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Maha ITMA, 2009 Université de Franche Comté Quelles difficultés d’apprentissage chez les étudiants de français à l’université An-Najah de Naplouse? Résumé L’implantation d’un programme de formation de futurs enseignants de français, le BA , à l’Université An-Najah de Naplouse en Palestine en août 2001 a fait l’objet du phénomène particulier de la recherche. L’apprentissage du français au sein de ce programme se déroule avec une difficulté majeure qui se manifeste chez les étudiants dès la première année d’apprentissage et continue jusqu’à la quatrième. Malgré la validation du diplôme, les étudiants ne semblent pas avoir le niveau du diplôme requis, et ils montrent une dépendance extrême du professeur. Le programme a fait l’objet des expertises afin d’assurer un niveau universitaire. Des mesures ont été prises pour améliorer l’offre pédagogique, comme les réunions pédagogiques hebdomadaires qui visaient à mieux gérer l’apprentissage, et la multiplication des efforts de l’équipe pédagogique par les cours de soutien qui s’adressaient aux étudiants faibles. Et pourtant, les étudiants de français éprouvent bien des difficultés à gérer leur apprentissage. L’analyse de cette situation peut donner lieu à une meilleure compréhension des difficultés éprouvées par ces apprenants. Dans ce travail, nous, en tant que professeur de français à l’université, nous intéressons à l’apprentissage du français en général dans le cadre de la formation des enseignants de français en Palestine, et en particulier aux difficultés d’apprentissage que rencontrent les étudiants de français. Notre objectif est d’étudier les difficultés d’apprentissage du français en tant que deuxième langue étrangère enseignée dans quelques établissements palestiniens, particulièrement à l’université An-Najah de Naplouse. Cette recherche est une tentative de répondre aux questions suivantes : quelle est la nature des difficultés que rencontrent les étudiants du français qui aboutissent parfois à un échec, et quels sont les facteurs déterminants de ces difficultés d’apprentissage ? Page 1 sur 25

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Maha ITMA, 2009

Université de Franche Comté

Quelles difficultés d’apprentissage chez les étudiants de français à l’université An-Najah de Naplouse?

Résumé

L’implantation d’un programme de formation de futurs enseignants de français, le BA , à l’Université An-Najah de Naplouse en Palestine en août 2001 a fait l’objet du phénomène particulier de la recherche. L’apprentissage du français au sein de ce programme se déroule avec une difficulté majeure qui se manifeste chez les étudiants dès la première année d’apprentissage et continue jusqu’à la quatrième. Malgré la validation du diplôme, les étudiants ne semblent pas avoir le niveau du diplôme requis, et ils montrent une dépendance extrême du professeur. Le programme a fait l’objet des expertises afin d’assurer un niveau universitaire. Des mesures ont été prises pour améliorer l’offre pédagogique, comme les réunions pédagogiques hebdomadaires qui visaient à mieux gérer l’apprentissage, et la multiplication des efforts de l’équipe pédagogique par les cours de soutien qui s’adressaient aux étudiants faibles. Et pourtant, les étudiants de français éprouvent bien des difficultés à gérer leur apprentissage. L’analyse de cette situation peut donner lieu à une meilleure compréhension des difficultés éprouvées par ces apprenants.Dans ce travail, nous, en tant que professeur de français à l’université, nous intéressons à l’apprentissage du français en général dans le cadre de la formation des enseignants de français en Palestine, et en particulier aux difficultés d’apprentissage que rencontrent les étudiants de français. Notre objectif est d’étudier les difficultés d’apprentissage du français en tant que deuxième langue étrangère enseignée dans quelques établissements palestiniens, particulièrement à l’université An-Najah de Naplouse. Cette recherche est une tentative de répondre aux questions suivantes : quelle est la nature des difficultés que rencontrent les étudiants du français qui aboutissent parfois à un échec, et quels sont les facteurs déterminants de ces difficultés d’apprentissage ?

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Table des matières

Quelles difficultés d’apprentissage chez les étudiants de français à l’université An-Najah de Naplouse ......................................................................................................................................... 2

INTRODUCTION .......................................................................................................................... 2

1) Cadre théorique .......................................................................................................................... 2

1.1 Définir la notion de difficultés d’apprentissage ................................................................ 2 1.1.1 Difficultés ou échec ? ..................................................................................................... 3

1.2 Difficultés d’apprentissage dans le champ psychopédagogique ...................................... 4

1.3 Culture éducative et contexte palestinien ......................................................................... 8 1.3.1 Modes de transmission du savoir et formation des enseignants ..................................... 9 1.3.2 Les relations pédagogiques : enseignant-apprenant ....................................................... 9

2) Cadre empirique ....................................................................................................................... 10

2.1 Contexte général de la recherche : l’université An-Najah de Naplouse ....................... 10 2.1.1 L’équipe pédagogique ................................................................................................... 11

2.2 Application de l’enquête par questionnaire .................................................................... 12 2.2.1 Définition et choix du public ........................................................................................ 12 2.2.2 Schéma d’analyse des résultats ..................................................................................... 14

2.3 Résultats de l’enquête ........................................................................................................ 15 2.3.1 Les difficultés rencontrées ........................................................................................... 15 2.3.2 Propositions de résolution de problème ........................................................................ 22

CONCLUSION ............................................................................................................................. 23

BIBLIOGRAPHIE ....................................................................................................................... 24

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Quelles difficultés d’apprentissage chez les étudiants de français à l’université An-Najah de Naplouse

INTRODUCTION

L’implantation d’un programme de formation de futurs enseignants de français, le BA1, à l’Université An-Najah de Naplouse en Palestine en août 2001 a fait l’objet du phénomène particulier de la recherche. L’apprentissage du français au sein de ce programme se déroule avec une difficulté majeure qui se manifeste chez les étudiants dès la première année d’apprentissage et continue jusqu’à la quatrième. Malgré la validation du diplôme, les étudiants ne semblent pas avoir le niveau du diplôme requis, et ils montrent une dépendance extrême du professeur. Le programme a fait l’objet des expertises afin d’assurer un niveau universitaire. Des mesures ont été prises pour améliorer l’offre pédagogique, comme les réunions pédagogiques hebdomadaires qui visaient à mieux gérer l’apprentissage, et la multiplication des efforts de l’équipe pédagogique par les cours de soutien qui s’adressaient aux étudiants faibles. Et pourtant, les étudiants de français éprouvent bien des difficultés à gérer leur apprentissage. L’analyse de cette situation peut donner lieu à une meilleure compréhension des difficultés éprouvées par ces apprenants.

Dans ce travail, nous, en tant que professeur de français à l’université, nous intéressons à l’apprentissage du français en général dans le cadre de la formation des enseignants de français en Palestine, et en particulier aux difficultés d’apprentissage que rencontrent les étudiants de français. Notre objectif est d’étudier les difficultés d’apprentissage du français en tant que deuxième langue étrangère enseignée dans quelques établissements palestiniens, particulièrement à l’université An-Najah de Naplouse. Cette recherche est une tentative de répondre aux questions suivantes : quelle est la nature des difficultés que rencontrent les étudiants du français qui aboutissent parfois à un échec, et quels sont les facteurs déterminants de ces difficultés d’apprentissage?

1) CADRE THÉORIQUE

Nous situons notre étude dans le champ psychopédagogique qui éclaire les raisons et les formes des difficultés d’apprentissage inobservables en convergence avec notre point de vue. Nous allons étudier également le rôle de la culture éducative dans la détermination de la tradition pédagogique employée pour enseigner le français en tant que deuxième langue étrangère et les difficultés d’apprentissage qui peuvent en surgir.

1.1 Définir la notion de difficultés d’apprentissage

Pour mieux comprendre la notion de difficultés d’apprentissage, il est indispensable de la superposer à celle d’échec, car ces deux notions sont étroitement liées et difficilement distinguées l’une de l’autre. L’échec est une notion pertinente dans la mesure où non seulement elle nous aide à mieux comprendre la notion de difficultés d’apprentissage, mais aussi elle constitue une préoccupation majeure chez notre population : les apprenants, ayant peur de

1 BA est le diminutif du “Bachelor of Arts” qui est égal à Bac + 4.

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l’échec, adoptent des pratiques d’apprentissage qui peuvent être à l’origine des difficultés qu’ils rencontrent dans leur apprentissage.

1.1.1 Difficultés ou échec ?

Dans la littérature pédagogique, on parle plus d’échec scolaire que de difficultés d’apprentissage. Un apprenant en échec est forcément un apprenant en difficultés d’apprentissage tandis qu’avoir des difficultés dans son parcours d’apprentissage n’aboutit pas nécessairement à un échec. Le terme ‘difficultés d’apprentissage’ est peu précis en raison du manque de critères pour déterminer avec exactitude l’écart entre le potentiel intellectuel et les performances scolaires, en raison également des critères fluctuants qui servent à déterminer un ou des retards scolaires. (Légendre, 1993 : 371) On met en cause la capacité intellectuelle comme raison de difficultés d’apprentissage mais on ignore les critères qui déterminent les retards scolaires. Le dictionnaire actuelle de l’éducation définit la notion (low achievement) comme un « Retard d’acquisition dans l’une ou l’autre des matières scolaires ou dans leur ensemble ». (1993 :371.) Lorsqu’un élève présente de faibles performances scolaires malgré un potentiel intellectuel normal, on le considère en difficulté d’apprentissage. (1993 :371.) Il s’agit donc d’une question de performance tout à fait indépendante du potentiel intellectuel : un retard d’acquisition qui décrit ce phénomène mais n’explique pas ses sources. Les troubles qui aboutissent à un échec sont issus de difficultés sérieuses que rencontre l’apprenant. Autrement dit, les difficultés sont la cause et l’échec est la conséquence. Cependant, notre intérêt porte sur les sources de ces difficultés et la nature de leurs manifestations chez les apprenants. L’important est de savoir ce qui est en jeu et non pas les conséquences, car ces dernières sont évidentes. La notion de difficultés d’apprentissage couvre une dimension beaucoup moins définitive, conclusive, sanctionnant et clôturant que celle d’échec scolaire qui stigmatise l’élève et l’enferme dans un état définitif. Elle correspond plus au postulat d’éducabilité cognitive, base de toute action éducative. (Talbot, 2005 : 13)

Philipe Meirieu (1987) propose deux approches qui aident à comprendre les difficultés d’apprentissage par rapport à l’échec scolaire. La première oppose ‘difficultés’ à ‘échec’ en décrivant en parallèle les attitudes scolaires des élèves en difficulté scolaire et celles des élèves en échec.

L’élève en difficulté propose des attitudes et des questionnements qui donnent la possibilité à l’adulte de le rejoindre dans son raisonnement. L’élève et l’enseignant sont dans le même discours, le même niveau de sens. Les élèves en échec laissent l’enseignant bien souvent désemparé, c’est la feuille blanche, le hors sujet, le raisonnement inadapté, la question incongrue, l’envie de quitter la salle, un travail terminé en dix minutes, l’impossibilité de revenir sur une erreur, de relire, de faire quelque chose d’une explication donnée, bref, la relation entre l’élève et l’enseignant est mise à mal, l’enseignant ne peut pas rejoindre son élève, l’élève ne peut pas se faire comprendre, ils sont tous deux dans des niveaux de sens différents qui ne communiquent pas. Décrire l’échec par des attitudes, par des sensations éprouvées de part et d’autre de la relation, autrement dit le décrire par la manière dont il se donne à voir et à vivre à l’autre, nous permet de rendre compte de l’importance de l’instant d’apprendre, de privilégier la dynamique, le mouvement au résultat.(Meirieu, 1987 in Yanni 2001 : 63)

Cette explication aide à mieux comprendre comment repérer les manifestations des difficultés. Il s’agit des attitudes manifestes chez l’apprenant qui révèlent des difficultés rencontrées. Il s’agit également d’une question de relation entre l’apprenant et l’enseignant qui met en cause le vécu

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pédagogique et la performance de l’apprenant. Ce que nous en constatons est que les difficultés peuvent être traduites par des ‘attitudes’ selon cet auteur. L’auteur réserve le facteur ‘sensations’ comme indicateur de l’échec. Ce facteur peut être également indicateur de difficultés qui surgit lors de l’apprentissage : l’angoisse, le sentiment de blocage et de panique sont des sensations qui révèlent des difficultés d’apprentissage que rencontre l’apprenant et qui ne sont pas spécialement indicateurs exclusifs d’un échec.

La deuxième approche qu’a employée Meirieu porte sur la distinction entre acquisition et apprentissage. Déterminer un apprenant qui n’a pas de difficultés peut être aussi une méthode pour savoir les critères de difficultés. Un apprenant pas en difficulté est :

[capable de restituer la leçon] mais aussi lorsqu’il peut l’appliquer, c’est à-dire la contextualiser. Cette application fera appel soit à la capacité de reproduction, soit à celle plus complexe d’adaptation. On parlera alors de transfert de connaissance. Cette capacité de transfert de connaissance d’un contexte à un autre, exige de la part de l’élève qu’il soit capable de mettre en relation chaque connaissance nouvelle avec les connaissances plus anciennes. (Meirieu, 1987 in Yanni 2001 : 65)

Un apprenant incapable de remanier sa pensée pour intégrer les nouvelles connaissances et retrouver un équilibre est, d’un point de vue pédagogique, un apprenant en difficulté. La connaissance n’est apprise que si l’apprentissage implique une réutilisation, une approbation de l’information et une capacité à faire le lien entre les nouvelles et les anciennes connaissances. Il s’agit d’une manière évaluative de capacités d’apprentissage qui a pour visée de repérer les difficultés qu’un apprenant peut rencontrer pendant le processus d’apprentissage.

1.2 Difficultés d’apprentissage dans le champ psychopédagogique

Les difficultés d’apprentissage font l’objet de plusieurs champs d’analyse : le champ social, cognitif, psychanalytique, psychopédagogique et biologique. L’analyse sociologique et pédagogique portent principalement sur les facteurs observables des difficultés rencontrées par les apprenants durant leur processus d’apprentissage et qui ne nous semble pas suffisants pour considérer les éléments déterminants des difficultés d’apprentissage d’une manière compréhensive. Au cours de l’histoire de l’éducation, la notion a été abordée essentiellement sous trois angles différents : ‘l’élève’, ‘le contexte familial’ et ‘l’école’. (Talbot, 2005 : 7) La notion de difficultés d’apprentissage, notion ancienne dans les préoccupations des acteurs de l’institution scolaire mais sujet d’actualité, fait l’objet de la psychopédagogie. Persuadée que l’expérience vécue et la pensée de l’apprenant sont éléments majeurs dans le processus d’apprentissage, il nous semble indispensable d’aller au delà de l’observable afin de pouvoir en tirer des conclusions. Nous situons donc l’étude particulièrement dans le champ psychopédagogique qui nous apportera des données plus compréhensives.

La psychanalyse ouvre des perspectives nouvelles pour mieux comprendre cette problématique. Cependant, concilier psychologie et pédagogie est une mission difficile notamment pour un pédagogue et qui nous incite à faire appel aux psychologues et psychopédagogues, telles que Emmanuelle Yanni (2001) et Sara Pain (1980) afin de nous éclairer les pistes à suivre. Le facteur intellectuel est exclu de l’analyse car les apprenants de français, étant arrivés à ce stade d’étude, à savoir le niveau universitaire, ne souffrent pas de déficit intellectuel.

Pain explique l’intérêt porté par la psychologie et la pédagogie sur la question de l’apprentissage. La psychologie s’intéresse aux facteurs déterminants du non-apprentissage et à la signification

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que l’activité cognitive a pour le sujet. Son intérêt consiste à permettre au sujet de se situer de telle façon que son comportement pathologique devienne absolument superflu. La pédagogie, quand à elle, s’intéresse à la construction de situation d’enseignement qui rend possible l’apprentissage en proposant les moyens, les techniques et les consignes les plus adéquats pour favoriser la perception et la correction de chaque difficulté. (Pain, 1980 : 13) Partant de ce principe, nous estimons que ces deux champs sont complémentaires pour la compréhension des difficultés d’apprentissage et pour la contribution à une amélioration de la situation.

L’expérience vécue par l’apprenant joue un rôle majeur dans la construction de la connaissance et donc l’apprentissage. « L’individu construit parfois en lui des choses étonnantes à partir de ce qu’il vit, des choses qui l’aident à vivre ou le détruisent […] tout dépend de l’ampleur qu’on donne aux obstacles ». (Yanni, 2001 : 62) Yanni met en évidence l’importance de l’expérience vécue en soulignant le facteur de conscience de l’apprenant et son rapport étroit avec l’apprentissage. Il s’agit de prendre en compte la dimension inconsciente de la pensée du sujet qui est construite par le vécu de l’apprenant. En faisant parler ses élèves, cet auteur nous apporte quelques éclairages à notre étude en l’abordant de deux angles ; psychologique et pédagogique appuyant ainsi notre perception du sujet :

[…] il est indispensable de concevoir l’acte d’apprendre comme un acte qui provoque chez le sujet un remaniement cognitif et psychique […] rien ne nous permet d’être sûrs du fait que l’élève accorde d’emblée le même sens que nous aux connaissances que nous manipulons, et aux codes que nous employons (langage, symboles, signes) […] l’acte d’apprendre échappe en partie à la conscience du sujet apprenant. […] il s’agit pour nous de tenter d’expliquer qu’en prenant en compte la dimension conflictuelle de l’apprendre, nous favorisons non seulement cette transmission des connaissances mais également leur appropriation par le sujet. (2001 : 36-37)

L’auteur invoque la notion de conscience dans l’apprentissage et la dimension conflictuelle qui perturbe l’équilibre psychique de l’apprenant et donc son appropriation des connaissances. L’apprentissage étant un processus volontaire et conscient pour acquérir de nouvelles connaissances (Bange, 2005 : 32-33), mais l’acte d’appréhension et d’approbation des connaissances est inconscient et c’est là où réside la source de difficultés d’apprentissage. La transmission et l’appropriation de la connaissance, un processus totalement inconscient chez l’apprenant, n’est pas évident pour l’enseignant. Cet auteur souligne l’expérience vécue par l’apprenant dans le milieu familiale et appuie son influence sur la façon d’apprendre et d’agir dans un milieu institutionnel.

D’autres auteurs, comme Sara Pain, ont abordé l’expérience vécue par l’apprenant et sa pensée et ont appuyé leur rapport avec l’apprentissage. Pain appuie l’expérience vécue de l’individu et son influence sur l’apprentissage, ainsi que son intégration dans le groupe scolaire. Elle souligne les perturbateurs de l’apprentissage comme un échec subi, un refus de la norme, des contraintes cognitives ou psychologiques, et elle inclut les sources sociales et familiales qui font partie du vécu de l’apprenant et qui déséquilibrent le bon fonctionnement de sa pensée. Nous ajoutons à l’expérience vécue celle d’un apprentissage antérieur d’une première langue étrangère ou de la langue maternelle, qui joue un rôle important dans un contexte semblable d’apprentissage d’une deuxième langue étrangère.

Cet auteur relève la question de la pensée qui est étroitement liée à l’expérience vécue par l’apprenant. Les travaux sur l’échec scolaire considèrent que le dysfonctionnement psychique et

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cognitif sont à l’origine des troubles et des difficultés d’apprentissage. Yanni nous donne quelques explications en faisant le lien entre l’équilibre psychique, cognitif et l’apprentissage.

Si nous essayons d’établir des liens entre l’émergence de la pensée et l’apprentissage, nous constatons que l’apprendre (autrement dit la confrontation à une situation nouvelle, inconnue), rompt l’équilibre psychique que Doron (1991) appelle le fonctionnement lisse de la pensée, mais également l’équilibre cognitif. Il place le sujet face à une stimulation non encore pensée qui, de notre point de vue, possède des caractéristiques proches de celles des éléments bêta. Contrairement aux expériences qui mettent en jeu des connaissances connues (et reconnaissables) par le sujet et de ce fait ‘pensables’ d’emblée, l’apprendre l’oblige à faire face à des éléments, des sensations impensables qu’il ne peut pas décrypter immédiatement. […] ces stimulations nouvelles, ne pouvant être traitées d’emblée par la pensée, vont être appréhendées par le sujet de manière globale, c’est-à-dire qu’elles vont être vécues simultanément, sur le plan corporel, émotionnel et intellectuel. C’est pourquoi l’instant d’apprendre est associé à des comportements, des décharges motrices, des commentaires ou des dessins qui évoquent des sensations corporelles de morcellement, d’intrusion, etc. (Yanni, 2001 : 134-135)

L’inattendu et l’inconnu fait en sorte que l’équilibre psychique de l’apprenant soit perturbée. L’apprentissage est un acte inconnu pour l’apprenant. Les pensées ainsi constituées deviennent des moyens que l’apprenant utilise pour tenter de nouvelles expériences. (Yanni, 2001 : 136) Cette perturbation se traduit par des émotions et des comportements indicateurs du déséquilibre de l’apprenant. Nous avons vu plus haut que, ces derniers, sont indicateurs de difficultés d’apprentissage. Le sentiment de l’angoisse apparaît dans cette situation nouvelle. L’apprenant, face à la frustration, qui devient une pensée par la suite, souffre d’une angoisse de perte de continuité. Il éprouve des sentiments d’angoisse et de déséquilibre pendant son apprentissage. Sa pensée est contrôlée par la confrontation à l’inconnu et l’expérience vécue en famille, dans la société, et dans des apprentissages antérieurs.

Yanni incite à prendre en considération la dimension inconsciente de la pensée du sujet car l’apprendre met ce dernier en situation de rechercher dans l’inconscient les traces des expériences vécues qui vont intervenir de deux façons dans l’apprentissage : « D’une part, en construisant une sorte de modèle relationnel que le sujet sera amené à reproduire dans sa relation à l’enseignant ». (Yanni, 2001 : 149) Il s’agit de mettre en pratique l’expérience vécue dans la famille et comment il a été élevé en tant que sujet qu’on lui a assigné une place qui lui permet d’être auteur de ses propres pensées ou non, expérience qui va se traduire dans son vécu et comportement dans l’apprentissage. Ce point de vue explique la dépendance de l’apprenant et sa passivité en tant qu’individu en situation d’apprentissage dans notre contexte. Car il s’agit d’une expérience antérieure vécue dans la famille qui ne lui donne pas les moyens d’être indépendant dans ses pensées conformément aux traditions éducatives reçues dans le contexte familial. Une passivité vécue en famille se traduira en classe et la même expérience vécue se reproduit. « D’autre part, en favorisant ou non l’émergence du désir de connaître […] de ce que l’on n’a pas (ou plus). Cette capacité à penser la présence de l’autre résulte de la possibilité du sujet à se différencier de l’autre et à se penser sans l’autre ». (2001 : 150) Nous entendons par ce désir la motivation pour l’apprentissage : avoir un désir d’être indépendant de l’autre pour apprendre c’est être motivé d’apprendre. Il y a la possibilité que ce désir soit absent pour l’apprentissage ce qui sous tend une absence de motivation qui engendra des difficultés d’apprentissage. L’apprenant, dans le contexte scolaire, est placé face à une obligation d’apprendre ou d’affronter l’apprendre. Il est considéré comme sujet apprenant et mis en permanence en situation de réactiver les tensions qui peuvent exister autour de son désir d’apprendre de l’autre. Cette

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situation d’obligation d’apprendre place l’apprenant en dehors de toute motivation et de tout lien affectif. Lorsqu’il se trouve confronté à une situation inconnue, il ne peut la traiter qu’en intégrant des données nouvelles et en transformant sa pensée. « [Au] moment de l’apprendre, le sujet sent son équilibre psychique menacé par le flottement, l’incertitude, le doute qui l’envahissent ». (2001 : 150-151) Il utilise dans ce contexte des systèmes de défense qui prennent la forme d’attitudes de dégagement, d’évitement, soit celle de productions inadaptées à la demande et absurdes de point de vue scolaire. (2001 : 150-151) Ces systèmes de défense nous intéressent dans la mesure où ils expliquent le comportement des apprenants face à une situation inconnue ou complexe qu’ils n’arrivent pas à gérer ; ils utilisent ces méthodes pour éviter le sujet ou pour le détourner afin de s’en sortir.

Les travaux de Piaget expliquent ces mécanismes que l’apprenant emploie face à une situation nouvelles : l’apprentissage se déroule en trois temps : l’assimilation, qui ne provoque pas de déséquilibre mais préserve une certaine maîtrise de l’environnement par la pensée du sujet ; l’accommodation et le palier d’équilibration. Lorsqu’une nouvelle acquisition est nécessaire, lorsqu’il y a nécessité de transformation et que l’assimilation totale est impossible, le déséquilibre intervient. L’accommodation est intégrée au processus d’adaptation du sujet à son environnement, et c’est cette adaptation qui en retour permettra au sujet de se construire. (2001 : 153) C’est à ce stade d’accommodation que les difficultés d’apprentissage se manifestent.

Pain, en tant que psychopédagoque, appuie ce point de vue d’équilibre psychique et cognitif lors de l’apprentissage et introduit le terme de ‘troubles d’apprentissage’. Pour analyser les difficultés d’apprentissage, il est inévitable de faire face aux facteurs qui traitent l’échec et les troubles d’apprentissage, car ces trois éléments sont étroitement liés. Les troubles d’apprentissage sont tout ce qui perturbe le déroulement normal du processus d’apprentissage quelque soit le niveau mental du sujet. (Pain, 1980 : 12) Cet auteur met l’accent sur la source de troubles qui peut être scolaire ou psychique vécus par l’individu :

Les problèmes scolaires manifestent comme résistance à la norme disciplinaire (mauvaise intégration au groupe des pairs, sous-qualification des professeurs, inhibition mentale ou de l’expression pendant les épreuves, etc.) qu’on peut interpréter soit comme formations réactionnelles à un passage traumatique du groupe familial au groupe social, soit comme la projection sur l’institution d’échecs subis dans les autres domaines de la vie de l’enfant. (1980 : 12)

Un déséquilibre dans les conditions d’apprentissage peut créer des difficultés : un déséquilibre dans l’environnement et les stimuli ainsi que dans la position du sujet apprenant. Nous nous arrêtons sur l’expression de ‘résistance’ qui signifie pour nous un refus de tout ce qui peut perturber l’équilibre personnel ; un refus conscient ou inconscient qui ne correspond peut être pas au vécu antérieur de l’apprenant et qui se traduit par la suite en difficultés dans l’apprentissage.

Chercher les causes des difficultés des apprenants peut se faire finalement en situant la problématique au niveau relationnel et affectif. Yanni souligne le facteur affectif et son lien avec l’apprentissage. Un apprenant peut apprendre ‘mieux’ lorsqu’il s’entend avec son enseignant, lorsqu’il y a un lien amical ou affectif qui s’établit et qui rend l’apprentissage plus plaisant. Cet auteur divise l’apprentissage en deux catégories : celui porté par le désir de plaire, de rencontrer, de partager, et celui qui existe en dehors de tout lien affectif réel, en dehors du désir, l’apprentissage qui se décrète, organisé et proposé par des spécialistes, l’apprentissage scolaire, la formation sous toutes ses formes. C’est un apprentissage qui renvoie à la capacité de

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l’apprenant à penser et investir des désirs inconscients dans les objets de savoir non dominés par son propre désir et par le désir de l’autre. (Yanni, 2001 : 41) Comme le lien ‘affectif’ dans l’apprentissage favorise celui-ci, faut-il établir ce lien dans le contexte institutionnel afin de garantir une facilité dans l’apprentissage ? Toutefois, il faut être prudent, comme l’explique Yanni, que ce faisant, il y a le risque d’interdire à l’apprenant l’accès à la connaissance en dehors d’un lien à l’autre. Car dès le lien est coupé ou absent, l’apprenant va se retrouver à nouveau dans les difficultés, voire l’échec si l’apprentissage est basé exclusivement sur ce lien affectif. Nous considérons ce lien affectif élément qui favorise la dépendance affective ainsi que cognitive de l’apprenant de son enseignant. Bien que ce lien incite l’apprenant à mieux apprendre, il peut limiter sa performance et son autonomie.

1.3 Culture éducative et contexte palestinien

Dabène aborde la culture et son influence sur l’apprentissage d’une langue étrangère pour tenter de mieux comprendre le rapport entre le milieu institutionnel, la culture éducative et les difficultés d’apprentissage du français. Elle souligne l’importance de l’écart culturel et son influence sur l’apprentissage des langues. L’héritage culturel est un élément à ne pas négliger dans ce contexte de ‘savoir apprendre’ qui est déterminé par la société dans laquelle le sujet vit. Elle explique comment l’écart culturel forme un obstacle à l’apprentissage des langues, car les traditions éducatives et les pratiques relationnelles constituent des problèmes peu conscients pour l’apprentissage et difficiles à résoudre. (Dabène, 1994 : 35-36) Son analyse porte sur deux éléments principaux : les ‘traditions éducatives’ qui comprennent les stratégies d’apprentissage et les stratégies pédagogiques ; et les pratiques relationnelles qui renvoient aux relations entre l’enseignant, l’apprenant et le savoir en classe de langue. Dans d’autres travaux, elle distingue les cultures et l’influence des pratiques culturelles dans l’attitude des sujets face à l’apprentissage. (Dabène, 1990 :9-18) Cet auteur souligne l’importance de prendre en considération les pratiques culturelles dans l’attitude du sujet face à l’apprentissage, pour négocier l’imposition de stratégies méthodologiques préalablement fixées. (Dabène, 1990 : 17). Autrement dit, les méthodes d’enseignement ainsi que le contenu du savoir à enseigner devront être adaptés à la culture du sujet apprenant.

Dans la famille, le sujet reçoit son éducation sur les valeurs qui jouent dans la construction des représentations de l’apprentissage. On parle de l’autorité familiale et le rôle qu’elle joue dans l’éducation du sujet. La façon d’élever le sujet se traduit dans sa façon d’apprendre. Un apprenant élevé d’une manière à prendre l’initiative, doté d’une certaine liberté de pensée, prendra le même rôle dans un contexte d’apprentissage. La façon dont l’apprenant vit en famille sera reflétée sur sa façon d’apprendre. Du point de vue social au sein d’une famille, un enfant vivant dans une société arabophone dépend largement du support familial même après avoir pris son indépendance. Cette situation de dépendance affective, financière, culturelle, va influencer la façon dont il vit et se comporte dans son deuxième milieu : l’école. L’expérience vécue en famille se reproduira en milieu institutionnel. L’apprenant dépend culturellement de sa famille, de sa société et donc de son enseignant.

Dans le contexte palestinien, la transmission du savoir et la relation entre l’enseignant et l’apprenant sont deux facteurs qui peuvent jouer un rôle important dans la surgisse des difficultés d’apprentissage. La tradition pédagogique et la notion d’apprentissage sont issues d’une culture éducative spécifique notamment lorsqu’il s’agit d’adopter des nouvelles approches pédagogiques éloignées des pratiques pédagogiques pratiquées.

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1.3.1 Modes de transmission du savoir et formation des enseignants

Chaque culture possède ses propres modes de transmission du savoir langagier, lesquelles déterminent les comportements des sujets confrontés à un nouvel apprentissage. Cicurel (2003) appuie l'importance de la culture éducative et l'héritage culturel de l'étudiant dans le processus de transmission du savoir et d'apprentissage. Dabène souligne l’enseignement traditionnel d’une langue étrangère et le handicap que l’apprenant va rencontrer notamment si cette langue apprise est une langue européenne. Elle pose que les stratégies d’apprentissage cognitives dans un enseignement de transmission traditionnelle sont fondées sur l’imitation et la mémorisation. Chaque culture possède ses propres modes de transmission du savoir langagier, lesquelles déterminent les comportements des sujets confrontés à un nouvel apprentissage.

Dans les classes de langue (scolaires et universitaires), les cours prennent la forme de cours magistral ; les apprenants participent quand l’enseignant les invite à le faire. L’aspect culturel joue un grand rôle dans les modes de transmission du savoir. Dabène explique que les modes de transmission du savoir langagier sont déterminés par la culture de chaque pays créant ainsi une ‘tradition pédagogique’ propre à chaque société, qui influence à son tour, les comportements d’apprentissage chez l’apprenant : « chaque culture possède ses propres modes de transmission du savoir langagier, lesquelles déterminent les comportements des sujets confrontés à un nouvel apprentissage … chaque langue enseignée a ainsi développé peu à peu sa propre tradition pédagogique qui se caractérise par un certain nombre d’options fondamentales quant au rôle du métalangage, mais aussi à l’importance dévolue à la mémorisation, au rôle de l’écrit. » (Dabène, 1990 : 17, 19) Le cheminement intellectuel par lequel accéder à la connaissance dans la tradition palestinienne, est plutôt ‘mémorisante’. La transmission du savoir de manière magistrale, l’apprentissage par cœur, la dépendance du professeur pour une réception passive du savoir forment une tradition pédagogique courante dans les classes de langue dans la société palestinienne, et plus largement arabophone. Les apprenants, influencés par ces méthodes d’enseignement, adoptent des comportements d’apprentissage de dépendance.

La formation des enseignants a une influence sur l’application des nouvelles approches pédagogiques ainsi que sur les pratiques d’apprentissage attendues des apprenants. La conception ‘traditionnelle’ de l’enseignement et dans la formation des enseignants dans les institutions palestiniennes n’est pas convergente avec les grandes orientations pédagogiques qui favorisent la notion de l’autonomie dans l’apprentissage. En conséquence, on aperçoit un décalage entre les compétences censées être acquises et les objectifs fixés au départ et les compétences réellement acquises en fin du cursus. Certes, les enseignants ne sont pas les seuls responsables des résultats : leur formation de départ, le manque de motivation pour se former, expliquent en grande partie leurs comportements. La transmission du savoir est déterminée par une tradition pédagogique issue d’une culture éducative basée sur la répartition des rôles, la mémorisation et la dépendance de l’enseignant. L’aspect culturel détermine donc, non seulement le mode de transmission du savoir et la relation enseignant-élève, mais aussi la formation des enseignants qui reste une formation traditionnelle.

1.3.2 Les relations pédagogiques : enseignant-apprenant

Comme la culture éducative détermine les modes de transmission du savoir et la formation des enseignants, elle détermine également les relations pédagogiques enseignant/apprenant/savoir liées aux modes de transmission. Les rôles de l’enseignant et de l’apprenant par rapport au savoir sont répartis en fonction de la culture de leur société. Dabène donne l’exemple des stratégies

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pédagogiques qui favorisent l’autonomie dans l’apprentissage. Elle explique que ces stratégies échouent dans l’Orient, car le rôle de l’enseignant est le guide assigné par la communauté et l’apprenant ne doit pas prendre l’initiative. (Dabène, 1990 :19) Les rôles sont répartis dans un ordre hiérarchique qui implique que l’enseignant soit la source du savoir et l’apprenant soit le consommateur passif de ce savoir. Ceci nous apporte quelques points d’éclairage concernant les nouvelles approches pédagogiques introduites dans l’enseignement du français. Si la notion de l’autonomie est présente dans la culture occidentale par exemple et favorisée par l’approche communicative dans l’enseignement du FLE, elle ne l’est pas forcément dans d’autres sociétés comme les sociétés arabophones. Par conséquent, intégrer des approches d’enseignement éloignées de la culture éducative d’origine et des représentations sociales dans la mesure où l’enseignant prend le rôle d’un ‘médiateur’ et l’apprenant d’un ‘acteur’ dans l’apprentissage, devient absurde.

Dans le contexte palestinien, les rôles de chaque partenaire, l’enseignant et l’apprenant, sont bien ‘partagés’. Le rôle du professeur est culturellement la source du savoir, et celui de l’élève est le récepteur de ce savoir. Dabène renvoie l’échec de l’introduction des approches autonomisantes dans les pratiques pédagogiques à cet aspect culturel : « les stratégies pédagogiques tendant à favoriser l’activité autonome de l’apprenant échouent face à certains publics […] il semble inconcevable aux apprenants que l’enseignant renonce au rôle de guide qui lui est assigné par la communauté, ou que l’apprenant prenne des initiatives qui ne doivent pas être les siennes dans la mesure où chacun doit assumer le rôle qui lui est dévolu au sein de la société. » (Dabène, 1990 : 20) Quand les étudiants sont invités à faire des travaux personnels (ce qui arrive peu souvent), ils paniquent et se perdent dans les recherches2. Comme il s’agit de pratiques d’apprentissage intériorisées chez l’apprenant, dont la dépendance, il est difficile de négliger cet aspect en imposant brusquement des approches complètement nouvelles pour apprendre le français : « Ces types de comportements pédagogiques s’inscrivent dans un ensemble de réseaux de relations familiales et sociales, intériorisées par les sujets, les abandonner ne s’effectue pas facilement. » Dans ce cas, « l’attitude qui en résulte le plus couramment [est] le mutisme ou le refus explicite de participer ». (1990 : 20)

Le modèle théorique psychopédagogique a apporté un éclairage sur les aspects non observables des difficultés d’apprentissage et qui constituent un intérêt particulier dans la compréhension de la situation. Ces aspects sont principalement liés à la pensée, à l’expérience vécue et au lien affectif entre l’étudiant et l’enseignant qui influencent leur conception de l’apprentissage de la langue. Ces éléments sont déterminés par le milieu dans lequel l’apprenant vit et la culture éducative qu’il a reçue. Celle-ci éclaire les modes de transmission du savoir et les relations pédagogiques qui peuvent diverger avec les nouvelles approches didactiques.

2) CADRE EMPIRIQUE

2.1 Contexte général de la recherche : l’université An-Najah de Naplouse

L’étude porte sur les étudiants du département de français à l’université An-Najah de Naplouse. C’est la première et la plus grande université palestinienne. Le choix de cette Université pour implanter le programme de formation de futurs enseignants est aussi le choix d’une ville : Naplouse. Ce choix a été fait pour des raisons géopolitiques : il marque une volonté d’ouverture vers le nord de la Palestine. Le département de français a été créé en 2000 selon la convention

2 D’après les résultats d’enquête faite auprès des étudiants du français à l’université An-Najah.

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signée entre l’Université et le Consulat Général de France pour mettre en place un programme de BA de français sur objectifs spécifiques, dont le cursus général et les objectifs sont de former en quatre ans d’études des enseignants de français pouvant enseigner dans les établissements scolaires palestiniens. Ce programme vise principalement la formation des enseignants de français pour les écoles primaires et secondaires palestiniennes où un manque important se fait sentir.

Il y a une demande pour le français qui s’explique par le fait que quelques étudiants ont des représentations positives de la langue française3 : « belle langue », « plus facile que l’anglais », et qui peut offrir des débouchés : « c’est le marché pour le français en ce moment » ; on trouve aussi le cas d’étudiants qui ont une moyenne cumulative ne leur permettant de choisir qu’une spécialité à la faculté des lettres, et qui choisissent le français. Enfin, il y a des étudiants qui souhaitent apprendre « une nouvelle langue » tout simplement. Au bout de deux ans d’étude, entre 10% et 13% des étudiants renoncent à la spécialisation pour plusieurs raisons : ils trouvent que c’est « trop difficile », ou « n’est pas plus facile que l’anglais », « ennuyeux », « l’approche utilisée pour apprendre la langue est très différente et plus difficile de celle utilisée dans le département d’anglais», « n’a pas vraiment d’avenir », « on n’a pas envie d’enseigner ». De ce fait, se rendant compte que leur représentation ‘positive’ sur la langue était faussée par les deux années d’études au département, ils quittent vers d’autres spécialités. Ces facteurs ne sont pas sans conséquences sur les résultats de l’apprentissage du français.

2.1.1 L’équipe pédagogique

Six professeurs palestiniens assurent tous les enseignements. Suite à la création du programme, un ou deux coopérants de nationalité française étaient envoyés, chaque année, par le Consulat de France pour une période d’un an, rarement de deux ans. La coopération avec le Consulat a pris fin en 2005 ce qui signifie que l’université doit depuis lors assumer l’encadrement pédagogique en totalité. Le tableau ci-dessous illustre les caractéristiques de l’équipe pédagogique actuel.

L’équipe est constituée de six professeurs à temps plein. Un seul professeur dans l’équipe est titulaire d’un doctorat ; c’est peu pour assurer un enseignement universitaire dans le département de français. De même, l’expérience professionnelle de toute l’équipe, à l’exception d’un

3 Selon des discussions « informelles » mais régulières que nous menions auprès les étudiants dès la première année de leur inscription entre les années 2000-2005.

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Tableau 1 : L'équipe pédagogique

Qualification Spécialité Expérience

Doctorat(1 professeur)formé en France

Informatique8 ans

Master(3 à 4 professeurs)

Formés en France

FLE6 ans

Traduction2 ans

FLE4 ans

BA(1 professeur)Formé en France

Phonétique 25 ans

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professeur titulaire d’un BA, est parfois insuffisante pour enseigner à un niveau universitaire. Nous remarquons également qu’il n’y a pas de professeurs spécialisés en linguistique ni en littérature, deux modules obligatoires dans le cursus. Le statut de l’équipe pédagogique constitue un des soucis dans l’apprentissage du français.

2.2 Application de l’enquête par questionnaire4

Notre recherche empirique est fondée sur les observations et les discussions informelles auprès des étudiants de français sur leurs difficultés d’apprentissage et qui ont durée plus de cinq années pendant notre carrière au département de français. Ces discussions nous ont inspirée la direction à prendre dans notre étude pour établir une enquête auprès des étudiants. L’application du questionnaire a pour objectif majeur de cerner la problématique et d’apporter des informations qui répondent aux questions qui renvoient aux causes et à la nature des difficultés que les apprenants rencontrent dans leur apprentissage du français. Pour ce faire, nous avons élaboré des questions qui étudient leurs pratiques d’apprentissage, leurs difficultés ainsi que leurs propositions pour surmonter les difficultés. Cet article s’intéressera aux résultats concernant les difficultés d’apprentissage et les propositions données. A l’aide de ce questionnaire, notre objectif est de recueillir des données permettant d’apporter plus de données sur la situation.

Nous avons fait le choix sur le questionnaire comme outil préliminaire de recueil de données afin de donner aux étudiants l’occasion de s’exprimer librement et d’une manière anonyme. Etant préconstruit et bien cadré, il permettra de collecter des informations précises, ciblées et plus objectives en soumettant les enquêtés exactement aux mêmes instructions. Ils ont moins de difficultés à y répondre d’autant plus que le questionnaire est anonyme.

2.2.1 Définition et choix du public

Notre population est constituée des étudiants de français de deuxième, troisième et quatrième années du BA. La majorité est du sexe féminin, du fait que les filles se dirigent plus vers l’apprentissage des langues que les garçons, et a entre 19 et 25 ans. Tous les étudiants sont palestiniens et la majorité habite dans la région de Naplouse et les régions du Nord.

Nous avons choisi ces trois groupes en particulier, car nous avions intérêt à interroger un public qui a une connaissance suffisante de la langue française afin de pouvoir répondre à nos questions d’une manière satisfaisante. Nous avons éliminé donc les étudiants de la première année de la population enquêtée car ils débutent en français et leur expérience n’aurait pas apporté d’informations supplémentaires à l’enquête. Comme l’effectif de notre public ne dépasse pas les 76 étudiants, l’échantillon est composé de la totalité des étudiants des trois années sans exception pour faire une étude quantitative.

Voici un tableau qui illustre le public interrogé:

4 Le questionnaire a été appliqué en 2005 sur 76 étudiants des 2e, 3e et 4e années.

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Tableau 2: Information sur les interlocuteurs

Le groupe de quatrième année est en phase finale du parcours et a le code ‘A’ dans le questionnaire. Ils ont fini presque tous les crédits des modules de français. Le groupe de troisième année a le code ‘B’ et a fini le mi parcours et le groupe de deuxième année sont encore en phase d’apprentissage linguistique et qui ont le code ‘C’.

Voici un autre tableau qui illustre les codes des interviewés et leur sexe : nous avons indiqué uniquement le sexe masculin vu que la majorité, 80% est de sexe féminin.

Tableau 3: Information sur les interlocuteurs

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GROUPE H. de crédits achevées / 102

Phase d’apprentissageEffectif Age

Groupe A4e année

(8ème semestre) 96-102

Phase finale du parcours

26 23-25 ans

Groupe B

3e année

(6ème semestre) 83-89

Phase transitoire entre l’apprentissage linguistique et l’introduction des notions de didactique du FLE 23 22-23 ans

Groupe C2e année

(4ème semestre) 58-64

Fin de la phase d’apprentissage linguistique 27 19-23 ans

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2.2.2 Schéma d’analyse des résultats

Nous optons pour une analyse thématique des résultats. Les questions posées comportent des questions fermées et ouvertes qui visent à déterminer la façon dont les étudiants évaluent les conditions d’apprentissage. Nous allons présenter quelques pourcentages qui semblent pertinents au sujet et analyser les interventions des étudiants pour répondre aux questions ouvertes.

Nous avons dégagé trois thèmes principaux des résultats obtenus qui peuvent répondre aux questions de la recherche. Le premier thème porte sur les pratiques d’apprentissage qui semblent problématiques et issues d’une culture éducative traditionnelle.5 Le deuxième thème porte sur les difficultés d’apprentissage telles qu’ils les voient eux-mêmes. Pour cette question, une rubrique « Difficultés rencontrées » a été proposée pour que les étudiants puissent indiquer librement les difficultés qu’ils rencontrent. Le troisième thème est d’étudier leur rationalisation de résolution de problèmes telle qu’ils les voient pour surmonter leurs difficultés d’apprentissage. Pour ce faire, une rubrique « Propositions » a été placée tout de suite après celle des « Difficultés rencontrées ».

Les questions sont composées sur une échelle fermée à fréquences qui vont de 1 à 4 : Jamais, Parfois, Souvent, Toujours. Cette échelle permet d’obtenir des réponses plus précises par rapport aux questions fermées uniques, du type Oui / Non. Nous avons obtenu des non réponses aux questions qui sont dus à un oubli et non pas une incompréhension de la question car nous avons tout retraduit en arabe avant qu’ils commencent à répondre aux questions. Ces non réponses peuvent être également interprétées par l’ignorance de la question.

Le questionnaire a favorisé une ouverture d’esprit aux étudiants, voire une première occasion pour exprimer leurs difficultés et leurs opinions en toute liberté. C’était le moment qui leur a permis de parler non seulement de leurs propres pratiques éducatives, mais aussi de leurs difficultés. Ils avaient l’occasion de donner des propositions et même de faire des critiques. C’était une expérience libre et parfois ‘osée’ surtout en ce qui concerne leurs propres opinions des professeurs.

Le sexe et l’âge ne sont pas des variables significatives dans l’analyse. La tranche d’âge est identique dans chaque groupe, ce qui fait que cette variable ne soit pas prise en considération dans l’analyse. Pareillement pour le sexe des étudiants, n’ayant pas d’influence sur leurs réponses, il ne sera pas non plus pris en compte. Le questionnaire a été appliqué sur trois niveaux différents. Comme l’analyse des résultats est principalement thématique, nous nous intéresserons davantage au thème qu’au niveau du groupe, alors l’analyse portera sur l’échantillon total.

5 Cette rubrique propose un inventaire des pratiques d’apprentissage adoptées et qui fera l’objet d’un article à part.

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Code A24-A49 B1-B23 C50-C76Sexe masculin 2

433

41

42

43

46

3 4 5 15

19

50

51

52

53

59

Niveau 4e année 3e année 2e année

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2.3 Résultats de l’enquête

Comme déjà signalé, l’intérêt de cet article porte particulièrement sur les résultats concernant les difficultés rencontrées et les propositions.

2.3.1 Les difficultés rencontrées

Les résultats du questionnaire donnent lieu à quatre types de difficultés : linguistiques, liées aux professeurs du département, psychologiques et culturelles.

a. Difficultés d’ordre linguistique

Les difficultés d’ordre linguistique sont orientées vers la grammaire, le vocabulaire, la compréhension écrite et orale ainsi que vers le travail de recherche. Dès que les étudiants se trouvent face à un mot inconnu, leur compréhension du document est bloquée, car ils ignorent la notion de la compréhension globale. Nous avons posé la question si leur compréhension est affectée s’ils se trouvent devant quelques mots incompréhensibles dans un texte écrit ou oral, nous avons obtenu ce résultat :

Blocage dû à quelques mots inconnus

Jamais

Parfois

Souvent

Toujours

TOTAL CIT.

Nb. cit. Fréq.

8 10,5%

43 56,6%

19 25,0%

6 7,9%

76 100%

Moyenne = 2,30 Ecart-type = 0,77

C’est le cas quand l’utilisation du dictionnaire n’est pas autorisée afin d’entraîner les étudiants à comprendre le thème général. Un pourcentage de 33% se bloque très souvent devant un mot inconnu ; plus que la moitié se bloque parfois et 10,5% répondent négativement à la question. Car le fait de ne pas comprendre ‘tous’ les mots leur fait sentir insécurisés du manque d’habitude à la lecture. Ils sont convaincus qu’il faut tout comprendre et surtout en arabe. D’autres étudiants expliquent leur difficulté par le fait qu’ils ont du mal à comprendre le sens général (A25, A26, A27, A29, A36, B1, B6, B13, B19, C70). C’est à dire, même s’ils réussissent à trouver le sens de tous les mots, cela ne veut pas dire qu’ils ont compris l’idée général du texte. D’autres disent (A27, A43, A49, B1, B3, B14, C51, C63) avoir besoin de lire le texte plusieurs fois pour pouvoir le comprendre car leur compréhension est lente et exige beaucoup de temps et ce n’est pas possible en classe. La pratique de la lecture facilite sans doute la compréhension d’un texte nouveau, mais puisque cette pratique n’est pas répandue chez eux, la compréhension lente du texte devient une conséquence inévitable. D’autres étudiants disent que les sujets proposés sont beaucoup plus élevés que leur vrai niveau ce qui leur complique la tâche de travail. (A37, A40, A45, A48, B3, B4, B5, B10, B22, B23, C54, C59, C64, C71, C75, C76) Le sentiment de blocage rend le travail de plus en plus compliqué. Un texte ‘difficile’ ou qui a un niveau plus élevé que le leur est forcément un texte qu’ils n’arrivent pas à comprendre et à mémoriser. Deux personnes se sont rendues compte que le manque de la culture générale est une difficulté qu’ils rencontrent dans leur apprentissage du français, notamment dans la compréhension d’un texte ou dans la rédaction (A47, B2, B7, B8, B16, C69). Ils disent ne pas avoir assez d’imagination ou de culture générale qui leur permettront de mieux comprendre un texte en langue étrangère. (A37, B4, C57)

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D’autres difficultés consistent à trouver les mots qui conviennent pour parler ou pour écrire du manque de pratique. Chercher les mots convenables à chaque reprise est une des difficultés qu’ils rencontrent le plus souvent. Le tableau suivant explique le résultat de leurs réponses :

Difficultés de trouver les bons mots

Non réponse

Jamais

Parfois

Souvent

Toujours

TOTAL CIT.

Nb. cit. Fréq.

1 1,3%

1 1,3%

27 35,5%

22 28,9%

25 32,9%

76 100%

Moyenne = 2,95 Ecart-type = 0,87

La forte majorité rencontre ce problème. Le manque de pratique est une raison valable pour expliquer ce genre de difficulté. Oublier les mots est dû, non seulement au manque de pratique mais aussi à l’évaluation. Les étudiants dans leur témoignage expliquent l’importance de l’évaluation pour ‘forcer’ les étudiants à étudier et à retenir la leçon. Si le nouveau vocabulaire appris n’est pas évalué on l’oublie vite. (A26, A27, A35, A44, A48, A49, B1, B4, B14, B15, B18, B22, C55, C57) Trouver les mots n’est pas la seule difficulté liée au vocabulaire, mais l’employer en contexte relève une tâche difficile. Le tableau suivant explique leurs réponses :

Difficultés d'emploi des mots dans des

Jamais

Parfois

Souvent

Toujours

TOTAL CIT.

Nb. cit. Fréq.

11 14,5%

37 48,7%

18 23,7%

10 13,2%

76 100%

Moyenne = 2,36 Ecart-type = 0,89

Apprendre le vocabulaire sous forme de listes hors contexte ne favorise pas l’emploi des mots et la compréhension de leurs sens en contexte. Un groupe d’étudiants, 37% découvrent que très souvent, mémoriser des listes de vocabulaire ne leur permet pas de l’utiliser dans des phrases, et la moitié pense que l’emploi des mots dans des phrases leur pose parfois problème. Ceux qui ne trouvent pas que c’est une difficulté, 14,5%, semblent maîtriser mieux l’apprentissage du vocabulaire. Mais cela n’empêche pas qu’ils continuent à mémoriser des listes. Apprendre le vocabulaire sous tend le mémoriser sous forme de liste décontextualisées.

Les mots polysémiques posent également problème car il faut trouver tous les sens possibles et les mémoriser pour s’assurer qu’ils ont bien appris les mots. (A34, A47, B5, B11, B17, B22, C72) D’autres témoignages expliquent que les étudiants ont tendance à comparer systématiquement le vocabulaire et la grammaire avec l’arabe ce qui complique davantage la tâche. (A27, A47, A43, B8, B16) D’autres étudiants déclarent être capables de comprendre le sens en arabe, mais quand il faut réemployer les mots en français, ils se bloquent (A26, A34, A36, A37, A42, A43, A44, B3, B5, B9, B10, B19, B14, B24, C54, C67). Certes, un étudiant a besoin d’un point de repère pour apprendre. Cependant, le passage systématique par la langue maternelle empêche la capacité de réflexion en langue étrangère et engendre des difficultés.

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La compréhension d’un document audio est une des difficultés les plus rencontrées chez la majorité des étudiants. Nous avons posé la même question en cas où ils tombent sur des mots inconnus dans un document audio, si leur compréhension est bloquée, voici le résultat :

Blocage dû au débit trop rapide

Jamais

Parfois

Souvent

Toujours

TOTAL CIT.

Nb. cit. Fréq.

4 5,3%

19 25,0%

22 28,9%

31 40,8%

76 100%

Moyenne = 3,05 Ecart-type = 0,94

Une majorité de 70% admet que cette situation leur pose souvent problème, 25% dit parfois et 5,3% dit jamais. La réponse négative de ces derniers peut signifier que leurs niveau en français est très avancé pour qu’ils ne trouvent aucun problème à ce niveau. Dans un premier temps, écouter un document audio est une pratique inhabituelle pour les étudiants ; on l’a jamais appliquée à l’école en apprenant l’anglais ou même l’arabe. On a tendance à parler la langue, à l’écrire mais presque jamais à l’écouter. Se trouver face à un document audio qu’on doit suivre, comprendre et ensuite répondre aux questions qui suivent est sans doute une tâche absurde et difficile pour la majorité. Comme suivre un document audio est une tâche par elle même compliquée, elle se complique davantage s’ils ont à affaire à des mots qu’ils ne connaissent pas.

Dans leurs témoignages, les étudiants déclarent que passer le document deux fois ne suffit pas pour comprendre et répondre aux questions. (A43, A49, B4, B5, B9, B23) L’ignorance de ce genre de tâche et le manque de pratique justifie leur raisonnement. De plus, comme ils cherchent à tout noter et à tout comprendre, passer le document deux fois est loin d’être suffisant. Une autre source de difficultés liée à cette tâche est le débit du document, autrement dit, le débit de la langue française. Ils trouvent que le document est toujours ‘trop rapide’ ou ‘pas claire’ car les personnes ‘parlent trop vite’. La langue française est effectivement une langue rapide par rapport à la langue arabe ce qui peut poser problème au niveau de la concentration et de la compréhension. Ils essaient de se concentrer mais ils déclarent impossible de tout suivre et comprendre, une raison valable pour se sentir bloqués devant la moindre des difficultés rencontrées. (A26 B3, B6, B14, B20, C59, C73) Pour s’en sortir, ils se mettent à transcrire les mots inconnus en arabe (B17), comme nous avons vu dans leurs pratiques, car le temps ne suffira pas pour tout faire. C’est une technique de prévention pour régler le problème momentanément mais qui aggrave la situation plus tard.

Les tâches qui exigent un travail autonome, réflexif et créatif sont classées parmi les plus difficiles. Le travail de préparation d’un dossier de recherche pose un problème chez la majorité car il s’agit d’une question de travail autonome, de manque de connaissance et de pratique. (A27, A29, A30, A32, A35, A39, A42, A44, A45, A47, A49, B4, B5, B6, B8, B10, B13, B14, B22, C68) Ces difficultés sont plus centrées sur la détermination de l’information pertinente et l’analyse, du fait qu’ils manquent de culture générale et d’habitude de travailler seuls. Ils se sentent incapables de décider ce qu’il faut mettre dans un dossier, et encore moins de l’analyser. D’autres témoignages soulignent le côté technique du travail. Construire un dossier en français exige une certaine maîtrise de la langue pour pouvoir se concentrer davantage sur l’information. Il y en a qui déclarent oublier la langue dans le souci de se concentrer davantage sur l’information à mettre dans le dossier. (A25, A27, A32, A34, A37, A39, A43, A45, B6, B16, C55, C71) Dans d’autres cas, ils se contentent de recopier les informations car ils n’arrivent pas à combiner entre écrire en langue étrangère et analyser.

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Constat

Les difficultés d’ordre linguistique sont fortement liées aux pratiques d’apprentissage qu’ils adoptent pour apprendre le français. La culture éducative détermine incontestablement l’apprentissage d’une langue étrangère. Le recours systématique à la langue maternelle, la mémorisation, les techniques d’évitement ne sont effectivement pas les meilleures méthodes pour apprendre ou pour surmonter les difficultés. Certes, le travail en autonomie est une notion nouvelle dans l’apprentissage et qui exige une préparation psychologique et technique avant de passer à l’application. Savoir apprendre relève une des nécessités pour surmonter les difficultés linguistiques rencontrées. Cependant, imposer des nouvelles approches pédagogiques qui ne correspondent guerre aux pratiques éducatives adoptées depuis longtemps, ne garantira pas la réussite de celles-ci dans l’apprentissage du français. La preuve, les difficultés qu’on vient de voir jusqu’ici.

b. Difficultés liées aux professeurs

A travers les témoignages des étudiants, nous avons pu constater que les professeurs de français constituent une source considérable des difficultés que les étudiants rencontrent pendant leur apprentissage. La formation des professeurs, leur compétence, leur méthode, et surtout leur relation avec les étudiants, sont des raisons valables pour engendrer des difficultés dans l’apprentissage du français. Une question leur a été posée s’ils trouvent que les professeurs sont spécialisés dans leurs domaines :

Professeurs spécialisés

Jamais

Parfois

Souvent

Toujours

TOTAL CIT.

Nb. cit. Fréq.

10 13,2%

22 28,9%

27 35,5%

17 22,4%

76 100%

Moyenne = 2,67 Ecart-type = 0,97

La majorité affirme qu’ils le sont très souvent. D’autres, 29%, trouvent qu’ils sont parfois spécialisés ce qui veut dire que les professeurs ne sont pas tous spécialisés. Il y a 13% qui répond négativement à la question et c’est leur réponse qui semble intéressant. Le fait de croire qu’il y a des professeurs qui ne sont pas spécialisés est relaté à deux possibilités : la première c’est que c’est vrai qu’on fait appel à des professeurs qui ne sont pas spécialisés rien que pour remplir le poste et c’est le cas dans le département de français. Comme il n’y a pas beaucoup de professeurs formés et francophones, on a fait appel aux francophones qui n’ont pas spécialement un diplôme suffisant pour enseigner à un niveau universitaire. La deuxième possibilité est que les étudiants ne sont pas nécessairement satisfaits des cours pour des raison variées comme la difficulté du cours ou les résultats qu’ils ont obtenus. Cette réponse peut être interprétée également par le fait que les étudiants sont subjectifs dans leurs jugements et se basent davantage sur des expériences vécues pour donner leurs opinions. Nous avons donc cherché à savoir s’ils trouvent que les professeurs maîtrisent leurs sujet :

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Maîtrise de leurs sujets

Non réponse

Jamais

Parfois

Souvent

Toujours

TOTAL CIT.

Nb. cit. Fréq.

1 1,3%

2 2,6%

28 36,8%

37 48,7%

8 10,5%

76 100%

Moyenne = 2,68 Ecart-type = 0,70

Les réponses affirmatives à la question sont majoritaires. Plus que la moitié pense qu’ils maîtrisent souvent leurs sujets, 36,8% disent parfois et 2,6% pensent qu’ils ne les maîtrisent pas. C’est une question de spécialité et de compétence. Les professeurs ne sont pas forcément compétents dans leurs domaines ou dans le domaine qu’ils assurent. Notons que les questions sont portées sur l’intégralité des professeurs ce qui implique que les réponses soient généralisées sur toute l’équipe.6

Pour tester enfin la méthode de travail des professeurs, nous voulions savoir leurs opinions. Voici le résultat obtenu :

Bonne méthode de travail

Non réponse

Jamais

Parfois

Souvent

Toujours

TOTAL CIT.

Nb. cit. Fréq.

2 2,6%

5 6,6%

39 51,3%

21 27,6%

9 11,8%

76 100%

Moyenne = 2,46 Ecart-type = 0,80

Une minorité de 39,4% trouve que leur méthode est bonne, plus que la moitié l’admet mais parfois, alors que 7% n’est pas d’accord. Nous pouvons supposer que chaque étudiant juge le ou les professeurs de son point de vue à partir de son expérience avec ce professeur. Dans leurs témoignages, les étudiants ont précisé qu’il s’agit de ‘quelques professeurs’ et pas tous. Ils disent que quelques professeurs se contentent de lire le cours tout simplement (A28), ou qu’ils s’appuient trop sur le manuel (B19). D’autres croient que très peu de professeurs sont spécialisés dans leurs domaines (C51, C54, C65, C71), et d’autres ‘ne savent pas enseigner’ ou incapables d’expliquer clairement la leçon. (B4, B10) Un seul témoignage met en question la compétence des professeurs Français et disent qu’ils ne savent pas travailler (B4).

Le manuel semble occuper un rôle plus qu’un support aussi bien pour les professeurs que pour les étudiants. Mais lorsque les étudiants sentent que le professeur se base trop dessus, ils pensent qu’il n’est pas suffisamment compétent pour assurer les cours. Dans un sens, c’est logique dans la mesure où le manuel devrait être un support et non pas la source unique de l’information. Nous nous demandons ce qu’ils veulent dire par ‘savoir enseigner’, car ils mettent en cause la compétence des professeurs. Savoir enseigner peut signifier être compétent au niveau pédagogique aussi bien que faire tout le travail à leur place. Dès qu’ils se sentent trop impliqués dans leurs apprentissage, ils projettent la difficulté sur le professeur. Celui qui ne préfère pas les

6 Après avoir rempli le questionnaire, les étudiants ont déclaré que c’était relativement difficile de répondre aux questions concernant les professeurs car les réponses sont variées selon chaque professeur et il fallait garder l’anonymat.

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professeurs natifs ne semble pas content du fait que le natif explique obligatoirement en français, alors cette méthode ne lui facilite pas la tâche.

La relation entre le professeur et les étudiants influence leur façon d’apprendre. Si cette relation est tendue, ils trouvent que c’est difficile de continuer. Quelques témoignages affirment que les professeurs discriminent entre les étudiants (B14, B15, B18, B22). D’autres pensent qu’ils ‘ne les laissent pas le temps de réfléchir’ (B22). D’autres disent qu’il est impossible de communiquer avec les professeurs (C72). De plus, l’instabilité des professeurs dans le département les perturbent énormément (A31). Ces témoignages mettent en cause la relation pédagogique qui semble assez tendue. Quand on parle de la discrimination, c’est dans le sens où quelques enseignants favorisent des élèves aux autres. Cette attitude, d’après leur témoignage, se reproduit, non seulement à l’école, mais aussi au niveau universitaire. Distinguer veut dire s’adresser à un groupe que l’autre, ou distinguer au niveau de l’évaluation. Ne pas laisser le temps aux étudiants de réfléchir peut être dû au manque de patience de la part du professeur, la contrainte temporelle du cours, ou que l’étudiant est trop lent dans son processus d’apprentissage qu’il a l’impression que le professeur s’impatiente avec lui. Enfin, la communication s’avère importante pour maintenir une bonne relation entre le professeur et les étudiants, ce qui n’est pas le cas d’après leur témoignage. Nous nous demandons pourquoi il est impossible de communiquer avec les professeurs : serait-il une impression faussée influencée par la peur ou le stress ou bien s’agit-il d’une affirmation suite à une expérience personnelle avec l’un des professeurs ?

Constat

Ces résultats portent sur l’ensemble des professeurs ce qui peut poser problème au niveau de l’exactitude des réponses ; cela a été signalé par les étudiants après avoir répondu au questionnaire. Par souci de garder l’anonymat, nous avons généralisé les questions afin d’avoir une idée globale et non pas détaillée de leurs opinions sur les professeurs. Nous tirons de ces résultats, d’une manière générale, que les professeurs ne sont pas tout à fait à la hauteur pour donner des cours au niveau universitaire et leurs méthodes n’est pas toujours très appréciée. Nous prenons également en considération l’expérience personnelle de chaque étudiant qui influence incontestablement ses réponses qui semblent fortement subjectives. Ajoutons qu’après avoir répondu au questionnaire, nous avons eu quelques réactions des étudiants qui ont déjà vécue des mauvaises expériences avec quelques professeurs.

c. Difficultés d’ordre psychologique

D’autres difficultés sont aperçues liées à la façon dont les étudiants pensent, se comportent et essentiellement aux relations entretenues avec le professeur. Une question leur a été posée sur la prise d’initiative pour s’exprimer à l’oral s’ils la timidité les empêche de s’exprimer devant les autres, voici le résultat :

Influence de la timidité pour prendre l

Non réponse

Jamais

Parfois

Souvent

Toujours

TOTAL CIT.

Nb. cit. Fréq.

1 1,3%

22 28,9%

22 28,9%

17 22,4%

14 18,4%

76 100%

Moyenne = 2,31 Ecart-type = 1,09

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Une bonne majorité de 70% affirment qu’ils se sentent timides de parler devant les autres avec des fréquences variées. D’autres, 29% répondent négativement à la question. Ces derniers semblent plus ‘courageux’ que les autres pour s’exprimer devant leurs camarades et le professeur en langue étrangère. Ceux qui se sentent timides pour parler ont peur de faire des fautes, de se sentir ridiculisés devant les camarades et le professeur. Mais il y a bien d’autres raisons : parler en langue étrangère semble une pratique peu répandue car, comme déjà signalé plus haut, lorsqu’on apprend une langue étrangère, on l’apprend plutôt à l’écrit qu’à l’oral. L’apprentissage a un caractère plus visuel qu’auditif ce qui explique les difficultés avec la compréhension et l’expression orales.

Les témoignages des étudiants révèlent leurs difficultés d’une manière plus approfondie. On aperçoit de l’anxiété au niveau de leur perception de l’apprentissage. Un étudiant dit qu’il se sent avoir toujours tort (C60) lorsqu’il s’exprime. Un autre est gêné par les réactions de son professeur face à ses fautes ce qui le bloque davantage (B3). D’autres disent qu’ils ont ‘peur du professeur’ s’ils s’expriment mal et parfois ils se sentent timides de parler de peur de se faire critiqués (B12, B15, C51, C57, C70, C74). Les réactions du professeur et des camarades influencent considérablement l’attitude de l’apprenant notamment au niveau de l’expression orale. L’angoisse de se faire ridiculiser ou critiquer est une raison majeure de ne pas prendre l’initiative. Cette peur est interprétée par le manque de confiance de ses capacités et une sous estimation de soi. On n’accepte pas l’erreur, on évite de faire des fautes en prenant des reculs par rapport à l’apprentissage. L’évitement devient une technique répandue chez les étudiants pour se protéger contre les mauvais résultats.

Le stress intervient souvent dans l’apprentissage et le bloque. A cause du stress on a tendance à oublier ce qu’on a appris (B3, B18, B22, B23), ou on est stressé de peur de faire des fautes (A30, C57, C66, C76). A cause du stress, on a l’impression de ne rien entendre ou comprendre. On n’arrive pas à se concentrer et on se laisse prendre par le stress et rate donc le reste (A27, C51, C59). Le stress est un élément assez important qui intervient dans leur apprentissage et il est lié aux idées inculquées originaires d’une culture éducative qui renie l’erreur, et divise les relations pédagogiques en dominant / dominé.

A travers leurs témoignages, nous avons pu repéré la représentation de la difficulté pour eux. Ce qui est nouveau et qui ne correspond pas à leurs critères est considéré difficile. Par exemple, un document long est forcément un document difficile ; un document audio l’est également même si ce n’est pas le cas. Si le professeur explique en français, même en employant des mots faciles, l’explication semble difficile parce qu’elle ne se fait pas en arabe. On aperçoit un conflit entre les habitudes d’apprentissage du français et les nouvelles approches pédagogiques, conflit assez sérieux pour engendrer des difficultés dans l’apprentissage.

Les difficultés d’ordre psychologique sont liées à l’expérience vécue en famille et en classe et qui engendrent des sentiments négatifs pouvant intervenir pour créer des difficultés dans l’apprentissage. Nous prenons également en considération l’expérience personnelle de chaque étudiant qui influence incontestablement ses réponses et qui semblent fortement subjectives.

d. Difficultés d’ordre culturel

L’écart significatif entre la culture française et palestinienne est digne d’être considéré comme source importante de difficultés d’apprentissage. Lorsqu’on propose des documents ou des sujets qui traitent la culture française, on a affaire à des réactions de choc, de confusion, de blocage

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total, voire de refus. Il y a des étudiants qui déclarent que cet écart est une difficulté majeure pour eux (A47, B2, B8, B16, B7, C69, C70). Ils trouvent que c’est très ‘éloigné de notre culture’ (A43) alors il est difficile de se repérer par rapport à la culture maternelle pour comprendre et poursuivre. Ces témoignages mettent en question les approches qu’on utilise pour enseigner le français ainsi que les objectifs du cours. Les nouvelles approches pédagogiques intègrent l’enseignement de la culture française avec l’enseignement de la langue, ce qui n’est pas le cas dans l’enseignement de l’anglais à titre d’exemple. On a affaire à une résistance à la culture étrangère car elle se contredit avec la culture religieuse qui fait partie de la vie quotidienne et de la construction de soi. Cette contradiction est une source importante d’un conflit et de difficultés d’apprentissage.

2.3.2 Propositions de résolution de problème

Le deuxième thème qui intéresse cette étude porte sur la résolution de problème telle que les étudiants la conçoivent et surmonter les difficultés qu’ils rencontrent. L’objectif de cette rubrique et de déterminer s’ils sont conscients de leurs véritables problèmes et s’ils sont capables d’envisager des solutions. C’est une question ouverte pour leur donner la possibilité de s’exprimer librement. Les réponses que nous avons obtenues sont basées sur deux types de solutions : des solutions déterminées par le rôle du professeur et d’autres par l’organisation du programme de formation en général. Les résolutions de problèmes liées au professeurs porte tout d’abord sur son rôle en classe tel qu’ils l’envisagent eux-mêmes. Tout d’abord, il faut qu’il simplifie le travail aux étudiants pour qu’ils puissent apprendre et surmonter leurs difficultés. L’explication du professeur semble trop compliquée, notamment parce qu’il explique souvent en français, alors il faut simplifier sa façon d’expliquer la leçon (B15) et expliquer directement en arabe (C76). C’est au professeur de lire clairement le texte devant les étudiants (A33), le simplifier et le traduire s’il le faut (A48) en notant les idées principales et secondaires au tableau pour qu’ils puissent les recopier (A33). Quant aux tâches liées aux documents audio, ils suggèrent que le professeur passe le document plusieurs fois et par extraits découpés (B6, B9, B15, C50, C63, C71) et que le débit de la parole soit lent et clair (A31, B8, B10, B20, C59). Ils proposent de travailler sur des documents audio-visuels (C60, C63, C66, 74) au lieu de documents audio. Mais la meilleure solution pour eux est que le professeur lise le document au lieu de passer la cassette (A35, C52). Quand aux documents donnés, toujours difficiles, ils suggèrent que le professeur donne des documents qui correspondent à tous les niveau et pas trop difficiles (A38, C58 C70). Il faut également leur apprendre comment employer les mots nouveaux dans des phrases (B5), sans que le professeur compare entre les langues (B16), arabe et anglais, parce qu’on ne les maîtrisent pas forcément.

Ils parlent ensuite de la façon dont les professeurs doivent expliquer les leçons car leur méthode ne semble pas satisfaisante à leurs yeux. Il faut donner une idée préalable sur le sujet (B10) et ne pas laisser les étudiants deviner ou chercher à découvrir. Le professeur doit bien expliquer d’une manière claire (B21, C56), lente (C57) et systématique de tous ce qui est ‘difficile’ et mettre toutes les explications au pied du texte (A47) dans les cas échéants. Pour qu’ils puissent lire efficacement, le professeur doit leur expliquer la méthode de lecture (C51). Quant à la grammaire, il faut bien l’expliquer, y consacrer plus de temps et en faire un rappel de temps en temps avec des exemples explicatifs d’emploi pour mieux comprendre (A33, B6, B12, B17, B20, C71). Pour mieux saisir la règle de grammaire, pourquoi pas donner l’équivalent en arabe (A27). Enfin, si on aborde des sujets culturels, le professeur devrait faire le lien avec la société et la culture palestinienne (C52) car les sujets culturels sont difficiles.

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La notion d’obligation intervient dans la résolution de problème. Pour surmonter les difficultés, nous avons aperçu que les étudiants ont besoin de sentir ‘obligés’ de travailler, sinon ils ne travailleront pas. Ils pensent que le professeur doit insister sur les tâches à faire et leur demander des devoirs écrits et des comptes rendus pour les inciter à la lecture. (A27, A40, A42, B11, B12, B19) Pour maîtriser l’orthographe, ils proposent qu’on leur donne des cours de dictée (A31, B21, C64), des devoirs et des exercices pour vérifier l’acquisition de la leçon (A31, 35, 37). Il faut les entraîner également à la mémorisation (B1).

La motivation vient directement du professeur. Il doit les motiver et encourager pour travailler, sinon ils ne travaillent pas et rencontrent des difficultés. Il faut que le professeur varie ou même change sa méthode de travail pour que la leçon ne devient pas ennuyeuse (A36, B1, B12, C55, C57, C73). Changer veut dire passer à la méthode traditionnelle car l’approche communicative semble les fatiguer. Il faut les encourager et motiver à parler (B14, B15, B20, B21, C51, C54) même s’ils ont un niveau faible en français et favoriser la discussion entre les étudiants (A25). Et enfin, il faut prendre en considération les difficultés qu’ils rencontrent pendant leur apprentissage (B12).

Au niveau de l’organisation du programme, les étudiants pensent que les professeurs sont peu nombreux pour assurer tous les cours (A41, B10, C62) alors il faut augmenter le nombre de professeurs tout en veillant que chaque professeur assure les cours dans son propre domaine (B4, B5, A41, A28, A35, A37, C54, C55, C58). Il faut donner les modules de grammaire aux professeurs spécialisés (C62, C64) tout en augmentant le nombre de cours de grammaire (C66) car ceux-ci ne sont pas suffisants. Il faut avoir des professeurs bien formés, qui maîtrisent leurs sujets et qui incitent au travail en respectant le sujet du cours (B1, B2, B3, B6, B8, B9,B15, B18, B19). Il faut également donner plus de cours aux professeurs qui prouvent compétents (B21). Quant au manuel et au programme en général, il faut tout changer (A41, C71) mais sans pour autant changer systématiquement de professeurs (A26, A34, B13) car cela est très perturbant. Il y a une préférence pour des professeurs arabophones (B13) et d’autres préférences pour des professeurs natifs. (C58)

Certes, la résolution de problème chez les étudiants repose du premier degré au professeur, ensuite au programme mais ils s’engagent dans aucune solution. Nous remarquons que c’est au professeur de ‘tout’ faire dans la mesure où il faut simplifier, expliquer, obliger et encourager pour qu’ils travaillent. Dans leurs propositions, on aperçoit que la mentalité scolaire et l’extériorisation au problème sont très présentes. Même si l’on trouve des solutions justifiées, comme avoir des professeurs formés, ils proposent qu’ils changent leurs méthodes. Nous constatons qu’ils ne sont pas tout à fait conscients de leurs vrais problèmes et ne semblent pas capables de trouver des solutions car ils s’extériorisent à l’apprentissage.

CONCLUSION

Cette expérience de s’exprimer librement, ne prouve pas facile pour un étudiant d’être totalement objectif dans ses réponses. Ces étudiants n’ont jamais eu l’occasion, auparavant, de s’exprimer et de critiquer librement leur situation d’apprentissage y compris les professeurs. Ceux qui ont eu des mauvaises expériences avec leurs professeurs, ou ceux qui ont redoublé ou raté quelques modules, seront sans doute influencés par leur vécu pour répondre aux questions. En outre, le fait de mettre en cause, à chaque reprise, les capacités des professeurs et le cursus du département, mais jamais leurs propres performances, prouve qu’ils portent des jugements subjectifs sur la situation d’apprentissage en général. Ceci montre que ces étudiants ne sont pas véritablement conscients de leur propre situation.

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De ces résultats, deux questions se posent : Comment les étudiants de français rationalisent-ils effectivement leurs pratiques d’apprentissage ? Quelles sont les émotions qu’ils éprouvent envers l’apprentissage du français et quel rôle jouent celles-ci dans leur apprentissage? Nous supposons que les étudiants de français ne sont pas conscients des pratiques d’apprentissage qu’ils emploient pour apprendre le français durant leur parcours universitaire. Ces pratiques sont issues d’une culture éducative différente de celle de la langue cible, culture qui est à l’origine de la représentation qu’ils ont sur l’apprentissage d’une langue étrangère. Cet écart entre la culture éducative d’origine et celle de la langue cible peut engendrer des sentiments d’anxiété, d’angoisse et d’insécurité linguistique ainsi qu’un blocage dans la perception de l’apprentissage de la langue. Nous supposons également que leurs pratiques d’apprentissage sont inadaptées pour apprendre une nouvelle langue étrangère avec des approches pédagogiques ‘différentes’. Une étude supplémentaire s’avère importante pour approfondir les données du questionnaire et tester ces hypothèses et donc sortir avec d’autres constats sur les difficultés d’apprentissage du français chez ce public.

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