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mardi 12 juin 2012 LE FIGARO A 18 Pyrénées-Or. Doubs Moselle Aube Aisne Oise Seine- St-Denis Pas-de-Calais Nord Eure Haut-Rhin Hérault Tarn Tarn-et- Garonne Gard Var Vaucluse Alpes-Mar. Bouches- du-Rhône Loire Ain Ardèche Rhône Aude ... une triangulaire (32) ... un duel (29) Pour se maintenir le candidat doit avoir obtenu un score supérieur à 12,5 % des inscrits NOMBRE DE CIRCONSCRIPTIONS PAR DÉPARTEMENT OÙ LE FN PEUT SE MAINTENIR OCCASIONNANT... Front national : 61 triangulaires et duels possibles à l’issue du 1 er tour Guadeloupe Martinique Guyane La Réunion Mayotte Nouvelle-Calédonie Polynésie française Wallis-et- Futuna St-Pierre- et-Miquelon St-Martin et St-Barthélemy DÉPARTEMENTS ET COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER FRANÇAIS DE L’ÉTRANGER Lille- Roubaix- Tourcoing Lyon Nice Marseille Montpellier Agglomération parisienne Paris Strasbourg 64 66 40 33 2 B 2 A 24 44 35 85 17 16 79 86 19 87 23 49 22 56 29 50 14 61 53 72 45 18 36 37 41 89 21 58 39 25 88 55 57 51 10 52 08 02 60 27 80 76 62 59 75 93 94 92 54 68 67 90 70 71 28 65 09 32 46 12 81 34 30 83 84 05 04 06 13 48 15 43 63 42 03 01 69 74 73 38 26 07 82 11 31 47 95 95 78 78 91 91 77 77 Plus de 50 De 45 à 50 Moins de 45 TOTAL DES VOTES DE L’ENSEMBLE DES CANDIDATS DE GAUCHE en % des surages exprimés par circonscription Le vote de gauche au 1 er tour Infographie LE FIGARO Les di érentes familles politiques au 1 er tour des législatives* *hors scrutin proportionnel de 1986 En % des surages exprimés Gauche et écologie Droite Modem FN et ext. droite 56,7 49,4 44,1 47,3 45,3 46,4 47,7 42,9 40,5 9,9 42,1 12,9 36,2 41,1 12,5 39,8 4,7 7,6 34,7 13,8 1,8 15,3 0,4 29 17,9 9,1 43,8 1 er tour de la présidentielle de 2012 2012 2007 2002 1997 1993 1988 1981 che, Loire-Atlantique, Charente, Deux- Sèvres, Dordogne, Gironde, Landes, Pyrénées-Atlantiques). En cinq ans la gauche élargie à l’écolo- gie a progressé de presque 8 points. Cela lui fait retrouver le niveau atteint au pre- mier tour des législatives de 1997 mar- quées par une victoire de la gauche. Reste une inconnue : si majorité en siè- ges il y a pour la gauche le 17 juin, de quel type de majorité s’agira-t-il pour le PS : majorité relative ou majorité absolue ? En 1997 il s’agissait d’une majorité relative comme en 1988. En 1981 le PS avait une majorité absolue à lui tout seul (60 % des sièges). Un des enjeux importants de la semaine d’entre-deux tours réside dans la réponse que les électeurs français ap- porteront à cette question. gauche élargie à l’écologie) mais la droite modérée qui rassemble l’UMP, l’Alliance centriste, le Parti radical, le Nouveau Centre et les divers droite, est à son ni- veau d’étiage : 34,7 % contre 46,4 % en 2007, 36,2 % en 1997 lorsque la gauche l’avait emporté ou encore 40,5 % en 1988 et 42,9 % en 1981, les deux autres dates de victoire législative pour la gauche. Au-delà du symbole important pour l’avenir de l’UMP qui voit le parti de droite faire jeu égal dans l’électorat avec le Parti socialiste, la question des réserves électorales dans la perspective du second tour reste compliquée pour l’ex-parti majoritaire. Le PS bénéficie de deux ré- servoirs de voix sur son flanc gauche (6,91 % du Front de gauche) et sur son flanc écologiste (5,46 % pour Europe Écologie-Les Verts). En cas de duel gau- che-droite, 92 % des électeurs du Front de gauche, 98 % de ceux d’Europe Écolo- gie déclarent leur intention de voter à gauche. À droite, la situation est plus complexe : 60 % des électeurs du Front national disent qu’ils choisiront la droite, 61 % des électeurs du MoDem feront de même. 30 % de ces derniers envisagent même de voter à gauche, 13 % des pre- miers également (cf. sondage Ipsos cité plus haut). Cette hétérogénéité des droi- tes et du centre, ainsi que l’enclavement d’un électorat frontiste rendent la tâche difficile pour l’UMP dans l’œuvre de construction de majorité au second tour. L a bonne discipline des électeurs de gauche, les apports que celle-ci peut capter en provenance d’autres horizons ainsi que le maintien du FN dans 32 trian- gulaires, devraient permettre au PS de dégager une majorité. La dynamique de premier tour a été forte pour le PS et de ses alliés qui ont engrangé dès le premier tour 23 députés souvent représentatifs de cet enracinement privilé- gié de la gauche dans les départements de la faça- de occidentale (Man- PHOTOGRAPHIE de l’état des forces politiques de la France, le premier tour des élections législatives de 2012 affiche a priori la suprématie du bloc de gauche. Un résultat que tempère Pascal Perrineau : « Au premier tour les gauches et les droites sont roue dans la roue : la droite classique et le Front national totalisent 48,5 % des voix, les gauches, de l’extrême gauche à l’écologie en passant par le PS rassemblent 47,7 % des suffrages. » Ainsi, l’UMP fait jeu égal avec le PS, mais « la droite modérée (UMP, Alliance centriste, Parti radical, Nouveau Centre, divers droite) est à son niveau d’étiage ». Et le directeur du Cevipof de s’interroger sur les réserves de voix dont peuvent disposer l’UMP et le PS pour cerner la vraie nature de la majorité - relative ou absolue en nombre d’élus - qui siégera au Palais Bourbon à l’issue du second tour. Le niveau record de l’abstention (42,8 %) est imputé, selon Pascal Perrineau, tant à la réforme de 2000 sur le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral qu’à la longueur de la campagne. Il indique aussi la montée en puissance de défiance vis-à- vis de la politique, notamment « chez les jeunes et chez les électeurs en bas de l’échelle sociale ». Cependant cette plaie de la démocratie touche essentiellement « l’électorat des forces qui ne sont pas dans l’ordre bipolaire PS- UMP ». Marqué par la bipolarisation de la vie politique, le premier tour, fait émerger le Front national comme troisième parti de France. Il efface le Modem et prive les Verts de toute prétention à se poser en allié de poids du PS. Toutefois, la résistance des personnalités, localement bien implantées et parfois en dissidence avec leur parti, souligne la spécificité du scrutin législatif, les limites de l’autorité des partis et de leurs accords électoraux. Notamment pour les Verts qui ont négligé leur ancrage électoral et s’avèrent dans l’incapacité de gagner leurs galons de député sans la béquille socialiste. JOSSELINE ABONNEAU étudesPOLITIQUES Figaro-Cevipof Le premier tour marque le grand retour de la bipolarisation. PASCAL PERRINEAU DIRECTEUR DU CENTRE DE RECHERCHES POLITIQUES DE SCIENCES-PO (CEVIPOV) A vec presque 20 millions d’abstentionnistes sur un corps électoral de 46 millions d’électeurs, ce premier tour d’élections législatives a bat- tu tous les records d’indifférence à des élections du même type depuis qu’elles existent. 42,8 % d’électeurs inscrits ont boudé les urnes : c’est plus de trois points par rapport aux législatives de 2007, plus de 22 points par rapport au premier tour de l’élection présidentielle. Cette fatigue civique est révélatrice de l’usure d’un électorat en campagne de- puis bientôt un an : sortie de l’affaire Strauss-Kahn, primaires socialistes, pré- campagne et campagne présidentielle, campagne législative… Cette grève des urnes montre qu’il n’y a pas de courant porteur comme il y en avait pour la gau- che en 1981 : 29,7 % d’abstentions lors des législatives qui avaient suivi la victoi- re de François Mitterrand. Cette envolée abstentionniste est éga- lement le symptôme d’élections législati- ves qui, n’existent plus que comme om- bre portée d’une élection présidentielle devenue décisive et matrice du choix lé- gislatif. Les 10 millions d’électeurs qui ne se sont pas rendus aux urnes le 10 juin alors qu’ils l’avaient fait le 22 avril consi- dèrent que « la messe est dite » et que les élections législatives ne méritent pas une « seconde messe ». Enfin, le niveau record d’abstentions reflète la montée régulière et inexorable d’un sentiment de défiance vis-à-vis de la politique : 29,7 % d’abstentions aux lé- gislatives de 1981, 34,3 % en 1988, 35,6 % en 2002, 39,6 % en 2007, 42,8 % en 2012. Cette défiance atteint des sommets chez les jeunes (66 % chez les 18-24 ans), chez les électeurs en bas de l’échelle sociale (53 % parmi ceux qui appartiennent à des foyers où le revenu moyen est inférieur à 1 200 euros par mois) et chez les citoyens qui ne se sentent « ni de gauche ni de droite » (68 % d’abstentions) (cf. sonda- ge Ipsos réalisé du 7 au 9 juin auprès d’un échantillon de 3 087 personnes inscrites sur les listes électorales, représentatif de la po- pulation française âgée de 18 ans et plus). Cette abstention élevée n’a pas touché l’électorat de Nicolas Sarkozy ni celui de François Hollande : 34 % des premiers déclarent s’être abstenus contre 32 % des seconds. En revanche, l’électorat des for- ces qui ne s’inscrivent pas directement dans l’ordre bipolaire PS-UMP a été da- vantage impacté : 46 % des électeurs de Marine Le Pen se sont abstenus, 47 % de ceux qui avaient choisi François Bayrou. Ce triomphe de l’ordre bipolaire PS- UMP est la seconde leçon essentielle de ce premier tour des élections législatives. À eux deux, les deux grands partis et leurs alliés directs rassemblent presque 70 % des suffrages exprimés. Les petites forces sont laminées. Avec 6,9 % des voix le Front de gauche retourne à son statut de force marginale que Jean-Luc Mélenchon lui avait fait oublier l’espace d’une présidentielle. E urope Écologie-Les Verts avec 5,5 % des voix se contente de réexister après la très mauvaise performance pré- sidentielle d’Eva Joly mais ne peut pré- tendre, en aucune manière, se présenter comme le nouveau partenaire de poids du PS. Enfin, le MoDem, n’atteignant même pas 2 % des suffrages, est en voie de dis- parition. Toutes les forces qui veulent exister en dehors ou aux marges de la bi- polarisation se heurtent à une résistance du corps électoral. La seule force qui parvient à s’émanci- per de cette contrainte est le Front natio- nal qui a rassemblé 13,6 % des suffrages exprimés. Certes, la décote (-4,3 points) par rapport au niveau atteint par Marine Le Pen à l’élection présidentielle est sen- sible mais le Front national confirme son statut de « troisième force ». Cependant, comme par le passé, ce statut est plus ce- lui d’une force qui empêche que d’une force qui propose et est capable de déga- ger des majorités. La capacité du Front national à avoir des élus est très faible mais il peut, dans la soixantaine de duels ou de triangulaires où il est présent au se- cond tour, « geler » une partie des voix de droite à son profit. Au soir du premier tour, les gauches et les droites sont roue dans roue : la droite classique et le Front national totalisent 48,5 % des voix, les gauches, de l’extrê- me gauche à l’écologie en passant par le PS, rassemblent 47,7 % des voix. Il n’y a pas de « vague de gauche » comme cela avait été le cas en 1981 (56,7 % des voix pour l’ensemble de la « À eux deux, les grands partis, le PS et l’ UMP et leurs alliés directs rassemblent presque 70 % des suffrages exprimés. Les petites forces sont laminées. »

Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

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Etudes politiques Le Figaro-CEVIPOF de juin 2012

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Page 1: Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

mardi 12 juin 2012 LE FIGARO

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Pyrénées-Or.

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AisneOise

Seine-St-Denis

Pas-de-CalaisNord

Eure

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HéraultTarn

Tarn-et-Garonne Gard

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Vaucluse Alpes-Mar.

Bouches-du-Rhône

Loire

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Ardèche

Rhône

Aude

... une triangulaire (32)

... un duel (29)Pour se maintenirle candidat doit avoirobtenu un score supérieurà 12,5 % des inscrits

NOMBRE DECIRCONSCRIPTIONSPAR DÉPARTEMENTOÙ LE FN PEUTSE MAINTENIROCCASIONNANT...

Front national :61 triangulaireset duels possiblesà l’issue du 1er tour

Guadeloupe Martinique

Guyane La Réunion

Mayotte

Nouvelle-Calédonie

Polynésie française

Wallis-et-Futuna

St-Pierre-et-Miquelon

St-Martin etSt-Barthélemy

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De 45 à 50

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TOTAL DES VOTESDE L’ENSEMBLEDES CANDIDATSDE GAUCHEen % des su!rages expriméspar circonscription

Le vote de gaucheau 1er tour

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Les di!érentes famillespolitiques au 1er tourdes législatives*

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En % des su!rages exprimésGauche et écologieDroite

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43,81er tour de la présidentielle de 2012

2012

2007

2002

1997

1993

1988

1981

che, Loire-Atlantique, Charente, Deux-Sèvres, Dordogne, Gironde, Landes,Pyrénées-Atlantiques).En cinq ans la gauche élargie à l’écolo-

gie a progressé de presque 8 points. Celalui fait retrouver le niveau atteint au pre-mier tour des législatives de 1997 mar-quées par une victoire de la gauche.Reste une inconnue : simajorité en siè-

ges il y a pour la gauche le 17 juin, de queltype de majorité s’agira-t-il pour le PS :majorité relative oumajorité absolue ? En1997 il s’agissait d’une majorité relativecomme en 1988. En 1981 le PS avait unemajorité absolue à lui tout seul (60% dessièges). Un des enjeux importants de lasemaine d’entre-deux tours réside dansla réponse que les électeurs français ap-porteront à cette question.!

gauche élargie à l’écologie) mais la droitemodérée qui rassemble l’UMP, l’Alliancecentriste, le Parti radical, le NouveauCentre et les divers droite, est à son ni-veau d’étiage : 34,7 % contre 46,4% en2007, 36,2 % en 1997 lorsque la gauchel’avait emporté ou encore 40,5%en 1988et 42,9%en 1981, les deux autres dates devictoire législative pour la gauche.Au-delà du symbole important pour

l’avenir de l’UMP qui voit le parti dedroite faire jeu égal dans l’électorat avecle Parti socialiste, la question des réservesélectorales dans la perspective du secondtour reste compliquée pour l’ex-partimajoritaire. Le PS bénéficie de deux ré-servoirs de voix sur son flanc gauche(6,91 % du Front de gauche) et sur sonflanc écologiste (5,46% pour EuropeÉcologie-Les Verts). En cas de duel gau-che-droite, 92% des électeurs du Frontde gauche, 98%de ceuxd’EuropeÉcolo-gie déclarent leur intention de voter àgauche. À droite, la situation est pluscomplexe : 60% des électeurs du Frontnational disent qu’ils choisiront la droite,61 % des électeurs du MoDem feront de

même. 30% de ces derniers envisagentmême de voter à gauche, 13% des pre-miers également (cf. sondage Ipsos citéplus haut). Cette hétérogénéité des droi-tes et du centre, ainsi que l’enclavementd’un électorat frontiste rendent la tâchedifficile pour l’UMP dans l’œuvre deconstruction demajorité au second tour.

La bonne discipline des électeurs degauche, les apports que celle-ci peut

capter en provenance d’autres horizonsainsi que lemaintien du FNdans 32 trian-gulaires, devraient permettre au PS dedégager unemajorité.La dynamique de premier tour a été

forte pour le PS et de ses alliés qui ontengrangé dès le premier tour 23députés souvent représentatifsde cet enracinement privilé-gié de la gauche dans lesdépartements de la faça-de occidentale (Man-

PHOTOGRAPHIE de l’état des forcespolitiques de la France, le premier tourdes élections législatives de 2012 affichea priori la suprématie du blocde gauche. Un résultat que tempèrePascal Perrineau : « Au premier tourles gauches et les droites sont roue dansla roue : la droite classique et le Frontnational totalisent 48,5 % des voix,les gauches, de l’extrême gaucheà l’écologie en passant par le PSrassemblent 47,7 % des suffrages. »Ainsi, l’UMP fait jeu égal avec le PS,mais « la droite modérée (UMP, Alliancecentriste, Parti radical, Nouveau Centre,divers droite) est à son niveaud’étiage ». Et le directeur du Cevipofde s’interroger sur les réserves de voixdont peuvent disposer l’UMP et le PSpour cerner la vraie nature dela majorité - relative ou absolueen nombre d’élus - qui siégera au PalaisBourbon à l’issue du second tour.Le niveau record de l’abstention

(42,8 %) est imputé, selon PascalPerrineau, tant à la réforme de 2000sur le quinquennat et l’inversion ducalendrier électoral qu’à la longueurde la campagne. Il indique aussi lamontée en puissance de défiance vis-à-vis de la politique, notamment « chezles jeunes et chez les électeurs en bas del’échelle sociale ». Cependant cetteplaie de la démocratie toucheessentiellement « l’électorat des forcesqui ne sont pas dans l’ordre bipolaire PS-UMP ».Marqué par la bipolarisation de la vie

politique, le premier tour, fait émergerle Front national comme troisièmeparti de France. Il efface le Modemet prive les Verts de toute prétentionà se poser en allié de poids du PS.Toutefois, la résistance despersonnalités, localement bienimplantées et parfois en dissidenceavec leur parti, souligne la spécificitédu scrutin législatif, les limites del’autorité des partis et de leurs accordsélectoraux. Notamment pour les Vertsqui ont négligé leur ancrage électoral ets’avèrent dans l’incapacité de gagnerleurs galons de député sans la béquillesocialiste.! JOSSELINE ABONNEAU

étudesPOLITIQUES Figaro-Cevipof

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Le premier tour marque le grand retour de la bipolarisation.

PASCAL PERRINEAUDIRECTEURDUCENTRE DE RECHERCHES POLITIQUES DESCIENCES-PO (CEVIPOV)

Avec presque 20 millionsd’abstentionnistes sur uncorps électoral de 46millionsd’électeurs, ce premier tourd’élections législatives a bat-

tu tous les records d’indifférence à desélections du même type depuis qu’ellesexistent. 42,8% d’électeurs inscrits ontboudé les urnes : c’est plus de trois pointspar rapport aux législatives de 2007, plusde 22 points par rapport au premier tourde l’élection présidentielle.Cette fatigue civique est révélatrice de

l’usure d’un électorat en campagne de-puis bientôt un an : sortie de l’affaireStrauss-Kahn, primaires socialistes, pré-campagne et campagne présidentielle,campagne législative… Cette grève desurnes montre qu’il n’y a pas de courantporteur comme il y en avait pour la gau-che en 1981 : 29,7 % d’abstentions lorsdes législatives qui avaient suivi la victoi-re de FrançoisMitterrand.Cette envolée abstentionniste est éga-

lement le symptômed’élections législati-ves qui, n’existent plus que comme om-bre portée d’une élection présidentielledevenue décisive et matrice du choix lé-gislatif. Les 10 millions d’électeurs qui nese sont pas rendus aux urnes le 10 juinalors qu’ils l’avaient fait le 22 avril consi-dèrent que « lamesse est dite » et que lesélections législatives ne méritent pas une« secondemesse ».Enfin, le niveau record d’abstentions

reflète la montée régulière et inexorabled’un sentiment de défiance vis-à-vis dela politique : 29,7%d’abstentions aux lé-gislatives de 1981, 34,3%en 1988, 35,6%en 2002, 39,6% en 2007, 42,8% en 2012.Cette défiance atteint des sommets chezles jeunes (66% chez les 18-24 ans), chezles électeurs en bas de l’échelle sociale(53%parmi ceux qui appartiennent à desfoyers où le revenumoyen est inférieur à1 200 euros par mois) et chez les citoyensqui ne se sentent « ni de gauche ni dedroite » (68% d’abstentions) (cf. sonda-ge Ipsos réalisé du 7 au 9 juin auprès d’unéchantillon de 3 087personnes inscrites surles listes électorales, représentatif de la po-pulation française âgée de 18 ans et plus).Cette abstention élevée n’a pas touchél’électorat de Nicolas Sarkozy ni celui deFrançois Hollande : 34% des premiersdéclarent s’être abstenus contre 32%desseconds. En revanche, l’électorat des for-ces qui ne s’inscrivent pas directement

dans l’ordre bipolaire PS-UMP a été da-vantage impacté : 46% des électeurs deMarine Le Pen se sont abstenus, 47% deceux qui avaient choisi François Bayrou.Ce triomphe de l’ordre bipolaire PS-

UMPest la seconde leçon essentielle de cepremier tour des élections législatives. Àeux deux, les deux grands partis et leursalliés directs rassemblent presque 70%des suffrages exprimés. Les petites forcessont laminées.Avec 6,9%des voix le Front de gauche

retourne à son statut de force marginaleque Jean-Luc Mélenchon lui avait faitoublier l’espace d’une présidentielle.

Europe Écologie-Les Verts avec 5,5%des voix se contente de réexister

après la très mauvaise performance pré-sidentielle d’Eva Joly mais ne peut pré-tendre, en aucune manière, se présentercomme le nouveau partenaire de poidsdu PS.Enfin, le MoDem, n’atteignant même

pas 2% des suffrages, est en voie de dis-parition. Toutes les forces qui veulentexister en dehors ou auxmarges de la bi-

polarisation se heurtent à une résistancedu corps électoral.La seule force qui parvient à s’émanci-

per de cette contrainte est le Front natio-nal qui a rassemblé 13,6% des suffragesexprimés. Certes, la décote (-4,3 points)par rapport au niveau atteint par MarineLe Pen à l’élection présidentielle est sen-sible mais le Front national confirme sonstatut de « troisième force ». Cependant,comme par le passé, ce statut est plus ce-lui d’une force qui empêche que d’uneforce qui propose et est capable de déga-ger des majorités. La capacité du Frontnational à avoir des élus est très faiblemais il peut, dans la soixantaine de duelsou de triangulaires où il est présent au se-cond tour, « geler » une partie des voixde droite à son profit.Au soir du premier tour, les gauches et

les droites sont roue dans roue : la droiteclassique et le Front national totalisent48,5% des voix, les gauches, de l’extrê-me gauche à l’écologie en passant par lePS, rassemblent 47,7% des voix. Il n’y apas de « vague de gauche » commecela avait été le cas en 1981 (56,7%des voix pour l’ensemble de la

« À eux deux, les grands partis, le PS et l’ UMPet leurs alliés directs rassemblent presque 70 %des suffrages exprimés. Les petites forces sont laminées.»

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jeudi 24mai 2012 LE FIGARO

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Évolution de l'abstention entre 1981 et 2012DE L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE (1ER TOUR) AUX ÉLECTIONS LÉGISLATIVES (1ER TOUR)

Abstention en % des inscritsau 1er tour de la présidentielle

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Abstention en % des inscritsau 1er tour des législatives

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Les niveaux de la gauche depuis 1981AU 1ER TOUR DES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES, en % des su!rages exprimés

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Élection présidentielleet groupe majoritaireà l’Assemblée

1981François Mitterrand

1988François Mitterrand

2002Jacques Chirac

2007Nicolas Sarkozy

2012François Hollande

58

47,7

63,2

55,5

(285 sièges sur 491)

(275 sièges/577)

(365 sièges/577)

(320 sièges/577)

51,8

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53,1

51,6

Président élu,en % des su!rages exprimésGroupe majoritaireà l’Assemblée nationaleen % du total des sièges(nombre de sièges)

PS UMP

modeste mais décisive dans certainessituations de rapport de forces très ser-ré entre gauche et droite, rend difficilele scénario d’une victoire de l’UMP dé-bouchant sur une cohabitation qui, cet-te fois-ci, aurait été délibérément choi-sie dans le temps court de la séquenceprésidentielle-législatives.

Il ne faut pas oublier que les précéden-tes cohabitations (1986, 1993, 1997)

avaient été choisies à l’issue d’électionslégislatives déconnectées de l’électionprésidentielle : cinq ans après la prési-dentielle pour les première et deuxièmecohabitations de 1986 et 1993, deux ansaprès la présidentielle de 1995 pour latroisième cohabitation initiée en 1997.

En revanche, le scénario d’une « rec-tification législative » peut s’enracinerdans l’absence d’état de grâce qui sem-ble marquer les débuts de la présidenceHollande, dans la volonté d’équilibrepolitique que peuvent ressentir desélecteurs attachés à l’existence de« contre-pouvoirs » dans un systèmepolitique où le PS est, du plan local auplan national, en position hégémonique,et dans l’enracinement personnel quepeuvent connaître nombre d’élus sor-tants de l’UMP dont le capital politiquedépasse leur seule affiliation partisane. !

PASCAL PERRINEAUDIRECTEUR DU CENTRE DE RECHERCHES POLITIQUESSCIENCES-PO (CEVIPOV)

L es élections législativesqui suivent immédiate-ment l’élection présiden-tielle sont souvent desélections de ratification du

choix présidentiel. En quelques se-maines, le corps électoral n’a pas letemps d’évoluer de manière sensible.Les électeurs, plutôt que de se dédire,ont tendance à confirmer et mêmeparfois à amplifier la décision électo-rale prise lors de l’élection présiden-tielle. Ce fut le cas, au profit de la gau-che, en juin 1981.Ce fut le cas, au profit de la droite, en

juin 2002 et juin 2007. En 1981, FrançoisMitterrand avait remporté une victoirerelativement serrée en mai mais le PS,quelques semaines plus tard, rassemblaune très large majorité de sièges (58 %)aux législatives qui suivirent. En 2002,après le raz de marée chiraquien du se-cond tour de l’élection présidentielle,l’UMP rafla à elle seule plus de 63 % dessièges. En 2007, la large victoire électo-rale de Nicolas Sarkozy fut ratifiée parune ample victoire législative de l’UMPavec plus de 55 % des sièges.

Ces confirmations et parfois amplifi-cations législatives sont dues à plusieursfacteurs : la continuité – sur une courtepériode - des électeurs dans leurs choixélectoraux ; leur volonté de donner aunouveau président élu les moyens lé-gislatifs de sa politique ; l’intégrationpar nombre d’électeurs de cette « nor-me » de la Ve République qui veut quel’élection présidentielle, particulière-ment depuis la réforme du quinquennatet l’inversion du calendrier électoral,joue le rôle directeur ; le « légitimis-me » d’une partie des électeurs parrapport au nouveau pouvoir, même s’ilsne l’ont pas choisi ; la relative démobi-lisation aux législatives du camp qui aété battu à l’élection présidentielle.

Cependant, cette « règle » de laconfirmation législative du choix prési-dentiel a connu une exception. En 1988,après la très large victoire de FrançoisMitterrand à l’élection présidentielle

(54 % des suffrages exprimés), le Partisocialiste n’obtint qu’une majorité rela-tive de 47,7 % des sièges et se vit privéde majorité stable. N’atteignant la ma-jorité absolue que flanqué du Particommuniste, lequel à l’époque rechi-gnait à voter les projets des gouverne-ments socialistes, ceux-ci durent gou-

verner en utilisant, comme jamais, lesarmes du « parlementarisme rationali-sé » et particulièrement l’article 49 ali-néa 3 de la Constitution de 1958 selonlequel le gouvernement peut faireadopter un projet de loi en engageant saresponsabilité sur le texte.

Vertement critiquée par la gauche,cette procédure a été mise en appli-

cation à 38 reprises par les gouverne-ments socialistes, entre 1988 et 1993.C’est au gouvernement dirigé par Mi-chel Rocard (1988-1991) que revient lerecord absolu d’usage du « 49-3 » sousla Ve République : entre décembre 1988et avril 1991, l’engagement de la respon-sabilité du gouvernement sur un textede projet de loi fut utilisé à 28 reprises.

Ce « rectificatif » législatif apportépar les électeurs après l’ample victoirepourtant accordée à François Mit-terrand est dû au fait que la gauche re-cula dans les départements de traditionmodérée où nombre d’élus sortants dedroite et du centre récupérèrent aux lé-gislatives un électorat qui s’était éloignévers le président sortant lors de l’élec-tion présidentielle.

À cela s’ajoutèrent une érosion sensi-ble du Front national qui perdit, enquelques semaines, un tiers de son ca-pital électoral présidentiel et une résur-rection électorale du Parti communisteautour de quelques notables rougesbien implantés. Ainsi, la droite retrouvaun espace qui lui avait été refusé à

l’élection présidentielle et le Parti so-cialiste ne parvint pas à transformerpleinement l’essai présidentiel.

En 2012, la situation est contrastée.Les premiers sondages d’intentions devote aux élections législatives annon-cent une gauche en relativement bonneposition : avec 45,5 % des intentions de

vote, la gauche est légèrement au-des-sus de son niveau du premier tour del’élection présidentielle (43,8 %). Ceniveau d’influence législative est sensi-blement supérieur à celui de 2007(41,3 %) et de 2002 (41,6 %), mais ilreste un peu en dessous de celui de 1997(47,3 %) et sensiblement inférieur à ce-lui de 1988 (49,6 %) et bien sûr de 1981(56,7 %). Le rapport de forces est da-vantage équilibré entre gauche et non-gauche qu’il ne l’était dans les troisprécédentes victoires législatives de lagauche (1981, 1988, 1997).

Cependant, la non-gauche est divi-sée : le Front national est annoncé à unhaut niveau (16 % d’intentions de vote)qui devrait lui permettre de se mainte-nir au second tour dans un nombre im-portant de circonscriptions.

Rappelons qu’en 1997, avec un ni-veau de 15,3 % des suffrages expri-

més et une abstention de 32 % des ins-crits, le Front national s’était maintenudans 132 des 577 circonscriptions(76 triangulaires, 25 duels avec la gau-che et 31 duels avec la droite) et avaitainsi contribué à la victoire d’une gau-che minoritaire au premier tour.

Ainsi, à défaut de pouvoir se décou-vrir une vocation majoritaire dansnombre de circonscriptions, le Frontnational renoue avec un « pouvoird’empêchement ». Cette « minorité deblocage » frontiste associée au main-tien d’une dissidence MoDem certes

LA COURTE VICTOIRE de FrançoisHollande laisse le champ libre à toutesles hypothèses sur la nature de lamajorité issue des élections législativesqui se dérouleront les 10 et 17 juin.De cette majorité législative dépendla liberté d’action du chef de l’État,celle-ci pouvant être totale si le renou-vellement de l’Assemblée nationalese traduit par une représentation socia-liste disposant de la majorité absolue.

Ce fut le cas en 1981 lors de l’électionde François Mitterrand. Ce fut aussile cas, pour la droite, en juin 2002après la victoire de Jacque Chiracet en juin 2007 à la suite de la victoirede Nicolas Sarkozy.

Depuis 2002, l’inversion du calendrierélectoral voulue par le gouvernementJospin a placé les législatives dans lafoulée de la présidentielle ; cette inver-sion participe, selon Pascal Perrineau,« à la volonté de donner au nouveauprésident élu les moyens législatifs de sapolitique » et éviter une cohabitation.

Cette règle de confirmation législativea connu une exception en 1988 :« après une large victoire de FrançoisMitterrand, le vote rectificatifdes électeurs, qui a donné une majoritérelative à la gauche, a contraint songouvernement à engager sa responsabi-lité (artcle 49-3 de la Constitution) pourfaire adopter ses projets de loi. Cette« arme du parlementarisme rationaliséa été utilisée 28 fois parMichel Rocardentre décembre 1988 et avril 1991, unrecord absolu sous la Ve République »,rappelle le directeur du Cevipof.

Par ailleurs, la nature du scrutin faitde chaque circonscription une électionparticulière. Celle-ci dépend de lamobilisation des électeurs, toujoursmoindre qu’à la présidentielle, del’enracinement local des candidatsautant que de leur couleur politique.Avec, cette fois, dans moultcirconscriptions, le Front nationalen faiseur de roi. ! JOSSELINE ABONNEAU

LES ÉLECTIONS législatives qui sontorganisées dans l’immédiate suite del’élection présidentielle mobilisentbeaucoup moins l’électorat quel’élection reine que reste la présiden-tielle. Ce déficit de mobilisation os-cille entre – 7,5 % des électeurs ins-crits (législatives de 2002) et – 23,4 %(législatives de 2007).

Sur l’ensemble des quatre législativesqui se sont tenues dans l’ombre d’uneélection présidentielle (1981, 1988,2002, 2007), la moyenne de la chute departicipation est de 14,3 points.

Si l’on applique un tel correctif àl’électorat qui va être convoqué auxurnes dans une quinzaine de jours, onpeut s’attendre à compter plus de sixmillions d’abstentionnistes qui vien-draient s’ajouter aux neuf millionsrecensés lors des deux tours de l’élec-tion présidentielle. Le taux d’absten-tion pourrait alors dépasser sensible-ment les 30 % d’électeurs inscrits.

La matrice décisiveCette chute d’intérêt pour les législati-ves tient au fait que, dans la séquence

resserrée « Présidentielle Législati-ves », la première élection apparaîtcomme la matrice décisive à partir delaquelle se dessine la seconde. Dans lalogique de la Ve République, la lectureprésidentialiste semble l’emporter surla lecture parlementaire.

Pour nombre d’électeurs, « la messesemble être dite » à l’issue de l’élec-tion présidentielle et de nombreuxélecteurs du camp défait lors de celle-ci peuvent avoir tendance à se mobili-ser beaucoup moins que ceux du campdes vainqueurs. Ce fut le cas en 1981

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« À défaut de pouvoir se découvrirune vocation majoritaire dans nombrede circonscriptions, le Front national renoueavec un “pouvoir d’empêchement”»PASCAL PERRINEAU

DESS

INDO

BRITZ

étudesPOLITIQUES Figaro-Cevipof

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Le pouvoir d’empêchement du Front national rend difficilele scénario d’une victoire de l’UMP.

parmi les électeurs de droite, ce fut lecas en 2007 parmi les électeurs degauche. Qu’en sera-t-il en juin 2012à l’issue de cette élection présiden-tielle où l’ardeur de l’opinion vis-à-vis du camp des vainqueurssemble plus retenue qu’elle nel’était dans le passé ? ! P.P.

Page 3: Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

mardi 3 avril 2012 LE FIGARO

A

études politiques14

mars, semblaient avoir profité de cet ef-fet de « mobilisation » sont FrançoisBayrou (24% des «mobilisés » décla-rent une intention de vote en sa faveur),Nicolas Sarkozy (24%), François Hol-lande (20%), Marine Le Pen (16 %) etJean-Luc Mélenchon (10%). Le centreet la droite profitent nettement plus quela gauche de cette mobilisation d’abs-tentionnistes potentiels.Cesmouvements demobilisation et de

volatilité de nombre d’électeurs ontcontribué au déplacement des lignes del’affrontement électoral qui se prépare.Ils sont à l’origine demouvements d’am-pleur qui ont affecté l’électorat au coursdes quatre derniers mois : la dynamiqueforte qu’ont connue deux candidats(François Bayrou, Jean Luc Mélenchon),qui se sont extraits de la marginalité quiétait la leur ennovembre dernier, la pro-fondeérosionqui a saisi l’électorat écolo-giste d’Eva Joly, la régulière et sévère en-tame du capital électoral initial deFrançoisHollande, le tassement deMari-ne Le Pen et la tendance haussière del’électorat deNicolas Sarkozy.Ces mouvements et reclassements

vont poursuivre leur œuvre dans lesvingt jours qui nous séparent dupremiertour de l’élection présidentielle. En2007, 22 % des électeurs déclaraientqu’ils avaient fait leur choix électoraldéfinitif en « hésitant jusqu’au derniermoment ».!

Le comportement volatil touche à lafois des populations jeunes et éduquéesdans lesquelles la mobilité et le « votestratège » sont des ingrédients impor-tants du choix et des populations de ni-veau de diplôme plus faible, de profilplus « populaire » où le « vote incer-tain » l’emporte sur le vote stratège. Lavolatilité, dans ce dernier cas, peut êtrele reflet d’une relative distance par rap-port à un jeu politique considéré commeun peu opaque. Alors que dans le pre-mier cas elle est davantage l’exerciced’une « liberté » d’un électeur relative-ment à l’aise dans les arcanes du systè-me politique.À ces logiques sociales qui organisent

la volatilité il faut ajouter des logiquespolitiques. Le fait d’appartenir à une« petite » famille politique, d’avoir votépour un « petit candidat », renforce la

volatilité des intentions de vote. Lessommets de volatilité sont atteints chezles électeurs proches d’Europe ÉcologieLes Verts (45 %), chez les électeurs quiavaient choisi Arlette Laguiller en 2007(37 %) ou encore chez ceux qui avaientvoté en faveur de Philippe de Villiers(36 %). Le vote en faveur de « petits »candidats est le signe d’une relative fra-gilité des choix, plus révélateur de refusdes « grands » candidats que d’un choixpositif des « petits ».

Àcette volatilité liée à des forces malinstallées dans le paysage politique

français, il faut ajouter la spécificité de lavolatilité des électeurs du centre, écar-telés entre la gauche et la droite : 30%des électeurs qui ont choisi FrançoisBayrou en 2007 sont aujourd’hui desélecteurs volatils.Les électorats les plus affectés par la

volatilité des choix sont aujourd’huiceux des candidats d’extrême gauche(70% de « volatils » chez les électeursde Nathalie Arthaud de novembre 2011,56 % chez ceux de Philippe Poutou),ceux de la candidate écologiste (65% lesélecteurs d’Eva Joly) et ceuxdu candidatsouverainiste (63 % chez les électeursde Nicolas Dupont-Aignan). Indépen-damment de cet univers de la volatilitéextrême, il y a une volatilité qui affecteles électorats de taille plus conséquente :30% des électeurs de Jean-Luc Mélen-chon ont changé d’intentions de vote,21 % de ceux de François Bayrou, 20%de ceux de Marine Le Pen, 17 % de ceuxde François Hollande et 14% de ceux deNicolas Sarkozy. Du fait du poids démo-graphique de ces électorats, ce sont euxqui constituent la majorité des « vola-tils » : 71 % de ceux-ci viennent descinq électorats cités ci-dessus.

L’électorat qui fourni le plus de « vo-latils » est celui de François Hollande(27 %) suivi de celui de Nicolas Sarkozy(16 %) puis de celui de Marine Le Pen(15 %) et enfin d’Eva Joly (13 %). Ceschiffres éclairent la lente et régulièreérosion du capital électoral du candidatsocialiste et la quasi-disparition de celuid’Eva Joly.

Ces « fuites » électorales dues à lavolatilité des intentions de vote

pourraient être partiellement compen-sées, par la mobilisation d’électeurs quin’avaient pas l’intention de se rendreaux urnes il y a quatre mois et qui,maintenant, déclarent une intention devote. Ces électeurs qui, au cours de lacampagne, sont venus à la déclarationd’une intention de vote sont massive-ment des femmes, des électeurs du

monde rural ou des petites communes,des citoyens peu politisés et qui refusentassez largement le clivage entre la gau-che et la droite.Les candidats qui, audébut dumois de

ÀMOINSde vingt jours du premier tourde l’élection présidentielle,le triomphede l’individualisme électoralcontribue à« rendre de plusen plus incertain l’art de la prévisionélectorale », affirmePascal Perrineau.Déjà en 2007, dit-il,« lamobilitédes électeurs l’emportait sur la fidélitédes électorats ».Pour illustrer ce désordre électoral,

sa comparaison dupremier tourà l’élection présidentielle de 2007 avec lepremier tour des élections législativesmontre que« 24%seulement desélecteurs de François Bayrou votaientaux législatives pour leMoDem, 27%de l’électorat lepéniste se rangeaientderrière le FN et 34%des électeursd’Olivier Besancenot soutenaientles candidats d’extrêmegaucheaux législatives.Mêmedans les grandsélectorats la fidélité n’était pas totale :41%des électeurs de SégolèneRoyalchoisissaient d’autres candidats que ceuxduPS, 27%des électeurs deNicolasSarkozy n’avaient pas donné leursuffrage aux candidats de l’UMP ».La campagne présidentielle n’échappe

pas au tropismedu changement : plusd’un électeur sur quatre amodifié sonchoix initial en l’espace de quatremois,note le politologue.Pascal Perrineaudresse une typologie

sociologique et politiquede cet électorat volatil qui caractérise lescandidats depetites formationset des forces politiquesmal installées.« Lavolatilité extrême » affectelourdement le potentiel électoraldes candidats de l’extrêmegauche.Elle entameencoreplus celui d’Eva Joly,candidate d’une formationmal installéedans le paysagepolitique,les électeurs d’EuropeÉcologie-LesVertsoccupant le« sommet de la volatilité ».Àgros effet sur les petits candidats,

qu’elle fait disparaître dupaysage,l’infidélité électotale affecte aussi lesgrandes formations. Elle est un indice deleur affaiblissement, voire d’une crise dumodèle identitaire partisan.En refusant« la camisole partisane »,les électeurs se comportent désormais enconsommateurs qui se décident au grédes offres des candidats plus quede leuridéologie.Moins inféodée auxpartis,« cette population très hétéroclite »rassemble, selonPascal Perrineau,« des jeunes éduqués très à l’aise dansles arcanes politiques » et une couche« populairemoins éduquée, où le voteincertain l’emporte sur le votestratège ».!

JOSSELINEABONNEAU

DESS

INDO

BRITZ

Les jeunes, principaux infidèlesau candidat socialiste

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En quatre mois, un électeur sur quatre a modifié son choixpour le premier tour de l’élection présidentielle.

« L’électorat qui fournit le plus de “ volatils “ est celuide François Hollande (27 %) suivi de celui de Nicolas Sarkozy(16 %) puis de celui de Marine Le Pen (15 %)et enfin de celui d’Eva Joly (13 %)»

Cevipofavec le

PASCAL PERRINEAUDIRECTEURDUCENTREDE RECHERCHES POLITIQUESDE SCIENCES PO (CEVIPOF)

Les études de sociologie élec-torale insistent sur la fortevolatilité des électorats.D’une élection à l’autre, lesélecteurs changent d’orien-

tation. Enmatière politique et électoralela fidélité n’est même plus de mise dansle temps court qui sépare une électionprésidentielle et les élections législativesqui la suivent quelques semaines plustard, les infidélités et les reclassementsélectoraux sont nombreux. Un nouveautype d’électeur volatil et changeantcontribue à rendre l’art de la prévisionélectorale davantage incertain.Il en est de même dans le moment

d’une campagne électorale. Les enquê-tes par panel qui suivent un échantillonde mêmes électeurs sur plusieurs moisde campagne permettent d’évaluer cet-te volatilité des intentions de vote d’unmoment de la campagne à l’autre et leslogiques qui l’organisent.L’instrument de la Présidoscopie que

le Cevipof amis au point avec Ipsos, Lo-gica Business Plan, la Fondapol, la FJJ etLe Monde permet de suivre les itinérai-res des intentions de vote sur les quatremois qui viennent de s’écouler. Entredébut novembre 2011, date de la pre-mière vague de l’enquête, et débutmars 2012, date de la sixième vague del’enquête, on constate que 72%desper-sonnes interrogées ont enmars lamêmeintention de vote qu’en novembre der-nier, 23 % ont changé d’intentions devote et 5 % se sontmobilisés sur un can-didat alors qu’ils étaient dans l’absten-tion ou le vote blanc et nul en novem-bre. Plus d’un électeur sur quatre a doncmodifié son choix présidentiel initial enl’espace de quatremois.Quelles sont les logiques démogra-

phiques, sociales et politiques qui orga-nisent la « fidélité » c’est-à-dire la sta-bilité des intentions de vote, la« volatilité » c’est-à-dire le change-ment d’intentions de vote et la « mobi-lisation » c’est-à-dire le passage dunon-vote à la déclaration d’une inten-tion de vote en faveur d’un des candi-dats ?Les « fidèles » très majoritaires dans

toutes les catégories démographiques etsociales de l’électorat, sont particulière-ment nombreux chez les hommes, lespersonnes âgées, les agriculteurs, les re-traités, les catholiques pratiquants, lesélecteurs proches du PS, de l’UMP et duFN.Dans ces milieux relativement « sta-

bles » les choix électoraux semblent êtrele plus cristallisés et le plus pérennes. Enrevanche, la volatilité est tout à fait si-gnificative chez les jeunes, les indépen-dants du commerce et de l’artisanat, lesouvriers, les étudiants, les électeurs ducentre, de l’écologie, de la « gauche dela gauche » ainsi que chez ceux qui sontsans préférence politique bien affirmée.

Fidèles Volatils Mobilisés

Fidèles Volatils MobilisésFidèles Volatils Mobilisés

EN %

Homme

Fidèles : stabilité des intentionsde vote de l’électoratVolatils : changement possible des intentionsde vote de l’électoratMobilisés : passage du non-vote à la déclarationd’une intention de vote en faveur d’un des candidats

50 46 34Femme 50 54 66

18-24 ans 8 11 825-34 ans 13 18 1435-44 ans 17 21 2145-59 ans 27 27 27

60 ans et plus 35 23 30

Inférieur au bac 30 24 29Rural 26 26 31

Bac 20 23 212 000-19 999 h 16 19 19

Bac+2 22 23 2720 000-99 999 h 14 12 12

Au moins Bac+5 11 11 7Agglo. parisienne 15 13 12

Agriculteur exploiteur 1 1 1Ext.gauche 1 1 1Art., commerçant, chef d’entr. 3 4 2PC, PG, FG 6 7 2Cadre sup. 12 13 11PS 32 22 10Prof. intermédiaire 13 15 14Verts 4 13 6Employé 15 18 21Modem 6 7 8Ouvrier 9 12 10UMP 23 16 9

Inactif 11 12 13Aucun parti 19 31 62

Intentions de vote en novembre 2011

ARTHAUD

2% 13%

1% 8%

1% 3%

0,5% 3%

0,5% 3%

3%

POUTOUJean-LucMÉLENCHON

FrançoisHOLLANDE

JOLYFrançoisBAYROU DE VILLEPIN

DUPONT-AIGNAN

MarineLE PEN

ABS., BLANCS ET NULS

Les profils des trois électorats

Bac+3/+4 17 19 16100 000 h et + 29 30 26

Retraité 36 25 28FN 9 3 2

FidèlesVolatils

Source : Vagues 1 et 6, Présidoscopie IPSOS Logica Business Consulting,CEVIPOF, Fondapol, Fondation Jean-Jaurès, Le Monde

3 755 électeurs ont été interrogés à la foisen vague 1 (novembre 2011) et en vague 6 (mars 2012).

sU

37%

28%

16%

6%

5%

27%

6%

8%

16%

14%

Le momentdu choix pour

le 1er tour d’une électionprésidentielle

(2007)EN CE QUI CONCERNE LE CHOIX

DE VOTRE CANDIDATÀ L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE,

DIRIEZ-VOUS QUE… ?

51%

27%22%

Votre décision

à l’avanceétait prise longtemps

la campagne que vousvous êtes décidé

C’est pendant jusqu’auVous avez hésité

dernier moment

Source : sondage IFOP-CEVIPOF,ministère de l’Intérieur, échantillon de 4 006 personnes,représentatif de la population françaiseinscrite sur les listes électorales, âgée de 18 ans et plus.Enquête réalisée du 9 au 23 mai 2007

NicolasSARKOZY

Infographie LE FIGARO

DE NOVEMBRE 2011 à mars 2012,7 % d’électeurs interrogés parl’institut Ipsos pour l’enquêtePrésidoscopie avouent avoirabandonné leur intention initialede voter en faveur de FrançoisHollande.Ces « électeurs infidèles » sontplus jeunes que la moyenne :37 % ont entre 18 et 34 ans. Cesont souvent des salariés d’uneentreprise privée : 38 % des« infidèles » relèvent de cettecatégorie. Ils appartiennentbeaucoup aux couches socialesdes professions intermédiaireset des ouvriers : 36 % de ceux quiont quitté François Hollanderelèvent de ces deux catégories.Ces « infidèles » viennentprincipalement de l’univers de la

gauche : 62 % se sentent prochesde partis de gauche et principalementdu Parti socialiste.Mais le tropisme centriste de cesélecteurs de gauche modéréeétait affirmé puisque 30 % avaientvoté en faveur de François Bayrouen 2007 contre seulement 25 %pour Ségolène Royal.Aujourd’hui, ces électeurs déçus parFrançois Hollande ont rejointFrançois Bayrou qui en récupère,en mars 2012, 34 %. Jean-LucMélenchon en recycle 24 %,Marine Le Pen en attirant 17 %et Nicolas Sarkozy 6 %.Les voies de la désillusion socialistesont plurielles et montrent la grandefluidité de ces électeurs socialistesdevenus volatils.

P. P.

Page 4: Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

mardi 20mars 2012 LE FIGARO

A

études politiques16

10,5 %8,6 %

7 %9 %

13,3 %7,3 %

8,3 %

7,4 %11,4 %

11,5 %

2,8 %2,7 %5,4 %16,5 %

7,7 %9,6 % 8,6 %

6,2 %

7 %10,3 %

9 %

11,8%11,6 %

Les intentions de vote en faveurde Jean-Luc Mélenchon

Le profil des électeursséduits parJean-LucMélenchon

HommesFemmes

18-24 ans25-34 ans

45-59 ans35-44 ans

60 ans et plus

Artisan, commerçant,chef d’entrepriseCadre supérieurProfessionintermédiaire

Catholiques non prat.Catho. prat. occasionnelsCatholiques pratiquants

Sans religion

Employé

Ouvrier

Retraité

Agriculteur

Inférieur au BacBaccalauréatBac + 2Bac + 3-4Au moins Bac + 5

Sondage :(Présidoscopie Ipsos, Cevipof, Fondapol, FJJ, Le Monde) (PCF + partis de l’extrême gauche)

MÉTHODE DE L’ÉTUDE

INTENTIONS DE VOTE AU PREMIER TOURDE L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

La "gauche de la gauche"dans l'élection présidentielle

sous la Ve République

Source : Vague 6 Présidoscopie Ipsos, CEVIPOF, Fondapol, FJJ, Le Monde; enquête réalisée du 1er au 6 mars 2012 auprès d'un échantillon de 4603 personnes inscrites sur les listes électorales et constituant un échantillon représentatif de la population française âgée de 18 ans et +.

6,5 %7,5% 7,5 %

8,5 % 9 % 9,5 %26 %

18,7 %

11,2 %13,9 % 13,8 %

8,7 %

28 oct2011

2 déc2011

13 janv2012

17 fév2012

17 fév2012

Mars2012 1969 1981 1988 1995 2002 2007

Sexe

Âge

Profession du chef de famille

Niveau d'études

Religion

9,5 %Ensemble de l'échantillon

de

électeurs relativement aisés est décisif.Politiquement parlant, un nouvel élec-teur de Mélenchon sur deux (50,4 %)avait l’intention de voter en faveur deFrançois Hollande fin octobre 2011.18,3 % étaient des soutiens d’Eva Joly,8,4%des soutiens de Philippe Poutou et7,6% des soutiens de Marine Le Pen. Ladynamique de Jean-Luc Mélenchon senourrit des déceptions qu’éprouve unepartie de l’électorat de gauche vis-à-visdes candidatures de François Hollande,d’Eva Joly et plus marginalement dePhilippe Poutou. S’y ajoute un zeste deprotestation sociale qui peut utiliser suc-cessivement l’intention de vote lepénis-te puis celle de sonplus ardent opposant.

Seules les cinq semaines qui viennentpourront confirmer et éventuelle-

ment amplifier cette dynamique quimontre qu’au sein des gauches persisteun tempérament contestataire et pro-testataire qu’ont longtemps capté la tra-dition communiste puis, sur un modemineur, les héritiersmodernes du trots-kisme. Aujourd’hui, c’est au tour d’une« gauche de la gauche »mêlant une tra-dition plébéienne communiste, unegouaille populiste, une indignation gau-chiste et une posture antimondialiste deprendre le relais et de monter à l’assautd’un socialisme indécis.!

La « gauche de la gauche » s’affirme maintenant en force électoraleet en contrepoids socialiste.

La « gauche de la gauche » n’est définiti-vement plus sous influence communisteet ne doit samodeste influence qu’à l’im-pact de candidats trotskistes au premierrang desquels figureOlivier Besancenot.L’heure est venue pour que la notion

même de candidat communiste dispa-raisse et que le PCF confie le soin de gérerses intérêts électoraux à un homme quiincarne, dans son itinéraire politiquepersonnel, les différents courants de la« gauche de la gauche » sans être ouavoir été lui-même communiste. En ef-

fet, Jean-Luc Mélenchon a été dans sajeunesse un militant trotskiste puis il afait un long séjour au Parti socialiste où ilparticipera à l’animation de l’aile gauchedu parti pour ensuite quitter celui-ci, en2008et créer unnouveauparti de gaucheassocié au Parti communiste au sein d’unFront de gauche. Le candidat de celui-cireprésente à lui seul le kaléidoscope de la« gauche de la gauche » et peut préten-dre légitimement contribuer à l’unifier.Il a largement vidé de son contenu élec-toral le trotskisme électoral qui s’étaitpeu à peu installé dans le paysage politi-que français derrière les figures d’ArletteLaguiller et d’Olivier Besancenot.

Aujourd’hui les héritiers de ce trots-kisme électoral, Nathalie Arthaud

et Philippe Poutou, semblent incapablesde maintenir l’héritage et ne pèsent quetrès peu dans le capital électoral de la« gauche de la gauche ». L’attractionmélenchoniste a ponctionné vigoureu-sement cet héritage : 45% des électeursde 2007 d’Olivier Besancenot disentaujourd’hui leur intention de voter enfaveur de Jean-Luc Mélenchon. À cettecaptation d’héritage, le candidat duFront de gauche a su ajouter une fidéli-sation de l’électorat communiste : 84%des électeurs qui avaient choisi Marie-Georges Buffet en 2007 ont l’intention

aujourd’hui de porter leurs suffragesvers Jean-LucMélenchon.Enfin, à cette « unification » de la

« gauche de la gauche », le candidat duFront de gauche ajoute une capacité àrécupérer quelques déçus du socialismeet de l’écologie : 16% des électeurs quiavaient voté pour Dominique Voynet en2007 affirment aujourd’hui une inten-tion de vote en faveur de Jean-Luc Mé-lenchon, il en est de même pour 11 % del’électorat de SégolèneRoyal. Pour l’ins-tant, cette capacité à homogénéiser l’es-

pace de la « gauche de la gauche » et àenclencher une dynamique sensible derécupération de quelques déçus de lagauche socialiste et écologiste permet àl’ensemble des trois candidats de la« gauche de la gauche » (Nathalie Ar-thaud, Jean-Luc Mélenchon, PhilippePoutou) de dépasser la barre des 10% etde pouvoir prétendre compter dans ladécision électorale finale.Cette dynamique sensible du candidat

du Front de gauche sur l’ensemble de lacampagne présidentielle a des caracté-ristiques fortes qui nous renseignent surla nature sociale et politique des soutiensde Jean-Luc Mélenchon. L’électorat quiest venuvers lui au coursdes quatreder-niers mois est un électorat où les fidèlessont plus nombreux que lamoyenne. Dela vague 1 (28-29 octobre 2010) à la va-gue 6 (1er-6mars 2012) de la présidosco-pie Ipsos-Cevipof-Fondapol-FJJ-LeMonde, 5,6%de l’échantillon interro-gé est resté fidèle à Jean-Luc Mélen-chon, 1,5% l’a quitté et 3,8% est venuà lui. Dans cette population de « nou-veaux mélenchonistes » le poids desouvriers, des chômeurs, des salariés dusecteur public et des électeurs aux reve-nus modestes est important alors quedans la population des «mélenchonis-tes fidèles » le poids des cadres, desretraités, des fonctionnaires et des

SAISI dans la vague 6 de la Présidosco-pie (lire infographie), l’électorat du can-didat du Front de gauche est marquépar une dominance de la protestationdes hommes d’âge mûr, des cadresmoyens et supérieurs, des personnesdiplômées et des citoyens sans religion.Ce sont dans ces catégories que Jean-Luc Mélenchon parvient à dépassersensiblement la barre des 10 %. La pro-testation qui est au cœur du vote mé-

lenchoniste reste une protestation plu-tôt bourgeoise, celle d’une bourgeoisiede gauche, éduquée et détachée de tou-te forme d’engagement religieux.

Du mal à pénétrerles milieux populairesLorsqu’on ajoute à ce profil la conditionsalariée dans le secteur public, le voteen faveur deMélenchon peut être élevé.En revanche, pendant longtemps, le

candidat du Front de gauche, en dépitd’un discours très plébéien, a eu dumalà pénétrer les milieux populaires dont ilespère le ralliement. La dernière vaguede la Présidoscopie montre que, sur ceterrain, Jean-LucMélenchon commen-ce à déplacer les lignes : il attire aujour-d’hui 9,6 % des intentions de vote desouvriers, 10,8 % de celles des person-nes qui disposent d’un revenu mensuelnet du foyer de moins de 1 200 euros et

enfin 12 % de celles des chômeurs.Une certaine protestation socialesemble prendre la suite d’uneprotestation politique quiétait au départ essentielle-ment issue du monde dela fonction publique.!

P. P.

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«cette dynamique montre qu’au sein des gauches persisteun tempérament contestataire et protestatairequ’ont longtemps capté la tradition communiste puis,sur un mode mineur, les héritiers modernes du trotskisme.Aujourd’hui, c’est au tour d’une “gauche de la gauche“ »

DESS

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Cevipof

ÀGAUCHE, la percée dans l’opinionde Jean-LucMélenchonet sa démonstration de force dimancheà la Bastille se révèlent commedesmarqueurs de la campagneprésidentielle de 2012. L’étudede Pascal Perrineaumontre comment« la dynamique de la campagne deJean-LucMélenchon ramène la gauche dela gauche au niveau d’une force électoraleavec laquelle il faudra compter ».En franchissant le seuil symbolique

des 10%d’intentions de vote au premiertour de l’élection présidentielle, lecandidat du Front de gauche peut pesersur l’issue du second tour. D’ores et déjà,il insuffle unnouveau rythme à FrançoisHollande qui appelle au vote utile dèsle premier tour, évitant, pour l’instant,de faire sienne la thématique radicalemélenchoniste. Pour combien de temps ?Pascal Perrineau souligne commentla« dynamique deMélenchon se nourritdes déceptions de l’électorat de gauchevis-à-vis des candidatures de FrançoisHollande, d’Eva Joly et Philippe Poutou »et d’un« socialisme indécis »brocardé par l’un de ses transfuges.Le profil de l’électoratmélenchoniste

en dit long sur le grignotage dupotentielélectoral traditionnel duPS : cadres,intellectuels, bac + 5, bourgeois éduquéset professions du secteur publicconstituent les fidèles auxquels s’ajoutentles « nouveauxmélenchonistes »séduits par le discours protestataireet antimondialiste du candidat.Aux sources de ces succès,

il y a, certes, la capacité de Jean-LucMélenchon à fédérer des communistesd’unPCFmoribond et des trotskistesenmal de relève aguerriemais surtoutla reproduction dumodèle allemand« Die Linke » (LaGauche) dontle discours anticapitalistemâtinéd’écologie politique fait de l’ombreaux sociaux-démocrates allemands.!

JOSSELINEABONNEAU

PASCALPERRINEAUDIRECTEURDUCENTREDERECHERCHESPOLITIQUESDESCIENCESPO (CEVIPOF)

D’octobre 2011 àmars 2012 Jean-LucMélenchon a connuune hausse régulièredes intentions de

vote se déclarant en sa faveur (6,5% finoctobre 2011, 9,5%débutmars 2012). Cemouvement de hausse s’est accéléréaprès la trêve de Noël puisque de janvieràmars, le candidat du Front de gauche aamélioré son niveau de 2 points pour at-teindre au début du mois de mars, labarre des 10%. Cette dynamique de lacandidature de Jean-LucMélenchon ra-mène la « gauche de la gauche » au ni-veau d’une force électorale avec laquelleil faudra compter alors que certainsavaient pu croire qu’elle était en voie demarginalisation électorale après sa mé-diocre performance de 2007.Sous la Ve République, les forces qui se

situent à la gauche du courant socialisteont pendant longtemps constitué unpôleélectoral fort essentiellement structurépar un des derniers partis communistespuissants d’Europe occidentale : le Particommuniste français. Sauf en 1965et 1974 où celui-ci ne s’est pas comptédans l’élection présidentielle, préférantse fondre dans une candidature uniquede la gauche incarnée par François Mit-terrand, le candidat communiste a ras-semblé jusqu’au début des années 1980entre 15 et 21 % de l’électorat : JacquesDuclos attira 21,3 % des voix en 1969 etGeorgesMarchais 15,3%en 1981.Les adjuvants gauchistes à l’influence

communiste restèrent, endépit des échosde l’esprit soixante-huitard, marginaux.Il fallut attendre le déclin définitif ducommunisme de la fin des années 1980 etdu début des années 1990 pour que leshéritiers du gauchisme surclassent lecandidat du Parti communiste français.C’est le cas, pour la première fois, en 2002où les trois candidats trotskistes (Besan-cenot, Laguiller, Gluckstein) rassemblent10,4%des suffrages etmarginalisent Ro-bert Hue, candidat du PCF, qui grappilleseulement 3,4 % des voix. La situations’aggrave en 2007 où la candidate com-muniste, Marie-Georges Buffet, avec1,6%, est renvoyée dans la marginalité.

avec le

Page 5: Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

mardi 28 février 2012 LE FIGARO

A14 débats opinions

François Hollande, crédité de 32 %, etNicolas Sarkozy annoncé à 25-26 % desintentions de vote. Cependant, commetoujours, c’est avec un léger retard quece regain de popularité s’est traduit enintentions de vote : au lendemain dumeeting de Marseille du 19 février, lavague 16 du sondage réalisé le 20 févrierpar l’institut CSAmarque une très netteévolution du rapport de forces entre lecandidat socialiste et Nicolas Sarkozy.Seul un point sépare aujourd’hui lesdeux principaux protagonistes du duelprésidentiel et les deux challengers,Marine Le Pen et François Bayrou, dési-reux de troubler ce duel au sommet,connaissent unmouvement d’érosion.Dans le mouvement de bipolarisation

autour des deux « grands rôles », les li-

gnes commencent à bouger du côté desautres candidats. Dans la série des in-tentions de vote mesurées par CSA de-puis octobre 2011, Nicolas Sarkozy re-trouve son meilleur niveau qui était de27 % en novembre 2011 et FrançoisHollande passe sensiblement sous labarre des 30 % avec 28 % d’intentionsde vote. Depuis fin janvier, ce dernier aperdu trois points alors que le candidatprésident en a gagné deux.

Quant à Marine Le Pen, elle stagne à17 % et se situe maintenant à dix

points du niveau atteint par NicolasSarkozy.François Bayrou, après avoir connu

une embellie à la fin de l’année dernièreet au début de l’année 2012 où il avait suprofiter d’une déception vis-à-vis ducandidat socialiste, enregistre, en fé-vrier, une érosion constante. En unmois, il a perdu quatre points et se situemaintenant à 11 % d’intentions de vote,c’est-à-dire très loin de la barre des20 % qui lui permettrait de rester dansla course des prétendants au secondtour.Enfin, du côté des « petits » candi-

dats, Jean-Luc Mélenchon ou encoreEva Joly, la situation reste étale à un

très bas niveau pour la candidate écolo-giste (3 %) et à un niveau nettement su-périeur pour le candidat du Front degauche (9 %).L’érosion des deux prétendants au

second tour qu’aspirent à être MarineLe Pen et François Bayrou rappelle lalogique bipolaire des institutions de laVe République et la difficulté pour lesoutsiders de « troubler le jeu ».

Si les deux « premiers rôles » ne dé-çoivent pas et si le processus de bi-

polarisation continue dans les huit se-maines nous séparant du premier tour,les reclassements d’électeurs peuventamener des mouvements d’ampleur.Cela est d’autant plus possible que plusde quatre électeurs (42 %) sur dix di-

sent qu’ils ne sont pas certains de leurchoix et qu’ils peuvent encore changerd’avis d’ici au 22 avril. Ce pourcentageatteint le niveau de 51 % dans l’électo-rat central de François Bayrou, 43 %dans celui de Jean-Luc Mélenchon,32 % dans celui de François Hollande,25 % dans celui de Nicolas Sarkozy et24 % dans celui de Marine Le Pen.L’entrée en campagne de Nicolas

Sarkozy a donc fait bouger les lignes :une majorité de Français (48 % contre46 %) a eu le sentiment que son entréeen campagne était bonne. 86 % dessympathisants de droite mais aussi46 % de ceux du MoDem, 35 % de ceuxdu Front national et 32 % de ceux degauche partagent ce sentiment. Cepen-dant, au-delà du style et de l’énergiemis en avant lors de cette entrée encampagne, il reste des difficultés entermes d’éléments de discours : 40 %seulement de Français trouvent NicolasSarkozy convaincant lorsqu’il parle deréformes en général (85 % parmi ceuxqui ont l’intention de voter pour lui,52 % chez les soutiens de François Bay-rou et 30 % chez ceux de Marine LePen), 32 % le trouvent convaincantlorsqu’il aborde la formation et l’in-demnisation des chômeurs (72 %, 31 %,

33 %), 30 % le trouvent enfin convain-cant lorsqu’il propose un recours accruau référendum (59%, 30%, 32 %). Lesdeux mois à venir seront certainementceux du peaufinage des éléments dediscours et de projet sur lesquels le can-didat président pourra éventuellementretrouver un espace de conviction ma-joritaire.Pour l’instant, le rapport de forces du

premier tour s’est très nettement res-serré au profit de Nicolas Sarkozy et uncroisement des courbes des deux pre-miers rôles devient une hypothèse en-visageable. Les pronostics de victoire,tout en restant en faveur de FrançoisHollande, ont également évolué et Ni-colas Sarkozy revient dans le rétrovi-seur des pronostics.

Enfin, la perspective du second tourest en train de se déplacer légère-

ment. Certes, François Hollande estcrédité de 56 % d’intentions de votemais la différence entre les deux candi-dats qui était de 20 points début févrierest aujourd’hui réduite à 12 points. Cet-te position difficile pour NicolasSarkozy est liée au fait que les reportssur ce dernier des électeurs bayrouisteset lepénistes au second tour restentmédiocres : 37 % de ceux qui choisis-sent pour l’instant le candidat du Mo-Dem au premier tour et qui ont l’inten-tion d’aller voter se prononcent enfaveur de Nicolas Sarkozy ; 46 % deceux qui se retrouvent derrière MarineLe Pen font demême.Une victoire de Nicolas Sarkozy n’est

possible que si le candidat président,après avoir déplacé les lignes du rap-port de forces du premier tour, parvientà éroder les bases de l’antisarkozysmequi entrave le processus de réunifica-tion électorale des droites et du centreau second tour.!

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Son entrée en campagne améliore sa popularitédans toutes les couches de la société.

QUALIFIÉE de« bonne » par l’opinion,l’entrée en campagne de NicolasSarkozy amodifié les rapports de forceentre les principaux candidats. Àmoinsde deuxmois du premier tour de l’élec-tion présidentielle,« l’améliorationde la popularité du candidat-président esttous azimuts », note Pascal Perrineau.« La déclaration de candidature

du président sortant a, à la fois, mobiliséle peuple de droite et entraîné un fortmouvement de bipolarisation »,explique le directeur du Cevipof. Encristallisant l’affrontement autour desdeux grands rôles, les lignes commen-cent à bouger sur les autres candidats.Cette bipolarisation de la campagne

met face à face Nicolas Sarkozyen rassembleur de la droite et sonchallenger, François Hollande, portépar l’opinion qui pronostique encorela victoire au second tour du candidatsocialiste. Cependant,« le rapportde force du premier tour s’est nettementresserré au profit de Nicolas Sarkozyet un croisement des deux premiers rôlesdevient une hypothèse envisageable »,souligne Pascal Perrineau.Outre l’érosion des « outsiders »,

Marine Le Pen et François Bayrou,qui aspirent à se qualifier pourle second tour, la poursuitedumouvement de bipolarisationdevrait accélérer les reclassementsderrière les deux grands rôles : 42 %des électeurs affirment pouvoir encorechanger d’avis avant le 22 avril.Parmi ces « changeurs », ceux des

classes moyennes relativement aiséesun temps attirées par Marine Le Pen,qui, aujourd’hui, jugent son program-me économique« irréaliste voiredangereux ». Et optent maintenantpour le profil« leader de crise »du président-candidat.!

JOSSELINE ABONEAU

L’érosion des deux prétendants au second tourqu’aspirent à être Marine Le Pen et François Bayrourappelle la logique bipolaire des institutionsde la Ve République et la difficulté pour les outsidersde « troubler le jeu »

L'entréeen campagne

de NicolasSarkozy

6%

48%

48%

39%

32%29%

18%15%

11%8%

46%

Sondage CSA pour BFMTV - RMC - 20 Minutes - CSC - LA COURSE 2012 Vague 16 : sondage réalisé le 20 février 2012 auprès d'un échantillon national

représentatif de 1 014 personnes inscrites sur les listes électoralesconstituant un échantillon représentatif

de la population française âgée de 18 ans et plus.

Photos : DR François HollandeOct. 2011 Nov. 2011 Déc. 2011 9-10 janv. 2012 23-24 janv. 2012 6-7 fév. 2012 20 fév. 2012 Nicolas Sarkozy Un autre candidat Ne se prononcent pas

NSP

Rappel du 6-7 février 20 février

Le jugementsur l'entréeen campagnede Nicolas Sarkozy

Le pronostic de victoireà l'élection présidentielle

L'évolution des intentions de vote pour les principaux candidatsAU PREMIER TOUR (EN %)

2012

QUESTION : AVEZ-VOUS LE SENTIMENTQUE NICOLAS SARKOZY A FAITUNE BONNE OU UNE MAUVAISE ENTRÉEEN CAMPAGNE ÉLECTORALE ?

QUESTION : QUI, SELON VOUS, SERA ÉLU PRÉSIDENTDE LA RÉPUBLIQUE À L'ISSUE DE LA PROCHAINEÉLECTION PRÉSIDENTIELLE ?

Une bonneentrée

Une mauvaiseentrée

NicolasSarkozy

FrançoisBayrou

MarineLe Pen

11%

17%

28%

27%

FrançoisHollande

35%

25%

16%

9%

34%

27%

16%

7%

32%

26%

16%

11%

29%

26%

19%

13%

31%

25%

17%

15%

30%

26%

17,5%

13%

LA DERNIÈRE vague de la Présidosco-pie* a mis au jour une érosion sensiblede l’électorat qui affiche une intentionde vote en faveur de Marine Le Pen.Celle-ci a perdu, de la mi-janvier audébut du mois de février, 2,5 % d’élec-teurs. Parmi ces électeurs qui se sontéloignés de la candidate du Front natio-nal, l’étude menée par Ipsos s’est pen-chée sur les motivations des « chan-geurs », qui ont fait mouvement deMarine Le Pen vers Nicolas Sarkozy.Plutôt originaires des classes moyen-

nes relativement aisées, ces « chan-geurs » ont une préoccupation avéréepour l’économie et lesmesures avancées

par les candidats pour endiguer les effetsde la crise ; ils avouent, aussi, avoir étéun temps attirés par le triptyque « iden-tité nationale-insécurité-immigration »mis en avant parMarine Le Pen.Cet électorat, qui a pu être séduit un

moment par le nouveau ton et la volon-té d’ouverture idéologique de la candi-date du FN, estime que ce qui a fait saforce passée fait aujourd’hui sa faibles-se. En voulant devenir une candidate« respectable », capable d’aborder lesgrands dossiers de gouvernement, Ma-rine Le Pen a, à leurs yeux, dévoilé desfaiblesses économiques et internationa-les qui leur paraissent rédhibitoires.

Dans ce segment de l’électorat, le pro-gramme économique mis en avant parMarine Le Pen apparaît irréaliste voire« dangereux ».L’équipe derrière la candidate paraît

ne pas être à la hauteur des défis del’heure et l’envergure internationaleque doit avoir tout « leader de crise » luiest contestée. Décidément, il n’est pasfacile de sortir de décennies de cultureprotestataire pour embrasser la rigueurd’une culture de gouvernement.! P. P

*Présidoscopie, vague 4, étude réaliséepar Ipsos-Logica Business Consultingpour le Cevipof, la Fondapol, la Fondation

Jean-Jaurès et Le Monde, 4 756 person-nes inscrites sur les listes électorales etconstituant un échantillon représentatifde la population française âgée de 18ans et plus ont été interrogées du 2 au7 février. Dix entretiens qualitatifsont été réalisés du 7 au 9 février surles électeurs hésitant entre NicolasSarkozy et Marine Le Pen.On peut consulter les résultatssur www.cevipof.com/fr/2012/recherche/pa-nel/presidoscopie4/

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PASCAL PERRINEAUDIRECTEUR DU CENTRE DE RECHERCHESPOLITIQUES DE SCIENCE PO (CEVIPOF)

Nicolas Sarkozy, aprèsavoir déclaré sa can-didature le 15 fé-vrier, est entré encampagne tambour

battant afin de tenter de déplacerles lignes de l’affrontement prési-dentiel.

Les enquêtes d’opinion et d’inten-tions de vote ont enregistré les pre-miers échos de cette déclaration decandidature. En termes de popularité,le président-candidat a gagné huitpoints par rapport au mois de janvier.38 % des Français déclarent aujour-d’hui avoir une opinion positive de luien tant que président de la République(sondage LH2 pour Le Nouvel Observa-teur, 17 et 18 février). Ce mouvementd’opinion est une conséquence directed’un « effet d’agenda » : la séquenceinaugurée par son intervention télévi-sée du 29 janvier s’est poursuivie le6 février par son entretien avec AngelaMerkel. Elle a été relayée par son entre-tien au Figaro Magazine du 9 février,puis relancée par la candidature offi-ciellement annoncée le 15 février et en-fin suivie immédiatement du meetingd’Annecy du 16 février. Ce calendrier aremis Nicolas Sarkozy au cœur de lacampagne présidentielle.L’amélioration de la popularité du

candidat président est tous azimuts.Elle touche l’ensemble des Françaisquels que soient leur genre, leur âge,leur catégorie socioprofessionnelle ouencore leur sympathie politique. Ce-pendant, le regain de popularité estparticulièrement vif auprès des jeunesainsi que des personnes âgées de 50 à 64ans, auprès des cadres mais aussi desouvriers ainsi qu’auprès des sympathi-sants du MoDem et surtout du Frontnational.Sans conteste, la déclaration de can-

didature du président sortant a à la foismobilisé le « peuple de droite » et en-traîné un fort mouvement de bipolari-sation.Ce mouvement de popularité ne s’est

pas traduit tout de suite en termes d’in-tentions de vote et les sondages LH2 etIpsos réalisés les 17 et 18 février don-naient encore un écart important entre

DESS

INDO

BRITZ

étudesPOLITIQUES Figaro-Cevipof

Page 6: Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

mardi 7 février 2012 LE FIGARO

A14 débats opinions

24 %

40 %

62 %68 %

54 %46 % 44 %

34 %

32

3

1

2

1

1314

13

13

9

4

5

23

14

23

33

13

43

35

1419

919

2024

3321

68

6

5

28

31

2

1

37

39

88

3328

2830

72

33

4940

4242

Le vote à gauchedes ouvriersau 1er tour de l’élection présidentielle

à trois mois du 1er tour de l’électionprésidentielle de 2012

Sources : Ifop (1965, 1969,2007),Sofres (1974, 1981, 1988, 1995, 2002)

Source : Présidoscopie vague 3, Ipsos pour le Cevipof, la Fondapol, la FJJ et Le Monde, échantillon de 4 910 personnes interrogées du 12 au 23 janvier 2012Source : sondage CSA pour BFM TV, 20 minutes, RMC. Echantillon national représentatif de 1 011 personnes

âgées de 18 ans et plus, interrogées du 23 au 24 janvier 2012

1965 1969 1974 1981 1988

DÉCLARENT S’EN SORTIR

EMPLOYÉS

OUVRIERS

Très di!cilementavec les revenus du ménage

Di!cilement

REVENU MENSUEL NET DU FOYER

Moins de 1 200 euros

De 1 200 à 2 000 euros

Extrêmegauche

... de la réduction desinégalités sociales

Ensemblede l’électorat

Employés OuvriersCadres sup.,

prof. libéraleset intermédiaires

... de l’école et del’éducation

... de la sécurité... des problèmes des

gens comme vous

... du pouvoir d’achat

... de l’emploi

... de l’avenir des retraites... de la réduction des

déficits publics

Jean-LucMélenchon

FrançoisHollande

ÉvaJoly

Total gauche

FrançoisBayrou

Diversdroite

NicolasSarkozy

MarineLe Pen

1995 2002 2007

DIRIEZ-VOUS QUE FRANÇOIS HOLLANDE VOUSPARAÎT PLUTÔT CONVAINCANT LORSQU’IL PARLE...en %

... des milieux sociaux en di!culté

... des couches populairesLes intentions de vote...

52

46

41

41

38

37

34

33

55

49

56

44

43

41

35

38

49

46

35

43

37

38

31

31

40

43

36

42

36

38

44

32

(14 % contre 26 % au premier tour del’élection présidentielle de 2007).

La reconquête des couches populairesn’est, pour l’instant, qu’un processus en-tamé mais loin d’être abouti. Le Front na-tional, peu avare de l’usage de la catégo-rie de « peuple », est aujourd’hui marquéau coin d’une dynamique sociale qui l’in-troduit au cœur du débat sur le « retourdu peuple » en politique.

Si l’on dépasse les seules catégories so-cioprofessionnelles pour envisager les

intentions de vote des catégories socialesqui se situent en bas de l’échelle des reve-nus ou qui ont un sentiment de grandesdifficultés à « boucler les fins de mois », lagauche est un peu mieux placée mais ellereste globalement minoritaire dans laperspective d’un premier tour. MarineLe Pen continue à avoir un haut niveaud’influence électorale dans ces milieuxsociaux en difficulté, alors que le prési-dent sortant souffre, pour l’instant, d’undéficit sensible d’influence.

Le « peuple », qui a connu au cours desdeux dernières décennies de profondesrecompositions internes, hésite, à troismois de l’échéance présidentielle, à re-faire confiance à la gauche comme il avaitpu le faire dans les années 1970 et 1980. Le« peuple » est en attente et il peut êtretenté par l’abstention si la campagne nel’attire pas. Il reste à convaincre et l’onverra, au cours des prochaines semaines, s’il choisit plutôt la voie de la protestationlepéniste, celle de l’alternative socialisteou encore celle de la rigueur sarkozyste.!*Auteurde«LechoixdeMarianne.Pour-

quoi et pour qui votons*nous ? (Fayard)

En 2007, au second tour, Nicolas Sarkozyest majoritaire à la fois chez les ouvriers(52 %), les employés (55 %) et fait jeu égalavec Ségolène Royal parmi les professionsintermédiaires (49 %). Au fond, dans letemps long de la Ve République, la gauchen’a été majoritaire dans les catégories po-pulaires et, en particulier, en milieuouvrier que lors de trois élections prési-dentielles (1974, 1981, 1988) sur huit.

Cette désillusion des couches populai-res s’enracine dans une déception vis-à-vis d’une gauche gouvernante souventpeu capable de satisfaire des demandes

économiques et sociales des couches po-pulaires qu’elle a pourtant alimentéeslorsqu’elle était dans l’opposition. Lagauche est aussi perçue comme distantepar rapport à nombre de préoccupationset de valeurs des milieux populaires. Lescadres de la gauche française sont, pourla plupart, issus des milieux de la « bour-geoisie bohème » que David Brooks a trèsbien décrite dans son livreBobos in Para-dise (2000) et qui est le fruit de la synthèsede l’idéalisme des années 1960 et de l’in-dividualisme des années 1980 et 1990.

L es valeurs collectives, pragmatiqueset parfois autoritaires des milieux

populaires ne se retrouvent que malaisé-ment dans le « libéralisme culturel » decette nouvelle « classe supérieure ».D’où la nécessité pour la gauche françaisede retrouver le « sens du peuple » com-me l’y appelle Laurent Bouvetun dans unouvrage récent (Le Sens du peuple. Lagauche, la démocratie, le populisme. Coll.Le débat-Gallimard).

Cependant, lorsqu’on lit attentivementle discours de François Hollande au mee-ting du Bourget ainsi que les « 60 engage-ments pour la France », on est frappé de laquasi-absence de la notion de « peuple ».

En revanche les mots de « France », de« Nation » et de « République » abon-dent. Au-delà de la volonté stratégique dese porter sur un terrain où la droite et lecentre étaient plus à l’aise, il y a aussi ladifficulté de la gauche – et particulière-ment du Parti socialiste - de retrouver lesens d’un peuple qui l’a peu à peu quittédepuis l’élection présidentielle de 1995.

Pour un courant socialiste et au-delàune gauche française, qui ont lié, pendantdes décennies, leur sort politique aux no-tions de peuple, de couches populaires,de forces populaires… il est difficile de re-

donner un contenu social nouveau auprojet politique qu’ils portent aujour-d’hui. En l’attente d’une telle révision, lescatégories anciennes et consacrées de« République », de « France » et de« Nation » retrouvent une seconde jeu-nesse.

À trois mois du premier tour de l’élec-tion présidentielle, il reste timide :

fin janvier, 37 % des employés et 39 %des ouvriers ont l’intention de choisir uncandidat de gauche le 22 avril prochain.Les droites et le centre attirent aujour-d’hui une majorité des intentions de votede ces milieux populaires. Cependant, ausein de la gauche, le candidat socialiste aretrouvé une capacité à attirer une majo-rité relative d’employés (28 % contre23 % pour Marine Le Pen et 23 % pourNicolas Sarkozy). 24 % de ces mêmesemployés avaient choisi Ségolène Royalen 2007. En milieu ouvrier, François Hol-lande rassemble aujourd’hui 31 % desvotes, alors que Ségolène Royal n’en avaitcapté que 25 % en 2007. Mais il est légè-rement devancé par une candidate duFront national qui agrège 33 % des inten-tions de vote ouvrier, alors que NicolasSarkozy s’est effondré dans ce milieu

FORTE d’une identité politiqueempruntée aux origines des « partisdu mouvement ouvrier », la gaucheen campagne a toujours revendiquéle soutien des couches populaires.C’est cet appui du « peuple de gauche »(ouvriers, employés, cadres moyens)qui l’a portée au pouvoirsous les deux présidencesde François Mitterrand. Cependant,ce soutien populaire fait figured’exception :« dans le temps longde la Ve République, la gauchen’a été majoritaire dans les catégoriespopulaires et en particulier dans le milieuouvrier que lors de trois électionsprésidentielles (1974, 1981, 1988)sur huit », rappelle Pascal Perrineau.

Conséquence de sonembourgeoisement, la gaucheparvenue au pouvoir peut mêmese retourner contre le peupleen le condamnant pour « populisme »souligne le directeur du Cevipof.Pour celui-ci, cette mise à distanceest « très sensible dans le fort et réguliermouvement de rétraction que la gauchea connu en milieu ouvrier de 1981à 2007 ». En contrepoint, les milieuxpopulaires, notamment le cœurouvrier, perçoivent la gaucheet son libéralisme culturel comme trèséloignés de leurs préoccupationséconomiques et sociales et de leursvaleurs.Invitée par son « intelligentsiaprogressiste »« à retrouver le sensdu peuple », la gauche tente une timidereconquête. Toutefois, FrançoisHollande peine à s’imposer dans lescatégories les moins favorisées sauf surla réduction des inégalités sociales. Enquête d’onction populaire, le candidatsocialiste à la présidentielle convaincdavantage les milieux aisés. Et cela,souligne Pascal Perrineau, faceau Front national« marqué au coind’une dynamique sociale qui l’introduitau cœur du débat sur le retour du peupleen politique.! JOSSELINE ABONNEAU

DEPUIS son entrée en campagne, le can-didat socialiste cherche à réimplanter lagauche dans les milieux populaires. C’està cette « France qui souffre » à laquelle ila tenté de s’adresser dès les premiersmots de son discours du 22 janvier auBourget.

La dernière enquête de l’institut CSAsur « La Course 2012 » prend la mesuredu pouvoir de conviction de François

Hollande sur les principaux thèmes quipréoccupent l’électorat et particulière-ment celui des couches populaires.

L’avenir des retraitesCe pouvoir de conviction du candidatsocialiste n’est majoritaire que sur leseul thème de la réduction des inégalitéssociales. En revanche, il oscille entre untiers et une petite moitié de l’électorat

pour tous les autres thèmes économi-ques ou sociaux.

Mais surtout, sauf quelques rares excep-tions (l’avenir des retraites), François Hol-lande a plus de mal à convaincre dans lesmilieux populaires que dans la bourgeoisieet les couches moyennes. Ainsi, en dépitd’une reprise d’influence par rapport à sesprédécesseurs, Lionel Jospin et SégolèneRoyal, François Hollande convainc davan-

!" #$%&'(')'*% &+,-))".&/ 0"11%/ "2 #$'()/

«Cette désillusion s’enracine dans une déceptionvis-à-vis d’une gauche gouvernante souventpeu capable de satisfaire des demandes économiqueset sociales des couches populaires qu’elle a pourtantalimentées lorsqu’elle était dans l’opposition»

DESS

INDO

BRITZ

études POLITIQUES Figaro-Cevipof

tage les milieux aisés que les catégoriesmoins favorisées de l’électorat.

Reste à savoir si les trois moisde campagne à venir verrontce handicap se maintenir ousi la gauche parviendra àrenouer avec le « peu-ple ».! P. P.

!/ 3"$*' 1-#'")'1*/4 )" $/#5/$#5/ &2 6-*/ 0-02)"'$/

Depuis 1981, la gauche a perdu la moitiéde son audience chez les ouvriers.

PASCALPERRINEAUDIRECTEURDUCENTREDERECHERCHESPOLITIQUESDESCIENCESPO (CEVIPOF)*

Dans sa longue histoire politi-que, la gauche a toujoursvoulu lier son sort à la dé-fense des couches populai-res. Elle a même cherché,

pendant longtemps, à définir son identitépolitique à partir de cette identité sociale.On parlait au siècle dernier des « partisdu mouvement ouvrier ».

Dans les années 1970 qui virent lamontée régulière de la gauche, le particommuniste se présentait comme l’ex-pression politique privilégiée de« l’union des forces populaires ». Le chefdu Parti socialiste, François Mitterrand,considérait que son mouvement s’enra-cinait dans un « front de classe » et quel’union de la gauche qui allait le porter aupouvoir n’était que le reflet d’une « ma-jorité sociale » associant ouvriers, em-ployés et cadres moyens. Les débats surle contenu et les limites de cette « majo-rité sociale », de ce « peuple » que Fran-çois Mitterrand n’hésitait pas à qualifierde « peuple de gauche » étaient nom-breux et sans fin.

Puis, une fois la gauche au pouvoir, le« peuple » a peu à peu disparu des ra-dars. La gauche s’embourgeoise, le« peuple » la boude et se tourne souventvers d’autres horizons politiques. Lagauche peut même se retourner contre lepeuple et le condamner pour « populis-me ».Ce mouvement d’éloignement dela gauche par rapport aux catégories po-pulaires est tout à fait sensible dans le fortet régulier mouvement de rétractionqu’elle a connu en milieu ouvrier de 1981à 2007.

Au premier tour de l’élection prési-dentielle de 2007, la gauche rassembledeux fois moins de voix ouvrières qu’en1981. Le cœur ouvrier du « peuple » l’aquittée. On revient à la situation de laRépublique gaullienne où la gauche neparvenait qu’à capter une minorité desélecteurs ouvriers.

En 1965, le général de Gaulle faisaitpresque jeu égal avec François Mitterranden milieu ouvrier et il le dominait nette-ment en milieu employé et cadre moyen.

Page 7: Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

mardi 10 janvier 2012 LE FIGARO

1A14 débats opinions

À des convictions

FrançoisBayrou

FrançoisHollande

NicolasSarkozy

MarineLe Pen

Ensemble de l’électorat

Agriculteurs exploitants

Cadres supérieurs

Au moins Bac + 5

Catholiques pratiquants

Se situent au centre

Proches du MoDem

Électeurs de Bayrou en 2007

NOTE DE LECTURE : 61 % DES PERSONNES QUI SE DISENT« PROCHES DU MODEM » SONT PRÊTES À VOTER BAYROU

Lecanuet 1965 1969 1974 19811988 1995

20022007

Poher

Giscard d’Estaing

Giscard d’EstaingBarre

BalladurBayrou

Bayrou

SOUS LA Ve RÉPUBLIQUE(au 1er tour)

Préoccupés par les déficits

Est sympathique

Est honnête

Est sincère

Est compétent(e)

Comprend les problèmes des gens

À la stature présidentielle

Tiendra ses engagements

Est dynamique Vous inquiète

Source : Panel électoral France 2012 vague 2, décembre 2011,sondage Ipsos - Cevipof - Fondapol - FJJ - Le Monde,

réalisé du 30 novembre au 5 décembre 2011 auprèsd’un échantillon de 5 415 personnes inscrites sur les listes

électorales constituant un échantillon représentatifde la population française âgée de 18 ans et plus.

Photo : DR.

70 % 67 % 77 %65 %64 % 34 % 36 %

61 %

15,6 %

23,3 %

32,6 %

28,3 %

16,5 %18,6 %

6,8 %

29 %29 %

15 %14 %

10 %10 %10 %

7 %

59 %61 % 31 % 40 %59 %56 % 31 % 47 %55 %55 % 51 % 38 %45 %53 % 25 % 42 %44 %49 % 59 % 32 %34 %44 % 29 % 45 %36 %43 % 74 % 71 %37 %33 % 47 % 53 %28 %

6 %

18,5 %

L’imagede FrançoisBayrou...

Le centrismeà l’électionprésidentielle

... et ses zonesde force

isssssssssssssssssssssde

asozy n

issssssssssssssu

ces électeurs centristes, le candidat so-cialiste apparaît comme le plus capablede « mener une politique fiscale juste etefficace » (74 % contre seulement 24 %à Nicolas Sarkozy) ou encore le plus ca-pable « d’augmenter le pouvoir d’achatdes Français » (73 % contre 24 %).

Cependant, il en est différemmentsur le terrain des fonctions réga-

liennes et sur les thématiques financiè-res et européennes chères au cœur deces électeurs. À leurs yeux, NicolasSarkozy est « le plus capable de pren-dre des décisions difficiles » (74 %contre 24 % à François Hollande), il est« le plus capable d’avoir une statureprésidentielle » (67 % contre 31 %), leplus capable « de réduire les déficitspublics » (89 % contre 10 %) ou encorele plus capable « de mieux faire fonc-tionner l’Europe » (62 % contre 36 %).

Enfin, sur la capacité de protectiondes Français, dont on sait qu’elleconstitue un enjeu majeur de la pro-chaine élection présidentielle, le senti-ment des électeurs centristes est à peuprès également partagé : 51 % considè-rent que Nicolas Sarkozy est « le pluscapable de protéger les Français desconséquences de la crise économi-que », 47 % pensent de même pourFrançois Hollande.

Dans ces rapports de force et dansleur évolution dans les quatre mois quiviennent, il y a un des éléments essen-tiels du choix que feront les électeurscentristes et de l’issue de l’élection pré-sidentielle. !

!" #"$%&'()" *&+(',"$%'"-."$%&" /--'/$#"( "% '$,+*"$,/$#"L’hypercentre de François Bayrou illustre la résistance de ce courant politique

au rouleau compresseur de la Ve République.

PASCAL PERRINEAUDIRECTEUR DU CENTRE DE RECHERCHESPOLITIQUES DE SCIENCES PO (CEVIPOF)

La famille centriste a toujoursété présente à l’élection pré-sidentielle sous la Ve Répu-blique. Et, sauf en 2002, elle afait plus qu’y jouer un rôle de

témoin marginal. Ce centrisme prési-dentiel a oscillé, de 1965 à nos jours,entre 6,8 % des suffrages en 2002 et32,6 % en 1974. Certes, ce dernier ni-veau très élevé est aussi le fruit del’union du centre et de la droite modé-rée qu’avait réussie à incarner ValéryGiscard d’Estaing de 1974 à 1981.

Même si l’on retire cette exceptiongiscardienne, le centrisme a la plupartdu temps atteint un score électoral àdeux chiffres (entre 15 et 23 %).

La Ve République, en dépit de la bi-polarisation que ses institutions et sonmode de scrutin majoritaire à deuxtours ont engendrée, n’a pas réussi àréduire le centrisme à la portioncongrue.

Ce centrisme a connu trois périodes.La première, caractéristique de la Ré-publique gaullienne, voit le centrismechercher une voie autonome entre gau-che et droite. Les candidatures de JeanLecanuet en 1965 et d’Alain Poher en1969 s’inscrivent dans ce centrismeautonome, héritier direct de la démo-cratie chrétienne qui s’était rassembléedans le Mouvement républicain popu-laire (MRP) après la Seconde Guerremondiale.

Ne parvenant pas à bousculer vrai-ment l’ordre bipolaire mis en place parla Ve République, le centrisme va se ral-lier à la droite en deux temps : JacquesDuhamel et Joseph Fontanet rejoignentGeorges Pompidou en 1969 pour fonderle Centre démocratie et progrès puisc’est au tour de Jean Lecanuet de soute-nir Valéry Giscard d’Estaing en 1974. Cecentrisme rallié porte en 1978 l’UDF surles fonts baptismaux et réalise la fédéra-tion des centres et de la droite modérée.

C’est cette alliance qui parvient à lafin des années 1970 et au début des an-nées 1980 à un quasi-rééquilibrage ausein des droites entre la droite non

gaulliste associée au centre et le néo-gaullisme du RPR. Mais l’UDF a du malà être autre chose qu’un syndicat d’éluset de notables et reste traversée de divi-sions et d’affrontements personnels. NiRaymond Barre en 1988, ni ÉdouardBalladur en 1995 n’arrivent à remettreen cause la domination du RPR sur ladroite et à imposer un leader incontestéà la tête de la famille modérée et cen-triste.

Ces échecs répétés ont débouché surun véritable processus d’attrition etd’éclatement qui est sensible dans lefaible niveau atteint par François Bay-rou en 2002 : 6,8 % On entre alors dans

la troisième phase du centrisme, celuide la division où l’ancien patron del’UDF qu’est François Bayrou tente deredécouvrir les vertus d’un centrismeindépendant alors que d’autres leaderscomme Hervé Morin, Michel Mercierou encore Pierre Méhaignerie conti-nuent à placer leur combat dans unestratégie d’alliance avec la droite.

À quatre mois de l’élection prési-dentielle, le centrisme est éclaté

entre la tentation de l’« hypercentre »de François Bayrou, celle du NouveauCentre d’Hervé Morin qui cherche à in-carner le centre droit et celle de cen-tristes persuadés que l’avenir du centreest au sein de l’UMP ; cette UMP qui,lors de sa création en 2002, avait com-me but la fusion de la droite et du centreen un seul et même parti.

Cet éclatement est sensible dans lesstratégies présidentielles mises en placepar les différents leaders centristes.Certains se retrouvent derrière NicolasSarkozy, d’autres soutiennent la candi-dature d’Hervé Morin, enfin, les troi-sièmes se laissent séduire par la redé-couverte d’un centrisme indépendantderrière François Bayrou.

Ce partage se retrouve dans l’électo-

rat centriste. Interrogés en décem-bre 2011 par Ipsos, les électeurs qui sesituent au centre de l’échelle gauchedroite se répartissent entre FrançoisBayrou (29 %), François Hollande(22 %), Nicolas Sarkozy (20 %), le restese disperse entre les autres candidatsmais sans privilégier aucunement lespetits candidats centristes (Hervé Mo-rin, Christine Boutin…).

Le centrisme a un vrai problème deleadership. Alors que 65 % des élec-teurs qui se sentent de gauche et 75 %de ceux de droite disent leur intentionde voter en faveur de François Hollandeet de Nicolas Sarkozy, moins de 30 %

des électeurs proches du centre choi-sissent un « candidat centriste ». Lecentrisme a un grave problème d’in-carnation dans l’élection présidentiellequi se prépare.

De par sa masse, l’électorat qui se po-sitionne au centre peut jouer un rôleclef : en décembre 2011, 14 % des élec-teurs interrogés se situent au centre,19 % choisissent le « ni gauche, ni droi-te », 28 % la droite et 39 % la gauche.Cet électorat centriste, selon son tro-pisme de second tour, détient une desclefs de la décision électorale du 6 mai2012. Or, pour l’instant, cet électorathésite. Aucun leader centriste ne leconvainc profondément.

Une sympathie évidente rapprochecet électorat centriste de François

Bayrou, mais ses sympathisants s’in-terrogent sur sa « stature présidentiel-le » : 52 % des électeurs centristes luiaccordent une telle stature quand 71 %font de même pour Nicolas Sarkozy et48 % pour François Hollande…

Enfin, dans la perspective d’un se-cond tour où s’affronteraient NicolasSarkozy et François Hollande, leurssentiments sont partagés ; le choix finaln’est pas encore assuré. Aux yeux de

À CINQ mois de l’échéance présiden-tielle de 2012, François Bayrou était es-timé à un niveau de 7 % d’intentions devote. À titre de comparaison, en dé-cembre 2006, il était crédité de 9 % et ilfinissait à plus du double lors du 1er tourde l’élection présidentielle de 2007. Ceniveau d’influence mesuré au début dumois de décembre 2011 ne constituequ’une base de départ pour une campa-gne qui est loin de s’être nouée. Cepen-dant, on peut déjà repérer quelques zo-nes de force qui contribuent à définirl’identité du « bayrouisme » électoral.

Son électorat de départ est marquépar une origine sociale plutôt élevée (lescadres supérieurs y sont nombreux ain-si que les électeurs très diplômés), unesensibilité rurale non négligeable quirépond aux messages d’une « Franceprofonde » que le patron du MoDemn’hésite pas à mobiliser et un héritagecatholique pratiquant évident.

Électorat naturelCependant, il reste de la marge pourune éventuelle progression de FrançoisBayrou dans la mesure où la fidélisation

de son « électorat naturel », celui ducentre, est aujourd’hui médiocre… Àpeine un électeur sur trois de ceux quil’avaient choisi en 2007 prévoit de re-nouveler sa préférence en 2012.

La tâche ne sera pas forcémentaisée : l’image personnelle est bonne(sympathique, honnête, sincère), maisil connaît pour l’instant un réel déficitsur les dimensions les plus politiques decelle-ci (stature présidentielle, capacitéà tenir ses engagements) ainsi que surson dynamisme. C’est de la réductionde l’écart entre la dimension person-

01&#" "% 2/'3-"((" ,4 53/6&14'()"7 +-"#%1&/-

«L’ électorat centriste, selon son tropismede second tour, détient une des clefs de la décision électoraledu 6 mai 2012. Or, pour l’instant, cet électorat hésite.Aucun leader centriste ne le convainc profondément»

étudesPOLITIQUES Figaro-Cevipof

nelle et la dimension politique deson image que dépendra la réali-té ou non d’une dynamiqueBayrou. Au début du mois dejanvier, plusieurs enquê-tes, dont celle de l’Ifop,témoignent d’un telmouvement, le lea-der du MoDem étaitcrédité de 12 %d’intentions devote. ! P. P.

À QUATRE MOIS de l’électionprésidentielle, les centristes abordentla compétition en ordre dispersé :indépendants sous la bannièrebayrouiste de l’«hypercentre»; auto-nomes au sein de l’UMP sous la houlet-te du Nouveau Centre d’Hervé Morin ;ou encore d’ores et déjà ralliés à NicolasSarkozy, candidat à un second mandat.

Ces trois avatars du centrismeà la française sont générés par un cou-rant idéologique (démocratie chrétien-ne) vivace qui participe aux fondementsde la vie politique républicaine. Commele montre l’étude de Pascal Perrineau,le centrisme a résisté au rouleau com-presseur de la bipolarisation des insti-tutions de la Ve République et du modede scrutin majoritaire à deux tours.

Loin d’être réduit à la portioncongrue, le résultat des candidatsatteint souvent un score électoralà deux chiffres ; ainsi, par le jeu desalliances, un candidat a pu emporterla magistrature suprême, tel ValéryGiscard d’Estaing en 1974.

Les sondages placent FrançoisBayrou dans le quarté de tête du premiertour. Mais il pourrait améliorer sesperformances s’il réussit à fidéliserson«électoral naturel», explique PascalPerrineau.«Seulement un électeursur trois de ceux qui l’ont choisi en 2007prévoit de voter pour lui en 2012.»Certes,l’opinion centriste dote François Bayroud’une bonne image personnelle, maiselle reste dubitative sur son dynamisme,sa stature présidentielle et sa capacitéà tenir ses engagements.

De plus, le cavalier-seul bayrouistene fédère pas l’électorat éclaté :«Le centrisme a un vrai problèmede leadership et un grave problème d’in-carnation dans l’élection présidentielle»,estime Pascal Perrineau. Pourtant,précise le politologue, cet électoratdétient une des clés d’un second tourSarkozy-Hollande. Mais, dit-il,«lessentiments sont partagés et le choix finaln’est pas encore assuré».!

JOSSELINE ABONNEAU

DESS

INDO

BRITZ

Page 8: Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

mardi 6 décembre 2011 LE FIGARO

A16 débats opinions

1965 1969 1974 1981 1988 1995 2002 2007

1965 1969 1974 1981 1988 1995 2002 2007

PREMIER TOUR DE L’ÉLECTIONPRÉSIDENTIELLE

INTENTIONS DE VOTE POUR LES « PETITS » CANDIDATS DÉCLARÉS OU POTENTIELS À LA PRÉSIDENTIELLE DE 2012, au 14-16 novembre, en %

% des su!rages expriméspour l’ensembledes « petits » candidats

NOMBRE DE « PETITS » CANDIDATSAU PREMIER TOUR

Sont considérés comme « petits » candidats,ceux qui obtiennent moins de 5 % des su!ragesexprimés au premier tour de l’élection

Les « petits » candidatssous la Ve République

Source : CevipofPhotos : AFP,Le Figaro (F. Bouchon, J.-C. Marmara)

2,8

2

3

9

6

3

2

9

8

6

9,1

12,5

4,4 5

23,9

10,6

Éva JOLY Philippe POUTOUChristine BOUTIN

Corinne LEPAGE Frédéric NIHOUS

TOTALd'intentions

de votecumuléespour les

petitscandidats

POUR 2012

Hervé MORIN

Nathalie ARTHAUD Jean-Pierre CHEVÈNEMENT

Nicolas DUPONT-AIGNAN

Dominique DE VILLEPIN

4 %

9,5 %

1 % 0,5 % 0,5 % 0,5 %

1,5 % 0,5 % 0,5 % 0,5 % <0,5 %

+

+

+

+

+

+

+

+=

force politique. Sur un mode mineurArlette Laguiller, candidate de Lutteouvrière, se hisse au-dessus de la barredes 5 % en 1995 et 2002. Ou, encore en2002, Noël Mamère, seul candidat éco-logiste qui propulse les Verts au-dessusde 5 %.

Si le «petit» candidat peut grandir,le «grand» candidat peut rapetis-

ser. Tel a été le destin des candidats duPCF depuis la fin des années 1980. Pre-mière force politique nationale aprèsla Seconde Guerre mondiale, le PCFmaintient un haut niveau d’influencejusqu’à la fin des années 1970. Puis, lesdécennies suivantes, il entame uninexorable et rapide déclin qui l’amè-ne vers un statut de « petite force ».Dans les années 2000, les candidats duPCF figurent parmi les « petits candi-dats » : 3,4 % pour Robert Hue en2002, 1,6 % pour Marie-Georges Buf-fet en 2007.À cinq mois de l’élection présiden-

tielle du 22 avril 2012, l’évaluation despetits candidats en lice semble s’ins-crire dans la tradition de la Ve Répu-blique : celle où ils restent des témoinsplus que des acteurs du jeu politique.Cependant, ils peuvent recueillir toutou partie des déceptions vis-à-vis desgrandes forces de gouvernementcontribuant ainsi à la délégitimationde ces dernières. À cet égard l’électionprésidentielle de 2002 a été embléma-tique : presque un Français sur quatrea choisi la voie de la dispersion sur un« petit candidat ». Reste à savoir si2012 s’inscrira dans la tendance cen-trifuge de 2002 ou renouera avec desscrutins plus « normaux » où la capa-cité des « petits » à attirer les élec-teurs touche environ un Français surdix. !

PASCAL PERRINEAUDIRECTEUR DU CENTRE DE RECHERCHESPOLITIQUES DE SCIENCES PO (CEVIPOF)

L a logique du témoignage depetits candidats à la recher-che d’une tribune politiques’est peu à peu imposée dansl’élection présidentielle. Lors

de la réforme du 6 novembre 1962 unsystème de parrainages filtrant les can-didatures avait été mis en place : la si-gnature de cent élus (parlementaires etélus locaux) issus de dix départementsau moins était nécessaire pour qu’uncandidat puisse se présenter. Ce dispo-sitif devait empêcher la multiplicationde candidatures fantaisistes ou margi-nales.Pourtant dès la première élection de

1965, Marcel Barbu qui se présentecomme le « candidat des chiens bat-tus » et PierreMarcilhacy, représentantd’un groupuscule libéral, sont présentsdans la course. Leurs performances se-ront modestes : 1,1 % pour le premier et1,7 % pour le second.En dépit de ces piètres résultats, les

petits candidats vont fleurir lors desscrutins suivants et nourrir l’inflationdes candidatures. Si l’on retient commecritère du petit candidat la barre des5 % des suffrages exprimés, on passe dedeux candidats en 1965 à trois en 1969(Michel Rocard pour le PSU, Alain Kri-vine de la Ligue communiste et l’inclas-sable Louis Ducatel) puis à neuf en 1974où trotskistes divers, écologistes, dissi-dents, fédéralistes européens et extrê-mes droites variés s’opposent en uneassez grande confusion. Les petits can-didats n’attirent que 2,8 % des suffra-ges exprimés en 1965 puis 6 % en 1969,en rassemblent 9,1 % en 1974.La montée en puissance des « pe-

tits » suscite le vote d’une nouvelle loiorganique, le 18 juin 1976, qui durcit lesconditions de présentation des candi-datures. Le nombre de signataires passede cent à cinq cents issus de trente dé-partements aumoins et leur identité estrendue publique par le Conseil consti-tutionnel dans la limite du nombre re-quis pour la validité des candidatures.Cette réforme ne parviendra pas à

calmer l’ardeur des « petits candi-dats ». En 1981, six rassemblent 12,5 %des suffrages, en 1988 ils ne sont quetrois qui agrègent 4,4 %, en 1995 ils nesont que deux (Philippe de Villiers etJacques Cheminade) une ancienne pe-

En moyenne, ils captent le vote d’un français sur dix au premier tour.

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tite candidate, Arlette Laguiller, ayantfranchi de peu la barre des 5 %.En 2002 l’élection bat le record des

candidatures (16) parmi lesquelles oncompte neuf petits candidats (deuxtrotskistes en dehors d’Arlette Laguillerqui, avec 5,7 %, renouvelle son exploitde 1995 ; un candidat PCF qui rentre avec3,4 % dans le « club » des petits ; unecandidate radicale de gauche ; une éco-logiste indépendante ; le candidat Vertofficiel Noël Mamère dépassant de peu labarre des 5% ; un candidat libéral ; unecandidate dissidente de l’UDF ; un can-didat des chasseurs et un candidat qui àl’extrême droite conteste lemonopole deJean-Marie Le Pen. Ces neuf candidatsparviennent à capter 23,9 % des voix etont contribué au caractère exceptionnelde l’élection de 2002 qui vit un des deux« grands » prétendants, le socialiste Lio-nel Jospin, disparaître prématurémentde la compétition.

En 2007, le nombre de petits candi-dats reste importantmais le souvenir de2002 entraîne une retenue de l’électo-rat à leur égard : 10,6 % des suffragesvont vers trois candidats trotskistes, uncandidat altermondialiste, une candi-date communiste, une candidate écolo-giste, un candidat souverainiste et lereprésentant des chasseurs.

Ainsi, quelle que soit la rigueur de lalégislation, le nombre des petits

candidats a augmenté sous la Ve Répu-blique. Cet éclatement de l’offre politi-que touche tous les courants, la gauchecomme la droite. À gauche, les chapel-les de l’extrême gauche n’ont jamaisréussi à s’unir, préférant témoigner enordre dispersé. En 2007, la France étaitle seul pays d’Europe où s’affrontaienttrois candidats trotskistes, un alter-mondialiste et un communiste : soitcinq candidats pour un potentiel devoix d’à peine 9 % ! L’écologie politi-que, en dépit de sa faiblesse, n’hésitepas à aller à la bataille en ordre disper-sé, comme en 2002.En 2012, deux candidats trotskistes

sont à nouveau sur les rangs : NathalieArthaud et Philippe Poutou. Jean-Pier-re Chevènement tente de faire exister lasensibilité souverainiste de gauche. Eva

Joly cherche difficilement à s’extrairedu groupe des « petits candidats » touten se voyant contester sur le créneau de« l’écologisme gestionnaire » par Co-rinne Lepage. Les divers droite reflètentcette difficulté qu’ont nombre d’hom-mes et de femmes de droite et du centreà rentrer dans une logique de disciplinepartisane.Les dissidents de l’UDF, du RPR et

aujourd’hui de l’UMP tentent réguliè-rement leurs chances en espérant gri-gnoter quelques voix. Hervé Morin,patron du Nouveau Centre, ChristineBoutin, présidente du Parti chrétiendémocrate, Frédéric Nihous, présidentde Chasse, pêche, nature et traditions,Nicolas Dupont Aignan, président deDebout la République, Gilles Bourdou-leix, président du CNIP, Nicolas Sto-quer, président du Rassemblementpour la France, Dominique de Villepin,disent tous vouloir concourir.

À l’extrême droite aussi, la diversitéest de rigueur. Carl Lang, président duParti de la France s’est déclaré en sep-tembre. En dehors des familles politi-ques traditionnelles, la période estpropice aux déclarations d’intentionde multiples candidats. Au nom degroupes de pression ou d’enjeux spéci-fiques ils utilisent la précampagne pré-sidentielle pour promouvoir leur cau-se : il y a Gérard Gautier, président dumouvement Blanc, Victor Izraël, can-cérologue soucieux de relancer le plancancer, Patrick Lozès, président duConseil représentatif des associationsnoires, Nicolas Miguet, fondateur duRassemblement des contribuablesfrançais.Nombre de ces prétendants n’arri-

vera pas au bout de la course des signa-tures et pour ceux qui y parviendront,la tribune de la campagne présiden-tielle ne suffira pas à les tirer de l’ano-nymat ou de la marginalité électorale.En 2007, sur douze candidats, six n’ontpas dépassé la barre des 2 %. Cepen-dant, il y a toujours le secret espoir depouvoir s’inviter à la « table desgrands » dans le cadre d’une campa-gne réussie. Tel Jean-Marie Le Pen qui,après son maigre score de 0,7 % en1974, s’impose dès 1988 comme une

DANS LA COURSE à l’élection présiden-tielle La présence de candidats capitali-santmoins de 5%des suffrages estune constante de la Ve République.Au fil des scrutins, il y a eu« une

inflation de candidatures », constatePascal Perrineau. Celles-ci sont passéesde 2 en 1965 lors de la première électionau suffrage universel du présidentde la République à huit en 2007,avec un record de neuf en 2002.Les durcissements successifs des règles

de présentation pour filtrer les candida-tures (nombre de signatures d’élus,localisation, publication de l’identité desparrains) sont restés vains pour endiguer« lamontée en puissance des petits candi-dats », explique le directeur du Cevipof.Celui-ci en a répertorié une dizaine,déclarés ou potentiels, déjà en campagnepour l’élection du 22 avril 2012.Cette diversité de l’offre politique

« s’inscrit dans la tradition de la Ve Répu-blique ». Pascal Perrineaumontre com-ment« l’éclatement de l’offre politiquetouche tous les courants, la gauche commela droite ». En général, ces« candidatsde témoignage plus qu’acteurs de lacampagne » utilisent cette tribune pourdivulguer àmoindre coût leurs idées ;d’autres, telle la candidature Verte,cherchent à s’imposer à gauche commele partenaire incontournable du PS.Avec un cumul de 10%des suffrages

exprimés au premier tour, le pactole despetits candidats peutmettre en dangerla qualification des ténors pour le secondtour. En 2002, la dispersion du votesur les petits candidats d’un électeursur quatre a été la cause de l’éliminationdu candidat du PS dès le premier tour.S’avérant quasi inexpugnables

de la compétition présidentielle,les petits candidats sapent la légitimitédes grandes formations partisanes pré-sentant un candidat. C’est là une surpri-se dumode de fonctionnement de laVe République qui voulait se protéger desjeux partisans en sélectionnant le chefde l’État par le suffrage universel.!

JOSSELINE ABONNEAU

POUR L’INSTANT les petits candidats,tels qu’ils sont mesurés dans les sonda-ges d’intentions de vote sont au nombred’une petite dizaine et ils rassemblent,selon la dernière enquête de l’Ifop*pour La Lettre de l’opinion, un score(9,5 %) assez proche de celui qu’ilsavaient atteint à la présidentielle de2007 (10,6 %).Comme toujours l’extrême gauche

trotskiste s’avance divisée en deuxcandidatures mais leur potentiel devoix est très restreint, la succession deleadership entre Arlette Laguiller, Oli-

vier Besancenot et leurs successeurs nes’étant pas encore faite dans l’opinion.11 % seulement des électeurs prochesde LO et du NPA disent aujourd’hui leurintention de voter pour les candidatsissus de ces partis.

Zone griseLa situation est un peu meilleure pourEva Joly qui attire 38 % des intentionsde vote des électeurs proches d’EuropeÉcologie-Les Verts, mais on est loind’une dynamique qui la projetteraitdans la « cour des grands ». D’autant

plus qu’elle connaît une certaineconcurrence au sein même de son élec-torat « naturel » : 35 % ont l’intentionde rallier François Hollande, 5 % Fré-déric Nihous et 4 % Corinne Lepage.Enfin, à droite Hervé Morin et Domi-

nique de Villepin ont beaucoup demal àcapter les déçus du sarkozysme alorsque Christine Boutin et Nicolas Du-pont-Aignan connaissent un léger suc-cès d’estime dans cette zone grisequ’est la droite de la droite : 7 % desélecteurs qui ont voté en faveur du FNaux dernières régionales disent leur in-

4%5 3.2$#)*()$& #) 6-7$# *# &%8)($-.#&

« L’année 2012 s’inscrira-t-elle dans la tendance de 2002ou renouera-t-elle avec des scrutins plus “normaux”?»

DESS

INDO

BRITZ

étudesPOLITIQUES Figaro-Cevipof

tention de voter en faveur d’un de cesdeux candidats. ! P. P.*Sondage réalisé du 14 au 16 novembreauprès d’un échantillon de 1 146 per-sonnes inscrites sur les listes électo-rales, extrait d’un échantillon de1 243 personnes, représentatifde la population françaiseâgée de 18 ans et plus.Questionnaire auto-administré en ligne.

Page 9: Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

mardi 8 novembre 2011 LE FIGARO

A14 débats opinions

34 %36 %

40 %35 %41 %28 %

28 %35 %

46 %37 %

6 %

6 %5,5 %

2 %

1 %

1 %

0,5 %

36 % 33 %15 %

32 %37 %39 %

32 %80 %30 % 7 % 6 %

Hollande en tête Le visage de la gauche au premier tour

Le profil des électeursséduits par FrançoisHollande

HommesFemmes

18-34 ans

35-44 ans45-59 ans60 ans et plus

Artisan, commerçant,chef d’entrepriseCadre supérieurProfessionintermédiaire

Employé

Jean-LucMélenchon

Extrême gauche

Parti communiste

Eva Joly

François Bayrou

Dominiquede Villepin

NathalieArthaud

PhillipePoutou

NicolasDupont-Aignan

Ouvrier

Retraité

Inactif

Inférieur au BacBaccalauréatAu moins Bac + 2

Extrème gauche, PC, VertsSégolène RoyalFrançois BayrouNicolas SarkozyJean-Marie Le Pen

Source : Cevipof, Centre de recherche politiques de Science Po 2011Sondage : Ipsos

pénétration de François Hollandedans diverses catégories de l’électorat

INTENTIONS DE VOTE AU PREMIER TOURDE L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

LA GAUCHE AU 1er TOUR DE L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE SOUS LA Vème RÉPUBLIQUE

0

20

40

30

10

50

PS +Radicauxde gauche +DVG

Écologistes

FrançoisHollande

Source : Ipsos, France Télévisions, Radio France, Le Monde. Sondage réalisé du 28 au 29 octobre 2011 auprès d’un échantillon de 970 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.Échantillon interrogé par téléphone (méthode des quotas : sexe, âge, profession du chef de famille, région, catégorie d’agglomération).

24 %

35 %

19 %

35 %

NicolasSarkozy 1965 1969 1974 1981 1988 1995 2002 2007

MarineLe Pen

Ensemblede l'échantillon

Sexe

Âge

Profession du chef de famille

Niveau d'études

Vote présidentielle 2007(1er tour)

mal à la porter dans les urnes. La droiteextrême semble avoir plus de capacité àêtre le porte-voix électoral des couchespopulaires en difficulté et en colère.

Alors que Jean-Luc Mélenchon et lesdeux candidats trotskistes captent en-viron 10 % des intentions de vote desouvriers et 8 % de celles des employés,Marine Le Pen attire plus de 35 % despremiers et 19 % des seconds. La« gauche de la gauche » reste canton-née davantage à une protestation bour-geoise (Jean-Luc Mélenchon rassemblepresque 11 % des intentions de vote descadres supérieurs) et au secteur public.

Le deuxième concurrent du PS danssa course à l’hégémonie sur l’ensemblede la gauche est le partenaire écolo-gique. Celui-ci avait réussi à concur-

rencer très sévèrement le PS lors desélections européennes de 2009. À cetteoccasion, les listes d’Europe Écologieavaient rassemblé 16,3 % des suffragescontre 16,5 % pour celles du PS. Plus dedeux ans après, le PS a repris le contrôledu dispositif électoral de la gauche etrétabli son emprise : Eva Joly est crédi-tée de 6 % d’intentions de vote etn’existe, de manière significative, quedans les couches moyennes salariées(12 % chez les professions intermé-diaires). Elle ne parvient pas à endiguerle phénomène du « vote utile » chez lesélecteurs proches des Verts puisque43 % seulement de ceux-ci ont l’inten-tion de voter pour Eva Joly, 25 % choi-sissant François Hollande, 12 % MarineLe Pen, 6 % Jean-Luc Mélenchon et6 % l’extrême gauche trotskiste.

Une fois de plus, le candidat choisipar les Verts à l’élection présidentiellene fait pas recette et est incapable de te-nir la dragée haute au « grand frère »socialiste. Certains cadres du mouve-ment écologiste doivent regretter, au-delà du choix du candidat par le pro-cessus de la primaire fermée dejuin 2011, la stratégie même qui aconsisté à vouloir coûte que coûte uncandidat écologiste à l’élection prési-dentielle ; en effet, cette élection est enforte contradiction avec la culture des

Verts allergique à la dimension person-nelle de cette élection et à la verticalitéde l’institution présidentielle. Dansl’histoire de l’élection présidentielle oùl’écologie politique est présente, sansdiscontinuer depuis 1974, les candidatsécologistes ont toujours oscillé entre1,3 % et 5,2 %. La scène présidentiellecontraint l’écologie politique à un statutde marginalité.

Si elle facilite la tâche de réaffirma-tion politique d’un PS qui renaît de

ses cendres, la faiblesse des deux alliésrivaux du PS - d’un côté l’écologie, del’autre la gauche de la gauche - peut, àterme, donner l’impression d’un PS re-nouant avec une hégémonie pleine desuperbe. Hégémonie dans laquelle lesalliés sont davantage des supplétifs quedes partenaires. Cette impression peutêtre renforcée par la perspective d’unevictoire éventuelle, en 2012, du PS àl’issue de laquelle celui-ci contrôlerait,sans aucun contrepoids externe ou in-terne à la gauche, tout le pouvoir de labase au sommet : présidence de la Ré-publique, gouvernement, Assembléenationale, Sénat, collectivités territo-riales.

Un tel contrôle de tous les échelonsdu pouvoir politique n’aurait aucunprécédent sous la Ve République. Encela l’hégémonie interne à la gauchepeut laisser présager une hégémonieplus large et plus perturbante pour unedémocratie qui vit aussi de l’équilibredes pouvoirs et du pluralisme. !

d’une révision des « tables de la loi »exigée par la dureté des temps, les sus-ceptibilités des gardiens de l’orthodoxiepeuvent se réveiller et contribuer à ter-nir l’unanimisme qui prévaut depuisquelques semaines.

Un deuxième ressort de la position deforce qu’occupe François Hollande rési-de dans sa capacité à entamer l’espacecentral du système politique. Dans l’en-quête d’Ipsos, il est frappant de consta-ter que 30 % des électeurs de FrançoisBayrou de 2007 ont l’intention de voteren faveur du candidat PS. 25 % desélecteurs sympathisants des Verts par-tagent, pour l’instant, la même inten-tion. Des principaux candidats PS,François Hollande était celui qui pouvaitle plus aisément occuper une partie

d’un espace centriste laissé quelque peuen déshérence après le retrait de Jean-Louis Borloo et l’usure de FrançoisBayrou.

Enfin, en dépit des efforts de MartineAubry pour mettre en place une

grille de lecture où la gauche se parta-gerait entre « gauche molle » et « gau-che forte », le candidat socialisteéchappe pour l’instant à l’opprobre dela « gauche de la gauche » : 32 % desélecteurs de celle-ci en 2007 disent leurintention de voter, dès le premier tour,en faveur de François Hollande.

Cette position centrale au sein del’espace des gauches, de ses confinscentristes à son extrême gauche enpassant par l’écologie et le Parti socia-liste, propulse François Hollande dansune position que seul François Mit-terrand avait électoralement occupéeen 1988. Cette hégémonie socialiste surl’ensemble de la gauche est renforcéedu fait de l’échec de la « gauche de lagauche » à capitaliser les dividendespolitiques du mécontentement sociallié à la crise. Jean-Luc Mélenchon et lescandidats des divers appareils trotskis-tes ne dépassent pas à eux trois la barredes 9 %. En France et en Europe, la« gauche de la gauche » fait entendresa voix dans la rue mais elle a plus de

LE DÉBAT des primaires et l’échomédiatique qu’il a rencontré ont« réinstallé solidement François Hollandeau cœur de l’électorat du PS ».Tel est le principal enseignementde l’étude de Pascal Perrineau.Selon le politologue,« la position deforce qu’occupe François Hollande résidedans sa capacité à entamer l’espacecentral du système politique. »Ledirecteur du Cevipof montre commentle candidat PS fédère au-delà descouches moyennes, noyau dur de lagauche, les cadres supérieurs. De plus,François Hollande reprendrait pieddans les milieux populaires.

Pour Pascal Perrineau, le forfait deJean-Louis Borloo dans la compétitionprésidentielle et l’usure de FrançoisBayrou ont dégagé un« espace centristelaissé en déshérence ». Investiepar Hollande,« cette position centraleau sein de l’espace des gauches,de ses confins centristes à son extrêmegauche en passant par l’écologieet le PS » appelle la comparaisonavec la position de François Mitterranden 1981.

La faiblesse des deux alliés rivauxdu PS cantonne les écologisteset« la gauche de la gauche » au rôlede« supplétifs plus que de partenaires ».Les Verts prétendaient après lesélections européennes disputer au PSson hégémonie sur toute la gauche.

Aujourd’hui, note Pascal Perrineau« la gauche de la gauche reste cantonnéeà la protestation bourgeoise et au secteurpublic ». Et de prédire qu’en casde victoire à la présidentielle,« cettehégémonie interne (à la gauche) peutlaisser présager une hégémonie pluslarge et plus perturbante pour unedémocratie » ; le PS contrôlerait tousles échelons du pouvoir politique, de labase au sommet. Un tel contrôle seraitsans précédent dans la Ve… !

JOSSELINE ABONNEAU

JAMAIS, sous la Ve République, uneélection présidentielle ne se sera tenuedans un tel climat de « haute tension ».Indépendamment des préférences poli-tiques, des espoirs, des inquiétudes etdes rancœurs, les électeurs de 2012auront à juger de la capacité des candi-dats à être à la hauteur des exigences dugouvernement présidentiel dans uncontexte de crise grave.

L’heure de ce choix n’a pas encoresonné. Les sondages enregistrent da-

vantage des préférences, des opinionsque des votes. Les rapports de forceévolueront profondément dans les moisqui viennent.

Milieux populairesLes enquêtes saisissent les bases socia-les et politiques de la popularité deFrançois Hollande. Ses zones de forcesont la jeunesse (40 % d’intentions devote des 18-34 ans), les quadragénaires(41 %), les couches moyennes salariées

(46 % chez les professions intermédiai-res) et l’électorat PS dont le noyau dur aété mobilisé par la primaire qui a attiréprès de 3 millions d’électeurs.

Les milieux réticents sont les person-nes âgées (28 %) et les travailleurs in-dépendants (28 %). Le candidat PSatteint dans les milieux bourgeois lesmêmes niveaux (35 % chez les cadressupérieurs) que dans les milieux popu-laires (36 % en milieu ouvrier). Cecimontre la continuité d’un embourgeoi-

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« La faiblesse des deux alliés rivaux du PS- l’écologie et la gauche de la gauche -peut, à terme, donner l’impression d’un PSrenouant avec une hégémonie pleine de superbe»

DESS

INDO

BRITZ

Les forces de gauche non socialistes sont cantonnées aux rôles de supplétifs.

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PASCAL PERRINEAUDIRECTEUR DU CENTRE DE RECHERCHESPOLITIQUES DE SCIENCES PO (CEVIPOF)

Àsix mois de l’élection pré-sidentielle, la gauche béné-ficie d’une position fortedans les sondages d’inten-tions de vote. Cette posi-

tion est liée à la situation enviable d’op-position qui est la sienne dans uncontexte où les majorités au pouvoirsont durement contestées dans toutel’Europe. À cela s’ajoute l’effet de nou-veauté associée au processus des élec-tions primaires et à la personnalité deFrançois Hollande sorti vainqueur avecdes allures de quasi-outsider.

Dans la dernière vague du sondaged’intentions de vote réalisée, les 28 et29 octobre, par Ipsos, les cinq candidatsde gauche rassemblent 49 % des inten-tions de vote avec une part du lion pourle candidat socialiste (35 %). Ce niveaude la gauche est élevé et proche des ni-veaux qu’elle enregistrait en 1981(50,6 % pour la gauche et l’écologie au1er tour de la présidentielle de 1981) eten 1988 (49 % pour ces mêmes forcesau 1er tour de la présidentielle de 1988).Cependant, jamais le candidat socialiste(sauf François Mitterrand en 1988 avec34,1 % des suffrages exprimés) n’avaitatteint de tels sommets. À six mois del’élection, ces intentions de vote sonten partie virtuelles ; elles devraientfondre au fur et à mesure lorsque lecombat présidentiel va s’engager et sedurcir dans un contexte de grandesperturbations créatrices d’évolutions etde reclassements.

François Hollande bénéficie d’un ef-fet « lune de miel » lié au sacre del’élection primaire qui lui a permis de seréinstaller solidement au cœur del’électorat du PS : 82 % des électeursproches du PS disent leur intention devoter en sa faveur. C’est, pour l’instant,le candidat le mieux installé dans sonélectorat de référence et la légitimationde la primaire y est pour beaucoup.Reste à savoir si cette légitimité ne serapas entamée si le candidat socialiste estcontraint d’adapter et de réviser le pro-gramme du PS que beaucoup de ses ca-marades de parti considèrent commeétant son indéfectible viatique. La vic-toire de la primaire et l’unanimisme quia suivi ont caché les divisions du PS, ilsne les ont pas annihilées. À l’occasion

étudesPOLITIQUES Figaro-Cevipof

sement de l’électorat socialistemais aussi la capacité de FrançoisHollande à reprendre pied dansun électorat populaire qui avaitpris ses distances avec lagauche. !

P. P.

Page 10: Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

mardi 4 octobre 2011 LE FIGARO

A18 débats opinions

NSP*

Évolution des intentions de vote

34 %

27%

19%

9 %

6 %4 %

23 %20 %19 %

3 %2 %

33 %

1 %

À LA PRIMAIRE SOCIALISTE(base : ceux qui déclarent qu’ils iront certainement ou probablementvoter à la primaire)

A le plus la statured’un président

de la République

Est le plus capablede faire face à unecrise économique

internationale

Paraît apporter les meilleures solutions aux

problèmes des Français

Incarne le mieux

le changement

Est le plus capable de battre N. Sarkozy

à l’élection présidentielle

Crédibilitécomparée

des candidats

À LA PRIMAIRE SOCIALISTE(base : ceux qui ont l’intentiond’aller voter)

Source : sondage CSA pour BFMTV,RMC et «Vingt Minutes»

Source : sondage CSA pour BFMTV, RMC et «Vingt Minutes» , réalisé par téléphone les 19 et 20 septembre 2011 auprès d’un échantillon national représentatif de 1 005 personnes âgées de 18 ans et plus

Mai 2011 Juin 2011 Juillet 2011 Août 2011 Septembre 2011

5

10

15

25

30

35

%%

,Source : sondage CSA pour BFMTV,RMC et «Vingt Minutes»

1 %

FrançoisHollande

MartineAubry

ArnaudMontebourg

SégolèneRoyal

ManuelValls

J.-M.Baylet

NSP**NSP : ne se prononce pas

23 %

46 %

14 %

5 %

1 %

0 %

11 % 14 % 11 % 13 % 10 %

29 %

36 %

11 %

4 %

4 %

2 %

28 %

36 %

14 %

6 %

4 %

1 %

27 %

30 %

15 %

9 %

6 %

0 %

23 %

47 %

15 %

3 %

2 %

0 %

socialistes pratiquent, pour l’instant,la retenue.Les oppositions entre candidats sont

aujourd’hui plus articulées sur des dif-férences de style que sur la perceptionde lignes politiques claires. Le premierdébat du 15 septembre, au-delà du lar-ge écho qu’il a rencontré (4 920 000téléspectateurs, 22,1 % de partd’audience), a montré que ce qui ras-semblait les candidats était plus im-portant que ce qui les séparait.

Le deuxième débat du 28 septembrea montré cependant que pouvaients’opposer deux conceptions : l’une in-sistant sur le règlement, l’interdictionet l’action omniprésente de l’État etl’autre plus tournée vers la société, laresponsabilité et l’initiative privée.

Néanmoins, la différenciation porteessentiellement sur les capacités

personnelles prêtées à chacun pourprétendre à l’exercice des plus hautesfonctions de l’État dans un contexte deplus en plus troublé. Or, dans cette ap-préciation comparée des vertus et descapacités prêtées, à tort ou à raison, àchacun pour exercer la fonction deprésident de la République, FrançoisHollande domine. Cette dominationest outrageuse sur l’aspect le plus ré-galien de la fonction (avantage de 23points sur Martine Aubry en ce quiconcerne « la stature d’un présidentde la République », avantage de 24points sur la capacité à battre NicolasSarkozy).En revanche, son avance est plus té-

nue sur l’incarnation du « change-ment », l’aptitude à « faire face à unecrise économique internationale » ouencore la disposition à élaborer « lesmeilleures solutions aux problèmesdes Français ». Dans ces divers traitsque les électeurs de gauche qui s’ap-prêtent à voter à la primaire attribuentaux principaux candidats socialistes,se dessinent les forces et les faiblessesde celle ou de celui qui sera le candidatdu Parti socialiste à l’issue de la pri-maire.!

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Définition et participation du corps électoral, deux inconnues qui pèsentsur la désignation du candidat de gauche à la présidentielle de 2012.

PASCAL PERRINEAUDIRECTEUR DU CENTRE DE RECHERCHESPOLITIQUES DE SCIENCES PO (CEVIPOF)

Depuis l’université d’étédu PS à La Rochelle (26-28 août), la campagne del’élection primaire batson plein. Les six postu-lants qui avaient déposé

leur candidature avant la rupture esti-vale sont véritablement entrés encampagne et parcourent l’Hexagoneen tous sens. Cependant, quels quesoient leurs efforts, les rapports deforce, du moins en haut de l’affiche,ne semblent pas beaucoup bouger.Dès avant l’été, une hiérarchie s’est

établie entre deux candidats qui font lacourse en tête (François Hollande etMartine Aubry), une candidate qui estdécrochée (Ségolène Royal) et deuxcandidats davantage de témoignage(Manuel Valls et Arnaud Montebourg),sachant que le sixième et dernier can-didat qui n’est pas de la famille socia-liste, Jean-Michel Baylet, a du mal àexister politiquement.Dans le duo de tête, Martine Aubry

est d’emblée dominée par FrançoisHollande même si sa déclaration offi-cielle de candidature, le 28 juin à Lille,a eu l’effet de la remettre dans le jeu.En juin et juillet, un à deux petitspoints seulement, selon le baromètreCSA de la primaire, séparent l’ancienet le nouveau responsable du PS. Maisdès août, François Hollande creusel’écart (+ 6 points) pour aborder ladernière ligne droite nettement en tête(+ 7 points).Le dernier sondage réalisé par Opi-

nionWay (23-26 septembre) accentuemême la tendance puisque 43 % dessympathisants de gauche se pronon-cent en faveur de François Hollande,30 % pour Martine Aubry et seule-ment 11 % pour une Ségolène Royalqui serait talonnée par Arnaud Monte-bourg (10 %).

Il en est demême dans l’enquête ef-

fectuée par Ipsos du 21 au 26 septem-bre auprès de votants potentiels puis-que 44 % de ceux-ci disent leurintention de choisir François Hollan-de, 27 % Martine Aubry, 13 % Ségolè-ne Royal et 10 % Arnaud Montebourg.Ségolène Royal ne semble pas pouvoirrefaire le handicap qui la sépare desdeux favoris et les petits candidats nesemblent exister que dans des « ni-ches » relativement circonscrites.François Hollande est aujourd’hui le

candidat le plus également implantédans toutes les strates de l’électorat degauche qui dit son intention d’allervoter le dimanche 9 octobre : jeunes etvieux, couches bourgeoises et popu-laires. Cependant, il rassemble nette-ment mieux les hommes que les fem-mes alors que Martine Aubry ledépasse dans la population féminine et

fait jeu égal avec lui dans les secteursles plus diplômés de la population.

Ségolène Royal, quant à elle, gardeune forte capacité à pénétrer la po-

pulation jeune et l’électorat des cou-ches populaires. Quant à ArnaudMontebourg, sa base est avant toutbourgeoise et éduquée alors que Ma-nuel Valls connaît un succès d’estimedans les franges les moins à gauche decet électorat de la primaire.Pour l’instant, aucune victoire de

l’un des candidats ne semble possibledès le premier tour, à moins que lapeur d’affrontements fratricides lorsde l’entre-deux tours ne pousse cer-tains cadres du PS, certains élus etcertains électeurs à rallier la candida-ture de celui qui fait la course en tête.Si une telle dynamique ne se déclen-che pas, il y aura un second tour le

16 octobre. Dans ce cadre, le rapportdes forces, tel que le mesurent aujour-d’hui les sondages d’intentions devote, ne semble pas être favorable à lapremière responsable du PS. FrançoisHollande est crédité dans le sondageCSA des 19 et 20 septembre de 52 %des intentions de vote contre 40 % àMartine Aubry, 8 % ne se prononçantpas, ce qui représente un rapport de57 % à 43 % sur les seuls suffrages ex-primés.

L’enquête OpinionWay réalisée surun échantillon de sympathisants de

gauche aboutit au même résultat :57 % en faveur de François Hollande et43 % pour Martine Aubry. Le sondageIpsos alourdit le handicap de MartineAubry : 41 % contre 59 % pour sonchallenger.

Ces chiffres doivent être pris avecprudence car nous sommes loin d’unsecond tour, les rapports de force dupremier tour ne sont pas fixés dans lemarbre des « vrais résultats » et lesmanœuvres, les désistements, les iné-vitables bruits et fureurs qui accompa-gneront une campagne d’entre-deux-tours n’ont pas fait leur œuvre.Il faudra peut-être attendre un

deuxième tour pour que la vérité desconflits et des antagonismes éclate augrand jour. Pour l’heure, il est trop tôt.Le Parti socialiste sait qu’il ne peut re-nouer sans danger avec la logiqued’affrontement bipolaire qui lui avaitcoûté si cher lorsque Martine Aubryavait pris, en 2008, la direction duparti, dans des conditions fortementcontestées, avec 102 voix d’avance sur134 800 votants. Pour ne pas réveillerles mauvais souvenirs, les candidats

LES 9 et 16 octobre, le PS invite« le peuple de gauche » à désignerparmi les six candidats à la « primairecitoyenne » celui ou celle qui porterales couleurs socialistes à l’électionprésidentielle de 2012. Àmoins d’unesemaine du 1er tour, les rapports deforces restent relativement figés.S’appuyant sur les enquêtes d’opinion,Pascal Perrineau note que« dès avantl’été, une hiérarchie s’est établie entredeux candidats qui font la course en tête(Hollande et Aubry). »Avec un avantage certain au député

de la Corrèze qui est« égalementimplanté dans toutes les strates del’électorat de gauche ».Celui-ci fédèrele mieux l’électorat masculinmaisMartine Aubry le dépasse auprès desfemmes ; Ségolène Royal séduit plus lesjeunes et l’électorat populaire, quandArnaudMontebourg draine une frangebourgeoise et éduquée.Cependant, la plus grande prudence

s’impose dans l’interprétation dessondages. Jusqu’au soir dudépouillement, la définitionet l’importance du corps électoral sontinconnus : cette primaire est ouverteaux adhérents PS et à tout électeur quise présente le jour du scrutin commesympathisant de gauche. Il s’agit doncd’une élection« sans vraies référencesinscrites dans le marbre du vote ».L’idée de « primaire à la française »

avait été lancée, au tout début desannées 1990 par l’UDF et le RPR quivivaient encore et toujours la rivalitéGiscard-Chirac. Vingt ans plus tard,rappelle Pascal Perrineau, la gauchemet enœuvre une« primaire àl’américaine » requalifiée « citoyenne »pour« régler par les urnes ce quel’appareil du PS ne parvient pas à régleren interne ». !

JOSSELINE ABONNEAU

ÉVOQUÉE à droite, principalement parCharles Pasqua, au tout début des an-nées 1990, l’idée de « primaires ouver-tes » allait faire lentement son chemin àgauche, sous la forme de « primairesfermées » réservées aux adhérents duparti. En 1995, Lionel Jospin fut choisicontre le premier secrétaire du PS del’époque, Henri Emmanuelli. En 2006,Ségolène Royal s’imposa contre Domi-nique Strauss-Kahn et Laurent Fabius.Cette primaire ne toucha que 80 000adhérents PS en 1995 et 180 000 en2006.

L’idée d’élections « primaires ouver-tes » à l’américaine fut relancée en2008 après le Congrès de Reims où lechoix de la nouvelle première secré-taire du PS par le vote des adhérents futentaché de multiples fraudes et contes-tée par Ségolène Royal.Empêtré dans une interminable que-

relle de chefs, le PS décida de s’ouvrir àune procédure de « primaires ouver-tes » afin de régler par les urnes ce quel’appareil socialiste ne parvenait pas àrégler en interne. En octobre 2009, lesadhérents du PS ratifièrent massive-

ment la nouvelle règle du jeu, uneconvention du parti adopta enjuillet 2010 les grands principes, le ca-lendrier et les modalités définitives fu-rent établis en janvier 2011.

Combien d’électeurs ?Sachant que les électeurs surestimentsystématiquement leur participation,Ipsos évalue la fermeté de l’intentiond’aller voter autour de 9 % du corpsélectoral. Si 40 % seulement de cepotentiel passe à l’acte de vote le 9 oc-tobre, environ 1 500 000 électeurs

6/& #'4& '& 5% '".#0& $#+& &/ 7(8"& 9%" 5% :%(-;&

« Les oppositions entre candidats sont aujourd’huiplus articulées sur des différences de styleque sur la perception de lignes politiques claires»

DESS

INDO

BRITZ

études politiques Figaro-Cevipof

pourraient se rendre aux urnes.Cette participation serait nette-ment en deçà de celle de la gaucheitalienne aux trois primaires quiont rassemblé de 3 à 4 millionsd’électeurs dans les années 2000.Elle serait peut-être suffisantepour faire sortir le PS de sa diffi-culté à se choisir un (e) candidat(e) capable de l’incarner pleine-ment dans la grande joute électo-rale qu’est l’élection pré-sidentielle. ! P. P.

Page 11: Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

mardi 13 septembre 2011 LE FIGARO

A16 débats

OPINIONS

PASCAL PERRINEAUDIRECTEUR DU CENTRE DE RECHERCHESPOLITIQUES DE SCIENCES PO (CEVIPOF)

ÉLECTIONS Le dimanche 25 sep-tembre, 150 000 grands électeurs

représentant les régions, les dé-partements et surtout les conseils

municipaux de 44 départements, dé-partements d’outre-mer et collectivitésd’outre-mer ainsi que les Français del’étranger, vont procéder au renouvel-lement d’à peu près la moitié des siègesdu Sénat (170 sur un total de 348 séna-teurs). Ce scrutin est important, car ilintervient à sept mois de l’échéanceprésidentielle et peut se traduire par unchangement de majorité sénatoriale dedroite à gauche. Parmi les 170 sièges quisont en jeu, 90 sont détenus par la droi-te, 73 par la gauche, 2 sont vacants et5 ont été créés en fonction du dévelop-pement démographique qu’ont connucinq collectivités locales : l’Isère, leMaine-et-Loire, l’Oise, la Réunion et laNouvelle-Calédonie.

Dans ce corps électoral d’élus locauxoù le poids des représentants des

petites communes est important, la ba-taille politique va être rude. La gauchen’a cessé d’engranger au cours des qua-tre dernières années de nouveaux éluslocaux qui vont soutenir les candidats etles listes des partis de gauche, le climatgénéral de l’opinion est plutôt morose etjoue en défaveur des forces de la majo-rité et, enfin, l’entrée en campagneprésidentielle a tendance à durcirles termes de l’affrontement.Cependant, le corps électo-ral sénatorial n’est pastotalement prévisible.Nombre d’élus deconseils munici-paux de petitescommunes nesont pas encartéset n’ont pastoujours, loinde là, des enga-gements politi-ques de typepartisan. Envi-ron 40 % desgrands électeurs

échappent à toute étiquette partisane.Pour eux, la dimension personnelle del’élection sénatoriale est importante etla prise en compte de celle-ci peut dé-jouer bien des calculs politiques.

Cet élément favorise dans de nom-breux départements l’éclosion de

candidatures « hors parti » ou à la lisièrede ceux-ci. Dans certains départements,particulièrement ceux dans lesquelss’applique la représentation proportion-nelle par liste (18 départements sur les44 circonscriptions dans lesquellesl’élection aura lieu) les petits partis peu-vent avoir l’envie de tenter leur chanceafin de grappiller un siège : c’est le caspar exemple du Parti de gauche qui seraprésent dans les départements de la ré-

gion Ile-de-France ou encore d’EuropeÉcologie-Les Verts en Moselle ou encoredans le Lot-et-Garonne. Ailleurs, c’estla « querelle des ego » ou les conflitspersonnels qui peuvent nourrir les opé-rations dissidentes, par exemple à Parisoù, face à la liste UMP conduite parChantal Jouanno, une liste emmenée par

Pierre Charon n’a pas renoncé àse présenter. Il en est de même dans lesHauts-de-Seine où cinq listes de droitepourraient s’affronter ainsi qu’en Mo-selle où, dans le passé, la division de ladroite lui avait coûté très cher. Ces di-visions peuvent ici et là se traduire parla perte d’un ou deux sièges fatidiques.Or le rapport de force au Palais duLuxembourg est serré.

Depuis le début des années 2000,toutes les élections sénatoriales se sonttraduites par une poussée de la gauche.Aujourd’hui, l’opposition contrôle en-viron 153 des 343 sénateurs (soit 45 %des effectifs) et donc le gain d’une ving-taine de sièges pourrait menacer direc-tement la majorité sénatoriale sortante.La dynamique des dernières élections

locales en faveur de la gauche, et parti-culièrement celle des élections munici-pales de 2008, se traduira par un gainde sénateurs d’opposition. Mais celui-cine sera peut-être pas suffisant pouremporter la présidence du Sénat. Unedroite enracinée dans le terrain de peti-tes communes rurales peut résister etmême, ici et là, reconquérir un ou deuxsièges. Le président Gérard Larcherdispose d’une surface politique qui peutdépasser les limites strictes de soncamp. La gauche ne dispose pas, pour

l’instant, d’une personnalité capa-ble de rassembler efficacement

toutes les sensibilités de l’oppo-sition. Et, en cas de rapport de

force très serré, les groupescharnières que constituentl’Union centriste (29 sièges

PS UMP

Les groupes politiques au Sénat

179 heuresContrôle

115 147Union centriste

Non inscrits

2 sièges vacants

Source : Sénat, au 12 septembre 2011

179179 heuresheuresContrôle Contrôle

PC- Parti de gauche24

343 sièges

8

RDSE*18 29

* RDSE (Rassemblement démocratique et social européen)

La France des électionssénatoriales du

25 septembre 2011

Pyrénées-Atlantiques

Pyrénées-Orientales

Landes

Gironde

Haute-Corse

Corse-du-Sud

Dordogne

Loire-Atlantique

Ille-et-Vilaine

Vendée

Charente-Maritime

Charente

Deux-Sèvres Vienne

Corrèze

Haute-Vienne

Creuse

Maine-et-Loire

Côtes-d’Armor

Morbihan

Finistère

MancheCalvados

Orne

Mayenne

Sarthe Loiret

Cher

Indre

Indre-et-Loire

Loir-et-Cher

Yonne

Côte-d’Or

Nièvre

Jura

Doubs

Vosges

Meuse MoselleMarne

Aube Haute-Marne

ArdennesAisneOise

Eure

SommeSeine-

Maritime

Pas-de-Calais

Nord

Meurthe-et-Moselle

Haut-Rhin

Bas-Rhin

Haute-Saône

Saône-et-Loire

Eure-et-Loir

Hautes-Pyrénées

Ariège

Gers

Lot

Aveyron

Tarn

Hérault

Gard

Var

Vaucluse

Hautes-Alpes

Alpes-de-Haute-Provence Alpes-

MaritimesBouches-du-Rhône

Lozère

CantalHaute-

Loire

Puy-de-Dôme Loire

Allier

AinRhône

Haute-Savoie

SavoieIsère

DrômeArdèche

Tarn-et-Garonne

Aude

Haute-Garonne

Lot-et-Garonne

Val-d’Oise

Yvelines

Essonne

Seine-et-Marne

Paris

Seine-St-Denis

Val-de-Marne

Hauts-de-SeineSt-Pierre-

et-Miquelon

Françaisde l’étranger(sur les 12 sénateurs)

Mayotte

Nouvelle-Calédonie

Réunion

Martinique

Guadeloupe

XX

+ XX

21

62

1

3

2

3

32

2

2 12

3 4

24 +1

2

233 +12

2

3

117

3 +1

+1

+1

56

5 6

3

2

3

23

5

2 5

4

7

6

6

12

NOMBRE DE SIÈGESÀ RENOUVELER

NOUVEAU SIÈGE CRÉÉ

MODE DE SCRUTIN

MAJORITAIRE

PROPORTIONNEL

e-ie

Territoirede Belfort

aujourd’hui) et le Rassemblement dé-mocratique et social européen (18 siè-ges) pourront avoir la tentation de jouerleur propre carte.

Au-delà de l’importance de l’issuedu combat électoral pour une Hau-

te Assemblée qui n’a jamais, dans l’his-toire de la Ve République, était contrô-lée par une majorité de gauche, uneéventuelle défaite de la majorité seraitune douloureuse entrée en campagnepour la droite au pouvoir. La perte duSénat pourrait alors augurer d’autrespertes à venir et entraver le processusde reconquête de l’opinion que le prési-dent, son premier ministre et l’UMP ontengagé. En revanche, une victoire de lamajorité sortante montrerait que la« France profonde », celle des territoi-res avec toute la légitimité qui leur estattachée, ne cède pas et garde toute saliberté de choix pour les grandeséchéances électorales à venir. Si lesélections sénatoriales restent bien sûrun monde à part où les grandes passionsqui agitent et traversent la nation netrouvent qu’un écho assourdi et feutré,on pourra cependant lire dans le ver-dict électoral du 25 septembre les pre-miers frémissements du tréfonds élec-toral du pays. !

Un basculement à gauche entraverait la reconquête de l’opiniondéjà engagée par l’UMP.

Sénatoriales : dernier testavant le rendez-vous de 2012

LE SÉNAT va-t-il basculer à gaucheà l’issue du renouvellement de la moitiéde ses sièges ? Si tel était le cas,ce changement de majoritédans une Assemblée où la droite règnedepuis 1958 marquerait un tournanthistorique de la Ve République.

A priori, la gauche a le venten poupe : plan de rigueur,effet médiatique de la campagne de laprimaire du Parti socialiste contribuentà mobiliser ses partisans. Principalementles délégués et élus locaux quiconstituent le corps électoral sénatorialdu 25 septembre et pour lesquelsle vote est obligatoire.« Depuis 2000,note Pascal Perrineau, toutes lesélections sénatoriales se sont traduitespar une poussée de la gauche. »

Cependant, le directeur du Cevipofmet un bémol au pronostic d’un succèsinscrit dans la projection mécaniquedes résultats électoraux dansles collectivités territoriales. D’autantque la majorité sénatoriale tient à unepoignée de sièges :« 40% des grandsélecteurs échappent à toute étiquettepartisane », souligne Pascal Perrineau.La prudence du politologue s’appuiesur la« dimension personnelle »du scrutin qui peut« déjouer biendes calculs politiques »et favoriser« l’éclosion de candidatures hors parti ».

Une victoire de la gauche feraitentrer les institutions de la Ve Républiquedans une zone de turbulences.S’il ne peut renverser le gouvernement,un Sénat d’opposition a la capacitéde gripper les institutions. Maissi la gauche l’emportait en 2012,le chef de l’État PS détiendraitpour la première fois tous les leviersinstitutionnels pour réformer sansfrein. La situation politique seraitinédite pour la gauche qui s’était heurtéeen 1981 à la résistance du Sénat…!

JOSSELINE ABONNEAU

QUE POURRAIT changer au fonction-nement des institutions une victoire dela gauche au Sénat ? En dépit de l’ex-tension de ses compétences avec laConstitution de la Ve République, le Sé-nat a aujourd’hui moins de pouvoir quel’Assemblée nationale. Il ne peut, com-me celle-ci, censurer le gouvernement.La Haute Assemblée participe au travaillégislatif, là aussi dans une position do-minée, puisque, si le gouvernement leveut, c’est l’Assemblée nationale qui,en cas de désaccord entre la Chambrebasse et la Chambre haute, a le derniermot sur le vote de la loi (article 45 de laConstitution).

En cas de victoire de la gauche, lenouveau Sénat ne pourrait pas renver-ser le gouvernement Fillon ; mais ilpourrait, tout au mieux, pratiquerl’obstruction au cours de la procédure

législative et utiliser tous les moyens deprocédure qui permettent de faire traî-ner un texte.

Du terrain institutionnelau terrain politiqueCependant, le Sénat peut, dans le cadred’une révision constitutionnelle (arti-cle 89 de la Constitution), avoir un vraipouvoir de blocage puisque toute révi-sion doit être votée en termes identiquespar le Sénat et l’Assemblée nationaleavant d’être soumise au peuple ou bien,si la procédure du Congrès est retenuesur décision du président de la Républi-que, le projet de révision doit obtenirune majorité des trois cinquièmes dessuffrages exprimés des parlementaires.

On voit bien comment une éventuel-le révision cherchant à inscrire la règled’or de l’équilibre budgétaire dans la

Constitu-tion déjàproblémati-que aujour-d’hui devien-drait irréalisable.C’est bien pourquoiNicolas Sarkozy at-tend le 25 septembreavant de prendre sadécision définitive.

P. P.

Les pouvoirs de la Haute AssembléeElle a un rôle majeur en cas de révision

constitutionnelle.

« Une victoire de la majorité sortante montreraitque la “France profonde“, celle des territoires (...),ne cède pas et garde toute sa liberté de choixpour les grandes échéances électorales à venir»

DESS

INDO

BRITZ

étudesPOLITIQUESFigaro-Cevipof

Page 12: Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

mardi 21 juin 2011 LE FIGARO

1A

14 débatsOPINIONS

Marine Le Pen ne parvient pas à en tirer profitÉVOLUTION DE LA COTE D'AVENIR SOFRES-FIGARO MAGAZINE DE MAI À JUIN 2011

Di!érence entre le % de personnes souhaitant « voir la personne jouer un rôleimportant au cours des mois et des années à venir » en mai 2011 et en juin 2011

Source : Enquête réalisée du 27 au 30 mai 2011 auprès d'un échantillon national de 1000 personnes représentatifde l'ensemble de la population âgée de 18 ans et plus (méthode des quotas et stratification par région et catégorie d'agglomération)

ChristineLagarde

FrançoisHollande

MartineAubry

ManuelValls

Jean-LouisBorloo

FrançoisBayrou

ÉvaJoly

Jean-LucMélenchon

MarineLe Pen

DominiqueStrauss-Kahn

+ 11

— 29

— 3 + 2+ 2+ 2 + 2 + 3+ 3+ 5

L’a!aire DSK a!aiblitla position du PS pourla présidentielleSELON VOUS L'ARRESTATION DE DOMINIQUESTRAUSS-KAHN SUITE AUX ACCUSATIONSDONT IL EST L'OBJET AFFAIBLIT-ELLE,RENFORCE-T-ELLE OU NE CHANGE-T-ELLERIEN AUX CHANCES DU PARTI SOCIALISTEDE REMPORTER L'ÉLECTIONPRÉSIDENTIELLE DE 2012 ?

A!aiblit

Ne change rien Sans opinion

Renforce

Source : sondage TNS Sofres-Canal +,réalisé les 17 et 18 mai 2011 auprès d’un échantillon de 962

personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus(méthode des quotas et stratification par région et catégorie d’agglomération)

Ensemble del’échantillon 47 %

36 %

2 %

15 %

Sympahisantssocialistes 50 %

40 %

2 %

8 %

Photo : AFP

présidentielle. Si le séisme a eu lieu, tou-tes les répliques n’ont pas encore étéressenties. Mais le paysage est déjà mo-difié.

La voie royale vers des élections pri-maires d’adoubement pour le candidatsocialiste laisse la place à une voie pluschaotique qui sera celle d’un affronte-ment entre plusieurs candidats dontdeux ont, aujourd’hui, des chances à peuprès égales. L’espace du centre se libèreà nouveau et s’ouvre à des appétitsconcurrents de droite comme de gau-che.

Enfin, le président de la Républiquesortant retrouve des marges de

manœuvre où il pourra tenter d’installerles qualités de l’expérience, de la recon-naissance internationale et du rassem-blement qui sont autant d’éléments de la« capacité présidentielle » sous laVe République. !

PASCAL PERRINEAUDIRECTEURDUCENTREDE RECHERCHES POLITIQUES

DE SCIENCES PO (CEVIPOF)

ÉTUDE Les unes de journaux lui ontété consacrées ad libitum, les images

du feuilleton judiciaire ont été diffu-sées dans le monde entier, et, d’aprèsune étude Kantar Media, « du 15 au22 mai, chaque Français a été en contact137 fois avec l’affaire DSK dans les mé-dias », ce qui constitue une couverturemédiatique sans aucun précédent.L’enquête de la Sofres sur la « twittos-phère » politique nous apprend que lebuzz politique sur Twitter a battu tousles records puisque, en mai 2011,400 000 tweets ont été dédiés à l’affaireDSK. De la réalité on passe maintenantà la fiction puisque les projets édito-

riaux ou filmiques sur « l’affaire » fleu-rissent de toutes parts. Cette puissancemédiatique de la couverture de l’affaireDSK a transformé celle-ci en un vérita-ble « événement lourd » susceptible defaire évoluer les lignes de l’affronte-ment politique qui se prépare.

Le premier impact est le transfert d’unepartie de la légitimité strauss-kahniennesur les autres prétendants socialistes : lestrois personnalités du PS qui connaissentune sensible hausse de leur popularitédans la cote d’avenir Sofres-Figaro Ma-gazine sont François Hollande (+6 de maià juin), Martine Aubry (+3) et ManuelValls (+3). Pour l’instant, une majoritédes personnes interrogées (54 %)« sou-haitent plutôt la victoire de la gauche pourla prochaine présidentielle » (sondage Ifopréalisé les 9 et 10 juin 2011).

Le socialiste qui semble profiter leplus de l’éviction de DSK est FrançoisHollande, qui peut apparaître comme« l’anti-DSK » éloigné à la fois culturel-lement (le « candidat normal ») et poli-tiquement (Martine Aubry étant l’alliéepolitique de DSK) de l’ancien directeurgénéral du FMI. Cependant, le pronosticde victoire a changé de camp puisque57 % des Français interrogés par HarrisInteractive (du 3 au 5 juin 2011) pensentque Nicolas Sarkozy sera réélu présidentde la République.

L’onde de choc de l’affaire DSKmodifie le paysage politique

Sans effet sur l’audience du FN et de l’extrême gauche,elle dégage des marges de manœuvre pour Nicolas Sarkozy.

Le deuxième impact s’est traduit parune réouverture d’un espace au centrede l’échiquier politique alors que celui-ci était largement occupé par un Domi-nique Strauss-Kahn dont le réformismeparlait aux électeurs du centre. Tous lesleaders de l’espace central qui va desmarges de l’UMP aux Verts enregistrentun regain de faveurs : Jean-Louis Bor-loo (+ 2), François Bayrou (+ 2) et EvaJoly (+2).

Le troisième impact touche moins lascène électorale et davantage la scèneinternationale. La plus forte hausse depopularité concerne Christine Lagarde,qui gagne 11 points en un mois (14 à gau-che et 7 à droite) et qui bénéficie de ma-nière anticipée de la fonction de direc-teur général du FMI à laquelle elle aspire.Les Français, qu’ils soient de gauche ou

de droite, considèrent qu’elle est « faitepour le job » et aimeraient que l’ombrequi plane sur la fonction confiée à unFrançais s’évanouisse au profit d’uneFrançaise dont la légitimité technique etinternationale n’a rien à envier à celle deson prédécesseur.

Le quatrième impact de l’affaire estplutôt un « non-impact ». Nombre

d’observateurs s’attendaient à ce quel’affaire DSK nourrisse les courants lesplus protestataires de la vie politique,que ce soit la version du populisme degauche de Jean-Luc Mélenchon, quiavait construit toute une partie de saposture politique à partir de la dénon-ciation du directeur général du FMI, oucelle de la dénonciation de « diables entous genres », dont Marine Le Pen estfriande. Dès le 19 mai, la présidente duFN accusait le PS et Nicolas Sarkozyd’avoir fermé les yeux sur un comporte-ment « quasi pathologique »au profit deleur intérêt politique.

Cette promptitude dénonciatrice n’apas porté, tout au contraire, puisqueMarine Le Pen a perdu 3 points alors quele leader du Parti de gauche n’engran-geait qu’un frisson de 1 point. Les Fran-çais considèrent d’ailleurs que les res-ponsables politiques ont eu en général, àpropos de l’affaire DSK, un« comporte-

ment plutôt responsable » (selon un son-dage CSA réalisé le 16 mai, 52 % parta-gent cette opinion, 38 % seulementconsidérant qu’ils ont eu un« comporte-ment plutôt pas responsable ») et ils ontsouvent du mal à se retrouver dans lesindignations et ardeurs dénonciatricesvéhiculées par les extrêmes.

Au-delà de ces impacts immédiats,l’affaire DSK peut agir comme un

« poison lent » régulièrement réactivépar un agenda judiciaire long qui va sanscesse interférer avec l’agenda politiquede la campagne présidentielle. Ce « poi-son lent » peut contribuer à renforcer leniveau de défiance politique qui est déjàtrès élevé et risquant de déboucher surune abstention conséquente lors de laprochaine élection présidentielle. Il estencore trop tôt pour prendre la juste di-mension de cet effet délétère sur la fibrecivique tout comme il est difficile de me-surer l’ébranlement des valeurs d’égali-té, de respect et de modestie qui ont étémises à mal par l’affaire et ses suites.

La gauche avait privilégié un « axemoral » dans la campagne qu’elle met-tait en place ; celui-ci s’est assez large-ment désintégré sous les coups de bou-toir de comportements apparemmentéloignés des vertus de tempérance, derespect de l’autre sexe, d’attention à lacondition des minorités et des « petits »et d’argent modeste auxquelles la gau-che française dit être attachée.D’ailleurs, bien au-delà de la gauche, laquestion du harcèlement sexuel estconsidérée comme une des fautes lesplus inexcusables pour un candidat àl’élection présidentielle. Selon un son-dage Harris Interactive réalisé du 8 au10 juin 2011, 89 % des personnes inter-rogées (92 % à gauche, 90 % à droite,85 % au Front national) répondentqu’elles ne pourraient pas voter pourleur candidat favori s’il était accusé deharcèlement sexuel. Avec la corruption,c’est le comportement qui fait l’objet durejet le plus vif et de la sanction électora-le la plus forte loin devant la consomma-tion de drogues ou d’alcool, la détentiond’un compte bancaire à l’étranger oul’infidélité dans le couple. Le comporte-ment prêté à Dominique Strauss Kahn adonc transgressé une valeur forte qui estcelle du respect de l’autre.

L’événement Strauss-Kahn a donccommencé à déplacer les lignes du pay-sage politique à dix mois de l’échéance

LE « TSUNAMI » de l’affaire Strauss-Kahn a radicalementmodifié le paysagepolitique et rebattu les cartes pourles prétendants à l’élection présidentiellede 2012 dont les positions semblaientdéjà figées. À dixmois du scrutin età l’aune des dernières études d’opinion,elle a inversé si ce n’est les intentionsde vote, aumoins le pronostic dela victoire en faveur de Nicolas Sarkozy.Pascal Perrineau éclaire le reclasse-

ment politique de ceux qui ont portéau pinacle l’ancien patron du FMI.« Après les honneurs de l’opinion, larapidité de la déchéance illustre combienla roche tarpéienne est proche du Capi-tole. Principalement pour ceux - cadres,professions intellectuelles et diplômésdu supérieur - qu’il avait séduitset qui brûlent ce qu’ils ont adoré. »Paradoxalement, c’est François

Hollande, profil médiatiquement affichécomme celui de « candidat le plus éloi-gné politiquement et culturellement deDSK » qui tire les bénéfices de l’évictionde l’ex-directeur général du FMI.Par contre, la désillusion n’affecte pas« le peuple de gauche », notamment lesouvriers. Selon le directeur du Cevipof,cette recomposition des forces « donneun regain de faveurs aux leaders del’espace central qui va desmarges del’UMP aux Verts » qui affichent leursambitions. Mais elle dégage aussi desmarges demanœuvre pour NicolasSarkozy.Pour l’instant, l’opinion porte

un regard sévère sur l’affaire, mais ellen’en fait pas grief à l’ensemble des partispolitiques. Les partis qui se présentent« hors système » comme le Frontnational ou l’extrême gauche n’entirent pas d’avantages dans l’opinion,bien au contraire. Un signe ?L’affaire DSK, assure Pascal Perrineau,

peut semuer en « lent poison » contri-buant à renforcer un sentimentde défiance politique déjà très élevédans le pays. Et déclencher la tentationde l’abstentionmassive pour les scrutinsà venir…!

JOSSELINE ABONNEAU

L’ACCUSATION de viol portée contrel’ancien directeur général du FMI, trèsprobable candidat du PS à l’électionprésidentielle, a entraîné une brusqueet forte chute de sa popularité et del’avenir politique qui lui est prêté.

De mai à juin 2011, celui qui caraco-lait en tête de tous les sondages de po-pularité s’est effondré : en mai, DSKfaisait la course en tête des 38 person-nalités politiques de la cote d’avenirSofres/Figaro Magazine, 46 % des per-sonnes interrogées souhaitant que DSK« joue un rôle important dans les mois etles années à venir »- un mois plus tard

ils ne sont plus que 17 %. Et DSK estrelégué en fin de tableau en compagnied’Arnaud Montebourg, Valérie Pécres-se, Éric Besson ou encore BenoîtHamon.

Les chances du PS affaibliesCette chute vertigineuse de 29 pointsest générale et s’observe dans tous lesmilieux. Mais elle atteint des recordsdans l’électorat socialiste (-43 points),chez les cadres et professions intellec-tuelles (-42) et les diplômés du supé-rieur (-41). Ceux qui avaient été le plusséduits brûlent ce qu’ils ont adoré. En

revanche, chez les ouvriers (- 8), ouchez ceux qui ne s’intéressent pas dutout à la politique (- 7), l’érosion estplus modeste. Cette désillusion vis-à-vis de celui qui semblait peu à peu ral-lier tous les suffrages du « peuple degauche » et au-delà, a déjà provoquédes reclassements.

Le sentiment dominant est que l’ar-restation de DSK a affaibli les chances duPS de remporter l’élection présidentiel-le : interrogés par la Sofres les 18 et19 mai, 47 % des Français (50 % à gau-che) contre 36 % (40 % à gauche) parta-gent ce sentiment. Un mois plus tard, les

Splendeur et déclin d’un champion des sondagesLa désillusion de ceux qui l’ont porté au pinacle a déjà provoqué le reclassement de l’électorat PS.

«La gauche avait privilégié un « axe moral » dansla campagne ; celui-ci s’est assez largement désintégré»

DESS

INDO

BRITZ

étudesPOLITIQUESFigaro-Cevipof

10 et 11 juin, 28 % des Français disentque l’absence probable de DominiqueStrauss-Kahn les « a conduits à revoirleur position personnelle à propos del’élection présidentielle » (sondage LH2).C’est le cas de 42 % des sympathisantsdu PS, de 35 % des sympathisants dela gauche, mais aussi de 19 % de ceuxde la droite. Les femmes (32 %), les18-24 ans (36 %) et les professionsintermédiaires (33 %) sontautant de milieux qui ont ététrès interpellés par l’affai-re Strauss-Kahn. !

P. P.

Page 13: Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

mardi 24 mai 2011 LE FIGARO

A16 débats

OPINIONS

Les intentions de vote pour le premier tourde l’élection présidentielle

HYPOTHÈSE 1F. HOLLANDE

Ensemble del’électorat 23 %

HYPOTHÈSE 2M. AUBRY

TOTALISATION DES INTENTIONS DE VOTE DE L’ENSEMBLE DES CANDIDATS DE

GAUCHE DANS L’HYPOTHÈSEF. HOLLANDE M. AUBRY

23 % 37 % 37 %

Ouvriers 12 % 14 % 34 % 30 %

Employés 16 % 20 % 27 % 38 %

Prof. libéralescadres sup. 30 % 26 % 47 % 42 %

*Nathalie Arthaud + candidat(e) du NPA + Jean-Luc Mélenchon + Nicolas HulotSondage CSA-BFMTV-RMC-20 minutes auprès d'un échantillon national représentatif de 1 007 personnes âgées de 18 ans et plusdont ont été extraites 838 personnes inscrites sur les listes électorales en France, constitué d'après la méthode des quotas (sexe,âge et profession du chef de ménage) après stratification par région et catégorie d'agglomération. Enquête réalisée le 16 mai 2011.

40

50

60

70

200720021997199319881986198119781973196819671962

Les ouviers qui votent à gaucheOUVRIERS AYANT VOTÉ À GAUCHE AUX ÉLECTIONS LÉGISLATIVES,en % des su!rages exprimés

56

49

58

68

75

70

61 60

55

4542 42

Sondages post-électoraux Sofres (1962-2002), Ifop (2007)

40

50

60

70

2007(3)1995(2)1988(2)1981(2)1974(2)1965(1)

La gauche au secondtour et le vote ouvrier % D’OUVRIERS AYANT AFFIRMÉ VOULOIR VOTEROU AYANT VOTÉ POUR LA GAUCHE

Enquêtes : (1) pré-électorale Ifop - (2) post-électorale Sofres - (3) post-éléectorale Ifop

4853

75

6768

55

De nos jours les parentsn’ont plus aucune autorité

Il y a trop d’immigrés en France

Maintenant on ne se sent pluschez soi comme avant

Il faudrait rétablir la peine de mort

63 %

55 %

50 %

45 %

45 %

38 %

21 %

20 %

Le clivage socialautour des valeurs

Ouvriers Prof. libérales, cadres sup.

Source : PEF, Cevipof,minsitère de l'Intérieur (mai 2007)

vaient un exutoire dans des appareilsde gauche, comme le Parti communis-te, qui ne transigeaient pas sur la« verticalité » de certaines valeurs.Actuellement, la gauche contemporai-ne est beaucoup plus travaillée par le« libéralisme culturel », les valeurs« postmatérialistes » et ne parvientplus à intégrer dans son dispositif lademande d’autorité qui sourd des mi-lieux populaires.

Au-delà de son aspect purement ju-diciaire et personnel, l’affaire Strauss-Kahn et les réactions qu’elle suscitesont révélatrices de la tension qui tra-verse la culture de gauche sur la ques-tion des valeurs. Il est intéressant denoter que le milieu ouvrier est un desmilieux les plus partagés quant à l’ap-préciation de la réaction des responsa-bles socialistes à l’affaire : 52 % desouvriers pensent que ces responsablesont eu un « comportement plutôt res-ponsable », 48 % ne partagent pas cetteopinion (37 % retiennent un comporte-ment « plutôt pas responsable », 11 %ne répondent pas). En milieu bourgeois(cadres, professions libérales) le rap-port est de 65 % à 35 %. Chez les sym-pathisants du PS, il est de 75 % à 26 %(CSA, 16 mai 2011).

Reste à savoir où la demanded’autorité exprimée par les milieux

populaires va se porter en 2012 : dansune abstention boudeuse et désen-chantée ? Dans un vote protestatairederrière Marine Le Pen ? Dans le retourvers une gauche qui retrouverait lesaccents d’une République intransi-geante ? Ou, comme en 2007, vers lamajorité et le pouvoir en place ?!

La gauche peine à intégrer la demanded’autorité des couches populaires

Le libéralisme culturel du Parti socialiste et l’effondrement du Parti communisteont contribué au déclin du « vote de classe ».

PASCAL PERRINEAUDIRECTEUR DU CENTRE DE RECHERCHES POLITIQUES

DE SCIENCES PO (CEVIPOF)

ÉTUDE L’élection présidentielle de2007 avait déjà montré combien la gau-che était en difficulté électorale dans lesmilieux populaires : 55 % des employésqui s’étaient rendus aux urnes au se-cond tour avaient choisi de voter en fa-veur de Nicolas Sarkozy, 52 % desouvriers avaient fait de même.

Avant 2007, jamais sous la Ve Répu-blique un candidat de droite n’avaitréussi à rassembler une majorité de suf-frages ouvriers sur son nom. Quatre ansplus tard, la crise économique et finan-cière et l’usure du pouvoir ayant fait leureffet, la droite souffre d’une crise deconfiance dans ces mêmes milieux et lescandidats potentiels de droite et du cen-tre (Borloo, Dupont-Aignan, Sarkozy,Villepin) n’attirent plus que 41 % des in-tentions de vote des employés et 31 % decelles des ouvriers dans la perspectivedu 1er tour de l’élection présidentielle(sondage CSA/BFM TV, RMC, 20 Minu-tes, 16 mai 2011).

On pourrait se dire que la gauche estde retour dans des milieux qui,

pendant longtemps, ont été sa « chassegardée ». Il n’en est rien puisque lescandidats de gauche, des Verts à l’ex-trême gauche en passant par le PS et leFront de gauche, sont loin de parvenir àcapter une majorité absolue des inten-tions de vote des couches populaires. Lagauche n’attire aujourd’hui que 34 %des intentions de vote des ouvriers,27 % de celles des employés (hypothèsed’une candidature Hollande) 30 % desintentions de vote des ouvriers et 38 %de celles des employés (hypothèsed’une candidature Aubry). Le grandbénéficiaire de cette crise de confiancevis-à-vis de la gauche et de la droite degouvernement est, pour l’instant, leFront national : Marine Le Pen engran-gerait de 24 à 29 % des intentions devote des ouvriers et de 22 à 23 % de cel-les des employés.

Cette érosion de la gauche en milieupopulaire s’inscrit dans un mouvementde longue durée que beaucoup d’obser-vateurs qualifient de « déclin du vote

de classe ». Il ne faut pas cependantcroire que le « vote de classe » avaitindéfectiblement lié le sort de la « clas-se ouvrière », cœur de cible des mi-lieux populaires, à la gauche. Le géné-ral de Gaulle avait réussi dans lesannées 1960 à entamer profondémentl’implantation de la gauche politiqueen milieu ouvrier : la gauche ne parve-nait à rassembler que 56 % des suffra-ges ouvriers lors des législatives de1962 et 49 % lors des législatives de1967. En 1965, le général de Gaulle cap-tait 45 % des votes ouvriers mais Fran-çois Mitterrand en attirait tout demême encore 55 %.

Cependant, sauf cette « parenthèsegaulliste », la gauche a bénéficié d’unfort enracinement en milieu ouvrier quis’inscrivait dans un mouvement delongue période qui avait vu, à la fin duXIXe siècle, la classe ouvrière se rallieraux forces de gauche. Il y a toujours eu,

à côté de ce « vote de classe » en faveurde la gauche, un vote culturel en faveurde la droite chez nombre d’ouvrierscatholiques et conservateurs mais cedernier vote était, la plupart du temps,nettement minoritaire. Ce tropismeélectoral en faveur de la gauche faisaitmême partie d’une véritable « culturede classe ouvrière ». Les manifesta-tions de celle-ci seront particulière-ment visibles dans les années 1970et 1980 où la gauche politiquementunie et conquérante attirera entre deuxtiers et trois quarts des suffragesouvriers. François Mitterrand sera élupar 67 % des ouvriers en 1981 et 75 %d’entre eux en 1988.

Mais, depuis cette époque où il yavait une pertinence pour la gau-

che à se présenter comme l’expressionpolitique des couches populaires et par-ticulièrement de la classe ouvrière, leschoses ont profondément changé. De-puis bientôt vingt ans, la gauche n’acessé de décliner en milieu ouvrier poury devenir peu à peu minoritaire : depuis

les législatives de 1993 la gauche a étérégulièrement minoritaire en milieuouvrier (sauf en 1997), elle n’a rassem-blé qu’une courte majorité de suffragesau second tour de 1995 pour devenirminoritaire en 2007.

Àquoi tient ce déclin ? Ces ouvriersmoins nombreux - ils constituaient

39 % de la population active en 1962,21 % seulement aujourd’hui - ne sontégalement plus les mêmes que ceux dela société industrielle d’antan. Ils tra-vaillent de plus en plus dans le secteurtertiaire et sont désormais dispersésdans une société de services et non plusenracinés au cœur d’une société indus-trielle. Leur qualification profession-nelle s’est élevée même s’ils exercentsouvent un emploi dont la qualificationest inférieure à celle qu’ils possèdent.Enfin, la taille des entreprises dans les-quelles ils travaillent a beaucoup dimi-

nué, les entreprises du tertiaire étantplus petites que celles de l’industrie.Toutes ces évolutions ont entraîné uneprofonde recomposition de leur identi-té professionnelle : la « conscience declasse » a chuté, l’individu avec sespropres repères l’emporte sur l’appar-tenance à de grands collectifs de travailenglobants, les modes de vie caracté-ristiques de la « culture ouvrière » onttendance à se diluer dans ceux d’unevaste classe moyenne.

Ces changements de l’identité pro-fessionnelle des ouvriers et leur décep-tion vis-à-vis de la gauche au pouvoiront fortement contribué à desceller lelien politique et électoral fort qui exis-tait entre les partis de gauche et la« classe ouvrière ». Ce descellement aété accentué par le divorce culturelcroissant qui s’est installé entre la gau-che, les croyances dominantes de sesélites politiques et partisanes et les va-leurs à l’œuvre dans le milieu ouvrier.

Dans les décennies d’après-guerreles valeurs d’ordre et d’autorité sou-vent véhiculées par les ouvriers trou-

CAPTER le vote des couches populairesdevrait être l’un des enjeux majeursde l’élection présidentielle de 2012.Principalement pour le candidatde la gauche, qui a longtemps considérécette population sociologique commeune « chasse gardée ». Pour la premièrefois sous la Ve République, NicolasSarkozy avait rallié, en 2007, plusde la moitié des suffrages des employéset des ouvriers. Sous l’effet de la crise,le Front national est pour l’instant« le grand bénéficiaire de la crisede confiance vis-à-vis de la gaucheet de la droite de gouvernement ».

Pascal Perrineau montre que la gauchea perdu le monopole du«votede classe».Ce lent déclin dans le milieuouvrier s’explique, selon le directeur duCevipof, par une« profonde recomposi-tion de l’identité professionnelle »;celle-ci a gommé« la consciencede classe » et dissout« les modes de viecaractéristiques de la culture ouvrière(…)dans ceux d’une vaste classe moyenne ».

L’étude met en relief la« fractureculturelle entre la gauche et le peupleouvrier ».Apôtres du libéralismeculturel, le PS et les Verts ne répondentplus à la demande d’autorité et d’ordre,un ordre et une autorité que les couchespopulaires trouvaient au sein« desappareils de gauche comme le Particommuniste ».Ce divorce est illustrédans les distances prises par le milieuouvrier avec l’appréciation que portele PS sur l’affaire Strauss-Kahn :selon une enquête CSA en datedu 16 mai 2011, 48% ne partagent pasl’opinion du PS, quand les « bourgeois »l’approuvent à 65%.

Le PS est en cour chez les cadreset les professions libérales maisen perte de vitesse chez les ouvriers.Son décrochage politique et socialréduit singulièrement la «gauchepopulaire» à l’oxymore…!

JOSSELINE ABONNEAU

EN FRANCE, comme en bien d’autrespays d’Europe, la gauche s’est em-bourgeoisée à la fois dans la composi-tion de son électorat et dans les proxi-mités de valeurs qu’elle entretientavec tel ou tel secteur de la société.

À cet égard, les mesures phares dugouvernement Jospin, qui a été auxcommandes de 1997 à 2002 (pacs,35 heures…), étaient souvent plus enharmonie avec les valeurs et les atten-tes des classes moyennes et de labourgeoisie qu’avec celles de la « clas-se ouvrière ». La gauche est parfois

davantage en symbiose culturelle avecles « bourgeois bohèmes » qu’avec lescouches populaires.

DécrochageÀ l’heure actuelle, les divers candi-dats socialistes potentiels rassemblentdes intentions de vote beaucoup plusélevées chez les professions libéraleset cadres supérieurs que celles recen-sées chez les ouvriers : 26 % pourAubry chez les professions libérales etcadres supérieurs contre 14 % chez lesouvriers ; 30 % pour Hollande chez

les professions libérales et cadres su-périeurs contre 12 % chez lesouvriers.

Ce décrochage de la gauche dans lesmilieux populaires recoupe le clivagequi peu à peu s’est instauré entre desouvriers attachés souvent à des va-leurs d’autorité et d’homogénéité etdes partis de gauche plus sensibles auxsirènes libertaires et multiculturalis-tes. Un clivage qui n’est pas seule-ment politique mais aussi social, labourgeoisie et les « gens d’en haut »ayant des valeurs plus « souples » que

La fracture culturelle entre la gauche et les ouvriersLes valeurs promues par le PS sont celles des classesmoyennes et de la bourgeoisie.

« Depuis bientôt vingt ans, la gauche n’a cessé de déclineren milieu ouvrier pour y devenir peu à peu minoritaire»

DESS

INDO

BRITZ

étudesPOLITIQUESFigaro-Cevipof

celles des milieux populaires. Cela estpatent dans des domaines aussi diversque l’éducation des enfants, la per-ception de l’immigration ou encorela justice. À l’heure où le « vote surles valeurs » semble progresser,la gauche et particulièrement lePS sont confrontés à un débatstratégique sur les valeurs àpromouvoir et par voie deconséquence les milieuxsociaux à privi- lé-gier. !

P. P.

Page 14: Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

mardi 26 avril 2011 LE FIGARO

A14 débats

OPINIONS

et de l’incarnation de celui-ci restentessentielles. Au-delà des préoccupa-tions tactiques (un ou deux candidatsà droite, un ou deux partis…), ce vieuxcourant qu’est le centre doit retrou-ver le chemin du projet et redéfinir cequ’est une approche « libérale, socia-le et européenne », à l’heure de laglobalisation.L’homme capable d’incarner cette

nouvelle approche pourra alors« compter » dans une bataille prési-dentielle qui est toujours, dans la logi-que de la Ve République, la scène surlaquelle s’inventent les grands destinset renaissent les courants politiquesanémiés. !

Le centrisme, un couranten basses eaux électorales

Cette sensibilité est en quête d’un projet redéfinissant l’approche« libérale, sociale et européenne », à l’heure de la globalisation.

DANS L’ESPACE des centrismes, Jean-Louis Borloo est aujourd’hui l’homme lemieux placé. Le sondage d’intentions devote Harris Interactive réalisé les 19 et20 avril pourLe Parisien le crédite de 7 à10% des intentions de vote (selon lapersonnalité du candidat socialiste : lirel’infographie ci-dessous) alors queFrançois Bayrou oscille entre 4 et 7%. Àeux deux, les candidats centristes totali-seraient aumieux 17%des intentions devote (si Ségolène Royal était candidate),

aupire 11 %(siDominiqueStrauss-Kahnreprésentait le PS). Jean-Louis Borlooréalise ses meilleurs scores chez les 25-34 ans (13% dans le cadre d’un premiertour où Strauss-Ka-hn serait candidatsocialiste), unetranche d’âgedans laquelle ladroite est par-ticulièrementfaible. Il séduit

aussi les sympathisants de droite (13%)ainsi que ceux sans préférence partisane(9%). Il suscite aussi un écho chez lessympathisants du MoDem (6%) et chezceux d’Europe Écologie-LesVerts (6%).

Surclasser François BayrouCette position très centrale de Jean-Louis Borloo lui permet de surclasserpour l’instant un François Bayrou trèsenfermé dans le petit milieu des sympa-thisants du MoDem (59%). Cependant

il est presque inexistant parmi les sym-pathisants de la droite et même de-vancé par le patron du Parti radi-cal au sein des sympathisantsde gauche (2%, contre 4%tentés par Borloo).! P. P.

PASCAL PERRINEAUDIRECTEUR DU CENTRE DE RECHERCHES POLITIQUES

DE SCIENCES PO (CEVIPOF)

ÉTUDE Le centrisme est un vieux cou-rant de pensée qui a traversé les deuxderniers siècles en connaissant plu-sieurs avatars. Jean-Pierre Rioux, dansson dernier ouvrage, Les Centristes. DeMirabeau à Bayrou (Fayard, 2011), endistingue trois : celui de l’âge libéral,de 1788 à 1870, celui de l’âge gouver-nemental, de 1870 à 1958, et celui del’âge présidentiel, depuis 1958.Les centristes du premier âge nais-

sent de la volonté d’éviter une dérivedespotique de la Révolution de 1789qui, comme le rappelle ce révolution-naire modéré qu’est Adrien Duport,était latente : « Ce qu’on appelle laRévolution est fait, les hommes ne veu-lent plus obéir aux anciens despotes ;mais si l’on n’y prend garde, ils sontprêts à s’en forger de nouveaux. » Ils’agit avant tout pour tous ces libé-

raux d’empêcher qu’un seul pouvoiren vienne à accaparer tous les autres,fût-ce au nom de la souveraineté dupeuple et de développer une ligne de« juste milieu » entre l’ordre et la li-berté. Avec les IIIe et IVe Républiques,le centrisme entre dans l’âge gouver-nemental et est au cœur des formulesde « concentration républicaine »qui enracinent la République loin dessystèmes et des idéologies et forti-fient un parlementarisme rétif auxgrands affrontements bipolaires.« Opportunistes » centristes de droi-te, centristes de gauche, radicaux,démocrates, chrétiens se retrouventen un commun attachement à la ré-publique parlementaire, à l’humanis-me social et à l’esprit de modérationet de consensus.

Avec l’âge présidentiel de la Ve Ré-publique, le centre ne dispose

plus d’un espace politique conséquent,« puisqu’un rassemblement à épicentregaullien l’emportait à tous les étages »,nous dit Jean-Pierre Rioux. Et pour-tant, le centrisme va faire de la résis-tance. En 1965, Jean Lecanuet issu duMRP rassemble 15,6 % des voix face augénéral de Gaulle. Alain Poher, origi-naire de la même famille politique, at-tire 23,3 % des suffrages à l’électionprésidentielle de 1969. À côté de cecentrisme qui cherche à maintenirl’idée d’une « troisième force » se dé-veloppe un centrisme qui s’insère dansle jeu de la bipolarisation et rejoint ladroite. Jacques Duhamel crée en 1969le Centre démocratie et progrès et de-vient la troisième composante de lamajorité avec l’UDR et les Républi-cains indépendants. Avec la victoirede Valéry Giscard d’Estaing en 1974, laréunification des centres ne connaîtplus d’obstacles et, en 1978, naîtl’UDF, confédération « libérale, socia-le et européenne ». Les modérés et les

centristes associent leur sort et par-viennent, dix ans plus tard, à un réé-quilibrage avec le RPR puisqu’aux lé-gislatives de 1988 l’UDF compte131 députés contre 130 au RPR.Mais les échecs répétés à l’élection

présidentielle, les divisions internes etles différends stratégiques viennent àbout de cette puissance centriste re-trouvée. Les échecs de Giscard en1981, de Raymond Barre en 1988 etd’Édouard Balladur en 1995 minentune UDF sans chef reconnu et incon-testé. Les libéraux reprennent en 1998leur indépendance en détachant Dé-mocratie libérale de l’UDF. En 2002,deux tiers des députés de l’UDF res-tante intègrent l’UMP à sa création.Quelques années plus tard, l’UDFmaintenue sous la houlette de FrançoisBayrou se déclare, au congrès de Lyonde janvier 2006, « libre et indépendan-te ». C’est le début de l’aventure soli-

taire de Bayrou qui emmènera le Mo-Dem, créé en 2007 sur les décombresde l’UDF, vers de nombreuses décon-venues électorales.Le centrisme est aujourd’hui un mi-

roir brisé, éclaté entre ceux qui conti-nuent à croire à un parti unique de lamajorité au sein de l’UMP, ceux quiredécouvrent les vertus d’une allianceconcurrentielle aux marges de l’UMPet ceux qui restent séduits par le su-perbe isolement d’un centrisme auto-nome et indépendant. Les premiers,peu ou prou, se retrouvent derrièreNicolas Sarkozy, les seconds observentattentivement les efforts de renaissan-ce d’une nouvelle UDF portés parJean-Louis Borloo ou Hervé Morin, lestroisièmes espèrent renouveler en2012 la « divine surprise » des 18,6 %de voix engrangées par François Bay-rou en 2007.

Pour l’heure, les perspectives sontmodestes et les sondages d’inten-

tions de vote ne créditent aucun can-didat du centre d’un score à deuxchiffres. Dans le sondage d’intentionsde vote Harris Interactive réalisé les19 et 20 avril 2011 pour Le Parisien,François Bayrou est crédité de 5 %dans le cadre d’un premier tour oùMartine Aubry serait candidate du PS(4 % seulement dans le cas où Domi-nique Strauss-Kahn le serait), Jean-Louis Borloo attirant 9 % des inten-tions de vote (7 % si le patron du FMIétait le candidat socialiste).Pour l’instant, le centrisme est dans

une période de basses eaux électorales.D’autant plus qu’une candidature cen-triste semble être menaçante pour unedroite contestée vigoureusement surson flanc extrême par la dynamique duFront national de Marine Le Pen. 67 %des sympathisants de l’UMP, interro-gés les 1er et 2 avril par Ipsos pourFrance 2, pensent que si Jean-LouisBorloo était candidat à l’élection pré-sidentielle de 2012 ce serait plutôt unhandicap pour Nicolas Sarkozy. Dansla même enquête, s’ils sont 29 % àsouhaiter une candidature Borloo, ilssont 63 % à ne pas la souhaiter.La marge de manœuvre du centris-

me est étroite. Les questions du projet

LA NOTORIÉTÉ de Jean-Louis Borlooa placé le centrisme au cœur du débatpolitique à droite. Une sorted’exploit pour un courant idéologiquequi se rêve en « troisième force »,mais peine à trouver son espacedans le fonctionnement bipolairede la Ve République.Pascal Perrineaumet en perspective

ce« courant historique qui a traversé lesdeux derniers siècles ». Il en pointe lesfaiblesses et les atouts. Cette formationa toujours su négocier sa survie soit« en faisant de la résistance »,soiten intégrant« le jeu de la bipolarisationet rejoindre la droite »(l’UDF au tempsde Valéry Giscard d’Estaing, maintenantl’UMP de Nicolas Sarkozy).En l’état actuel, le centrismeest un«miroir brisé » : il y a ceux quisouhaitent rester dans lamaison UMP,ceux qui, tels les amis duMoDemde François Bayrou, tâtent l’aventurede la force« indépendante ». Et puis,il y a aussi tous ceux qui préconisentl’autonomie en scellant ici et làdes« alliances concurrentielles ».En pleinesmanœuvres de campagne

présidentielle, l’UMP, déstabiliséepar la percée du Front national,entendmaintenir dans son gironune formation « en position centrale ».Au regard de l’opinion, elle chercheà retenir les franges électorales qui luifont le plus défaut : les sympathisants dedroite, ceux duMoDem, les écologisteset la population sans préférencepartisane. Il s’agit notamment de laclasse d’âge des 25-34 ans.Toutefois, souligne Pascal Perrineau,

faute de projet, et en l’état actuelde l’opinion, aucun des prétendantscentristes intégrés jusqu’ici à l’UMP(Morin, Borloo) ne peut espérer« compter » et peser dans l’électionprésidentielle. Il ne peut qu’en perturberles prémices.!

JOSSELINE ABONNEAU

Jean-Louis Borloo séduit les 25-34 ans qui boudent la droite

«Avec l’âge présidentiel de la Ve République,le centre ne dispose plus d’un espace politique conséquent(...) Et pourtant, le centrisme va faire de la résistance»

DESS

INJEAN

DOBR

ITZ

étudesPOLITIQUESFigaro-Cevipof

HYPOTHÈSE AVEC DOMINIQUE STRAUSS-KAHNIntentions de vote au 1er tourde l'élection présidentielle de 2012*Question posée aux inscrits sur les listes électorales

Photos : Le Figaro

ÉVOLUTION DU POIDS ÉLECTORAL

NPALUTTE OUVRIÈRE FRONT DE GAUCHE ÉCOLOGISTE FRONT NATIONALUMP DEBOUT LA RÉP.PARTI SOCIALISTE MODEM PARTI RADICAL

1965 2007

RÉP. SOLIDAIRE

7%Ensemble

Sexe

Age

HommesFemmes

4%

6% 3%8% 5%

5% 5%13% 5%5% 5%7% 3%

18-24 ans25-34 ans35-49 ans50 ans et +Catégorie socialeprofessionnelle (CSP)

7% 3%6% 5%7% 4%

CSP +CSP —InactifsProximité politique

4% 2%6% 6%

59%6%

Total gaucheVerts/Europe E.MoDem

0%13%1%3%

8% 9%

Total droiteUMPSans préf. part.

J.-L. Borloo F. Bayrou

au 1er tour de l’élection

présidentielle

NathalieArthaud

1%

OlivierBesancenot

4%Jean-Luc

Mélenchon

4%DominiqueStrauss-

Kahn

30%

NicolasHulot

6%

FrançoisBayrou

4%

Jean-LouisBorloo

7%

Dominiquede Villepin

3%NicolasSarkozy

19%

NicolasDupont-Aignan

MarineLe Pen

21%

%

10

F. Bayrou18,6%

32,6%

Giscard d'Estaing

Giscard d'Estaing

28,3%

Barre16,5%

Poher23,3%

Lecanuet15,6%

Balladur18,6%

Bayrou + Madelin10,7%

PROFIL COMPARÉDES INTENTIONS DE VOTEau 1er tourde l’électionprésidentielle

1%

Sondage Harris Interactive pour Le Parisien Aujourd’hui en France : sondage réalisé en ligne les 19 et 20 avril 2011 sur un échantillon de 926 individus inscrits sur les listes électorales issus d’un échantillon représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas et redressement appliquéeaux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle, région de l’interviewé et vote au 1er tour de l’élection présidentielle de 2007.

1969 1974 1981 1988 1995 2002

Page 15: Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

mardi 29 mars 2011 LE FIGARO

C18 débats

OPINIONS

21 295 938 -100,00

% inscrits % su!rages exprimésNombre de voix

Inscrits11 856 841 -55,68Abstentions9 439 097 -44,32Votants

278 493 -1,31Blancs et nuls

59,9%

1er tour

Abstentions56,8%Gauche24,3%Front national16,5%

55,5%

2e tour

64,8%35,2%

-

- 4,4%

Évolution

+ 8%+ 10,9%

-Droite modérée

58,8%

1er tour

Abstentions42,2%Droite modérée25,5%Front national29,8%

57,3%

2e tour

63,4%36,5%

-

- 1,5%

Évolution

+ 21,2%+ 11%

-Gauche

9 160 604 -43,02Exprimés

53 316 0,580,25Extrême gauche724 911 7,913,40Parti communiste92 386 1,010,43Parti de gauche

2 284 967 24,9410,73Parti socialiste135 958 1,480,64Radicaux de gauche495 822 5,412,33Divers gauche752 992 8,223,54Verts Europe Écologie

34 112 0,370,16Autres écologistes48 468 0,530,23Régionalistes

123 543 1,350,58Autres111 887 1,220,53UDF-MoDem

1 554 744 16,977,30UMP293 543 3,201,38Nouveau Centre206 488 2,250,97Majorité présidentielle853 892 9,324,01Divers droite

1 379 902 15,066,48FN13 673 0,150,06Extrême droite

4 540 352 49,5621,32GAUCHE3 020 554 32,9714,18DROITE CLASSIQUE1 393 575 15,216,54EXTRÊME DROITE4 414 129 48,1920,73

+ 1 241 982 --

% inscrits % su!rages exprimésNombre de voix

+ 4 619 825 --- 3 377 843 --

- 248 039 --- 3 129 804 --

- 314 501 - 2,41- 1,58- 232 312 + 0,12-1,37

- --- 941 558 - 1,31- 5,36

- 20347 + 0,09- 0,14- 244 699 - 0,62- 1,36+ 250 850 + 4,13+ 1,04

- 14 726 - 0,03- 0,08- 1 675 + 0,12- 0,02

- 27 126 + 0,13- 0,17- 472 700 - 3,54- 2,38

- 1 019 587 - 3,98- 5,54- --- --

- 542 849 - 2,04- 2,95- 110 413 + 2,93- 0,95- 30 578 - 0,21- 0,16

- 1 410 181 + 1,14- 8,35- 1 535 105 - 4,10- 8,54

- 140 991 + 2,73- 1,11- 1 676 096 - 1,36- 9,61TOTAL DROITE

Résultats des cantonales 2011 (1er tour) Évolution 2004-2011+ 5,1 à + 8,9

+ 2,8 à + 4,9

- 0,7 à + 2,7- 6,7 à - 0,7

Évolution du Front nationalÉVOLUTIONS 2004-2011 DU VOTE FN, À PARTIR DE TOTALISATIONS

DÉPARTEMENTALES DES CANTONS OÙ IL ÉTAIT PRÉSENT

Évolutiondu Front national

AU 1ER ET AU 2E TOUR DES CANTONALES

Front national face à la gauche (266 cantons)

Front national face à la droite (127 cantons)

64

17

7986

72

21

39

1284

05

42

0301

69

77

95

6259

02 08

5289

58

71

26

04 06

831330

3481

11

660965

2B

2A

82

3132

70

25

8854

5767

68

51

10

55

80

60

271450

35

44 49

85

53

41

2861

7891

94

9392

45

1836

2387

24

4746

19

63

4315

4807

38 73

74

33

40

16

37

22

56

29

76

source : www.cevipof.com

source : www.cevipof.com

DANS LA SÉRIE des cantonales de-puis la fin de la Seconde Guerremondiale, jamais autant d’électeursne s’étaient abstenus : 55,7 % au pre-mier tour, 55,2 % au second.Ce retrait massif des électeurs à

treize mois de l’échéance présiden-tielle doit rendre extrêmement pru-dent quant aux projections que l’onpeut faire de ce rapport de forcescantonal sur un rapport de forcesprésidentiel. Personne ne peut faireparler aujourd’hui ces abstentionnis-tes qui, dans quelques mois, se dé-

placeront lors du combat présiden-tiel.D’autre part, les élections canto-

nales, du fait de la spécificité de leurenjeu, n’annoncent pas toujours lacouleur de l’élection présidentielle àvenir. Interrogés le 20 mars dernierpar Harris Interactive, 64 % desélecteurs des cantonales déclarentavoir voté plutôt en fonction d’en-jeux locaux et départementaux. Cettemajorité est forte dans tous les élec-torats sauf au Front national, où 72 %des électeurs ont privilégié les enjeux

nationaux. Une telle « localisation »de la consultation cantonale ne peutéclairer qu’imparfaitement la « na-tionalisation » forte caractéristiquede toute élection présidentielle.D’ailleurs, dans l’histoire des canto-nales, si certaines de celles-ci (1979,1985, 1992) étaient autant de prodro-mes de ce qui allait se passer aux pré-sidentielles ou aux législatives sui-vantes (1981, 1986, 1993), d’autresélections cantonales (1994, 2001,2004) qui avaient vu la gauchetriompher au plan local n’ont pas été

suivies d’effet au plan présidentiel(1995, 2002, 2007).Le marc de café cantonal donne

une idée des équilibres politiqueset de la redistribution des cartesélectorales à plus d’un an de laprésidentielle, il ne donne pastoutes les clefs des victoireset des défaites à venir.!

P. P.

du parti d’extrême droite commesymptôme d’une France qui va mal aété renforcée par la volonté d’une par-tie d’électeurs de droite classiqued’utiliser le vote frontiste pour direleur mauvaise humeur.En effet, si une fortemajorité d’élec-

teurs proches de l’UMP est« en désac-cord avec les idées du FN » (61 %, selonle sondage réalisé par la Sofres les 9 et10mars 2011), uneminorité significati-ve de 36 %dit être« assez ou tout à faitd’accord » avec celles-ci.

C’est dans cette frange d’électeursque le vote FN a pu servir de

« coup de semonce ». Au second tourdes cantonales, le FN a d’ailleursconnu une vive progression : + 10,9 %dans les cantons où il était opposé à lagauche, + 11 % dans ceux où il affron-tait la droite.La dynamique électorale du FN entre

les deux tours ne vient donc pas de laseule droite. Cette poussée ne lui per-met cependant pas de rassembler unemajorité autour de lui pour l’emporter(sauf dans le cas de deux cantons : Bri-gnoles dans le Var et Carpentras dansle Vaucluse).En somme, le Front national n’est

pas encore tout à fait« un parti commeles autres », capable de transformeraisément le plomb de la protestation enor de l’adhésionmajoritaire.!

Front national :un retour en force ?

Le parti extrêmiste reprend pied dans ses anciens bastionssitués à l’est d’une ligne Le Havre-Perpignan.

PASCAL PERRINEAUET JEAN CHICHEDIRECTEUR DU CENTRE DE RECHERCHES POLITIQUES

DE SCIENCES PO (CEVIPOF)ET CHERCHEUR

Le Front national, avec15,1 % des suffrages ex-primés dans l’ensembledu pays et 19,2 % dansl’ensemble des cantonsoù il était présent, a créé

la surprise de ces cantonales.Ce succès a été confirmé au second

tour par sa capacité à progresser deplus de dix points enmoyenne dans lescantons où il était encore en lice.Et pourtant, étant donné la très forte

abstention, le FN n’a pas gagné de voixdepuis 2004, il en a même perdu aupremier tour un peu plus de 100 000.Mais il est vrai que le FN était présentdans beaucoup plus de cantons en2004 (1 832 cantons métropolitains)qu’en 2011 (1 441 cantons). Sa véritableinfluence nationale doit être aujour-d’hui autour des 17-18 % de suffrages.Le FN revient de loin. En effet, dans

l’ensemble des cantons qui ont faitl’objet d’un renouvellement, il avaitconnu un véritable délitement de soninfluence : 10,9 % à la présidentiellede 2007, 4,4 % aux législatives de lamême année, 6,6 % aux européennesde 2009. Il avait cependant enregistréun regain d’influence aux régionalesde 2010 avec 12 % des voix.Le succès électoral des cantonales

marque un véritable retour du Frontnational à ses plus hauts niveaux d’in-fluence électorale : dans cette série decantons, Jean-Marie Le Pen avait at-teint 17,5 % au premier tour de 2002,puis 18,4 % au second tour. Le FN deMarine Le Pen, neuf ans après le« choc » de 2002, est revenu à son ni-veau record. Il est intéressant de

constater que ce retour en force élec-toral se traduit géographiquement parune forte capacité du FN à reprendrepied dans les bastions qui étaient lessiens depuis plus de vingt ans. Lapoussée du FN, depuis 2004, est parti-culièrement élevée sur toute la façademéditerranéenne, le long du sillonrhodanien, dans la grande périphérieparisienne, dans l’Est et le nord.

On retrouve tous les bastions de cet-te France lepéniste, à l’est d’une ligneLe Havre-Perpignan que l’on connaîtbien depuis près de trente ans. CetteFrance des grandes conurbations, desinquiétudes urbaines, des terres de ladésindustrialisation et du cosmopoli-tisme redonne à la fille les espacesélectoraux qu’elle avait donnés au pèredans le passé.

Le trio de départements dans les-quels la dynamique électorale du

FN est la plus forte depuis 2004 estconstitué de la Moselle (+ 8,9 %), duGard (+ 8,8 %) et du Pas-de-Calais(+ 8,5 %) : ce sont toutes des terres dela crise industrielle, de la pauvreté etde la poussée du chômage. La renais-sance du FN prospère sur les décom-bres d’une France industrielle qui s’estdéfaite sous les coups de boutoir de laglobalisation.En revanche, les terres plus paisibles

et rurales du centre et de l’ouest du

territoire sont davantage épargnées.Dans l’Allier, l’Aveyron, le Cantal, leCher, la Creuse, le Gers ou encore leLot, le FN perd de son influence. Il enest de même dans les Côtes-d’Armor,le Finistère, l’Ille-et-Vilaine, leMaine-et-Loire, la Manche ou la Mayenne.Cela ne veut pas dire pour autant que

toutes ces terres sont à l’abri d’unepoussée : dans la Charente-Maritime,

la Haute-Vienne, la Sarthe ou encorela Vendée, le FN progresse sensible-ment, se nourrissant ici d’une protes-tation contre les effets de la tempêteXynthia, là de la crise de la droite loca-le ou encore ailleurs d’un malaise dumonde agricole.La capacité du Front national d’être

l’exutoire demalaises de types très dif-férents a resurgi dans le contexte d’uneFrance inquiète et désorientée : 84 %des personnes interrogées par l’institutIpsos sont pessimistes quant à l’évolu-tion de la situation économique et so-ciale de la France au cours des pro-chains mois.De tous les électorats, c’est celui du

FN qui a le plus utilisé son vote pourexprimer ce malaise : alors que 47 %des électeurs interrogés par Ipsos di-sent que « ce qu’ils pensent de la situa-tion politique et économique au plan na-tional est déterminant dans leur choix devote », ils sont 70 % parmi les élec-teurs du Front national. Cette position

MALGRÉ une infinitésimaleprésence dans les conseils généraux,où il occupe deux sièges sur plus dedeux mille soumis à renouvellement,le Front national a réussi à s’imposerdans le paysage politique.Cependant, l’abstention record(55,22 %), signe de défiancepolitique, accompagne la percéeélectorale frontiste.Avec 11,55 % des voix, le FN s’est

placé dans cette élection en troisièmeforce au cœur des enjeux de lacampagne présidentielle de 2012.« Le succès électoral des cantonalesmarque un véritable retour du FNà ses plus hauts niveaux d’influenceélectorale », soulignent PascalPerrineau et Jean Chiche. Le partifrontiste sera-t-il « incontournableen 2012 », comme le clameaujourd’hui Marine Le Pen qui s’estinstalléedans le paysage politique.L’électorat s’affirme de moins en

moins protestataire quand l’opinionconsidère maintenant le Frontnational comme « un parti commeles autres ». Toutefois, les premiersrésultats de la campagne de« dédiabolisation » menée par laprésidente Marine Le Pen ne suffisentpas encore à « transformer le plombde la protestation en or de l’adhésionmajoritaire » comme le soulignentles deux chercheurs du Cevipof. !

JOSSELINE ABONNEAU

Les résultats ne donnent pas toutes les clés pour 2012

« Le Front national n’a pas gagné de voixdepuis 2004, il en a même perdu au premier tourun peu plus de 100 000 (...) Sa véritable influence nationaledoit être aujourd’hui autour des 17-18 % de suffrages»

étudesPOLITIQUESFigaro-Cevipof

Page 16: Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

mardi 1er mars 2011 LE FIGARO

C16 débats

OPINIONS

1er SCÉNARIO

1er SCÉNARIO (hypothèse avec Dominique Strauss-Kahn) 2e SCÉNARIO (hypothèse sans Dominique Strauss-Kahn)

2e SCÉNARIO

5e SCÉNARIO

4e SCÉNARIO3e SCÉNARIO

14%

19%

48%

1er tour 2e tour

15%

Arnaud Montebourg : 4% Manuel Valls : 3% Pierre Moscovici : 5%Arnaud Montebourg : 6% Manuel Valls : 4%

Intentions de vote lorsdes élections primairesdu Parti socialiste

LA PARTICIPATION AUX PRIMAIRES« Des primaires vont être organiséespar le Parti socialiste en octobre 2011pour désigner le candidat à l’électionprésidentielle de 2012. Pourront voterà ces primaires toutes les personnesinscrites sur les listes électorales, quisigneront une déclaration d’adhésion aux valeurs de la gauche et qui verserontun don d’un euro minimum le jour du scrutin.Vous personnellement, à proposde ces primaires socialistes, diriez-vous… »

J’irai certainement voter J’iraiprobablementvoter

Je n’irai certainementpas voter

Je n’iraiprobablementpas voter

NSP4%

L’ORIENTATION DES INTENTIONS DE VOTE« Si le 1er tour des primaires avait lieu dimanche prochain, pour lequel des candidats suivants y aurait-il le plus de chances que vous votiez ? »*

*Question posée à ceux qui déclarent qu’ils iront voter certainement ou probablement aux primaires

DominiqueStrauss-Kahn

MartineAubry

MartineAubry

SégolèneRoyal

DominiqueStrauss-KahnFrançoisHollande

MartineAubry

FrançoisHollande

51%

55%

57%

49%45%

43%

DominiqueStrauss-

KahnSégolèneRoyal

MartineAubry

MartineAubry

32%37%26% 31%16% 22%Ségolène

Royal FrançoisHollande

DominiqueStrauss-Kahn

SégolèneRoyal

57%

43%

57%

43%

« Si le 2e tour des primaires avait lieu dimanche prochain, pour lequeldes candidats suivants y aurait-il le plus de chances que vous votiez ? »*

Sondage CSA pour BFMTV, 20 Minuteset RMC réalisé par téléphone, les 17 et 18 janvier 2011,

auprès d’un échantillon national représentatifde 847 personnes âgées de 18 ans et plus et inscrites

sur les listes électorales en France, constituéd’après la méthode des quotas après stratification

par région et catégorie d’agglomération.

lement de ces électeurs vote cela repré-sente 3 millions d’électeurs, un potentielplus élevé que celui qu’a envisagé le PS.Les règles définitives de l’élection n’ontpas encore été fixées, les rôles n’ont pasété distribués et la campagne n’a pas priscorps. Ces intentions restent fragiles etles rapports de forces tels qu’on les éva-lue entre les divers candidats déclarés ousupputés.

La dernière enquête de l’institut CSAdonne un premier tour relativement dis-puté (voir l’infographie ci-dessous)Do-minique Strauss-Kahn s’imposant entête sans dépasser la barre des 50 %. Enson absence, Martine Aubry se voit ta-lonner au premier tour par SégolèneRoyal. Les seconds tours envisagés don-nent Strauss-Kahn tout comme Aubryélus devant Hollande ou Royal. Seul unhypothétique second tour entre Strauss-Kahn et Aubry donne une issue plus in-certaine, la première secrétaire du PSétant créditée d’une courte avance(51 %) sur le patron du FMI (49 %). Cesrapports de forces serrés posent la ques-tion de la capacité du PS à surmonter lesaffrontements qui se feront jour lors de lacampagne. Contrairement à l’Italie, la« primaire » du PS ne sera pas une élec-tion de ratification. Elle sera beaucoupplus compétitive et virulente. À moinsque la mise en œuvre d’un « pacte » oud’un accord secret entre candidats cher-che à la transformer en plébiscite, au ris-que d’affadir les vertus réelles ou suppo-sées de celle-ci.!

PASCAL PERRINEAUDIRECTEUR DU CENTRE DE RECHERCHESPOLITIQUES DE SCIENCES PO (CEVIPOF)

Le Parti socia-liste a adoptéle calendrierdéfinitif duprocessus desélections pri-

maires qui désigneront soncandidat à l’élection présiden-

tielle de 2012. Au-delà de la règledu jeu pour encadrer une compétitionqui est déjà engagée, on peut s’interrogersur les avantages que le PS peut en atten-dre et sur les limites et les risques de cet-te procédure.

Au PS, l’idée d’élections primairesouvertes a fait lentement son cheminafin de tenter de résoudre l’absence deleadership naturel dans la famille socia-liste. François Mitterrand s’imposa à lafois au parti, à l’électorat socialiste etmême, au-delà, à ce qu’il appelait le« peuple de gauche ». Après sa dispari-tion en 1996, le PS est entré dans unelongue crise de leadership dont il n’esttoujours pas sorti. Aucun des héritiersputatifs ne parvint à s’imposer. Les troisdernières élections présidentielles (1995,2002, 2007) signèrent l’incapacité duparti à lui tout seul à sélectionner un lea-der capable d’attirer à lui une majorité deFrançais.

L’heure était venue en 2008 d’inven-ter une «élection primaire à la françai-se» pour sortir le PS de l’ornière du«choix de l’homme (ou de la femme)» àquoi se résume toujours, en dernière ins-tance, une élection présidentielle. Lechemin débouchera le 11 janvier sur laprocédure définitive.

Les avantages attendus d’un tel dispo-sitif sont avant tout de dégager un candi-dat PS porteur d’une légitimité supérieu-re à celle d’une organisation partisanequi ne dépasse pas les 200000 adhérentset d’éviter la mauvaise volonté d’unepartie de l’appareil partisan qui, en 2007,avait soutenu la candidate PS du bout deslèvres. Un candidat investi par plusieursmillions d’électeurs devrait bénéficierd’un poids politique lui permettant defaire céder les réticences d’appareil et lesprocès en légitimité.

S’inspirant d’une gauche italienne enpleine recomposition dans les années2006-2009 et qui avait implanté sur lecontinent européen le processus des pri-

Suscitant l’intérêt de l’électorat, la procédure soulève des réserves chez les prétendants.

Vertus et limitesdes primaires socialistes

maires, la gauche française – ou dumoins le PS – compte sur les électeurspour régler des problèmes de leadershipque la seule machine partisane est inca-pable de régler.

À défaut d’un leader qui s’impose, lePS attend que ce soit la mobilisation desélecteurs de gauche qui impose un can-didat. L’autre objectif poursuivi est decréer, dans un contexte de défiance poli-tique, un mouvement d’engagement decitoyens attirés par la nouveauté du pro-cessus et désireux de dire leur mot dansla sélection d’un ou d’une candidate. Lesyeux du PS sont alors tournés vers les

primaires américaines de 2008 quiavaient vu Barack Obama entraîner unpuissant mouvement de mobilisationchez les électeurs démocrates. Deux mil-lions de ceux-ci avaient participé active-ment à sa campagne. Cependant, ces ob-jectifs du PS se heurtent à plusieursobstacles et difficultés dont il est encoretrop tôt pour savoir s’ils seront diri-mants.

La procédure fait l’objet d’interroga-tions, elle est aussi soupçonnée par cer-tains et même contestée par d’autres. Lesinterrogations ont trait à sa réussite or-ganisationnelle et à son pouvoir deconviction. De multiples éléments dudispositif retenu sont incertains : quellesera la qualité des listes d’électeurs dontdisposeront les organisateurs de ces pri-maires ? Le nombre des bureaux de votemis en place sera-t-il suffisant pour as-surer un maillage équilibré et satisfaisantde l’ensemble du territoire ? L’organisa-tion de chacun des bureaux de vote et dusystème de récolement des votes sera-t-elle « au-dessus de tout soupçon » ?Quelle sera la capacité du PS à faireoublier les mauvais souvenirs des votescontestés qui avaient accompagné lesprimaires du congrès de Reims du PS ennovembre 2008 ? Quelle sera l’utilisationfaite de la signature par les électeursd’une charte d’adhésion aux valeurs dela gauche ? Quel sera, au regard de la lé-gislation du financement des activitéspolitiques, le statut des sommes rassem-blées à l’occasion des votes à l’électionprimaire ? Reste la question essentiellede leur écho dans l’électorat.

Aux États-Unis où les primaires,qu’elles soient ouvertes ou fermées,existent depuis plus d’un siècle, la pro-cédure est profondément inscrite dansles mœurs et l’attrait pour le système estréel.

En Italie, où la gauche italienne a im-planté le système dans les années 2000,la primaire a suscité un intérêt certain :plus de quatre millions d’électeurs pourl’élection de Romano Prodi en 2005, plusde trois millions pour celle de WalterVeltroni en 2007 et presque autant pourcelle de Pierluigi Bersani en 2009. Maiss’agissait le plus souvent de primaires de

coalition et de ratification. Coalition en-tre plusieurs partis de gauche et de cen-tre gauche qui s’étaient mis d’accordpour les organiser. Ratification car lescandidats élus bénéficiaient en amont dusoutien des états-majors des partis.

En France, la primaire qui s’annoncesera celle d’un seul parti : le PS. Il n’y apas, derrière la procédure, le mêmeconsensus que chez notre voisin tran-salpin. Nombre de partis de gauche or-ganisent leur propre primaire commeles écologistes pour lesquels, selon lesmots de Cécile Duflot, les primaires so-cialistes sont «un concours de beauté».D’autres rejettent ce processus à l’instarde Jean-Luc Mélenchon ou d’OlivierBesancenot.

Enfin, nombre de dirigeants socialistesfont entendre leur scepticisme et

parfois leur hostilité. Certains, commeSégolène Royal, s’inquiètent de la« ré-gularité » du scrutin, d’autres commeFrançois Hollande fustigent les« arran-gements » qui pourraient dénaturer lacompétition, d’autres encore commeHenri Emmanuelli, Paul Quilès ou Mi-chel Vauzelle rejettent des primairesconsidérées comme« dévastatrices ».

En l’absence de consensus inter et in-trapartisan, quelle est la réaction desélecteurs de gauche ? Plusieurs enquêtesmontrent que la primaire suscite un in-térêt dans l’électorat. Interrogés en jan-vier 2011 par l’institut CSA, 14 % d’unéchantillon d’électeurs déclarent qu’ilsiraient« certainement voter »pour dési-gner le candidat du PS. Si une partie seu-

MARQUÉ par trois échecs successifsà l’élection présidentielle, le Partisocialiste tente de faire émerger uncandidat charismatique en organisantpour la première fois des«primairesouvertes »à l’ensemble de la gauche.Présentée au«peuple de gauche»comme la panacée démocratiquedu fonctionnement d’un parti, cetteprocédure de cinqmois vise d’abordà résoudre«l’absence de leadershipnaturel dans la famille socialiste»,comme le souligne Pascal Perrineau.Pour faire taire les rivalités et les

querelles intestines, le PS se déchargedu fardeau de la légitimation de soncandidat. Habillée d’un savant label,cette démocratie participative balayeune raison d’être majeure d’un parti,la formation et la désignationde candidats.Inspirées des primaires américaines

et italiennes, les primaires du PS nesont cependant pas demême nature. Lagauche française éclatée enmultipartisne peut être comparée à celle desÉtats-Unis, terre du bipartisme. EnItalie, il s’agissait de ratifier une seulecandidature pour toutes les formationsde gauche.Un an avant la«vraie campagne»

présidentielle, les prétendants àl’investiture socialiste sont déjàprécipités dans une longue et rudeprécampagne. Dans la famille socialisterecomposée en écuries présidentielles,l’âpreté de la compétition laissera destraces lorsqu’il faudra faire corps avecson champion et creuser l’écart au1er tour avec le candidat des Verts, voirecelui du Parti de gauche. Ce sera alorsl’instant de vérité sur l’efficacitéélectorale de ces«primaires à la fran-çaise ».

JOSSELINE ABONNEAU

L’IDÉE des élections primaires a germéaprès la défaite de 2007 aux marges duPS. En août 2008, la fondation TerraNova, think-tank proche du PS, propo-sa des «primaires à la française» pourrésoudre le problème du leadership àgauche. La bataille interne fut menée ausein du PS par Arnaud Montebourg, se-crétaire national à la rénovation et parOlivier Ferrand, président de TerraNova. En octobre 2009, les adhérents duPS ratifièrent la proposition par un vote

interne massif (plus de 70 %). Uneconvention du PS adopta les grandsprincipes d’une primaire ouverte enjuillet 2010. Puis le PS a rendu public le11 janvier 2011 le calendrier définitif etles règles d’organisation.

Contrairement aux souhaits des pro-ches de Dominique Strauss-Kahn plai-dant pour un dépôt tardif, le dépôt descandidatures se fera entre le 28 juin et le13 juillet. La campagne officielle se tien-dra entre le 28 septembre et le 8 octo-bre, le premier tour aura lieu le 9 octo-bre alors qu’un éventuel second tour

pourra se tenir le 16 octobre au cas oùaucun candidat ne franchirait la barredes 50 % au premier tour.

Le corps électoral comprend tous lesélecteurs inscrits sur les listes électora-les au 31 décembre 2011 ainsi que les mi-neurs qui auront 18 ans au moment de laprésidentielle et ceux qui sont membresdu PS ou du Mouvement des jeunes so-cialistes.

Tout électeur devra acquitter uneparticipation minimale d’un euroet signer une déclaration d’adhé-sion aux « valeurs de la gau-

Un vote à un euro

« Contrairement à l’Italie, la primaire sera pluscompétitive et plus virulente»

DESS

INDO

BRITZ

étudesPOLITIQUESFigaro-Cevipof

che ». Les votes se déroulerontdans 10 000 bureaux (un au moinspar canton et par tranche de5 000électeurs). Des comités su-perviseront l’organisation etune « charte éthique » de-vrait éviter « le dénigre-ment » entre candidats.

P. P.

Page 17: Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

mardi 1er février 2011 LE FIGARO

A14 débats

OPINIONSétudesPOLITIQUES

Figaro-Cevipof

Nouveau Centre et Alliance centriste (4)

PC (2)

PS (51 )

PRG (2)

Divers gauche (3)

MPF (1)

UMP (31)

Divers droite (8)

Couleur politique des 102 conseils

généraux* en 2010

L’OUTRE-MER

À droiteÀ gauche

BASCULEMENT POSSIBLE EN 2011

* St-Pierre-et-Miquelon est un conseil territorial etle conseil de Paris fait o!ce de conseil généralN C Alli i (4)

PC (2)

PS (51 )

PRG (2)

Divers gauche (3)

MPF (1)

UMP (31)

Divers droite (8)

g

À droiteÀ gauche

BASCULEMENT POSSIBLE EN 2011

* St Pierre et Miquelon est un conseil territorial etet

Pyrénées-Atlantiques

Charente-Maritime

Deux-Sèvres

Vienne

Sarthe

Côte-d’Or

Jura

AveyronVaucluse

Hautes-Alpes

Loire

AllierAin

Rhône

Seine-et-Marne

Guadeloupe

Martinique

Guyane

Réunion

Mayotte

St-Pierre-et-Miquelon

Val-d’Oise

6259

02 08

5289

58

71

26

04 06

8313

30

3481

11

660965 2B

2A

82

3132

7025

88

5457

67

68

51

10

55

80

60271450

35

44 49

85

53

41

2861 78

91

94

93

92

45

1836

2387

24

4746

19

63

4315

4807

38 73

74

33

40

16

37

22

56

29

76

Paris

1

117655482001214840514354525

2 020

1

8638136

105503125

408240

36

1 327

0

312741295711715106114219

693

100

73,558,27552,541,70

64,662,579,467,36024

59,8

Nuance Non sortants Sortants % de sortantsÉlusExtrême gauche

Parti communisteParti socialisteRadicaux de gaucheDivers gaucheVertsAutre écologisteMoDem ex-UDFNouveau CentreUnion mouvement pop.Divers droiteRégionalistesAutres diversTotal

Les élus de 2008

LES VOTES

2e tour :

1er tour :

Dont :TOTAL GAUCHE TOTAL DROITE

PC et ext. gauche : 4,8 %PS : 38,6 %Divers gauche : 7,2 %Verts : 1 %

Dont :UMP-UDF : 31,9 %Divers droite : 10,6 %Front national : 4,9 %

Dont :TOTAL GAUCHE TOTAL DROITE

AUTRES

AUTRES

PC et ext. gauche : 10,8 %PS : 26,2 %Divers gauche : 7, 3 %Verts : 4, 1 %

Dont :UMP-UDF : 25,7 % Divers droite : 11,4 %Front national : 12,5 %

% DESUFFRAGESEXPRIMÉS

49,6%48,4%

47,4%

1%

2%

51,6%

% DESUFFRAGESEXPRIMÉS

Abstentions Votants Blancset nuls

Su!ragesexprimés

7,25,6

1112,8

0,60,5

10,412,3

SÉRIE DE CANTONS RENOUVELÉS EN 2011

en millions de votants

Résultats des électionscantonales de 2004

Inscrits, en million :

1er tour

1er tour

2e tour

2e tour

20,0516,62

Source : Cevipof d'après le ministère de l'Intérieur

lité dans plusieurs départements dedroite : Aveyron, Côte-d’Or, Hautes-Alpes (repassées à droite en 2008) Jura,Loire, Pyrénées-Atlantiques, Rhône,Vienne. Dans la Sarthe, la Charente-Ma-ritime et l’Eure-et-Loir, la droite sembleen position de pouvoir résister à uneéventuelle avancée de la gauche. Ladroite nourrit certains espoirs dans l’Al-lier, l’Ain, les Deux-Sèvres, en Seine-et-Marne, dans le Val-d’Oise et dans leVaucluse.

L’affrontement électoral de mars pro-chain sera décisif pour prendre la mesu-re du désir des Français de confier enco-re davantage les clefs des pouvoirslocaux à la gauche. Il permettra égale-ment d’évaluer le risque d’un bascule-ment du corps électoral sénatorial vers lagauche et d’une possibilité de change-ment, en septembre prochain, de la pré-sidence du Sénat. Enfin, il servira à éva-luer le rapport de forces entre lesdifférents partis à un an de l’échéanceprésidentielle de 2012, sachant que les« élections intermédiaires » surrepré-sentent généralement les forces d’oppo-sition. Elles entraînent une abstentionparfois forte qui pourra se remobiliserlors des grandes échéances nationales,mais qu’il sera difficile d’interpréter les20 et 27 mars prochain.

(1) Interrogées début mars 2010 par laSofres, 55 % des personnes de l’échan-tillon national représentatif de l’électoratdéclaraient qu’elles allaient voter en fonc-tion de problèmes locaux, 42% en fonc-tion de problèmes nationaux.!

Cantonales : un test nationalavant la présidentielle de 2012 ?Deux France face à face : pouvoir local de gauche contre pouvoir national de droite.

PASCAL PERRINEAUDIRECTEURDUCENTRE DE RECHERCHES POLITIQUESDE SCIENCES PO(CEVIPOF)

La gauche contrôle la majo-rité des pouvoirs locaux :68 % des soixante villesfrançaises de plus de 75 000habitants, 58 % des centdépartements, 88 % des

vingt-six régions sont dans les mainsd’une majorité de gauche. Le Parti so-cialiste se taille la part du lion : 58 % desvilles, 51 % des départements et 77 %des régions. La France connaît un divor-ce entre des institutions nationales (pré-sidence de la République, Assemblée na-tionale et Sénat) détenues par la droite etdes institutions locales où la gauche estparfois quasi hégémonique.

Ce clivage politique entre deux Francerecoupe en partie une opposition entredeux cultures. Celle d’une droite plus àl’aise avec les institutions de la Ve Répu-blique notamment avec le mécanismenational et personnalisé de l’électionprésidentielle. Celle d’une gauche plusréticente vis-à-vis de la logique forte-ment présidentielle de la Ve Républiqueet de la dimension personnelle de l’élec-tion d’un homme par un peuple rassem-blé.

Les souvenirs de l’élection présiden-tielle des 10 et 11 décembre 1848 quiavaient débouché sur l’élection d’unprince président. L’attachement à laculture parlementaire sinon parlemen-tariste qui s’en est suivi à gauche. Les ré-ticences sinon les hostilités à l’espritgaullien des institutions de 1958, revueset corrigées en 1962. Le vieux tropismed’une partie de la gauche pour un socia-lisme municipal qui n’aurait pas les allu-res de la compromission attachée àl’exercice du pouvoir national par lagauche… Tout cela contribue à éclairercette dissociation du pouvoir entre unpouvoir national de droite et un pouvoirlocal de gauche. Cependant, cette lectu-re a ses limites : François Mitterrand aprésidé la République pendant quatorzeans, la gauche a contrôlé le gouverne-ment pendant cinq ans, de 1997 à 2002 etles élections locales des années 1970 ontété la première étape d’une conquête dupouvoir national par la gauche.

Les élections cantonales des 20 et27 mars 2011 se tiennent dans un contex-te où la gauche n’a cessé depuis plus dedix ans de pousser son avantage sur leterrain départemental : en 1998 onze dé-partements passaient à gauche, en 2001six connaissaient la même destinée (unrevenant à droite), en 2004 onze nou-veaux départements tombaient dansl’escarcelle de la gauche (un connaissantl’évolution inverse) et, en 2008, c’étaitau tour de huit départements d’enregis-trer un même mouvement vers la gau-che (un département seulement passantà droite).

En treize ans, la carte politique des dé-partements a été bouleversée. La droitedétenait la majorité au début de l’année1998, dans 78 % des départements. Audébut de l’année 2011, ce n’est plus le casque dans 42 % des départements.

Après les défaites des élections muni-cipales et cantonales de 2008, des élec-tions régionales de 2010, l’échéance estenvisagée avec circonspection par ladroite, qui tente de mettre en avant ladimension essentiellement locale desélections cantonales. En revanche, lagauche et le Front national insistent surla dimension de test national que pour-raient recouvrir ces élections, un anavant l’affrontement présidentiel de2012.

Déjà, lors des dernières élections ré-gionales de mars 2010, une majorité ab-solue d’électeurs déclarait que ces élec-tions étaient avant tout locales. Un anplus tard, dans des élections encore pluslocalisées que les régionales, il seraitétonnant que le corps électoral ait chan-gé d’avis. Le taux de participation seraun indicateur de cette « nationalisa-tion » de l’enjeu. En général, les élec-tions cantonales mobilisent assez mal :depuis les débuts de la Ve Républiquel’abstention a oscillé entre 29,8 % desélecteurs inscrits (mars 1992) et 50,9 %(septembre 1998). Dans la série de 2 023cantons renouvelée en mars prochain,

36,1 % des électeurs s’étaient abstenusen mars 2004. Cette relative atonie de laparticipation peut être renforcée par lalocalisation des enjeux, le climat de fortedéfiance politique et les effets debrouillage liés à la réforme territoriale.Cette réforme conduit à élire cesconseillers généraux pour trois ans. Elledoit se conclure par la disparition desconseillers généraux et l’apparition, en2014, de conseillers territoriaux siégeantà la fois au département et à la région. Endépit de son poids politique et financier,le département peut apparaître commeune collectivité territoriale n’ayant plus

l’avenir avec elle, perspective peu mobi-lisatrice dans l’électorat.

Cependant, le rapport de forces élec-toral est très équilibré entre gauche

et droite lors du premier tour des élec-tions cantonales de 2004 : 48,4 % en fa-veur de candidats de gauche, 49,6 % enfaveur de candidats de droite. En revan-che, au second tour, ce rapport de forcesse détériore au profit de la gauche :51,6 % pour les candidats de gauche,47,4 % pour ceux de droite (et 37,1 %pour ceux de droite modérée qui pâtis-sent de mauvais reports des électeurss’étant portés au premier tour sur leFront national). Cette dégradation de lasituation au second tour a permis la vic-toire de la gauche dans des départe-ments aussi divers que la Charente, laCreuse, le Doubs, la Drôme, l’Ille-et-Vi-laine, la Loire-Atlantique, l’Oise, la Saô-ne-et-Loire, la Seine-Maritime, la Sei-ne-et-Marne ou encore lesHautes-Alpes.

L’avancée de la gauche a été telleen 2004 et 2008 qu’il lui sera plus diffici-le, en 2012, de renouveler les pousséesenregistrées alors. Cependant, la majo-rité est dans une position difficile, la ré-forme territoriale n’a pas toujours étéappréciée sur le terrain et la popularitédu pouvoir est pour l’instant en berne.Cette situation ouvre des zones de fragi-

DERNIER SCRUTIN avant la mise en placedes conseillers territoriaux qui siégeront àla fois au département et à la région en2014, les élections cantonales des 20 et27 mars remettent en jeu le mandat dela série des conseillers généraux élus en2004. Condamnée par la réforme territo-riale, cette ultime consultation avant laprésidentielle se présente aujourd’huicomme une élection importante pour lespartis politiques. Y compris par ceux quijurent y voir, non sans raison, une simpleélection locale. Celle-ci doit être lue,pour Jean Chiche,« au travers du prismed’une notabilisation forte ». « La loi per-mettant d’être réélu indéfiniment », laprime à celui qui occupe la place a per-mis, à gauche comme à droite, la réélec-tion de 83 % des sortants de la sérierenouvelée en 2008. Au fil des scrutins,deux France émergent : celle du pouvoirlocal dominée par la gauche, celle dupouvoir national maîtrisée par la droite.Dans les assemblées départementales,treize ans ont suffi à la gauche poury inverser les rapports de forces : ladroite détenait la majorité dans 78 % desdépartements, elle n’y est plus majoritai-re que dans 42 %. Outre la mainmise dela gauche sur les collectivités territoria-les, les mécontentements générés par laréforme territoriale lestent la majoritéprésidentielle.

La droite aborde le scrutin tous feuxéteints, jouant la carte du local.La gauche et le FN font campagne sur lethème de l’élection intermédiaire quiserait le test préfigurant les forcesmobilisées pour la présidentielle. Avec, enligne de mire, pour le PS, le basculement àgauche du Sénat, cette Assemblée élue parles grands électeurs des collectivitésterritoriales, en septembre prochain.!

JOSSELINEABONNEAU

JEAN CHICHECHERCHEUR CEVIPOF

Les élections cantonales sont desélections locales dans lesquelles la

notabilité joue un rôle majeur. Celle-ci seconstruit au long des années. Elle s’ap-puie sur un travail de terrain permanentet une reconnaissance sociale qui ne doitjamais faiblir. Elle se consolide dans letemps par des mandats politiques.

En mars 2008, on a compté 8 520 can-didats dans les 2 220 cantons qui de-vaient renouveler leurs conseillers gé-néraux. 1 598 d’entre eux étaientsortants (18,8 %). La loi permet auxconseillers généraux d’être réélus indé-finiment. Beaucoup de conseillers sor-tants ne s’en privent pas et rendent dif-

ficile le renouvellement des élus locaux.Sur les 2 220 élus en 2008, 1 327 étaientsortants (59,8 %). Il y a donc plus d’unechance sur deux d’être élu quand on estdéjà en place. 83 % des sortants ont étéréélus.

Des taux très variablesCes proportions varient selon la nuancepolitique. À droite, l’UMP a le taux leplus élevé de sortants parmi ses élus(79,4 %). Le Nouveau Centre et le Mo-Dem affichent respectivement un tauxde réélection de 62 % et 65 %. Les diversdroite qui sont souvent des candidats enrupture de parti mais aux ressourcespersonnelles fortes, culminent avec67,3 %.

À gauche, la situation n’est pas pro-

fondément différente. Le Parti commu-niste et les radicaux de gauche s’ap-puient sur un tissu d’élus locaux trèsenracinés : 75 % de leurs élus étaientsortants. Le Parti socialiste ne compte« que » 58 % de sortants. Les élus diversgauche, qui ne sont pas en nombre aussiimportant (200) que les divers droites,sont 52,5 % à être réélus. La gauche, enforte progression aux élections cantona-les depuis plus de vingt ans, a renouvelésur la durée la population des élus lo-caux. Toutefois, elle semble avoir atteintun palier et affiche une forte reproduc-tion.

Une élection qui avantage les sortants

« Le taux de participation sera un indicateurde la nationalisation de l’enjeu»

DESS

INDO

BRITZ

étudesPOLITIQUESFigaro-Cevipof

Les résultats de mars devront être lusau travers de ce prisme d’une « notabili-sation » forte. Les élections territorialesde 2014 peuvent peut-être modifier cesdonnées qui semblent structurelles.!

Page 18: Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

mardi 11 janvier 2011 LE FIGARO

A14 débats

OPINIONS

0 , 1

2 2 , 1

2 92 7 , 2

2 9 , 55

1 3 , 91 3 , 91 3 , 9

1 1 , 4

1 3 , 2

1 6 , 71

91 9 , 6,

5 , 7

8 , 28

7 , 7

5 , 155 , 1

5 , 45 ,

9 , 4

0 , 20 , 1

1 , 9

1 , 9

0

2 , 8

4 , 1

0 , 2

0

3 , 5

0 , 8

3 , 2

3 , 6

00

r l a n d eI r l a n d e

p . tc h è q u eRé p .p . tc hii ea q u is l ova q u ia q u i e

eA u t r i c h eeeS l ové n i eSS

Ro u m a n i e

r i ea rB u l g a ra rr i eg

Pa y s -B a sB a sB a

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A l l e m a g n eg

i s s eS uu ii s s eS u i s s eeFra n c e

L e t to n i eLL

E s to n i e

eL i t u a n i eLLD a n e m a r kn e m aa r k

B e l g i qB e l g i q u eg q

ggg r i eH o n g r ig r i eggggg

u g a lPPo r t u gu g

S u è d e

NN o rvè g eeg

t i ec ro a t i

i e - H .B o s n i e

n i eA l b aA b a nn

eS e r b i ei eS eSSS e r

M a cé d o i n eM a cé da c d

U k ra i n e

B i é l o r u s s i e

F i n l a n d e

R eRoya u mm e -u nn i

I t a l i e

M o n té n é g roM o n té n é g

G rè ceG rè ce

E s p a g n e

Po l o g n e

L u x .xx

9 , 1

0

3 , 4

4 , 3

17 %10 %

17 %13 %

8 %

18 - 24 ans

25 - 34 ans

35 - 49 ans

50 - 64 ans

65 ans et plus

Âge Qui vote ?

20 %18 %

14 %10 %

6 %Cadre,prof. intellectuelle

Prof. intermédiaire

Employé

Ouvrier

Inactif, retraité

Profession du chefde ménage

16 %10 %

Homme

Femme

I nte nt i o n sd e v o te e n fav e u rd e M a r i n e L e Pe n

DANS LE CADRE D’UN PREMIERTOUR D’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

OÙ LE PS SERAIT REPRÉSENTÉPAR MARTINE AUBRY

L'extrême droiteen Europe lorsdes dernières

élections législativesen % des su!rages exprimés

Plus de 2010 à 19,9

5 à 9,9Moins de 5

Source : Sondage TNS Sofres Logica/Le Nouvel Observateur, « Intentions de vote à l’élection

présidentielle de 2012, Vague d’automne », enquête réalisée par téléphone auprès d’un échantillon

national de 1000 personnesreprésentatifde l’ensemble de la population française âgée de 18

ans et plus, 19 et 20 novembre 2010.

vement de diversification culturelle etethnique à l’intérieur des sociétés et enmême temps leur interdépendancecroissante. La crise économique et fi-nancière de l’automne 2008 n’a pas in-versé la tendance. L’émergence de l’ex-trême droite est une réponse directe àces mutations.

Le rejet de l’immigration et parfois laxénophobie sont alors devenus la ré-ponse au défi d’un monde mobile, deplus en plus multiethnique et multicul-turel. Peu à peu, le rejet de l’autre pré-senté comme véritable moyen de « pro-tectionnisme culturel » s’est prolongéd’un ralliement au « protectionnismeéconomique » et d’une remise en causedu credo néolibéral du début. L’extrêmedroite a alors développé un véritable« chauvinisme d’État-providence » quia fait recette auprès des milieux popu-laires directement menacés par l’avè-nement de la société post-industrielle.Elle a de plus en plus condamné la mon-dialisation néolibérale, prôné la sortiede l’Union européenne et de l’euro, re-vendiqué des mesures économiquesprotectionnistes, appelé à une renatio-nalisation de l’économie…

Ainsi, face à l’ouverture croissante denos sociétés à la fois au plan économi-que, mais aussi au plan culturel et politi-que, l’extrême droite s’articule sur lesangoisses générées par la « sociétéouverte » et tente d’inventer l’alterna-tive de la « société du recentrage natio-nal ». !

PASCAL PERRINEAUDIRECTEUR DU CENTRE DE RECHERCHESPOLITIQUES DE SCIENCES PO (CEVIPOF)

Depuis quelques années,l’extrême droite et lespopulismes de droiterencontrent des succèsélectoraux importantsdans certains pays lors

des élections législatives : 29,5 % enSerbie (2008), 29 % en Suisse (2007),28,2 % en Autriche (2008), 19,6 % auxPays-Bas (2010), 17,2 % en Norvège(2009), 16,7 % en Hongrie (2010),13,9 % au Danemark (2007), 11,4 % enItalie (2008). Dans nombre d’autrespays, ces partis ont dépassé la barre des5 %. Ces réussites électorales au cœurde l’Europe ne peuvent cependant êtreinterprétées comme les signes d’unepoussée irrésistible de l’extrême droite.De nombreux pays y échappent parmilesquels l’Allemagne, l’Espagne ou en-core le Royaume-Uni. Cependant, dansplusieurs pays européens, des forma-tions populistes ou d’extrême droitepèsent sur l’agenda politique et mêmecampent aux portes du pouvoir commecela est le cas aux Pays-Bas ou au Dane-mark.

Comment interpréter ces poussées defièvre ?

En Europe de l’Est, la question desminorités nationales et des frontièresest un vecteur puissant de la fièvre na-tionaliste. Une fièvre qui se nourritd’une désillusion politique précoce quiprospère sur fond de culture autoritai-re.

La désillusion touche aussi les vieillesdémocraties de l’Ouest. L’insatisfactiondes électorats vis-à-vis de systèmespolitiques bloqués, où le quasi-consensus peut sembler étouffer le dé-

Sortie de l’euro et de l’Europe, protectionnisme culturel et nationalisationsnourrissent un chauvinisme d’État-providence.

L’extrême droite en Europe: descrispations faceàla «société ouverte»

bat public, est particulièrement évi-dente dans des pays comme l’Autriche,la Belgique, les Pays-Bas et la Suisse.Les extrêmes droites apparaissent alorscomme autant de populismes antisys-tème dénonçant ceux qui ont « accapa-ré » le pouvoir d’État au point de seconfondre avec lui. L’extrême droitepolitise ainsi le sentiment antipolitiquequi remet en cause les partis tradition-nels et leur système d’alliances.

Contestation d’autant plus virulenteque les loyautés partisanes fondées surles clivages de classes ou de religion quisous-tendaient la plupart du temps lespartis traditionnels en Europe sont encrise. La classe ouvrière s’est étiolée, lesengagements religieux se sont affadis,d’immenses classes moyennes se sontdéveloppées et les valeurs se sont déta-chées des matrices religieuses d’antan.Autour de nouveaux enjeux - l’Europe,la globalisation, l’immigration - l’ex-trême droite fait naître de nouvelles li-gnes de partage.

En insistant sur le critère nationalcontre le multiculturalisme réel ou sup-posé de ses adversaires, le nationalismeethnico-culturel tente de s’imposer. Cenationalisme essaie également de re-nouer avec un ensemble de valeurs tra-ditionnelles mises à mal par le « libéra-lisme culturel » de nos sociétés. Depuisl’attentat du 11 septembre 2001 et le dé-veloppement d’un terrorisme islamiste,il a trouvé un ennemi à sa dimension etla tonalité anti-islamiste de son combats’est accentuée : en témoignent la largevictoire du référendum suisse sur l’in-terdiction de la construction de mina-rets qui a remporté 57,5 % de suffragesle 29 novembre 2009 ou encore le débattonitruant engagé en Allemagne autourdes propos de Thilo Sarrazin sur l’im-possible intégration des musulmansdans son ouvrage L’Allemagne court àsa perte.

Jusqu’au début des années 1980, de

nombreux observateurs considéraientque les sociétés postindustrielles étaientsoumises à une véritable « révolutionsilencieuse » porteuse d’une « nouvellepolitique » où les enjeux tels que l’éga-lité des sexes, la qualité de la vie ou lapromotion des minorités devenaientessentiels. Le retour en force de l’extrê-me droite a constitué un défi à cettegrille d’analyse. Face au pôle libertairede la « nouvelle politique » les préoc-

cupations de la loi et de l’ordre, le res-pect strict de l’autorité, une moinsgrande tolérance pour les minorités,l’attachement aux coutumes et aux va-leurs morales traditionnelles ont faitretour, portés entre autres par levieillissement sensible des populationseuropéennes. D’une certaine manière,à la « nouvelle gauche » et aux mouve-ments sociaux des années 1970 ont suc-cédé, depuis les années 1980 et 1990, la« nouvelle droite » et les mouvementsidentitaires. Avec le délitement desliens sociaux, le sentiment d’insécuritéet l’anomie ont progressé et entraînéune demande d’appartenance, de com-munauté et d’identité à laquelle l’extrê-me droite et les néopopulismes tententde répondre.

Cependant, au-delà de cette explica-tion largement culturaliste des succès del’extrême droite, une explication plusglobale en termes de réponse politique àun nouvel état économique et social denos sociétés mérite d’être développée.Le passage, au cours des dernières dé-cennies, d’un capitalisme industrield’assistance (avec son État-providence)à un capitalisme postindustriel davanta-ge individualiste, s’est accompagnéd’un véritable bouleversement du mon-de marqué par la fragmentation sociale,la désaffiliation vis-à-vis des groupesd’appartenance traditionnels (classessociales, familles idéologiques, cultureslocales), l’individualisation des risques,la mobilité croissante et le double mou-

LES DÉBATS qui précèdent le passageimminent du témoin entre le fondateurdu Front national et sa probablehéritière, Marine Le Pen, ont revigorél’extrême droite. Ils ont enrayé le pro-cessus de marginalisation entamé parNicolas Sarkozy en 2007 sans toutefoisparvenir à la « dédiabolisation » d’uneformation rejetée par l’opinion depuisplusieurs décennies.

Fait significatif, la « bulle de popula-rité » de Marine Le Pen ne se traduitpas par une forte dynamique d’inten-tions de vote et ne suscite aucun« effet femme » dans l’électorat.La prétendante à la présidence n’élargitpas l’audience du Front nationaldont le socle électoral se composeprincipalement d’ouvrierset d’employés, de quadragénaireset de jeunes de moins de vingt-cinqans.

À l’instar des formations populisteset d’extrême droite installées dansle paysage électoral européen quipèsent dans les débats politiques,le Front national « articule les angois-ses générées par la société ouverte ».

La crise économique, « le passaged’un capitalisme d’assistance avec sonÉtat-providence à un capitalismepost-industriel plus individualiste »,la globalisation néolibérale de l’écono-mie ont favorisé le renouveauidéologique du populismeet de l’extrême droite.

La plupart de ces mouvementspréconisent une sortie de l’euroet de l’Europe ; ils prêchent« un recen-trage national » ; ils ajoutentmaintenant au protectionnismeculturel le protectionnismeéconomique assorti de nationalisations.Toutes ces crispations vivifient, selonPascal Perrineau,« un chauvinismed’État-providence ». !

JOSSELINE ABONNEAU

Depuis de nombreux mois, MarineLe Pen est à l’affiche. Certainescotes de popularité l’annoncent

à un niveau élevé : 27 % de jugementsfavorables à son action dans la cote Ip-sos début décembre, 19 % de cote d’in-fluence chez BVA. En revanche, la coted’avenir de la Sofres, mesurée en dé-cembre 2010, reste plus modeste : 14 %de personnes interrogées « souhaitentlui voir jouer un rôle important au coursdes mois et des années à venir ».

La popularité, même si elle est avérée,reste très minoritaire et n’a pas beau-coup réussi à réduire les préventions quisont à l’œuvre contre le FN et sa futuredirigeante. 86 % des personnes interro-gées par la Sofres en décembre ne sou-haitent pas« lui voir jouer un rôle impor-tant au cours des mois et des années àvenir », c’est le cas de 74 % des sympa-thisants de droite. 80 % ne lui font« pasconfiance pour gouverner le pays », c’est

le cas de 86 % des sympathisants del’UMP (Ipsos France 2, 3-4 décembre2010). 74 % sont« opposés à une allianceentre l’UMP et le Front national pourgouverner le pays »,c’est le cas de 68 %des sympathisants de l’UMP (Ipsos). Lapopularité relative n’a pas réussi à fairecéder le rejet dont le FN fait l’objet de-puis plusieurs décennies.

Lifting politiqueCette bulle de popularité, variable selonl’instrument de mesure utilisé, est sen-sible – sur un mode mineur – en termesd’intentions de vote. Dans le derniersondage d’intentions de vote à l’élec-tion présidentielle de 2012 (TNS Sofres-Le Nouvel Observateur, 19-20 novem-bre 2010), Marine Le Pen oscille entre 13et 14 % d’intentions de vote. Cela est unpeu mieux que le niveau atteint par

Jean-Marie Le Pen en 2007 mais, pourl’instant, il n’y a pas de dynamiqueélectorale irrésistible. Certes, le proces-sus de marginalisation du FN qu’avaitentamé Nicolas Sarkozy en 2007 eststoppé et le renouveau du FN qui ac-compagne la passation de pouvoir entreJean-Marie Le Pen et sa fille y contri-bue.

Ce lifting politique et le climat deprotestation amplifié par la crise éco-nomique et financière ont redonné unespace politique au Front national. Ce-pendant, les urnes n’ont pas encoreparlé. ! P. P.

Marine Le Pen face au défi de la «dédiabolisation»

«À la « nouvelle gauche » et aux mouvements sociauxdes années 70 ont succédé, depuis les années 80 et 90,la « nouvelle droite » et les mouvements identitaires»

DOBR

ITZ

étudesPOLITIQUESFigaro-Cevipof

«L’extrême droite politisele sentiment antipolitiquequi remet en cause les partistraditionnels et leur systèmed’alliances»

Page 19: Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

mardi 7 décembre 2010 LE FIGARO

A20 débats

OPINIONSétudesPOLITIQUES

Figaro-Cevipof

-20

-28

-22

-25

-26 -24

-27-31

-3

-19

-24

-12 +2 -11 -13 -34 -27 -27

23 sept. 2010

06 nov.2010

28 oct.2010

12 oct.2010

71 %

63 %

47 %

70 %

** Ssondages CSA réalisés au téléphone sur un échantillon national représentatif d'enviton 1000 personnes âgées de 18 ans et plus constitué d'après la méthode des quotas.*Sondages IFOP réalisés au téléphone sur un échantillon national représentatif d'environ 950 personnes âgées de 18 ans et plus et constitué par la méthode des quotas après startification par région et catégorie d'agglomération

50 %

62 % 64 %74 %

66 % 63 %

38 %

83 %

56 %

81 %92 % 88 % 85 %

61 %

87 % 90 %

66 % 64 %

51 %

67 %

36 %

53 %

65 % 61 %73 %

57 %

72 % 68 %62 %

69 % 71 %

47 %45 %

déc.-

97

Proximité Politique

Profession

Âge

Statut

1e

r déc

. 95

oct.-

96

nov.-

96

avril-

97

juin-

98

oct.-

98

nov.-

98

août

-99

janvie

r-00

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00

16 ja

nv.-0

1

26 ja

nv.-0

1

août

-01

nov.-

01

nov.-

02

mai-03

juin-

03

7 juil

let-0

3

janv

.-04

27 m

ai 04

janv

.-05

7 mars

06

14 no

v. 07

avril

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23 se

p. 08

1er m

ai 09

7 sep

. 09

27 m

ai 09

12 oc

t. 09

12 oc

t.10

6 nov

. 10

45 %

Homme

Femme

Artisan,commerçant

LO/NPA Frontde gauche

PS Verts MoDem UMP FN

Cadre, prof.libérale

EmployéOuvrier

Prof.inter-

médiaire

35 anset plus

Moins de35 ans

Salariédu privé

Salariédu public

Sympathie à l'égarddes mouvementssociaux**

Di!érentiel de soutienau mouvement entre

le 12 octobre et le 6 novembre*

Érosion du soutienaux manifestations

contre la réformedes retraites*

PAR CATÉGORIE,en points

Sexe

(– 31), les inactifs non retraités (– 35),les électeurs proches du centre (– 34) etceux n’ayant pas de proximité partisa-ne (– 35). Même à gauche, l’érosion estsensible et seuls les électeurs apparte-nant aux professions intermédiaires etceux proches du Front de gauche tien-nent bon sur leurs positions de la mi-octobre. Alors qu’une forte minoritéd’électeurs de droite et une forte majo-rité d’électeurs centristes soutenaientle mouvement à la mi-octobre, ils nesont plus qu’une petite minorité à lefaire au début du mois de novembre. Leconflit social et la victoire remportéepar le gouvernement ont contribué àrebipolariser l’opinion alors que lemouvement social avait pu prendre unmoment les couleurs d’un vaste ras-semblement dépassant les lignes de cli-vage politique.!

PASCAL PERRINEAUDIRECTEURDUCENTREDE RECHERCHESPOLITIQUESDE SCIENCES PO (CEVIPOF)

Depuis octobre 1995,période de mobilisa-tion contre le planJuppé considéréesouvent comme lemoment fondateur

d’une nouvelle phase de radicalité dumouvement social, le soutien aux pro-testations et manifestations est réguliè-rement mesuré par l’institut CSA. Dansleur immense majorité, tous ces mou-vements bénéficient d’un fort soutiendans l’opinion, quels que soient le motif(licenciement, réforme statutaire, sa-laires…) ou la population concernée(fonctionnaires, routiers, médecins,infirmiers, cheminots, policiers, ly-céens, chômeurs…). Pour la plupart desmanifestations qui font l’objet d’unemesure de popularité, c’est entre 50 etparfois même plus de 90 % de la popu-lation qui déclare son soutien ou sasympathie. Comme si, au travers d’unsoutien aux manifestants ou aux gré-vistes, s’exprimait ce que certains ob-servateurs appellent une « grèved’opinion ».

Inventée à l’occasion du conflit dedécembre 1995 contre le plan Juppé, lanotion de « grève d’opinion », telle quela conçoivent Olivier Duhamel et Phi-lippe Méchet, est« une grève soutenue

par l’opinion, une grève qui ne tient quepar l’opinion, une grève dont l’opinionest l’arbitre, (…) une grève qui cesseralorsque ses acteurs comprendront quel’opinion ne la comprendrait plus »(Sofres, « L’État de l’opinion 1996 »).Rares sont les mouvements qui font

Comment le mouvement sociala perdu la bataille de l’opinion

Populaire à ses débuts, le conflit sur les retraites n’a pas résistéà la radicalisation et à la durée.

l’objet d’un rejet majoritaire (le mou-vement des pilotes d’Air France en juin1998 ou celui des cheminots en mai1999). En revanche, certaines mobili-sations (comme celle des personnelshospitaliers en janvier 2000 ou encorecelle des salariés d’Air-Lib, de Metal-Europ ou de Daewoo manifestantcontre leurs licenciements collectifs enmars 2003) ont tourné au véritable plé-biscite d’opinion (92 % des personnes

sondées déclarant qu’elles soutenaientou qu’elles avaient de la sympathiepour le mouvement).

Ce soutien d’opinion aux diversmouvements sociaux traduit la pré-gnance en France d’une « culturecontestataire » qui considère la mani-festation de rue comme le parangon despratiques démocratiques. Il s’inscritaussi dans un cycle de « politisationnégative » qui s’est ouvert dans les an-nées 1990 et est marqué par un retourdes citoyens vers la sphère publiquemais sur un mode extrêmement pro-testataire.« Les gens reviennent à la po-litique, mais en accablant la politique.C’est de cette participation hostile queseront faites les prochaines années »,écrivait déjà Jean-Louis Missika en1992 (LeDébat, janvier février 1992).

La kyrielle de mouvements sociauxbénéficiant d’un fort soutien d’opinion,qui s’est développée depuis le milieudes années 1990 jusqu’à nos jours, est lemeilleur symptôme de cette mauvaisehumeur. Enfin, la faiblesse particulièred’acteurs syndicaux peu représentatifset peu porteurs d’un compromis socialcrédible, ouvre un espace à des formesde contestation radicale.

Étant donné cette tradition de sou-tien dans l’opinion, personne ne futétonné de constater, début septembre2010, que le mouvement de grève etsurtout de manifestation contre le pro-jet de réforme des retraites du gouver-nement bénéficiait d’un soutien et

d’une sympathie largement majoritairedans l’opinion : 62 % des personnes in-terrogées déclarèrent soutenir le mou-vement enclenché le 7 septembre parune première manifestation. Le soutienet la sympathie progressèrent mêmejusqu’à 71 % le 19 octobre pour ensuiteconnaître un reflux sensible après levote définitif de la loi par l’Assembléenationale le 27 octobre.

Interrogés par l’Ifop, du 2 au 4 no-

vembre, 47 % seulement des Françaisconsidèrent que la manifestation du6 novembre appelée par les syndicatsest justifiée. Ils étaient 71 % à considé-rer que la manifestation du 12 octobrel’était, ils étaient encore 63 % à penserde même lors de la manifestation du28 octobre. Ce déclin subit de la popu-larité du mouvement est directementlié aux blocages de dépôts de carbu-rants et à la pénurie partielle qui s’enest ensuivie.

Dans une enquête réalisée par l’Ifopdu 21 au 22 octobre, 59 % des personnesinterrogées sont d’accord avec l’idéeque « faire grève est un droit, mais queles blocages d’entreprises, d’axes de cir-culation ou de dépôts de carburants sontinacceptables ». Ce rejet des blocagesest majoritaire dans toutes les classesd’âge et dans presque tous les milieuxsociaux. Ainsi, par son durcissement,par sa durée, par sa volonté de ne pasprendre en compte l’expression de lasouveraineté nationale, le mouvements’est aliéné une partie importante del’opinion publique qui le soutenait à sesdébuts. La démocratie sociale ne peutaller durablement contre la démocratiepolitique ou faire comme si elle ne pre-nait pas en compte son verdict.

Le prix à payer d’une telle attitude aété lourd : – 24 points du 12 octobre au6 novembre en ce qui concerne le sou-tien au mouvement. L’érosion est fortedans tous les milieux, particulièrementchez les femmes (– 28), les ouvriers

VOILÀ UN PARADOXEde l’opinionfrançaise : elle clame sa défianceà l’égard du monde politique etdes organisations syndicales affaibliesmais s’enflamme pour soutenir lacontestation radicale des mouvementssociaux. Ainsi depuis décembre 1995,les Français reviennent à la politiqueen l’accablant.

Cette « politisation négative »qui prend sa source dans la « culturecontestataire » du XIXe siècle, est née,sous sa forme moderne, avec lesmanifestations contre le projet Juppé.Elle est aujourd’hui considérée commela quintessence vertueuse des pratiquesdémocratiques.

Toutefois, passées au tamis d’uneanalyse du soutien au mouvementde protestation contre la réforme desretraites de l’automne, ces « grèves del’opinion », « symptôme de mauvaisehumeur » et de « griefs politiques »,montrent leurs limites. Après un moisd’agitation sociale, seuls lessympathisants du Front de gauchegonflent les rangs des soutiensindéfectibles quand ceux de l’extrêmegauche (Lutte ouvrière, Nouveau PartiAnticapitaliste) amorcent un net repli.Autre enseignement, ceux du Modemdésertent. Par ailleurs, la démobilisationn’entame pas la conviction des métiersintermédiaires , socle de la « classemoyenne ». En revanche, elle frappe lesouvriers, les employés et les salariés dusecteur public, qui, pourtant, figurentparmi les meilleurs soutiens au débutdu conflit.

Les mouvements sociauxtendent d’abord à effacer les lignesde clivages politiques puis leur audiences’étiole lorsque ces conflitsse prolongent. Profession et affinitéspolitiques des soutiens constituent,alors, d’édifiants marqueurspolitiques sur l’échelle du désamourde l’opinion. ! JOSSELINE ABONNEAU

Le PS a participé pleinement auxmobilisations contre la réformedes retraites. Son mot d’ordre de

rétablissement de la retraite à 60 ans en2012, s’il revient au pouvoir, a été enten-du. Mais, si le PS a retrouvé les airs d’unparti aux côtés des « luttes sociales », iln’a pas convaincu sur le terrain de sacrédibilité gestionnaire et gouverne-mentale. En termes d’opinion, la per-ception de sa conviction à considérerqu’il faut cotiser plus longtemps est trèsclivée : 51 % des personnes interrogéespensent que le PS est d’accord pour direqu’il faut cotiser plus longtemps (son-

dage Ifop-Fondapol, 2-4 novembre2010), 49 % pensent le contraire. 57 %des ouvriers, 53 % des salariés du sec-teur public, 41 % des sympathisants degauche sont dans ce cas.

En position de statu quoNombre de milieux qui constituent labase même du PS sont en fait sur uneposition de statu quo.Les ambiguïtéssont majeures pour un parti qui voulaitsur ce dossier faire la preuve d’un ré-formisme subtil. Enfin, même si lemessage du retour à la retraite à 60 ansest passé, il ne convainc pas : 29 % seu-

lement des personnes interrogéesconsidèrent que, si le PS gagne en 2012,il ramènera à 60 ans l’âge légal de dé-part à la retraite. Les promesses n’en-gagent que ceux qui y croient maismême à gauche, ils ne sont que 48 % àconsidérer que le PS honorera ses pro-messes. Sur ce dossier important pourles électeurs, le PS rencontre un pro-blème de crédibilité.! P. P.

Le réformisme subtil du PS entendu mais peu crédible

«La démocratie sociale ne peut aller durablementcontre la démocratie politique ou fairecomme si elle ne prenait pas en compte son verdict»

DOBR

ITZ

« Pour la plupartdes manifestationsqui font l’objet d’une mesurede popularité, c’est entre50 et parfois même plusde 90 % de la populationqui déclare son soutien»

Page 20: Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

mardi 9 novembre 2010 LE FIGARO

A22 débats

OPINIONS

Photos : Le Figaro

Intentions de vote pour les candidats socialistes dans le cadre d’un premier tour à l’élection présidentielle

Aubry prend l’avantagesur Strauss-Kahn chez les électeurs sympathisants de gauche

Total

DominiqueStrauss-Khan

1

François Hollande

16 %

Martine Aubry22 %

SégolèneRoyal

16 % 16 %

Source : Figaro magazine - Sofres

Évolution de la cote d'avenir*de Dominique Strauss-Kahn

45,6 %

1996

1997

1998

1999

2001

2002

2003

2004

2005 2006

20072008

2009

2000

2010

16,3%

33,2% 31,2 %

Févr. 2010

Nov. 2010

50 %

Févr. 201062 %

63 %

Nov. 2010

Juill. 2010

51 %

32

25 %

Sources : TNS-Sofres Logica/Le Nouvel Observateur, 20-21 août 2010

Selon l’âge

Selon la profession

18 à 24 ans35 à 49 ans50 à 64 ansCommerçant, artisan, chef d’entrepriseCadre, profession intellectuelleProfession intermédiaireEmployéOuvrier

20 %24 %23 %31 %24 %25 %19 %24 %

20 %23 %28 %30 % 31 %27 %20 %19 %

17 %21 %14 %22 %12 %12 %15 %

28 %

19 %16 %17 %19 %19 %19 %17 %14 %

39,7 %

39,2 %

28,7 %

27,7 %

33,9 %

32,7 %

34 %

49 %

Juill. 201067 %

Juin 201071 %

Juin 201051 %

44,2 % 43,6 %

42,1 %

28,9 %

* Il s'agit de moyennes annuelles des cotes d'avenir mesurées chaque moisSource : Figaro Magazine-SOFRES

alors qu’il s’épanouit dans les milieuxbourgeois : 31 % chez les cadres etprofessions intellectuelles (12 % pourRoyal, 24 % pour Aubry). Dans laperspective d’un premier tour, il necapte que 11 % d’électeurs de la gau-che antilibérale de 2007 et 8 % desympathisants du Front de gauche,mais séduit pour l’instant 15 % desélecteurs qui avaient choisi NicolasSarkozy et 35 % de ceux qui s’étaienttournés vers François Bayrouen 2007.Nous sommes loin cependant du se-cond tour de l’élection présidentiellede 2012, et il est difficile de savoirdans quelle mesure ces défections decertains secteurs de la « gauche his-torique » seront, le moment venu,contrebalancées par la vigueur d’unsecond tour où la dénonciation del’« ennemi » fera tomber les réticen-ces à se mobiliser pour le représen-tant de la gauche. L’antisarkozysmepeut réconcilier temporairement les« frères ennemis » de la gauche, quipourront, l’espace bref d’un secondtour, s’aimer de détester ensemble.Pour l’instant, aucune ligne n’est fi-gée. Le PS n’a pas fait son choix. Lesimages, les perceptions vont bouger.Mais la course est ouverte et chacuns’élance avec ses forces et ses faibles-ses, qui sont autant de marqueurs fortsde l’identité politique des candidats. !

L’impossible défi de DominiqueStrauss-Kahn en 2012

Sa popularité en fait le candidat naturel du PS, mais ses prises de position au FMIle gênent pour fédérer la gauche historique.

PASCAL PERRINEAUDIRECTEUR DU CENTREDE RECHERCHES POLITIQUESDE SCIENCES PO (CEVIPOF)

Auréolé de ses différentscombats électoraux, mi-nistériels et militants,Dominique Strauss-Kahn est entré en jan-vier 1996 au baromètre

Figaro Magazine qui consacre bien sou-vent ceux qui prétendent à une destinéepolitique nationale. Modeste au départ,sa cote d’avenir profite de l’embellie depopularité du gouvernement de gaucheissu des législatives de 1997 auquel ilparticipe, mais, dès 1999, il connaît uneérosion sensible liée aux affaires qui lecontraignent à la démission du gouver-nement. Ce n’est qu’en 2002 que sa po-pularité connaît un regain, pour ensuiteenregistrer, à l’occasion des primairessocialistes de 2006 puis de l’étiolementde la popularité de Ségolène Royal aprèssa défaite de mai 2007, une montée enpuissance qui en fait aujourd’hui la per-sonnalité politique à laquelle les Fran-çais prêtent le plus d’avenir (47% dansle dernier baromètre TNS Sofres-Le Fi-garo Magazine de novembre 2010). 44%souhaitent qu’il soit le prochain prési-dent de la République (Viavoice-Libération, août 2010) et, en termesd’intentions de vote (TNS Sofres-Logi-ca-Le Nouvel Observateur, août2010),il est aujourd’hui le mieux placé à gau-che (25 % au premier tour, alors queMartine Aubry n’est créditée que de22%, Royal et Hollande de 16%).L’homme est populaire, les sondagesd’intentions de vote lui accordent, àdix-huit mois de l’échéance présiden-tielle, une position électorale forte, maiscette «popularité de papier» et ces in-tentions de vote saisies à plusieurs en-cablures de l’arrivée au port présiden-tiel ne vont pas sans quelques fragilitéset interrogations.

"DE LA POPULARITÉAU VOTE…

Tout d’abord, la popularité sondagièren’est pas toujours exempte de fragili-tés électorales. Nombre d’hommes ou

de femmes politiques, longtemps aupinacle des sondages d’opinion, sesont révélés être des candidats inexis-tants ou malheureux. Simone Veil, entête pendant des années des sondagesde popularité, avait caracolé de ma-nière à peu près constante de 1987à 1995 au-dessus de la barre des 50 %et avait même atteint le sommet de68 % à la cote d’avenir Sofres en juin1993. Cela ne l’empêcha pas de re-

cueillir un maigre 8,4 % des voix lors-qu’elle présenta une liste centriste auxeuropéennes de 1989. Jacques Delors,autre star des sondages pendant prèsde dix ans où, de 1988 à 1998, il s’ins-talla au-dessus de la barre des 50 %,n’en tirera aucun profit électoral, re-fusant même de franchir le pas de lacandidature à l’occasion de la prési-dentielle de 1995. Ces popularités for-tes à faible rendement électoral tou-chent souvent des personnalitésproches du centre, présentant un vi-sage « moderne », d’ouverture, etporteuses d’hypothétiques dépasse-ments du clivage entre la gauche et ladroite. Dominique Strauss-Kahn acertaines de ces caractéristiques touten étant plus fermement enracinédans un parti et plus habitué aux jou-tes électorales que ne l’étaient SimoneVeil ou Jacques Delors.

"DE L’UNANIMITÉAU CLIVAGE…

Deuxième interrogation : la popularitéde Dominique Strauss-Kahn est mar-quée par un unanimisme qui ne résis-tera pas à une confrontation électoralefortement clivante et bipolarisante. Lepatron du FMI bénéficie aujourd’huid’une situation exceptionnelle : il estplus populaire au centre et à droitequ’à gauche. Dans le baromètre TNSSofres-Le Figaro Magazine de novem-

bre 2010, 55 % des sympathisants dedroite souhaitent lui voir jouer un rôleimportant au cours des mois et des an-nées à venir. Ils sont 70 % au Modem,45 % chez les Verts et 51 % à gauche.Ainsi, fort de son extraterritorialité quile libère des clivages et des passionshexagonales, auréolé d’une aura d’ex-pertise généreusement accordée àl’économiste et au patron du FMI, Do-minique Strauss-Kahn rassemble

aujourd’hui bien au-delà de son camp.Mais, éventuellement candidat de-main, il verra fondre ces soutiens d’unmoment. Cependant, DominiqueStrauss-Kahn est porteur depuis long-temps d’une identité sociale-démo-crate qui peut lui laisser espérer, lemoment venu, de garder une partie deces soutiens centristes et de droite.

"DE LA CAPACITÉÀ RASSEMBLERTOUTES LES GAUCHES…

Enfin, troisième interrogation : ausein d’une gauche française souventpeu amène vis-à-vis du « modéran-tisme » social-démocrate, le posi-tionnement de centre gauche de Do-minique Strauss-Kahn peut poserproblème. Toute une partie de la gau-che ne cesse de dénoncer un Domini-que Strauss-Kahn qui ne serait pas degauche, et Jean-Luc Mélenchon me-nace déjà : « Il manquera beaucoup demonde à l’appel du deuxième tour. »Dès aujourd’hui, il y a quelques signesde difficultés entre DominiqueStrauss-Kahn et les milieux que tentede représenter la « gauche de la gau-che ». Par exemple, dans le sondageTNS Sofres-Le Nouvel Observateurréalisé fin août 2010, DominiqueStrauss-Kahn ne recueille que 19 %d’intentions de vote en milieu ouvrier(28 % pour Royal, 24 % pour Aubry),

DOTÉ D’UNE AUDIENCE sondagièreflatteuse, Dominique Strauss-Kahnoccupe actuellement la « pole posi-tion » dans la course à l’investituresocialiste pour l’élection présiden-tielle de 2012.

Pour l’instant, son éloignementde la scène hexagonale et son exper-tise économique au FMI permettentà Dominique Strauss-Kahn d’affichersans complexe des positions icono-clastes, notamment en se démar-quant du Parti socialiste etde son aile gauche sur la réformedes retraites.

Cette teinture sociale-démocratequi a contribué à forger sa cote depopularité place Dominique Strauss-Kahn en candidat naturel de la gau-che. Toutefois elle met le patron duFMI face à un impossible défi.

« Plus populaire au centre et àdroite qu’à gauche », DSK devratransformer « sa popularité de pa-pier » en vote : pour emporter à lafois l’adhésion de son propre campsans effrayer par des concessionsfaites au socialisme de papa et à lagauche historique, des sympathisantsdu centre gauche séduits par son« réformisme ».

Ainsi, pour passer le cap de l’in-vestiture, il lui faut gagner le soutiende l’aile gauche du PS et entraînerl’adhésion de la gauche radicale(notamment celle de Mélenchon),celle qui agite, déjà, le bâtonde l’abstention au second tourde l’élection présidentielle.

Cet exercice, acrobatique, ne doitpas faire fuir les « centristes strauss-kahniens » séduits par l’identitésociale-démocrate du patron du FMI.Dans la confrontation d’une campa-gne électorale, les atouts de DSKpeuvent se révéler comme autantde talons d’Achille.

JOSSELINE ABONNEAU

La gauche n’est pas plus à abri quela droite de la personnalisation dela politique intimement liée à

l’élection présidentielle. Aujourd’hui,la personnalité du candidat socialiste aun impact profond sur la capacité du PSà rassembler un électorat significatif.Alors que Ségolène Royal et FrançoisHollande sont crédités de 16% d’inten-tions de vote, Martine Aubry fait nette-ment mieux (22%) sans pour autant at-teindre les 25% attribués à DominiqueStrauss-Kahn.

L’électorat socialiste varie de + ou –9points en fonction de la personnalité

de celui ou celle qui le représenterait. Le«plus» de Dominique Strauss-Kahn estlié à des scores beaucoup plus élevés queses challengers chez les hommes, lespersonnes de plus de 50 ans, les cadreset professions intellectuelles, les élec-teurs proches du MoDem et de l’UMP.

Faire jeu égalEn revanche, il est intéressant deconstater la capacité de Martine Aubryà faire jeu égal avec DominiqueStrauss-Kahn chez les femmes, lesjeunes, les 35-49 ans, les travailleursindépendants, les professions inter-

médiaires et les employés. Enfin, la di-rigeante du PS domine le patron duFMI chez les ouvriers, chez les sympa-thisants de l’extrême gauche et duFront de gauche ainsi que chez les so-cialistes. Les deux autres candidatssont surclassés sauf à constater la forteprésence de Ségolène Royal chez lesouvriers et l’audience non négligeablede François Hollande chez les jeunes. !

P.P.

Les profils contrastés des candidats socialistes potentiels

« Au sein d’une gauche française souvent peu amènevis-à-vis du “ modérantisme ” social-démocrate,le positionnement de centre gauche de DominiqueStrauss-Kahn peut poser problème»

DESS

INDO

BRITZ

étudesPOLITIQUESFigaro-Cevipof

Page 21: Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

mardi 5 octobre 2010 LE FIGARO

A22 débats

OPINIONS

PASCAL PERRINEAUDIRECTEUR DU CENTREDE RECHERCHES POLITIQUESDE SCIENCES PO (CEVIPOF)

En septembre 2010, àun an et demi del’échéance prési-dentielle de 2012, lasituation semble trèsdifficile pour Nicolas

Sarkozy. Le président est au plus basdans les sondages de popularité : dansle dernier sondage de l’Ifop pour LeJDD, seules 32 % des personnes inter-rogées disent être satisfaites de NicolasSarkozy comme président de la Répu-blique, ils étaient 65 % en mai 2007.

L’été 2010, avec son lot d’affaireWoerth-Bettencourt, de discours sé-curitaire et de capharnaüm majoritai-re, s’est soldé par une érosion sensiblelors de la rentrée de septembre(–4points d’août à septembre). Enfin,l’annus horribilis inaugurée en sep-tembre 2009 par le procès Clears-tream, prolongée par l’affaire FrédéricMitterrand puis la candidature de JeanSarkozy à l’Epad a peu à peu installé lacote de satisfaction présidentielle sousla barre des 40 %. Depuis septem-bre 2009, celle-ci oscille entre 30 et39 % et a même tendance, depuis septmois, à se rapprocher de la barre des30 %.

Gouverner avec un tiers de satisfaitsn’est pas tâche aisée. Ce climat de dé-samour dans l’opinion a pris un reliefparticulier lorsque des sondages d’in-tentions de vote ont envisagé une pos-sible victoire, au second tour de l’élec-tion présidentielle, d’un candidatsocialiste. Un sondage Sofres-NouvelObservateur des 20 et 21 août 2010 an-nonçait une capacité de DominiqueStrauss-Kahn et de Martine Aubry àbattre nettement Nicolas Sarkozy dansle cadre d’un second tour : le premierétait crédité de 59 % d’intentions devote, la seconde de 53 %. Ce rapportde forces très dégradé au détriment del’actuel président de la République, s’ilest un signe des difficultés que traver-sent tous les dirigeants des démocra-ties confrontées à une crise économi-

que et sociale de première ampleur,doit cependant être relativisé.

Tout d’abord, les sondages mesu-rent, surtout lorsqu’ils sont réalisés àun an et demi d’une échéance électo-rale, une « popularité de papier » plusqu’un réel capital électoral. Les rôlespolitiques ne sont pas encore distri-bués, la campagne n’a pas vraimentcommencé, les thèmes de la contro-verse ne sont pas fixés. Dans cecontexte, les intentions de vote reflè-tent davantage des popularités d’ima-ge que des appréciations de candidats

en compétition pour la présidence. Po-pularité ne veut pas dire capital électo-ral. La vie politique française est un« cimetière des éléphants » où fem-mes et hommes, qui étaient au pinacledes sondages d’opinion, sont tombésau champ d’honneur du suffrage uni-versel (Michel Rocard, Simone Veil,Bernard Kouchner, Jacques Delors…).

Ensuite, nombre de candidats quiparaissaient devoir être élus un anavant l’échéance présidentielle ont étébattus lors du combat décisif. Les en-jeux avaient changé, les imagess’étaient écornées, la conjoncturen’était plus la même. Tel a été le caspour Valéry Giscard d’Estaing annoncévainqueur en avril 1980 et défait parFrançois Mitterrand un an plus tard.Puis ce fut le tour de Jacques Chirac en1987-1988, d’Édouard Balladur en1994-1995, de Lionel Jospin en 2001-2002 et même de Ségolène Royal qui enavril 2006 était créditée, dans un son-dage CSA, de 53 % d’intentions de voteface à Nicolas Sarkozy.

Les comportements des électeurssont marqués aujourd’hui par une vo-latilité de plus en plus grande. Davan-tage détaché des grandes référencesidéologiques traditionnelles, touchélui-même par une mobilité forte dansses trajets professionnels, ses ancragesgéographiques et souvent sa vie pri-vée, inscrit dans une relation deconsommateur répondant à un systè-me d’offre diversifiée et en mutationconstante, le citoyen d’aujourd’hui –sans être un électron libre - n’est plusun électeur fidèle. Ses tropismes d’hierpeuvent s’étioler, ses choix d’aujour-d’hui évoluer demain. D’autant plusque le vote n’est pas simplement unvote rétrospectif sur un bilan mais estaussi un vote prospectif sur un projet.

A ujourd’hui s’exprime avant tout,au travers de l’antisarkozysme,

un rejet ou des interrogations sur unbilan. Demain, la perception de ce bi-lan aura évolué mais surtout la batailleprésidentielle tournera autour de pro-jets et de la capacité de tel (le) ou tel(le) candidat (e) à dessiner un avenirdésirable pour une société françaiseinquiète, touchée par la crise et enpleine interrogation sur sa capacité às’insérer dans la globalisation. La bon-ne gestion des dossiers qui « préparentl’avenir » comme celui de la réformedes retraites, celui de la formation desjeunes ou encore celui de la capacité àbien placer la France dans la compéti-tion internationale peut être décisive.Enfermé pour l’instant dans une ges-tion au quotidien, rabattu sur sa di-mension rétrospective, NicolasSarkozy peut retrouver demain unedimension prospective.

Enfin, la lecture attentive des son-dages d’intentions de vote d’aujour-d’hui doit rendre prudent quant auxprojections hâtives faites sur l’avenir.Dans le sondage d’intentions de votepour la présidentielle réalisé fin aoûtpar la Sofres pour Le Nouvel Observa-teur, dans l’hypothèse d’un premiertour avec Martine Aubry comme can-didate du PS, la gauche est nettementminoritaire. Le total des intentions devote en faveur des candidats de gauche

(N. Artaud, O. Besancenot, J.-L. Mé-lenchon, M. Aubry, E. Joly) n’atteintque 43 %, le centre incarné par Fran-çois Bayrou attirant 7 % et la droite (H.Morin, D. de Villepin, N. Sarkozy, M.Le Pen) rassemblant 50 %. Il n’y a,pour l’instant, pas de « désir de gau-che » dans l’électorat français. Celarecoupe l’analyse que l’intellectuelitalien Raffaele Simone fait sur le dé-clin de la gauche occidentale lorsqu’ilconstate « qu’alors que la droite nou-velle semble moderne et dans le vent, lagauche est poussiéreuse et hors ducoup ».

Cependant, cette gauche minoritairede premier tour montre sa capacité àdevenir majoritaire au second, MartineAubry étant créditée de 53 %, soit dixpoints de plus que le niveau des gau-ches du premier tour. Cette victoireéventuelle n’est rendue possible quepar la très médiocre qualité des reportsdes électorats du centre et de la droitenon sarkozyste sur Nicolas Sarkozy ausecond tour. Celui-ci ne récupéreraitpour l’instant que 23 % des électeursde François Bayrou, 45 % de ceux deMarine Le Pen et 55 % de ceux de Do-minique de Villepin.

Solidement ancré au cœur de l’élec-torat de l’UMP, ce qui explique le bonniveau de ses performances électoralesde premier tour, Nicolas Sarkozyconnaît des faiblesses quant à sa capa-cité à fixer au second tour les électoratsdes deux ailes du dispositif électoraldes droites : à la droite de la droite etau centre droit. Ces deux zones de dé-pression électorale délimitent pour lesmois à venir les deux axes d’une éven-tuelle reconquête électorale.!

Le déficit de popularité du chef de l’État n’entame pas le cœur de l’électorat UMP.

Pourquoi le scénario de 2012n’est pas écrit

«La vie politiquefrançaise est un “ cimetièredes éléphants ” où femmeset hommes, qui étaientau pinacle des sondagesd’opinion, sont tombésau champ d’honneurdu suffrage universel»

Les chutes de popularitéprésidentielle au cours

des 30 dernières années

De juin 1981à déc.1984

Intention de voteau 1er tour Martine Aubry Nicolas Sarkozy

Abstention, blanc,nul, sans réponse

Eva JOLYMartine AUBRYOlivier BESANCENOT

François BAYROUDominique de VILLEPINNicolas SARKOZYMarine LE PENPhotos : Le Figaro, Rue des Archives

Sources : sondage Sofres–Nouvel observateur, 20-21 août 2010

Source : cotes de confiance Sofres

La question posée chaque mois est la suivante :« Êtes-vous satisfait ou mécontent de Nicolas Sarkozycomme président de la République ? »Les enquêtes mensuelles ont été cumulées par semestre.

FrançoisMitterrand

JacquesChirac

NicolasSarkozy

-38 %

De juin 1988 à déc.1991

-32 %

Les transfertsd’intentionsde votedu premierau secondtour de l’électionprésidentielle

Évolution de l'indicede popularité de Nicolas Sarkozy

Source : cotes de confiance Sofres

Évolution de l'indicede popularitéde Nicolas Sarkozy

2e sem.2007

39 %1er sem.

2008

1er sem.2009

1er sem.2010

41 %2e sem.

20082e sem.

2009

39 %40 %

34 % juillet-sept.2010

65 % 11 % 24%

96 % 4%

68 % 12 % 20 %59 % 23 % 18 %34 % 55 % 11 %

1 % 98 % 1%

37 % 45 % 18 %

34 %

61 %

De juin 1995à nov.1996

-32 %

De mai 2002à juillet 2006

-36%De juin 2007 à juillet 2010

-37 %

Intention de voteau 2nd tour

en faveur de

LE FAIT NOUVEAUde la périodepolitique actuelle, c’est l’optimismede la gauche. Elle n’a plus gagné uneélection présidentielle depuis 1988 etelle estime pouvoir renverser cettetendance en 2012. Son optimisme senourrit des sondages, qui tous souli-gnent un désamour entre NicolasSarkozy et les Français. La présiden-tielle serait-elle déjà jouée ? Lecroire, c’est, comme le montre Pas-cal Perrineau, faire fi de l’histoire deces cotes de popularité des candidatsà la fonction présiden-tielle. Beau-coup étaient abonnés aux premièresplaces des palmarès de l’opinionmais ont trébuché sur la premièremarche du scrutin présidentiel. Lecontraire est vrai aussi. Les pronos-tics ne sont-ils pas hâtifs quand lesenjeux d’une campagne électorale senouent six mois avant le premiertour – en ce cas d’espèce, à la rentréeprochaine ? L’étude du directeur duCevipof invite donc à la prudence.Ne serait-ce qu’en prenant en comp-te l’évolution d’un électorat jadisfidèle et maintenant de plus en plus« volatile »et« détaché des grandesréférences idéologiques ». L’analysedu capital électoral du sarkozysmemontre que le déficit de popularitédu chef de l’État n’entame pas lecœur de l’électorat UMP, alors quedans le même temps l’opinion nemanifeste pas, jusqu’ici, un franc« désir de gauche ». Ainsi s’esquis-sent les voies de la reconquête élec-torale : la droite de la droite et lecentre. Dans cette bataille-là, Nico-las Sarkozy a déjà démontré qu’iln’était pas le moins habile…

JOSSELINE ABONNEAU

Depuis son élection, l’érosion dela popularité de Nicolas Sarkozya été très forte : – 37 points à la

cote de confiance de la Sofres (dejuin 2007 à septembre 2010). Toutefois,cette baisse n’a rien d’exceptionnel :elle était de – 38 points pour FrançoisMitterrand de juin 1981 à décem-bre 1984, de – 32 pour le même dejuin 1988 à décembre 1991, de – 32 pourJacques Chirac de juin 1995 à novem-bre 1996 et – 36 pour Jacques Chiracencore de mai 2002 à juillet 2006.

Avec 26 % de Français qui lui fontconfiance « pour résoudre les problè-mes qui se posent en France actuelle-ment », le président est à son plus basniveau sans pour autant battre le recordd’impopularité qui avait été atteint parJacques Chirac en juillet 2006 (16 %).

Ce déclin très sensible de popularitéest lié à l’exercice du pouvoir présiden-tiel par Nicolas Sarkozy mais aussi à un

Mitterrand lors de son second mandat,32 % en novembre 1996 pour JacquesChirac lors de son premier mandat et16 % en juillet 2006 lors du second. Lasanction de l’opinion vis-à-vis d’unprésident confronté à des difficultés estde plus en plus sévère.

À cet égard, la sanction vis-à-vis deNicolas Sarkozy (en l’absence d’unedégradation éventuelle à venir) auraitpu être encore plus forte. Le pire n’estpas toujours certain.

On aurait pu imaginer que l’usure dupouvoir, la profondeur de la crise éco-nomique et sociale et l’exposition liée àl’hyperprésidence aient entraîné unesituation encore plus difficile pour leprésident.! P. P.

étiolement structurel de la confianceque les Français mettent dans l’actiond’un président de la République.

L’effet « lune de miel »est de plus en plus éphémèreL’effet « lune de miel » qui suit touteélection présidentielle est, en Francecomme ailleurs, de plus en plus éphé-mère. Celui-ci est suivi d’un désamourde plus en plus avéré. La cote deconfiance présidentielle de la Sofresexiste en France depuis octobre 1978 ;les étiages de popularité n’ont cessé debaisser d’une présidence à l’autre :41 % pour Valéry Giscard d’Estaing enmars 1981, 36 % pour François Mit-terrand en décembre 1984, 31 % en dé-cembre 1991, février etmars 1993 pour François

L’impopularité, un phénomène inhérent à toute présidence

étudesPOLITIQUESFigaro-Cevipof

DESSINDO

BRITZ

Page 22: Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

mardi 7 septembre 2010 LE FIGARO

A14 débats

OPINIONS

Dansun an, lamoitié des siè-ges du Sénat sera renouve-lée. Cent soixante-dix siè-ges seront à pourvoir danstrente-huit départements

métropolitains, un territoire et cinqdépartements d’outre-mer et pour unepartie des Français établis hors deFrance. Comme d’habitude, ces futurssénateurs seront élus au suffrage indi-rect par un corps de grands électeursconstitués par les députés, lesconseillers régionaux, les conseillers gé-néraux et les délégués municipaux. Lepoids de ces derniers est écrasant puis-qu’ils représentent 95 % du corps élec-toral sénatorial.Dans la série de départements qui

vont connaître des élections sénatorialesen septembre 2011, 55 % des14 446 communes concernées ont moinsde 500 habitants, 25 % entre 500 et1 499, 10 % entre 1 500 et 3 499, 6 % en-tre 3 500 et 8 999, 3 % entre 9 000 et29 999 et seulement 1 % 30 000 habi-tants et plus. L’influence des déléguésdes petites communes est donc impor-tante même si il y a une progressivité dunombre de délégués des conseils muni-cipaux en fonction de la taille de la com-mune. Mais cette progressivité n’est pasparfaite : une commune de 10 000 habi-tants a 33 délégués alors qu’une commu-ne de 100 habitants en a un. Ainsi undélégué municipal représente 100 habi-tants dans une petite commune de100 habitants alors qu’il en représente303 dans une commune de 10 000 habi-tants.

Nouveaux profilsLe poids électoral des populations descommunes de petite taille est plus im-portant que celui des grandes commu-nes. Or, dans cemonde des petites com-munes, les étiquettes politiques sont plusfloues et incertaines. La pénétration despartis nationaux y est beaucoup moinsprofonde et les étiquettes politiques desmaires et des conseillers municipauxéchappent souvent aux étiquetages poli-tiques nationaux. Cette partie du corpsélectoral sénatorial constitue une relati-ve inconnue et peut réserver des surpri-ses. Cependant, depuis 2007, la lente etrégulière poussée de la gauche dans tou-tes les élections locales (municipales etcantonales de 2008, régionales de 2010)a entraîné une évolution du centre degravité politique des grands électeursvers la gauche. Celle-ci a déjà été sensi-ble lors du dernier renouvellement sé-natorial de septembre 2008 où la gaucheavait gagné 21 sièges.Actuellement, le rapport de forces po-

litique au Sénat est le suivant : sur les343 sénateurs, 24 appartiennent augroupe communiste, républicain, ci-toyen et des sénateurs du Parti de gau-che, 116 au groupe socialiste, 17 au grou-pe du Rassemblement démocratique etsocial européen (RDSE), 29 au groupe del’Union centriste, 150 au groupe del’UMP et 7 sont non inscrits. En septem-bre 2011, le nombre de sénateurs passeraà 348 et la moitié des sièges sera renou-velée. La majorité absolue sera doncfixée à 175 sénateurs. Aujourd’hui, lagauche peut compter sur 24membres dugroupe communiste, 116 du groupe so-cialiste et 13 des 17 sénateurs du groupeRDSE, soit 153 sénateurs. Il lui faudrait

donc théoriquement gagner 22 sièges en2011 pour s’emparer de la présidence duSénat. Si elle renouvelait en amplifiantsa performance de 2008, cet objectif,difficile à atteindre, pourrait devenirréalité.Depuis une dizaine d’années, la droite

a perdu beaucoup de terrain au plan lo-cal. Entre 1998 et 2010, elle a vu luiéchapper 50 villes de plus de 30 000 ha-bitants, 32 départements et 18 régions.Ces succès électoraux répétés ont en-traîné une montée en puissance des éluslocaux de gauche. Ceux-ci sont nette-ment majoritaires dans les conseils gé-néraux et régionaux et ont beaucouprenforcé leur emprise dans les conseilsmunicipaux. C’est ce nouveau corpsélectoral sénatorial qui s’exprimera dansun an. Indépendamment de l’évolutionde son centre de gravité politique, cetélectorat a connu des changements dansson profil sociodémographique.Les élus locaux qui sont au cœur de

l’électorat sénatorial ont connu une re-lative « professionnalisation » (mandatà plein-temps, statut d’élu local, perma-nent de parti) et un renforcement crois-sant du poids de la fonction publique quisont autant de processus qui favorisentplutôt la gauche que la droite. Enfin,dans nombre de départements ruraux,apparaissent des profils relativementatypiques par rapport à la « norme » del’élu local agriculteur exploitant. Du faitde la désertification et du déclin de lapopulation agricole, ce sont souvent denouveaux résidents d’origine urbaine etplus orientés vers la gauche qui devien-nent conseillersmunicipaux dans les pe-tites communes. Une étude sur le profildes maires, menée par la Direction gé-nérale des collectivités locales après les

élections municipales de 2008, montreque le nouveau maire type est un jeuneretraité souvent issu de la fonctionpublique, ayant travaillé en ville maiss’étant installé à la campagne, en zonepériurbaine.Les retraités sont de loin la catégorie la

plus nombreuse (32,33 %) alors que lapart des agriculteurs, qui représentaientencore le tiers des maires en 1983, esttombée à 15,61 %. L’archétype du mairerural, qui était jusqu’ici l’agriculteur decentre droit et de tradition démocrate-chrétienne, évolue au bénéfice du re-traité de la fonction publique, davantageà gauche et doté éventuellement d’unpassé demilitant syndical.Cette population d’élus locaux a été

dans la période récente déstabilisée parla réforme territoriale. L’empilementdes structures de pouvoir local, l’intri-cation de leurs compétences et lemaquisdes financements croisés appelaient uneréforme. Le 8 juillet dernier, celle-ci aété adoptée en seconde lecture par le Sé-nat, mais le débat n’a pas été facile et arévélé nombre d’inquiétudes particuliè-rement sur le mode de scrutin des futursconseillers territoriaux, la question descompétences et celle du découpage. Cet-te réforme n’est, pour l’instant, pas bienreçue dans l’opinion : en novem-bre 2009, seules 23 % des personnes in-terrogées par la Sofres pensaient que laréforme était « une bonne chose », 34 %« une mauvaise chose », 16 % « ni l’uneni l’autre », 27 % étant sans opinion. Ilse peut que les frustrations soulevées parcette réforme handicapent ceux qui enont été porteurs. Déjà, dans le passé, desréformes vigoureuses menées sur le ter-rain local s’étaient retournées contreleurs auteurs. En septembre 1971, la ma-jorité de l’époque avait souffert lors desélections sénatoriales de la loi sur les fu-sions et regroupements de communes,dite « loi Marcellin », qui avait étéadoptée en juillet de lamême année.La refonte de la fiscalité locale engen-

drée par la suppression de la taxe profes-sionnelle et son remplacement, dans laloi de finances de 2010, par la contribu-tion économique territoriale, suscite desinquiétudes jusqu’au cœur de la majori-té. C’est donc une population d’élus lo-caux traversée par des interrogations quiva s’exprimer en septembre 2011. Il fau-dra que toutes ces réformes soient expli-quées, défendues avec une ligne direc-trice forte pour que l’interrogation cèdela place au soutien.

Le poids des « divers droite »D’autant plus que la conjoncture écono-mique, sociale et politique est morose.Dans un sondage réalisé en juillet 2010par la Sofres pour La Croix, l’opinionreste très préoccupée par les questionsd’emploi et de chômage (74 %) ainsi quepar le dossier des financements de re-traite (58 %) qui est à l’agenda des réfor-mes de la rentrée. Dans le baromètre po-litique Figaro Magazine-Sofres dejuillet 2010, seules 26 % des personnesinterrogées « font confiance à NicolasSarkozy pour résoudre les problèmes quise posent en France actuellement »,35 % faisant confiance à François Fillon.Cette période de « basses eaux » en ter-mes de popularité de l’exécutif ne sim-plifiera pas la tâche des candidats de lamajorité. Cependant, rien n’est joué

d’avance et d’ici à septembre 2011 cer-tains indicateurs peuvent se redresser.L’importance du poids des élus des

petites communes et des zones ruralesdont le centre de gravité est plus à droiteest importante dans le corps électoral sé-natorial. Si l’on considère l’ensemble desmaires des départements qui connaî-tront une élection sénatoriale en 2011,55 % d’entre eux sont à droite, 30 % àgauche, 1 % au centre et 14 % relèventde tendances difficilement classables àgauche ou à droite. C’est cette popula-tion où le poids des « divers droite » esttrès fort (48 %) qui jouera un rôle décisifdans le destin politique du Sénat.

Un groupe charnièreToute élection est avant tout l’électiond’un homme ou d’une femme quelle quesoit son étiquette politique.Mais cette di-mension personnelle est encore plus for-te dans l’élection sénatoriale. Le mondedes électeurs sénatoriaux est un « petitmonde » : selon les départements, il os-cille de quelques centaines à quelquesmilliers d’électeurs qui souvent connais-sent des candidats directement issus ducénacle restreint des élus locaux.La personnalisation, l’interconnais-

sance peuvent perturber les clivages po-litiques. La droite est souvent plus à l’aisesur ce terrain qu’une gauche plus sensi-ble aux engagements collectifs et aux éti-quettes politiques.Cette dimension personnelle qui dé-

place les lignes de partage politique estsensible jusqu’au cœur du Sénat où leséquilibres politiques ne sont pas totale-ment stables.Le groupe du Rassemblement démo-

cratique et social européen, qui com-prend 17membres, héritier du plus vieuxgroupe du Sénat (la Gauche démocrati-que créée en 1892), comprend certes unemajorité de sénateurs de l’opposition(particulièrement les radicaux de gau-che) mais comme l’écrit son président,Yvon Collin,« ce groupe ne se reconnaîtpas dans le caractère artificiel et souventmanichéen du clivage gauche/droite ». Encas de rapport de forces serré entre lamajorité et l’opposition, la stratégie et levote de nombreux sénateurs de cegroupe charnière (ou encore de celui del’Union centriste) pourront s’avérerdécisifs.Enfin, personne n’ignore, même à

gauche, que l’élection sénatoriale n’estjamais gagnée au soir des élections séna-toriales et qu’il y a le « deuxième tour »décisif qu’est l’élection du président duSénat.Même si la gauche gagne, il y a deschances qu’elle ne gagne pas nettement,alors la donne sera très ouverte lors del’élection du président de la Haute As-semblée. Le président sortant GérardLarcher a une surface politique large quipeut dépasser les limites de son proprecamp. Un groupe charnière comme leRDSE pourrait également avoir un can-didat au perchoir. Déjà, en octobre 2008,Jean-Pierre Bel, président du groupe so-cialiste, n’avait pas bénéficié du soutiende tous les sénateurs de gauche.L’élection sénatoriale n’est donc pas

tout à fait une élection comme les autres.Les tactiques subtiles, l’indépendance etl’esprit de consensus qui sont souventdes qualités sénatoriales ont marqué deleur sceau l’élection sénatoriale elle-même.!

PS UMP

Les groupes politiques au Sénat

179 heuresContrôle

116 150Union centriste

Non inscrits

179179 heuheuressCCoonnttrrôleôle

PC- Parti de gauche

24 7

RDSE*

17 29

* RDSE (Rassemblement démocratique et social européen)

2011: le Sénat peut-il passer à gauche?Les scrutins locaux et le changement sociologique du corps électoral accréditent l’hypothèse d’un bouleversement.

Ordalie de la France profonde,le renouvellement parmoitié du Sénaten septembre 2011 sera analysé,quoi qu’il advienne, comme un testpolitiquemajeur à six mois de l’électionprésidentielle. Outre le rôlede la Haute Assemblée dansle processus législatif, son présidentdispose de prérogatives majeurestelles que l’intérim du chef de l’État,la désignation demembres du Conseilconstitutionnel, du Conseil supérieurde la magistrature, et de personnalitésqualifiées des autorités de régulationdesmarchés, de l’audiovisuel, etc.Hier considéré comme utopique,le basculement - historique - à gauchede la majorité sénatorialeentre dans le champ plausibledes hypothèses. Les succèsde la gauche dans les élections locales,les évolutions sociologiques du corpsélectoral sénatorial, la réformeterritoriale qui trouble nombre d’éluslocaux, leurs inquiétudes surles ressources fiscales des collectivitésterritoriales, la morosité économiqueet sociale alimentent et fortifientaujourd’hui les doutes politiques.Toutefois, la spécificité du corpsélectoral sénatorial composé notam-ment de délégués de petites communeset territoires ruraux traditionnelle-ment plus à droite et moins politisés,la dimension très personnalisée d’unscrutin dépassant les clivages partisanshypothèquent lourdement les calculsélectoraux. Enfin le second tour,celui de la présidence, subtilsyncrétisme des équilibres internes,peut aussi réserver des surprises.!

JOSSELINE ABONNEAU

PERTESDE LA DROITEENTRE 1998 ET 2010

50villes de plusde 30 000 habitants

32départements

18régions

GAIN DELA GAUCHE AURENOUVELLEMENTSÉNATORIALDE 2008

21sièges

étudesPOLITIQUESFigaro-Cevipof

Page réaliséeen collaborationavec le Centrede recherchespolitiquesde Sciences Po(Cevipof)Centre associéau CNRS et dirigépar Pascal Perrineau

PAR PASCALPERRINEAU

DIRECTEUR DU CEVIPOF

« L’archétypedu maire rural,qui était jusqu’icil’agriculteur

de centre droit et detradition démocrate-

chrétienne,évolue au bénéfice

du retraitéde la fonction

publique, davantageà gauche»

Le Sénat sera renouvelépar moitié en septembre 2011.VIALERON/LE FIGARO

Page 23: Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

mardi 1er juin 2010 LE FIGARO

C16 débats

OPINIONS

Le Parti socialiste a retrouvé auxdernières élections régionalesune capacité évidente d’attrac-tion électorale. Cependant, àl’horizon des échéances natio-

nales de 2012, il reste confronté à un tripledéfi programmatique, stratégique et per-sonnel. Il travaille à l’accouchement d’unprogramme sans parvenir à éviter lescontradictions ou les approximations,comme sur le dossier des retraites. Il réaf-firme une stratégie d’alliance à gauche,sans faire taire toutes les tentations d’unealliance au centre, comme en témoignentles déclarations récurrentes de SégolèneRoyal. Cependant, l’enjeu essentiel restecelui du choix de la personne qui emmène-ra les socialistes au combat présidentiel.

La droite possède son leader « natu-rel », pas la gauche. Le problème est an-cien dans une gauche française peu enharmonie avec la logique personnalisantede l’élection présidentielle. Seul FrançoisMitterrand releva ce défi. La parenthèseMitterrand une fois fermée en 1996, le PS aretrouvé son difficile rapport au pouvoirprésidentiel et traverse une crise de lea-dership quasi continue. En vingt ans,aucun des six premiers secrétaires qui sesont succédé à la tête du PS n’a réussi à im-poser de manière durable son leadershipsur le parti et la candidature présidentielle.Cette instabilité est un lourd handicappour le PS et l’ensemble de la gauche. Cettecrise de leadership est à l’origine des autrescrises, stratégique et programmatique.

En l’absence de leader incontesté, ilest difficile de négocier des alliances,surtout quand les différents leaders ontdes conceptions divergentes des straté-gies à mettre en place. À cet égard, ledernier congrès du PS àReims (2008), qui a vula courte victoire deMartine Aubry sur Sé-golène Royal, a montréqu’au-delà des affron-tements d’ego il y avaitdes désaccords sur lesalliances possibles avecle centre de FrançoisBayrou.

La crise du leadershipa aussi des conséquencesdirectes sur le travailprogrammatique. Per-sonne au PS ne sembleavoir la légitimité pourorganiser la réflexioncollective et surtoutpour ancrer de manièredurable les inévitablessynthèses programma-tiques. Dans les années1970, François Mit-terrand avait couvert deson autorité les édificesprogrammatiquesqu’étaient alors le pro-gramme « Changer lavie » puis le «Program-me commun de gouver-nement de la gauche »puis le «Projet socialiste pour la France desannées 1980 ». Fragiles édifices traversésde multiples contradictions, porteursd’utopies destinées à se fracasser sur lemur du réel, ils servaient néanmoins deviatique au leader qui, bien sûr, le momentvenu de l’élection, s’en émancipait, portépar l’aventure personnelle et singulièreque reste toute élection présidentielle.

Démocratie d’opinionAujourd’hui, où est le viatique program-matique du PS ? Il y a bien une « déclara-tion de principes »et une ébauche de pro-gramme économique et social, mais onvoit bien que dans la perspective de la pré-sidentielle de 2012, chaque candidat faitentendre son propre chant : celui de Mar-tine Aubry n’est pas celui de DominiqueStrauss-Kahn, celui de Ségolène Royaln’est pas celui de François Hollande… Dansun tel contexte, le PS a besoin d’une procé-dure pour trancher la concurrence entreles prétendants. Déstabilisé par trois défai-

tes successives aux élections présidentiel-les de 1995, de 2002 et de 2007, il est à la re-cherche d’une procédure stable et efficacepour choisir son candidat.

L’idée des élections primaires s’estainsi imposée. Celle-ci est d’ailleurs an-cienne au PS. Dès la naissance du parti en1971 il était prévu que des élections pri-maires fermées, réservées aux seuls ad-hérents, procèdent au choix du candidatà l’élection présidentielle. La pratique futla plupart du temps différente et le leader« naturel » qu’était François Mitterrandse dispensa de la procédure en 1974, en1981 et en 1988. La légitimité du leader

rendait caduque la règlemême du parti. Toutchange lorsque s’ouvrel’après-Mitterrand. Lacrise du leadership so-cialiste et les affronte-ments récurrents entreLaurent Fabius, MichelRocard, Henri Emma-nuelli, Lionel Jospin,François Hollande, Sé-golène Royal, Domini-que Strauss-Kahn ren-dent inévitable la miseen place de primairesofficielles avant l’élec-tion présidentielle.

Des primaires rédui-tes aux seuls adhérentsseront ainsi organiséesen 1995 et 2002, et Lio-nel Jospin en sortiravainqueur. Le « choc »de la disparition du can-didat socialiste à l’issuedu premier tour de 2002et sa démission vontouvrir à nouveau uneprofonde crise du lea-dership dont le PS n’esttoujours pas sorti.L’élection primaire de

novembre 2006 verra s’affronter deuxcandidats qui cherchent à s’imposer dansl’après-Jospin (Laurent Fabius, Domini-que Strauss-Kahn) et l’outsider, portéepar les sondages, que représente SégolèneRoyal. Écartelé entre logique d’opinion etlogique partisane, François Hollande,premier secrétaire, renonce à participer àla compétition.

Ces élections de 2006 constituent lespremières primaires modernes du PS. Ellessont certes fermées, c’est-à-dire réservéesaux adhérents, mais l’ouverture d’une ad-hésion à prix réduit (20 euros) va élargir lecorps électoral en faisant voter plus de100 000 nouveaux adhérents. Une vérita-ble campagne interne est organisée, avecdébats télévisés et meetings régionaux de-vant les adhérents. Enfin, des règles codi-fient l’accès aux candidatures et les procé-dures de vote. La reine des sondages,Ségolène Royal, l’emportera haut la mainavec plus de 60 % des suffrages contre20,8 % à Dominique Strauss-Kahn et18,5 % à Laurent Fabius.

Comme en 1995, cette élection primairemarque la victoire de la démocratie d’opi-nion sur la démocratie d’appareil. Le poidsde l’image, du sondage et de la communi-cation prennent le pas sur la fidélité à unparti, l’investissement dans l’appareil et larhétorique militante. À l’horizon 2012, lePS cherche à stabiliser et peaufiner un sys-

tème de primaires qui lui permettra de dé-gager en son sein un leader incontesté.

La réflexion a été engagée dès aprèsl’échec présidentiel de mai 2007. Il s’agitpour le PS de codifier une « primaire à lafrançaise ». Pour cela, les yeux sont tour-nés à la fois vers les expériences passéesmais aussi vers les expériences étrangères.Sur ce dernier point, la fondation TerraNova, dont l’un des objectifs est de« parti-ciper à la rénovation de la social-démocra-tie » et dont nombre des soutiens appar-tiennent au Parti socialiste, a publié unetrès intéressante étude« Pour une primaireà la française »(Terra Nova, 2008) où sontrecensés les principaux types de primairesà l’œuvre pour sélectionner les candidats àla direction des affaires d’un pays.

À tout seigneur tout honneur, les États-Unis offrent un système de primairesouvertes, très compétitives et appliquéeschez les démocrates et chez les républi-cains. Ces « hyperprimaires » constituentune sorte de modèle idéal, entraînant uneforte participation, une vitalité du débatdémocratique et un renouvellement desélites dirigeantes dont témoigne la sélec-tion dans les primaires démocrates de Ba-rack Obama. Cependant, ces primaires ontleur face d’ombre : l’hyperpersonnalisa-tion, le poids de l’argent et l’allongementexcessif du temps de campagne.

Forces centrifugesEn Europe, au-delà des cas britannique ouespagnol, qui sont des exemples de pri-maires réservées aux seuls adhérents, l’in-térêt du PS se tourne vers l’Italie où, depuisl’implosion du système de partis dans lesannées 1990, la recomposition de la gauchetente de se faire autour d’un système deprimaires ouvertes à tous les partis de gau-che et touchant les adhérents mais aussi lesélecteurs sympathisants de ces partis.L’Italie a ainsi connu, à gauche, trois gran-des primaires en 2005, 2007 et 2009. Àchaque fois, elles ont mobilisé plusieursmillions d’électeurs (entre 3 et 4,5 mil-lions) et ont été le moyen d’exprimer ceque Marc Lazar* appelle une « jubilationparticipative ». Mais le même Marc Lazarnote qu’une primaire réussie ne garantit enrien la victoire aux élections et pas même lerenforcement de l’autorité sur son proprecamp du leader qui l’a remportée. Et ce finobservateur de la vie politique des deuxcôtés des Alpes relève plusieurs incertitu-des quant à l’importation du système ita-lien revu et corrigé dans l’Hexagone.

Première incertitude : les primaires se-ront-elles celles d’une coalition de partisou du seul PS ? Il semble bien que les pro-fondes divisions qui traversent la gaucheécartent la première hypothèse et que le PSne puisse organiser qu’un pluralisme aurabais avec la participation du Parti radicalde gauche et, éventuellement, du Mouve-ment républicain et citoyen.

Deuxième incertitude : les primairesitaliennes sont, la plupart du temps, uneratification par les électeurs d’accords desétats-majors des partis. En France, la pri-maire socialiste sera (et a été en 2006) unecompétition ouverte et très virulente.Quelles seront les traces laissées par cescombats fratricides au sein de l’électoratde gauche ?

Enfin, troisième incertitude : quelles se-ront les capacités du PS à organiser uneélection primaire ouverte incontestable,

avec des règles claires, un corps électoralbien délimité, un déroulement des votesirréprochable ? Le PS aura sur ce point àfaire de gros progrès par rapport à la pro-cédure de primaires fermées qui avaientété organisées pour élire la première se-crétaire à l’issue du congrès de Reims. Lesrésultats avaient été très contestés et enta-chés de nombreuses irrégularités.

Si le PS surmonte ces obstacles, il pourrabénéficier du soutien d’opinion que lesFrançais apportent, au-delà du clivagegauche/droite, à la procédure même desprimaires considérée comme un élémentde modernité et d’approfondissement dela démocratie. Il reste au PS à transformerce soutien d’opinion en véritable mobilisa-tion électorale. 31 % des sympathisantssocialistes se disent aujourd’hui tout à faitcertains d’aller voter dans des primaires.Cela représente un potentiel non négligea-ble d’environ 3 millions d’électeurs et n’aplus rien à voir avec les 177 000 adhérentsqui avaient participé au processus des pri-maires fermées en novembre 2006.

Tout l’art des primaires restera dans lacapacité du PS à maîtriser les forces centri-fuges que libère inévitablement une élec-tion primaire ouverte et compétitive. À unan de l’ouverture de la procédure des pri-maires, prévue pour le printemps 2011, ladispersion des choix des électeurs poten-tiels l’emporte sur toute dynamique cen-tripète : aucun des candidats tacites ou dé-clarés ne dépasse le quart des intentions devote des sympathisants socialistes. D’ici là,les sondages, les accords d’appareil etl’évolution du rapport de forces entre gau-che et droite modifieront certainement lespositions des principaux protagonistes.!* Professeur à Sciences Po.

Le regard des Français sur les primaires ouvertes

QUESTION : Etes-vous favorable à ce que les partispolitiques en France organisent des primaires ouvertes*afin de désigner leur candidat à l'élection présidentielle ?

25 %

Sources : OpinionWay, Terra Nova, Le Nouvel Obs 25-26 juin 2009

*C'est-à-dire un vote ouvert aux sympathisants de ce parti plutôtqu'un vote ouvert aux seuls adhérents

Ensembleélectorat

Total favorable

Total opposé

22% 54%

Tout à faitopposé(e)

Tout à faitfavorable

NSP

Plutôtfavorable

Plutôt opposé(e)

Sympathisants PS

14%7%

3%

Sympathisants UMP

77% 81%

22% 18%

Les élections primaires, clé de voûtede la modernisation du Parti socialiste

La désignation du candidat à l’élection présidentielle de 2012 cherche à résoudre la crise du leadership.

«Déstabilisé par trois défaites successivesaux élections présidentielles de 1995, 2002 et 2007,

le PS est à la recherche d’une procédurestable et efficace pour choisir son candidat»

Morceau de choix du rapportd’Arnaud Montebourg surla rénovation du parti, les modalitésde désignation du candidat socialisteà l’élection présidentielle ont étéprésentées hier au bureau national.Sans cesse remise sur le métier

depuis 1996, l’organisationdes primaires illustre le délicatrapport que la gauche entretientencore avec la personnalisationde la fonction présidentielle etles institutions de la Ve République.À l’exception de François Mitterrandqui avait relevé ce défi en revêtantles habits de la Ve République et avaitsu imposer au PS et à la gauche entièreun présidentialisme plus ou moinsidentifié à un « bonapartisme » honni.Avec l’après-Mitterrand s’ouvre

une ère d’instabilité et de contestationpermanente du leadership du parti.Le PS est ainsi transformé enune machine à perdre, par trois fois,l’élection majeure de la vie politiquefrançaise.Dans la compétition présidentielle

nécessitant d’abord de rassemblerles siens puis ensuite toute la gauche,cette crise de leadership s’avèreun « lourd handicap ». Elle fragilisela direction tant sur son programmeque sur la définition d’une stratégied’alliance claire. Pour gagner ainsigroupé, le PS doit désignerson candidat « avec des règles claires,un corps électoral bien délimitéet un déroulement des votesirréprochables ». En somme« codifier » ce que sera peut-êtreune « primaire à la française ».!

JOSSELINE ABONNEAU

LES PRIMAIRESFERMÉES DE 2006SUFFRAGES RECUEILLISPAR LES TROISPRÉTENDANTSÀ L’INVESTITURESOCIALISTE

60%pour Ségolène Royal

20,8%pour DominiqueStrauss-Kahn

18,5%pour Laurent Fabius

Page réaliséeen collaborationavec le centrede recherchespolitiquesde Sciences Po(Cevipof)Centre associéau CNRS et dirigépar Pascal Perrineau

étudesPOLITIQUESFigaro-Cevipof

«Avec la primairede 2006,

le poids de l’image,du sondage

et de la communicationprend le pas

sur la fidélité au parti,l’investissementdans l’appareilet la rhétoriquemilitante»

PAR PASCAL PERRINEAUDIRECTEUR DU CEVIPOF

Martine Aubry, Dominique Strauss-Kahn, Ségolène Royal et FrançoisHollande sont des candidatspotentiels à une primairesocialiste. S. SORIANO, J.-C. MARMARA,F. BOUCHON,/LE FIGARO

Page 24: Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

mardi 4 mai 2010 LE FIGARO

A18 débats

OPINIONSétudesPOLITIQUES

Figaro-Cevipof

Les listes du Front nationalont été choisies par2 223 800 électeurs au pre-mier tour des élections ré-gionales. Ce n’est pas undes meilleurs niveaux at-

teints par le FN en plus d’un quart de siè-cle d’existence électorale, c’est même leplus faible nombre d’électeurs jamais at-tiré par le FN lors d’élections régionales(cf. tableau 1).Cependant, 2010 marqueun retour à « l’existence politique » pourun courant qui était en voie de margina-lisation à l’issue des européennes dejuin 2009 (1 091 691 voix). En moins d’unan, le FN a réussi à « reprendre pied » età doubler ou presque son poids électoral :+ 1 132 109 électeurs.

Une carte de la dynamique du FN deseuropéennes de juin 2009 au premiertour et des régionales de mars 2010 mon-tre que, sauf de très rares exceptions, lacroissance du FN est particulièrementvigoureuse à l’est d’une ligne Le Havre-Montpellier(cf. carte).

Dans cette France orientale le Frontnational connaît des poussées sensible-ment supérieures à sa croissance natio-nale (+ 5,27 %). On retrouve dans cesterres tous les bastions du FN florissantdes deux décennies qui ont couru du mi-lieu des années 1980 au milieu des an-nées 2000 ainsi que les départements oùla dynamique de Nicolas Sarkozy avaitété particulièrement forte lors des deuxtours de l’élection présidentielle de 2007.Le FN a récupéré une partie de son élec-torat traditionnel et certaines « brebiségarées » du lepénisme qui avaient re-joint le troupeau sarkozyste ont fait dé-fection. Le FN plonge des racines fortesdans une France marquée par les gran-des concentrations urbaines, l’insécuri-té, l’immigration mais surtout la criseéconomique et sociale. Dans nombre derégions où le chômage est important et/ou le taux de pauvreté élevé, le FNconnaît une dynamique forte (Nord-Pas-de-Calais, Provence-Alpes-Côted’Azur, Champagne-Ardenne, Gard,Loire, Moselle…). C’est sur ce terrain du« vote de crise » que prospère électora-lement le FN, même s’il connaît desconcurrences quant à l’expression de cedésarroi : l’abstention et la gauche.

Reconquête dans les terresd’abstentionLes terres où le FN est de retour sont aus-si souvent des terres où l’abstention estélevée. Nombre d’électeurs plus oumoins proches du FN peuvent préférer laprotestation abstentionniste à celle quis’exprime dans les urnes. Mais aussi, leréenracinement du FN dans les couchespopulaires contribue à éroder la dyna-mique de reconquête de la gauche dansces milieux : plus la dynamique du FN estforte, plus celle de la gauche historique(de l’extrême gauche au PS) diminue(tableau 2). Certes, la droite modéréeperd beaucoup dans les terres de la trèsforte dynamique du FN mais ses pertessont également sévères dans les départe-ments où le FN ne progresse que très fai-blement.

La question de l’extrême droite n’estpas seulement une question politiqueposée à la droite, elle est aussi une ques-tion sociale posée à la gauche. L’examendes données du sondage OpinionWay

réalisé le 14 mars 2010 auprès d’un groséchantillon de 9 342 personnes va dans lemême sens : en milieu ouvrier, le FN estle deuxième parti avec 19 % des ouvriersayant choisi des listes du FN, 27 % deslistes du PS, 17 % des listes de l’UMP. LeFN atteint un niveau d’influence électo-rale supérieur à sa moyenne nationalechez les hommes (13 %), les jeunes (12 %chez les 18-24 ans), les 35-49 ans (15 %),les chômeurs (16 %), les artisans, com-merçants et chefs d’entreprise (12 %), lesemployés (15 %) et les ouvriers (19 %).On retrouve ainsi les grands « fonda-mentaux » de la sociologie de l’électoratfrontiste.

Politiquement, tout en gardant lenoyau dur qui lui restait aux européen-nes de juin 2009 (en 2010 90 % des élec-teurs frontistes de 2009 ont voté pourdes listes du FN), le FN a capté nombred’abstentionnistes (16 % des abstention-nistes de 2009 ont voté pour des listes duFN) mais aussi il a été pêcher des élec-teurs tous azimuts : 15 % des électeurssouverainistes qui avaient choisi les listesLibertas en 2009, 6 % de ceux quis’étaient tournés vers le Front de gauche,4 % de ceux qui avaient voté en faveurde l’extrême gauche, 4 % de ceux quiavaient rejoint les listes de l’UMP. Parrapport à l’élection présidentielle de2007, 8 % des électeurs de NicolasSarkozy ont voté en faveur des listes ré-gionales du FN. C’est, quantitativement,le courant électoral le plus importantfourni au regain du FN en 2010. La re-conquête des électeurs frontistes quiavaient rallié Sarkozy en 2007 est enta-mée, elle n’est pas cependant aboutie.Nombre d’électeurs de Nicolas Sarkozyse sont abstenus aux régionales : 50 % deson électorat a boudé les urnes (43 %seulement de celui de Ségolène Royal)même si l’abstention est encore plus im-portante dans l’électorat lepéniste de2007 (57 %).

Ce descellement de la base des élec-teurs frontistes ralliés à Nicolas Sarkozyen 2007 a été provoqué par une décep-tion de nombre de ces électeurs surprispar le nouveau cours de l’exercice dupouvoir présidentiel initié dès fin 2007,par les entraves mises par la crise écono-

mique à la réalisation des promesses liéesà la progression du pouvoir d’achat, au« travailler plus pour gagner plus », à lalibération de la croissance ou encore à larégression du chômage. Ces « ralliés ausarkozysme » ont pu également avoirl’impression que davantage de signauxétaient envoyés à la gauche de la majori-té qu’à sa droite ; un débat tardif, hâtive-ment organisé autour de l’identité natio-nale ne pouvait pas les persuader ducontraire. En même temps que l’offrepolitique de Nicolas Sarkozy évoluaitsous les contraintes de l’exercice dupouvoir et d’une crise économique et fi-nancière sans précédent, l’offre politiquedu lepénisme connaissait des réaména-gements.

« Lifting politique »La retraite du vieux leader du FN est an-noncée et la relève politique autour de safille devient un scénario crédible. Dès2008, Jean-Marie Le Pen avait dit qu’ilfaudrait des « circonstances exception-nelles » pour qu’il soit à nouveau candi-dat en 2012. La succession était ainsiouverte et sa fille, vice-présidente duparti depuis le congrès de novembre2007, a pu explicitement postuler à lasuccession. Implantée électoralementdepuis 2007 dans le Pas-de-Calais, Mari-ne Le Pen a également entamé un pro-cessus d’évolution de l’image frontisteoù, tout en renforçant la figure d’un partipopulaire implanté au cœur des difficul-tés économiques et sociales liées à la criseet à la globalisation, elle a tenté de mettreen scène un discours exempt de référen-ces sulfureuses à la Seconde Guerremondiale et à ses drames, jouant de réfé-rences au discours républicain (laïcité,patriotisme) et renforçant la composanteculturelle et non ethnique du discoursidentitaire (dénonciation de l’islamisa-tion, du bilinguisme).

Indépendamment de ces évolutions,Marine Le Pen garde les ressorts classi-ques du discours national-populiste telqu’il a été mis en place par son père, dis-cours où le populisme, comme l’écritPierre-André Taguieff, est« à la fois pro-testataire (au nom des “petits” contre les“gros”) et identitaire (l’appel au peuple sefixant sur l’identité ethnonationale suppo-sée menacée de destruction ou de souillu-re). »

En dépit de ces efforts de « lifting poli-tique », le FN reste un parti très large-ment impopulaire : 10 % seulement deFrançais en ont une bonne opinion enmars 2010 (Sofres, Figaro Magazine).Seuls 12 % de personnes interrogées sou-haitent, en avril 2010, que Jean-Marie LePen joue un rôle important au cours desmois et des années à venir. Maigreconsolation pour Marine Le Pen, ils sont14 % à penser de même pour elle. Pourl’instant, l’avantage comparatif en ter-mes d’influence électorale ou de popula-rité de la fille par rapport au père n’estpas évident. Son attraction de « prési-dentiable » vient d’être mesurée enmars 2010 (CSA, Grazia) : seuls 11 % de

Français considèrent qu’elle « ferait unebonne présidente de la République ».Elle retrouve les bases sociales et géogra-phiques du FN historique : 17 % des em-ployés, 14 % des ouvriers, 17 % des chô-meurs, 24 % des personnes vivant dansles régions du nord de la France, 19 % decelles vivant dans l’Est, pensent ainsi.

Enfin, jaugée dans un sondage d’in-tention de vote pour une élection prési-dentielle à la fin de mars 2010 (Ifop,Sud-Ouest, 25-26 mars 2010), Marine Le Penne fait pas beaucoup mieux que son pèreen 2007 (10,4 %) : elle est créditée de11 % des intentions de vote loin derrièreMartine Aubry (27 %) et Nicolas Sarkozy(26 %) et ne bouleverse pas le profil ha-bituel des électeurs frontistes. 15 % deshommes, 16 % des 18-24 ans, 26 % desartisans et commerçants, 21 % desouvriers déclarent aujourd’hui une in-tention de vote en sa faveur. Les femmes(7 %), les personnes âgées (10 % chez les65 ans et plus), les cols blancs (3 % chezles cadres supérieurs et professions libé-rales, 3 % chez les professions intermé-diaires) ne semblent pas très séduits parle « nouveau cours » initié par Marine LePen. L’extension électorale qui pourraitêtre liée à une certaine « dédiabolisa-tion » de la prétendante à la successionn’est pour l’instant pas sensible.

Guerre de successionL’éventuelle candidate frontiste restedavantage une « empêcheuse de tourneren rond », une « minorité de blocage »pouvant rendre plus difficile l’agrégationdes voix de droite qu’une nouvelle donnebouleversant les rapports de forces.D’autant plus que le sensible regain élec-toral des régionales ne doit pas cacher lesdifficultés du FN dans les mois et les an-nées à venir. Celui-ci a perdu un nombreimportant de conseillers régionaux (de156 en 2004 ils sont tombés au niveau de

118 en 2010). Cette quarantaine d’élusrégionaux manqueront beaucoup au fu-tur candidat frontiste lorsqu’il partira àla recherche des 500 signatures d’éluslocaux nécessaires pour se présenter àl’élection présidentielle.

La guerre de succession, larvée jus-qu’alors, est explicitement ouverte ; lebureau politique du FN ayant décidé le12 avril dernier que le successeur deJean-Marie Le Pen à la tête du parti seraitdésigné lors du prochain congrès des 15et 16 janvier 2011. Même si Marine Le Penet Bruno Gollnisch affirment le contrai-re, on sait que les débats peuvent vitetourner à l’aigre au sein du FN et prendrel’allure de déchirements fratricides.Ceux-ci laissent des traces bien au-delàde l’appareil. Déjà, en 1998, l’affronte-ment entre Bruno Mégret et Jean-MarieLe Pen avait profondément déstabilisél’électorat. Il peut en être de même de-main. Enfin, la succession, réussie ounon, laissera dans l’ombre la redoutablefigure du Commandeur qu’est Jean-Ma-rie Le Pen et n’accordera qu’un espaceténu à l’invention d’un nouvel espacepolitique par sa fille.!

+ 4 à + 5,3

-2,9 à + 4

Pertes ou gains,en %

+ 5,3 à + 6,5

+ 6,5 à + 11

1986 9,56 7,12

9,11

8,30

8,69

5,09

13,90

15,01

14,79

11,42

1992

1998

2004

2010

ÉVOLUTION DU FRONT NATIONALentre les élections européennesde 2009 et les élections régionalesde 2010 (au second tour)

LE FRONT NATIONAL DANS LES ÉLECTIONS RÉGIONALES DE 1986 À 2010au premier tour

DYNAMIQUE DU FRONT NATIONAL ENTRE LES ÉLECTIONS EUROPÉENNES DE 2009ET LES ÉLECTIONS RÉGIONALES DE 2010, ET ÉVOLUTION DES AUTRES FORCESau premier tour, en %

Source : Cevipof

Nombre de voix

Dynamique du Front national

Évolution de la droitemodérée*

*UMP

et di

vers

droit

e

Évolutionde la gauche

sans les Verts

% des su!ragesexprimés

% des inscrits

de très faible dynamique

de faible dynamique

de forte dynamique

de très forte dynamique

Ensemble France métropolitaine

2 658 500

24 départements + 2,22+ 4,08+ 5,70+ 7,75+ 5,27

+ 14,84 - 7,59

- 6,40

- 7,41

- 8,43

- 7,37

+ 13,11

+ 11,52

+ 9,43

+ 12,23

24 départements

24 départements

24 départements

3 371 6243 271 402

3 564 0592 223 800

En doublant son audience en unan, l’extrême droite renoue avec la reconquête des « brebis égarées » du sarkozysme.Front national:un regainde vitalité fragile

ÉTUDE Le redressement du Frontnational aux élections régionalesillustre la capacité de l’extrême droiteà s’imposer à nouveau dans l’arènepolitique, avec un objectif majeur,jouer les trouble-fête à l’électionprésidentielle de 2012.

En voie de marginalisationil y a moins d’un an, le FN bénéficiedu« descellement de la base des électeursfrontistes ralliés à Nicolas Sarkozyen 2007 ».Provisoire pour l’heure.Pascal Perrineau montre que« la recon-quête est bien entaméemais (qu’)ellen’est pas encore aboutie »,beaucoupd’électeurs frontistes se maintenantdans le camp des abstentionnistes.Il ajoute :« La question de l’extrêmedroite n’est pas seulement une questionpolitique posée à la droite, elle est aussiune question sociale posée à la gauche. »

Toutefois, le retour en force du FNpar la consolidation de son audienceélectorale se heurte à plusieursobstacles. Les opérationsde« dédiabolisation »ou de« liftingpolitique »ne parviennent pas à élargirl’assise électorale frontiste au-delàses bases géographiques et socialeshistoriques. Même l’annonce pourjanvier 2010 du passage de relaisde Jean-Marie Le Pen à Marine, sa fille,n’y fait rien. Malgré ses succèsélectoraux dans le Nord-Pas-de-Calais,« la prétendante à la succes-sion »ne bouleverse pas les rapportsde force mais rend« simplement plusdélicate l’agrégation des voix dedroite ».En outre, la compétition entreBruno Gollnisch et l’héritière peutse muer en déchirements fratricidesdéstabilisant un électorat marqué parl’affrontement Maigret-Le Pen de 1998.

JOSSELINE ABONNEAU

« Le FN plonge des racines fortes dans une Francemarquéepar les grandes concentrations urbaines, l’insécurité,l’immigrationmais surtout la crise économique et sociale»

«Marine Le Pengarde les ressorts

classiquesdu discours nationalpopuliste tel qu’ila été mis en placepar son père»

EUROPÉENNES 2009/RÉGIONALES 2010 :ÉVOLUTIONDE L’ÉLECTORAT FNEN MARS DERNIER, LE FRONTNATIONAL A CAPTÉ

90 %de son électoratdes européennesde juin 2009

16 %des abstentionnistes

15 %des souverainistes

6 %du Front de gauche

4 %de l’extrême gauche

Page réaliséeen collaborationavec le centrede recherchespolitiquesde Sciences Po(Cevipof)Centre associéau CNRS et dirigépar Pascal Perrineau

PAR PASCAL PERRINEAUDIRECTEUR DU CEVIPOF

Page 25: Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

mercredi 24 mars 2010 LE FIGARO

A14 débats

OPINIONS

V ictoire historiquepour la gauche »,« retour en forcedu FN », « défaiteen rase campagnepour la majori-

té ». Pour juger de la pertinence de cesinterprétations des élections régionales,il faut revenir en détail sur la séquence2007-2010 et prendre l’exacte mesuredes mouvements qui ont redistribué enprofondeur les cartes électorales. Pourcela, il est nécessaire de partir d’uneanalyse des évolutions en nombre devoix de 2007 à 2010 pour ensuite, à l’aided’un sondage OpinionWay (1) saisir leprofil des flux d’électeurs qui ont changéd’orientation électorale au cours de lapériode.D’abord, quelques chiffres simples

pour cerner l’ampleur des mouvementsde l’électorat. Au premier tour del’élection présidentielle de 2007, NicolasSarkozy rassemblait 11 448 663 élec-teurs. Trois ans plus tard, au premiertour des élections régionales, les listesde l’UMP associées au Nouveau Centreet quelques autres alliés en attirent seu-lement 5 066 942. Plus de 6,3 millionsd’électeurs manquent à l’appel. Onpourrait avoir l’impression que seull’électorat du président a connu unetelle attrition. Il n’en est rien. La pre-mière impression doit être tempérée parle constat d’une érosion très forte desélecteurs de François Bayrou, de ceuxde Jean-Marie Le Pen et même de ceuxde Ségolène Royal : au cours des mêmestrois années, François Bayrou a perduplus de 6 millions d’électeurs, Jean-Marie Le Pen plus de 1,6million et Ségo-lène Royal près de 3,9millions.Cette redistribution électorale ma-

jeure est la même si l’on retient les se-conds tours : la gauche rassemblait16,8 millions d’électeurs au second tourde l’élection présidentielle de 2007, ellen’en capte plus qu’environ 11,5 millionsau soir d’un second tour régional victo-rieux, soit presque 5,3 millions demoins. L’électorat sarkozyste de secondtour était en 2007 de presque 19millions,il est aujourd’hui de 7,5millions soit uneperte de 11,5 millions. Même en y rajou-tant tout ou partie des presque 2millionsd’électeurs frontistes du second tour ré-gional, la fonte électorale des droites esttrès sévère : plus de 9 millions d’élec-teurs de droite se sont évaporés. La seulegagnante de cette extraordinaire redis-tribution est l’abstention, qui a pro-gressé du second tour de 2007 à celui de2010 de plus de 14millions d’électeurs.Ces élections régionales ont agi com-

me une véritable « centrifugeuse » surles électorats des quatre candidats arri-vés en tête du scrutin de 2007. L’usuredu pouvoir, la crise économique et fi-nancière, la réapparition d’un mouve-ment profond de défiance politique, lesdifférences majeures d’enjeux d’uneélection à l’autre sont les éléments fortsde ce grand remue-ménage électoral.

Les déceptions, les inquiétudes, les mé-fiances, mais aussi les attentes nou-velles, les espoirs, les appréciationsd’autres lieux politiques (l’Europe en2009, la région en 2010) que le lieu na-tional ont engendré des déplacementsprofonds des lignes du partage électoral.Ces vastes mouvements d’électeurs ontprofité essentiellement à deux forces :celle de l’abstention qui attire plus de16,2 millions d’électeurs par rapport àl’élection de 2007 et celle de l’écologiepolitique qui agrège plus de 1,3 milliond’électeurs à son socle de 2007. Certainsont perdu plus que d’autres mais tousont nourri le développement d’un im-mense corps électoral muet de plus de23millions d’électeurs (et encore de plusde 21 millions d’électeurs lors du secondtour des régionales).

Les lignes des reconquêtesNombre de ces « silencieux de la politi-que » reprendront la parole lors de laprochaine échéance présidentielle de2012. Dans quel sens s’opérera leur re-tour à la politique ? Que seront devenusces deux à trois millions d’électeursécologistes qui, depuis juin 2009,constituent la troisième famille politi-que française ? Dans quelle mesure lescandidats des grands partis reprendrontleur emprise électorale sur ceux qui lesont quittés ? Que restera-t-il de cettepulsion abstentionniste qui a saisi l’im-mensemajorité du corps électoral ? Quepèsera l’incontestable domination de lagauche sur la scène régionale quandtous les feux seront braqués sur la scènenationale et présidentielle ?Il est trop tôt pour répondre à toutes

ces questions. Mais l’on peut éclairer lesitinéraires empruntés depuis trois anspar les électeurs afin de prendre la me-sure des blocs électoraux à partir des-quels se construiront les succès et lesdéfaites électorales de demain. Aujour-d’hui, personne ne peut pavoiser : le PSa rassemblé 13 % des électeurs inscritsau premier tour, l’UMP 11,6 % le FN5,1 %, le Front de gauche 2,6 %, leMoDem 1,9 % et même la force mon-tante, Europe Écologie, n’a entraîné que5,4%. Les gauches ont capté 23,9% desélecteurs inscrits, les droites 17,7 %, lesautres forces (dont le MoDem) 3%. Ausecond tour régional, les gauches ontcapté 26,4 % des inscrits, les droites21,77 % (17,29 % pour la droite parle-mentaire, 4,48 % pour le FN). On estloin des niveaux avec lesquels on gagneun second tour d’élection présidentielle(pour la droite : 39,4 % d’inscrits pourJacques Chirac en 1995, 42,7 % pourSarkozy en 2007 ; pour la gauche :40,2 % pour Mitterrand en 1981 et43,8% en 1988.Le seul vainqueur « toutes catégo-

ries » est le camp de l’abstention avec53,64 % des inscrits auquel on peutajouter les électeurs qui ont choisi levote blanc ou nul (1,7 %). Au secondtour, ce camp a capté 51,12 % des ins-crits (48,78% pour l’abstention, 2,34%pour les blancs et nuls). Comment enest-on arrivé là, quand il y a à peinetrois ans, on se réjouissait du retour desFrançais aux urnes (16,23 % d’absten-tionnistes au premier tour et seulement16,03% au second tour de la présiden-tielle) ?

L’enquête OpinionWay apporte deséléments de réponse traçant les lignesdes reconquêtes et des fidélisationsélectorales qui feront la décision de2012. L’électorat de « sarkozyste » asouffert aux régionales d’un très fortmouvement d’abstention (50 % de ce-lui-ci a boudé le premier tour, 41 % lesecond) alors que l’électorat « roya-liste » a été moins touché (44 % aupremier tour, 33 % au second). Ladroite dispose donc de réserves électo-rales dans l’abstention supérieures àcelles dont bénéficie la gauche. Cetélectorat sarkozyste qui campe dansl’abstention a un profil particulier : ilest davantage féminin, populaire et ac-tif que la moyenne de celui-ci. Encorefaut-il que la majorité trouve dans lesmois qui viennent les thèmes qui per-mettront le retour de ces abstention-nistes vers les urnes et le vote en faveurde la droite. L’électorat de Bayrou apayé un fort tribut à l’abstention : 51 %de celui-ci ne s’est mobilisé ni au pre-

mier, ni au second tour des électionsrégionales.Une part non négligeable des élec-

teurs « sarkozystes » a pratiqué l’infidé-lité électorale. Au premier tour des ré-gionales, 4 % ont voté pour le FN, 4%pour une liste d’Europe Écologie, 3 %pour une liste du PS. Au second tour,5 % ont choisi la gauche, 5% le FN. Lestransfuges vers la gauche sont davantagedes hommes, des jeunes, des actifs et descouches populaires que la moyenne del’électorat sarkozyste. Les transfugesvers le FN sont massivement des hom-mes, des personnes de 60 ans et plus etdes couches populaires. Cette sociologiedessine les contours des populationsélectorales qui sont entrées en disgrâceavec le sarkozysme. L’infidélité électo-rale, même si elle est présente au sein del’électorat de « royaliste », est nette-ment moins forte à gauche : 3 % seule-ment de cet électorat a choisi d’autreslistes que celles de la gauche au premiertour des régionales, 2 % seulement ausecond tour. En revanche, l’infidélité estdevenue une norme dans l’électorat deFrançois Bayrou : 7 % seulement de ce-lui-ci a choisi une liste MoDem au pre-mier tour des régionales, 12 % sont allésà droite, 11 % à Europe Écologie et 15%àgauche. Il ne reste alors presque plusrien de l’électorat de « l’hypercentre »dont rêvait le patron duMoDem.L’abstention et l’infidélité ont touché

tous les électorats mais à des degrés di-vers. Le MoDem de Bayrou a été le plusatteint par ces deux processus, ce qui aentraîné sa quasi-disparition du pay-sage politique des régionales. Nicolas

Sarkozy en a beaucoup souffert et voilàla droite régionale réduite à la portioncongrue. L’électorat de « royaliste » aété davantage épargné, permettant à lagauche de sortir victorieuse.Ces infidélités électorales et ces retraits

abstentionnistes peuvent être passagers,mais pour que les forces de la droite par-lementaire, du MoDem et, dans unemoindre mesure, de la gauche socialisteretrouvent une assise électorale solide, ilfaut qu’elles parviennent à reconstruiredes loyautés durables, reconquérir lescœurs et faire tomber les retraits bou-deurs. C’est une tâche difficile, mais pasimpossible dans le temps bref de l’hori-zon 2012. Le moment présidentiel peutêtre celui de ces reconquêtes.!

49%

65%

41%

33% 51%

26%

5% 5%

7%

2%1%1%

10%

… de Nicolas Sakozy

… de Ségolène Royal … de François Bayrou Sour

ce : O

pinion

Way

(1)

Listes du de l'UMP

Listes du FN

Abstentions, blancs et nuls

Listes de gauche

Listes du MoDem

Présidentielle 2007, régionales 2010 :le parcours des électeurs…

VOTE AU 2e TOURDES RÉGIONALES,

EN %

VOTE AU 2e TOURDES RÉGIONALES,

EN %VOTE AU 1er TOURDES RÉGIONALES,

EN %

sexeHommes

Femmes

Age18-24 ans

25-34 ans

35-49 ans

50-59 ans

60 ans et plus

C.S.P. interviewéeArtisans, commerç., chefs d'ent.

Cadres, prof. intellect. sup.

Prof. intermédiaires

Employés

Ouvriers

Retraités

StatutActifs

Inactifs

AbstentionnistesUMP-NC MoDemFN PSEurope Éco.

64

36

17

17

25

18

23

5

8

13

12

26

29

71

29

De l’UMPau PS

16,2325,7415,338,6221,362,28

Présidentielle1er tour (2007)

53,6711,611,875,0913,005,43

Régionales1er tour (2010)

+ 37,44-14,13-13,46- 3,53- 8,36+ 3,15

Évolution

AbstentionnistesUMP-NC FN PS

16,0342,68 —37,75

Présidentielle2e tour (2007)

48,7817,294,4826,42

Régionales2e tour (2010)

+ 32,75-25,39 —- 11,33

Évolution

73

27

3

24

23

5

45

2

6

9

13

20

51

49

51

De l’UMPau FN

42

58

10

22

31

10

27

4

9

14

23

10

32

63

37

De l’UMPà l’abst.

48

52

10

16

25

13

36

6

9

13

15

8

40

52

48

Ensembleélecteurs

eAU FP

3%7%

22%%%1%10%

65% VD

49%% VOTDES

LE PROFIL DES TRANSFUGES ÉLECTORAUXDU SARKOZYSME, DE 2007 À 2010

LES MOUVEMENTS DES ÉLECTEURSSUR 100 ÉLECTEURS AU 1ER TOUR DE LA PRÉSIDENTIELLE 2007

en %

en %

en %

2007-2010: l’évolution des électoratsAnalyse du parcours des électeurs de Sarkozy, Royal, Bayrou et Le Pen depuis trois ans.

ETUDE Les élections régionalesont été marquées par la volatilitéd’un électorat qui, au fil des scrutinsfait de l’abstention un acte civique.« Depuis trois ans, date du premier tourde l’élection présidentielle, plusde 6,3 millions d’électeurs manquentà l’appel », souligne Pascal Perrineauqui analyse la fonte et la recompositiondes socles électoraux de NicolasSarkozy, Ségolène Royal, FrançoisBayrou et Jean-Marie Le Pen. Pourle directeur du Cevipof, la dernièreconsultation a agi comme« unecentrifugeuse »sur les électoratsdes quatre candidats arrivés en têtedu scrutin de 2007 dessinant quelqueslignes de recomposition politique.Le « zapping des urnes » a

principalement affecté l’électoratde Nicolas Sarkozy : un électeursur deux au premier tour et 41%au second, contre 44 % et 33 %pour l’électorat de Ségolène Royal.En somme, la gauche amoins deréserves électorales que la droite,celle-ci étant maintenant mise au défide trouver les thèmes pour convaincreles sarkozystes silencieux de reveniraux urnes en 2012.En outre, l’électeur français se révèle

un adepte de l’infidélité partisane quitouche tous les partis. Cumulée avecl’abstention, elle efface du paysagepolitique régional le MoDem.L’étude d’OpinionWay pour

Le Figaromontre ainsi la quasidisparition de « l’électorat del’hypercentre » dont rêvait FrançoisBayrou. Épargnant la gauche,l’infidélité partisane a aussi durementfrappé l’électorat de la majorité.Autant dire que la présidentiellede 2012 se place déjà dans l’ardenteobligation de la reconquête.

JOSSELINE ABONNEAU

« L’infidélité est devenue une norme dans l’électoratde François Bayrou : au premier tour des régionales,12 % sont allés à droite, 11 % à Europe Écologieet 15 % à gauche. Il ne reste presque plus rien de l’électoratde “l’hypercentre” »

«La seule gagnantede cette extraordinaire

redistributionest l’abstention, qui aprogressé du secondtour de 2007 à celuide 2010 de plusde 14 millionsd’électeurs»

PAR PASCALPERRINEAU

directeur du Cevipof

Page réaliséeen collaborationavec le centrede recherchespolitiquesde Sciences Po(Cevipof)Centre associéau CNRS et dirigépar Pascal Perrineau

RÉGIONALES 2010VOIX RECUEILLIESAU PREMIER TOURPAR LES LISTESEN POURCENTAGEDES INSCRITS

13 %pour le PS

11,6 %pour l’UMP

5,1 %pour le FN

1,9 %pour le MoDem

VOIX RECUEILLIESAU SECOND TOUR

26,4%pour les gauches

13 %pour les droites

étudesPOLITIQUESFigaro-Cevipof

«

(1) Enquête OpinionWay du 21 mars 2010 surun échantillon de 8 297 personnes représenta-tives, de 18 ans et plus, inscrites sur liste élec-torale ; méthode des quotas ; critères : sexe,âge, CSP, agglomération, région de résidence ;interrogées en ligne système Cawy.

Page 26: Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

mardi 23 février 2010 LE FIGARO

A16 débats

OPINIONS

Après la brillante percéeélectorale effectuée parEurope Écologie lors desélections européennesde juin 2009 (16,3 %, à0,2 point derrière les

socialistes), les élections régionales demars 2010 vont être une épreuve devérité.

Jusqu’à maintenant l’écologisme estresté une force marginale ou une forced’appoint. Force marginale, depuis sonapparition sur la scène électorale aumilieu des années 1970, marginalitéentrecoupée de poussées de fièvreéphémères : 10,6 % aux élections euro-péennes de 1989, presque 15 % pourdes listes concurrentes aux régionalesde 1992, plus de 11 % aux européennesde 1999 (9,7 % pour la liste emmenéepar Daniel Cohn-Bendit et 1,5 % pourcelle dirigée par Antoine Waechter).Force d’appoint, depuis l’accord politi-que signé entre la direction des Verts etle Parti socialiste en janvier 1997 quimet fin à la voie d’autonomie pourl’écologisme et marque son inscriptiondans un statut d’allié dominé au sein dela coalition des gauches.

« Tutoyer les grands »L’excellent score atteint aux dernièresélections européennes par Europe Éco-logie, et plus largement par l’écologis-me (19,9 %, si l’on additionne les voixdes listes d’Europe Écologie et cellesd’Alliance écologique indépendante), apu donner l’impression que pour lapremière fois, en presque quatre dé-cennies, l’écologisme pouvait sortir deson statut de marginalité politique pourvenir « tutoyer les grands ». En effet,en juin 2009, Europe Écologie a dépas-sé la barre des 10 % dans l’ensembledes 22 régions métropolitaines, celledes 15 % dans 10 régions et a devancéle Parti socialiste dans 8 régions (Alsa-ce, Bretagne, Corse, Ile-de-France,Languedoc-Roussillon, Pays de la Loi-re, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Rhô-ne-Alpes). Alors qu’en 2004 l’écologis-me des Verts ne s’était compté à partque dans 8 des 22 régions et était asso-cié à tout ou partie de la gauche institu-tionnelle dans 14 régions, en 2010, lesuccès électoral des dernières euro-péennes a fait redécouvrir les charmesde l’autonomie : dans l’ensemble desrégions (sauf la Corse), Europe Écologiepart seul au combat des régionales.

Pour l’instant, les sondages d’inten-tions de vote donnent des listes d’Eu-rope Écologie dominées, dans la plu-part des cas, par les listes PS. Dans uneenquête réalisée par la Sofres début fé-vrier, les listes Verts Europe Écologiesont créditées de 13 % d’intentions devote contre 28 % pour les listes du PS.Les listes écologistes gardent 44 % de

présider aux destinées des régions. UnPS lesté de sa légitimité de parti depouvoir local, auquel bien souvent lesécologistes ont été associés depuis2004, reprend alors l’avantage. Autant,sur la scène des européennes, les éco-logistes, sous la houlette de Daniel Co-hn-Bendit, ont su incarner une euro-philie de bon aloi face à un PS ambiguet essoufflé, autant la scène des régio-nales ne leur donne pas la même visibi-lité et le même parfum de renouveau.Le PS creuse ainsi l’écart avec les éco-logistes, particulièrement chez les plusde 50 ans, les cadres supérieurs et lescadres moyens.

Dans la concurrence que se livrent,depuis de longues années, écologisteset socialistes auprès des classes moyen-nes salariées, les seconds reprennentl’avantage alors qu’ils avaient étéoutrageusement dominés, il y a quel-ques mois. En juin 2009, 32 % des ca-dres et professions intellectuelles ontchoisi Europe Écologie (contre 15 %seulement qui se sont tournés vers lePS) ; 24 % des professions intermédiai-res ont fait de même (contre 21 % pourle PS). Début février 2009, 15 % seule-ment des premiers et 15 % des secondsont l’intention de voter en faveur deslistes d’Europe Écologie. 30 % des pre-miers et 33 % des seconds déclarentleur intention de se porter vers les listesdu PS. En juin 2009, Europe Écologie adevancé largement le PS et atteint dessommets dans toutes les grandes ré-gions où le secteur tertiaire est écrasant(Ile-de-France : 20,9 % contre un PS à13,6 % ; Rhône-Alpes : 19,6 % contre15,4 %). Dans toutes les grandes villesuniversitaires (Grenoble, Toulouse,Montpellier…), il a dominé sans partagele PS. Cet électorat de cols blancs, decitoyens à haut niveau de diplôme, estle type même de l’électorat infidèle et

mobile. Auprès de cet électorat parti-culièrement volatil, les changementsde conjoncture politique, d’enjeux etde paysage institutionnel ont tout leurpoids. Depuis juin 2009, la conjoncturea changé, le PS semble s’extraire de lapériode de crise qu’il traverse depuis sadéfaite de 2007. Peu à peu, MartineAubry s’impose comme leader del’électorat de gauche. Les enjeux natio-naux et locaux font leur retour, éloi-gnant un enjeu européen sur lequell’écologisme apparaissait comme uneavant-garde. Dans le baromètre despréoccupations des Français (Sofres-LaCroix, 20 janvier-1er février 2010), les

préoccupations sociales (chômage,emploi, financement des retraites) sonten très forte hausse, les enjeux relatifs àl’environnement et à la pollution sonten baisse. Enfin, l’institution régionalebénéficie d’une cote de confiance biensupérieure à celle de l’Europe. En dé-cembre 2009 (baromètre de confiancepolitique Sofres-Cevipof-Edelman-Institut PMF), 64 % des sondés décla-rent avoir confiance dans le conseil ré-gional, l’Union européenne n’attire laconfiance que de 44 %.

Changementde la structure de classeL’écologie comme force politique a étéportée par l’affirmation d’un nouveauclivage entre « matérialistes » et« postmatérialistes », où les enjeux del’autonomie, de l’identité, du libéralis-me culturel ont été souvent incarnés parles Verts. Cette évolution a été accom-pagnée par un changement de la struc-ture de classe avec le développementdes classes moyennes, des personnesemployées dans les services, des profes-sions intermédiaires, des étudiants…

Cependant, les liens qui se sont tissésentre l’écologisme et ses électeurs sontrelativement faibles, labiles, et n’attein-dront jamais la force de ceux qui unis-saient jadis les partis établis à leurs élec-torats captifs. La dynamique d’EuropeÉcologie s’est abreuvée à plusieurs sour-ces : 20 % des électeurs qui avaientchoisi Olivier Besancenot en 2007 ontvoté pour les écologistes en 2009, 20 %de ceux de François Bayrou, mais sur-tout 27 % de ceux de Ségolène Royal. Lesélecteurs vont et viennent, particulière-ment entre le pôle écologiste et le PS qui,sur le terrain du « libéralisme culturel »et des demandes spécifiques à la « bour-geoisie bohème » des cols blancs, rede-vient compétitif. Le 22 novembre 2009,

Martine Aubry défend le mariage deshomosexuels et leur droit d’adopter. Le12 janvier 2010, elle ressort la proposi-tion d’accorder le droit de vote aux im-migrés lors les élections locales.

Pour les régionales, la performanced’Europe Écologie dépendra, d’unepart, de sa capacité à enrayer la recon-quête socialiste de ces couches socialeset culturelles et, d’autre part, du pou-voir d’attraction d’Europe Écologiechez des électeurs séduits par un« centrisme de substitution » à l’heureoù gauche instituée et droite instituéefont l’objet d’une profonde crise deconfiance. !

ÉTUDE Dopée par son score à deuxchiffres aux élections européennes,la formation Europe Écologies’est lancée dans le pari risquéde l’autonomie pour les électionsrégionales.

L’objectif est clair, il a toujourstaraudé la formation écologiste :en rompant son pacte de coalitiondes gauches de 1997, Europe Écologiecherche à soustraire définitivementau Parti socialiste une fractionde son électorat des classes moyennes,les cols blancs et cette « bourgeoisiebohème » toujours séduitepar les campagnes du charismatiquesoixante-huitard, Daniel Cohn-Bendit.

Toutefois, en l’état actuel des étudesd’opinion, les « petits hommes verts »d’Europe Écologie ne semblentpas au meilleur de leur forme pour« plumer » la volaille socialiste quiles a toujours traités« en forced’appoint »et en« alliés dominésau sein de la coalition des gauches ».

Certes, ils ont cogéré avec la gaucheet le Parti socialiste en particulier,les régions. Ils n’en ont tiré jusque-làque peu d’avantage, à l’exception nonnégligeable pour cette formationpolitique de postes visibles au seindes exécutifs régionaux. Par ailleurs,ils ont perdu le monopole du dévelop-pement durable. Cette, thématiqueinnerve désormais tous les partis.

Aujourd’hui, la conjoncture sembleredonner de l’allant au boa socialistequ’Europe Écologie devra charmerau second tour pour engrangerquelques bénéfices de ses performancesélectorales en dents de scie. Ce n’est paslà, la voie royale pour jouer les premiersrôles ni la meilleure assurancepour s’enraciner durablement dansle paysage politique.!

JOSSELINE ABONNEAU

AUX ÉLECTIONSEUROPÉENNESSCORES RECUEILLIS PARLES LISTES ÉCOLOGISTES

10,6 %des suffrages en 1989

11 %au scrutin de 1999

19,9 %des voix en 2009

Page réaliséeen collaborationavec le Centrede recherchespolitiquesde Sciences Po(Cevipof)Centre associéau CNRS et dirigépar Pascal Perrineau

leur électorat de 2009, 30 % de celui-cirevenant vers le PS, 9 % vers la gauchede la gauche, 9 % vers la droite, 6 %vers l’Alliance écologiste indépendanteet 2 % vers le MoDem. Europe Écologiesemble être victime d’un « vote utile »qui bénéficie essentiellement au PS. In-dépendamment du bilan des exécutifssocialistes sortants, objet d’une appré-ciation plutôt positive (selon la Sofres,69 % des personnes interrogées consi-dèrent que « le bilan du conseil régionalest satisfaisant »), les listes d’EuropeÉcologie pâtissent d’un « défaut degouvernementalité » : interrogés les 13et 14 janvier par OpinionWay, 57 % desélecteurs considèrent qu’Europe Éco-logie n’est « pas capable de diriger unerégion en France ». Ils sont 75 % à pen-ser de même parmi les sympathisantsde l’UMP, 60 % parmi ceux du Mo-Dem, mais aussi 55 % parmi ceux duPS. Un électorat qui avait pu être séduitpar la nouveauté d’Europe Écologielors des européennes de 2009, par sonmessage européen clair et sa capacité àporter celui-ci au sein du Parlementeuropéen ne lui renouvelle pas saconfiance quelques mois plus tard pour

PAR PASCALPERRINEAU

directeur du Cevipof

« L’écologie commeforce politique a été

portée par l’affirmationdans nos sociétés

d’un nouveau clivageentre “matérialistes”et “postmatérialistes”

où les enjeuxde l’autonomie,de l’identité,

du libéralisme culturelont été souventincarnés parles Verts»

L’«écologisme» à l’épreuve des régionalesEn concurrence avec les socialistes, Europe Écologie peine à s’affirmer comme une force politique autonome.

1974

1979

1986 1992 1998 2004

1984 1989 1994 1999 2004 2009

1981 1988 1995 2002 2007

Qui a voté Europe Écologie en juin 2009…

… dont vote au 1er tour de la présidentielle de 2007

... les socialistesdevancent les écologistes

… régions où...... les écologistesdevancent les socialistes

Aux européennesde 2009…

L’écologisme électoral depuis 1974 *PRÉSIDENTIELLE

Olivier Besancenot

Abstention,blanc, nul

sans réponse

Marie-George Bu!et Ségolène Royal

Source : Sondage jour du vote, 7 juin 2009, Sofres

François BayrouNicolas Sarkozy Jean-Marie Le Pen

EUROPÉENNES

RÉGIONALES

2007

200420042004

2002

199919991999

1995

199419941994

1988

198919891989

199819981998

1981

198419841984

19921992

S

1974

197919791979

198619861986

200920092009

1,3 %

4,4 %

2,4 %

14,7 %8,4 %

-

6,7 %

10,6 %

5 %

10,2 %7,4 %

19,9 %

3,9 % 3,8 % 3,3 %

7,1 %

15 %

17 %

18 %

20 %

22 %24 %16 %8 %

7 %

10 %

15 %

23 %

16 %

32 %

24 %

24 %

13 %

8 %

16 %

1,6 %

Hommes Sans diplôme,certificat d'études

BEPC, CAP, BEP

Baccalauréat

Enseignementsupérieur

Cadre, professionintellectuelleProfessionintermédiaireEmployé

Ouvrier

Retraité

Artisan, commerçant,chef d'entreprise

18-24 ans25-34 ans35-49 ans50-64 ans65 ans et plus

Femmes

Niveau de diplômeProfession du chef de ménageEnsemble

de l'électorat

*sont compris dans les pourcentages ceux de tous les courants écologistes (par exemple en 2009 : Europe Écologie et Alliance écologique indépendante). **en 2004, les Verts sont alliés avec le PS dans 14 régions, ils sont alliés à d'autres mouvements dans 4 et ne se présentent seuls que dans 6 régions. Une comptabilisation nationale de l'influence de l'écologisme n'est donc pas possible.

**

118-2425-335-450-6

Ho

Fe

QEnseseemmblEnsEnseEnsemblde l électde l'électEEEdd

2 %20 % 26 % 87 %

20 % 4 % 0 %

Dominique Voynet

« Le PS creuse l’écart avec les écologisteschez les plus de 50 ans,les cadres supérieurs et les cadres moyens»

étudesPOLITIQUESFigaro-Cevipof

Page 27: Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

mardi 2 février 2010 LE FIGARO

A16 débats

OPINIONS

Les prochaines élections ré-gionales ne passionnentpas. Et l’abstention risqued’atteindre en mars denouveaux records. À six se-maines du scrutin, un

Français sur deux paraît disposé à resteren dehors de la décision électorale(CSA). Cet indicateur de tendance doitêtre pris avec précaution tant l’électeurest devenu imprévisible. Néanmoins,bien des signes laissent penser que cesélections ne connaîtront pas une inver-sion de tendance comparable à cellequ’avaient enregistrée les régionales de2004 par rapport à 1998. Premièresconsultations des Français après le séis-me électoral de 2002, le scrutin avaitalors suscité une forte participation desFrançais et leur remobilisation. Une ma-jorité d’électeurs s’était saisie du scrutinpour sanctionner le pouvoir en place etpermettre à l’opposition de l’emporter.

Sans conteste aujourd’hui l’intérêtpour le scrutin apparaît plus faible. Etles régionales ne sont pas attendues parles Français comme un vrai rendez-vous politique. En décembre 2009, plusdes deux tiers d’entre eux (69 %) ne s’yintéressent pas. Six ans auparavant, à lamême période, ils étaient beaucoupmoins nombreux dans ce cas (55 %)(TNS-Sofres). La perspective du scrutinrégional n’alimente guère les conversa-tions. À la mi-janvier seuls deux Fran-çais sur dix reconnaissent en avoir parléavec leur entourage (Ifop-Paris Match).

Défection électorale lancinanteCes nouvelles élections prennent doncplace dans un cycle à nouveau marquépar une défection électorale lancinante etrécurrente. Le sursaut civique de la prési-dentielle 2007 n’aura été qu’une paren-thèse éphémère. Depuis, les trois élec-tions pour lesquelles les Français ont étéconsultés ont enregistré des taux recordd’abstention : aux législatives de juin2007 (39,5 % au 1er tour et 40 % au se-cond) aux municipales de mars 2008(33,5 % au 1er tour et 34,8 % au second) etaux élections européennes de juin 2009(60 %). Tout se passe dorénavant enFrance comme si, en dehors de l’électionreine de la Ve République que représentele scrutin présidentiel, tous les autresscrutins, au niveau local ou supranatio-nal, faisaient naître au mieux de l’indiffé-rence au pire de la défiance, l’une etl’autre se creusant au fil des années. Enl’espace de vingt ans, l’abstention a pro-

confiance politique du Cevipof en dé-cembre 2009, on peut prendre la mesu-re du fossé qui sépare aujourd’hui lesFrançais de leurs gouvernants et deleurs représentants. Indifférence ou dé-fiance, la réponse abstentionniste trou-ve nombre de justifications à la foisconjoncturelles et structurelles. Mais,au-delà de ce seul scrutin, il reste enco-re à l’interpréter et à comprendre pour-quoi et comment elle a pu devenir uneréponse politique dont les Français fontun usage de plus en plus familier.

Plusieurs scènes d’expressionLes modèles explicatifs traditionnelsd’analyse de la défection électorale nesuffisent plus à eux seuls pour compren-dre l’ampleur du phénomène. Certes, lelien entre insertion sociale et insertionpolitique est toujours observé. L’impactdu niveau d’études est toujours vérifié.Mais alors que le niveau d’instruction dela population est en augmentation, alorsque les couches moyennes se générali-sent, alors que le niveau de connaissan-ces et d’informations est plutôt à la haus-se, la mobilisation électorale n’estpourtant pas de mise. C’est bien le signed’une profonde mutation du lien des ci-toyens à l’élection. Cela indique bienqu’une nouvelle conception de la ci-toyenneté semble peu à peu s’imposer.Car l’abstention progresse quel que soitle niveau d’implication politique desélecteurs. Elle fait l’objet d’une mêmeréponse de la part des plus éloignés de lasphère politique comme des plus impli-qués. Et par là même elle ne peut pas êtreinterprétée seulement comme une dé-faillance civique ou comme un déficitdémocratique.

La participation politique se faitaujourd’hui à partir de plusieurs scènesd’expression : le vote, l’abstention et lamanifestation. C’est à partir d’un usagecombiné de la démocratie représentati-ve et de la démocratie participative quede plus en plus de citoyens se font en-tendre. Et l’abstention joue dans cetriptyque politique un rôle décisif. Nonpas l’abstention systématique qui est lefait d’une proportion relativement sta-ble d’électeurs, environ 10 %. Maisl’abstention intermittente qui a pourcorollaire l’instauration d’un usage dif-férent de l’acte de voter. Cette réponseabstentionniste, de nature politique, estnégociée et ajustée au cas par cas enfonction des enjeux perçus par l’élec-teur. Elle porte certes la marque d’une

défiance, mais d’une défiance plusconjoncturelle que structurelle. Elleparticipe moins d’une contestation dif-fuse du système social et du système po-litique que d’une insatisfaction circons-tancielle à l’égard de l’offre électoraleproposée. Le profil sociopolitique de cesabstentionnistes dans le jeu politique estd’ailleurs plus proche de celui des vo-tants que de celui des abstentionnistessystématiques, qui restent durablementhors du jeu politique.

Ce qui a profondément changé est larelative mobilité du choix électoral. Lorsde la séquence électorale de 2007, lestrajectoires de vote des mêmes électeursprenant en compte les deux tours de laprésidentielle et les deux tours des légis-latives, mettaient en évidence l’impor-tance de leur inconstance et leur mobili-té. Cela pourtant dans un momentélectoral particulièrement décisif et po-litisé. Seul un tiers des électeurs a votéconstamment et systématiquement pourl’UMP ou le PS et leurs candidats respec-tifs lors des quatre tours de scrutin (1).L’affaiblissement des fidélités partisaneset la moindre constance de l’électeur ontlaissé place à une plus grande imprévisi-bilité et à davantage de fluidité sur lascène de la décision électorale. L’aug-mentation de l’abstention intermittentey joue une part active. Les Français ren-contrent chaque élection avec cettenouvelle panoplie démocratique.

Électeur plus réflexifLe vote dans son principe n’est pas remisen cause. Il est toujours considéré par unelarge majorité de Français comme lemoyen d’action politique le plus efficace,bien devant la grève ou la manifestation.Mais il fait désormais l’objet d’une ré-ponse moins normative et plus affranchiedu « devoir civique ». Il s’inscrit dans unrapport à la politique à la fois plus indivi-dualisé et plus critique, au sein duquell’abstention peut participer à la générali-sation d’une forme de veille démocrati-que. L’électeur d’aujourd’hui est certesplus inconstant, mais il est aussi peut-être plus réflexif. L’alternance du vote etde l’abstention peut aussi être entenduepar les politiques comme l’expressiond’une conscience citoyenne et d’une exi-gence politique ayant pu s’affûter.!

(1) Bruno Cautrès et Anne Muxel :Com-ment les électeurs font-ils leur choix ?Le Panel Electoral Français 2007, Paris,Presses de Sciences Po, 2009

RÉGIONALES Àmoins de six semainesdu premier tour du scrutin à deux toursrenouvelant les conseils régionaux,les partis politiques sont à la peinepourmobiliser l’opinion sur des enjeuxd’une campagne qui, pour l’instant,n’est pas perçue comme« un vrai rendez-vous politique ».À l’aune de la participationaux scrutins régionaux précédents,tout laisse supposerque la défection des électeurssera la grande gagnantede cette consultation. Et déclencheral’antienne d’une France civiqueen voie d’américanisation.AnneMuxel, quant à elle, souligne

« une profondemutation du liendes citoyens à l’élection ». Présentéecomme « une réponse politique »l’« abstention appartient à la panopliedémocratique des intermittentsdu vote ». Ce joker est utilisé pourmettre en avant l’insatisfactioncirconstancielle à l’égardde l’offre électorale.Cette nouvelle conception

de la citoyenneté est marquéepar un rapport au devoir civiqueplus individualisé, plus critique.Fondée sur une approche électorale« consumériste », elle se caractérisepar unemobilité de choix ;cette inconstance électoralemet aussi à nu, l’affaiblissementdes fidélités partisanes.Ainsi, l’apparent déficit démocratiquerelève d’un usage différent de l’actede voter. À preuve, le tauxd’« abstention systématique »plafonne à 10 % quand - toutesproportions gardées - la participationne fait que s’amoindrir au fildes scrutins…!

JOSSELINE ABONNEAU

EN VINGT ANSL’ABSTENTION A PROGRESSÉ DE

9 pointspour les européennes,

6pointspour les municipales,

5 pointspour les législatives.

Page réaliséeen collaborationavec le Centrede recherchespolitiquesde Sciences Po(Cevipof)Centre associéau CNRS et dirigépar Pascal Perrineau

gressé de 6 points pour les municipales,de 9 points pour les européennes et de 5points pour les législatives. En 1986, datedes premières élections régionales, seuls22 % des Français s’étaient abstenus. En2004, 38 % n’ont pas voté au premiertour et 34,3 % au second tour. Si les pro-nostics se confirment, le nombre des abs-tentionnistes aux régionales de 2010 auraquant à lui au moins doublé en l’espace devingt-quatre ans.

Certains obstacles à la participationélectorale peuvent être facilement repé-rés. Les enjeux sont mal identifiés et laméconnaissance des présidents régio-naux est grande. Les deux tiers desFrançais (65 %) ne peuvent pas citer lenom du président de leur région (Baro-mètre LH2). Mais il reste encore à com-prendre pourquoi cette ignorance pèseaujourd’hui davantage sur les motiva-tions des abstentionnistes que lors desscrutins précédents. De toute évidencela campagne actuelle a beaucoup de malà embrayer. Si l’on ajoute à cela le faitque plus des deux tiers des Français(69 %) ne font confiance ni à la gaucheni à la droite pour gouverner selon lamesure effectuée par le baromètre de

PAR ANNE MUXELdirectrice de recherche

au Cevipof

«L’abstentionpeut

participerà la

généralisationd’une formede veille

démocratique»

Les nouvelles formes de l’abstentionLes prochaines élections régionales devraient être marquées par une faible participation.

42 % 41 %

17 %Sources :La France aux urnes. 60 ans d’histoire électorale,P. Bréchon, La Documentation française, 2009.Panel électoral français 2007, Cevipof/ministère de l’Intérieur.Baromètre de confiance politique, Cevipof, décembre 2009

Premier tourEn %

En %

22,1

31,442

37,9

16,2

39,533,557,2

Second tour

——

34,3

16

4034,8

L’ABSTENTION EN FRANCE

Régionales 1986 *

Régionales 1992*

Régionales 1998*

Régionales 2004

Présidentielle 2007

Législatives 2007

Municipales 2008

Européennes 2009*

Votants constants

4555

28

50

22

52

48100%

Votants intermittents

4258

32

14

54

54

46100%

Abstentionnistes constants

4060

27

30

43

75

25100%

Ensemble

4555

30

41

53

47100%

29

LES VOTANTS SYSTÉMATIQUES, LES VOTANTS INTERMITTENTS ET LES ABSTENTIONNISTESSYSTÉMATIQUES LORS DE LA SÉQUENCE ÉLECTORALE 2007 (PRÉSIDENTIELLE ET LÉGISLATIVES)

Homme

Femme

18-34 ans

35-49 ans

50 ans et +

Inférieur au bac

Bac ou supérieur

TOTAL

*Un seul tour

LA FRÉQUENCE DU VOTE DES FRANÇAIS AUX ÉLECTIONS

Sexe

Age

Diplôme

Total100 %

Question : « DEPUIS QUE VOUS ÊTES EN ÂGE DE VOTER, DIRIEZ-VOUS QUEVOUS VOTEZ À TOUTES LES ÉLECTIONS, À PRESQUE TOUTES LES ÉLECTIONS,À QUELQUES-UNES OU À AUCUNE ? »

Votent à toutes les élections

Votent à presquetoutes les élections

Votent à quelques-unesou à aucune

Premiertour

Secondtour

plus de 40

de 38 à 40

de 34 à 38

de 32 à 34

moins de 32

39,1 %

31,2 %

32,1 %

34,9 %

34,6 %

34,4 %

34,7 %

30,4 %

31,1 %

31 %

36,2 %

36,2 %

32,4 %

31,6 %

34,5 %

35,6 %

38,8 %

31,4 %

32 %

34,8 %

37,2 %

25 %

40,5 %

34,5 %

35,7 %

38,5 %

38 %

37,9 %

39,7 %

34,3 %

32,9 %

33,2 %

38,6 %

38,1 %

36,8 %

35,3 %

38,7 %

40,1 %

43 %

36,3 %

35,3 %

38,4 %

41,3 %

27,3 %

TAUX D’ABSTENTION PAR RÉGION AUX ÉLECTIONS RÉGIONALES DE 2004,EN % DES INSCRITS

étudesPOLITIQUESFigaro-Cevipof

Page 28: Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

mercredi 13 janvier 2010 LE FIGARO

A18 débats

OPINIONS

L ’évolution généraleporte, en effet, notrepays vers un équilibrenouveau. L’effort mul-tiséculaire de centrali-sation, qui fut long-

temps nécessaire pour réaliser etmaintenir son unitémalgré les divergencesdes provinces qui lui étaient successive-ment rattachées, ne s’impose plus désor-mais. Au contraire, ce sont les activitésrégionales qui apparaissent comme lesressorts de sa puissance économique dedemain… » (de Gaulle, discours pronon-cé à Lyon le 24 mars 1968).

Tout est dit. Et pourtant, quarante ansaprès, la réalisation de cette vision fulgu-rante n’est toujours pas devenue l’optionpolitique retenue pour organiser l’archi-tecture d’ensemble des pouvoirs publicsen France. Où en est-on alors ?

La gestation de la « région » fut lente,parfois chaotique, mais toujours inspiréepar une même préoccupation : doter laFrance d’un espace territorial mieuxadapté par sa configuration et sa superfi-cie que le département pour permettre ladéfinition et la réalisation des politiquespubliques d’importance, notammentdans le domaine économique et en ma-tière d’aménagement du territoire.

Bilan méconnumais impressionnantCe n’est qu’avec la loi du 2 mars 1982puis la première élection au suffrageuniversel direct des conseillers régio-naux en 1986 que l’institution régionale aacquis un statut de collectivité locale àpart entière et la clause de compétencegénérale qui fait la force de cette catégo-rie d’institutions politico-administrati-ves, deux qualités ultérieurement re-connues au niveau constitutionnel par lamodification de la rédaction de l’arti-cle 72 de notre texte fondamental.

Malgré les différents transferts decompétence intervenus en 1983, 1985 et1986 de l’État vers les régions, plusieursannées d’inertie politique – notammentsous le gouvernement de Lionel Jospin –dont les effets ont été aggravés par lacrise de légitimité qui affecta les conseilsrégionaux du fait des conséquences

toyens même s’ils ne voient pas toujourstrès clairement le sceau régional sur cesréalités sauf lorsque les couleurs de ce-lui-ci décorent les rames TER.

Qui pourrait se passer des finance-ments ainsi mobilisés ? Certainement

pas l’État qui, tout en ten-tant de continuer à restermaître de la définition deces politiques publiques,est progressivement deve-nu financièrement incapa-ble de les assumer et admi-nistrativement de lesgérer.

Même si leur connais-sance ou leur compréhen-sion du fait régional n’estpas toujours des plus assu-rées ou des plus affirmées,un récent sondage, dili-genté par l’Association desrégions de France et réalisépar la Sofres montre queles Français sont globale-ment attachés à leur ré-gion, comme d’ailleurs auxcollectivités territorialesen général.

Lorsqu’ils classent leséchelons administratifs enfonction de leur proximitépour juger de leur capacitéà répondre aux besoins dela population, la communearrive en tête (76 % la ju-gent efficace) suivi duconseil général (70 %) puisdu conseil régional (69 %).L’État et l’Europe sont ma-joritairement jugés ineffi-caces (59 % pour les deux).

De manière cohérenteavec la couleur des exécu-

tifs locaux, la préférence partisane a uneffet sur l’appréciation du conseil régio-nal : les personnes proches de la gauchesont plus nombreuses que les autres à lejuger efficace (79 %).

Vers un «congrèsdes départements»Certes, un autre sondage LH2 a mis enévidence le fait que beaucoup de Fran-çais ignoraient le nom du président à latête de leur région. Mais connaissent-ilsmieux le nom du président du conseilgénéral ou ceux des différents ministrescomposant le gouvernement ? Toujoursest-il, justement parce qu’elle estcontrastée, l’image que les Français ontaujourd’hui de la région est révélatricede l’ambiguïté de la situation dans la-quelle se trouve la dernière-née des col-lectivités territoriales françaises. Seule,par essence, apte à se substituer à l’Étatdans la définition et la réalisation despolitiques publiques qu’il ne peut plus ouqu’il ne sait plus correctement mener àbien car les données économiques,technologiques et sociales à prendre enconsidération imposent qu’elles soientdiversifiées et adaptées aux réalités ter-ritoriales, son essor est attendu avec im-patience par certains, craint pard’autres.

La France hésite. Depuis le lancementde la décentralisation en 1982, elle a quit-té la rive où un État tout autant napoléo-nien que jacobin offrait aux citoyens unevision claire de la structuration et del’action de la puissance publique et l’illu-sion du respect du principe d’égalité grâ-ce à la mise en œuvre censée être unifor-me et homogène sur l’ensemble duterritoire de toute politique. Mais, s’en-gageant dans la voie de la régionalisa-tion, elle s’est arrêtée à mi-gué, crai-gnant que la décentralisation et larégionalisation génèrent des discrimina-tions alors qu’elles sont surtout porteusesde diversifications et d’émulations.

Il en résulte que la « région » françaisereste fragile et bien loin, politiquement etinstitutionnellement comme fonction-nellement et financièrement, des don-nées peu ou prou semblables qui caracté-risent l’autonomie et la responsabilité desrégions italiennes, des communautésautonomes espagnoles, des régions bel-ges et, bien plus encore, des Länder alle-mands ou des entités territoriales duRoyaume-Uni ayant bénéficié d’une lar-ge évolution de compétences intervenuesà l’orée du XXIe siècle. La France restetrès en deçà de ses principaux voisins. Et,sans se livrer ici à un examen exhaustif deson contenu, on peut s’attendre à ce quele projet de loi relatif à la réforme territo-riale, dont la discussion parlementaire vatout prochainement s’engager, entraîneune transformation de l’institution en« congrès des départements » pulsion àrebours de celle qui a suscité puis instituél’idée régionale en France.!

JOSSELINE ABONNEAU

QUARANTE ans après sa création,la région peine encore à s’affirmerdans l’opinion. Certes, la dernièrenée des institutions territoriales n’a puréellement exister qu’avec l’électionau suffrage universel direct de sesconseillers qui remonte tout de mêmeà près d’un quart de siècle.

Contrairement à certains États del’Union européenne (Allemagne, Italie,Espagne, Belgique, Royaume-Uni, etc.)qui ont porté sans faille l’autonomierégionale, la France reste encoreprisonnière de sa culture jacobine.Elle a toujours hésité à s’engagerdans la voie de la décentralisation« craignant que la régionalisationgénère des discriminations »,souligneBruno Rémond.

Paradoxe, l’institution régionalesemble encore« fragile »quand elleaffiche un bilan« impressionnant »dans le développement économique,technologique et l’aménagementdu territoire consacrant. C’est d’ailleurssur ce bilan que les partis oriententleur campagne pour le renouvellementdes conseils régionaux les 14 et 21 marsprochains. Notamment la gauchequi règne quasiment sans partagesur les exécutifs régionaux. Selonl’enquête TNS/Sofres diligentée parl’Association des régions, la gauche partavec un atout : l’exécutif régional estqualifié d’« efficace »par 76 % dessympathisants de gauche tous partisconfondus, suivis par ceux du MoDem(71 %) et enfin par ceux de la « grandedroite » qui ne dirige que deux régions(l’Alsace et la Corse). Ceci expliquanten partie cela…!

EN 2009LES RÉGIONS ONT INVESTI

5 997millions d’eurosdans les lycées

3 195millions d’euros dans laformation professionnelle

2 661millions d’eurosdans le transportexpress régional

2 139millions d’eurosdans l’apprentissage

Page réaliséeen collaborationavec le Centrede recherchespolitiquesde Science Po(Cevipof)Centre associéau CNRS et dirigépar Pascal Perrineau

dramatiques en 1992 et en 1998 du modede scrutin adopté en 1985, ont obscurcil’image institutionnelle et fonctionnellede la région. Celle-ci, décriée car malconnue, fut critiquée et taxée d’institu-tion superfétatoire, compliquant le mil-le-feuille territorial alors quepourtant les régions concour-raient déjà remarquablement àla réalisation de politiques pu-bliques essentielles pour l’ave-nir de la France : formationprofessionnelle et apprentissa-ge, rénovation et constructionde lycées, amélioration des ré-sultats de la politique éducati-ve grâce à l’élaboration desschémas régionaux de forma-tion, extensions universitaires,grands projets d’équipementinitiés par l’État et cofinancéspar les régions dans le cadredes contrats de plans successi-vement élaborés et signés.

Souvent méconnu, le bilandes régions est pourtant im-pressionnant. Sans elles, lesgrandes politiques publiquesayant pour objectif de favoriserle développement économique,l’innovation technologique etl’aménagement du territoiren’auraient pu se déployer aussirapidement et aussi profondé-ment.

Regroupées en deux grandsthèmes – éducation, forma-tion et emploi ; mobilité et dé-veloppement durable – les in-terventions des régions ont unimpact incontestable encontribuant à aménager leterritoire et améliorer la vie deses habitants. En 2009, horsoutre-mer et Corse, les régions ont in-vesti 5 997 millions d’euros dans les ly-cées, 3 195 dans la formation profes-sionnelle, 2 661 dans le transportexpress régional ou encore 2 139 dans ledomaine de l’apprentissage…

Qui pourrait imaginer se passer desservices et des équipements de toute na-ture ainsi organisés et réalisés par les ré-gions ? Certainement pas nos conci-

PARBRUNO RÉMOND

PROFESSEURÀ SCIENCES-PO« Lapréférencepartisane

a un effet surl’appréciationdu conseilrégional :

les personnesproches

de la gauche sontplus nombreusesque les autresà le juger

efficace»

«

Très e!cace Assez e!cace Très ine!caceAssez ine!cace Sans opinion

Sondage Sofres réalisé pour l'Association des régions de France, du 27 au 30 novembre 2009 auprès d'un échantillon national de 1 000 personnes représentatif de l'ensemble de la population âgée de 18 ans et plus (méthode des quotas, enquête réalisée en face-à-face).

En %

La proximité détermine l'e!cacitéQuestion POUR CHACUNE DES INSTITUTIONS SUIVANTES, POUVEZ-VOUS DIRE SI ELLE ESTTRÈS EFFICACE, ASSEZ EFFICACE, ASSEZ INEFFICACE OU TRÈS INEFFICACEPOUR RÉPONDRE AUX BESOINS DE LA POPULATION ?

3 632 41 18

2 1029 2039

11 1059 17

10 1259 17

3

2

La commune

L'État

L'Europe

Le conseilgénéral

Le conseilrégional

20 56 4 416

*En raison de la faiblesse des e"ectifs, les résultats sont à interpréter avec prudence

En % En %Total attaché

86

75

90

89

85

89

89

90

81

84

Grande gauche (EXG, PC, PS, DVG, Verts)

Extrême gauche (LO, NPA)

Parti communiste

Parti socialiste

Verts

MoDem

Grande droite (NC, UMP, MPF, FN)

UMP

FN*

Sans préférence partisane

dont

dont

Total e!cace

76

68

65

78

79

71

66

68

56

57

Grande gauche (EXG, PC, PS, DVG, Verts)

Extrême gauche (LO, NPA)

Parti communiste

Parti socialiste

Verts

MoDem

Grande droite (NC, UMP, MPF, FN)

UMP

FN*

Sans préférence partisane

dont

dont

Question DIRIEZ-VOUS QUE VOUS ÊTESATTACHÉ À VOTRE RÉGION ?

Question POUVEZ-VOUS ME DIRE SILE CONSEIL RÉGIONAL EST EFFICACE ?

Régions : une révolution inachevéeEn deçà de celle de ses principaux voisins européens, la régionalisation française reste au milieu du gué.

étudesPOLITIQUESFigaro-Cevipof

65%

6% Citent le nomdu présidentcitent

un autre nom

ne peuvent citeraucun nom

29%

Une présidence mal identifiée

Question POUVEZ-VOUSDONNER LE NOMDU PRÉSIDENT OUDE LA PRÉSIDENTEDE VOTRE RÉGION ?

Sondage LH2 réalisé pour le Syndicat de la presse quotidienne régionale et France Bleue, du 30 octobre au 28 novembre 2009,auprès d'un échantillon de 5 100 personnes constituant un échantillon national représentatif de la population françaiseâgée de 18 ans et plus (méthode des quotas, enquête réalisée par téléphone).

SELON le sondage TNS-Sofres, lesFrançais en phase avec le Parti com-muniste ou l’UMP se révèlent être lesplus attachés à leur région, quandceux ayant une préférence partisaneextrémiste de gauche ou de droite(extrême gauche, Front national) semontrent les plus indifférents.Au sein de la gauche, les Verts, dont lerégionalisme constitue l’une des pier-res angulaires de leur doctrine, cla-ment moins leur patriotisme régionalque les socialistes. Ceux-ci se situentsur la même longueur d’onde que lessupporteurs duMoDem ou l’ensemblede la « grande droite » (NouveauCentre, UMP, MPF, FN).Quasi viscéral pour les retraités etinactifs, l’attachement régional serenforce avec l’âge principalementaux alentours de la cinquantaine. Tou-tefois l’activité professionnelle déter-mine l’intensité de cet amour : très vi-vace chez les commerçants, lesartisans, les chefs d’entreprise et lesouvriers, il mollit chez les cadres et lesintellectuels. Très ancré dans les zo-nes rurales, le sentiment régional sedilue dans les zones urbaines pour de-venir ténu dans l’agglomération pari-sienne. J. A.

Les ressortsdu sentimentamoureux

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mercredi 2 décembre 2009 LE FIGARO

A16 débats

OPINIONS

La crise économique et fi-nancière qui a éclaté àl’été 2008 est la crise laplus importante que le ca-pitalisme ait connue de-puis celle de 1929. Les ef-

fets politiques de cette dernière furentdélétères : Hitler arriva au pouvoir en1933, une vague autoritaire s’étenditsur l’Europe et la démocratie libéralefut sur la défensive, particulièrementen France, avant de céder elle aussi laplace à la dictature. Quatre-vingts ansplus tard, c’est souvent au prisme de lacrise de 1929 qu’est pensée la questiondes effets politiques de la crise.

Dans de très nombreuses réactionsd’acteurs politiques et d’intellectuels,on insiste sur le caractère menaçantdes effets politiques de la crise. Le16 septembre 2008, l’homme d’affairesGeorges Pébereau précise dans un ar-ticle du journal Le Monde : « … noussommes dans une période prérévolu-tionnaire ». L’ancien premier ministreDominique de Villepin reprend cetteantienne en avril 2009 en déclarantqu’il « existe un risque révolutionnaireen France ». Olivier Besancenot pro-phétise le 1er septembre 2009 sur RMC :« Il faudra que ça pète. » Dans un dis-cours du 29 janvier 2009, le présidentde la République parle des risques d’un« nouveau totalitarisme ». Un mêmetype d’approche est repris par les ana-lystes quel que soit leur bord. À titred’exemple, Nicolas Baverez, le 16 août2009, déclare : « La déstabilisation desclasses moyennes par le chômage demasse peut mettre en péril la démocra-tie. » Même si l’on avance que « l’His-toire ne repasse pas les plats », il y a demanière omniprésente la référenceaux années 1930 et aux perturbationspolitiques majeures qu’elles ontconnues. Au regard de la France de cesannées-là, la situation politique ac-tuelle est pourtant bien différente.

Situation très contrastéeÀ l’époque, les partis extrêmes du PCFaux ligues fascisantes comptaient pres-que un million d’adhérents. Qu’en est-ilaujourd’hui ? La crise n’a déclenchéaucune dynamique militante. Les for-mations extrémistes restent très faibles :le Front national compte quelques di-zaines de milliers d’adhérents, quant auNouveau Parti anticapitaliste, avec9 000 adhérents, il ne fait pas recette.Bien qu’active dans l’animation de cer-tains mouvements sociaux, l’extrêmegauche est loin d’avoir les moyens deson « grand soir ».

La situation dans les urnes est égale-ment très contrastée. La crise de 1929avait nourri en son sein une pousséeélectorale des extrémismes en France etailleurs. Aujourd’hui le message envoyépar les urnes semble être beaucoup plusmodéré. Si l’on prend comme référenceles élections européennes de juin 2009dans les vingt-sept pays de l’Union etavec la prudence qu’implique une parti-cipation faible (40,6% des inscrits), laplupart des majorités de droite modéréeau pouvoir ont été sinon plébiscitées dumoins soutenues (Allemagne, France,Italie, Pays-Bas). Dans l’Hexagone, on apu constater une progression de l’extrê-me gauche (de 3,3% en 2004 à 6,1% en2009) mais aussi un déclin de l’extrêmedroite (de 9,8% en 2004 à 6,3% en2009). Dans l’ensemble, les forces ex-trémistes ne représentent qu’un mo-deste poids d’environ 12,5% équivalentà celui de 2004.

Dans un récent sondage Ifop-Valeursactuelles du 2 novembre 2009 sur les in-tentions de vote pour une élection pré-sidentielle, le rapport de forces est lesuivant: Nicolas Sarkozy 28%, MartineAubry 20%, François Bayrou 14%, Ma-rine Le Pen 11%, Olivier Besancenot9 %, Dominique de Villepin 8 %, CécileDuflot 5 %, Marie-George Buffet 3 %,Nathalie Artaud 1 %, Nicolas Dupont-Aignan 1 %. Le président sortant arrivelargement en tête du 1er tour, les droitesrassemblent 48 %, les gauches 38 % etle centre 14 %. Les effets de radicalisa-

tion ne sont pas majeurs : l’extrêmegauche est en légère hausse (7,1 % en2007), l’extrême droite est stable(10,7 % en 2007). La première atteintses meilleurs niveaux chez les jeunes(17 %) et les professions intermédiaires(13 %) particulièrement du secteur pu-blic, l’extrême droite gardant un hautniveau d’influence dans la populationouvrière (24 %) et le secteur privé.

Pour l’instant on n’a pas l’impressiond’un « arc de forces démocratiques »qui craque sous le poids de la crise. Maisles effets dissolvants de celle-ci n’ontpeut-être pas fait toute leur œuvre.

Dernier exutoire de la crise : la rue.Dans les années 1930, nombre de mani-festations, qu’elles soient à l’initiativede l’extrême gauche ou de l’extrêmedroite, dégénéraient. Les morts secomptaient par dizaines, les blessés parmilliers. La violence politique était bienportée : le secrétaire général du PCF,Maurice Thorez, expliquait en 1931 que« les barricades portent la lutte de classeà son niveau le plus élevé ». L’extrêmedroite n’était pas en reste sur le terrainde la glorification de la violence etCharles Maurras expliquait doctementque sa« violence tend à fonder la sécuritéintérieure de (sa) patrie ».

Recherche d’alternativesEn 2008-2009, nous sommes très loind’un tel encensement de la violencepolitique. Certes, aux confins de l’ul-tragauche, réapparaît une certaine fas-cination pour une violence parée ànouveau de vertus rédemptrices. Cecourant très minoritaire s’est livré à devéritables saccages à deux reprises, enavril 2009 à Strasbourg dans le cadre demanifestations contre l’Otan puis enoctobre à Poitiers lors de la réuniond’un collectif anticarcéral. Cette vio-lence aux confins du terrain sociétal etdu terrain politique est le symptômed’une délinquance qui charrie son lotde malaises liés à la crise et qui est sen-sible dans le fait, par exemple, qu’aprèsdeux années de tendance baissière, lesstatistiques de la délinquance ont enre-gistré en août 2009 une forte pousséedes vols avec violence sur les douzederniers mois.

La crise a des effets perturbateursmais elle n’a aucun impact de radicali-sation politique massive. En cela, noussommes loin du scénario de 1929 et desannées qui suivirent.

Et pourtant, la France a un potentielprotestataire non négligeable. Dans uneenquête internationale* réalisée dansvingt-sept pays, un an après le déclen-

chement de la crise financière, la Franceest: le pays où la minorité demandeused’un autre système que celui du capita-lisme de libre-échange est la plus forte :43% de nos concitoyens pensent qu’untel système« est dans l’erreur et que l’ona besoin d’un autre système »,ils ne sontque 29% en Italie et en Espagne, 19% enGrande-Bretagne, 13% aux États-Uniset 9% en Allemagne. C’est en France,cette fois-ci derrière le Brésil et le Chili,que la demande d’intervention crois-sante du gouvernement dans la régula-tion des entreprises est la plus forte :76 % contre 73 % en Espagne, 70 % enItalie, 56 % en Grande-Bretagne, 45 %en Allemagne et 43 % aux États-Unis.Cette demande interventionniste vamême en France jusqu’à une demandemajoritaire de contrôle plus étroit desgrandes industries par le gouverne-ment : 57 % contre 53 % en Italie, 45 %en Espagne, 40 % en Grande-Bretagne,31 % en Allemagne et 24 % aux États-Unis. Cette demande de contrôle s’en-racine dans un pessimisme français par-ticulier à la fois vis-à-vis de la crise,mais aussi vis-à-vis de la mondialisa-tion et de l’Europe. 64 % des Françaispensent en novembre 2009 que« le pirede la crise reste encore à venir »(Sofres).Parmi les grands pays d’Europe (Euro-baromètre n°71 de septembre 2009),l’opinion française est une des plus né-gatives sur l’état de l’économie nationa-le (87 % des Français considèrent que lasituation de l’économie française esttrès ou plutôt mauvaise contre 78 % enmoyenne dans l’Union européenne),73 % pensent que la mondialisationconstitue une menace pour l’emploi etles entreprises en France (contre 42 %)et 51 % que l’Union européenne ne nousaide plutôt pas ou pas du tout à nousprotéger des effets négatifs de la mon-dialisation (contre 36 % dans l’ensem-ble de l’Union).

Nombre de Français ne sont pas con-tents du monde tel qu’il va et sont à larecherche d’alternatives. Mais contrai-rement aux années 1930, cette recher-che d’alternatives se fait sans remettreen cause le système politique. La pro-testation sourd mais s’inscrit dans unedemande de réforme du système éco-nomique et social qui n’a rien à voiravec la recherche de « lendemains quichantent », caractéristique des années1930 et qui avait débouché sur la lugu-bre musique du totalitarisme.!

* Données exhaustives de l’enquêtemise en ligne sur www.lefigaro.fr/politique

États-Unis France

États-Unis France Italie

Espagne Royaume-Uni AllemagneItalie Espagne Royaume-Uni Allemagne

13

43

29 29

56

19

8

75

16

1

5753

25

6

47

59

5 7 510

13 119

4

Il est fondalement dans l'erreur et on a besoin d'un autre système économiqueIl connaît des problèmes mais on peut les régler avec plus de régulation et de réformeIl marche bien et des tentatives pour augmenter la régulation le rendront moins e!caceIl ne sait pas, sans opinion So

urce

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9 03

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7 pay

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19 ju

in et

le 13

oct

obre

2009

Rôle plus actif Même rôle Rôle moins actif Sans opinion

24

57 5320

45 4031

22

23

10 3 2

23 17

5031

2017

2619

52

4 4 4

Les perceptions du capitalisme de libre-échangeQUESTION : « Laquelle de ces trois phrases reflète le mieux votre opinionsur le capitalisme de libre-échange ? », en %

QUESTION : « Aimeriez-vous que votre gouvernement joue un rôle plus actif, moins actif ou le même rôle qu'il joue actuellement dans la propriété ou le contrôle directdes grandes industries ? »Réponse en %

Les attentes vis-à-vis du rôle du gouvernement dans l'économie

Crise : pourquoi 2009 n’est pas 1929L’inquiétude des Français ne s’accompagne pas d’une volonté de remise en cause du système politique.

SOCPRESSE14, boulevard Haussmann75009 ParisPrésident-directeur généralSerge DassaultAdministrateursNicoleDassault, OlivierDassault,Thierry Dassault,Jean-Pierre Bechter, OlivierCosta de Beauregard, BenoîtHabert, Bernard Monassier,Rudi Roussillon

SOCIÉTÉ DU FIGARO SA14, boulevard Haussmann75009 ParisPrésidentSerge DassaultDirecteur général,directeur de la publicationFrancis MorelÉditeurFrédérick Cassegrain

Directeur des rédactionsÉtienne MougeotteDirecteur déléguéJean-Michel SalvatorComité éditorialMichel Schifres, vice-présidentDirecteurs adjointsde la rédactionGaëtan de Capèle (Économie),Anne-Sophie von Claer(Style, Art de vivre, So Figaro),

Anne Huet-Wuillème(Édition, Photo, Révision),Sébastien Le Fol(Culture, Figaroscope, Télévision),Paul-Henri du Limbert(Politique, Société, Sciences),Étienne de Montety(Débats et Opinions, Littéraire) ,Pierre Rousselin (Étranger)et Yves Thréard (Enquêtes,Opérations spéciales, Sports)

Directeur artistiqueJean-François Labour

Rédacteurs en chefDebora Altman (Photo)Graziella Boutet (Infographie)Frédéric Picard (Édition)

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Contrairement aux idées reçuesvéhiculées par certains leadersd’opinion hexagonaux, la criseet ses répercussions sur les attitudespolitiques ne peuvent se penserà travers le prisme de la crisedu capitalisme des années 1930.Pour Pascal Perrineau, la crise actuellen’a pas rompu « l’arc de forcesdémocratiques ». De plus, la ruen’est plus un exutoire. Et les boufféesde violence de quelques groupes del’ultragauche visant une radicalisationpolitiquemassive n’ont pas,pour l’instant, d’effet d’entraînement.Certes, la crise perturbe le système

politique, le malmènemais ne le remetjamais totalement en cause.Tel est l’enseignement principal quele directeur du Cevipof tire notammentd’une enquête internationale*menée dans vingt-sept pays sur« la perception du capitalismede libre-échange et les attentessur le rôle des gouvernementsdans le contrôle des entrepriseset des grandes industries ».Précédant l’Italie, l’Espagne,

la Grande-Bretagne et l’Allemagne,la France affiche le plus fort potentielprotestataire. Toutefois, les partisanstricolores de la régulationet de la réforme (47%) devancentde cinq points le blocmilitant pour« un autre système que le capitalisme »(43%) quand l’opinion allemande,elle, se hisse au premier rangdu capitalisme réformiste (75%). !

EN FRANCELES EXTRÉMISTESPESAIENT

12,5%des voixaux électionseuropéennesde juin 2009.

PAR PASCALPERRINEAU

DIRECTEUR DU CEVIPOF

Page réaliséeen collaborationavec le Centrede recherchespolitiquesde Sciences po(Cevipof),Centre associéau CNRS et dirigépar Pascal Perrineau

« La Francea un potentielprotestataire

nonnégligeable»

étudesPOLITIQUESFigaro-Cevipof

JOSSELINE ABONNEAU

Page 30: Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

mercredi 4 novembre 2009 LE FIGARO

A16 débats

OPINIONS

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étudesPOLITIQUESFigaro-Cevipof

Maispourquoi les Italiensvotent-ilspourBerlus-coni ? C’est la questionque se posent nombrede Français amoureuxde l’Italie, souvent

choqués par le comportement du prési-dent du Conseil comme par le périlleuxconflit d’intérêts entre ses affaires privéeset ses responsabilitéspubliquesquinourritde fortes tensionsetd’incessantespolémi-ques.Deux rappels s’imposent d’emblée.

D’abord, tous les Italiens ne votent paspour ce milliardaire, propriétaire d’ungroupe qui contrôle entre autres la moitiédes chaînes de télévision : il dispose certesd’importants soutiens,mais suscite égale-ment une forte hostilité voire de la détes-tation. Le président du Conseil n’estd’ailleurs pas élu au suffrage universel.Aux élections législatives, son parti, ForzaItalia, a obtenu pour la désignation desdéputés23,7 %dessuffragesen2006et,en2008, devenu le Peuple de la liberté suite àsa fusion avec Alliance nationale, 37,3 %(tableau 1).Certes,Berlusconi en2008apucompter sur les 8,3 % de son allié de laLigue du Nord, ce qui a concouru à porterle centre droit à près de 47 % des suffra-ges : mais, si les électeurs de cette forma-tion acceptent une union de raison avec«Il Cavaliere», ils n’ont jamais célébré unmariage d’amour avec lui et ne le recon-naissent pas comme un des leurs. Ensuite,Berlusconi, par deux fois, en 2001 et 2006,a été battu parRomanoProdi. Il n’y a doncpas d’irrésistible ascension de Berlusconifondé sur une télécratie toute-puissante.

Un leader à double faceNéanmoins, Silvio Berlusconi domine lascène politique italienne depuis quinzeans, qu’il soit aupouvoir oudans l’opposi-tion. Comment interpréter sa présenceobsédante, ses trois victoires électoralesde 1994, 2001 et 2008, son succès récentaux dernières européennes (tableau 2),

fût-il inférieur à ses espérances, et, encoremaintenant, sapopularitéélevée ?Àpartirdu début des années 1990, l’Italie a étéébranlée par une terrible crise politique.L’opération « Mains propres » des jugesmilanais a aidé à faire tomber toute unepartie de la classe politique traditionnelle,disparaître les partis de gouvernement, enparticulier la Démocratie chrétienne et leParti socialiste, inciter le Mouvementsocial italien, néofasciste, à se métamor-

phoser, renforcer la transformation duParti communiste en force réformiste,favoriser le développement de la Ligue duNord et précipiter l’entrée en politique deSilvio Berlusconi. Celui-ci révolutionne lacommunication politique, utilise les tech-niques de marketing, et mobilise ses télé-visions. Il s’érige en un leader à doubleface : d’un côté, l’homme qui se prétendnouveaune respecte pas les règles, lève lestabous, multiplie les provocations,enfreint les règles du métier politique ; del’autre, au contraire, celui qui se veuthomme d’État, tutoyant ses collègues,s’occupant des affaires dumonde, redon-nant de la fierté à son pays.

Absence d’un adversairede poidsBerlusconis’estadaptéàlamontéeenpuis-sance de la démocratie de l’opinion et à lapersonnalisation de la vie publique. Il s’estrévélé un vrai acteur politique, exploitantla crise de la gauche italienne incapable dese doter d’une identité, d’un projet, et deconstituer une alternative crédible. Il aunifié les droites en un seul parti, le Peuplede la liberté, et scellé une solide allianceavec la Ligue du Nord à qui il donne en cemoment satisfaction sur presque tout. Iloccupe ainsi un vaste espace politique quivadesconfinsdel’extrêmedroiteaucentremodéré. Berlusconi a su conquérir unehégémonie « culturelle », en occupant levidelaisséparladisparitiondelaDémocra-tie chrétienne et la faiblesse de la gauche.Il amis ensemble des valeurs contradic-

toires, tradition et modernité, Europe etnation, libéralisme et protectionnisme,sécuritéetcompassionsociale, luttecontrel’immigration clandestine et réconcilia-tion avec la Libye, etc. Cela lui permet decimenter sonbloc social composédegrou-pes trèsdiversifiés :professions libéralesetchefs d’entreprise (notamment dans lenord du pays), commerçants et artisans,mais aussi laissés-pour-compte de lamodernisation, personnes apeurées par

l’arrivée des immigrés, l’Europe, la mon-dialisation, gens de faible niveau d’ins-truction, catholiques pratiquants, bref unvaste électorat populaire.Sa popularité est-elle immuable ? Les

sondages d’Ipsos enregistrent ses fluctua-tions (graphique 1). En 2004 et 2005, Ber-lusconi, au pouvoir depuis 2001, a déçu sesélecteurs. L’approche de l’élection et sacampagne hyperactive font remonter sacotedepopularité, et il est battud’unepoi-gnée de voix. Dans l’opposition, il se refaitune santé, profitant de l’impopularité dugouvernement Prodi. Réélu en 2008, avecune majorité parlementaire absolue, ilconnaît un état de grâce vite rompu, entreautres, par l’adoption de la loi Alfano (quidonnait une immunité aux quatre plushautes charges de l’État, mais qui vientd’être déclarée non conforme à la Consti-tution par la Cour constitutionnelle et quiestmassivement rejetéepar les Italiens). Sapopularité remonte au zénith au début del’année 2009, en particulier au lendemaindutremblementdeterredesAbruzzesalorsqu’il se rend fréquemment sur place. Maiselle baisse avec les révélations sur sa vieprivée. Berlusconi a perdu 6 points(tableau 3) en quelques mois. La chute estparticulièrement prononcée chez lescatholiques pratiquants, les habitants despetites villes, les Méridionaux, soit l’Italietraditionnelle, sans doute sensible aux cri-tiques venues de l’Église, mais égalementchez les chefs d’entreprise et les profes-sions libérales, préoccupés par la détério-rationde l’économie italienne. Il perdaussichez les jeunes de 25 à 34 ans et les person-nes les plus âgées.À 73 ans, s’annonce sans doute l’autom-

nedeBerlusconi.Qui toutefois inspire tou-jours de la confiance à près d’un Italien surdeux.Etquibénéficiepour l’instantdeplu-sieurs atouts : le contrôled’unebonnepar-tie de la télévision et l’absence d’un adver-saire de poids comme d’un candidat à sasuccession dans son propre camp. Auroyaumedes aveugles…!

ÉLECTIONS EUROPÉENNES 2004

ÉLECTIONS NATIONALES 2006 ÉLECTIONS NATIONALES 2008

ÉLECTIONS EUROPÉENNES 2009 Variations2004-2009

4,9 %

37,2 %

10,2 %

45,4 %

32,3 % 35,2 %

Variations2006-2008

4,6 %

2,3 %

8,3 %

1,1 %

36 % 37,4 %

42,9 % 46,8 %

-6 %Total Italie

EN %

La confiance des Italiensdans Berlusconi

Les résultats de la droite par formation Écart de confianceentre fév. et août 2009

2004 2005 2006 2007 2008 Sept. 200935

40

45

50

55

Source : M. Nando Pagnoncelli, Ipsos Italie 2009. Photo : Globepix.

Forza Italia 20,9 %Alliance nationale 11,4 %

Ligue du Nord Ligue du Nord

Total Total

PDL

Forza Italia 23,7 %Alliance nationale 12,3 %

Ligue du Nord-MPA Ligue du Nord

Autres centre droit MPA

PDL

Total Total

… LA PLUS CRITIQUE … LA MOINS CRITIQUE

25-34 anset 55-64 ans 45-54 ans

Titulaired'une maîtrise

Certificatd'études

Secteur public Secteur privé

Régulière Jamais

Chef d'entreprise,prof. libérale etchômeurs

Ouvriers

+5,3 %

+8,2 %

+2,5 %

+3,7 %

-1,2 %

+3,9 %

+1,4 %

Âge

Niveau d'instruction

Cat. socio-professionnelle

-9 % -4 %

Salariés

-10 % -2 %

Ville

-8 % -3 %

Pratique religieuse

-9 % -3 %

-10 % -2 %

-12 % 0 %-3 %

Moins de10 000 hab.

De 10 000à 30 000 hab.

35-44 ans

Berlusconi : les ressorts d’une longévitéLe « berlusconisme » a su fédérer des groupes sociaux très diversifiés et retenir un vaste électorat populaire.

JOSSELINE ABONNEAU

ÉTUDE Longévité. Qu’il soit au pouvoir ou dansl’opposition, Silvio Berlusconi domine la scène poli-tique depuis plus de quinze ans et cela, malgré sesfrasques. Certes, le président du Conseil italien nes’est jamais frotté au suffrage universel, ce qui limitesingulièrement la comparaison avec la France.Vu de loin, rien n’autorise à assimiler d’emblée la

droite berlusconienne à la droite hexagonale ; cha-cune a des gènes nationaux propres.Toutefois une mise en perspective de la longévité

politique du Cavaliere et de la solidité de son ancrageélectoral recèle de précieux indicateurs susceptiblesd’éclairer les voiespolitiques empruntéespar ladroi-te française désormais unie.Le président du Conseil italien a ainsi innové dans

lacommunicationpolitiqueetenutilisantavecmaes-

tria les techniques demarketing. Le leader transalpinde ladroite aaussi suprendre lamesurede lacommu-nicationpourasseoir sonrôledechef faceàuneoppo-sition incapable de faire émerger un leader et desidées.Parmi lesmérites politiques de Silvio Berlusconi, il

convientde souligner son rôledéterminantdepacifi-cateur et de fédérateur des droites italiennes. Ainsi, ila su les unifier pour occuperunvaste espacepolitique

englobant l’extrême droite et s’étendant jusqu’aucentre droit.Face à une gauche atomisée et en déliquescence

idéologique, il a innové en menant d’une manièredécisive la bataille des valeurs. Bref, au-delà de safaconde, Silvio Berlusconi a innové dans sa façon defaire de la politique, par son talent à se concilier et àfidéliser un large électorat bien ancré dans les cou-ches populaires. !

EN ITALIELORS DES ÉLECTIONSLÉGISLATIVES DE 2008

47%des suffragesont été recueillispar la droiteet le centre droit. « Il a mis

ensembledes valeurs

contradictoires,tradition

etmodernité,libéralisme

et protectionnisme,sécurité

et compassionsociale»

Page réaliséeen collaborationavec le Centrede recherchespolitiquesde Sciences Po(Cevipof),Centre associéau CNRS et dirigépar Pascal Perrineau

PARMARC LAZARPROFESSEUR DES UNIVERSITÉS

À SCIENCES PO PARIS

Comment «Il Cavaliere» domine la scène italienne depuis quinze ans

Page 31: Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

LA VICTOIRE de Barack Obamaà l’élection présidentielle du4 novembre 2008 a été marquéepar un engouement populaireque le Parti démocrate n’avaitpas connu depuis plusieursdécennies. Avec 53 % des voix, lecourant de popularité en faveurdu candidat démocrate a mobili-sé des groupes qui jusqu’alorsboudaient souvent les urnes : lesjeunes, les Noirs, les Américainsd’origine hispanique.

Depuis son entrée en fonctionà la Maison-Blanche le 20 janvier2009, le nouveau président est res-té à un haut niveau de popularité(voir graphique 1) mais les pre-miers signes d’une érosion se fontsentir particulièrement sur le ter-rain économique et social. Depuisjuillet 2009, la popularité, telle

Barack Obama: force et faiblessed’une popularité encore élevée

qu’elle est mesurée régulièrementpar l’institut Gallup (1), est passéeen dessous de la barre des 60 %.Depuis son entrée en fonction, finjanvier 2009, il a perdu 15 points etla chute est particulièrement sen-sible depuis le mois de juillet.

Dans un premier temps,Barack Obama a su renouer avecdes niveaux très élevés de popula-rité, que son prédécesseur démo-crate, Bill Clinton, n’avait pasconnus. Sept mois après son arri-vée au pouvoir, sa popularité pré-sidentielle est à 56 %, à 12 pointsdevant celle de Bill Clinton mais aumême niveau, peu ou prou, quecelle atteinte par George W. Bush àl’été 2001 et en deçà des populari-tés enregistrées pour George H. W.Bush, Ronald Reagan ou encoreJimmy Carter(voir graphique 2).

Mais il faut reconnaître que lestemps ont changé, la crise écono-mique et financière frappe dure-ment la société américaine et éro-de sa capacité d’enthousiasmevis-à-vis des politiques. En dépitde ce contexte tumultueux, le pré-sident Obama garde une populari-té nettement positive.

On retrouve dans cette popu-larité élevée les caractéristiques desa victoire électorale de 2008 : unsoutien record chez les jeunes(64 % de job approvalchez les jeu-nes de 18 à 24 ans contre 48 % chezles plus de 65 ans), les minoritésethniques (76 % chez les non-Blancs contre 46 % chez lesBlancs) et les Américains modestes(64 % chez les Américains dont lerevenu mensuel est inférieur à2000 dollars contre 50 % chez ceuxqui disposent d’un revenu supé-rieur à 7 500 dollars) (2).

La société américainereste inquiète

Si cette popularité ne faiblitpas, Barack Obama pourra peut-être intégrer le club des présidentsaméricains populaires (LyndonJohnson, Ronald Reagan, GeorgeH. W. Bush) sans prétendre rejoin-dre les stars de popularité qu’ontété, en leur temps, Dwight Eisen-hower et John Kennedy. Ainsi, si lapopularité de Barack Obama estélevée, elle n’est pas, contraire-ment à ce que l’on entend souventen France, exceptionnelle auregard de l’histoire de la popularitédes douze présidents nord-améri-cains élus depuis l’après-guerre(voir graphique 3).

La popularité du présidentObama s’enracine à la fois dans larupture avec G. W. Bush, quiatteignait, en fin de mandat, desplafonds d’impopularité (27 %seulement d’appréciations positi-ves en novembre 2008). À cetégard, Barack Obama est « l’anti-Bush ».

Mais sa popularité ne peut serésumer à ce seul rejet du prési-dent sortant. Il y a aussi l’impactd’un style Obama fait à la fois defermeté, de vision et de proximitéavec ses concitoyens. Alors que sapopularité globale a décliné, ilgarde en juillet 2009 une imagepersonnelle et politique très fortequi en renforce la dimension cha-rismatique. 67 % des Américainspensent qu’il est un« leader fort etcapable de décider », 66 % qu’ilcomprend « les problèmes aux-quels les Américains sont confron-tés dans leur vie quotidienne » et59 % qu’il peut « diriger le gouver-nement avec efficacité ».

Barack Obama a su redonneraux Américains confiance dansl’institution de la présidence(25 % seulement de confiance en2007, 51 % en 2009) alors que laconfiance dans les banques s’esteffondrée (41 % en 2007, 22 % en2009). Mais, globalement, leniveau de confiance dans les ins-titutions politiques reste faible :17 % pour le Congrès, 28 % pourla justice, 39 % pour la Coursuprême. La société américainereste inquiète et même parfoistrès inquiète.

En décembre 2008, 10 % seule-ment des Américains déclarentêtre satisfaits de« la manière dontles choses vont aux États-Unis ».Ledéclin est vertigineux depuis ledébut des années 2000 : endécembre 2001, ils étaient 70 % à

être satisfaits, 50 % en décem-bre 2003, 45 % en décembre 2004,36 % en décembre 2005, 30 % endécembre 2006 et 27 % en décem-bre 2007. Le rendez-vous dedécembre 2009 sera décisif pour ledestin de la popularité d’Obama eton verra si son action présidentiel-le réussit à inverser la courbe sanscesse montante des insatisfactionsdes citoyens américains de l’èreBush. Ce n’est qu’alors que l’onpourra juger de la capacité deBarack Obama de pouvoir entrerau panthéon des présidents lesplus populaires.

Tout dépendra de la capacitédu président actuel à inscrire saprésidence dans la lignée desgrandes « présidences de transfor-mation » (transformational presi-dency) que les États-Unis ont puconnaître dans le passé. JamesMacGregor Burns, dans son étudedu leadership politique (Lea-dership, Harper and Raw, NewYork, 1978), a été le premier àintroduire cette notion de trans-formational leadership, un lea-dership qui crée un changementsignificatif dans la vie des gens etdes organisations et qui redessineles perceptions et les valeurs, quichange les attentes et les aspira-tions de ceux qui suivent le leader.Ce type de leadership rappelle lafigure de la « présidence dereconstruction » que le politolo-gue Stephen Skowronek, dans sonremarquable ouvrage The PoliticsPresidents Make. Leadership fromJohn Adams to George Bush (TheBelknap Press of Harvard Univer-sity Press, 1993) avait associée àAbraham Lincoln et à FranklinDelano Roosevelt. Le présidentreconstructeur est celui qui créeun « nouveau régime ».

La fin d’une èreouverte par Reagan

Le New Beginning de Reagancomme le New Deal de Rooseveltont mis en place de nouveaux régi-mes au sens où l’entend JosephSkowronek. Qu’en est-il de la pré-sidence Obama ? Douglas Brin-kley, professeur d’histoire à RiceUniversity et biographe de nom-breux présidents américains, ditqu’il croit que l’élection d’Obamaa marqué la fin d’une ère ouvertepar Reagan. « L’âge de Reagan aduré de 1980 à 2008. Nous sommes

maintenant dans l’âge d’Obama.(…) Il y a un nouveau progressisme.Même pendant les huit années deBill Clinton, il était l’otage des poli-tiques républicaines. Il faisait par-tie intégrante de l’ère Reagan.Aujourd’hui, c’est une nouvelle ère,l’ère la plus progressiste en matièrepolitique depuis 1964 avec LyndonJohnson. »

Pour l’instant, le leader « trans-formationnel » semble emporter laconviction sur le terrain de la poli-tique étrangère et sur celui du ter-rorisme, mais la résistance de l’èreancienne est plus forte sur le ter-rain économique et social. Depuisle début de l’été, les difficultéss’accentuent et les reproches com-mencent à fuser particulièrementsur le terrain économique (effica-cité du plan de relance, aideapportée à General Motors, coûtdes dépenses publiques…) et surle terrain social (réforme du systè-me de santé et de la couverturesociale).

Si Barack Obama convainc unemajorité parfois large d’Améri-cains sur le terrain des affairesétrangères, sur la situation en Irak,sur la situation en Afghanistan ouencore sur le terrorisme, il est,depuis le début de l’été, en minori-té sur les affaires économiques etsociales. 55 % des personnes inter-rogées le désapprouvent sur laquestion du déficit du budget fédé-ral, 50 % sur celle de la politique duHealthcare et 49 % sur celle, pluslarge, de la gestion de l’économie.Sur ce dernier point, la désappro-bation a progressé de 19 pointsdepuis début février.

L’économie, prioritédes Américains

Les « fondamentaux » de lapolitique étrangère, de l’image desÉtats-Unis à l’étranger, des quali-tés personnelles restent au beaufixe, mais les nuages se profilent àl’horizon du paysage économiquequi reste aux yeux des citoyensaméricains le terrain de batailledécisif où se feront les victoires etles défaites politiques de demain.

En juillet (10-12 juillet), 69 %des Américains pensaient quel’économie en général est le pro-blème le plus important auquel lepays est confronté aujourd’hui ;38 % le chômage ; 19 % le manqued’argent, 16 % le système de santé.À l’été 2008, avant le déclenche-ment de la crise économique etfinancière, ils n’étaient que de 20 à30 % à mentionner l’économie.C’est sur l’économie que BarackObama s’est imposé il y a un an,c’est sur le terrain de l’économie etdu social qu’il rencontre ses pre-mières vraies difficultés, que sapopularité, encore bien réelle,peut ternir et que les ambitionsd’une présidence « transforma-tionnelle » rencontreront le plusd’obstacles

(1) Tous les sondages cités dans cetarticle sont des sondages de l’insti-tut Gallup que l’on peut consultersur le site http://www.gallup.com/home.aspx(2) Sondage Gallup 27 juillet-2 août 2009 Obama Job Approval.

*La question utilisée pour mesurer la popularité du président est la suivante :« Approuvez-vous ou désapprouvez-vous le travailque Barack Obama fait en tant que président ? » (do you approve or disapprove of the job Barack Obama is doing as President ?) % de ceux qui approuvent.

Graphique 1 Graphique 2 Graphique 3

60

70

21-25 janvier 4-10 mai 17-23 août

17-23 août

Popularité de Barack Obama en 2009 EN % DE CEUX QUI APPROUVENT*

Popularité des six derniers présidentsSONDAGE SEPT MOIS APRÈS LEUR ARRIVÉE AU POUVOIR

Moyenne d'appréciation positive pour les présidentsDEPUIS 1945, DATES DE MANDAT

52

6667

Barack Obama

George W. Bush

Bill Clinton

George H. W. Bush

Ronald Reagan

Jimmy Carter

56 %

55 %

44 %

69 %

60 %

60 %Source : Gallup

Phot

os :

Le F

igar

o, R

ue d

es a

rchi

ves

John Kennedy

Dwight Eisenhower

George H.W. Bush

Lyndon Johnson

Bill Clinton

Ronald Reagan

George W. Bush

Richard Nixon

Gerald Ford

Jimmy Carter

Harry Truman

(1961-1963)

(1953-1961)

(1989-1993)

(1963-1969)

(1993-2001)

(1981-1989)

(2001-2009)

(1969-1974)

(1974-1977)

(1977-1981)

(1945-1953)

70,1 %

65 %

60,9 %

55,1 %

55,1 %

52,8 %

49,4 %

49 %

47,2 %

45,5 %

45,4 %

ParPascal Perrineau

ÉTATS-UNISLa politique économiqueet sociale commenceà peser sur la cote depopularité de BarackObama, passée sous le seuildes 60 % au début de l’été.

Homme du renouveau de lagauche américaine, le premierprésident afro-américaindoit compter aujourd’hui avecl’émergence d’un scepticismecroissant dans l’opinion alorsque se profilent les électionsde mi-mandat en 2010. BarackObama perd notammentdu terrain dans le domaineéconomique et social(couverture sociale universelle,plans économiques).Ce renversement de tendanceest d’autant plus significatif pour« l’as » de la communicationet de la pédagogie de massequ’il avait fait la différence surce dossier lors de la campagneprésidentielle.Toutefois, la cote de BarackObama reste encore à un niveauélevé sans atteindre les sommetsde celle de ses prédécesseursGeorge H. W. Bush, RonaldReagan et Jimmy Carter.

J. A.

Page réaliséeen collaborationavec le Centre de recherchespolitiques de Sciences Po(Cevipof), centre associéau CNRS et dirigépar Pascal Perrineau.

mardi 8 septembre 2009 !

Études politiques Figaro-Cevipof16

A

Page 32: Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

Le chef de l’État est-il un libéral?liberté en France ; c’est l’État qui, durant lamonarchie, sous la Révolution, avec Napo-léon, puis dans la continuité républicaine, aété le fabricant de l’unité nationale, le pro-tecteur du lien social et le défenseur devaleurs universelles à l’extérieur. En mêmetemps, par les droits de l’homme, le Codecivil, l’école laïque et les voies de l’élitismerépublicain, l’État favorise la liberté enl’encadrant. Ce n’est pas contraire aux prin-cipes libéraux, malgré ceux qui croient que lelibéralisme est le désordre. Dans le cadre dulibéralisme gouvernant, depuis Guizot jus-qu’à Giscard d’Estaing ou Balladur, l’État aprivilégié l’appel à une liberté organisée d’enhaut, plus que la libre association des indivi-dus, des communautés locales et des intérêts

à la façon américaine. S’impose en effet cettemission de préserver l’égalité et de protégerles plus faibles qui témoigne de plus loin quel’idée républicaine du XIXe siècle : c’est lamarque de la lutte contre l’Ancien Régime etles privilèges déclarés et officialisés par la loi.

Favoriser l’émergence de règlesSarkozy a des convictions libérales, en

phase avec la mondialisation, mais il doit lesadapter au rôle de l’État auquel les Françaissont attachés, tantôt comme pacificateurdans nos guerres civiles tantôt comme pro-tecteur des services d’intérêt général. Don-ner davantage la parole à la société, favoriserl’émergence de règles chez les acteurs eux-mêmes, tel est et restera le pôle libéral ; en

revanche, réformer les institutions et le ser-vice public, lutter contre la crise appelle unvolontarisme d’État assez voyant. Ce prag-matisme étatico-libéral n’est pas une ruptu-re dans notre histoire, pas plus que la per-sonnalisation du pouvoir destinée àdramatiser les changements. Sarkozy estrépublicain et libéral, partie par conviction,partie par devoir d’État : la prose de sonaction est de tradition française, son lyrismeou son vedettariat participe à la mondialisa-tion. Il faut distinguer les deux registres quel’acteur marie habilement sur la scène politi-que nationale et internationale.

LUCIEN JAUME(Directeur de recherches Sciences Po

Cevipof CNRS)

EXÉCUTIFLe chef de l’État a imposé,dans le style et la forme,un nouveau moded’exercice du pouvoir.

La personnalité du président,son activisme, son style et seschoix politiques révèlent uneforme singulière de l’exercicedu pouvoir présidentiel.Toutefois, « la fibrebonaparto-gaullistequi constitue l’undes tempéraments majeursde la droite française »innerve le « sarkozysme »,affirme Pascal Perrineau.Tant dans l’exercicedu pouvoir que dans l’usagede la médiatisation, le présidenta mis ses pas dans ceuxde ses prédécesseurs :il n’a pas inventél’hyperprésidentialisation,que pratiquaient déjàde Gaulle et Mitterrand,mais il l’a poussée plus loin.Il n’a pas innové « en articulantétroitement exercice du pouvoirprésidentiel et maîtrisede l’agenda médiatique »,mais il exploite un registreouvert par Giscard d’Estaing.La modernité du sarkozysmeréside, selon Pascal Perrineau,« dans la transgressiondes barrières qui séparentvie publique et vie privée,et même, au sein du privé,vie intime et non intime ».À l’aune de la placedu libéralisme dans l’histoirede France, Lucien Jaumemontre commentNicolas Sarkozy s’emploieà adapter ses convictionslibérales en phaseavec la mondialisation au rôlede l’État, auquel les Françaissont historiquement attachés.« Depuis son élection, note-t-il,la ligne Sarkozy apparaîtcomme un mixte d’étatismeou d’esprit sécuritaire et de foidans la liberté des individus. »

J. A.

Dans le temps long des cultures politiquesfrançaises, on découvre des continuitéset des ruptures permettant de cernerla réalité de l’exercice sarkozystedu pouvoir : pérennité et affirmationdu présidentialisme, mariage intimede l’action politique et de l’actionmédiatique et adaptation de l’exercicedu pouvoir à une société qui a changé.

Un bonapartisme du XXIe siècleLe présidentialisme renforcé de Nicolas

Sarkozy est décodé comme un signe d’une« dérive monarchique », au mieux, autoritai-re, au pire. Or, la plupart des monarchiessont héréditaires et dynastiques. La référen-ce, telle que l’avance Alain Duhamel, à un« bonapartisme du XXIe siècle » et à un« pouvoir consulaire » est plus pertinentedans la mesure où elle implique la conserva-tion de la forme républicaine de la France etla suprématie du pouvoir d’un homme légi-timé par le suffrage universel.

Si Nicolas Sarkozy a poussé plus loin leprocessus que ne l’avaient fait ses prédéces-seurs, l’hyperprésidentialisation n’a pas étéinventée par lui. Souvenons-nous du généralde Gaulle lors de la conférence de presse du31 janvier 1964 : « Il doit être évidemmententendu que l’autorité indivisible de l’État estconfiée tout entière au président par le peuplequi l’a élu, qu’il n’en existe aucune autre, niministérielle, ni civile, ni militaire, ni judiciai-

re, qui ne soit conférée et maintenue par lui,enfin qu’il lui appartient d’ajuster le domainesuprême qui lui est propre avec ceux dont ilattribue la gestion à d’autres… » FrançoisMitterrand a maintenu la lecture gaulliennedes institutions en préservant les prérogati-ves du président. À peine élu, il déclarait le2 juillet 1981 :« J’exercerai dans leur plénitudeles pouvoirs que me confère la Constitution(…). Nul n’ignore, au sein du gouvernementcomme ailleurs, que le président de la Répu-blique peut à tout moment faire prévaloirl’opinion qu’il a de l’intérêt national. »

Hyperprésidence ne veut pas dire omni-potence. Nicolas Sarkozy exerce une empri-se sur l’État plus clairement affichée, parexemple, que celle de Georges Pompidouhier. Mais cette emprise n’est pas plus fortesur l’État de 2009, elle l’est incomparable-ment moins que sur l’État de 1969.

Enfin, la réforme de la Constitution miseen œuvre à l’été 2008 revalorise beaucoup lerôle de contrepoids du Parlement.

L’omniprésence médiatiqueNicolas Sarkozy n’est pas le premier pré-

sident à articuler étroitement exercice dupouvoir présidentiel et maîtrise de l’agendamédiatique. Giscard faisant figurer sa fillesur les affiches de la campagne présidentiel-le de 1974, Mitterrand donnant en 1985 desleçons de modernité langagière et médiati-que au journaliste très branché qu’était YvesMourousi, Jospin poussant la chansonnettedans une émission de Patrick Sébastien… la« politique spectacle » est une vieille affaire.

En revanche, enfant lui-même de la télé-vision, le président actuel a épousé plusétroitement les logiques de la communica-tion audiovisuelle et les a poussées à leurpoint d’orgue. La communication accompa-gne intimement l’action politique à tous sesstades.

Une des caractéristiques fortes de cenouveau registre communicationnel réside

dans la transgression des barrières qui sépa-rent vie publique et vie privée et même ausein du privé, vie intime et vie non intime. Laprivatisation de l’espace public n’a, là aussi,pas attendu Nicolas Sarkozy pour s’épa-nouir. Famille et politique présidentielle ontpu être intimement mêlées sous FrançoisMitterrand ou sous Jacques Chirac. Enrevanche, l’exposition d’une certaine intimi-té de la vie d’un président est davantage liéeà la présidence Sarkozy. Elle comporte desrisques car si l’intime est dévoilé, il y a trans-gression et cela peut troubler, après les avoirattirés, les citoyens qui y assistent. Ce dévoi-lement de la vie personnelle du président,particulièrement sensible dans l’année qui asuivi la victoire du 6 mai 2007, a pu coûtercher à Nicolas Sarkozy en termes d’image etde popularité.

Les deux corps du présidentCe nouveau style d’exercice du lea-

dership qui peut ignorer la part d’ombre etde distance qui participe de l’autorité prési-dentielle traditionnelle est à l’origine d’unprocessus de désymbolisation dont il est dif-ficile de mesurer tous les effets. Pour repren-dre les catégories de Kantorowicz (« Lesdeux corps du Roi »), le « corps naturel »,prosaïque qui marque la proximité d’unprésident suractif, a envahi le « corps politi-que », hiératique qui symbolise la distanceet la solennité de la République. Pour l’ins-tant, le premier corps l’emporte sur lesecond. La « personne » a envahi la « fonc-tion » et a perturbé le cérémoniel, davantagesolennel, auquel la République gaulliennenous avait habitués. Il est frappant de voirque l’enquête CSA sur l’image de NicolasSarkozy (infographie ci-dessus)propulse aupremier plan des qualités liées à la « person-ne » : le dynamisme, le courage, la capacité àprendre des décisions difficiles qui définis-sent l’activisme présidentiel lui sont accor-dés par plus des deux tiers des personnes

interrogées ainsi que des qualités liées à ladimension la plus régalienne de la fonction(sens de l’État, stature internationale) surlaquelle il s’était nettement imposé face àSégolène Royal et qui a été réactivée lors desa présidence de l’Union européenne.Cependant, les attentes vis-à-vis de la fonc-tion présidentielle ont évolué dans la sociétéd’aujourd’hui. On l’avait déjà ressenti lorsde la campagne présidentielle. Les électeurshésitent entre un président en pleine « capa-cité », sachant manier l’autorité et éventuel-lement la distance qui sied à tout pouvoirsuprême, et une autre figure, celle d’un pré-sident plus proche, plus « ordinaire », « sansqualités ». Ces deux figures de la « capacité »et de la « proximité » se sont affrontées en2007, elles sont toujours à l’œuvre en 2009.Sur cette deuxième dimension plus empa-thique et moins verticale, Nicolas Sarkozyest moins bien placé. Les inquiétudes et fra-gilités liées à la crise redonnent à cettedeuxième dimension un espace et expli-quent la position plus difficile de NicolasSarkozy lorsqu’on demande à l’opinion desavoir si la notion de « bon président de laRépublique » s’applique bien à lui.

Dans le style et dans la politique, dans laforme et dans le fond, le sarkozysme, tout enétant très marqué par la modernité, s’inscritselon René Remond, dans«cette combinai-son de la référence au peuple souverain et del’aspiration à un pouvoir fort, cette alliancede l’autorité et de la démocratie, assortied’une tonalité sociale, le tout accompagnéd’une intention ou d’une affectation demodernité», caractéristique de cette fibrebonaparto-gaulliste qui constitue un destempéraments majeurs de la droite françai-se. Comme tout pouvoir qui marque, Nico-las Sarkozy invente et perpétue.

* Directeur du Centre d’étudesde la vie politique française (Cevipof)-Centrede recherches politiques de Sciences Po.

LE FIGARO

Dynamique

Courageux

Sait prendredes décisions difficiles

A une statureinternationale

A le sens de l'État

Sait où il va

Compétent

Maîtrise bien ses dossiers

Capable de réformer le pays

Sympathique

À la hauteur des événements

Fait ce qu'il dit

A un vrai projet pour la France

Fait un bon présidentde la République

Proche des gens

Apporte des solutionsaux problèmes des FrançaisSuffisamment à l'écoutede tous les Français

8575

504846

424141

3630

26

6664

605454

52

EN % DE RÉPONSES POSITIVESConsidérez-vous que les qualificatifs suivantss'appliquent bien à Nicolas Sarkozy ?

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ce :

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9

L'image de Nicolas Sarkozy

Nicolas Sarkozy ou le présidentialisme assumé

Par Pascal Perrineau *

ÉVÉNEMENT ROLAND-GARROS SUR

europe1.fr

RENDEZ-VOUS PLACE DES MOUSQUETAIRES EN DIRECT ET EN PUBLICJean-Marc MORANDINI

Lundi - Vendredi • 11h00 - 14h00

Alexandre DELPÉRIER et Fabrice SANTOROLundi - Jeudi • 20h00 - 22h30

Alexandre RUIZ et Fabrice SANTOROVendredi • 20h00 - 22h30Samedi - Dimanche • 15H00 - 23H00

Page réalisée en collaborationavec le Centre de recherchespolitiques de Sciences Po(Cevipof),centre associé au CNRSet dirigé par Pascal Perrineau

Son pragmatisme n’est pasune rupture dans notre histoire.

TOUT président est contraint à prendre encharge l’histoire de la France. À tra vers l’opi-nion publique et les institutions, le passéexerce une forme de présence. Pour savoir siSarkozy appartient au libéralisme, ilconvient de comparer avec la culture de laliberté en France. Ce terrain est plus assuréque celui d’un « sarkozysme » hypothétique,étant donné qu’il est encore trop tôt et, sur-tout, compte tenu du pragmatisme foncierde ce président. Depuis son élection, la lignede Sarkozy apparaît comme un mixte d’éta-tisme, ou d’esprit sécuritaire et de foi dans laliberté des individus. Telle est la culture de la

mardi 2 juin 2009 !

Études politiques Figaro-Cevipof14

A

Page 33: Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

Le socialisme européen en panne de modèle

À l’instar de la gauche réformisteeuropéenne, le PS est confrontéà un vide d’identité.

CHAQUE parti qui compose le socialismeeuropéen présente des points communsavec les membres de cette famille et desparticularités déterminées par une longuehistoire et son insertion dans le systèmepolitique national. Le socialisme en Fran-ce, quel que soit le nom que le parti ait prisau fil du temps, a néanmoins d’indéniablessingularités au regard des partis sociaux-démocrates d’Allemagne, d’Autriche et despays scandinaves.

À la différence des puissantes machi-nes sociales-démocrates, le PS, doté d’unefragile organisation, n’entretient que desliens lâches avec les confédérations syndi-cales, à l’exception de ceux noués avec lessyndicats des enseignants. De même, il n’atoujours eu qu’un faible enracinementdans la société, hormis dans le Nord-Pas-de-Calais. Son électorat était et reste moinsimportant qu’ailleurs en Europe et la clas-se ouvrière y occupe une portion congrue.

Le tournant des années MitterrandEn outre, le PS a été confronté à la vive

concurrence du PCF, qui, de 1945 à la findes années 1970, l’a largement dominé.Cela a accentué ses propres caractéristiquesidéologiques et politiques : l’obsession dene pas avoir d’ennemi sur sa gauche, lerefus du réformisme, la réticence au com-promis, l’inclination à la radicalité, un goûtprononcé pour l’intransigeance doctrinale,une propension à la division, la difficulté à

assumer l’exercice du pouvoir comme l’ontmontré Alain Bergounioux et Gérard Grun-berg dans L’ambition et le remords. Lessocialistes français et le pouvoir.

Les années Mitterrand, de 1971, lors-que celui-ci s’empare du nouveau PS, à1995, date de la fin de sa seconde présiden-ce, représentent un tournant. Dans un pre-mier temps, la stratégie de l’union avec lePCF accentue ses traits avec sa volonté derompre avec le capitalisme, son vaste pro-gramme de nationalisations et sa critiquede la « timidité » sociale-démocrate. Pa-reille continuité coexista avec les rupturesintroduites par François Mitterrand, com-me l’assimilation de la logique présiden-tielle des institutions de la Ve République.

Crise du leadershipDans un second temps, à partir du

tournant de la rigueur, en 1983-1984,s’amorce une conversion forcée à uneculture pragmatique de gouvernement,assez semblable à celle des autres socialis-tes européens, et, de manière quasi hon-teuse, au réformisme comme référenceidentitaire. Débarrassé du défi communis-te (le PCF s’est effondré en quelquesannées), le PS se rapproche alors des partissociaux-démocrates. Un rapprochementfacilité par sa pleine intégration au sein del’Internationale socialiste et du Parti socia-liste européen (PSE).

La situation présente du PS est prochede celle du reste de la gauche réformisteeuropéenne. Comme les autres partis, lePS est confronté à un dilemme de straté-gie : faut-il s’allier avec les forces centristes

ou avec celles qui sont sur sa gauche ? Sonélectorat présente une structure compara-ble à celle de la plupart des autres partis degauche : des salariés de plus de 50 ans,appartenant plutôt au secteur public,vivant dans des grandes villes, diplômés,partageant des valeurs « libertaires » ; enrevanche, il ne comporte guère de jeunes,de catégories populaires, de précaires oude salariés du privé.

Le PS, à l’instar de toute la gaucheeuropéenne, est confronté à un vided’identité : son réformisme ne s’avère guè-re tranchant ni mobilisateur et encoremoins son socialisme. Enfin, il butte sur laquestion du leadership, non point parmanque de talents mais parce que l’autori-té du leader est affaiblie par sa tradition-nelle culture des égaux et la compétitionentre les ego.

Le poids considérablede la fonction publique

Connaître des tourments comparablessignifie-t-il pour autant que le PS est désor-mais un parti socialiste comme les autres ?Le PS conserve encore des traits qui le spé-cifient. Ses traditionnelles faiblesses orga-nisationnelles continuent de le différenciercomme son positionnement idéologique.La grande entreprise de rénovation de lagauche des années 1990, symbolisée par leblairisme, visait à relancer une social-dé-mocratie en voie d’épuisement par l’assi-milation du libéralisme, la reconnaissancede l’économie de marché sans approuverla dérégulation généralisée et le déploie-ment de politiques publiques innovantes,

notamment en matière d’éducation, derecherche et de formation professionnelle.Alors qu’elle a partout nourri discussionset controverses, le PS a majoritairementchoisi de l’esquiver ou de la dénigrer.Aujourd’hui, avec la crise financière et éco-nomique, il pense que le « social-libéralis-me » est mort et que le temps de l’État estde retour, ce qui lui donnerait rétrospecti-vement raison.

Le PS, qui n’a jamais procédé à un vraibilan historique de la gauche et du com-munisme, cède une fois encore à sesvieilles inclinations : il gauchit son dis-cours contre le capitalisme sous la pres-sion de la gauche radicale désormais plustrotskiste que communiste. Les autrespartis socialistes et sociaux-démocratescherchent quant à eux à inventer de nou-velles formes de régulation et à luttercontre les inégalités sociales qui se sontcreusées sans renoncer à leur acceptationde l’économie de marché, à l’impératif dela réforme de l’État et au refus de l’espritd’assistance.

Enfin, le PS est plus dépendant dusecteur public et de la fonction publiquequi exercent un poids considérable et,en un certain sens, se servent désormaisde lui pour imposer leurs propres inté-rêts. Ainsi, bien que le PS adhère aumanifeste du PSE pour les électionseuropéennes, il s’avère à la fois un partisocialiste comme un autre et irréducti-blement différent.

MARC LAZAR

* Professeur des universités à Sciences Po.

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19751972 1978 1981 1984 1987 1990 1993 1996 1999 2002 2005 2008

19,1

25,85

34,10

23,30

16,18

Le PS dans les urnes depuis 1974 EN % DES SUFFRAGES EXPRIMÉS

Les candidatsdu parti socialisteaux présidentielles

1981 et 1988François Mitterrand

1995 et 2002Lionel Jospin

2007Ségolène Royal

23,53

Source : sondages

post-présidentiels Sofres,

Cevipof, Ifop

28,9 Européennes

25,87

24,73 Législatives

Présidentielle

LE FIGARO

En 1988, Mitterrand réunissait41 % du vote ouvrier au premiertour de la présidentielle. En 2007,Royal n’en attirait plus que 25 %.

DANS sa période de gloire, l’électoratsocialiste a su agréger trois types d’électo-rats : l’électorat ouvrier et plus largementdes couches populaires (ouvriers et em-ployés), celui de la fonction publique etcelui des bourgeois à haut niveau de diplô-me dont une partie s’incarne dans la caté-gorie des bobos. En 1988, François Mit-terrand attirait, au premier tour, 41 % duvote ouvrier, 37 % de celui des employés,40 % de celui des fonctionnaires et 29 % duvote des cadres et professions intellectuel-

les. Vingt ans plus tard, en 2007, la candi-date socialiste ne recueille que 25 % duvote ouvrier (– 16 %), 24 % du vote desemployés (– 13 %), 29 % du vote des sala-riés du public (– 11 %) et 25 % du vote descadres et professions intellectuelles(– 4 %).

La chute d’influence dans les milieuxpopulaires et dans le monde du publicest sévère et dépasse en intensité l’éro-sion de l’influence nationale (SégolèneRoyal a rassemblé 9 points de moins queFrançois Mitterrand dans l’ensemble del’électorat).

Seuls les secteurs les plus bourgeois del’électorat (cadres et professions intellec-tuelles) ont mieux résisté. Ces mouve-ments divers se sont traduits par un em-

bourgeoisement de l’électorat socialiste.Cette évolution est encore plus sensiblequand on compare les seconds tours de1988 et de 2007, où le candidat socialistereprésente l’ensemble de la gauche : en1988, François Mitterrand captait 75 % duvote ouvrier et 50 % du vote des cadres etprofessions intellectuelles, en 2007 Ségolè-ne Royal rassemble seulement 48 % duvote ouvrier et 46 % du vote des cadres etprofessions intellectuelles. La chute estvertigineuse en milieu ouvrier (– 27 %)alors que l’érosion n’est que faible enmilieu bourgeois (– 4 %). En 2007, la pro-portion de bourgeois, cadres et professionsintellectuelles qui ont voté à gauche (46 %)est équivalente à celle des ouvriers qui ontfait de même (48 %). En 1988, le différentielentre ces deux pourcentages était de25 points, il n’est plus en 2007 que de deuxpoints. La polarisation politique recoupaitune forte polarisation sociale. Ce n’est plusle cas aujourd’hui.

Une force de plus en plus imprévisibleLe PS, au premier comme au second

tour de l’élection présidentielle, ne peutplus se présenter comme l’expressionpolitique privilégiée des couches popu-laires. Au premier tour, en 1988, le candi-dat socialiste faisait 12 points de plus en

milieu ouvrier qu’en milieu bourgeois, en1995 il faisait 4 points de moins, en 2002,5 points et en 2007 il faisait jeu égal (voirgraphique ci-dessus). Ségolène Royal s’estcontentée de stopper le processus d’em-bourgeoisement du PS, elle ne l’a pas dutout inversé.

Cette perte massive des couchespopulaires est sensible dans l’ensemblede la famille socialiste en Europe. Ce qui aété politiquement et idéologiquementconstruit à la fin du XIXe siècle et pendantles premières décennies du XXe siècle, àsavoir la représentation des couchespopulaires derrière le mouvement socia-liste, est en train de se déstructurer. L’abs-tention, la droite et souvent la droite

extrême ainsi que la « gauche de la gau-che » attirent autant sinon plus que le PS.Dans le dernier sondage d’intentions devote pour les européennes réalisé parl’Ifop pour Paris Match, 19 % seulementdes ouvriers annoncent un vote PS, 14 %un vote MoDem, 15 % un vote UMP,24 % un vote pour les forces de « la droitede la droite » (FN et souverainistes) et22 % un vote pour la « gauche de la gau-che ». Le vote bourgeois en faveur du PScontinue en revanche à prospérer :35 % des cadres supérieurs et professionslibérales s’apprêtent à voter en faveur deslistes socialistes. Le « peuple » est électo-ralement une force de plus en plusindomptable et imprévisible, le Partisocialiste en souffre.

* Directeur du Centre d’étudesde la vie politique française (Cevipof)-Centrede recherches politiques de Sciences Po.

! Précision : dans l’article intitulé« D’où viennent les électeurs du MoDem »publié dans nos éditions du 19 mai 2009,le rapport de forces entre l’UMP et le PSfaisait référence à l’enquête OpinionWayFiducial pour Le Figaro. Ce sondage, parudans nos éditions du 13 mai, l’estimaità 27 pour l’UMP et à 22 pour le PS.

Le PS perd son audience populaireVote en faveur du PS au 1er tour de la présidentielle

Vote ensemble électorat Vote ouvrier Vote des cadres et professions intellectuelles

3541

2923 21

25

16 1318

26 25 25

Source : sondages post-présidentiels Sofres, Cevipof, Ifop

1988 1995 2002 2007

LE FIGARO

Par Pascal Perrineau *

ÉLECTIONS EUROPÉENNESÀ l’aune du reflux de leurprésence gouvernementaledans les États de l’Unionoù ils gouvernent dans huitpays contre onze en 2001,les sociaux-démocratespourraient enregistrerune nouvelle perted’influence le 7 juin,date du renouvellementdu Parlement européen.

En dépit de la criseet de leurs incantationsau retour de l’État providence,les sociaux-démocrates peinentà se mettre en phase avec leurélectorat historique.En France, le PS a toujours tenuses distances avec les tentativesde « modernisation » de lasocial-démocratie notammentvis-à-vis du « blairisme ».Néanmoins, le PS n’est pasparvenu à enrayer la désaffectiondes ouvriers, employés etdes personnels de la fonctionpublique. Sa nature profonde l’yempêche. C’est ce que démontreMarc Lazar, qui met au jourles principaux pointsd’achoppement. « Le PS, qui n’ajamais procédé à un vrai bilanhistorique de la gauche et ducommunisme, cède une foisencore à ses vieilles inclinations :il gauchit son discours contrele capitalisme sous la pressionde la gauche radicale désormaisplus trotskiste que communiste. »Pour Pascal Perrineau, le votesocialiste « n’est plus l’expressionpolitique privilégiée des couchespopulaires ». En un quartde siècle de consultationspolitiques, sa base électorales’est rétrécie. À preuve en 2007« la proportion de bourgeois,cadres et professionsintellectuelles ayant votéà gauche étant équivalenteà celle des ouvriers qui ont faitde même ».

J. A.

Page réalisée en collaborationavec le Centre de recherchespolitiques de Sciences Po(Cevipof),centre associé au CNRSet dirigé par Pascal Perrineau

mardi 26 mai 2009 !

Études politiques Figaro-Cevipof16

A

En savoir plus

- A. Bergounioux, G. Grunberg, L’Ambitionet le Remords. Les Socialistes françaiset le pouvoir,Paris, Pluriel, 2007.- E. Külahci, La Social-démocratieet le chômage, Bruxelles,Éd. de l’Université de Bruxelles, 2008.- R. Lefebvre, F. Sawicki, La Sociétédes socialistes. Le PS aujourd’hui,Bellecombes-en-Bauge, Éd. du Croquant,2006.

Page 34: Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

D’où viennent les électeurs du MoDemLE CENTRISME a toujours été uneréalité électorale sous la Ve Répu-blique, même si la logique trèsbipolaire des institutions lui a réser-vé une place plus ténue que sous laIVe République. En dépit de ce pro-cessus de laminage électoral, JeanLecanuet soutenu par le MRP en1965 rassembla 15,6 % des suffra-ges, Alain Poher, en 1969, en attira23,3 % ce qui reste le point d’orguedu centrisme sous la Ve République.François Bayrou reprit, en 2002,l’héritage de ce centrisme aux vel-léités oppositionnelles mais n’agré-gea que 6,8 % des votes autour de sapersonne. Ce n’est qu’en 2006-2007, après avoir mis fin à l’alliancequi le rattachait à la droite et créécet « hypercentre » indépendant,qu’il parvint à faire renouer le cen-trisme avec un score à deux chif-fres : 18,6 % au premier tour del’élection présidentielle de 2007.

Le MoDem reste la troisièmeforce du paysage politique françaisderrière l’UMP (27 %) et le PS(22 %). Le centrisme autonome deFrançois Bayrou n’est pas encoreen position de bouleverser le rap-port de forces entre les grands par-tis de la gauche et de la droite. Il està 14points de l’UMP et à 9 points duPS dans un statut qui reste, jusqu’ànouvel ordre, celui de la plus grossedes « petites forces » (quatre pointsdevant les écologistes, six pointsdevant le NPA et le FN).

Devenir la deuxième forceLe paradoxe veut qu’un Fran-

çois Bayrou qui ne cesse de dénon-cer « l’hyperprésidence »et le « pou-voir personnel »ne puisse compterque sur l’élection présidentielle etl’aventure personnelle consubstan-tielle à la candidature à une telleélection, pour envisager de« rebat-tre les cartes »et de passer du statut,certes enviable mais marginal, detroisième force à la position dedeuxième force autour de laquellela donne politique se réorganise enprofondeur. Jusqu’à maintenantune telle ambition a toujours

échoué : Lecanuet fut écarté dusecond tour en 1965 par un Fran-çois Mitterrand, candidat de la gau-che unie dès le premier tour, AlainPoher, qui avait pourtant atteint lesecond tour, fut sévèrement battuen 1969 par Georges Pompidou. En2002, François Bayrou se contentad’un modeste témoignage. Enfin,

en 2007, il resta le « troisième hom-me », certes à un niveau consé-quent (18,6 %) mais fut nettementdominé par Nicolas Sarkozy(31,2 %) et même Ségolène Royal(25,9 %). Il espère devenir en 2012le « deuxième homme » et ne plus

jouer le rôle du supplétif électoralqui jusqu’alors a été le sien.

Cela exige qu’il domine le can-didat socialiste, ce que seul AlainPoher avait réussi à faire en 1969mais, à l’époque, le courant socia-liste était exsangue. Et même cetteéventuelle suprématie électoralen’est pas complètement garantede la victoire finale puisque AlainPoher avait été écrasé (41,8 %)par le candidat de droite, GeorgesPompidou.

L’électorat du dernier momentMais il est vrai que la gauche de

l’époque était sous influence d’uncommunisme fort peu sensible auxsirènes du socialo-centrisme.Aujourd’hui l’espace du socialo-centrisme est plus significatif : lePCF est marginal, le PS hésite surses stratégies d’alliance, des mo-bilités significatives se sont instal-lées entre l’électorat de gauche etl’électorat centriste : en 2007, sur100électeurs qui ont voté pourFrançois Bayrou, 40 avaient choisila gauche en 2002 contre seulement26 la droite. Cet électorat capablede recueillir les frustrations et les

déceptions est fragile et volatil.C’est souvent un électorat du der-nier moment qui marie à la foisl’héritage de la vieille traditiondémocrate chrétienne (parmi lesdépartements qui ont offert à Bay-rou ses meilleurs scores, on comptebeaucoup de terres de forte prati-que catholique : Finistère, Ille-et-Vilaine, Haute-Loire, Pyrénées-At-lantiques, Bas-Rhin, Haute-Savoie)et une sociologie plus moderne oùnombre de jeunes électeurs et decitoyens aisés et diplômés disent,dans leur vote, leur volonté d’une« alternative ».

Reste à l’homme qui tente decoaliser cet électorat hétérogène àorganiser la fidélisation de ses sou-tiens et à amplifier le ralliement. Latâche est difficile, les législatives dejuin 2007 et les municipales et can-tonales de 2008 ont montré que lechemin était parsemé d’embûcheset d’obstacles. Les européennes du7 juin s’inscriront-elles dans cettecontinuité ou marqueront-ellesl’ouverture de la brèche électoralepour le leader du MoDem ?

*Directeur du Cevipof.

Les centristes aux présidentielles et aux européennes

Sour

ce :

Cevip

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1965 1969 1989 1999 2002 2004 2007

20

15

10

5

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9,3%12%

FrançoisBayrou

6,8%

Simone Veil8,4%

FrançoisBayrou

18,6%VOTE AUX PRÉSIDENTIELLES, en %

VOTE AUX EUROPÉENNES, en %

Jean Lecanuet15,6%

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AlainPoher23,3%

C’EST d’abord en termes négatifsque le centre se définit; il ne se veutni de droite ni de gauche. Ces deuxpôles idéologiques doivent êtrepris dans un sens socio-économi-que. Pour utiliser la terminologiedu célèbre politologue norvégienStein Rokkan, sur la genèse des cli-vages politiques en Europe au XIXe

et XXe siècles, ils sont l’expressiond’un clivage fondamental survenudans le devenir de la société mo-derne lors de son industrialisation.

La droite se portant davantagedu côté des possédants, la gaucheplutôt du côté de ceux qui n’ontpas de propriété. Traduite sur leplan des partis politiques, la droiterassemble donc les partis conser-vateurs, voire libéraux ; la gaucheest socialiste ou communiste. Cequi, a priori, laisse peu d’espace aucentre, si ce n’est pour devenir unpôle de ralliement – provisoire ? –pour les déçus de droite ou de gau-che. D’autres clivages politiquesque le seul clivage socio-économi-que peuvent servir de base pourfonder un parti. Le clivage État/Église a produit des partis de« défense religieuse », surgis enréponse à l’offensive « moderni-sante » portée par des partis detype libéral ou radical et devenusprogressivement des partis démo-crates chrétiens. En fait, quand onparle de centrisme, il s’agit le plussouvent de ces derniers, qui récu-sent souvent la classification àdroite.

Forts surtout dans les paysfondateurs de l’Union, les démo-crates chrétiens ont une longueexpérience gouvernementale de-puis 1945. Partisans de l’écono-mie mixte, d’une politique socialegénéreuse, comme garante de lacohésion sociale, du dialogueentre partenaires sociaux, cespartis ont une pratique souple quileur permet de gouverner tantôtavec la gauche, tantôt avec ladroite. Ils furent, dès le début,champions de l’intégration euro-péenne. Ce courant fut représen-té en France par le Mouvementrépublicain populaire (MRP).

D’autres partis dits centristestrouvent leur origine dans un

troisième clivage qui oppose lemonde urbain à la ruralité. EnScandinavie et dans les pays Bal-tes, les centristes sont surtout desagrariens. De nombreux partislibéraux (LibDems britanniques,FDP allemand), victimes du sys-tème électoral de leur pays, quiaccuse une forte tendance bipo-laire, revendiquent l’étiquettecentriste. Dans ces États, l’espacedu centre est réduit alors qu’il estsensiblement plus large dans lespays où le multipartisme s’épa-nouit grâce à la proportionnelle.

Catholicisme électoralCes différents centristes se

retrouvent au niveau européendans le Parti européen des libé-raux, démocrates et réformateurs(ELDR) ou le PDE (Parti démocra-te européen) ou le groupe com-mun au Parlement européen Alde(Alliance des libéraux et démo-crates pour l’Europe). La plupartdes démocrates chrétiens se re-trouvent au Parti populaire euro-péen (PPE), dont le centre de gra-vité s’est porté vers des positionsplus droitières que celles quiétaient les siennes aux origines.Illustration, s’il en est, de la diffi-culté de bien cerner la réalité cen-triste.

Le MoDem se situe dans laligne de la Démocratie chrétiennefrançaise. Depuis l’effondrementdu MRP en 1967, les démocrateschrétiens se sont organisés sousdifférentes étiquettes, depuis leCentre démocrate de Lecanuetjusqu’à Bayrou. Ces formationsont des traits communs sous leurchangement – fréquent – de nom.Ils veulent élargir leur base au-de-là du réservoir (en diminutionprogressive) des catholiques pra-tiquants, à l’instar de partis frèrestel le Centre démocrate humanis-te wallon. D’où la disparition detoute référence confessionnelledans le nom et dans sa doctrine.Hormis cela, leur doctrine politi-que ressemble pourtant toujoursassez bien à l’offre démocratechrétienne classique.

Nonobstant leur volonté dediminuer leur tonalité chrétien-

ne, ils obtiennent de tout tempsleurs meilleurs résultats dans lesterres classiques du catholicismeélectoral. Leurs renforts politi-ques sont venus (un peu) des cou-rants libéraux ou sociaux-réfor-mistes, notamment pendant lesannées de l’UDF. Ils ciblent desélecteurs proeuropéens surrepré-sentés dans les couches les plusqualifiées et diplômées de l’élec-torat.

Le grand problème de ce cen-trisme vient de la nature du systè-me politique de la Ve République,de plus en plus bipolaire quel quesoit le niveau d’élection. À suppo-ser que le noyau du vote centristese situe autour de 8-10 %, le partia évidemment besoin d’alliancespour peser ; jusqu’ici il a toujourspactisé avec la droite, ce qui luipermettait d’hériter de ministèreset de bénéficier de l’absence d’uncandidat de droite concurrentdans certaines circonscriptionsréservées.

Mais la percée de Bayrou en2007 a mis au jour le paradoxefondamental du centrisme fran-çais et souligné les limites de sonéventuelle croissance. Son chef etses idées peuvent séduire (etmordre sur la gauche et la droiteà la fois). Mais comment avoirune majorité parlementaire avecun parti nain, réduit à quatredéputés ?

L’avenir du centrisme passepar le renforcement du MoDem.Les élections européennes de-vraient l’aider. Le vrai test sera en2012. Si Bayrou accède au secondtour, tout devient possible. Sinon,le centrisme sera réduit à la por-tion congrue qui, historiquement,semble être la sienne.

DAVID HANLEYde l’Université de Portsmouth

Bayrou ou l’éternel dilemme du centre

ÉLECTIONS EUROPÉENNESLa consultationdu 7 juin sera un testsur la capacité deFrançois Bayrou à coaliserun électorat hétérogène.

Champions de l’intégrationeuropéenne, les démocrates-chrétiens des États fondateursde l’Union peuventse targuer d’une expériencegouvernementalede plus d’un demi-siècle.Ce courant idéologique est nédes clivages socio-économiqueset du clivage entre l’Étatet l’Église caractérisantla fondation de l’État moderne.Prenant l’exemple des partis« centristes agrariens »des pays Baltes et scandinaves,David Hanley ajoute un troisièmeclivage opposant« le mondeurbain à la ruralité ».À l’étroit dans les régimesbipolaires, le centrismes’épanouit dans le multipartismefavorisé par les électionsà la proportionnelle.Sous la Ve République, aprèsl’effondrement du MRP en 1967,le centrisme est ravalé au rangde force d’appoint vouée à larecherche d’alliances qui luipermettront de peser sur la viepolitique. Le« centrismeautonome de Bayrou n’est pas enposition de bouleverser le rapportde forces entre les grands partisde la gauche et de la droite »,assure Pascal Perrineau. Pourouvrir une brèche électorale lorsde l’élection européenne,François Bayrou doit marier« l’héritage de la vieille traditiondémocrate-chrétienne à unesociologie plusmoderne decitoyens aisés, diplômés aspirantà une alternative politique ».Même si on se souvientde son bon score à l’électionprésidentielle de 2007 (18,6%),cette tâche s’avère ardue.

J. A.

ParPascal Perrineau *

La palette centristedans l’Union européenne

Classification réaliséed’après le titre du parti,ou selon les critèresdes politologues.Les partis membres du PPE(Parti populaire européen)sont exclus.

Bulgarie : Dvizenie za Prava iSvobodi (DPS)**.Chypre : Dimokratoko Komma(DIKO) ; Europaiko Komma (EK)*.Estonie : Eseti Keskerakond(EK)**.Finlande : Suomen Keskusta(Kesk)* (agrarien).France : MoDem*; NouveauCentre.Lettonie : Latvijas Cels (LC)(agrarien)**.Lituanie : Darbo Partija *(DP) ;Liberalu ir Centro Sajunga (LiCS)**.Suède : Centerpartiet* (agrarien).

*Membre du Parti démocrateeuropéen.**Membre du parti ELDR ou groupeAlde du Parlement européen.

Page réaliséeen collaborationavec le Centre d’étudesde la vie politique française(Cevipof)-Centrede recherches de la viepolitique de Sciences Po,dirigé par Pascal Perrineau

mardi 19 mai 2009 !

Études politiques Figaro-Cevipof14

1A

Page 35: Quelle majorité pour la gauche à l'Assemblée natinale ?

mardi 28 avril 2009 !

Étude politique Figaro-Cevipof16

A

Les attitudes des Français sur l'appartenance à l’Union européennePOURCENTAGE DES FRANÇAIS CONSIDÉRANT QUE L’APPARTENANCE À L’UNION EST UNE « BONNE CHOSE »

Sour

ce :

Euro

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et à l’automneDeux sondages sont effectués chaque année : au printemps

40

47

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2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

PREMIÈRES ÉLECTIONSEUROPÉENNES AU SUFFRAGEUNIVERSEL DIRECT

RÉFÉRENDUM MAASTRICHT

RÉFÉRENDUM SUR LETRAITÉ CONSTITUTIONNEL

EUROPE À 25

GUERRE DU KOSOVO

ACTE UNIQUEEUROPÉEN

PRÉSIDENCE DELORSÀ LA COMMISSIONEUROPÉENNE

CRISE DE LA« VACHE FOLLE »

EURO

43 %

74 %

50 %

TRAITÉ DE LISBONNE

Les abstentionnistes sont de plusen plus nombreux à cette élection :ils sont passés, en vingt-cinq ans,de 37 % des inscrits à 57,4 %.

DEPUIS 1979, date de la première élection duParlement européen au suffrage universel, laparticipation électorale hexagonale se réduitcomme peau de chagrin. Et les oracles sonda-giers sont formels : au soir du scrutin du7 juin, les abstentionnistes devraient encoreconstituer le premier parti de France(*).

Au terme d’une croissance quasi linéairedepuis trente ans, l’abstention est passée de37% des inscrits en 1979 à 57,4% en 2004.Désormais, plus d’un électeur sur deux bou-de les urnes.

En 2004, la division du territoire en huitcirconscriptions interrégionales, présentéecomme un moyen de rapprocher du ter-rain les eurodéputés, n’a pas enrayé ladésaffection des électeurs. Bien au contrai-re. La descente aux enfers de la participa-tion va en s’accélérant. En tête du palmarèsdes records d’abstention, la consultationde juin 2004 a aggravé le score de 1999(53,24 % des inscrits contre 57,4 % cinq ansplus tard).

Convaincus que leur vote ne changerarien, les Français estiment que le Parlementeuropéen reste trop éloigné de leurs préoc-cupations quotidiennes. Toutefois, la géo-graphie de l’abstention illustre l’oppositionentre la France rurale, plus participative, etla France urbaine, plus abstentionniste.Avec des nuances entre départements« bourgeois », plus civiques, et départe-ments « populaires » plus abstentionnistes :en 2004, la participation du Pas-de-Calaisétait de 28,3%. Fait nouveau : les électeursont nettement boudé les urnes en Moselle,dans le Haut-Rhin et le Bas-Rhin, troisdépartements jusque-là très civiques et trèsproeuropéens.

Le traumatisme de 2002Paradoxalement, le scrutin génère un

vote d’humeur contre la politique gouverne-mentale. Cette attitude électorale favorisel’émergence de forces protestataires ou thé-matiques (extrême gauche, mouvementsruraux, etc.) ; outre la « consécration » d’unepersonnalité (Bernard Tapie en 1999), elleencourage les velléités d’indépendance despetites formations (Verts, PCF, PRG), quifont alors campagne sur leurs propres thé-

matiques, alors que dans les scrutins pure-ment hexagonaux ces petits partis recher-chent des alliances avec des formationshégémoniques, notamment avec le PS.

Cependant, le traumatisme de l’électionprésidentielle de 2002 a contribué à réduirel’ampleur d’un mouvement où chacun faitcampagne sur son programme. En 1999, leslistes classées « divers », qui cumulaient12,4% des suffrages exprimés, ont perdu lamoitié de leurs suffrages (6,2%) cinq ansplus tard. Cette tendance à la bipolarisationentre la gauche et la droite républicaine alaminé l’extrême gauche et Chasse PêcheNature et Traditions.

La gauche en général et le PS en particu-lier ont tiré les bénéfices de ce face-à-face.Avec 28,9 % des suffrages exprimés en 2004,le PS a assuré l’un de ses meilleurs résultatsélectoraux, asseyant sa domination sur unPCF marginalisé (5,2 %) et sur les Verts(7,4 %), en recul de deux points sur leur sco-re de 1999.

Le scrutin de 2004 a aussi transformé ladroite, comparaison faite avec ses résultatsde 1999. Certes, elle a pâti de l’affaiblisse-ment des souverainistes à l’étiage : les listesMPF et RPF ont cumulé 8 % en 2004 au lieu

de 12 % cinq ans plus tôt. Cependant, avec16,8 % des voix, l’UMP a amélioré de plus dequatre points le résultat calamiteux des lis-tes RPR-DL de 1999 (12,5 %). Parallèlement,l’UDF a conforté son implantation, notam-ment dans des terres étrangères à la démo-cratie chrétienne (Ile-de-France, Sud-Ouest,Est). Elle a capitalisé 12 % des suffragesquand elle n’en recueillait que 9,2% au scru-tin de juin 1999.

Cinq ans après sa scission « mégrétiste »,et malgré la concurrence des souverainistes,le Front national a reconquis la totalité del’espace de l’extrême droite (9,8% des suf-frages exprimés en 2004, contre 5,7% desvoix exprimées en 1999). Il conserve ses bas-tions du Nord-Ouest (12,9 %), du Sud-Est etde l’Est (12%). Sans parvenir, cependant, às’affirmer en Ile-de-France dont la liste étaitmenée par Marine Le Pen.

JOSSELINE ABONNEAU

(*)Le sondage Eurobaromètre, effectué dansles 27 États membres sur des échantillonsreprésentatifs, État par État entre janvieret février 2009, prévoit une participationde 34 % pour l’ensemble des États de l’Unionet de 47 % pour la France.

L’inexorable chute de la participation au scrutin européen

ÉLECTIONS EUROPÉENNESÀ six semaines du scrutin,les Français font montred’indifférence à l’égardde l’Union.

Dans le trio de tête des pays euro-philes au cours des années 1970,la France se situe dans la moyen-ne des États de l’Union. Au tamisde trente ans d’études de l’opi-nion européenne, Pascal Perri-neau montre comment « l’opi-nion française se retrouve auxcôtés d’opinions de pays tradi-tionnellement plus réticents vis-à-vis des vertus de l’Union euro-péenne et taraudés par l’euroscep-ticisme et l’europhobie ».Pour le directeur du Cevipof,l’Europe, « instance de paix et decroissance des trois dernièresdécennies, est passée au rang debouc émissaire des difficultésfrançaises ». Les Français, expli-que-t-il, utilisent l’Europe com-me « un écran noir sur lequel ilsprojettent leurs inquiétudes socia-les, économiques et identitaires ».Rompant avec le « consensusmou », le désamour des Françaispour l’Europe fait désormais cli-vage politique. Celui-ci s’étantfortement manifesté en 2005 lorsdu référendum sur la ratificationdu traité constitutionnel del’Union européenne.Depuis 1979, la chute linéaire dela participation aux scrutins quiont renouvelé le Parlement ausuffrage universel conforte cesévolutions de l’opinion hexago-nale. Ainsi, l’élection génère un« vote d’humeur » des électeursqui entendent sanctionner lapolitique gouvernementale sanstoutefois mettre en péril le pays.Appelant l’électeur à « voter pourses idées » (Écologistes-Verts,mouvements ruraux tel CPNT) laconsultation favorise, outre lamultiplication des listes, l’émer-gence de listes protestataires(extrême gauche) ou de fortespersonnalités (Bernard Tapie en1999) voire le maintien de partisen voie de marginalisation (PCF,Radicaux de gauche).

J. A.

Les citoyens français projettentleurs inquiétudes sociales,économiques et identitairessur l’Europe.

LA FRANCE a longtemps été dans le pelotonde tête de l’europhilie. Interrogés dans lesannées 1970 par l’instrument de sondageeuropéen qu’est l’Eurobaromètre, les Fran-çais répondent massivement que« l’appar-tenance de la France à l’Union européenneest une bonne chose »: ils sont entre 52 % et68 % à partager cette opinion tout au longdes années 1970. Au cours de la décennie 80,le niveau d’europhilie monte jusqu’à attein-dre le sommet de 74 % à l’automne 1987.Aux yeux des Français, la présidence Delors(1985) et l’Acte unique européen (1986) ontredonné à l’Europe le visage d’une réalité etd’un avenir désirables. L’embellie dure jus-qu’au début des années 1990. En effet, en1992, la fracture du débat autour du référen-dum sur Maastricht politise et clive la ques-tion européenne qui jusqu’alors relevaitd’un consensus mou que les meilleursobservateurs de la question européennequalifiaient de« consensus permissif ».

Les premiers signes d’une érosion dura-ble et régulière se font sentir et, à partir de1995, ce n’est plus qu’exceptionnellement

que la barre des 50 % d’opinions positivessera dépassée. Un retour éphémère de laconfiance européenne est sensible àl’automne 2004 ou encore fin 2007 mais cessursauts passagers ne changent rien à la per-ception que l’Europe n’est pas un rempartefficace contre de graves crises sanitaires(épisode de la vache folle) ou le retour de laguerre sur le théâtre européen (conflits etmassacres dans l’ex-Yougoslavie). Sur vingt-six mesures de l’opinion effectuées de 1996 à2008, seules six voient la barre des 50 %d’opinions positives franchie. Dans lecontexte général de retour de la confianceque la France a connue en 2007, 60 % despersonnes interrogées considèrent, fin 2007,que l’appartenance de la France à l’Unioneuropéenne est une bonne chose.

La « lune de miel » est brève puisque dèsle printemps 2008 la rechute est brutale : enquelques mois, l’appréciation positive del’appartenance de la France à l’Union euro-péenne passe de 60 % à 48 %. La France estavec la Grèce le pays où la chute de confianceest la plus sévère dans l’UE. L’opinion fran-çaise se retrouve aux côtés d’opinions depays traditionnellement plus réticents vis-à-vis des vertus de l’Union et taraudés parl’euroscepticisme et l’europhobie : la Finlan-de (44 %), la Grèce (47 %), la Républiquetchèque (48 %)… Sur les vingt-sept pays del’UE, la France n’est plus au printemps 2008qu’à la dix-neuvième place sur cette échelled’europhilie. On est loin des années 1970 oùla France était toujours dans le trio de tête despays europhiles et même des années 1980 et1990 où l’Hexagone figurait peu ou prou dansla moyenne européenne.

Dans le dernier sondage Eurobaromètrede fin 2008, la situation reste la même : 49 %des Français considèrent que« le fait pour laFrance de faire partie de l’Union européenneest une bonne chose » (contre 53 % del’ensemble des Européens qui pensent cela

pour chacun de leur pays respectif), 21 %pensent que c’est une « mauvaise chose »(contre 15 % des Européens), 27 % se ralliantà la position sceptique selon laquellel’appartenance ne serait« une chose ni bon-ne ni mauvaise ».Fin 2008, la France est cou-pée en deux parts égales : les positionseurosceptique et europhobique rassem-blent 48 % de nos concitoyens, la positioneurophile en attirant 49 % (3 % se réfugientdans le « sans réponse »). La France reste loinderrière les Pays-Bas (80 %), l’Allemagne(64 %), la Belgique (65 %), le Danemark(64 %), l’Espagne (62 %), l’Irlande (67 %) etne figure qu’à la seizième place de l’europhi-lie. C’est dans ce contexte de chute de ten-sion européenne que vont se tenir les élec-tions européennes du 7 juin.

« Figures du mal »La crise économique et financière imprè-

gne désormais tous les domaines de la vie etmarque tout du sceau d’un pessimisme cer-tain. Mais celui-ci semble battre des recordsdans le cas français. Si déjà 69 % des Euro-péens pensent que« la situation de (leur) éco-nomie nationale est mauvaise »,ils sont 85 %en France. Si 69 % des Européens jugent« lasituation de l’emploi mauvaise dans (leur)pays », ils sont 88 % en France. Si 34 % desEuropéens disent que« d’une manière géné-rale les choses vont en ce moment, dans lamauvaise direction dans l’UE »,ils sont 51 %en France. Si 43 % des Européens sontd’accord avec la proposition selon laquelle« l’Union nous aide à nous protéger des effetsnégatifs de la mondialisation »(37 % n’étantpas d’accord), ils ne sont que 36 % en France(56 % n’étant pas d’accord). Si 36 % seule-ment des Européens estiment que « depuis2004, l’élargissement a affaibli l’UE»,ils sont54 % à penser de même en France.

Nombre de nos concitoyens semblentutiliser l’Europe comme un écran noir sur

lequel ils projettent leurs inquiétudessociales, économiques, identitaires. Parti-culièrement en France, l’Europe d’instan-ce de projection positive des rêves de paixet de croissance dans les trois décenniesqui suivirent le Traité de Rome est peu àpeu devenue, pour certains, le « boucémissaire » des difficultés françaises. Àdroite et à gauche et particulièrement àl’extrême des deux camps, de nombreusesforces politiques en ont fait une arme stra-tégique et l’Europe prend place mainte-nant dans l’arsenal des « figures du mal » :mal bureaucratique, mal néolibéral, malcosmopolite, mal interventionniste…L’Europe fait clivage et rejoint les figuresde « l’ami » et de « l’ennemi » qui définis-sent le cœur de la politique. Décidément,l’Europe est entrée en politique, elle faitclivage, le consensus mou et permissifd’antan a laissé la place à un vrai combatpolitique qui partage le pays en profon-deur. Il s’est exprimé avec force en 2005, ils’exprimera, sur un mode davantagemineur, en juin 2009.

(*) Directeur du Centre d’études de la viepolitique française (Cevipof)-Centrede recherches de la vie politique de Sciences Po.

France et Europe: les raisons d’une défiance

Pour en savoir plus

– Dictionnaire critique de l’Union européenne,Yves Bertoncini, Thierry Chopinet al., dir.,Armand Colin, 2008.– Dictionnaire des élections européennes,Yves Deloye, dir., Economica, 2005.– Parlement puissant, électeurs absents?,Pascal Delwit, Philippe Poirier, dir.,Ed. de l’Université de Bruxelles, 2005.– Le Vote européen 2004-2005,De l’élargissement au référendum français,Pascal Perrineau, dir., Pressesde Sciences Po, 2005.

Par Pascal Perrineau *

Page réaliséeen collaboration avecle Centre d'étudesde la vie politique française(Cevipof)-Centrede recherches de la viepolitique de Sciences Po,dirigé par Pascal Perrineau.