2. LES SANCTIONS PENALES DES DELITS RELATIFS AUX DIVULGATIONS DANS LES PROSPECTUS

38. En vertu de l’article 24 du Securities Act 1933, le prévenu peut :

– soit être condamné à payer une amende d’un montant maximum de 10 000 dollars américains ;

– soit être condamné à une peine d’emprisonnement dont la durée ne peut excéder 5 ans ;

14 United States v. Benjamin (2nd Circuit 1964).

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– soit se voir infliger les deux peines.

Cette loi ne distingue pas entre personnes physiques et personnes morales quant à l’application des peines.

39. Vers un renforcement des peines avec la loi Sarbanes-Oxley. La loi Sarbanes-Oxley a considérablement renforcé les peines relatives à la violation des dispositions sanctionnant les fraudes boursières prévues par le Securities Exchange Act 1934 qui s’appliquait essentiellement au marché financier secondaire.

Cependant, comme cela a été mentionné précédemment, ladite loi semble également avoir modifié certaines dispositions du Securities Act 1933. De ce fait, la peine d’amende maximale et la peine d’emprisonnement maximale sanctionnant le délit d’établissement d’un prospectus défectueux sont respectivement de 5 millions de dollars et de 20 ans lorsque le prévenu est une personne physique. Si le prévenu est une personne morale, la peine d’amende maximale est de 25 millions de dollars en vertu de la loi Sarbanes-Oxley.

40. Aux États-Unis, les auditeurs légaux peuvent ainsi être condamnés sur le fondement du droit boursier en tant qu’auteurs principaux du délit d’établissement d’un prospectus défectueux lorsque des défaillances dans l’exercice de leur mission d’audit apparaissent. La politique pénale française en la matière diffère de celle des juges américains en ce que les condamnations des commissaires aux comptes sur le fondement du délit de fausse information sont très rares.

II. La politique pénale française relative à la mission de contrôle légal des comptes des auditeurs légaux

41. La chambre criminelle de la Cour de cassation ayant pris part au débat précédemment exposé, il convient d’analyser sa position (§1) et d’étudier les sanctions pénales dont elle dispose afin de mettre en œuvre sa politique pénale (§2), ainsi que les moyens de défense dont disposent les commissaires aux comptes (§3).

§1. LE JUGE PENAL FRANÇAIS FAVORABLE A LA PROTECTION DES INVESTISSEURS

42. La profession d’auditeur légal est très sensible en ce moment aux arrêts qui sont rendus depuis 3 ans et qui sont inquiétants pour la profession. La poursuite pénale se double d’une responsabilité disciplinaire qui peut conduire un commissaire aux comptes à mettre la clé sous la porte.

La chambre criminelle de la Cour de cassation considère que si la fraude est importante, les commissaires aux comptes auraient dû la détecter, et pour cette raison ils engagent leur responsabilité pénale. Il y a donc une différence d’appréciation.

Un arrêt a été rendu par la cour d’appel de Paris estimant que le commissaire aux comptes aurait dû contrôler tous les documents comptables.

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Dans le code de déontologie il est précisé que la mission du commissaire aux comptes est d’intérêt général. « Les commissaires aux comptes, créateurs de confiance » assurent que les comptes sont fiables, par l’effet de leur certification. C’est ainsi que les commissaires aux comptes perçoivent leur mission. La loi est récemment venue dire que la mission du commissaire aux comptes est d’intérêt général. Et donc la chambre criminelle de la Cour de cassation a bien perçu le message : les commissaires aux comptes ne sont pas de simples auditeurs, mais ils ont un rôle déterminant dans la bonne marche de l’économie. La chambre criminelle tend à considérer que les commissaires aux comptes doivent se placer au-dessus de tout, et considère qu’ils ont une mission fondamentale dans la bonne marche de l’économie. Ce sont des « quasi-fonctionnaires », des « mini-ministères publics ». Il y a ainsi un décalage entre la perception de la chambre criminelle et celle du commissaire aux comptes.

La mission des commissaires aux comptes est aujourd’hui perçue par la chambre criminelle de la Cour de cassation comme celle d’un gardien du bon fonctionnement des marchés financiers et comme celle d’un garant de la sincérité et de la fiabilité de l’information comptable et financière délivrée aux investisseurs. Quelles sont alors les dispositions pénales dont dispose le juge pénal français pour mettre en œuvre sa politique pénale relative à cette mission ?

§2. LES SANCTIONS PENALES DES ATTEINTES DES COMMISSAIRES AUX COMPTES A LA QUALITE DE L’INFORMATION COMPTABLE ET FINANCIERE

43. Lorsque l’information comptable et financière délivrée aux investisseurs est erronée, le dirigeant est celui qui se trouve à l’origine des tromperies. Toutefois, la communication de l’information financière n’est pas le seul fait de la société émettrice, par la voie de ses organes internes : bien que le dirigeant se trouve à l’origine de la tromperie, les commissaires aux comptes doivent, en principe, constituer une barrière à la transmission de l’information erronée. En contresignant une note d’information émise par l’émetteur ou en certifiant ses comptes erronés, ils participent à l’acte mensonger. Dans cette hypothèse, puisque le commissaire aux comptes est considéré comme le garant de la sincérité de l’information comptable et financière délivrée aux investisseurs, il sera considéré comme fautif pour avoir donné du crédit aux mensonges du dirigeant. Le droit pénal boursier constitue l’une des branches du droit pénal des affaires. Il constitue la seule garantie de la sécurité des marchés financiers. Il participe donc à la protection des investisseurs. La responsabilité pénale du commissaire aux comptes pourra être recherchée sur le fondement du droit boursier (A) ou sur le fondement du délit de diffusion ou de confirmation d’informations mensongères (B).

« Leur qualité de commissaire aux comptes, particulièrement informés de ces questions, impose une sanction sévère15. »

15 TGI Paris, corr., 27 février 1998, Bull. Joly, 1998, 925, note N. Rontchevsky.

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A. LE COMMISSAIRE AUX COMPTES SANCTIONNE SUR LE FONDEMENT DU DROIT BOURSIER

44. Le droit répressif boursier joue un rôle de plus en plus important au titre des sanctions pénales des atteintes des commissaires aux comptes à la qualité de l’information comptable et financière.

En France, au titre du droit boursier, le commissaire aux comptes peut soit voir sa responsabilité pénale engagée sur le fondement du délit de fausse information, soit voir sa responsabilité administrative recherchée sur le fondement du manquement à la bonne information du public.

Toutefois, il apparaît que les condamnations du commissaire aux comptes en France sur le fondement du délit de fausse information sont rares et que sa responsabilité n’est recherchée qu’en qualité de complice de l’infraction (1). En effet, sont favorisées les sanctions sur le fondement du manquement à la bonne information du public (2).

1. LE COMMISSAIRE AUX COMPTES, COMPLICE DU DELIT DE FAUSSE INFORMATION

45. Le délit de fausse information est issu du droit boursier. Il s’agit du délit en droit français le plus proche du délit d’établissement d’un prospectus défectueux en droit américain.

46. Théorie. Ce délit est issu d’une loi du 3 janvier 1983 qui a subi plusieurs modifications notamment par la loi du 22 janvier 1988 et par la loi du 26 juillet 2005. Il figure à l’article L. 465-2 alinéa 2 du code monétaire et financier : il s’agit du « fait pour toute personne de répandre dans le public par des voies et moyens quelconques des informations fausses ou trompeuses sur les perspectives ou la situation d’un émetteur dont les titres sont négociés sur un marché réglementé ou sur les perspectives d’évolution d’un instrument financier admis sur un marché réglementé de nature à agir sur les cours ». En vertu de l’article L. 465-2 alinéa 2 du code monétaire et financier (par renvoi à l’article L. 465-1 alinéa 1er dudit code), et s’agissant des personnes physiques, ce délit est puni « de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 1 500 000 euros dont le montant peut être porté au-delà de ce chiffre, jusqu’au décuple du montant du profit éventuellement réalisé, sans que l’amende puisse être inférieure à ce même profit ». S’agissant des personnes morales, ce délit est puni d’une amende équivalente au quintuple de celle encourue par les personnes physiques, ainsi que des peines prévues par l’article 131-39 du code pénal16.

La caractérisation du délit est indifférente du support de l’information utilisé : en effet, la nature du support importe peu : il peut s’agir d’un prospectus, d’une plaquette, de la presse, d’un site internet, etc. L’information peut avoir été communiquée « par des voies et moyens quelconques » en vertu de l’article L. 465-2 alinéa 2 du code monétaire et financier.

16 Article L. 465-3 C. mon. fin.

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Bien que la diffusion de l’information ait dû être « de nature à agir sur les cours17 », il n’est pas nécessaire cependant que ses informations aient effectivement agi sur les cours, ni même que des opérations boursières soient intervenues. Le délit est commis dès que le marché a pu être troublé18. Il s’agit donc de l’incrimination d’un comportement formel dans la mesure où aucun résultat n’est exigé. Matériellement la tromperie peut porter sur les résultats d’une société, résultat qu’on affirme mensongèrement être brillant ou au contraire catastrophique, mensonge sur la conclusion de prétendus contrats ou encore informations mensongères sur la distribution de dividendes inexistants.

Dans la majorité des cas, on est en présence de la situation suivante : les dirigeants d’une société dont la situation s’est dégradée vont tenter d’occulter cette réalité par la diffusion de fausses informations et ceci pour sauver leur mise avant que la vérité ne soit connue. C’est le cas de communiqué de presse, de résultat contraire à la vérité, c’est le cas quand il y a un important décalage dans le temps entre les informations favorables données au public et la situation présente actuelle de l’entreprise fortement dégradée.

Compte tenu de la généralité des termes employés à l’article L. 465-2, alinéa 2, du code monétaire et financier19, les personnes punissables sont les personnes morales et les personnes physiques, qu’elles soient auteurs ou complices du délit. Les coupables sont le plus souvent les dirigeants sociaux, mais cela peut également être les actionnaires, les commissaires aux comptes, il suffit que la personne soit identifiée, l’incrimination a donc une portée large, cette extension est justifiée, il n’est pas nécessaire en effet d’être un professionnel de la bourse ou des sociétés pour répandre de fausses nouvelles dans le public. Concernant les commissaires aux comptes de l’émetteur, leur responsabilité pénale peut être engagée en tant qu’auteur principal du délit, et lorsqu’elle n’est pas engagée à titre d’auteur principal, elle peut être recherchée en qualité de complice de l’infraction.

En vertu de l’article 121-3 du code pénal, une intention coupable est nécessaire. L’élément moral, élément constitutif du délit, est l’élément volontaire ou conscient de diffuser une fausse information. Lorsque le délit de fausse information va être sanctionné, la proportionnalité de la faute (c’est-à-dire l’ampleur de l’infraction commise) va être prise en compte. Quand bien même l’auteur de l’infraction ne retire aucun profit, il pourra être condamné sur le fondement du délit de fausse information.

La complicité est punissable.

47. Pratique. En pratique, dans la majorité des cas, le délit est commis par des dirigeants de société, le plus souvent les poursuites sont engagées sous une double qualification de délit de diffusion de fausse information et de délit d’initié (en effet, le délit de fausse information se double souvent d’un délit d’initié).

Toutefois, en pratique, les commissaires aux comptes, quant à eux, se voient reprochés par les juridictions pénales le fait de s’être rendus complices du délit20.

17 Article L. 465-2 alinéa 2 C. mon. fin. 18 CA Paris, 1er février 2000. 19 Article L. 465-2, alinéa 2, C. mon. fin. : « le fait pour toute personne ». 20 Jugement du tribunal correctionnel de Paris du 27 février 1998.

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Mais leurs condamnations sur ce fondement en qualité de complice de l’infraction sont rares.

48. À défaut de véritable condamnation sur le fondement de ce délit, les sanctions au titre du manquement à la bonne information du public peuvent s’avérer être plus dissuasives. La responsabilité administrative devient donc un outil fondamental en faveur de l’assurance de la qualité des informations financières et comptables.

2. LE COMMISSAIRE AUX COMPTES, AUTEUR DU MANQUEMENT A LA BONNE INFORMATION DU PUBLIC

49. Parallèlement à l’incrimination du droit pénal, le règlement général de l’AMF prévoit une incrimination au sein du chapitre « abus de marché ». Ce manquement au règlement général de l’AMF, prévu en son article 632-1, est le manquement à la bonne information du public. Il s’agit du « frère jumeau du délit de diffusion de fausse information ». Il y a donc une double définition pénale et administrative des actes illicites en matière boursière. Se pose alors la question de la nécessité d’une articulation entre la sanction pénale et la sanction administrative afin d’éviter un cumul de sanctions. Certains auteurs la soutiennent et cette question était abordée au sein du rapport Coulon sur la dépénalisation de la vie des affaires remis au garde des Sceaux en janvier 2008. Toutefois, ce rapport a été laissé sans suite.

Les personnes punissables sont les personnes morales et les personnes physiques auteurs du manquement. Les commissaires aux comptes peuvent-ils être sanctionnés par l’AMF au titre de ce manquement ?

50. Les commissaires aux comptes, auteurs du manquement. À l’origine, seuls les sociétés cotées et leurs dirigeants étaient sanctionnés au titre de ce manquement.

Toutefois, depuis une décision rendue le 18 novembre 2004, la commission des sanctions de l’AMF a décidé que les commissaires aux comptes pouvaient être sanctionnés sur le fondement du règlement n°98-07 et donc au titre du manquement à la bonne information du public, engageant ainsi leur responsabilité administrative21. Cette décision fait application de la solution issue de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 7 mars 2000 énonçant que « les règlements de la Commission des opérations de bourse s’appliquent aux commissaires aux comptes ».

Toutefois, la commission des sanctions a nuancé l’application de ce principe en admettant que, malgré l’absence d’élément moral exigé pour caractériser le manquement22, la certification de comptes inexacts « qui n’aurait pas été faite sciemment et résulterait d’un simple défaut de diligences ou de vigilance » ne serait constitutive que d’une faute professionnelle dont l’appréciation échappe à sa compétence.

Le principe selon lequel les commissaires aux comptes peuvent faire l’objet d’une procédure de sanctions a été rappelé sans ambiguïté par la Cour de cassation dans un arrêt du 11 juillet 2006 : en effet, « une sanction pécuniaire peut être prononcée à l’encontre de toute personne ayant porté atteinte à la bonne information du public par la communication d’une information inexacte, imprécise et trompeuse ; c’est à bon

21 http://www.paulhastings.com/assets/publications/28.pdf?wt.mc_ID=28.pdf 22 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 23 janvier 1996.

21

droit que la cour d’appel a retenu que M. X n’était pas fondé à prétendre qu’il ne saurait, en sa qualité de commissaire aux comptes, être poursuivi sur le fondement de ces textes ».

Aujourd’hui, cette solution n’est plus contestée23.

51. Le commissaire aux comptes personne physique, destinataire de la sanction.

Ce principe a été affirmé dans l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 11 juillet 200624 : « une sanction pécuniaire peut être prononcée à l’encontre de toute personne physique […] ; il importe peu à cet égard que puisse également être sanctionnée à ce titre la personne morale au nom et pour le compte de laquelle cette personne physique a agi ». En effet, « le commissaire aux comptes certifiant les comptes au nom de la société de commissaires aux comptes dont il est membre agit en qualité d’associé, d’actionnaire ou de dirigeant de cette société, et non en qualité de salarié de celle-ci, peu important qu’il soit lié à la société de commissaires aux comptes par un contrat de travail ».

52. Les éléments constitutifs du manquement. Le délit et le manquement sont sensiblement identiques. La sanction du manquement est différente de celle du délit : aucune autorité de régulation ne peut prononcer une peine privative de liberté, les sanctions pécuniaires seront par conséquent beaucoup plus élevées. En vertu de l’article L. 621-15, III, c) du code monétaire et financier, les commissaires aux comptes encourent « une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 10 millions d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ».

Le délit boursier et le manquement boursier présentent un point commun majeur qui est le support de l’information communiquée. Le manquement est caractérisé « quel que soit le support utilisé25 » : il peut s’agir d’un prospectus, d’une plaquette, de la presse, d’un site internet, etc.

Tout comme le délit de fausse information, ce manquement constitue une incrimination d’un comportement formel. En effet, suite à la loi du 26 juillet 2005, l’article L. 621-14, I, alinéa 1er du code monétaire et financier vise les informations « de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché ». Il n’est donc pas nécessaire que la pratique ait eu un effet sur leur protection. Il suffit qu’elle ait été de nature à produire ledit effet.

Concernant les actes sanctionnés, alors que le délit ne sanctionne que la diffusion d’une fausse information26, l’article 632-1 du règlement général de l’AMF vise la communication d’une fausse information (il s’agit du fait de celui qui est à l’origine de l’information) et la diffusion d’une fausse information (il s’agit du fait de toute autre personne). Toutefois, le champ d’application du manquement de l’AMF est étendu aux omissions d’information. En effet, bien que l’omission de l’information ne soit pas expressément visée au sein du texte légal, l’article L. 621-15, II, c) du code monétaire et financier permet de sanctionner « la diffusion d’une fausse information ou tout autre manquement mentionné au I de l’article L. 621-14 », qui

23 Décision AMF du 23 février 2006, décision AMF du 29 mars 2007, décision AMF du 24 mai 2007. 24 AUGUSTIN R., Responsabilité des commissaires aux comptes, éd. Dalloz-Sirey, coll. Dalloz Références, 2008-2009 25 Article 632-1 du règlement général de l’AMF. 26 Le texte légal fait référence uniquement à la notion de « répandre ».

22

lui-même vise « tout autre manquement de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché », ce qui inclut les manquements aux obligations relatives à l’information périodique et permanente énoncées aux articles 221-1 et suivants du règlement général de l’AMF.

La fausse information peut porter sur l’émetteur comme sur l’instrument financier.

S’agissant de l’élément moral, une certaine dose d’intentionnalité est exigée. En effet, en vertu de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, le manquement est caractérisé lorsque « la personne savait ou aurait dû savoir que les informations étaient inexactes ». Il n’existe aucune définition des critères permettant de déterminer que la personne « aurait dû savoir ». Certains auteurs soutiennent l’existence d’une présomption de connaissance à l’encontre du commissaire aux comptes. Cependant, conformément au principe de présomption d’innocence, une décision de l’AMF du 28 février 2008 a infirmé cette position en décidant que « les commissaires aux comptes n’encourent une sanction que s’il est établi, soit qu’ils savaient que les informations communiquées par la société avec leur aval étaient inexactes, imprécises ou trompeuses, soit que l’accomplissement des diligences requises exigées par les textes leur aurait permis de le savoir ».

53. Le juge pénal français favorise également la condamnation pénale du commissaire aux comptes sur le fondement du délit de diffusion ou de confirmation d’informations mensongères au détriment du délit de fausse information. Ce délit, qui est spécifique à la qualité de commissaire aux comptes, sanctionne les défaillances que ce dernier a commises dans l’accomplissement de sa mission de contrôle légal des comptes. Il constitue ainsi le meilleur outil à disposition du juge pénal français pour qu’il mette en œuvre sa politique pénale relative à la mission d’audit du commissaire aux comptes.

B. LE DELIT DE DIFFUSION OU DE CONFIRMATION D’INFORMATIONS MENSONGERES : LE SUPPORT DE LA POLITIQUE PENALE RELATIVE A LA MISSION D’AUDIT

54. Cette infraction reflète les enjeux du débat précédemment exposé. C’est par le biais d’une interprétation particulière des éléments constitutifs de ce délit que la chambre criminelle de la Cour de cassation pourra véritablement mettre en œuvre sa politique pénale relative à la mission de contrôle légal des comptes des auditeurs légaux.

55. L’article L. 820-7 du code de commerce dispose qu’« est puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 75 000 euros le fait, pour toute personne, de donner ou de confirmer, soit en son nom personnel, soit au titre d’associé dans une société de commissaires aux comptes, des informations mensongères sur la situation de la personne morale ».

23

56. Historique de l’infraction. Ce texte est issu de la loi sur les nouvelles régulations économiques du 15 mai 200127. La loi NRE a augmenté de manière significative le montant de l’amende de 18 000 euros à 75 000 euros.

57. Un délit spécifique à la qualité de commissaire aux comptes. C’est une infraction spécifique à la qualité de commissaire aux comptes : ainsi, dans cette infraction, le commissaire aux comptes agit en tant qu’auteur principal du délit.

58. Une interprétation souple des éléments constitutifs du délit.

L’obligation principale incombant au commissaire aux comptes est de certifier la régularité, la sincérité et l’image fidèle des comptes annuels. Il est donc le gardien de cette sincérité, de cette régularité comptable et financière dont il rend compte à l’assemblée générale annuelle dans le rapport général. Il a aussi une obligation d’information dans ses missions spéciales par le biais de rapports spéciaux.

En faveur de cette conception de gardien de la sincérité, le juge pénal adopte une interprétation souple des éléments constitutifs du délit, sanctionnant ainsi de manière sévère le contrôle défaillant des commissaires aux comptes.

59. Les éléments matériels.

60. L’information financière et comptable : une information précise sur la situation sociale. Une seule information suffit et elle doit porter sur la situation de la société contrôlée et non sur d’autres sociétés.

Il doit s’agir d’une « information précise sur la situation de la société ».

L’information financière et comptable constitue de manière évidente une information précise sur la situation de la société.

61. Une information qui relève des différentes missions de contrôle du commissaire aux comptes. L’information doit relever de la mission de contrôle du commissaire aux comptes c’est-à-dire que les informations doivent être parvenues à sa connaissance dans l’exercice de ses fonctions. L’information en question doit avoir été apprise par le commissaire aux comptes à l’occasion de l’exercice de sa mission de contrôle.

Cette condition est aujourd’hui entendue largement par la jurisprudence qui l’étend, au-delà des missions légales de contrôle, aux missions conventionnelles de contrôle du commissaire aux comptes. Ses missions légales de contrôle comprennent :

– sa mission de certification des comptes, dont il rend compte à l’assemblée générale annuelle dans son rapport général. Concernant cette mission de certification, il ressort d’un arrêt de la chambre criminelle du 8 avril 1991 que si le commissaire aux comptes « peut limiter ses vérifications à de simples sondages, il doit cependant examiner plus soigneusement les comptes qui présentent un aspect anormal » ;

– une mission spéciale d’information qui se traduit par des rapports spéciaux.

La jurisprudence retenant une mission permanente de vérification à la charge des commissaires aux comptes, elle applique le délit aux missions conventionnelles de contrôle du commissaire aux comptes. Il s’agit pour les commissaires aux comptes

27 Résultant de la refonte de l’ancien article L. 242-27 C. com. et de l’article 457 de la loi du 24 juillet

1966.

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d’assumer la responsabilité de la sincérité des informations contenues dans les documents qui leur sont soumis.

Ainsi, cette acception large de la mission de contrôle de l’auditeur légal constitue un outil favorable à la politique pénale voulue par la chambre criminelle de la Cour de cassation. Par le biais de cette interprétation, les commissaires aux comptes sont garants de l’exactitude et de la sincérité de toutes les informations comptables et financières dont il a connaissance tant dans l’exercice de ses missions légales de contrôle que dans l’exercice de ses missions conventionnelles de contrôle.

62. Les investisseurs, destinataires de l’information. Les destinataires habituels sont les dirigeants de la société, les actionnaires et les tiers désignés par la loi. Toutefois, avec l’accroissement des missions de contrôle du commissaire aux comptes, le nombre de destinataires a considérablement augmenté. Ainsi, les investisseurs (considérés comme futurs potentiels actionnaires) sont des destinataires légitimes de l’information comptable et financière.

De plus, il suffit que l’investisseur soit considéré comme destinataire de l’information.

Ce nombre croissant de destinataires de l’infraction résulte du fait que l’article L. 820-7 du code de commerce n’exclut aucune personne en tant que destinataire (adage : là où la loi ne distingue pas, il n’y a pas lieu de distinguer).

63. Une appréciation large du caractère mensonger des informations : une sanction sévère du contrôle défaillant des commissaires aux comptes. Des informations mensongères vont être diffusées ou confirmées, qui vont refléter une image mensongère de la situation de la société contrôlée. Les informations mensongères vont déformer la réalité de la situation de la société contrôlée.

C’est sur ce point que porte principalement le débat : à partir de quel moment l’information est-elle mensongère ?

La doctrine est divisée sur ce point : en effet pour certains auteurs, le mensonge doit être d’une certaine gravité justifiant la poursuite. Pour d’autres, en vertu de l’adage « là où la loi ne distingue pas, il n’y a pas lieu de distinguer », l’article L. 820-7 du code de commerce ne distingue pas selon le degré de gravité du mensonge pour caractériser l’infraction.

La nuance est très subtile : l’exagération est acceptée mais le mensonge est sanctionné. Il est difficile de trouver une limite entre le mensonge et l’exagération. « La coloration mensongère de l’information doit aussi, pour que le délit soit constitué, être suffisamment précise. Exagérer n’est pas toujours mentir, aux juges de faire la part de l’exagération tolérée et du mensonge interdit28. »

Il y a une notion importante : la marge d’appréciation subjective, qui exclut du champ d’application du délit les simples estimations ou évaluations dont l’incertitude est inévitable. Une certaine marge d’incertitude est tolérée : il s’agit du seuil en dessous duquel l’irrégularité n’influerait pas sur le caractère de l’information, qui ne serait « pas de nature à modifier l’opinion ou l’appréciation qui [peuvent] être portées sur les comptes sociaux ». Toutefois, le mensonge est caractérisé par des

28 Jean Larguier et Philippe Conte.

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inexactitudes avérées, malversations ou risques anormaux courus par la société non compris dans les limites de cette marge d’incertitude tolérée.

La caractérisation de ce mensonge appartient aux juges du fond dans leur pouvoir souverain d’appréciation qui va décider si les erreurs relevées dépassent cette marge d’appréciation subjective. Il existe une norme d’exercice professionnel NEP-320 relative aux Anomalies significatives et seuil de signification. Le seuil de signification est alors défini comme « le montant au-delà duquel les décisions économiques ou le jugement fondé sur les comptes sont susceptibles d’être influencés ». La jurisprudence va délimiter la notion d’écart qui peut être toléré, écart qui fait partie de la marge d’appréciation subjective (lui ne sera pas sanctionné).

On en revient ici au débat relatif à la valeur de l’argument tiré du fait que le commissaire aux comptes a pleinement respecté les normes d’exercice professionnel homologuées par le garde des Sceaux. Quelle est sa valeur pour le juge pénal ? Le respect des normes d’exercice professionnel par le commissaire aux comptes n’est pas suffisant pour le juge pénal qui considère ce dernier comme le garant de l’exactitude des informations comptables et financières.

64. Diffusion et confirmation d’informations mensongères. Il convient de distinguer la diffusion d’informations mensongères et la confirmation d’informations mensongères. L’information mensongère est souvent la dissimulation d’une infraction commise par les dirigeants : par exemple, la présentation de bilan inexact par le dirigeant que va venir confirmer le commissaire aux comptes. Dans cette hypothèse, un moyen de défense est offert aux commissaires aux comptes : dès lors que le dirigeant a été relaxé du chef de présentation de comptes inexacts, il est impossible que les informations confirmées par le commissaire aux comptes puissent être qualifiées de mensongères29. L’incrimination va vraiment dépendre du sort de l’infraction principale. Cependant, dans le délit de diffusion d’informations mensongères par le commissaire aux comptes, il n’y a aucune infraction préalable.

65. Il faut qu’il y ait une transmission matérielle de l’information mensongère par le commissaire aux comptes.

La transmission matérielle de l’information mensongère. Cette transmission matérielle consiste soit en un acte de délivrance, soit en un acte de confirmation. L’article L. 820-7 du code de commerce ne définit pas ces deux notions. Mais ces deux notions ne posent pas de réelles difficultés. L’acte de délivrance se fera par la transmission des informations dans des documents qu’il a rédigés et l’acte de confirmation se réalisera notamment dans un rapport approuvant un bilan inexact30.

Cette transmission matérielle est faite à des destinataires : la seule limite réside dans le fait que la personne doit être légalement considérée comme destinataire de l’information. Comme nous l’avons vu précédemment, le texte ne distingue pas entre différents destinataires de l’information, ainsi en vertu de l’adage « là où la loi ne distingue pas, il n’y a pas lieu de distinguer » le procureur de la République n’est pas exclu des destinataires de l’information mensongère.

Cette transmission peut revêtir différentes formes : cela peut être des informations contenues dans des supports écrits, cela peut être des informations verbales. Dans la

29 CA Paris, 25 mai 2000. 30 Crim., 12 janvier 1981.

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majorité des cas, l’information mensongère apparaît dans le rapport écrit que les commissaires aux comptes doivent transmettre à l’assemblée générale. Mais tout type d’écrit va matérialiser l’infraction. Concernant les informations verbales, leur preuve sera difficile à rapporter.

Pour la majorité de la doctrine, une abstention peut engager la responsabilité pénale du commissaire aux comptes, c’est-à-dire que selon eux le délit d’informations mensongères du commissaire aux comptes n’est pas une infraction de commission. L’omission, la réticence ou le silence sont une forme de mensonge et ils peuvent matérialiser ainsi l’infraction. Ce mensonge par réticence résulte du mot « confirmation » : en effet, le silence peut valoir confirmation : c’est une abstention de démenti. La chambre criminelle ne s’est pas encore prononcée sur cette question.

En conclusion, il y aura mensonge par réticence si le commissaire aux comptes s’abstient sciemment de démentir une information mensongère donnée par les dirigeants sociaux, et l’infraction ne sera pas caractérisée si le commissaire aux comptes refuse de certifier le bilan.

66. L’élément moral.

67. Une présomption d’intention coupable facilitant les poursuites pénales à l’encontre du commissaire aux comptes. En vertu de l’article 121-3 du code pénal, « il n’y a pas de crime ou de délit sans intention de le commettre ». L’article 121-3 du code pénal suppose donc une intention coupable.

Toutefois, dans certains cas, une présomption est posée : il s’agit d’une dérive par rapport au texte. Les juges vont déduire la mauvaise foi de la matérialité de l’infraction. Ils vont la déduire soit de la qualité de professionnel du commissaire aux comptes soit de la révélation de manquements graves aux devoirs de la fonction. Les juges sont fortement tentés, face à un professionnel averti, de présumer l’intention délictueuse lorsque sont relevés des manquements graves aux devoirs de la fonction. Selon les juges, sa qualité de professionnel fait que le commissaire aux comptes ne pouvait pas ne pas savoir : en effet, sa mission réside précisément dans le fait de s’assurer de l’exactitude des informations. Il s’agit alors pour la profession d’une responsabilité particulière.

Cette présomption efface ainsi l’élément moral du délit d’informations mensongères du commissaire aux comptes, et cela renforce l’idée selon laquelle cette infraction est aujourd’hui entendue très largement et caractérisée très facilement par les juges.

68. Quelques exemples de non-présomption. De simples négligences ne peuvent suffire à retenir la présomption. Il faudra démontrer que le commissaire aux comptes a, en parfaite connaissance de cause, diffusé ou confirmé des informations mensongères.

69. La tentative. Elle n’est pas punissable car elle n’est pas prévue par un texte.

70. Sanctions. Il s’agit d’un emprisonnement de 5 ans et d’une amende de 75 000 euros.

71. Prescription de l’action publique. En vertu de l’article 8 du code de procédure pénale, le délit d’informations mensongères se prescrit par trois ans : « En matière de délit, la prescription de l’action publique est de trois années révolues. » Puisque c’est un délit instantané, le délit de prescription court à compter du jour où l’infraction est

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consommée. Dans le cadre de ce délit, l’infraction est consommée le jour où l’information mensongère est donnée ou confirmée par le commissaire aux comptes, c’est-à-dire le jour où l’information a été reçue par les destinataires.

Le rapport établi par le commissaire aux comptes, destiné aux associés, doit être déposé au siège quinze jours avant la date de l’assemblée générale. C’est à compter de ce dépôt que le rapport peut être consulté par les actionnaires. Ainsi, c’est à compter du dépôt du rapport mensonger que l’infraction est consommée.

72. Dans ce contexte, quels sont les moyens de défense dont disposent les commissaires aux comptes qui pourraient limiter l’impact de cette politique pénale qui semble préjudiciable pour la profession ?

§3. LES MOYENS DE DEFENSE POUR LES COMMISSAIRES AUX COMPTES

73. Le commissaire aux comptes ne saurait invoquer pour se décharger de sa responsabilité pénale la délégation qu’il avait donnée à ses collaborateurs, ni la confiance totale qu’il avait dans le comptable.

Dans ce contexte, le commissaire aux comptes n’aura aucun intérêt à se cacher derrière les actes de l’expert-comptable en le dénonçant (c’est-à-dire en affirmant que ce dernier a remis des documents comptables erronés). Il aura plutôt intérêt à se mettre en avant et démontrer qu’il a bien respecté toutes les règles. Cela fait référence au problème de l’expectation gap analysé précédemment.

** *

74. La communication entre les auditeurs et les investisseurs devra mieux se faire à l’avenir.

Il y a un décalage de plus en plus grand entre les différentes perceptions de la mission du commissaire aux comptes et des appréhensions opposées de sa mission.

Le commissariat aux comptes étant une profession libérale, il serait, semble-t-il, plus opportun d’encadrer leur responsabilité, c’est-à-dire de faire en sorte qu’elle soit moins lourde. Ce processus a déjà débuté en matière de responsabilité civile des auditeurs légaux : en effet, la Commission des Communautés européennes a émis une recommandation en date du 5 juin 2008 en faveur de la limitation de la responsabilité civile des contrôleurs légaux des comptes et des cabinets d’audit.

Dans ce sens, les experts affirment que la meilleure solution serait la communication par les auditeurs d’un plus grand nombre d’informations aux investisseurs et en contrepartie une responsabilité limitée, moins lourde.