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413 lu pour vous On voit donc traiter des sujets tels que : nutrition périopératoire — ventilation non invasive — analgésie postopératoire — préparation de l’opéré… puis toutes ces mesures sont reprises spécifiquement en fonction du contexte (chirurgie viscérale, thoracique, ortho- pédique…). Tous les chapitres sont actualisés, traités par des praticiens expérimentés sur les sujets concernés, mais ils restent en même temps très pratiques. Il s’agit donc d’un véritable manuel de la réhabilitation postopératoire à l’usage des anesthésistes, chirurgiens et autres spécialistes intervenant dans ce contexte. Francis Bonnet Hôpital Tenon, Paris. Vers une meilleure compréhension des risques anesthésiques des patients atteints de myopathies Duchenne muscular dystrophy: an old anesthesia problem revisited J Hayes, F Veyckemans, B BissonnettePediatric Anesthesia 2007 (online early) Les risques de l’anesthésie des patients atteints de myopathie sont un sujet récurrent de la littérature anesthésique. Dans les années 90, plusieurs cas cliniques de rhabdomyolyse aiguë accompagnée d’un arrêt cardiaque par hyperkaliémie ont été rap- portés chez ces patients après administration de succinylcholine. Cependant, des rhabdomyolyses et des réactions métaboliques ressemblant à une hyperthermie maligne ont également été rapportés lors de l’administration d’agents halogénés, même en l’absence de succinylcholine. Cet article fait le point de la physio- pathologie de ces manifestations et propose des recommandations claires pour la pratique clinique. Trois types de tableaux cliniques critiques ont été décrits lors de l’administration d’halogénés chez des patients myopathes. Le premier est le classique arrêt cardiaque par hyperkaliémie observé chez des patients ayant une myopathie de Duchenne de Boulogne (DMD) ou de Becker (BMD). Cet arrêt cardiaque était inaugural de la maladie dans 8 cas sur 13 et était contemporain de l’administration d’halothane ou d’isoflurane. Tous ces patients avaient des signes de rhabdomyolyse massive (hyperkaliémie, myoglobinurie, élévation des CPK). Le 2 e  tableau clinique consiste en une augmentation progressive de la température et de la fréquence cardiaque spon- tanément résolutive en postopératoire ou à l’arrêt des halogénés en peropératoire. Le 3 e  tableau clinique est une rhabdomyolyse postopératoire rapportée chez 6 patients au décours de l’adminis- tration d’halothane, d’enflurane ou de sévoflurane. L’une est sur- venue au cours d’une anesthésie sans halogénés, mais la machine d’anesthésie n’avait pas été correctement purgée des vapeurs halogénées après le patient précédant. L’étiologie de ces tableaux cliniques n’est pas univoque. Pendant longtemps, ces syndromes cliniques ont été étiquetés hyper- thermie maligne. Les auteurs de cette revue réfutent cette hypo- thèse sur des éléments cliniques et expérimentaux. En particulier, on a pu établir que les souris déficientes en dystrophine et ayant des perturbations de l’homéostasie calcique intracellulaire n’étaient pas susceptibles à l’hyperthermie maligne (HM). Les auteurs proposent de regrouper l’ensemble des tableaux cliniques sous le terme de « rhabdomyolyse induite par l’anesthésie » qui serait directement liée à l’absence de dystrophine. Les facteurs déclenchants sont les mêmes que ceux de l’HM, les halogénés et/ou la succinylcholine. Ce syndrome semble plus fréquent chez les patients âgés de moins de 8 ans dont les fibres musculaires essaient de se régénérer. L’absence de dystrophine favorise l’instabilité du sarcolemne de la fibre musculaire, augmente sa per- méabilité et conduit à une augmentation du calcium intracellulaire. Les conclusions pratiques de cet article sont qu’il est essentiel d’éviter les agents déclenchants ce syndrome (halogénés et succinylcholine) et qu’il faut respecter les précautions classiques avant toute anesthésie chez un myopathe (purge prolongée du circuit, changement de tuyaux) car la concentration seuil capable de déclencher une rhabdomyolyse est inconnue. En présence de l’un des tableaux cliniques décrits précédemment, il faut arrêter les halogénés, purger le circuit, mesurer d’urgence la kaliémie et entreprendre un traitement symptomatique. Le dandrolène semble inefficace chez la plupart de ces patients. Isabelle Murat Hôpital Armand Trousseau, Paris. Quel agent anesthésique pour endormir un enfant hypotonique ? Muscular dystrophy versus mitochondrial myopathy: the dilemma of the undiagnosed hypotonic child Ross AK. Pediatric Anesthesia 2007;17:1-6. Cet éditorial fait le point sur le choix des agents anesthésiques utilisables chez les enfants hypotoniques se présentant pour une anesthésie. Ces enfants hypotoniques relèvent en fait de deux grandes familles diagnostiques : les myopathies et les cytopathies mitochondriales. Les premières touchent avant tout les garçons et leur fréquence est de l’ordre de 1 sur 3 200 naissances, alors que les secondes touchent environ un enfant sur 4 000 naissances. Cette incidence est donc loin d’être négligeable pour ceux qui endorment régulièrement des enfants. Le dilemme réside dans le

Quel agent anesthésique pour endormir un enfant hypotonique ?

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On voit donc traiter des sujets tels que : nutrition périopératoire— ventilation non invasive — analgésie postopératoire — préparationde l’opéré… puis toutes ces mesures sont reprises spécifiquementen fonction du contexte (chirurgie viscérale, thoracique, ortho-pédique…). Tous les chapitres sont actualisés, traités par despraticiens expérimentés sur les sujets concernés, mais ils restenten même temps très pratiques. Il s’agit donc d’un véritable manuelde la réhabilitation postopératoire à l’usage des anesthésistes,chirurgiens et autres spécialistes intervenant dans ce contexte.

Francis Bonnet

Hôpital Tenon, Paris.

Vers une meilleure compréhension des risques anesthésiques des patients atteints de myopathies

Duchenne muscular dystrophy: an old anesthesia problem revisited

J Hayes, F Veyckemans, B BissonnettePediatric Anesthesia 2007 (online early)

Les risques de l’anesthésie des patients atteints de myopathiesont un sujet récurrent de la littérature anesthésique. Dans lesannées 90, plusieurs cas cliniques de rhabdomyolyse aiguëaccompagnée d’un arrêt cardiaque par hyperkaliémie ont été rap-portés chez ces patients après administration de succinylcholine.Cependant, des rhabdomyolyses et des réactions métaboliquesressemblant à une hyperthermie maligne ont également étérapportés lors de l’administration d’agents halogénés, même enl’absence de succinylcholine. Cet article fait le point de la physio-pathologie de ces manifestations et propose des recommandationsclaires pour la pratique clinique.

Trois types de tableaux cliniques critiques ont été décrits lors del’administration d’halogénés chez des patients myopathes. Le premierest le classique arrêt cardiaque par hyperkaliémie observé chez despatients ayant une myopathie de Duchenne de Boulogne (DMD) oude Becker (BMD). Cet arrêt cardiaque était inaugural de la maladiedans 8 cas sur 13 et était contemporain de l’administrationd’halothane ou d’isoflurane. Tous ces patients avaient des signesde rhabdomyolyse massive (hyperkaliémie, myoglobinurie, élévationdes CPK). Le 2

e

 tableau clinique consiste en une augmentationprogressive de la température et de la fréquence cardiaque spon-tanément résolutive en postopératoire ou à l’arrêt des halogénésen peropératoire. Le 3

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 tableau clinique est une rhabdomyolysepostopératoire rapportée chez 6 patients au décours de l’adminis-tration d’halothane, d’enflurane ou de sévoflurane. L’une est sur-venue au cours d’une anesthésie sans halogénés, mais la machine

d’anesthésie n’avait pas été correctement purgée des vapeurshalogénées après le patient précédant.L’étiologie de ces tableaux cliniques n’est pas univoque. Pendantlongtemps, ces syndromes cliniques ont été étiquetés hyper-thermie maligne. Les auteurs de cette revue réfutent cette hypo-thèse sur des éléments cliniques et expérimentaux. En particulier,on a pu établir que les souris déficientes en dystrophine et ayantdes perturbations de l’homéostasie calcique intracellulaire n’étaientpas susceptibles à l’hyperthermie maligne (HM).Les auteurs proposent de regrouper l’ensemble des tableaux cliniquessous le terme de « rhabdomyolyse induite par l’anesthésie » quiserait directement liée à l’absence de dystrophine. Les facteursdéclenchants sont les mêmes que ceux de l’HM, les halogénés et/oula succinylcholine. Ce syndrome semble plus fréquent chez lespatients âgés de moins de 8 ans dont les fibres musculairesessaient de se régénérer. L’absence de dystrophine favorisel’instabilité du sarcolemne de la fibre musculaire, augmente sa per-méabilité et conduit à une augmentation du calcium intracellulaire.Les conclusions pratiques de cet article sont qu’il est essentield’éviter les agents déclenchants ce syndrome (halogénés etsuccinylcholine) et qu’il faut respecter les précautions classiquesavant toute anesthésie chez un myopathe (purge prolongée ducircuit, changement de tuyaux) car la concentration seuil capablede déclencher une rhabdomyolyse est inconnue. En présence del’un des tableaux cliniques décrits précédemment, il faut arrêterles halogénés, purger le circuit, mesurer d’urgence la kaliémie etentreprendre un traitement symptomatique. Le dandrolène sembleinefficace chez la plupart de ces patients.

Isabelle Murat

Hôpital Armand Trousseau, Paris.

Quel agent anesthésique pour endormir un enfant hypotonique ?

Muscular dystrophy versus mitochondrial myopathy: the dilemma of the undiagnosed hypotonic child

Ross AK. Pediatric Anesthesia 2007;17:1-6.

Cet éditorial fait le point sur le choix des agents anesthésiquesutilisables chez les enfants

hypotoniques

se présentant pour uneanesthésie. Ces enfants hypotoniques relèvent en fait de deuxgrandes familles diagnostiques : les myopathies et les cytopathiesmitochondriales. Les premières touchent avant tout les garçons etleur fréquence est de l’ordre de 1 sur 3 200 naissances, alors queles secondes touchent environ un enfant sur 4 000 naissances.Cette incidence est donc loin d’être négligeable pour ceux quiendorment régulièrement des enfants. Le dilemme réside dans le

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fait que le choix des agents anesthésiques est ici diamétralementopposé et que, dans la plupart des cas, il n’y a pas d’orientationdiagnostique claire.

Chez les enfants suspects de myopathies, il est couramment admisqu’il faut éviter les agents déclenchants de l’hyperthermie maligne,succinylcholine et halogénés. En effet, ces agents sont responsablessoit d’une hyperthermie maligne, soit d’une rhabdomyolyse avechyperkaliémie qui peut survenir en peropératoire mais égalementen phase de réveil lors de la réapparition d’une activité musculaire.Cependant toutes les myopathies n’exposent pas à ce risque, quiest évalué à 1,09 % des patients ayant une pathologie neuro-musculaire. Néanmoins, il convient de préférer une anesthésietotale intraveineuse (propofol), sauf dans certaines circonstancesoù le rapport bénéfice/risque est défavorable.

À l’opposé, la littérature récente incite à éviter le propofol chezles enfants suspects d’une cytopathie mitochondriale. Ce termeregroupe plusieurs entités caractérisées par soit une anomalie dela chaîne respiratoire, soit des mutations de l’ADN mitochondrialou des délétions mitochondriales. D’autres classifications reposentsur la caractérisation du déficit enzymatique spécifique du système dephosphorylation oxydative. Les lipides contenus dans le propofolpeuvent perturber l’oxydation des acides gras et la fonction de lachaîne respiratoire mitochondriale et faire apparaître un tableauclinique proche de celui du syndrome associé à une perfusion pro-longée de fortes doses de propofol (propofol infusion syndrome).Ce dernier a un certain nombre de caractéristiques cliniques prochesdu syndrome d’hyperthermie maligne. Pour ces raisons, l’utilisationdu propofol chez les patients ayant une cytopathie mitochondrialeconnue est actuellement déconseillée. Les halogénés (en particulierle sévoflurane) sont clairement recommandés.

Rien n’est donc simple. Face à un tableau clinique identique(hypotonie), deux options anesthésiques sont envisageables maissi un bon choix minimise les risques, le mauvais choix peut lesaug

menter dramatiquement. En pratique, comment essayer d’orien

ternotre plan anesthésique ? La consultation d’anesthésie est fonda-mentale et souvent contributive dans les maladies neuromusculaires.Quand le diagnostic reste totalement incertain, deux attitudespeuvent se concevoir. On peut choisir le sévoflurane en partantdu principe que le risque d’hyperthermie maligne ou de rhabdo-myolyse n’est alors que de 1 % environ, ou bien considérer que cerisque est inacceptable et choisir une technique d’anesthésietotale intraveineuse. Dans ce dernier cas, il semble prudent delimiter la dose de propofol (< 4 mg/kg/h) et la durée d’adminis-tration (< 48 heures).

Isabelle Murat

Hôpital Armand Trousseau, Paris.

Nouveautés concernant le paracétamol

Analgesic effect of acetaminophen in humans: first evidence of a central serotoninergic mechanism

G Pickering, MA Loriot, F Libert, A Eschalier, P Beaune, C Dubray. Clin Pharmacol & Ther 2006;79:371-8.

Safety and pharmacokinetics of paracetamol following intravenous administration of 5g during the first 24h with a 2-g starting dose

N Gregoire, L Hovsepian, V Gualano, E Evene, G Dufour, A Gendron. Clin Pharmacol & Ther 2007;81:401-5.

Analgesic efficacy and safety of intravenous paracetamol (acetaminophen) administered as a 2g starting dose following third molar surgery

GI Juhl, SE Norholt, E Tonnesen, O Hiesse-Provost, TS Jensen. Eur J Pain 2006;10:371-7.

Le paracétamol est très utilisé tant en postopératoire que dansd’autres circonstances. Il se caractérise par une excellente tolérancedu fait d’effets secondaires extrêmement rares. Il est considérécomme modérément efficace, de telle sorte qu’il n’est utilisé seulque pour les douleurs faibles à modérées. Le mécanisme d’actiondu paracétamol semble essentiellement central, résultant d’uneinhibition des cyclo-oxygénases et donc de la formation de prosta-glandines qui jouent un rôle pronociceptif. Cependant, l’hypo-thèse d’une implication du système sérotoninergique dans l’actionanalgésique du paracétamol a été soulevée, ce qu’ont cherché àétablir Pickering et coll. dans une étude récente. Pour ce faire,26 sujets volontaires sains ont été inclus dans l’étude aprèsdétermination de leur génotype concernant le cytochrome P

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2D6. Seuls les sujets classés intermédiaires ou rapides pour lemétabolisme du CYP2D6 ont été retenus. Ces sujets ont reçu aucours de trois séances successives, du placebo, du granisétron etde l’ondansétron, 90 minutes avant l’administration d’une dosede 1 g de paracétamol. Ils ont ensuite été soumis à 30 et 60 minutespuis toutes les heures pendant 4 heures, à des stimulations élec-triques susceptibles de provoquer une sensation douloureuse.L’effet analgésique du paracétamol a été fortement inhibé parl’administration préalable de granisétron ou de tropisétron. Àl’inverse, aucun des sétrons n’a modifié la cinétique plasmatiquedu paracétamol. L’antagonisation de l’effet analgésique du para-cétamol par un inhibiteur des récepteurs 5-HT laisse penser queces récepteurs sérotoninergiques interviennent dans le méca-nisme d’action du paracétamol. L’antagonisme étant plus marqué