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DOSSIER N°88 SUPPLY CHAIN MAGAZINE - OCTOBRE 2014 74 A P S Quelles prévisions et planifications pour demain ? ©ROMMMA-FOTOLIA ©ANTREY - FOTOLIA Dans un environnement incertain, la demande est de plus en plus difficile à appréhender par des extrapola- tions statistiques d’historiques passés. Néanmoins, les APS (logiciels de planification avancée) ont trouvé une parade en développant des outils collaboratifs pour aider à gérer les promotions et les lancements de nou- veaux produits, éléments les plus contributeurs à l’in- certitude de la demande. Mais si ces produits devien- nent majoritaires, ce mode de gestion moins automa- tisé ne risque-t-il pas de devenir trop lourd ? Qu’ap- portent de nouveau les concepts de Big Data, Demand Sensing, de DDMRP, de Machine Learning… ? Per- mettront-ils de gagner encore en performance dans un univers plus complexe ? L e monde change. « Les Suppy Chains sont de plus en plus complexes, car plus connectées et plus fragmentées, et la variabilité se propage plus rapi- dement, ce qui rend les systèmes plus « nerveux », assène Carole Ptak, en s’appuyant sur les travaux de Debra et Chad Smith, consignés dans leur ouvrage inti- tulé « Demand Driven Performance, Smart Metrics for complex Supply Chain ». « La donne a com- plètement changé : les systèmes ne sont plus linéaires mais complexes et adaptatifs. Il faut inventer de nouvelles règles pour s’adapter en per- manence. Pour prendre les bonnes décisions dans ce contexte, la visibilité est cruciale, de même que le suivi de la variabilité entre le planifié et le réa- lisé. Il faut aussi mesurer le taux de transforma- tion de matières premières en produits finis demandés par les clients et la « cash velocity », le taux de la prochaine génération de cash », dépeint la fondatrice du Demand Driven Institute, qui voit dans le DDMRP (Demand Driven Material A

Quelles prévisions et planifications pour demain · Sensing, de DDMRP, de Machine Learning… ? Per-mettront-ils de gagner encore en performance dans un univers plus complexe ? L

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Dans un environnement incertain, la demande est deplus en plus difficile à appréhender par des extrapola-tions statistiques d’historiques passés. Néanmoins, lesAPS (logiciels de planification avancée) ont trouvé uneparade en développant des outils collaboratifs pouraider à gérer les promotions et les lancements de nou-veaux produits, éléments les plus contributeurs à l’in-certitude de la demande. Mais si ces produits devien-nent majoritaires, ce mode de gestion moins automa-tisé ne risque-t-il pas de devenir trop lourd ? Qu’ap-portent de nouveau les concepts de Big Data, DemandSensing, de DDMRP, de Machine Learning… ? Per-mettront-ils de gagner encore en performance dans un univers plus complexe ?

Le monde change. « Les Suppy Chainssont de plus en plus complexes, carplus connectées et plus fragmentées,et la variabilité se propage plus rapi-dement, ce qui rend les systèmes plus« nerveux », assène Carole Ptak, ens’appuyant sur les travaux de Debra

et Chad Smith, consignés dans leur ouvrage inti-tulé « Demand Driven Performance, Smart Metricsfor complex Supply Chain ». « La donne a com-plètement changé : les systèmes ne sont pluslinéaires mais complexes et adaptatifs. Il fautinventer de nouvelles règles pour s’adapter en per-manence. Pour prendre les bonnes décisions dansce contexte, la visibilité est cruciale, de même quele suivi de la variabilité entre le planifié et le réa-lisé. Il faut aussi mesurer le taux de transforma-tion de matières premières en produits finisdemandés par les clients et la « cash velocity »,le taux de la prochaine génération de cash »,dépeint la fondatrice du Demand Driven Institute,qui voit dans le DDMRP (Demand Driven Material

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Carol Ptak,Fondatrice duDemand DrivenInstitute

Requirements Planning) une manière d’appliquerce nouveau paradigme au niveau des opérations.

Une période charnièreAinsi, si dans un système linéaire, il était relati-vement aisé de déduire le futur du passé par desextrapolations statistiques, ce mode de prévisionsatteint ses limites pour un nombre croissant deproduits. De même, si l’on pouvait auparavant secontenter d’approvisionner en masse et de pro-duire de grandes séries, la réduction du cycle devie des produits et la demande de personnalisa-tion de ces derniers poussent vers des tailles delots plus restreintes. Nos façons de prévoir et deplanifier risquent donc de se voir modifiées dansles années à venir, ou pour le moins complétéespar d’autres méthodes. Les APS (AdvancedPlanning Systems ou logiciels de planificationavancée) se sont adaptés aux demandes de leursclients et ont beaucoup évolué. « Ils ne faut pasréduire les APS à des calculs algorithmiques. Ilsse sont spécialisés dans le service à rendre, avec

par exemple des modules à valeur ajoutée de ges-tion des promotions. Ils collectent les données,font du suivi et des alertes tout au long de la réa-lisation, ainsi que des bilans en fin de promotion »,indique Cédric Hutt, Directeur Général Adjointd’Azap. L’idée est en effet d’optimiser l’exécutiondes promotions, de voir ce qu’elles ont rapportéet de tirer des enseignements à intégrer dans lesystème pour capitaliser sur l’expérience au fil dutemps. De même, pour les lancements de pro-duits, la plupart des APS disposent de biblio-thèques de profils sur lesquels peuvent s’appuyerles prévisionnistes, en tenant compte de leurconnaissance des précédents produits similaires,mais aussi d’autres critères influents (niveau d’in-vestissement publicitaire, période de l’année,concurrence…).

Analyser l’incertitude et les variations de la demandeBeaucoup d’énergie est aussi consacrée d’une partà concevoir la demande sous forme de « four-

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chette » plus que sous un chif-fre donné et d’autre part, à fiabiliser les informations col-lectées au travers de mesures,d’analyses et de collaboration.« L’outil statistique est utilisépour initier les choses. Onaccorde à présent une partplus importante à l’analysefine, surtout celle de l’écartentre le prévu et le réellementvendu. L’accent est mis davan-tage sur l’analyse de l’incerti-tude de la demande et sur laréactivité de la Supply Chain,poursuit le DGA d’Azap.Certes, la demande est pluserratique et l’on change demodèle… mais pas tant que cela. En fait, on ana-lyse l’incertitude et l’on dimensionne les capaci-tés de stocks pour répondre aux aléas ». GillesAlais, Country Manager France, Barloworld Sup-ply Chain Software, complète cette vision. « Au-delà de la mesure de la justesse de la prévision(Forecast Accuracy), il est important de vérifierl’exactitude des paramètres pris en compte telsque les délais fournisseurs réels (vs théoriques)pour maîtriser leur variabilité mais aussi celledes données injectées (ex : prévisions desclients). Ainsi, dans l’aéronautique, nous avonsinstauré des tableaux de bord qui mesurent leschangements en quantités, valeurs, pourcen-tages… des prévisions des clients. Le but étantque des algorithmes statistiques définissentquelles sont les bonnes informations, ce qui estvrai et de combien ».

L’APS comme outil de pilotageGilles Alais (Barloworld SCS) souligne égalementle besoin de visibilité des entreprises auquel peu-vent aussi répondre les APS de par leur transver-salité. « Globalement, on note un besoin d’outils depilotage (processus de Sales & Operations Plan-ning ou S&OP) par rapport à ces Supply Chainsétendues et complexes. Les sociétés ont des APSmais attendent d’augmenter leur visibilité sur leréseau (usines, sous-traitants, entrepôts…). Ellesvont vouloir mettre en œuvre des outils collabora-tifs tels que des portails web, côté clients et côtéfournisseurs ». Cette volonté de pilotage s’exerceà plusieurs niveaux. En effet, au niveau straté-gique, compte-tenu des investissements à consen-tir sur le long terme, les entreprises conserventplus que jamais le besoin d’élaborer un plan stra-tégique et des budgets pour estimer ce qu’ellescomptent gagner et vont devoir dépenser enmoyens et ressources. Où doivent-elles implanterleurs sites de production, de stockage, de distri-

bution, etc. Par où vont-elles ensuite faire passerquels flux au niveau tactique. Avec qui vont-ellestravailler en termes de fournisseurs, sous-trai-tants, prestataires logistiques, transporteurs,clients… Tout cela reste vrai car les délais de déci-sion continuent de l’imposer. La nouveauté vasans doute être d’intégrer davantage le processusbudgétaire avec celui des opérations (S&OP), pourgarantir leur cohérence et leur réalisation effec-tive (IBP pour Integrated Business Planning). Lavolonté va être aussi de mieux capter les donnéesd’exécution pour revoir les plans si nécessaire. « Sur le court terme, les changements sont pro-portionnellement moins importants que ceux quisurviennent à haut niveau », tempère Liam Har-rington, Associé du cabinet Oliver Wight. Ce quiévolue va être la capacité de capter de l’informa-tion en masse et de voir comment l’utiliser à courtterme, moyen terme, voire à long terme. Maissans pour autant sombrer dans l’hyperréactivité.

L’avènement des Big Data Avec le développement des systèmes d’informa-tion, des terminaux mobiles et des capteurs d’in-formation en temps réel, la volumétrie desdonnées générées croît de manière exponentielleet s’exprime dans des unités qui ne nous parlentquasi plus (des zettaoctets, soit 1021 octets !). Onparle de Big Data. Ces données « massives » sontde différentes natures : les « structurées », les don-nées transactionnelles que l’on trouve tradition-nellement dans les ERP des entreprises, mais aussitout un tas de données « non structurées » (issuesdes réseaux sociaux, d’avis de consommateurs, decontrat de garanties et de services…), des donnéesissues de capteurs (de température, d’humidité, depositionnement – GPS –, d’informations – éti-quettes RFID, QR Codes – et des données d’uneautre nature telles que les images, les vidéos, lessons, les voix… Selon le Gartner, les Big Data, se

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StéphanieDuvault Alexandre,Chef de produitFuturmaster

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Liam Harrington,Associé du Cabinet Oliver Wight

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Nicolas Commare, Directeur de l’activité Supply Chain,Viseo

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To increase visibility To enchance demandplanning capabilities

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Analysing data from socialmedia to detect

new market trends

To support sustainabilityinitiatives

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Analytics aroundSupply Chain risk

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caractérisent par « un haut volume, une fortevélocité et une grande variété ». La question estdonc de savoir comment améliorer la perfor-mance de sa Supply Chain grâce à une utilisationpertinente de ces données. Ce qui suppose déjà dene pas se « noyer » dedans et donc d’avoir lescompétences idoines. « Hier, la Supply Chain étaitfondée sur le passé. On analysait les historiques etavec un peu d’intelligence, on prévoyait le futur.C’est ainsi que les APS se sont développés.Aujourd’hui, les outils de prévisions statistiquesmontrent leurs limites et le plus important, dansune logique collaborative entre les hommes, estd’associer une vision terrain à celle mathéma-tique. Demain, nous aurons toujours le socle col-laboratif, mais s’y ajoutera une partie prédictivesur des données non structurées (issues desréseaux sociaux, des avis de consommateurs…)qu’il faudra collecter et transformer en informa-tions exploitables, prévoit Charles Turri, SeniorManager de Vinci Consulting. Et de poursuivre :Cela a de multiples conséquences. Il faut déjàavoir le matériel et les logiciels informatiques

capables de traiter un nombre gigantesque de don-nées. Mais surtout, il faut des profils alliant desconnaissances métiers, techniques et analytiques.On les trouve principalement chez de gros indus-triels qui travaillent dans une logique de CPFR[ndlr : Collaborative Planning Forecasting &Replenishment] avec les distributeurs et dans l’e-commerce, où ils sont en contact direct avecles internautes, et apprennent à traduire ces élé-ments en impacts sur les ventes. » Certains préfè-rent d’ailleurs le terme de « Smart Data » à celuide « Big Data ». « Nous avons de vraies demandesde bases de données multidimensionnelles avec denombreux niveaux d’analyse, afin de répondre auplus vite aux événements imprévus, explique Stéphanie Duvault-Alexandre, Chef de produitFuturmaster. Le terme de Smart Data me sembleplus approprié pour désigner la capacité, par depuissants algorithmes, d’extraire des données clefspour prendre les bonnes décisions. »

Demand Sensing, une autre vision de la demandeLe Demand Sensing se propose justement d’allerchercher les bonnes données pour affiner la visionde la demande. « Le Demand Sensing regarde plus

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le comportements des clientsque les composantes de lademande. Il décèle les rela-tions entre les produits par dela reconnaissance de modèles(pattern recognition) », exposeRobert Byrne, DG et Fonda-teur de Terra Technology, pro-moteur du Demand Sensing,avec notamment Smartops(acquis par SAP) et Tool-groups. Cela peut aussi consis-ter à trouver des variablesexogènes (ex : météo sensibi-lité, données de panélistes,cours du pétrole…) qui expli-quent l ’ évo lu t ion de l ademande d’un marché. Si lademande est fortement corré-lée à cette variable, et si cette dernière est prévi-sible, cela revient à établir des prévisions sur cettevariable pour en déduire la prévision de lademande du produit. Mais en général, le problèmeest plus complexe car il se peut que plusieursvariables exogènes entrent en jeu et que leurdegré d’influence évolue. L’e-commerce devient àce titre un terrain d’analyse intéressant. « Amazoncroise ce que consultent les internautes sur le site,dans une zone donnée, avec l’anticipation desstocks. Par exemple, si 150 personnes regardent leNikon J3 dans le département 93, statistiquement,25 vont l’acheter et Amazon avance la quantitéen stock dans l’entrepôt le plus proche », illustreNicolas Commare, Directeur de l’activité SupplyChain de Viseo. Amazon va même plus loin enproposant aux internautes de les livrer avantqu’ils n’achètent, quitte à retourner les produitssur l’entrepôt s’il s’est trompé… A voir si cemodèle tapageur sur le plan marketing sera via-ble et pour quels produits !

Planifier à long terme pour être agile« Dans les premières étapes de la maturité, l’ana-lyse des données requiert beaucoup de ressourceset d’énergie afin de bien comprendre la demandeet de déceler les corrélations. Une fois que l’on abien compris les corrélations, on peut les modéli-ser et enfin, comparer avec la réalité », décrit LiamHarrington (Oliver Wight). Il met cependant engarde les entreprises sur la vision « court-terme »du Demand Sensing. « Le Demand Sensing estfocalisé sur les variations de la demande à courtterme (les deux à trois semaines à venir). Mais siles entreprises sont à l’aise avec ces process courtterme, elles le sont moins sur la planificationmoyen-long terme (de 3 à 24 semaines). Appré-hender la demande avec plus de précision n’a pasgrand intérêt si vous n’êtes pas en mesure d’y

répondre ! Il devient donc essentiel pour les entre-prises de planifier à plus long terme, avec unestratégie de segmentation, et de gagner en agilitépour répondre aux aléas, une fois que le reste aété planifié », recommande-t-il.

DDMRP, mieux planifier sur le court-termeDans la droite ligne de ces conseils avisés, leDDMRP veut aider les entreprises à mieux répon-dre à une demande fluctuante avec plus d’effica-cité. « Le Demand Driven MRP est une solution de planification multi-niveaux des stocks et desmatières, et une solution d’exécution », résumeCarol Ptak (Demand Driven Institute). Selon elle,toutes les SC souffrent d’une distribution bimodaledes stocks : elles en ont trop ou pas assez. LeDDMRP propose de modéliser l’environnementpuis de réajuster cette modélisation en cinq étapes : 1. Concevoir la Supply Chain en définissant oùplacer les points de découplage stratégiques, 2. Déterminer le niveau de stock nécessaire, 3. Comment ajuster ces stocks de manière dyna-mique, 4. Etablir le plan tiré par la demande et 5. Exécuter de manière visible et collaborative.« Ce système tient compte de six facteurs : le degréde tolérance du client en matière de délai, lesdélais potentiels du marché, la variabilité de l’of-fre et de la demande, la flexibilité des stocks et lamatrice de la nomenclature, la structure del’amont et de l’aval de la SC, ainsi que les res-sources critiques. Il réagit aux évolutions de lademande et aligne en permanence un taux de ser-vice élevé avec une diminution des stocks et desurgences », assure Carol Ptak, résultats d’Unilever,de Le Tourneau Technology, d’Oregon Freeze Dry,Romac Industries… à l’appui. « Le DDMRP est unesynthèse du MRP, du DRP et du Lean Manufactu-ring qui reprend la force de ces trois concepts.

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Yves Cointrelle,Directeur de la Stratégie et duDéveloppementBusiness Intelligence, Viseo

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Henri Beringer,Directeur de QuintiqFrance

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Gilles Alais,Country Manager France, BarloworldSupply ChainSoftware

BIG DATA : Areas with the greatest expected level of ROI in Supply Chain

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C’est une démarche intéressante et pertinente quirend les stocks évolutifs en fonction de lademande et assure la cohérence des processusSupply Chain depuis la prévision jusqu’à l’orga-nisation de la production, en passant par l’opti-misation des stocks intermédiaires», estime CharlesTurri (Vinci Consulting).

DDMRP vs Prévisions ?Ce pilotage court-terme supprime-t-il le besoin defaire des prévisions ? Non, justement ! « Dans leMRP, les prévisions commerciales sont prévuespour le pilotage des opérations. Dans le DDMRP,ce n’est pas le cas. On adapte le buffer par rap-port à ce qui a été vendu sur les derniers mois. Etles prévisions servent uniquement au processusS&OP pour se projeter à trois à six mois en termesde capacités », expose Paul Cordié, ManagingDirector d’O2X Conseil. Même point de vue deLaurent Penard, Fondateur de Citwell : « La pré-vision de la demande est une question d’horizon.Le DDMRP ne le résout pas à court/moyen terme,il traite la demande connue à court/moyen terme.C’est un modèle adapté aux produits de grandeconsommation et aux industries à forte cadence.Quand on l’adopte, on continue à faire des prévi-

sions comme avant mais sur un axe famille tech-nologique et S&OP pour tenir compte descontraintes industrielles et répondre aux pro-blèmes de lissage de l’activité (dans le cas où lesmoyens sont saturés) et de besoin d’anticipation.En fait, les solutions sont complémentaires : Sil’on a des prévisions fiables à la référence, on n’apas besoin de DDMRP. Il faut segmenter les pro-duits pour savoir comment les traiter au mieux etfaire un tableau de décisions en fonction de diverscritères (moyens sur-capacitaires ou pas, beau-coup de renouvellement d’articles ou pas…) »,poursuit-il.

Machine Learning, le pouvoir des « agents »Ainsi, l’avenir tendrait vers une segmentation desméthodes par type de produits pour prendre laplus adaptée. Un bon moyen de gagner en per-formance certes, mais sans doute pas de réduire lacomplexité. Va-t-on pouvoir compter sur les APSpour apprendre par eux-mêmes (machine lear-ning) et guider les utilisateurs ? Selon Gilles Alais(Barloworld SCS), les APS sont déjà auto-appre-nants : « Si l’on considère les analyses de risquesdemande et fournisseurs issus de l’analyse des

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Cédric Hutt,Directeur Général Adjointd’Azap

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historiques, les systèmes auto-adaptatifs [ndlr :l’APS calcule de lui-même le meilleur algorithmed’approche d’une série statistique] et l’apprentis-sage à l’issue des premières ventes dans le modulepromotion, on peut considérer que l’on fait déjàun peu de machine learning. Mais pour aller plusloin, notre R&D est en train de tester les Advan-ced Agent Based Modeling (ABM), une approcheutilisée dans des secteurs complexes (biologie,banques, assurances…) pour définir des interre-lations entre des entités autonomes. Noussommes en train de monter un pilote avec ungros acteur international de la boisson afin d’al-louer la demande en temps réel aux centres dedistribution », révèle-t-il. La société israélienneC-B4 semble d’ailleurs avoir déjà trouvé com-ment s’y prendre avec ce type d’agents (voirencadré page 82).

De nouveaux algorithmesen gestationFuturmaster n’est pas non plus en reste côtéréflexions. « Nous avons lancé un programme avecune équipe de chercheurs d’une université à Pékinpour mettre au point de nouveaux algorithmescapables de trier une grande masse de donnéesissues des bases de données marketing (panélistes,etc.) et de l’entreprise elle-même (classification deproduits selon divers axes) pour en déduire descomportement de consommation. Nous sommes encours de mise en œuvre chez un client et devonsdélivrer ces nouveaux algorithmes d’ici fin 2015 »,avance Michel Ramis, Directeur Commercial del’éditeur. Yves Cointrelle, Directeur de la Stratégieet du Développement Business Intelligence deViseo, voit quant à lui arriver de nouveaux sys-tèmes dans le domaine des données non structu-rées : « Des automates sont déjà capables d’exploi-ter des données numérisées (ex : factures, BL…)sous forme de fichiers pdf. De nou- veaux systèmesarrivent pour faire de l’analyse sémantique de motsclefs dans un contexte, y compris métier, afin defaciliter la capture d’information depuis les réseauxsociaux, par exemple. Ces nouvelles techniquesvont pouvoir mieux capter et filtrer les informa-tions de ressenti et de perception des consomma-teurs ». Ainsi, de nombreux programmes sont engestation pour automatiser la capture de donnéesde natures et de sources de plus en plus variées,mais aussi pour faciliter leur interprétation afin deprendre de meilleures décisions.

Une connexion directe du consommateur au producteurL’augmentation de la puissance de calcul desmachines (loi de Moore) et le fait que l’on puisseutiliser à un instant t davantage de capacités ser-veurs via le Cloud sont autant de facilitateurs de

ces nouvelles approches. Cela permet d’une part defaire tourner les plans en quelques minutes contredes batchs de plusieurs heures auparavant. D’autrepart, cela ouvre la voie vers la capture de donnéesen temps réel. Henri Beringer, Directeur de QuintiqFrance, dans un exposé sur les « Big Calculations »a pris l’exemple de l’application GPS Waze. « Goo-gle centralise les informations sur les embouteil-lages et le trafic en provenance de conducteurs. Cesinformations peuvent être transmises à des trans-porteurs, qui embarquent dans leurs véhicules dessystèmes de géo-positionnement et de prise de com-mande. Ainsi, avec des systèmes d’optimisationpeut-on détourner un camion pour gagner quelqueskilomètres et assurer un meilleur service. C’est unexemple d’optimisation en continu », relève-t-il. EtNicolas Commare (Viseo) de compléter : « On parlebeaucoup d’objets connectés depuis un an. Deslunettes, des miroirs interactifs… peuvent récupé-rer des informations en temps réel qu’ils commu-niquent aux SI pour aider les fabricants à mieuxsentir les évolutions des besoins et les attentes desclients. Cet univers connecté va créer un lien directentre le consommateurs et le fabricant », annonce-t-il. Et que dire de l’impression 3D ? Des impri-mantes 3D à installer chez soi sont déjà dispo-nibles. « Cela va révolutionner complètement lamanière de fabriquer et d’approvisionner : plusbesoin de produits fabriqués qui devancent lademande, de les brader en cas de mauvaise esti-mation… Nous allons vers plus de développementdurable », se réjouit Yves Cointrelle (Viseo). « Les 10prochaines années vont être passionnantes ! »,conclut Charles Turri (Vinci Consulting) dans unmême élan d’enthousiasme. ■ CATHY POLGE

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Paul Cordié,Managing Director d’O2X Conseil

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Charles Turri, Senior Manager,Vinci Consulting

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Une expérience du Demand Sensing dans le luxe

« Le terme de Demand Sensing n’est pas normé,commence cette experte de la SC du luxe. Ence qui concerne notre activité, la valeur dansnotre Business consiste surtout à être bon dans lelancement de nos produits, car cela a des impactspositifs, notamment sur notre image et sur noscoûts. Nous avons voulu remonter la vraiedemande sell-out captée sur l’intégralité de notrechaîne et dans le monde entier pour améliorer lafiabilisation des prévisions de nos lancements deproduits ». Ce grand groupe mondial réalise desprévisions mensuelles au niveau produit/marchéet a mis en place un processus S&OP (Sales & Operations Planning). Au niveau des lance-

ments de pro-duits, il s’appuiesur des histo-riques. A partirde comparai-sons avec d’au-tres produits, entenant comptede divers para-

mètres (niveau d’investissement media, biblio-thèque d’événements passés…), il estime un pro-fil de lancement potentiel. « Nous sommes entrain de mettre en œuvre du partage de donnéesavec les distributeurs pour compléter la remontéedes sorties de caisses de nos boutiques intégrées »,poursuit l’experte. L’idée est en effet d’avoir demeilleurs retours des ventes réelles au démarraged’un produit pour pouvoir corriger les prévisionsde lancement en conséquence ». « Nous tra-vaillons avec Retail Solutions, qui a développé unecompétence aux Etats Unis de collecte de don-nées massive (Big Data) et d’analyse de ces infor-mations pour améliorer le Business (qualité del’assortiment, disponibilité des produits nouveauxet en promotion) dans la distribution. A l’heureactuelle, nous faisons pas mal d’expérimentations,et l’intelligence de lecture de ces informations s’ac-croît », observe-t-elle. Pour garantir la pérennitéde ce nouveau processus, il sera décrit et inté-gré dans le processus de lancement et insérédans le Book de formation des prévisionnistes,afin que ce savoir-faire se transmette. ■ CP©

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Le Flowcasting, cet incompris ?

C-B4, une solution prometteuse

A l’issue des échanges que nous avons eu avecles experts métiers au sujet du concept de Flow-casting, porté par André Martin et JDA Software,il semble qu’il soit loin de faire l’unanimité. Déjà,beaucoup ne l’ont pas compris et le réduisent àla réalisation de prévisions sur la base de sortiesde caisses. En fait, le principe du Flowcasting estde calculer une prévision à un seul endroit de laSupply Chain pour déduire les besoins en amont

et éviter de l’effet coup de fouet résultant dessécurités que chaque maillon de la chaîne prendchaque fois qu’il recalcule des prévisions à sonniveau. Ces prévisions sont calculées au niveaule plus aval, à la maille produit/magasin, sur unhorizon de 26 à 52 semaines. Voilà pour la théo-rie. Mais plusieurs obstacles se dressent. « Il estsouvent très difficile d’obtenir les données de sorties de caisse en France, contrairement aux pays anglo-saxons », souligne Séverine DuvaultAlexandre (Futurmaster). « La plupart des distri-buteurs ne parviennent pas à calculer des prévi-sions à l’article/magasin parce qu’elles sontmajoritairement erratiques. De plus, l’algorithmeproposé par le Flowcasting est un modèle de typeCroston auquel on a ajouté une particularité : si jeprévois 1 et que je vends 0, je reporte la ventenon réalisée, démythifie Charles Turri (VinciConsulting), qui poursuit : En plus, quel est l’inté-rêt de ce degré de finesse compte-tenu descontraintes de merchandising (en mettre plusieurspour en vendre un) et d’approvisionnements(arrondis de commande) pour les produits à faiblerotation ? », interroge-t-il. Bref, le Flowcastingsemble peiner à convaincre en France… ■

« C-B4 est issu d’une longue recherche uni-versitaire (de huit/neuf ans) pour créer denouveaux algorithmes capables de calculerdes prévisions par SKU au niveau magasin,commence le Professeur Irad Ben Gal, del’Université de Tel Aviv, Président et Fon-dateur de C-B4 Ld. C-B4 fournit une

solution automatisée de correction auplus tôt des prévisions qui peut être uti-lisée quotidiennement par des planifi-

ca teurs, des responsables produits oudes ventes. La solution C-B4 iden-tifie le moment où la demandechange, les nouvelles tendances et

les principales variables explicatives,ce qui permet des analyses de causes

et des actions correctives rapides.Les données d’entrées

peuvent être les suivantes : classi-quement l e sprévisions, lesstocks et lesventes, maisaussi, si elles

sont disponibles, la localisation, les conditionsmétéo, les événements, des informations enligne, les prix, les promotions… En sortie, lasolution produit à la SKU par magasin/ bou-tique internet, par client et par niveau delocalisation : des alertes sur les produits àrotation lente, des alertes de correction deprévisions, des nouveaux modèles dedemande et de stock, des détections d’ano-malies et des profils clefs de business (desmoteurs de règles exposent automatique-ment des « hidden pattern » qui impac-tent la demande ou toute autre variablecible) ». Pour illustrer ces « règles cachées »,on peut prendre le fait, par exemple, queplacer des packs de bière à côté descouches augmente les ventes de 20 % ce qui peut donner une idée de levier.Autre particularité de la solution : « Lesalgorithmes de C-B4 sont auto-appre-nants ». Implantée en Israël, C-B4 veutouvrir un bureau aux Etats-Unis et enEurope pour répondre à la demande deses clients étrangers. A suivre… ■ CP©

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Professeur Irad Ben Gal, de l’Université de Tel Aviv, Président et Fondateur de C-B4 Ld