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Comptabilité 35 R.F.C. 396 Février 2007 QUELLE EST L’INCIDENCE DES NORMES IAS/IFRS SUR LES CAPITAUX PROPRES DES ENTREPRISES FRANÇAISES ? E n 2005, environ 8000 sociétés européennes cotées en Bourse ont publié leurs comptes annuels en respectant les normes inter- nationales IAS/IFRS. Pour évaluer les conséquences de cette réforme sur le contenu des documents comptables, plusieurs études ont été réalisées. Trois d’entre elles sont particulièrement intéressantes. La première, effectuée par le cabinet international Ernst & Young (1) , a montré que la mise en œuvre de la réforme n’est que “partielle”. En particulier, “l’identité nationale” reste forte : « The financial statements of a French retailer, for example, look and feel more similar to those of a French manufacturer than to those of Dutch or UK retailer. (-)… many companies appear to have adopted IAS/IFRS in a way that minimises as far as possible changes in the form of financial reporting that they have applied under their previous national GAAPs » (page 2). Résumé de l’article L’analyse des états financiers de 37 entreprises françaises cotées en bour- se, appartenant à trois secteurs d’ac- tivité, permet de mettre en évidence que l’application des normes IAS/IFRS a une incidence relativement margi- nale sur les capitaux propres, mais il existe des différences assez significa- tives selon le secteur d’activité. Une seconde étude (Benabdellah et Teller, 2006), réalisée sur 50 groupes français, a cherché à comprendre com- ment l’application des normes IAS 16 (Immobilisations corporelles) et IAS 40 (Immeubles de placement) a affecté les comptes des entreprises françaises. Les auteurs ont trouvé que « les praticiens français ont majoritairement choisi de maintenir le coût historique [et que] cette décision quasiment unanime conforte la pratique antérieure et maintient une homo- généité dans les états financiers publiés » (page 43). Enfin, dans une troisième étude, por- tant sur 10 sociétés foncières françaises cotées en Bourse, Tort (2005) a mis en évidence que « l’impact financier de la conversion aux IFRS est assez sensible, et avec un effet toujours positif pour les sociétés ayant opté pour la juste valeur tandis qu’il est quasiment inexistant pour les foncières utilisant le modèle de coût » (page 54). En particulier, cet auteur confirme que l’application de l’IAS 40 a un impact significatif sur les résultats consolidés et sur les capitaux propres. En fin de compte, ces trois études per- mettent de conclure que la mise en œuvre des normes IAS/IFRS affecte rela- tivement peu les entreprises françaises, lorsqu’elles ont continué à utiliser la méthode du coût historique, mais que l’impact sur les comptes est significatif lorsque la méthode de la juste valeur est retenue. Dans cet article, nous complé- tons ces études de deux principales manières. Premièrement, plutôt que de nous foca- liser sur l’impact de telle ou telle norme, nous retenons une “approche financiè- re”, consistant à évaluer l’impact du pas- sage aux normes IAS/IFRS sur les capi- taux propres des entreprises. Ce choix 1. Cette étude intitulée "IFRS - Observations on the implementation of IAS/IFRS" est disponible sur le site Internet du cabinet Ernst & Young (www.ey.com). Elle porte sur 65 grandes entre- prises européennes, sélectionnées en fonction de leur capitalisation boursière (appartenance au groupe des sociétés du Financial Times Global 500). L’étude a pour objet d’évaluer les consé- quences de l’application de certaines normes spécifiques dans divers secteurs d’activité (Automobile, Immobilier, Télécommunications, etc.). Alain SCHATT Professeur des Universités en Sciences de Gestion Directeur de l’IAE de Strasbourg Elise GROSS IECS Strasbourg

QUELLE EST L’INCIDENCE DES NORMES IAS/IFRS … · Comptabilité 35 (Automobile, Immobilier, Télécommunications, ... deux tiers des entreprises du secteur de l’immobilier. Après

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Comptabilité

35

R.F.C. 396 Février 2007

QUELLE EST L’INCIDENCE

DES NORMES IAS/IFRS

SUR LES CAPITAUX PROPRES

DES ENTREPRISES FRANÇAISES ?

En 2005, environ 8000 sociétéseuropéennes cotées en Bourse

ont publié leurs comptes annuelsen respectant les normes inter-nationales IAS/IFRS. Pour évaluerles conséquences de cette réformesur le contenu des documentscomptables, plusieurs études ontété réalisées. Trois d’entre elles sontparticulièrement intéressantes. Lapremière, effectuée par le cabinetinternational Ernst & Young (1), amontré que la mise en œuvre dela réforme n’est que “partielle”.En particulier, “l’identité nationale” reste forte : « The financial statements of a French retailer, for example,look and feel more similar tothose of a French manufacturerthan to those of Dutch or UKretailer. (-)… many companiesappear to have adopted IAS/IFRSin a way that minimises as far aspossible changes in the form offinancial reporting that theyhave applied under their previousnational GAAPs » (page 2).

Résumé de l’articleLL’’aannaallyyssee ddeess ééttaattss ffiinnaanncciieerrss ddee 3377

eennttrreepprriisseess ffrraannççaaiisseess ccoottééeess eenn bboouurr--

ssee,, aappppaarrtteennaanntt àà ttrrooiiss sseecctteeuurrss dd’’aacc--

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ttiivveess sseelloonn llee sseecctteeuurr dd’’aaccttiivviittéé..

Une seconde étude (Benabdellah etTeller, 2006), réalisée sur 50 groupesfrançais, a cherché à comprendre com-ment l’application des normes IAS 16(Immobilisations corporelles) et IAS 40(Immeubles de placement) a affecté lescomptes des entreprises françaises. Lesauteurs ont trouvé que « les praticiensfrançais ont majoritairement choisi demaintenir le coût historique [et que] cettedécision quasiment unanime conforte lapratique antérieure et maintient une homo-généité dans les états financiers publiés »(page 43).

Enfin, dans une troisième étude, por-tant sur 10 sociétés foncières françaisescotées en Bourse, Tort (2005) a mis enévidence que « l’impact financier de laconversion aux IFRS est assez sensible,et avec un effet toujours positif pour lessociétés ayant opté pour la juste valeurtandis qu’il est quasiment inexistant pourles foncières utilisant le modèle de coût »(page 54). En particulier, cet auteurconfirme que l’application de l’IAS 40 aun impact significatif sur les résultatsconsolidés et sur les capitaux propres.

En fin de compte, ces trois études per-mettent de conclure que la mise enœuvre des normes IAS/IFRS affecte rela-tivement peu les entreprises françaises,lorsqu’elles ont continué à utiliser laméthode du coût historique, mais quel’impact sur les comptes est significatiflorsque la méthode de la juste valeur estretenue. Dans cet article, nous complé-tons ces études de deux principalesmanières.

Premièrement, plutôt que de nous foca-liser sur l’impact de telle ou telle norme,nous retenons une “approche financiè-re”, consistant à évaluer l’impact du pas-sage aux normes IAS/IFRS sur les capi-taux propres des entreprises. Ce choix

1. Cette étude intitulée "IFRS - Observationson the implementation of IAS/IFRS" est disponiblesur le site Internet du cabinet Ernst & Young(www.ey.com). Elle porte sur 65 grandes entre-prises européennes, sélectionnées en fonction deleur capitalisation boursière (appartenance augroupe des sociétés du Financial Times Global500). L’étude a pour objet d’évaluer les consé-quences de l’application de certaines normesspécifiques dans divers secteurs d’activité(Automobile, Immobilier, Télécommunications,etc.).

Alain SCHATTProfesseur des Universitésen Sciences de Gestion

Directeur de l’IAE de Strasbourg

Elise GROSSIECS Strasbourg

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se justifie aisément : les capitaux propresoccupent une place privilégiée parmil’ensemble des informations divulguéesdans les documents comptables, en par-ticulier pour les analystes financiers etles investisseurs, soucieux de se forgerune idée sur la rentabilité et sur le risquedes entreprises. Les capitaux propressont notamment utilisés (2) pour calculerles deux ratios suivants :

• ”Bénéfice net / Capitaux propres”, quipermet d’apprécier la rentabilité descapitaux investis par les actionnaires ;

• ”Capitaux propres / Total du bilan”, quifournit une indication sur le risque finan-cier et sur la solvabilité de l’entreprise.

Une telle approche est pertinente dansle contexte d’internationalisation crois-sante des investissements. La propor-tion d’actions d’entreprises françaisesdétenue par des investisseurs étran-gers est actuellement très élevée. Aussiest-il intéressant de voir comment lescapitaux propres et, par conséquent, lasituation des entreprises françaises ontété affectés par ces changementscomptables, pour anticiper d’éven-tuelles évolutions dans les choix deportefeuille des investisseurs interna-tionaux.

Deuxièmement, cette étude porte surdes entreprises françaises appartenantà trois secteurs d’activité. Cette“approche sectorielle” est motivée parl’idée que chaque entreprise est pro-bablement affectée différemment par lamise en œuvre des normes internatio-nales, mais qu’une certaine homogé-néité existe au sein d’un même secteurd’activité. Par exemple, l’évaluation des

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immeubles de placement à la justevaleur affecte plus fortement les entre-prises de certains secteurs (dans le sec-teur de l’immobilier, ces actifs repré-sentent une part significativement plusimportante du bilan que dans le sec-teur des technologies de l’information).

Notre étude empirique porte sur 37entreprises françaises, qui ont été sélec-tionnées en fonction des critères sui-vants :

• elles étaient cotées en Bourse au 31décembre 2004, sur les segments EurolistA, B ou C (les entreprises cotées sur lemarché libre n’ont pas été prises encompte) ;

• elles appartiennent aux trois secteursd’activité suivants (classification secto-rielle d’Euronext) : Industrie de base,Technologies de l’information etImmobilier. Nous avons volontairementretenu trois secteurs dont les structuresd’actif et la profitabilité sont différentes ;

• les rapports annuels étaient dispo-nibles en début d’année 2006 sur le siteinternet de l’Autorité des marchés finan-ciers (3) ;

• dans chaque rapport annuel figuraientdes explications détaillées sur l’impactdes nouvelles normes sur les capitauxpropres, sur le résultat de l’exercice et surle total du bilan (4).

L’application de ces critères a permis desélectionner environ un tiers (37 entre-prises sur 115) des entreprises apparte-nant aux trois secteurs d’activité concer-nés. Toutes les informations relatives àces entreprises figurent dans le tableau 1(en annexe).

L’analyse des données comptables deces 37 entreprises (tableau 1, Cadre A)permet de mettre en évidence que lescapitaux propres semblent globalementpeu affectés par le changement denormes comptables. Le graphique 1(page suivante) permet de faire deuxconstats :

• d’une part, la variation des capitauxpropres – correspondant à la différen-ce, pour l’année considérée, entre lescapitaux propres selon les normesIAS/IFRS et les capitaux propres selonles normes françaises – est négative ounulle pour 17 entreprises, et la variationdes capitaux propres est positive (ounulle) pour 20 entreprises ;

• d’autre part, l’impact du changementde normes est relativement faible, quelque soit le sens de la variation. Pour 27entreprises, la variation des capitauxpropres est comprise entre - 10 % et+ 10 %.

Des différences significatives apparais-sent cependant entre les trois secteursd’activité, comme le met en évidencele graphique 2 (page suivante). Les entre-prises qui enregistrent des baisses descapitaux propres appartiennent princi-palement au secteur de l’industrie. Enrevanche, dans le secteur de l’immobi-lier, 8 entreprises sur 9 enregistrent uneaugmentation des capitaux propres etcelle-ci est relativement importante -c’est-à-dire supérieure à 10 % - dansplus de la moitié des cas (5 entreprisessur 9). Enfin, dans le secteur des tech-nologies de l’information, l’impact dupassage aux normes IAS/IFRS est relati-vement faible : pour 9 entreprises sur 10,la variation est comprise entre - 10 % et+ 10%. Ces résultats confirment l’idée,évoquée précédemment, qu’il existe unecertaine homogénéité au sein d’unmême secteur d’activité.

Avant d’analyser l’incidence du chan-gement de normes sur la rentabilité et

Abstract

A survey carried out in 37 French com-

panies representing three different

professional sectors, all listed on the

stock exchange, has highlighted the

relatively low impact of IAS/IFRS on

company equity. However, comparati-

vely significant differences do appear

between the professional sectors stu-

died.

2. Nous invitons le lecteur intéressé parl’analyse financière à se référer à l’ouvrage deGérard Charreaux, dont les références figurentdans la bibliographie.

3. Lorsque nous avons débuté cette étude,en fin d’année 2005, les comptes de l’exercice2005 n’étaient pas encore disponibles. L’étudeporte donc sur des entreprises qui ont appliqué“volontairement” les normes IAS/IFRS au coursde l’exercice 2004.

4. Quelques entreprises n’ont pas été rete-nues parce qu’elles n’indiquaient pas l’impactsur le bilan des nouvelles normes IAS/IFRS, alorsque l’impact sur les capitaux propres étaitconnu.

Méthode d’investigation

Incidence des normes

IAS/IFRS sur les capitaux

propres

Incidence des normes

IAS/IFRS sur le résultat

et sur le total du bilan

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Comptabilité

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sur le risque des entreprises, nous évo-quons succinctement l’impact de cechangement sur le résultat de l’exerci-ce et sur le total du bilan.

Concernant le résultat de l’exercice, ilapparaît nettement plus sensible au chan-gement de normes comptables que lescapitaux propres. En effet, pour 25 entre-prises sur 37, la variation du résultat excè-de -10 % (9 entreprises) ou + 10 %(16 entreprises), sachant que dans 26cas sur 37, la variation du résultat estpositive. Le passage aux normes IAS/IFRSpermet donc d’augmenter globalementle résultat des entreprises.

Cependant, des différences existentégalement entre les trois secteurs d’ac-tivité (graphique 3). Dans le secteurdes technologies de l’information, lesnormes internationales ont plutôt ten-dance à réduire le résultat : pour 6entreprises sur 10, le résultat baisse. Ilfaut cependant noter une forte disper-sion dans ce secteur, puisque 4 entre-prises enregistrent une hausse de leurrésultat supérieure à 10 %. Dans lesdeux autres secteurs, l’impact sur lerésultat est plutôt positif : le résultatest plus important avec les normes inter-nationales dans 89 % des cas dans lesecteur immobilier et dans 78 % descas dans le secteur de l’industrie. Dansce dernier secteur, une forte dispersionexiste également : dans 72 % des cas,la variation du résultat excède - 10 %ou + 10 %.

Concernant le bilan, la variation est plusmodeste, puisqu’elle est comprise entre- 10 % et + 10 % dans plus de 75 % descas, sachant que dans plus de deux tiersdes cas le total du bilan augmente. Ilexiste également un effet sectoriel (gra-phique 4). En particulier, dans l’industrie,le total du bilan ne diminue que dans 7entreprises sur 18, soit environ 40 % descas. En revanche, le total du bilan aug-mente dans 80 % des cas dans le sec-teur des nouvelles technologies de l’in-formation et une telle évolution concernedeux tiers des entreprises du secteur del’immobilier.

Après avoir analysé comment les capi-taux propres, le résultat net de l’exerci-

ce et le total du bilan - les trois “indica-teurs clés” de l’analyse financière - sontmodifiés, nous pouvons désormais nousattarder sur l’incidence du changementde normes sur la rentabilité (appréhendéepar le ratio “Résultat net / Capitauxpropres”) et sur le risque (appréhendé

par le ratio “Capitaux propres / Total dubilan”).

Pour 23 entreprises sur 37, la rentabili-té s’améliore - ce qui constitue poten-tiellement une “bonne nouvelle” dans lecontexte d’internationalisation des inves-tissements. Il faut cependant noter une

16

14

12

10

8

6

4

2

0supérieure

à 10 %comprise

entre - 10 %et 0 %

compriseentre 0 %et 10 %

compriseentre 10 %

et 20 %

supérieureà 20 %

Graphique 1 : variation des capitaux propres pour les 37 entreprises de l’échantillon

16

14

12

10

8

6

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2

0supérieure

à 10 %comprise

entre - 10 %et 0 %

compriseentre 0 %

et 10 %

compriseentre 10 %

et 20 %

supérieureà 20 %

Graphique 2 : variation des capitaux propres par secteur d’activité

Industrie

Technologiede l’information

Immobilier

12

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0supérieure

à 10 %comprise

entre - 10 %et 0 %

compriseentre 0 %

et 10 %

compriseentre 10 %

et 20 %

supérieureà 20 %

Graphique 3 : variation du résultat par secteur d’activité

Industrie

Technologiede l’information

Immobilier

Incidence des normes

IAS/IFRS sur la rentabilité

et sur le risque

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forte dispersion.La rentabilité calculéeavec les informations comptables éta-blies à l’aide des normes internationalesexcède de plus de 10 points (5 cas) larentabilité calculée à l’aide des normesfrançaises. Dans 5 autres cas, l’écart excè-de -10 points. Ainsi, la mise en œuvredes normes internationales entraîne uneplus forte volatilité des rentabilités,conformément aux anticipations denombreux experts.

La situation varie, une fois encore, selonles secteurs d’activité (graphique 5).Dans l’industrie, la rentabilité est supé-rieure dans 78 % des cas avec lesnormes internationales et la dispersionapparaît relativement faible (seules troisentreprises ont une rentabilité supé-rieure à -10 ou + 10 points). Enrevanche, dans le secteur des technolo-gies de l’information, la situation est pluscontrastée : la moitié des entreprisesaffiche une rentabilité plus élevée avecles normes internationales et une autremoitié affiche une rentabilité plus faible.La situation est similaire dans le secteurde l’immobilier où 5 entreprises sur 9voient leur rentabilité (légèrement) bais-ser avec les normes internationales.

Concernant le risque des entreprises, ilévolue peu, même si ce résultat doit êtrenuancé pour les trois secteurs considé-rés. Dans l’industrie, le ratio “Capitauxpropres / Total du bilan” est plus faiblepour 10 entreprises sur 18 avec lesnormes internationales, ce qui traduitun risque supérieur. Pour le secteur destechnologies de l’information, l’effet esttrès légèrement positif, mais la diffé-rence est relativement faible. Enrevanche, dans le secteur de l’immobi-lier, le risque diminue globalement,puisque le ratio calculé avec les normesinternationales est supérieur à celui cal-culé avec les normes nationales pour 8entreprises sur 9.

Cette étude, portant sur 37 entreprisesévoluant dans trois secteurs d’activité,permet de mieux comprendre quelleest l’incidence de l’application desnormes IAS/IFRS sur la situation finan-cière des entreprises françaises cotéesen Bourse. Les deux principaux résul-tats obtenus sont les suivants.

Premièrement, la situation financière desentreprises de notre échantillon - telle

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Deuxièmement, des différences signifi-catives existent entre les secteurs d’ac-tivité. Plus précisément, la rentabilitéaugmente notamment dans l’industrie,en raison d’une réduction des capitauxpropres… ce qui entraîne également

qu’elle est appréhendée par les analystesfinanciers et par les investisseurs - sembleglobalement s’améliorer, puisque la ren-tabilité est globalement supérieure avecles données comptables publiées selonles normes IAS/IFRS.

20181614121086420

supérieureà 10 %

compriseentre - 10 %et 0 %

compriseentre 0 %

et 10 %

compriseentre 10 %

et 20 %

supérieureà 20 %

Graphique 4 : variation du bilan par secteur d’activité

Industrie

Technologiede l’information

Immobilier

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0supérieure

à 10 %comprise

entre - 10 %et 0 %

compriseentre 0 %

et 10 %

compriseentre 10 %

et 20 %

supérieureà 20 %

Graphique 5 : variation de la rentabilité par secteur d’activité

Industrie

Technologiede l’information

Immobilier

20

181614

12108642

0supérieure

à 10 %comprise

entre - 10 %et 0 %

compriseentre 0 %

et 10 %

compriseentre 10 %

et 20 %

supérieureà 20 %

Graphique 6 : variation du risque par secteur d’activité

Industrie

Technologiede l’information

Immobilier

Conclusion

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Au vu de nos résultats, il semblerait quel’image donnée par les normes fran-çaises était relativement satisfaisante,puisque les changements restent assezmarginaux dans un grand nombre decas.

Dans la mesure où les investisseurs sepréoccupent essentiellement de l’avenirdes entreprises (c’est-à-dire de leursopportunités de croissance) pour déci-der quels sont les titres à acquérir, àcéder ou à conserver (Schatt et Roy,2001), la question se pose de savoir siles gains du changement de normescomptables (l’utilité pour les investis-seurs) s’avéreront à terme supérieursaux coûts engagés par les entreprises.

Alain SCHATT

Elise GROSS

une augmentation du risque perçu parles investisseurs. En revanche, dans lesecteur immobilier, le risque diminueen raison d’une augmentation du résul-tat net et des capitaux propres. Enfin,la situation financière du secteur destechnologies de l’information semblela moins affectée par les changementscomptables.

Les résultats de cette étude, qui méri-terait bien évidemment d’être com-plétée et enrichie, nous conduisent àdiscuter de la pertinence du change-ment de normes comptables, qui s’estavéré extrêmement coûteux pour lesentreprises. L’application des normesIAS/IFRS est censée permettre aux entre-prises de donner une image plus fidè-le de leur situation financière aux inves-tisseurs, supposés être les principauxutilisateurs de l’information comptable.

Bibliographie

Benabdellah S. et Teller R., 2006,“Immobilisations corporelles et immeublesde placement en IFRS : le coût historiqueva-t-il résister à la juste valeur ?”, RevueFrançaise de Comptabilité, mars, p. 40-44.

Charreaux G., 2001, Gestion financière,LITEC.

Raffournier B., 2005, Les normes comp-tables internationales (IFRS/IAS), Economica.

Schatt A. et Roy T., 2002, “Faut-il faireévoluer les méthodes d’évaluation desentreprises ?”, Revue Française deComptabilité, mars, p. 28-30.

Tort E., 2005, “Etude d’impact de laconversion des foncières cotées auxnormes comptables internationales”,Revue Française de Comptabilité, sep-tembre, p. 50-54.

TOTAL Industrie Technologies Immobilierde l’information

Nombre d’entreprises 37 18 10 9

Normes françaisesMoyenne 2 495 347 3 801 727 335 972 2 281 894

A. Capitaux propres *Médiane 500 295 1 806 330 35 609 875 550

Normes IAS/IFRSMoyenne 2 544 461 3 689 704 315 734 2 730 339

Médiane 853 126 1 547 900 36 947 889 315

Normes françaisesMoyenne 251 773 315 110 - 36 435 445 331

B. Résultat de l’exercice *Médiane 30 495 208 280 641 40 099

Normes IAS/IFRSMoyenne 308 338 382 304 - 53 121 562 028

Médiane 32 951 295 801 41 46 908

Normes françaisesMoyenne 8 651 346 13 599 149 686 001 7 606 125

C. Total Bilan *Médiane 1 451 575 10 785 150 67 158 1 451 575

Normes IAS/IFRSMoyenne 8 552 785 13 503 773 768 240 7 300 304

Médiane 1 442 424 10 925 550 68 279 1 442 424

Normes françaisesMoyenne 0,5 % - 23,7 % 35,4 % 10,2 %

D. “Résultat net / Médiane 9,7 % 11,9 % 4,8 % 8,0 %

Capitaux propres”Normes IAS/IFRS

Moyenne 16,9 % 7,4 % 37,5 % 13,3 %

Médiane 11,6 % 15,4 % 7,6 % 6,3 %

Normes françaisesMoyenne 39,7 % 40,0 % 40,3 % 38,2 %

E. “Capitaux propres/ Médiane 34,2 % 35,6 % 47,9 % 30,4 %

Total Bilan”Normes IAS/IFRS

Moyenne 40,3 % 38,8 % 39,9 % 43,7 %

Médiane 34,9 % 33,3 % 43,1 % 33,6 %

* Les données sont exprimées en milliers d’euros

AnnexeTableau 1 : statistiques descriptives