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136 Le praticien en anesthésie réanimation © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés rubrique pratique Que faire devant un accès veineux difficile chez un enfant ? Marc Dubreuil (photo), Sylvaine Français, Yves Meymat Correspondance : Marc Dubreuil, Polyclinique de Bordeaux Tondu, 143 rue du Tondu, 33000 Bordeaux. [email protected] abord veineux périphérique chez l’enfant est réputé diffi- cile, du fait soit de facteurs anatomiques, soit du compor- tement des enfants. On pourrait aussi incriminer un défaut d’expertise de l’opérateur non habitué à l’enfant et utilisant de ce fait une technique ou un matériel inadapté. Différentes techniques d’abord vasculaire sont utilisables selon les indications et le degré d’urgence. L’abord veineux est souvent plus difficile chez le nourrisson à partir de 1 mois jusqu’à l’âge de la marche, à cause du panicule adipeux. Paradoxalement, chez le nouveau-né les difficultés d’abord veineux sont plus rares. Chez l’enfant plus grand, c’est la peur irraisonnée et le manque de coopération, avec ses conséquences psychologiques, qui sont cer- tainement les principales difficultés de l’abord veineux. Sachant qu’il est possible de réaliser une anesthésie exclusive- ment inhalatoire chez l’enfant, la question de perfuser tous les patients peut se poser, ainsi que celle de pallier un abord périphé- rique problématique. Pourquoi poser une voie veineuse en anesthésie pédiatrique ? Contrôler les effets du jeûne préopératoire Le jeûne préopératoire est un facteur important de prévention des complications pouvant survenir à l’induction anesthésique, lors de la perte des réflexes protecteurs des voies aériennes. Les enfants tolèrent cependant mal une prolongation de ce jeûne, tant sur le plan physiologique (grande sensibilité du petit enfant à la dés- hydratation avec risque d’hypovolémie de jeûne) que psychologique, avec apparition d’agitation et d’anxiété. L’ La prise de liquides clairs 2 à 3 heures avant l’intervention ne modifie pas de manière significative le volume et le pH gastrique par rapport au jeûne prolongé (1). Le retentissement du jeûne préopératoire sur le volume sanguin circulant et ses conséquences sont probablement plus rapides chez le jeune enfant. Outre le confort qu’elle procure au patient, l’administration orale de liquide permet de maintenir une bonne perfusion cellulaire et de limiter les perturbations hémodynamiques survenant à l’induc- tion (2). La pose de la voie veineuse s’en trouvera en outre faci- litée d’autant. Réaliser l’anesthésie Les indications de mise en place d’une voie veineuse superficielle pour la période périopératoire sont, chez l’enfant comme chez l’adulte, l’administration d’agents anesthésiques, d’analgésiques, d’autres agents (antibiotiques…), de produits dérivés du sang et les apports hydroélectrolytiques. Contrôler les complications potentielles Effets de l’anesthésie Plus fréquents en pédiatrie qu’en anesthésie adulte, le laryngo- spasme et la bradycardie sont deux complications pouvant néces- siter un traitement urgent par voie intraveineuse. En l’absence de voie veineuse, on peut administrer de la succinylcholine par voie intramusculaire, mais son efficacité maximale n’est obtenue qu’en 3,5 minutes. L’atropine n’étant pas utilisable par voie intramuscu- laire (délai d’action de 30 minutes), seules les voies intraveineuses ou intratrachéales sont utilisables en urgence. Le risque d’hypersensibilité à l’un des produits anesthésiques ou à l’un de ses composants ou le risque de révélation d’une anomalie génétique (hyperthermie maligne, porphyrie…) ne peuvent être totalement éliminés malgré une consultation d’anesthésie bien conduite. Des complications de ce type imposent sans délai des traitements intraveineux spécifiques : adrénaline, dantrolène… L’anesthésie générale par voie inhalatoire associée à une anesthé- sie locorégionale peut en cours d’intervention nécessiter un complément par voie intraveineuse. De toute façon, toute anes-

Que faire devant un accès veineux difficile chez un enfant ?

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Le praticien en anesthésie réanimation© 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

rubrique pratique

Que faire devant un accès veineux difficile chez un enfant ?

Marc Dubreuil (photo), Sylvaine Français, Yves Meymat

Correspondance :

Marc Dubreuil, Polyclinique de Bordeaux Tondu, 143 rue du Tondu, 33000 Bordeaux. [email protected]

abord veineux périphérique chez l’enfant est réputé diffi-cile, du fait soit de facteurs anatomiques, soit du compor-tement des enfants. On pourrait aussi incriminer un

défaut d’expertise de l’opérateur non habitué à l’enfant et utilisantde ce fait une technique ou un matériel inadapté.Différentes techniques d’abord vasculaire sont utilisables selon lesindications et le degré d’urgence. L’abord veineux est souventplus difficile chez le nourrisson à partir de 1 mois jusqu’à l’âge dela marche, à cause du panicule adipeux. Paradoxalement, chez lenouveau-né les difficultés d’abord veineux sont plus rares. Chezl’enfant plus grand, c’est la peur irraisonnée et le manque decoopération, avec ses conséquences psychologiques, qui sont cer-tainement les principales difficultés de l’abord veineux.Sachant qu’il est possible de réaliser une anesthésie exclusive-ment inhalatoire chez l’enfant, la question de perfuser tous lespatients peut se poser, ainsi que celle de pallier un abord périphé-rique problématique.

Pourquoi poser une voie veineuse en anesthésie pédiatrique ?

Contrôler les effets du jeûne préopératoire

Le jeûne préopératoire est un facteur important de prévention descomplications pouvant survenir à l’induction anesthésique, lors dela perte des réflexes protecteurs des voies aériennes. Les enfantstolèrent cependant mal une prolongation de ce jeûne, tant sur leplan physiologique (grande sensibilité du petit enfant à la dés-hydratation avec risque d’hypovolémie de jeûne) que psychologique,avec apparition d’agitation et d’anxiété.

L’

La prise de liquides clairs 2 à 3 heures avant l’intervention nemodifie pas de manière significative le volume et le pH gastriquepar rapport au jeûne prolongé (1). Le retentissement du jeûnepréopératoire sur le volume sanguin circulant et ses conséquencessont probablement plus rapides chez le jeune enfant. Outre leconfort qu’elle procure au patient, l’administration orale deliquide permet de maintenir une bonne perfusion cellulaire et delimiter les perturbations hémodynamiques survenant à l’induc-tion (2). La pose de la voie veineuse s’en trouvera en outre faci-litée d’autant.

Réaliser l’anesthésie

Les indications de mise en place d’une voie veineuse superficiellepour la période périopératoire sont, chez l’enfant comme chezl’adulte, l’administration d’agents anesthésiques, d’analgésiques,d’autres agents (antibiotiques…), de produits dérivés du sang etles apports hydroélectrolytiques.

Contrôler les complications potentielles

Effets de l’anesthésie

Plus fréquents en pédiatrie qu’en anesthésie adulte, le laryngo-spasme et la bradycardie sont deux complications pouvant néces-siter un traitement urgent par voie intraveineuse. En l’absence devoie veineuse, on peut administrer de la succinylcholine par voieintramusculaire, mais son efficacité maximale n’est obtenue qu’en3,5 minutes. L’atropine n’étant pas utilisable par voie intramuscu-laire (délai d’action de 30 minutes), seules les voies intraveineusesou intratrachéales sont utilisables en urgence.

Le risque d’hypersensibilité à l’un des produits anesthésiques ou àl’un de ses composants ou le risque de révélation d’une anomaliegénétique (hyperthermie maligne, porphyrie…) ne peuvent êtretotalement éliminés malgré une consultation d’anesthésie bienconduite. Des complications de ce type imposent sans délai destraitements intraveineux spécifiques : adrénaline, dantrolène…

L’anesthésie générale par voie inhalatoire associée à une anesthé-sie locorégionale peut en cours d’intervention nécessiter uncomplément par voie intraveineuse. De toute façon, toute anes-

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Marc Dubreuil, Sylvaine Français, Yves Meymat

thésie locorégionale de type central impose un accès veineux pourpallier toute complication ou effets secondaires potentiels.

Type de chirurgie

Toute chirurgie hémorragique ou induisant des pertes insensiblesimportantes impose un accès veineux. Certaines interventions,comme les cures d’uropathie malformative, peuvent nécessiterune vérification fonctionnelle avant la fermeture et demandentune hydratation importante, voire une stimulation pharmacologiqueou une opacification.

La perfusion est-elle toujours indispensable ?

Recommandations

Il n’existe aucune recommandation formelle imposant l’usage del’accès veineux au cours de l’anesthésie générale chez l’adulte etl’enfant, comme s’il était implicitement admis qu’en son absencetoute anesthésie était impossible (3). Seule est recommandée la dis-ponibilité de matériels adaptés à la pratique pédiatrique (4). L’Ameri-can Society of Anesthesiologists, dans ses recommandations pour lasédation et l’analgésie réalisée hors de la présence d’un anesthésiste,stipule qu’un abord vasculaire doit être maintenu pendant toute ladurée de l’acte chez les patients recevant des traitements sédatifs etanalgésiques (5).

Quelles sont les contre-indications à l’anesthésie pédiatrique sans accès veineux ?

Quel que soit le type de chirurgie, le nouveau-né doit être per-fusé : les problèmes de régulation glycémique, la dépendanceextrême de la pression de perfusion cardiaque et de la volémieà l’état d’hydratation, exposent à trop d’aléas pour se dispenserd’un abord veineux.Les interventions à fort potentiel hémorragique et celles oùl’hémostase chirurgicale reste d’accès difficile comme la chirurgieosseuse ou l’adénoïdectomie, imposent un accès vasculaire.Il en est de même de la chirurgie dont la durée et/ou le type va expo-ser à des pertes insensibles supérieures aux réserves. – Le caractèreurgent d’une intervention en chirurgie pédiatrique nécessite àl’évidence une voie veineuse. Dans ce cas, le jeûne préopéra-toire est aléatoire ; non seulement l’hémodynamique risqued’être instable, mais selon l’importance de l’intervalle entrel’ingestion alimentaire et le traumatisme, la vacuité gastriquesera très certainement compromise, imposant une inductionintraveineuse à séquence rapide.

Dans quelles conditions se passer d’une voie veineuse ?

L’absence de voie veineuse peut-être soit temporaire pendant lespremières étapes d’une induction inhalatoire, soit volontairementprolongée à toute la période opératoire.

La première possibilité fait partie des pratiques d’anesthésie pédiatri-que couramment admises (6) et permet la mise en place de lavoie veineuse dans d’excellentes conditions après la perte deconscience de l’enfant. Le confort du jeune patient « qui n’aime pasles piqûres » est ainsi préservé et c’est un des critères de qualitéimportants d’une bonne induction en pédiatrie (3). Cette voie vei-

neuse « de sécurité » permet la perfusion de solutés (rappelons lagrande dépendance du débit cardiaque à la volémie, surtout chezl’enfant petit) et la prise en charge de complications décrites plus haut.Au total, s’il existe de réels bénéfices cliniques à la mise en place,même différée, de la voie veineuse, l’augmentation du risque anesthé-sique lié à sa non mise en place n’est pas décrite.

On peut volontairement, décider de ne pas poser de voie veineusependant toute la période opératoire, mais les gestes effectués doiventalors se limiter aux actes courts, d’investigations (scanner, IRM), dechirurgie non douloureuse ou dont la douleur est accessible à destechniques d’ALR périphérique : plâtre sous AG, circoncision, réduc-tion orthopédique de fracture. Il faut anticiper le potentiel de compli-cation secondaire et avoir tenu compte de différents paramètres : âgede l’enfant, possibilité per- et postopératoire de prise en charge dela douleur, durée et type de jeûne, respect des consignes de jeûne,respect des horaires opératoires, échec chirurgical, technique desubstitution. Il faut enfin avoir évalué l’accessibilité et la faisabilitéd’une prise secondaire de voie veineuse.

Conduite à tenir devant un accès veineux difficile

Prévention

Jeûne préopératoire

À adapter soigneusement à l’âge de l’enfant et à l’heure de l’inter-vention, il vise à diminuer l’acidité gastrique et à accélérer lavidange de l’estomac. Un jeûne le moins prolongé possible main-tient le volume circulant périphérique optimal et facilite la pose dela voie veineuse périphérique (VVP).

Rationaliser le bilan sanguin préopératoire

Chez un nourrisson au capital veineux visible limité, il faut vérifierla pertinence du bilan demandé. S’il est indispensable, il faut dis-

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Que faire devant un accès veineux difficile chez un enfant ?

cuter des techniques possibles de prélèvement ou d’un partageéquitable des sites veineux avec les biologistes.

Bilan du capital veineux

Chez le nourrisson potelé, la recherche, lors de la consultationd’anesthésie, du capital veineux et de son accessibilité est indis-pensable. Le repérage des veines superficielles chez l’enfant dansun état normal est parfois plus facile qu’après un jeûne malencon-treusement prolongé. En signalant précisément, sur la feuilled’anesthésie, un ou plusieurs sites possibles d’injection, on guideutilement l’équipe d’anesthésie lors de l’induction. L’examen seconcentre sur les sites habituels : plis du coude et arcade du dosdes mains. Si le capital veineux est douteux, on passe à l’étude desites « secondaires » : arcade du dos du pied, face antérieure dupoignet, saphène interne, jugulaire externe. Cet examen, plus oumoins approfondi, permet d’aborder le problème de la pose de per-fusion avec les parents et éventuellement de la conduite à tenir encas d’échec.

Il faut identifier le capital veineux de l’enfant dès la consultation

d’anesthésie

Accès veineux périphérique

Le matériel de ponction

Tout le matériel de ponction, de perfusion et de fixation doit êtrepréparé. La présence d’un aide et le port de gants non stériles sontsouhaitables. Le choix du cathéter court doit être rigoureux : ildoit être de taille adaptée au réseau veineux tout en assurant lemeilleur débit. Chez les plus petits, l’utilisation d’une seringue de10 ml remplie de soluté de glucosé à 2,5 % ou de sérum salé à0,9 % et raccordée à une tubulure courte munie d’un robinet àtrois voies, permet de vérifier la cathétérisation correcte de laveine, de fixer la voie veineuse sans la tension de la ligne entièrede perfusion et d’injecter les différents agents anesthésiques avecun faible espace mort.

Le garrot

L’utilisation d’un garrot pour l’accès veineux est souhaitable. Cegarrot peut être manuel et réalisé par un aide, ce qui est moinsagressif qu’un garrot élastique. Appliqué au niveau de l’articula-tion immédiatement supérieure à la zone de ponction, ce garrotmanuel permet de plus d’éviter tout mouvement intempestif. Lefranchissement cutané et le cathétérisme sont facilités par la misesous tension de la peau. Chez le nourrisson, cette mise en tension

en amont est réalisable entre l’index et le majeur de la main nondominante, ce qui permet l’effet de garrot, et en aval par le pouce.Avec un garrot élastique, il faut vérifier l’absence de compressionartérielle qui diminue les chances de ponction.

La lumière

En général, la source lumineuse est de bonne qualité au bloc opé-ratoire, mais une lumière trop directe ou trop perpendiculaire à lapeau écrase le relief et rend le repérage plus délicat. Une lumièreindirecte (tangentielle) améliore l’impression de relief veineux. Siplusieurs participants s’activent sur les différents sites veineuxpossibles, il faut aussi savoir partager la lumière !

L’anesthésie

Dans la petite enfance et pour la chirurgie réglée, l’induction préa-lable par un agent halogéné permet de pallier l’absence de coopé-ration. Elle a également l’avantage de procurer une dilatationveineuse. Dans tous les cas, pendant la durée de la recherche d’unaccès veineux, il faut en permanence réévaluer l’entretien et laprofondeur de l’anesthésie. Dans la période de tension et deconcentration importante accompagnant un accès veineux diffi-cile, l’évaluation du temps qui s’écoule tend à passer au secondplan. Il faut alors éviter les complications résultant de l’oubli d’unévaporateur réglé sur de trop hautes concentrations d’halogéné :troubles de conduction cardiaque, bas débit par dépression myo-cardique, convulsions sous sévoflurane. Pour les plus grands ouceux subissant une induction intraveineuse, différents moyenspeuvent être utilisés. L’anesthésie topique par mélange eutectiquede prilocaïne et lidocaïne appliquée 1 heure 30 minimum avant lapose ou l’utilisation du protoxyde d’azote pendant 3 à 5 minutespermettent de limiter efficacement la douleur ou l’appréhensionlors de la ponction.

Un algorithme ?

Comme dans la prise en charge difficile des voies aériennes supé-rieures, la difficulté de pose d’une VVP chez l’enfant doit inciter àfaire appel à une aide extérieure (

perseverare diabolicum

). Celan’est en rien synonyme d’incompétence, et c’est au contraire uneattitude révélant le professionnalisme de l’anesthésiste. Aprèscombien de tentatives ? Pour l’intubation, il est admis que c’estaprès trois échecs de laryngoscopie classique que l’on doit dérou-ler l’algorithme de l’intubation difficile. Il n’existe pas, hormisdans certains services peut-être, d’équivalent dans le cas de diffi-culté de mise en place de VVP. L’idéal serait peut-être de toujoursréserver à un possible intervenant externe l’accès à au moins undes sites repérés.

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Marc Dubreuil, Sylvaine Français, Yves Meymat

Alternatives à l’accès veineux périphérique

La dénudation

Pratiquée le plus souvent au niveau des veines céphaliques oubasiliques au membre supérieur, c’était historiquement la solutionretenue en chirurgie pédiatrique, après un grand nombre de ten-tatives et autant d’échecs, signifiant au moins une heure d’essaiset autant de retard dans le programme opératoire. Outre le sacri-fice imposé d’un axe veineux, il faut à ce moment s’obliger à serappeler, qu’une dénudation constitue le début d’un acte chirur-gical. Il y a quelque chose de paradoxal à pratiquer une dénudationdans ce contexte, c’est-à-dire accepter une intervention chirurgi-cale sans voie veineuse pour un acte qui nécessiterait un appro-fondissement de l’anesthésie et de l’analgésie. L’accès veineuxdépend aussi, à ce moment-là, d’un intervenant extérieur quideviendra difficile à convaincre d’arrêter en cas d’échec (7).

Le cathéter jugulaire externe

Cette voie, qui donne un accès direct au réseau veineux profond,est utilisable avec un matériel de ponction veineuse superficielle(cathéter court). Chez le nourrisson, son accessibilité est souventréduite. Les plis du cou diminuent la visibilité, le diamètre relatifde la tête rend difficile l’exposition, la compression à son extré-mité claviculaire est malaisée. La main de ponction est souventgênée par la face de l’enfant et l’accessibilité aux voies aériennespour le maintien de l’anesthésie est compromise. Son débit estdépendant de la position de la tête, et sa fixation est toujoursaléatoire. En fonction du type de chirurgie et des besoins per- etpostopératoires, il vaut mieux la considérer comme une techniquetemporaire et choisir, après remplissage, un autre site.

Les cathéters centraux jugulaires interne et sous-clavier

La décision de passer à un abord veineux central en cas d’échecd’un abord périphérique doit impérativement être prise en pesantsoigneusement le rapport bénéfice/risque. Si les tentativesd’accès périphérique ont été longues et si le jeûne préopératoiren’a pas été optimisé, le risque d’une diminution du volume san-guin circulant est malheureusement majoré. La ponction veineusecentrale en devient plus difficile, ce qui en augmente les risques.Les voies jugulaires interne et sous-clavière ont les mêmes avanta-ges, la voie sous-clavière permettant une meilleure sécurité defixation. Du fait de la position haute du dôme pleural, le pneumo-thorax reste une complication fréquente de cette voie chezl’enfant. Les complications immédiates et secondaires peuventêtre sévères

(annexe 1)

 ; des cas cliniques récemment publiésillustrent judicieusement les problèmes potentiels (7). Ces voies

d’abord nécessitent un opérateur entraîné, un matériel adapté, uncontrôle radiologique immédiat et secondaire (intégrité pulmo-naire et pleurale, positionnement de l’extrémité distale). Sagestion (volume, débit, retour, surveillance) est spécifique etdemande de tout le personnel soignant une attention particulière,hors de proportion avec le contexte opératoire. Des techniquesd’assistance par mini-sonde Doppler ou de guidage par écho-graphie sont de plus en plus utilisées. Elles améliorent le taux deréussite et réduisent celui des complications (8, 9). Ces techniquesfont même l’objet de recommandations chez l’enfant (et l’adulte)dans certains pays (10).

Le cathéter fémoral

La pose d’un accès veineux fémoral est une technique d’urgence etde réanimation. Les risques spécifiques (thrombose, infection, fis-tule, hématome, ischémie) en font une voie temporaire de rem-plissage. Elle semble une solution démesurée dans le contexted’un accès veineux périphérique difficile, en dehors de l’urgence.

Les accès non veineux

Différentes modalités d’injection peuvent permettre de pallier uneabsence de voie veineuse. Ce sont toutes des techniques de réani-mation qui n’ont leur place en anesthésie que pour prendre encharge des complications. – la perfusion intra-osseuse sur la crête tibiale antérieure néces-site un matériel spécifique ou une aiguille à ponction médullaire.Les cathéters habituels sans stylet interne sont trop facilementobstrués par de l’os ou de la moelle osseuse pour être utilisés.Cette voie permet un remplissage d’urgence et doit être relayée parune voie centrale ;– la perfusion sous-cutanée est une technique de réhydratation.Elle n’autorise qu’un choix limité des solutés, des volumes et desdébits de perfusion ;– l’injection sous-cutanée est une voie pharmacologique qui per-met de pallier l’absence de VVP lors de la période charnière du post-opératoire immédiat mais elle ne la remplace pas pour la périodeopératoire ;– la voie intratrachéale est une voie d’urgence, parfois primaire pourles actions spécifiques des agents injectés sur les récepteurs bronchi-ques, parfois secondaire avec résorption systémique (adrénaline).

Faire sans accès veineux ?

Devant l’échec répété de pose de VVP, devant un risque considérécomme excessif des voies centrales, peut-on procéder à l’interven-tion ? Sous couvert d’une anesthésie générale inhalatoire plus oumoins associée à une anesthésie locorégionale, peut-on donner le

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Que faire devant un accès veineux difficile chez un enfant ?

feu vert à l’équipe chirurgicale ? La réponse est : sûrement pas,surtout pas ! Dans la chaîne des événements et des techniques,cette possibilité de « faire sans voie veineuse » n’a pas été envisa-gée

a priori

et s’imposerait à l’équipe

a posteriori.

Renoncer à l’intervention : à quel moment arrêter ?

Après toutes les tentatives bien conduites de ponction périphéri-que, la persistance d’un échec pour une chirurgie non urgentedoit faire surseoir à l’intervention. Cette décision ne doit pas êtrevécue comme un échec personnel ; elle est le fruit de la réflexionindispensable sur l’équilibre entre risque et bénéfice. Cette situa-tion est plus fréquente chez le nourrisson que dans les autres tran-ches d’âge. Ainsi, en attendant quelques mois avant de repro-

grammer l’intervention, on améliore les chances de pose de VVP dufait de la diminution du panicule adipeux consécutif à la croissance.Dans les obésités pathologiques, avec une croissance du poidssupérieure à celle de la taille, des repérages et marquages partechnique Doppler seront sûrement une voie d’avenir. Quoi qu’ilen soit, des parents à qui l’on annonce que l’intervention estrepoussée par impossibilité de pratiquer l’anesthésie sont certesdéçus mais toujours compréhensif si on prend soin de se justifier,c’est-à-dire de leur expliquer clairement les risques que l’on arefusé de faire courir à leur enfant. Cette compréhension devientun soulagement et surtout une confiance lorsque l’éventualité aété précisée avant l’intervention. Dans tous les cas, c’est donc lorsde la consultation d’anesthésie que cette possibilité doit être évo-quée avec les parents lorsque l’examen laisse supposer des diffi-cultés potentielles. Dans tous les cas, ces renseignements doiventfigurer dans le dossier d’anesthésie.

Annexe 1 Complications des cathéters centraux chez l’enfant.Complications précoces (< 24 h) Fausses-routes ou malpositions.

Section du guide ou du cathéter. Pneumothorax, perfusothorax, chylo-thorax, hématome, hémothorax (7), perfusomédiastin, pneumomédias-tin, hémomédiastin, médiastinite. Troubles du rythme (extrasystolie auriculaire et ventriculaire, tachycar-die ventriculaire). Hémopéricarde, Tamponade. Paralysie diaphragmatique, Claude-Bernard Horner.

Complications secondaires (> 24 h) Infections locales ou septicémies.Thromboses veineuses ou cave supérieure.Embolies fibrinocruoriques à l’ablation du cathéter.Déplacements du cathéter (perfusothorax, perfusomédiastin).Perforation myocardique (hémopéricarde).Rupture ou obstruction du cathéter (thrombose).Embolie gazeuse.

Références

1. Splinter WM, Schreiner MS. Preoperative fas-ting in children. Anesth Analg 1999;89:80-9.

2. Friesen RH, Wurl JL, Friesen RM. Duration of preoperative fast correlates with arterial blood pressure response to halothane in in-fants. Anesth Analg 2002;95:1572-6.

3. Duvaldestin P. La mise en place d’une voie veineuse fait-elle partie des règles de sécu-rité avant l’induction d’une anesthésie chez l’adulte ? Ann Fr Anesth Reanim 1998;17:9.

4. Aknin P, Bazin G, Courrèges P, et al. Recom-mandations pour les structures et le matériel

de l’anesthésie pédiatrique. Ann Fr Anesth Reanim 2000;19:68-72.

5. American Society of Anesthesiologists Task Force on Sedation and Analgesia by Non-Anesthesiologists. Practice Guidelines for Sedation and Analgesia by Non-Anesthesio-logists. Anesthesiology 2002;96:1004-17.

6. Murat I. La mise en place d’une voie vei-neuse fait-elle partie des règles de sécurité avant l’induction d’une anesthésie chez l’en-fant ? Ann Fr Anesth Reanim 1998;17:10.

7. Waddington MS, Mullins GC. Early complica-tion of pediatric central venous cannulation. Pediatric Anesthesia 2005;15:1001-5.

8. MacIntyre PA, Samra G, Hatch DJ. Prelimi-nary experience with the Doppler ultrasound guided vascular access needle in pediatric patients. Paediatric Anaesthesia 2000;10:361-5.

9. Arai T, Yamashita M. Central venous catheteri-zation in infants and children – small caliber audio-Doppler probe versus ultrasound scan-ner. Pediatric Anesthesia 2005;15:858-61.

10. National Institute for Clinical Excellence. Guidance on the use of ultrasound locating devices for placing central venous catheters, 2002. http://www.nice.org.uk/page.aspx?o=TA049guidance.