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Quand favela rime avec haute couture. À Rio de Janeiro, au Brésil, des femmes artisans inventent des modèles pour les grandes griffes mondiales. . SAO PAULO, De notre correspondant À Rio de Janeiro, au Brésil, des femmes artisans inventent des modèles pour les grandes griffes mondiales. SAO PAULO, De notre correspondant CARPENTIER Steve Paru le: mardi 13/02/2007 Au Brésil, on ne compte plus les projets qui existent dans les favelas pour permettre à ces zones de grande pauvreté et de violence endémique d'envisager l'avenir de manière moins sombre. C'est le cas à Rio de Janeiro, dans la favela de la Rocinha, une des plus peuplées d'Amérique latine, mais aussi une des plus dynamiques en matière d'initiatives socio-économiques. Ainsi, une coopérative de couturières permet à des femmes du quartier de travailler chez elles en produisant des pièces artisanales, lesquelles ont peu à peu dépassé les frontières de la favela pour gagner une renommée internationale. Ce projet, baptisé Coopa-Roca, abréviation de Coopérative du travail artisanal et de couture de la Rocinha, fut lancé il y a vingt ans par une sociologue de formation, Maria Teresa Leal. Une femme opiniâtre qui, en décembre dernier, fit partie des neuf finalistes retenues parmi plus de 150 candidats au trophée du meilleur « employeur social » de la Fondation Schwab. Lorsqu'elle met sur pied la Coopa-Roca, en 1987, elle répond à un besoin très simple : donner du travail sur place à des mères de famille qui, assumant l'éducation de leurs enfants, ont les plus grandes difficultés à quitter leur quartier pour travailler ailleurs. La coopérative débute timidement, en fonctionnant comme un atelier de recyclage de coupons et de fils de tissus offerts par des usines de la ville. Des rebuts qui permettent à cinq mères de famille du quartier de fabriquer des coussins brodés vendus aux habitants du quartier. Ce circuit économique modeste va prendre son envol avec la création de vêtements présentés lors de défilés de mode et les premières collaborations lancées auprès de stylistes brésiliens connus, tels que Carlos Miele et Oskar Metsavaht. Car les femmes de la Rocinha, dont beaucoup sont originaires des régions pauvres situées dans le nord du pays, ont de l'or dans les mains : des techniques de couture traditionnelles complexes qui plaisent d'emblée à des designers à la recherche d'authenticité, d'originalité et d'ethnicité. De simples crocheteuses, les femmes artisans de la Rocinha sont au fil du temps devenues des stylistes recherchées pour leur savoir-faire. Pour Maria Teresa Leal, le principe est de produire des articles de qualité afin de rendre sa coopérative compétitive, rompant avec le modèle classique du « petits moyens-petits produits ». Vingt ans après les premiers coups de ciseaux, une centaine de couturières vivent de leurs créations et 400 emplois indirects ont été générés. La coopérative, dont le budget annuel est désormais de 170 000 € (pour moitié provenant de donations), travaille en partenariat avec des maisons de couture aussi réputées que celles de Karl Lagerfeld, Cacharel, ou Paul Smith. En 2005, plusieurs de ces petites mains firent le voyage jusqu'au Parc de la Villette, à Paris, où elles purent, dans le cadre de l'Année du Brésil en France, montrer leur savoir-faire lors d'un défilé de mode « couture équitable ». Leurs modèles, sacs, bijoux, habits, objets divers sont aujourd'hui commercialisés par les grands réseaux de distribution de la mode, au Brésil, mais aussi en Angleterre, aux États-Unis et en France.

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Quand favela rime avec haute couture. À Rio de Janeiro, au Brésil,des femmes artisans inventent des modèles pour les grandesgriffes mondiales. . SAO PAULO, De notre correspondantÀ Rio de Janeiro, au Brésil, des femmes artisans inventent des modèles pour les grandesgriffes mondiales. SAO PAULO, De notre correspondant

CARPENTIER Steve

Paru le: mardi 13/02/2007

Au Brésil, on ne compte plus les projets qui existent dans les favelas pour permettreà ces zones de grande pauvreté et de violence endémique d'envisager l'avenir demanière moins sombre. C'est le cas à Rio de Janeiro, dans la favela de la Rocinha,une des plus peuplées d'Amérique latine, mais aussi une des plus dynamiques enmatière d'initiatives socio-économiques. Ainsi, une coopérative de couturières permetà des femmes du quartier de travailler chez elles en produisant des piècesartisanales, lesquelles ont peu à peu dépassé les frontières de la favela pour gagnerune renommée internationale.

Ce projet, baptisé Coopa-Roca, abréviation de Coopérative du travail artisanal et decouture de la Rocinha, fut lancé il y a vingt ans par une sociologue de formation,Maria Teresa Leal. Une femme opiniâtre qui, en décembre dernier, fit partie des neuffinalistes retenues parmi plus de 150 candidats au trophée du meilleur « employeursocial » de la Fondation Schwab.

Lorsqu'elle met sur pied la Coopa-Roca, en 1987, elle répond à un besoin très simple: donner du travail sur place à des mères de famille qui, assumant l'éducation deleurs enfants, ont les plus grandes difficultés à quitter leur quartier pour travaillerailleurs. La coopérative débute timidement, en fonctionnant comme un atelier derecyclage de coupons et de fils de tissus offerts par des usines de la ville. Des rebutsqui permettent à cinq mères de famille du quartier de fabriquer des coussins brodésvendus aux habitants du quartier.

Ce circuit économique modeste va prendre son envol avec la création de vêtementsprésentés lors de défilés de mode et les premières collaborations lancées auprès destylistes brésiliens connus, tels que Carlos Miele et Oskar Metsavaht. Car lesfemmes de la Rocinha, dont beaucoup sont originaires des régions pauvres situéesdans le nord du pays, ont de l'or dans les mains : des techniques de couturetraditionnelles complexes qui plaisent d'emblée à des designers à la recherched'authenticité, d'originalité et d'ethnicité. De simples crocheteuses, les femmesartisans de la Rocinha sont au fil du temps devenues des stylistes recherchées pourleur savoir-faire.

Pour Maria Teresa Leal, le principe est de produire des articles de qualité afin derendre sa coopérative compétitive, rompant avec le modèle classique du « petitsmoyens-petits produits ». Vingt ans après les premiers coups de ciseaux, unecentaine de couturières vivent de leurs créations et 400 emplois indirects ont étégénérés.

La coopérative, dont le budget annuel est désormais de 170 000 € (pour moitiéprovenant de donations), travaille en partenariat avec des maisons de couture aussiréputées que celles de Karl Lagerfeld, Cacharel, ou Paul Smith. En 2005, plusieursde ces petites mains firent le voyage jusqu'au Parc de la Villette, à Paris, où ellespurent, dans le cadre de l'Année du Brésil en France, montrer leur savoir-faire lorsd'un défilé de mode « couture équitable ». Leurs modèles, sacs, bijoux, habits, objetsdivers sont aujourd'hui commercialisés par les grands réseaux de distribution de lamode, au Brésil, mais aussi en Angleterre, aux États-Unis et en France.