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R & D PUBLIQUE, R & D PRIVÉE ET EFFICACITÉ DU PROCESSUS D’INNOVATION : QUELLES PERSPECTIVES ? Étude réalisée par Marc Baudry et Béatrice Dumont université de Rennes-I, CREM-CNRS pour le groupe de projet Piéta n° 10 – Août 2005

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R & D PUBLIQUE, R & D PRIVÉEET EFFICACITÉ DU PROCESSUSD’INNOVATION : QUELLES PERSPECTIVES ?

Étude réalisée parMarc Baudry et Béatrice Dumontuniversité de Rennes-I, CREM-CNRSpour le groupe de projet Piéta

n° 10 – Août 2005

La notion de propriété a toujours étél’objet de controverses idéologiques etpolitiques. Quand il réforme les pro-grammes d’instruction civique du col-lège avec Luc Ferry, François Bayrouintroduit judicieusement un program-me spécifique sur les droits del’Homme. Mais il exclut de cet ensei-gnement la notion de propriété pour-tant bien inscrite dans la Déclarationhistorique. Il craint que les ensei-gnants résistent à expliciter cet aspectdes droits de tout homme.

Dès lors que le Plan a pour objet laprospective de l’État stratège, la notionde propriété le concerne directement.En effet, la transformation de la simplepossession (acte de facto) en propriété(acte de jure), implique unereconnaissance du droit qui reposesur une législation mise en place parl’État selon ses procédures constitu-tionnelles. D’ailleurs, nous avons puconstater, lors des processus de natio-nalisation ou de privatisation, la vigi-lance du Conseil Constitutionnel surcette notion de propriété. En effet,cette notion, surtout après l’échec despays communistes, paraît bien commeau fondement même de nos libertés.La propriété, c’est la reconnaissancede ce qui m’est propre. La sphère pri-vée repose sur le respect de la pro-priété dans les limites d’un intérêtgénéral qui ne peut attenter aux liber-tés privées reconnues par notreConstitution.

Pendant des décennies, les débatspublics se sont concentrés autour dela propriété privée ou de l’appropria-tion collective des moyens de produc-tion. Ils ne sont pas achevés et trou-vent encore quelques objets de polé-mique. Les lignes de fracture restenttrès politiques. Mais dans l’«économiede la connaissance» qui marque notresiècle – et sur laquelle le Plan a pro-duit de nombreux textes –, les débatsse sont déplacés. La propriété intellec-

tuelle se situe au cœur des débats sansqu’une ligne de fracture politique soitaussi aisément identifiable.

Nommé Commissaire au Plan, je sug-gère à chaque expert de cette maisonde proposer des objets d’avenir auxgroupes de projet que nous lançonsdans le cadre d’une nouvelle organi-sation. Rémi Lallement propose ungroupe de projet sur l’État et la pro-priété intellectuelle. L’idée nous aimmédiatement semblé pertinente etexcellente. En effet, l’État est directe-ment concerné tandis que l’Europe etles régions sont également impli-quées, que ce soit par les directivesqui s’imposent aux États membres oupar les appellations régionales quirelèvent directement des questions depropriété intellectuelle.

Quelquefois, quelques technologuesavancés exaltent la transmission desidées sur le thème suivant : “Notresociété est une économie de laconnaissance, c’est merveilleux.Quand on donne un verre d’eau, onperd le verre d’eau. Quand on échan-ge une idée, on garde son idée tout enla partageant”. Rien de plus faux. Lesidées, les textes, les projets, les ima-ges, les discours, les sons, lesconcepts constituent aujourd’hui larichesse principale d’un homme,d’une entreprise ou d’un État. Le rêved’un échange gratuit est une utopiedangereuse car elle menace nos liber-tés élémentaires.

On argue souvent que la diffusion detous ces éléments immatériels est unegarantie d’égalité, on presse les labo-ratoires pharmaceutiques d’offrir leursbrevets, on veut photocopier et dupli-quer à l’envi, sous prétexte d’usagessociaux, de diffusion pour tous, d’ac-cès universel. Mais ces désirs sont desrevendications de court terme.L’exigence d’expropriation universellequi s’exprime ainsi est fondamentale-

AVANT-PROPOS

ment dangereuse. Elle l’est pour noslibertés mais aussi pour nos capacitésd’innovation et de création. Un ensei-gnant bien intentionné sera toujoursporté à montrer à ses élèves un grandfilm utile pour leur culture ou à photo-copier des textes nécessaires pour leurformation. Mais l’enfer est pavé demauvaises intentions. La bonne foi desuns ne peut tuer la créativité et l’inno-vation des autres.

C’est pourquoi nous devons, au Plan,travailler sur les questions de proprié-

té intellectuelle et sur leur devenir.L’État est au cœur des processus, desdécisions et des intérêts contradictoi-res. La question de l’intérêt généraljustifie son intervention. Elle doit tou-jours être pensée dans le temps long etnon dans les urgences d’un serviceimmédiat. La tâche n’est pas aisée.Mais l’État doit convaincre, s’expli-quer, c’est-à-dire communiquer.

Alain Etchegoyen

La présente étude a été effectuée à lademande du groupe de projet Piéta(Prospective de la propriété intellec-tuelle pour l’État stratège). Lancé auPlan au second semestre 2003, cegroupe a choisi d’explorer les perspec-tives d’évolution du système de pro-priété intellectuelle, pour la France,d’ici 2020. Au-delà de l’identificationdes enjeux sous-jacents et des princi-paux scénarios susceptibles d’advenirau cours des quinze prochainesannées, il s’agit de la sorte d’alerter lespouvoirs publics sur la nécessité dedéfinir et mener à bien une stratégiecohérente, en la matière, et de lui pré-senter les options de politiquepublique les plus appropriées, dansces différents scénarios.

Forcément juridique, par bien desaspects, l’approche retenue par cegroupe emprunte également à d’autresdisciplines, dont principalement lessciences économiques ou, si l’on pré-fère, l’économie politique. Elle décou-le de la conviction que, pour la Francecomme pour tout pays comparable, lapropriété intellectuelle constitue uninstrument crucial pour une insertionréussie dans le contexte mondial de cequ’il est convenu d’appeler l’écono-mie (et la société) du savoir.

À cet égard, de toute évidence, lesquestions de recherche et développe-ment (R & D) constituent un champd’investigation privilégié. Sachantqu’au sommet de Lisbonne, en mars2000, l’Union européenne s’est donnél’objectif ambitieux de “devenir l’éco-nomie de la connaissance la pluscompétitive et la plus dynamique”, laquestion se pose en particulier desavoir où en est la France par rapport àses principaux pays partenaires, sur ceplan. Plus précisément, il s’agit d’ap-précier dans quelle mesure il convientde modifier le partage de cet effort deR & D, entre le secteur public et le sec-teur privé.

Parmi les interrogations majeures quise posent, à ce propos, figure aussicelle des indicateurs de performancepertinents. Or il est bien clair que lesdonnées de brevet ne sauraient consti-tuer l’unique référence en la matière.

En effet, certaines inventions ou cer-tains résultats issus des activités deR & D ne sont pas brevetables. Au seinmême de la propriété intellectuelle,d’autres outils s’imposent ainsi parfois,dont les droits d’auteur, dans undomaine comme celui des logicielsinformatiques (tout du moins enEurope) ou encore les certificatsd’obtention végétale (COV), dans ledomaine de l’agronomie. Pour lesentreprises, en outre, des méthodes deprotection ne relevant pas strictementde la propriété intellectuelle peuventêtre préférées, dont le secret des affai-res ou l’avance technologique sur lesconcurrents. Les organismes publics(d’enseignement et) de recherche, demême, peuvent parfois préférer diffu-ser certains de leurs résultats par lavoie de publications – c’est-à-dire enalimentant le domaine public – plutôtque par celle des brevets, qui divul-guent, certes, ces résultats mais enréservent l’exploitation industrielle etcommerciale aux seuls ayants droit ouà ceux qui peuvent y être autorisés parces derniers, moyennant des licences.

Dans certains cas, à l’inverse, certai-nes inventions brevetées ne sont pasexploitées. Elles ne débouchent alorspas sur une véritable innovation ausens de l’OCDE et d’Eurostat (manueldit d’Oslo), c’est-à-dire n’aboutissentpas à la mise en œuvre du nouveausavoir technologique considéré, quece soit à travers une introduction sur lemarché (innovation de produit) oudans le processus de production (inno-vation de procédé). Plus générale-ment, l’innovation n’est a priori passeulement technologique car, danscertains secteurs, elle passe aussi – ou

PRÉSENTATION

même parfois davantage – par l’inno-vation organisationnelle. Malgré cesréserves, il est en général considéréque les données de brevet figurentparmi les critères les plus fiables pourjuger de la capacité d’innovation(technologique) d’une région ou d’unpays, de même que les publicationsrenseignent globalement le mieux surses performances scientifiques.

Dans cette perspective et malgré leslimites des données qu’elle utilise,l’étude de Béatrice Dumont et MarcBaudry propose une approche perti-nente et instructive. Elle analyse l’effi-cacité comparée du processus d’inno-

vation à l’œuvre dans différents pays,en mettant l’effort total de R & Dconsenti par le secteur public et par lesecteur privé en rapport avec le nom-bre de brevets sur lequel il débouche.Il convient enfin de préciser que si laprésente étude a été discutée au seindu groupe Piéta et a ainsi contribué àses réflexions, elle n’engage a priorique ses auteurs.

Rémi Lallement,Chef du groupede projet Piéta

SOMMAIRE

RÉSUMÉ 11

INTRODUCTION 13

CHAPITRE PREMIERAnalyse factuelle des performances d’innovation 15

CHAPITRE 2Méthodologie et construction de la base de données 23

1. La démarche adoptée 232. Critères de sélection de l’échantillon retenu 23

CHAPITRE 3Principaux résultats 27

1. Les effets fixes des pays 272. L’arbitrage optimal R & D publique – R & D privée 28

CHAPITRE 4Biais structurel 33

CONCLUSION 37

BIBLIOGRAPHIE 39

ANNEXE 1Spécification du modèle de comptage 41

ANNEXE 2Les indices d’efficacité allocative et de performance 45

ANNEXE 3Notes 49

L’idée d’un manque de performancede la France, et de certains pays euro-péens, en matière d’innovation estrégulièrement avancée. Partant de là,il existe un certain consensus sur lefait que la France et les États membresde l’Union doivent renforcer leureffort en matière de dépenses deR & D, facteur essentiel du processusd’innovation. Cette analyse fait pour-tant l’impasse sur un point essentiel :le niveau de l’effort n’est pas unemesure de la performance. Il convientdonc de s’interroger sur le lien entreniveau d’effort de R & D, tant publicque privé, et rythme d’innovationentre pays. Deux questions se posentplus particulièrement. Tout d’abord, àefforts identiques, quels pays obtien-draient les plus hauts niveaux d’inno-vation ? Ensuite, pour augmenter laperformance d’un pays, faut-il privilé-gier une hausse de son niveau globald’effort ou plutôt une meilleure allo-cation entre dépenses publiques etprivées à effort global inchangé ?

Afin de répondre à ces interrogations,la présente étude cherche, dans unpremier temps, à établir le lien statis-tique existant au niveau nationalentre, d’une part, l’effort de R & Dpublique et privée et, d’autre part, laperformance en matière d’innovation

telle que mesurée à travers le nombrede brevets triadiques déposés parpays. La démarche s’appuie sur l’esti-mation d’une “fonction de productiond’innovations” à partir de données depanel relatives aux pays de l’OCDE età l’aide de l’économétrie des variablesde comptage. Elle permet notammentde comparer les performances natio-nales en faisant “comme si” lesniveaux d’efforts étaient identiques.Dans un second temps, l’étude cher-che à exploiter le plus ou moins granddegré de substituabilité entre R & Dpublique et R & D privée mis en évi-dence à partir des résultats de la pre-mière étape afin d’établir quelle est laclé de répartition optimale de l’effortentre ces deux types de R & D dans lecas de la France.

Il ressort de cette étude que la Francen’est pas moins performante que lesÉtats-Unis en matière d’innovation.Plutôt que de mettre l’accent sur uneaugmentation de son effort global, ellegagnerait donc à le rééquilibrer enfaveur de la R & D du secteur privé,ainsi qu’à mieux tirer la leçon des fac-teurs institutionnels, culturels ou orga-nisationnels qui font la force des vrais“champions” de l’innovation, les paysd’Europe du Nord.

RÉSUMÉ

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• Les notes sont renvoyéesen fin d’ouvrage

Le manque de performance de laFrance, et plus généralement de cer-tains pays européens, en matière d’in-novation, est régulièrement souligné.Partant de ce constat, il existe un cer-tain consensus sur le fait que les États-membres de l’Union européenne, doi-vent renforcer leurs efforts en matièrede recherche et développement(R & D), 1 facteur essentiel du proces-sus d’innovation. La question quant àl’orientation à donner à cet effort restenéanmoins posée : faut-il ou non pro-céder à un rééquilibrage entre effortde R & D publique et effort de R & Dprivée ? Si oui, dans quel sens ? Et avecquelle amplitude ?

Pour tenter d’apporter des éléments deréponses à ces questions, la présenteétude cherche à établir le lien statis-tique existant au niveau national entre,d’une part, l’effort de R & D publiqueet privée et, d’autre part, la performan-ce en matière d’innovation telle quemesurée à travers le nombre de bre-vets triadiques 2 déposés par pays. Lechoix de travailler à partir de ces“familles de brevets” triadiques se jus-tifie par le fait que ces derniers sont, apriori, ceux qui présentent la plusgrande valeur pour les firmes, maisaussi ceux qui, a fortiori, sont les plusà mêmes de renforcer la compétitivitédes firmes 3 et donc de relancer lacroissance 4.

La démarche adoptée s’appuie surl’estimation d’une “fonction de pro-duction d’innovations” à partir dedonnées de panel relatives aux paysde l’OCDE et à l’aide de l’économétriedes variables de comptage. Une atten-tion particulière est portée à laconstruction d’un modèle estimablesur données macro-économiques maiscohérent avec la nature essentielle-ment micro-écononomique du proces-sus d’innovation. L’objectif est toutd’abord de construire un indicateur deperformance du processus d’innova-

tion pour comparer l’efficacité des sys-tèmes nationaux d’innovation à effortéquivalent et ainsi évaluer l’importan-ce des facteurs autres que l’effort pro-prement dit de R & D. Il s’agit ensuitede quantifier, en terme de nombred’innovations, l’effet à attendre d’unehausse des dépenses de R & D privéeset/ou publiques.

Une fois le lien statistique entre effortsprivés et publics de R & D et le rythmed’innovation établi, on cherchera àexploiter le plus ou moins grand degréde substituabilité entre R & D publi-que et R & D privée pour déterminerla clé de répartition optimale entre cesdeux types d’efforts. L’objectif seraplus particulièrement d’évaluer dansquelle mesure la situation actuelle estéloignée de la répartition optimaleafin de juger de la pertinence de lastratégie adoptée. Dans ce but, il serafait appel aux techniques usuelles demesure de l’efficacité allocative deschoix dans les processus de produc-tion.

L’étude s’appuie sur une analyse fac-tuelle fine des performances d’innova-tion des États membres de l’Unioneuropéenne et de ses principaux par-tenaires commerciaux (chapitrePremier). Les choix effectués en matiè-re de collecte des données, de mêmeque le modèle économétrique permet-tant d’appréhender le lien entre l’effortde R & D et ses résultats en terme dedépôt de brevets triadiques sontdétaillés et discutés. Le modèle s’ap-puie sur l’estimation d’une fonction deproduction d’innovations sous formed’un processus de type Poisson, dansl’esprit des travaux pionniers deHausmann, Hall et Griliches (1984)pour les États-Unis ou Crépon etDuguet (1997) pour la France.L’originalité de la présente étude parrapport aux travaux précédemmentmentionnés réside dans l’emploi dedonnées couvrant plusieurs pays et,

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INTRODUCTION

Introduction

par suite, dans la mise en œuvre d’untest d’existence de spécificités natio-nales dans le processus de productiond’innovations (chapitre 2). Après avoirprésenté les principaux résultats (cha-pitre 3), un certain nombre de précau-tions d’usage seront cependant souli-gnées. Dans ce contexte, la question

des biais structurels sera plus particu-lièrement étudiée (chapitre 4). Enfin,quelques éléments de réflexion sur lecaractère suffisant ou non des objectifsde Lisbonne, mais aussi sur les orien-tations souhaitables en matière depolitique d’innovation seront proposés(conclusion).

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Lors du sommet de Barcelone en mars2002, les gouvernements européensont réaffirmé leur volonté, prise lors dusommet de Lisbonne en 2000, de“devenir l’économie de la connaissancela plus compétitive du monde, capabled’une croissance économique durableaccompagnée d’une améliorationquantitative et qualitative de l’emploi etd’une plus grande cohésion sociale”.Ces déclarations, pour ambitieusesqu’elles puissent paraître, sont pourtantloin d’être anodines puisque leurconcrétisation est supposée se traduire,selon la Commission européenne, parun accroissement annuel de 0,5 % duPIB après 2010 et par la création de400 000 nouveaux emplois par an 5.

Pourtant, à mi-parcours, les avancéessont lentes au point d’en paraître insi-gnifiantes 6. Les indicateurs structurelspubliés par la Commission europé-enne (2004a) et Eurostat (2005a) mon-trent ainsi que l’objectif des 3 % duPIB consacré à la R & D d’ici à 2010paraît hors d’atteinte. Partout lesretards s’accumulent. Rapportées auPIB, les dépenses de R & D s’élevaientainsi en 2003 à 2,76 % aux États-Uniset 3,12 % au Japon contre seulement1,99 % au sein de l’Union européenneà 15 (1,93 % dans l’UE-25) 7. Ces mon-tants agrègent les dépenses publiques,privées, civiles et militaires affectées àla R & D. Ils atteignaient le total de268 milliards d’euros pour les États-Unis (en 2003) contre 182,5 milliardsd’euros pour l’Europe des 15 (186milliards d’euros pour l’UE-25) et131,7 milliards d’euros pour le Japon(données 2002). En 2003, les dépensesde R & D de l’Union européenne ontdonc représenté environ 1,75 fois cel-les du Japon et environ deux tiers decelles des États-Unis 8.

Comme toujours les chiffres disponi-bles ne reflètent qu’une partie de laréalité 9. Mais si on se réfère aux indi-cateurs disponibles, une chose estsûre : l’Europe continue de perdre du

terrain face à ses principaux rivaux, lesÉtats-Unis et le Japon 10. Ceci est d’au-tant plus préoccupant que la faiblessede l’activité d’innovation apparaîtincontestablement être l’un des facteursclés expliquant les sous-performancesde l’Union européenne en matière decroissance de la productivité 11.

À l’évidence, les États membres del’Union européenne doivent impérati-vement dynamiser leurs politiques enfaveur de l’innovation s’ils veulentavoir la moindre chance d’améliorerleur compétitivité. Le tableau n° 1 per-met ainsi de vérifier que les pays euro-péens qui, à l’instar de la Finlande oude la Suède, sont réputés avoir desperformances comparables, voiresupérieures, à celles des États Unis entermes d’innovation et de compétiti-vité sont aussi ceux dont l’effort deR & D est le plus élevé, que ce soit enniveau ou en rythme de croissance 12.Les pays scandinaves sont ainsi lesseuls à atteindre les critères deBarcelone. En consacrant près de3,51 % de son PIB à la R & D, laFinlande 13 fait donc mieux que lesÉtats-Unis, le Japon ou la France.Seule la Suède qui injecte 4,27 % deson PIB dans la R & D 14 surpasse laFinlande. Les nouveaux entrants sontquant à eux loin du compte. Les nou-veaux États membres de l’Unioneuropéenne ont des performances en-dessous, voire très en-dessous despourcentages européens. En moyenne,ces pays investissent 0,73 % de leurPIB dans la recherche (contre 1,99 %pour la moyenne de l’UE) et déposententre 10 et 20 fois moins de brevetsque les pays européens. La R & D dansles entreprises y est particulièrementfaible. Dans ce contexte, quelquespays font cependant un peu mieux.C’est le cas de la Slovénie dans larecherche publique et privée, de laRépublique tchèque et desRépubliques baltes. Les moins bienarmés sont la Pologne, la Roumanie etla Bulgarie.

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CHAPITRE PREMIER

Analyse factuelledes performancesd’innovation

Chapitre Premier

16

Tableau n° 1Intensité de R & D (dépenses de R & D en pourcentage du PIB)

Pays

Part du PIBinvestie

en R & D(en %)en 2003

Objectifs (en%)

Part financéepar le privé

(en %)en 2002

Objectifs(en %)

Dépensesde R & D 2003

(millions d’euroscourants)

Tauxde croissanceannuel moyenen termes réels(%) 1998-2003

EU-25 1,93 * 3,00 1,30 * 2 186 035 * 4,0

EU-15 1,99 * 3,00 1,30 * 2 182 488 * 4,3

Suède 4,27 ** Idem 3,30 – 10 459 ** 9,1

Finlande 3,51 > 3,5 depuis2002

2,39 – 5 007 6,9

Allemagne 2,50 3 (2010) 1,80 2 (2010) 53 200 2,7

France 2,19 3 (2010) 1,36 2 (2010) 34 122 2,4

Danemark 2,60 3 (2010) 1,8 2 (2010) 4 899 6,6

Pays-Bas 1,89 ** 3 (2010) 1,10 ** – 8 090 ** 1,9

Belgique 2,33 3 (2010) 1,60 ** – 6 236 6,2

Royaume-Uni

1,87 10(jusqu’à 2006)

1,3 – 31 116 * 3,5

Autriche 2,19 3 (2010) 1,10 – 4 902 6,0

Irlande 1,12 2,8 (2006) 0,77** 2 (2006) 1 481 4,8

Italie 1,16* 1,75 (2006) 0,60 ** 0,75 (2006) 14 600 * 3,8

Espagne 1,11 1,4-1,5 (2007) 0,60 0,8-0,9 (2007) 8 213 7,6

Portugal 0,79 1 (2003) 0,30 ** – 1 033 2,3

Grèce 0,64 ** 1,5 (2010) 0,16 ** 0,6 (2010) 841 ** 1,7

Luxembourg 1,71 *** – 1,6 *** – 364 *** –

Pologne 0,59 – 0,10 * – 1 091 - 1,1

Hongrie 0,97 – 0,40 * – 708 11,0

Estonie 0,77 – 0,20 * – 62 11,6

Chypre 0,33 – 0,10 * – 38 11,6

Républiquetchèque

1,35 – 0,80 * – 1 019 6,4

Lituanie 0,68 – 0,10 * – 110 9,4

Lettonie 0,39 – 0,20 * – 39 4,9

Slovénie 1,53 – 0,90 * – 375 5,8

Slovaquie 0,57 – 0,40 * – 164 - 2,7

Malte – – – – – –

Islande 3,09 * – 1,8 * – 280 * 14,5

Norvège 1,89 – 1,00 * – 3 684 2,9

Suisse 2,6 * – 1,9 *** – 6 852 *** –

Bulgarie 0,50 – 0,1 * – 88 –

Roumanie 0,40 – 0,20 * – 204 –

Chine 1,23 * Sans objet 0,90 ** Sans objet 16 452 * –

Japon 3,12 * Sans objet 2,32 Sans objet 131 722 * 2,2

États-Unis 2,76 Sans objet 1,87 * Sans objet 268 552 2,7

Source : Eurostat (2005) et OCDE (PIST 2004-1) * 2002 ** 2001 *** 2000 – données indisponibles

Si d’une manière générale, les Étatsmembres les moins performants sem-blent rattraper les pays les mieux clas-sés, les résultats européens dans leurensemble restent inférieurs auxmeilleures performances mondialesen matière d’innovation. D’où vient leretard ? Manifestement, pas de l’État.Rapportée au PIB, sa part dans lefinancement de la recherche a atteint0,69 % en moyenne dans l’UE-15 et0,83 % en France en 2003. Partoutailleurs, l’État dépense moins, sauf enIslande (1,29 %), Finlande (1,12 %) etSuède (0,97 %). L’écart en ce quiconcerne le financement public de larecherche étant minime entre l’Europe(0,69 %) et les États-Unis (0,89 %), lesorigines du décrochage européen sontdonc à rechercher du côté de l’inves-tissement privé. Les sommes engagéespar les entreprises s’élevaient ainsi en2002 à 1,3 % du PIB en Europe(1,36 % en France mais 2,39 % enFinlande et 3,3% en Suède) contre1,87 % aux États-Unis et 2,32 % auJapon. Ce constat est confirmé par legraphique n° 1. Celui-ci montre ainsique l’écart entre les États-Unis etl’Union européenne s’est creusé dansla deuxième moitié des années 1990,notamment pour l’effort privé de

R & D (or celui-ci représente plus de60 % des dépenses intérieures deR & D au sein de l’UE-25 15). Ce mêmeconstat se retrouve avec le graphiquen° 2 lorsque l’on compare la Franceaux États-Unis 16.

C’est donc du côté de l’investissementprivé qu’il faut agir. La direction avaitété d’ailleurs clairement donnée ausommet de Barcelone puisqu’il y avaitété précisé que “les deux tiers de cenouvel investissement devraient venirdu secteur privé”. Or pour atteindrel’objectif fixé à Barcelone en 2002 deconsacrer 3 % du PIB à la R & D àl’horizon 2010, dont deux tiers desdépenses de R & D assurées par lesecteur privé, celles-ci devraient croî-tre au taux annuel moyen de 8 %, àraison de 6 % de croissance pour lesdépenses publiques et de 9 % pour lesinvestissements privés (avec une hypo-thèse de croissance moyenne du PIBde 2 % par an). Manifestement l’effortdemandé est important ; on peut tou-tefois s’interroger, compte tenu duretard pris, sur le caractère pertinentde ces objectifs pour remédier aumanque de performance de l’UE enmatière d’innovation, notamment parrapport aux États-Unis.

Analyse factuelle des performances d’innovation

17

Chapitre Premier

18

0

10

20

30

40

50

60R & D totale

R & D privée

R & D publiqueEffectif total de chercheurs

Nombre de brevets triadiques

États-Unis

Union européenne

Graphique n° 1Pourcentage de variation de 1994 à 2000

Graphique n° 2Pourcentage de variation de 1994 à 2000

0

10

20

30

40

50

60R & D

R & D privée

R & D publiqueEffectif total de chercheurs

Nombre de brevets

États-Unis France

Le constat a jusqu’à présent porté surune comparaison des efforts en termesde dépenses de R & D. Qu’en est-il enterme de résultats, c’est-à-dire d’inno-vations ? Sur les 40 334 brevets triadi-ques accordés en 1998 17, 34 262(i.e. 85 % du total des demandes debrevets triadiques) l’ont été par 5 pays(États-Unis, Japon, Allemagne, Royau-me-Uni et France). En la matière, lesÉtats-Unis représentent le modèle deréférence puisqu’ils ont obtenu 36 %du total des brevets triadiques, contre33 % pour l’UE et 25 % pour le Japon.Toutefois, force est de constater,lorsque l’on examine le nombre debrevets triadiques par million d’habi-tant (graphique n° 3), que l’avantagedes États-Unis disparaît : l’Europe (et laFrance) obtiennent plus de brevets pardollar dépensé en R & D (données de1998). Tandis que la Suisse etl’Allemagne sont les pays de l’OCDE àavoir la plus grande propension à bre-veter. En 1998, la Suisse a ainsi obtenu171 familles de brevets triadiques parmillion d’habitant, l’Allemagne (137),la Suède (134), le Japon (123), laFinlande (120), la France (77) et lesÉtats-Unis (72). Par contraste, laTurquie, la Pologne, le Portugal, la

Grèce mais aussi l’Espagne ont unefaible propension à breveter.

De même, le leadership des États-Unisest loin d’être confirmé lorsque l’oncompare la productivité moyenne desdépenses totales de R & D (définiecomme le nombre de brevets triadiquessur les dépenses totales de R & D enmillions de dollars constants 1995convertis selon les PPA de 1995) entrepays de l’OCDE. En effet, la plupart despays d’Europe du Nord, de même quele Japon sont caractérisés par une pro-ductivité moyenne de R & D plus éle-vée que celle des États-Unis. Celle-cicorrespond à 9,30 brevets triadiquespar million de dollar investi pour l’UEet excède par conséquent celle desÉtats-Unis (avec 6,84 brevets parmillion de dollars investi). On pourraitévidemment argumenter que le classe-ment des pays de l’OCDE sur la basede leur productivité moyenne en R & Dest biaisé en raison de l’existence derendements d’échelle décroissantsdans le processus d’innovation auniveau des firmes : la faiblesse relativede la productivité moyenne de laR & D aux États-Unis pourrait alorss’expliquer par le niveau élevé d’inves-tissement des firmes américaines.

Analyse factuelle des performances d’innovation

19

Graphique n° 3Nombre de familles de brevets triadiques par million d’habitant, 1998

En effet, s’il existe au niveau micro-économique des rendements d’échel-le décroissants dans le processus d’in-novation alors, pour un pays ayant Nentreprises dépensant chacune unesomme S en R & D, le nombre totald’innovations obtenues sera plus fai-ble que pour un pays ayant deux foisplus d’entreprises qui dépensent cha-cune deux fois moins en R & D queles entreprises du premier pays.Autrement dit, pour un même efforttotal en terme de dépenses de R & D,le premier pays obtiendra moins debrevets que le second ; sa productivi-té moyenne calculée à partir des don-nées agrégées au niveau national seradonc plus faible. Inversement, dans lecas où il existe des rendementsd’échelle croissants dans le processusd’innovation.

Afin d’évaluer si les différences devaleur de la productivité de la R & Dpeuvent être expliquées par des éco-nomies ou déséconomies d’échelle, ilnous faut disposer d’un indicateur dela concentration de la R & D pour lesdifférents pays. Un indice de Gini a puêtre calculé à l’aide de données de laCommission européenne (2004b) rela-tives à une enquête sur les 500 entre-prises européennes ayant les dépensesen R & D les plus élevées pour 2003 etles 500 premières entreprises équiva-lentes pour le reste du monde. Plus lavaleur de l’indice est proche de zéro,plus la dépense de R & D est concen-trée dans un faible nombre d’entrepri-ses. Le graphique n° 4 permet devisualiser le lien entre cet indice deGini et la productivité moyenne de laR & D calculée sur données macro-économiques. Il ne ressort pas de lienunivoque entre la concentration de ladépense de R & D et la productivitémoyenne de la R & D. Plus exacte-ment, il apparaît que des pays commeles États-Unis et la Suisse peuvent avoirun indice de concentration des dépen-ses de R & D identique mais une pro-

ductivité moyenne de la R & D très dif-férente. L’idée selon laquelle la fai-blesse relative de la productivitémoyenne de la R & D aux États-Unisserait liée à un phénomène de rende-ments d’échelle croissants ou décrois-sants ne semble pas validée.

La question se pose ensuite de savoir siles différences de productivité moyen-nes de la R & D pourraient être expli-quées par une allocation des dépensesde R & D totales différente entreR & D publique et privée et/ou parcertains facteurs non observés. Ditautrement, cela signifie que les dépen-ses de R & D (i.e. le niveau d’effort deR & D) pourraient ne pas suffire et queles pays nordiques, souvent considéréscomme les “champions” d’Europe del’innovation, pourraient bénéficierd’autres facteurs (institutionnels, etc.)difficiles à observer. Sur ce point, legraphique n° 5 montre qu’il existe unecorrélation assez forte entre le nombrede familles de brevets triadiques et lesdépenses privées en R & D (BERD). LaSuède, les États-Unis, le Japon, laSuisse, la Finlande et l’Allemagne ontà la fois un niveau élevé de R & D pri-vée et un nombre élevé de brevetstriadiques. A contrario, la Turquie, lePortugal, la Grèce et l’Espagne ont unfaible niveau de R & D privée et peude brevets triadiques. L’influence desdépenses publiques en R & D est enrevanche nettement plus floue. Maissurtout, il apparaît que des pays pro-ches en termes d’efforts relatifs deR & D publique et privée comme lesÉtats-Unis et la Suède peuvent avoirdes résultats en termes de nombre debrevets par habitant qui diffèrent.

Compte tenu des éléments préliminai-res apportés par ce chapitre Premier, ilparaît essentiel de confirmer ou d’in-firmer les doutes quant à l’imputationdu retard européen sur le seul effort deR & D. Pour ce faire, une analysecomparative des performances en ter-

Chapitre Premier

20

21

Analyse factuelle des performances d’innovation

Graphique n° 4Influence de la concentration des dépenses de R & D sur la productivité moyenne de la R & D

Graphique n° 5Nombre de brevets triadiques par million d’habitant comme fonction

des dépenses de R & D privées (axe horizontal) et publiques (axe vertical) en 1998

Suisse

Allemagne

Finlande JaponSuèdePays Bas

BelgiqueDanemarkRoyaume Uni

France AutricheEtats Unis

NorvègeItalieCanada Australie

IrlandeCorée

HongrieEspagne

Grèce0

0,02

0,04

0,06

0,08

0,1

0,12

0,14

0,16

0,18

0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9

Indice de concentration de Gini

Pro

duct

ivité

de

la R

MexiqueTurquie

Pologne

GrèceHongrie

PortugalEspagne

République Thèque

Italie

Nouvelle Zélande

Irlande

Corée

Pays BasFrance

Danemark

Autriche

NorvègeCanada Allemagne

Belgique

Australie

Finlande

Japon

Suisse

Suède

Royaume Uni

Etats Unis

Islande

-0,1

-0,05

0

0,05

0,1

0,15

0,2

0,25

0,3

0,35

0,4

-0,1 0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8

R&D privée (millions de $) par habitant

R&D

pub

lique

(mill

ions

de

$) p

ar h

abita

nt

mes de création de connaissancesentre les États-Unis et l’Europe, maisaussi entre pays européens, s’impose.Le principe de base d’une telle ana-lyse est d’évaluer si, à dépenses deR & D identiques, les performancesdes différents pays considérés seraientidentiques ou non. Les performancesde pays européens comme laFinlande, jugées équivalentes à cellesdes États-Unis, ne cacheraient-ellespas en fait une sous-efficacité dans le

processus de création de connaissan-ces dans la mesure où elles résultentd’un effort en dépenses de R & Dsupérieur de presque 1 % du PIB parrapport à celui des États-Unis ? À l’in-verse, ne pourrait-on pas considérerque des pays comme la France ou leRoyaume-Uni seraient plus efficacesque les États-Unis, au sens où ilsseraient capables de meilleures per-formances par le simple ajustementde leur effort sur celui des États-Unis ?

22

Chapitre Premier

23

CHAPITRE 2

Méthodologieet constructionde la base de données

1. La démarche adoptée

La démarche adoptée dans cette études’appuie sur la construction d’unmodèle explicatif du rythme d’innova-tion qui respecte au mieux les caracté-ristiques du processus, à savoir :

– le rythme d’innovation est mesurépar le nombre de brevets déposés parun pays ;

– il s’agit d’une variable de comptage ;

– le lien fonctionnel entre les facteursexplicatifs et le nombre de brevetsn’est pas déterministe (à même effort,le résultat reste en partie aléatoire).

Compte tenu de ces éléments, nousrecourons dans cette étude à unemodélisation des dépôts de brevets àl’aide de l’économétrie des variablesde comptage (Cameron et Trivedi,1998). Cette technique permet en effetde mesurer séparément la contributionde chaque facteur au processus d’in-novation. Elle permet, en outre, dansle cas de données de panel (i.e. plu-sieurs pays sur plusieurs dates) decomparer le nombre d’innovationsattendues en raisonnant “comme si”les efforts de R & D étaient identiques(calcul des effets fixes). Cette partie estdéveloppée dans l’annexe 1.

Le principe d’agrégation (passagemicro-macro) retenu est le suivant :

– à l’échelon micro-économique, lenombre de brevets qu’une entrepriseprévoit de déposer dépend de soneffort de R & D selon une loi de pro-babilité de Poisson ;

– la productivité de la dépense deR & D d’une entreprise dépend : duratio entre la dépense de R & Dpublique et la dépense de R & D pri-vée du pays (i.e. de la combinaisonentre recherche fondamentale et

recherche appliquée) ; de facteursnationaux (institutionnels, culturels,fiscaux, etc.) non observés.

Les propriétés du modèle de Poissonfont alors que :

– la somme des brevets déposés parles entreprises et organismes derecherche d’un pays suit elle-mêmeune loi de Poisson ;

– le paramètre de cette loi dépend dela R & D privée totale du pays, de saR & D publique et de facteurs nonobservés captés par un effet fixe dontéventuellement la répartition inter-sec-torielle et intra-sectorielle de la dépen-se de R & D ;

– la spécification retenue s’appuiequant à elle sur une forme fonction-nelle de type CES (Constant Elasticityof Substitution). Celle-ci permet demesurer le degré de complémentarité-substituabilité entre R & D publique etR & D privée.

2. Critères de sélectionde l’échantillon retenu

Afin de disposer des données requisespour mener à bien l’étude, deux sour-ces de données ont été croisées quiconcernent respectivement la mesurede la création de connaissances et lamesure de l’effort et des moyensconsacrés à cette création.

• La création de connaissances et l’in-novation sont difficiles à mesurermais, traditionnellement, le nombrede brevets est considéré comme lemeilleur indicateur en la matière. Cechoix n’est toutefois pas exempt decritiques. Tout d’abord, toutes les inno-vations ne font pas l’objet d’un dépôtde brevet. Le secret est une alternativeau dépôt de brevet qui, de ce fait,résulte d’un choix stratégique de la

part de l’entreprise mais n’est pas lecorollaire obligé de toute innovationtechnologique. Ensuite, les brevets neconstituent en rien une catégoriehomogène mais présentent, aucontraire, de fortes disparités à la foisdans leur apport technique et dansleur valeur économique ; ce quidemande de traiter les données agré-gées avec une grande précaution. Eneffet, chaque dépôt de brevet ne cor-respond pas à la même “intensité d’in-novation” (un petit nombre de brevetsdécisifs reflète une capacité d’inno-vation plus importante qu’un grandnombre de brevets porteurs d’inno-vations mineures). Une détériorationde la position relative d’un pays dansle dépôt de brevets ne reflète donc pasnécessairement un tassement de sacapacité d’innovation. Toutefois,quelles que soient les raisons pour les-quelles les acteurs français déposentmoins de brevets, ceci peut avoir uneffet négatif, à terme, sur la compétiti-vité de la France puisque les entrepri-ses nationales protègent moins leursinnovations que les entreprises étran-gères.

La restriction de l’analyse menée iciau seul cas des “familles de brevets”triadiques dont la base de données aété mise à disposition par l’OCDE 18

répond en partie à ces critiques. Cettebase de données comporte des rensei-gnements sur l’ensemble des brevetsdélivrés à la fois par l’Office européendes brevets (OEB), l’Office japonaisdes brevets (JPO) et l’Office américaindes brevets et des marques (USPTO),notamment les dates de dépôt et dedélivrance du brevet ainsi que le(s)nom(s) et le(s) lieu(x) de résidence du(des) inventeur(s), mesurant ainsi lacapacité d’innovation technologiquedes chercheurs et des laboratoiressitués dans un pays 19. Ce point deméthodologie est important à souli-gner car il est fréquent que pour desquestions d’organisation ou des rai-

sons fiscales, les entreprises concen-trent la titularité des droits sur la socié-té-mère ou sur une filiale spécialisée.Il n’y alors pas de lien entre la natio-nalité du titulaire et le lieu de l’inven-tion 20.

L’avantage des brevets figurant danscette base est qu’ils offrent une protec-tion sur une même zone géographiquecouvrant une part importante des paysindustrialisés. En outre, compte tenudu coût de dépôt mais aussi et surtoutde la multiplicité des offices devantdonner leur accord, les brevets triadi-ques sont moins suspects d’êtredétournés de leur usage théorique etcorrespondent plus sûrement à desinnovations majeures que les brevetsstrictement nationaux. Ils présententdonc, a fortiori, une plus grande valeuréconomique au sens où ils sont asso-ciés à un rendement commercialescompté plus élevé. En effet, les coûtsde dépôts augmentant avec le nombrede pays dans lesquels les brevets sontenregistrés, l’étendue géographique dela protection constitue une indicationde leur valeur économique ; ce queconfirment les études d’Harhoff etReitzig (2001), mais aussi de Lanjouwet Schankerman (2001). Il faut ajouterà cela que les familles de brevetstriadiques évitent l’un des biais tradi-tionnel des données sur les brevets, àsavoir le poids trop important donnéaux brevets nationaux (“home advan-tage bias”). Par ailleurs, le recours aux“familles de brevets” par date de prio-rité (premier dépôt de demande dansle monde) 21 permet de remédier auxinsuffisances des indicateurs tradition-nels basés sur les brevets publiés ; enparticulier les problèmes de comparai-son d’un pays à l’autre, mais aussi lefait que les années mentionnées necorrespondent pas à l’année d’inven-tion (reflétant les délais stratégiques ouadministratifs de soumission, de traite-ment et de publication des demandesde brevet). Si les familles de brevets tri-

Chapitre 2

24

adiques constituent le meilleur ou lemoins mauvais des instruments decomparaison disponibles, il convientnéanmoins de garder en tête les limitesde cet indicateur qui reflète assez malcertaines activités. Ainsi, selon la natu-re des marchés ou la structure de laconcurrence, des entreprises sont inci-tées à déposer des brevets triadiquesou, au contraire, à développer des stra-tégies de dépôt plus ciblées. Il estnotoire que l’industrie automobile seprotège sur le marché européen nonpas avec un brevet européen mais avecdes brevets nationaux dans un petitnombre de pays clés 22.

• Ce même souci d’homogénéité aguidé le choix des bases de donnéesportant sur l’effort de R & D. La pre-mière d’entre-elles provient de

l’OCDE (2004) et couvre les dépensestotales de R & D du secteur privéd’une part et du secteur public d’autrepart réalisées sur le territoire nationald’un pays au cours d’une année 23. Lesdépenses en salaires des chercheursétant incluses dans ces données, lenombre de chercheurs ne peut doncêtre explicitement introduit dans lemodèle et ce afin d’éviter toute redon-dance. La seconde base de données aété construite par la Commission euro-péenne (2004b) et fournit des donnéesindividuelles sur l’effort de R & D des500 entreprises européennes et mon-diales qui investissent le plus enrecherche.

Enfin, compte tenu des éléments ànotre disposition, la période couvertepar cette étude va de 1994 à 2000.

25

Méthodologie et construction de la base de données

27

1. Les effets fixes des pays

Suffit-il de combler l’écart en matièrede dépenses en R & D pour quel’Europe, et donc a fortiori la France,parviennent à un même rythme decréation de connaissances et d’inno-vations qu’aux États-Unis ? Comme ila été précédemment souligné, il existesans doute d’autres facteurs clés agis-sant en amont et en aval du processusde création de connaissances, notam-ment des facteurs institutionnels,susceptibles d’expliquer pourquoil’Europe marque le pas en matièred’innovation. En amont, les effetsd’entraînement entre recherche fonda-mentale (essentiellement publique) etrecherche appliquée (essentiellementprivée) jouent-ils pleinement leurrôle ? Doit-on envisager une déficien-ce des structures de financement,notamment du recours au capital-risque, pour assurer une allocationefficace de l’effort de financement dela R & D ? Parallèlement, en aval, n’ya-t-il pas une insuffisance de la pro-tection des innovations, par exempleen terme de rapidité et d’efficacité desprocédures judiciaires en cas de litigesur la propriété des titres ?

Nous avons cherché à vérifier la véra-cité de ces intuitions. Pour ce faire, leseffets fixes calculés dans cette étudecapturent l’influence des facteurs nonobservés sur l’innovation dans un paysdonné (annexe 2). Les valeurs de l’in-dice de performance du processusd’innovation sont calculées pour lespays de l’OCDE et les années 1994 à2000. Les résultats sont reportés dansle tableau n° 2 avec les États-Uniscomme pays de référence, c’est-à-direavec un indice normalisé à 1. Un paysavec un indice supérieur à 1 sur-per-forme les États-Unis et inversement.Par exemple, un pays avec un indicede 1,2 (respectivement 0,8) obtiendra,pour des efforts de R & D privée etpublique identiques à ceux des États-

Unis, 20 % de brevets en plus (respec-tivement 20 % de brevets en moins).

L’un des résultats les plus intéressantsde cette analyse des effets fixes estillustré par la forte hétérogénéité despays de l’OCDE 24. Certains, à l’instardu Japon, de la Nouvelle-Zélande,mais aussi des pays du Nord del’Europe sont beaucoup plus efficaces(Finlande, Allemagne, Pays-Bas, Suèdeet Suisse) ou significativement plusefficaces (Autriche, Belgique, Dane-mark) que le modèle de référence : lesÉtats-Unis. A contrario, des paysd’Europe de l’Est ou d’Europe centrale(comme la République tchèque, laPologne, la Slovaquie) ou d’Europe duSud (comme la Grèce, le Portugal)mais aussi l’Irlande sont moins effica-ces que les États-Unis. Seuls deuxpays, la Hongrie et l’Islande ont desrésultats ni plus ni moins efficaces queceux des États-Unis. S’agissant mainte-nant des trois économies les plusimportantes de l’Union, à savoir cellesde la France, de l’Italie et duRoyaume-Uni, force est de constaterque bien qu’exhibant un coefficientsignificativement différent de un, cespays sont à peine aussi efficaces queles États-Unis.

Ces résultats sont intéressants à plusd’un titre. En effet, d’un point de vuede politique économique, ils mettenten exergue la nécessité de solutions“personnalisées”, c’est-à-dire une dif-férenciation des mesures prises enmatière de politique d’innovation pargroupe de pays. L’accent doit être missur une augmentation de l’effort deR & D et/ou sur les facteurs institution-nels ou culturels influençant le proces-sus d’innovation pour les pays qui sontmoins efficaces que les États-Unis. Ildoit, en revanche, être mis essentielle-ment sur les facteurs institutionnelspour les pays plus performants que lesÉtats-Unis. Cependant, l’effet fixe enfaveur de l’innovation, comparé à

CHAPITRE 3

Principaux résultats

celui des États-Unis, peut être occultépar des inefficacités allocatives entreles efforts de R & D publique et privée.Cet aspect est examiné ci-dessous.

2. L’arbitrage optimalR & D publique – R & D privée

Afin d’étudier l’efficacité de l’alloca-tion des dépenses totales de R & D,nous avons développé dans cetteétude un indice d’efficacité allocativeà la fois pour les dépenses de R & Dpubliques et privées (annexe 2). Avant

d’examiner cet indice, il convient deprésenter les résultats pour les para-mètres autres que les effets fixes dansle modèle de comptage de typePoisson-CES. Les résultats sont présen-tés dans le tableau n° 3. Les index Rp²et Rd² qui mesurent la qualité de larégression sont ceux présentés dansGreene (1997) pour les modèles decomptage. Ils montrent que le modèles’ajuste bien aux données. L’élasticitéde substitution technique entre l’effortde R & D public et privé, σ indiquequ’il existe un degré élevé de complé-mentarité entre la R & D publique et

Chapitre 3

Tableau n° 2Indice de performance du processus d’innovation

(pays de référence : États-Unis à 1)Écarts types entre parenthèses

Australie 0,884 *(0,027)

Japon 1,810 *(0,016)

Autriche 1,237 *(0,040)

Corée 0,350 *(0,006)

Belgique 1,243 *(0,024)

Mexique 0,171 *(0,020)

Canada 0,634 *(0,017)

Pays-Bas 2,074 *(0,052)

Républiquetchèque

0,088 *(0,011)

Nouvelle- Zélande 1,561 *(0,110)

Danemark 1,377 *(0,045)

Norvège 0,870 *(0,038)

Finlande 1,998 *(0,051)

Pologne 0,089 *(0,012)

France 1,184 *(0,026)

Portugal 0,219 *(0,038)

Allemagne 1,924 *(0,033)

Slovaquie 0,102 *(0,024)

Grèce 0,291 *(0,043)

Espagne 0,359 *(0,015)

Hongrie 0,876(0,067)

Suède 1,734 *(0,023)

Islande 0,878(0,155)

Suisse 2,306 *(0,030)

Irlande 0,566 *(0,034)

Turquie 0,064 *(0,012)

Italie 1,078 *(0,027)

Royaume-Uni 1,090 *(0,024)

* Coefficient significativement différent de 1 % à 5 %

28

privée. De plus, le ratio optimal entreles dépenses de R & D publiques etprivées, c’est-à-dire celui qui assure lenombre maximum de brevets tri-adiques espéré pour des dépenses deR & D données, θσ, correspond à 2,51.Ce ratio optimal de 2,51 entre R & Dprivée et R & D publique correspond àune dépense totale constituée à 71 %de R & D privée et 29 % de R & Dpublique : c’est plus que l’objectif fixélors du sommet de Barcelone (67 %).

Tableau n° 3Coefficients estimés pour le modèle

de Poisson-CES avec effets fixes

Compte tenu de la forte complémenta-rité entre efforts de R & D publique etprivée, dévier du ratio de 2,51 entreles deux en augmentant l’un sansaccroître l’autre n’a aucun effet enterme de hausse du nombre espéré debrevets. En conséquence, les payscaractérisés par un ratio de dépensesen R & D privée-publique supérieur àcette valeur critique ne devraient pastirer partie d’une augmentation desdépenses de R & D privée ceteris pari-bus, de sorte que l’élasticité du nom-bre espéré de brevets triadiques parrapport à ce type de dépenses deR & D est proche de zéro. Cependant,

ces pays peuvent espérer un effetsignificativement positif d’une aug-mentation de leurs dépenses de R & Dpubliques pour lesquelles l’élasticitéest proche de zéro. À l’inverse, lespays caractérisés par un ratio entre lesdépenses de R & D privées etpubliques inférieur à cette valeur cri-tique de 2,51 ne doivent pas espérertirer grand bénéfice d’une augmenta-tion de leurs dépenses publiques cete-ris paribus. Il en résulte que pour cespays, l’élasticité du nombre attendu debrevets triadiques par rapport à cesecond type de dépenses de R & D estproche de zéro alors qu’ils peuvents’attendre à un impact significatifd’une augmentation de leurs dépensesde R & D privées pour lesquellesl’élasticité est proche de un. Ceci estconfirmé par les élasticités estiméesreportées dans le tableau n° 4. Lespays caractérisés par un excès deR & D publique tendent ainsi à avoirune élasticité par rapport à ce type deR & D proche de zéro et une élasticitépar rapport à la R & D privée prochede un (et inversement). C’est notam-ment le cas de la France pour laquelleune hausse de la dépense privée deR & D apparaît nettement plus souhai-table qu’une hausse de la dépensepublique.

Les indices d’efficacité allocative dontla construction est détaillée dans l’an-nexe 2 permettent de classer les paysselon la qualité de leur combinaisonentre dépense privée et publique deR & D. Plus l’indice est proche de 1,plus la répartition actuelle (en 2000)entre R & D publique et privée estproche de la répartition optimale. Acontrario, plus l’indice est proche de0, plus la répartition actuelle est éloi-gnée de la répartition optimale. Letableau n° 5 donne un aperçu desrésultats. On constate ainsi que despays comme l’Autriche, les Pays-Basou la Suède, dont on note qu’ils ontun effet fixe élevé (tableau n° 2), ont

Principaux résultats

29

Coefficients Estimations(t-stats)

η 0,0051(3,336)

µ0,000

001

ρ 14,00(7,007)

( )ρσ +−= 11 - 0,066

θσ 2,51

Log likelihood - 1371,23Rp² 0,999096

Rd² 0,998279

Chapitre 3

Tableau n° 4Élasticités du nombre espéré de brevets selon les pays

Pays Par rapportà la R & D privée

Par rapportà la R & D publique

Ratioentre dépenses

de R & Dpubliqueset privées

Australie 1,00 0,00 0,90

Autriche 0,99 0,01 1,75

Belgique 0,52 0,48 2,66

Canada 0,99 0,01 1,49

République tchèque 0,99 0,01 1,50

Danemark 0,98 0,02 2,01

Finlande 0,79 0,21 2,44

France 0,99 0,01 1,67

Allemagne 0,85 0,15 2,37

Grèce 1,00 0,00 0,44

Hongrie 1,00 0,00 0,80

Islande 0,99 0,01 1,29

Irlande 0,67 0,33 2,55

Italie 0,99 0,01 1,00

Japon 0,78 0,22 2,45

Corée 0,30 0,70 2,85

Mexique 1,00 0,00 0,42

Pays-Bas 0,99 0,01 1,39

Nouvelle-Zélande 1,00 0,00 0,49

Norvège 0,99 0,01 1,37

Pologne 1,00 0,00 0,56

Portugal 1,00 0,00 0,39

Slovaquie 0,99 0,01 1,92

Espagne 0,99 0,01 1,16

Suède 0,06 0,94 3,23

Suisse 0,31 0,69 2,83

Turquie 1,00 0,00 0,50

Royaume-Uni 0,99 0,01 1,91

États-Unis 0,15 0,85 3,03

30

en revanche une valeur relativementfaible de leur indice d’efficacitéallocative. A contrario, des pays telsl’Irlande, la Corée ou la Slovaquiedont on a vu qu’ils étaient caractériséspar un effet fixe faible ont un indiced’efficacité allocative relativementélevé. Cela signifie que l’influencepositive des facteurs non observés surle processus d’innovation peut être enpartie masquée par une mauvaiseallocation des ressources entre lessecteurs publics et privés ou récipro-quement, qu’une allocation appro-priée des ressources peut compenserla faiblesse des facteurs non observésqui influencent positivement le pro-cessus d’innovation. Néanmoins, cer-tains pays européens (comme laBelgique, la Finlande et l’Allemagne)exhibent à la fois un effet fixe et unindice d’efficacité allocative plusélevé que celui des États-Unis. Uneautre caractéristique importante révé-lée par le tableau n° 5 est que l’écartentre les pays du Sud et de l’Est de

l’Europe d’un côté, et les pays duNord de l’Europe d’un autre côté estmoins net pour l’efficience allocativeque pour les effets fixes.

Si le clivage public/privé est utile, il nedoit cependant pas être poussé troploin compte tenu des interactionssouhaitables entre les deux compo-santes de la R & D et des différencesde périmètre qui viennent fausser lescomparaisons internationales. Ainsi,l’effort public de recherche de laFrance, proche de 0,83 % du PIB estquasi équivalent à celui des États-Unis(0,89 %). Le problème réside doncmoins dans son volume que dans sastructure, ou plutôt dans le fait qu’ilbénéficie trop peu aux entreprises. Àl’évidence, la France ne peut conti-nuer à consacrer une part importantede ses ressources à la recherche sansassigner à celle-ci, au-moins dans unecertaine mesure, un objectif de natureéconomique.

Principaux résultats

31

Tableau n° 5Indice d’efficacité allocative entre R & D publique et R & D privée

Australie 0,680189 Japon 0,999045

Autriche 0,910577 Corée 0,973276

Belgique 0,994322 Mexique 0,426729

Canada 0,856307 Pays-Bas 0,833405

Républiquetchèque

0,859169 Nouvelle-Zélande 0,473985

Danemark 0,955355 Norvège 0,828394

Finlande 0,998664 Pologne 0,516944

France 0,894904 Portugal 00,39809

Allemagne 0,995254 Slovaquie 0,941604

Grèce 0,438185 Espagne 0,768972

Hongrie 0,634366 Suède 0,903856

Islande 0,807633 Suisse 0,975440

Irlande 0,999714 Turquie 0,478281

Italie 0,717421 Royaume-Uni 0,938815

États-Unis 0,941510

Les conclusions tirées d'une compa-raison directe entre l'Europe et lesÉtats-Unis ou entre États membres doi-vent être modérées par un certainnombre de considérations sectorielles.Ainsi, souvent citée en exemple avecune part de PIB consacrée à la R & Dde 4,2 %, la Suède doit en réalitébeaucoup à la très forte proportion demultinationales parmi ses entreprises(celles-ci financent 78 % des dépensesintérieures de R & D), l'une des plusimportante au monde rapportée aunombre d'habitant. Qui plus est, ils'agit de firmes avec une orientationde haute technologie prononcée. Demême, la Finlande a injecté 4,9milliards d'euros dans la R & D en2003, dont 3,2 milliards (65 %) prove-nant des entreprises, mais à elle seule,l'entreprise de télécommunicationsNokia a représenté plus d'un tiers decet effort.

En fait, on peut raisonnablement pen-ser que la structure du tissu industrielest en grande partie responsable desdifférences de performances. En effet,celle-ci influence la performance enmatière de dépôt de brevet puisque lapropension à breveter n'est pas lamême d'un secteur à l'autre. Ainsi sil'on reprend le cas de la France, unepremière explication à la faiblesserelative de la France en matière debrevet (par rapport aux “champions”d'Europe du Nord) tient à la structurepar secteur et par taille des firmes del'économie française. Ce biais structu-rel est ainsi illustré par le fait que laFrance ne possède qu'une poignée degrands groupes d'envergure mondialedans les secteurs à forte intensitéscientifique ou technologique commela pharmacie ou les technologies del'information où le dépôt de brevet estimportant. L'exemple emblématiqueest le secteur des technologies del'information. Selon le rapportCamdessus, 25 “l'écart d'effort privé enmatière de R & D avec la Finlande

s'explique aux quatre cinquièmes parun effort supplémentaire dans la pro-duction de biens liés aux technologiesde l'information et de la communica-tion. La part de l'écart relevant de lamême explication est plutôt de l'ordredu tiers avec les États-Unis, le Japon etla Suède”. Dans la pharmacie parexemple, domaine intense de recher-che, la France ne compte plus qu'uneseule grande entreprise, Sanofi-Aventis. Dans les secteurs de pointeoù la France a des positions fortescomme l'aéronautique, le secret estune stratégie de protection répandueet la dépense publique est souventmotrice.

D'autre part, la France ne détient pasnon plus un tissu suffisant de grossesPMI leaders mondiaux sur leur mar-ché. En France, les trois quarts desinvestissements de la recherche privéesont le fait des 100 premières entrepri-ses françaises 26. Ceci a évidemmentun effet direct sur la performance de laFrance puisque la propension à breve-ter est fortement croissante avec lataille des firmes. Cela signifie sansdoute qu'une bonne partie du fosséqui sépare l'Europe des États-Unis entermes de brevets triadiques s'expliquepeut-être par la plus grande concen-tration de l'industrie américaine dansles secteurs de haute technologie(tableau n° 6). Si c'est le cas, les initia-tives destinées à stimuler l'effort deR & D auront des effets conditionnésau type de secteur où cet effort estconcentré. Un effort de rattrapage enterme de R & D dans des secteurs oùl'Europe et la France investissent ini-tialement moins que les États-Unisconduirait à une augmentation durythme d'innovation moindre qu'uneffort de dépenses supplémentaire enR & D dans les secteurs de spéciali-sation européenne tels que l'automo-bile. Il conviendrait donc de renforcerdavantage la spécialisation del'Europe plutôt que de concurrencer

33

CHAPITRE 4

Biais structurel

les États-Unis sur leur terrain et ceparce que l'Europe ne dispose toutsimplement pas de la structure indus-trielle appropriée.

La deuxième explication souventavancée pour expliquer l'insuffisanced'une recherche privée en France estle faible niveau de la recherche dansles services. Ainsi, selon Sheehan etWyckoff (2003), “70 % de la valeurajoutée de l'économie française pro-viennent des services, lesquels nedéposent guère de brevets et ne sontque rarement l'objet de transferts desrésultats de la recherche”. Toujoursselon le rapport Camdessus (2004),“la différence d'effort de R & D dansle domaine des services expliqueraitles deux tiers de l'écart de R & D pri-vée entre les États-Unis et la France”.Pourquoi cette insuffisance ? Commedans l'industrie, la France compte icide grandes entreprises compétitives àl'échelon mondial, mais pas dans lessecteurs de pointe. Ces différencesstructurelles méritent de toute évi-dence d'être étudiées plus attentive-ment.

Une discussion théorique du lien entrespécificités et spécialisations sectoriel-les d'une part, et niveaux des effetsfixes (donc des indices de performan-ces) d'autre part, est proposée enannexe 1. Elle s'appuie largement surles conséquences de l'utilisation dedonnées macro-économiques plutôtque de données micro-économiques.Les données publiées récemment parles services de la Commission euro-péenne (2004b) quant aux dépensesen R & D des entreprises européenneset du reste du monde en 2003 sontparmi les rares sources statistiques per-mettant de procéder à un examen éco-nométrique de ce lien théorique. Cesdonnées concernent les entrepriseseuropéennes ayant effectué plus de 10millions d'euros de R & D en 2003 etles entreprises du reste du mondeayant effectué plus de 50 millionsd'euros de R & D la même année. Il ya donc un biais en faveur d'une sur-représentation des entreprises euro-péennes qui conduit à ne considérerles résultats quantitatifs qui suiventque comme des indicateurs d'une ten-dance mais pas des mesures exactes.

Chapitre 4

Groupe 1Pharmacie

Biotechnologies

Groupe 2ÉlectroniqueTechnologies

del’information

Groupe 3Ingénierie

Chimie (secteursà intensité

de R & D/ratiode vente

moyenne,entre 2-5 %)

Groupe 4Secteurs

à faible intensitéde R & D/ratio

de vente(1-2,5 %)

Groupe 5Secteurs

à très faibleintensité

de R & D/ratiode vente(< 1%)

UE-185 27

(IT = 3,6 %) 2818,8 %

(12,9 %)25,3 %(10 %)

46,9 %(4,5 %)

5,4 %(1,1 %)

3,6 %(0,4 %)

JAPON-153(IT = 4,2 %)

8,1 %(13,2 %)

43,3 %(5,8 %)

37,9 %(4,2 %)

8,3 %(2,2 %)

2,4 %(0,8 %)

ÉTATS-UNIS-288(IT = 4,9 %)

25,8 %(13,9 %)

42,3 %(10,1 %)

28,1 %(3,1 %)

1,5 %(2 %)

2,3 %(0,5 %)

Source : Commission européenne, 2004b

Tableau n° 6Proportion de l’investissement total en R & D et (entre parenthèses) R & D/ratio de vente (2003)

34

Outre l'homogénéité des donnéesautorisant une comparaison entrepays, l'intérêt de cette base est qu'ellecomporte également une classifica-tion sectorielle des entreprises. Partantde là, il est donc possible de calculerles niveaux, ou au moins une approxi-mation de ces niveaux, des coeffi-cients associés aux variables suscepti-bles d'affecter les effets fixes selon lesdéveloppements théoriques fournis enannexe. Au préalable, un regroupe-ment des secteurs s'impose comptetenu du relativement faible nombre depays représenté dans cette base dedonnées, donc du nombre d'effetsfixes à expliquer. Cinq groupes de sec-teurs ont été constitués, essentielle-ment sur la base de l'intensité enR & D évaluée par le rapport entredépense de R & D des entreprises dusecteur et chiffre d'affaires. Le tableaun° 7 présente le détail de la composi-tion de ces groupes.

Le tableau n° 8 fournit quant à luifournit une synthèse des résultats de larégression des effets fixes sur lescaractéristiques de répartition inter-sectorielle et intra-sectorielle de laR & D par pays. Les coefficients esti-

més sont ceux de l’équation (A.11.2)de l’annexe 1. Il apparaît d’embléeque le modèle explicatif des différen-ces de performances est assez bonpuisque 66,85 % de la variance desindices de performance est expliquée.Il apparaît aussi clairement que larépartition intersectorielle de l’effortprivé de R & D conditionne le niveaudes effets fixes. En effet, les coeffi-cients βj associés aux mesures de larépartition inter-sectorielle de laR & D sont significativement différentsde zéro pour les trois premiers sec-teurs. On voit notamment que le coef-ficient est très fort pour les “industriesmécaniques et chimiques”, suivi ducoefficient estimé pour les groupes“pharmacie et biotechnologies” puis“informatique télécoms et électro-nique”. Cela signifie qu’une mêmedépense en R & D génère plus de bre-vets pour le secteur des “industriesmécaniques et chimiques” que pourn’importe quel autre secteur. Les paysspécialisés dans ce type d’industriesvont donc obtenir ceteris paribus plusde brevets que les pays spécialisés surd’autres types d’industries. Leur effetfixe est donc plus élevé de même queleur indice de performance en matière

Biais structurel

35

Tableau n° 7Constitution des groupes de secteurs

Intitulé des groupes Détail des groupes(nom en anglais des secteurs représentés dans la base)

Groupe 1 “Pharmacie et biotechnologies” “Pharmaceuticals & Biotechnologies“, “Health”

Groupe 2 “Informatique, télécoms, électronique” “Electronics & Electrical“, “IT hardware”, “Software &Computer Services“, “Telecommunications Services”

Groupe 3 “Industries mécaniques et chimiques” “Engineering & Machinery”, “Automobiles & Parts”,Aerospace & Defence”, “Diversified Industries”,“Personal Care & Household”

Groupe 4 “Industries tertiaires et services” “Leisure & Hotels”, “Media & Entertainment”,�“Banks”, “Speciality & Other Finance”, “SupportServices”, “Food & Drug Retailers”, “GeneralRetailers”, “Transports”

Groupe 5 “Industries de base” “Oil & Gas”, “Mining”, “Foresty & Paper”, “Tobacco“,“Steel & Metals”, “Food Producers”, “Beverages”,“Construction & Building”, “Households Goods &Textiles”, “Electricity”, “Utilities & Others”

d’innovation. Il faut donc prendre cer-taines précautions : une relativementfaible valeur de l’indice de performan-ce du processus d’innovation peutparfois masquer une spécialisationpays (sur la base par exemple d’avan-tages comparatifs dans ce domaine)dans des secteurs où l’activité deR & D génère ceteris paribus moins debrevets. C’est bien ce qui semble sepasser pour les États-Unis où l’activitéde R & D est nettement plus concen-trée dans les deux premiers secteurs(ceux plus “high-tech”) que dans cer-tains pays européens commel’Allemagne où l’activité de R & D seconcentre nettement sur le troisièmegroupe de secteur. La moindre perfor-mance apparente des États-Unis peutdonc cacher une spécialisation sur desdomaines où l’obtention des brevetsnécessite un effort plus important deR & D (en contrepartie peut-être d’in-novations contribuant plus fortementà la croissance). Les coefficients asso-

ciés aux mesures de la répartitionintra-sectorielle de la R & D ne sonten revanche pas significatifs, excep-tion faite du premier groupe “pharma-cie et biotechnologies”. Selon lesdétails théoriques fournis en annexe,l’absence de différence significativepar rapport à zéro pour les autresgroupes implique que l’hypothèse derendements d’échelle constants dansl’activité de R & D pour ces groupesne peut pas être rejetée. On retrouvelà un résultat déjà mis en évidence demanière plus rudimentaire à l’aide dugraphique n° 4. En revanche, le coeffi-cient estimé est significativement posi-tif pour le premier groupe. Celaindique que ce groupe d’industries secaractérise plutôt par des rendementsd’échelle croissants dans l’activité deR & D ; ce qui plaide pour uneconcentration des entreprises et/ou lerenforcement des coopérations enmatière d’innovation dans ce secteur.

Chapitre 4

Tableau n° 8Régression des effets fixes sur les indicateurs de répartition sectorielle de la R & D et d’effets d’échelle

Coefficients Estimation t-stats

β 1 (pharmacie et biotechnologies) 0,773541 ** 5,889342

β 2 (informatique, télécoms, électronique) 0,326406 ** 3,959465

β 3 (industries mécaniques et chimiques) 2,247855 ** 3,378847

β 4 (industries tertiaires et services) 2,385690 0,651105

β 5 (industries de base) 1,693344 1,341916

γ 1 (pharmacie et biotechnologies) 0,001119 * 1,951137

γ 2 (informatique, télécoms, électronique) 0,000154 0,722237

γ 3 (industries mécaniques et chimiques) 0,000160 0,429017

γ 4 (industries tertiaires et services) - 0,014388 - 0,530167

γ 5 (industries de base) - 0,019347 - 1,745876

Part de la variance expliquée par le modèle : 66,85 %²R : 0,668510

²R : 0,397291

* Coefficients statistiquement différents de zéro à 10 %** Coefficients statistiquement différents de zéro à 5 %

36

De par son critère quantitatif,l’Agenda de Barcelone veut garantirun socle mais derrière les volumesapparaît forcément l’exigence de qua-lité et de “productivité” de la R & D.Cela signifie qu’il n’y a aucune raisonde penser qu’une dépense est bonneen soi, fût-elle de recherche.L’objectif, pour les pouvoirs publicsmais aussi pour les entreprises, doitdonc être d’optimiser le rapport entreles résultats et les dépenses.

Dans cette optique, l’analyse écono-métrique des performances compa-rées des États membres européens,des États-Unis, du Japon et dequelques autres pays de l’OCDE enmatière de création de connaissancesapporte un éclairage nouveau sur lesupposé manque de performance del’Europe et conduit à remettre encause un certain nombre d’idéesreçues. L’idée clé de cette étude estqu’une comparaison des performan-ces doit se faire en raisonnant“comme si” les efforts en R & Dpubliques et privées étaient iden-tiques ; fiction que permettent lestechniques économétriques. Ainsi, ilressort de notre étude fondée sur l’es-timation d’une fonction de productiond’innovations sous forme d’un proces-sus de Poisson-CES que la France n’estpas moins performante que les États-Unis. L’indice de performance de sonprocessus d’innovation est même trèslégèrement supérieur à celui des États-Unis ; autrement dit à efforts de R & Dpublique et privée identiques, elleserait capable de déposer, en moyen-ne, plus de brevets triadiques que lesÉtats-Unis.

Certes, une partie de cette bonne per-formance de la France comparée auxÉtats-Unis s’explique par des spéciali-sations sectorielles différentes de laR & D. La recherche américaine estnotamment nettement plus orientée

vers les industries high-tech (pharma-cie, biotechnologies, technologies del’information) où les innovationsnécessitent des moyens plus impor-tants, en contrepartie, peut-être, d’uneplus grande contribution à la crois-sance. De ce point de vue, un orienta-tion plus marquée du portefeuilled’innovations françaises vers ces sec-teurs de pointe peut se justifier.Toutefois, à trop diriger son effort versun rattrapage des États-Unis sur cetype de secteur, la France risque des’épuiser alors même que se dégageaujourd’hui une spécialisation inter-nationale de la R & D où l’Europetend à développer une “niche” sur dessecteurs certes traditionnels mais oùnéanmoins elle fait preuve d’uneréelle efficacité. En outre, la Francebénéficie de facteurs non directementobservés (institutionnels, culturels,etc.) favorables à son processus d’in-novation et tout aussi importants quel’effort en terme de dépenses deR & D. À l’évidence, il conviendraitdonc de mieux identifier ces facteurspour en accroître l’effet. En revanche,la France se caractérise par une tropfaible part de sa R & D privée dans lesdépenses totales de R & D, ce qui lapénalise. C’est sur l’effort privé deR & D qu’il faut donc mettre l’accentpour accroître son rythme d’innova-tion.

Enfin, il apparaît clairement que cer-tains États membres tels que la Suède,la Finlande sont sans doute demeilleurs modèles que les États-Unis.Il est donc paradoxal que les poli-tiques publiques en Europe soient cal-quées sur le système d’innovationaméricain, alors même qu’il existedans les pays d’Europe du Nord, maisaussi dans certaines régions très inno-vantes de l’Europe, des modèles beau-coup plus proches de notre cultureeuropéenne.

37

CONCLUSION

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39

BIBLIOGRAPHIE

L’étude quantitative visant à évaluerles performances nationales en ma-tière d’innovation est dans une largemesure contingentée par la disponibi-lité des données. Plus précisément, lesdonnées à disposition tant en matièrede brevets déposés que d’effort enterme de dépenses de R & D sontessentiellement disponibles sous leurforme agrégée à l’échelon nationalalors même que le processus d’inno-vation se déroule à l’échelon micro-économique de l’entreprise ou del’organisme de recherche. Il convientdonc de s’interroger sur les modalitésde passage d’une représentation duprocessus d’innovation de l’échelonmicro-économique à l’échelon macro-économique. C’est l’objet de cettepremière annexe.

1. Principe de base

Afin de confirmer ou d’infirmer l’idéeselon laquelle un simple rattrapage enterme d’effort de R & D permettraitaux pays européens de créer autant deconnaissances et d’innover au mêmerythme que les États-Unis, la méthoderetenue est fondée sur l’estimationd’une fonction d’innovation où l’out-put correspond au nombre d’innova-tions et les inputs aux variables per-mettant de produire ces innovations.Les trois singularités de ce modèlesont les suivantes :

– l’output n’est pas directement obser-vable. En conséquence, nous utilisonsle nombre de brevets triadiques dépo-sés par une firme dans une année don-née comme proxy-variable du nombred’innovations 29 ;

– l’output est un entier naturel ;

– la relation entre input et output n’estpas purement déterministe ; par exem-ple, un même niveau de dépenses enR & D ne produira pas nécessairementle même nombre de brevets.

Pour tenir compte de ces caractéris-tiques, la démarche adoptée s’inspirede celle initiée par Hausman, Hall etGriliches (1984). Elle s’appuie sur unemodélisation de la fonction de pro-duction d’innovations sous forme d’unprocessus de Poisson dont le paramè-tre dépend des inputs, tout particuliè-rement des dépenses en recherche etdéveloppement.

Le modèle de base est défini en sup-posant que le nombre ynt de brevetstriadiques déposés par une entreprise(ou organisation publique) n à unedate t correspond à la réalisationd’une variable aléatoire Ynt suivantune loi de probabilité de Poisson :

(A.1)

où λnt > 0 est le paramètre de la loi dePoisson, susceptible de varier selonl’entreprise et la date considérées, cor-respondant à l’espérance mathéma-tique de Ynt :

(A.2)

Le nombre λnt de brevets espéré pourl’entreprise n à la date t est supposédépendre de son effort exprimé enterme de dépenses de recherche etdéveloppement selon la relation fonc-tionnelle :

(A.3)

où ƒ est une fonction, identique pourtoutes les entreprises de tous le sec-teurs et tous les pays, de la dépense xnten recherche et développement effec-tuée en t par l’entreprise ou l’organis-me de recherche n. Le paramètre θijt

est indépendant de l’entreprise etcapte les spécificités du secteur j et/oudu pays i auxquels appartient n etéventuellement aussi de la date t.

Bien que d’ordinaire une forme fonc-tionnelle de type Cobb Douglas estutilisée pour ƒ (Hausman, Hall et

41

ANNEXE 1

Spécificationdu modèlede comptage

!]Pr[

ye

yYtn

tny tntn

tntn

λλ−

==

[ ] λ tntnY =Ε

( )xf tntjitn θλ =

Griliches, 1984), c’est une forme qua-dratique qui est utilisée ici. Cetteforme peut être interprétée commeune approximation du second ordreen x = 0 de la vraie fonction 31 :

(A.4)

avec

α1 = ƒ′(0) (Α.4)

α2 = ƒ″(0)/2 (Α.4)

L’intérêt de cette approximation est demettre en évidence l’influence de lanature des rendements d’échelle surla productivité moyenne des dépensesde R & D. En effet, si le processusd’innovation est caractérisé par desrendements constants (ƒ″(x) = 0 ∀x), laproductivité moyenne est donnée demanière exacte par θijtα1. Si enrevanche le processus d’innovationest caractérisé par des rendementscroissants (respectivement décrois-sants) alors α2 > 0 (respectivement -α2 > 0) et θijtα1 sous-évalue (respec-tivement surévalue) la productivitémoyenne de la R & D.

2. Agrégationau niveau sectorielpuis national

Partant de la spécification (A.4) duprocessus d’innovation à l’échelonmicro-économique, il est possible depasser à une spécification du proces-sus d’innovation à l’échelon sectorielpuis national. Ces deux étapes sontdécrites dans ce qui suit.

La première étape repose sur une pro-priété essentielle de la loi de Poisson :une somme de loi de Poisson de para-mètres λnt suit elle-même une loi dePoisson de paramètre Σnλnt. Il enrésulte que le nombre de brevets Υjt =Σnε jΥnt déposés dans l’année t par les

entreprises d’un secteur j ou les insti-tuts de recherche publics relevantd’une catégorie j est une variablealéatoire dont la loi de probabilité estune loi de Poisson de paramètre :

λjt = Σnεj λnt (A.5)

Soit, en utilisant l’expression (A.4) :

λjt = θijt (α1 + α2 Ιjt)Χjt (A.6.1)

avec

Χjt = Σnεj xnt (A.6.2.)

Ιjt = Σnεj xnt2/Σnεj xnt (A.6.3)

À nouveau, si le processus d’innova-tion est caractérisé par des rende-ments constants, la productivitémoyenne des dépenses Χjt en R & Dpour le secteur j est donnée de maniè-re exacte par θijtα1. Ce même termeest en revanche une sous-évaluation(surévaluation) de la vraie producti-vité si le processus exhibe des ren-dements croissants (respectivementdécroissants). Le biais entre la vraieproductivité moyenne et la valeurθijtα1 est donné par le terme θijtα2

Ιjt.

La seconde étape consiste à appliquerune nouvelle fois la propriété sur lasomme de loi de Poisson pour passerdu nombre de brevets déposés parchaque secteur dans un pays i aunombre de brevets déposés dans cepays sur l’ensemble de ses secteurs.Ainsi le nombre Υit = ΣjεiΥjt de bre-vets déposés durant l’année t sur l’en-semble des secteurs du pays i suit uneloi de Poisson de paramètre :

λit = Σjεi λjt (A.7)

Soit en utilisant (A.6) et en faisantapparaître l’effort total Χit du pays i enfacteur :

(A.8.1)

λ tn ( )xx tntntji2

21 ααθ +=

xxx

tntn

tntji

+=

2

21 ααθ

λ ti ( )( )XVZ tiij tjitjitjitji∑ ∈+= αθαθ 11

Annexe 1

42

avec :

Ζijt = Χjt/Χit (A.8.2)

Vijt = ΙjtΧjt/Χit (A.8.3)

La variable Ζijt mesure directement lapart du secteur j dans les dépenses deR & D de l’ensemble des entreprisesdu pays i à la date t. Il s’agit doncd’une variable relative à la répartitioninter-sectorielle des dépenses deR & D. La variable Vijt est plus com-plexe à interpréter. Elle correspond eneffet au produit de la variable Ζijtavec la variable Ιjt qui peut être vuecomme un indicateur de la répartitionintra-sectorielle de la R & D. En effet,Ιjt n’est autre que le rapport entre unindice de Herfindhal mesurant laconcentration de la R & D dans lesecteur j du pays i à la date t et ladépense totale en R & D de ce mêmepays à la même date. Autrement dit,Vijt est un indice de concentrationintra-sectorielle de la R & D pondérépar le poids du secteur considéré dansla R & D totale du pays. Cette variablemesure donc essentiellement la répar-tition intra-sectorielle de la R & D.

Afin de poursuivre, il est indispensa-ble de recourir à une hypothèse sup-plémentaire. Celle-ci porte sur lescoefficients θijt qui sont supposésséparables en quatre termes sous laforme suivante :

(A.9)

où Wit/Xit est le ratio évaluant la répar-tition de l’effort national de R & Dentre l’effort public Wit et l’effort privéXit. En substituant dans (A.8), onobtient :

(A.10)

L’écriture (A.10) comporte quatre ter-mes interprétables de la manière sui-vante :

• Le premier terme δi capture l’in-fluence de facteurs non observablespurement nationaux sur le nombre debrevets obtenus par un pays.

• Le second terme entre parenthèsescorrespond à la prise en compte d’ef-fets sectoriels liés à la répartition de laR & D privée d’un pays entre ses sec-teurs d’activités et l’existence possiblede rendements d’échelle croissants oudécroissants dans le processus d’inno-vation pour un ou plusieurs secteurs.

• Le troisième terme eηt permet detenir compte d’une tendance tempo-relle dans le dépôt de brevets.

• Les deux derniers éléments de(A.10) peuvent être regroupés dansune unique fonction g(Wit, Xit) homo-gène de degré un en Xit et Wit parconstruction. Cette dernière peut êtreassimilée à une fonction de produc-tion macro-économique d’innova-tions.

Le second terme de (A.10) est suscep-tible de prendre une valeur différentepour chaque pays. En l’absenced’observations suffisamment complè-tes pour pouvoir conserver ce termesous sa forme entière il est donc pos-sible de l’associer à des effets natio-naux non observables. Dans ce der-nier cas, le produit des deux premierstermes de (A.10) est représenté par uneffet fixe multiplicatif noté Ai dans cequi suit :

(A.11.1)

avec βj = σjα1 et γj = σjα2. Soitencore :

(A.11.2)

Finalement, une forme CES est rete-nue pour g(Wit, Xit). Il en résulte quele nombre Yit de brevets triadiquesdéposés par un pays suit une loi deprobabilité de Poisson :

=

XWhe

ti

titijtji

ηδσθ

λ ti ( )( ) XXWheVZ ti

ti

titij tjijtjiji

+= ∑ ∈

ηασασδ 21

( )( )∑ ∈+=

ij tjijtjijii VZA γβδ

( )( ) δγβ iij tjijtjiji VZA lnlnln ++= ∑ ∈

Spécification du modèle de comptage

43

(A.12)

dont le paramètre peut s’écrire :

(A.13)

Le modèle de Poisson à effets fixesdéfini par (A.12) et (A.13) est estimépar la méthode du maximum de vrai-semblance (Cameron et Trivedi,1998). Une fois les effets fixes esti-més, il est possible de chercher à les

expliquer selon la relation (A.11) dèslors que des observations sectoriellessont disponibles pour au moins unedate. On procède alors à l’estimationdu modèle non linéaire (A.11.2) oùln δ i est traité comme un résidu d’es-timation. Les valeurs retenues pour lescoefficients β j et γ j afin d’initialiser laprocédure d’estimation non linéairesont les coefficients estimés par lesmoindres carrés ordinaires en régres-sant les effets fixes Ai sur les variablesZij et Vij.

( )tWX tititi ,,λ ( )WXeA titit

iρρη ρ

µ −− −+=

1

!]Pr[

ye

yYti

tiy titi

titi

λλ−

==

Annexe 1

44

1. Construction de l’indiced’efficacité allocative

Bien que, dans la fonction de pro-duction d’innovations définie (A.13),l’output est intrinsèquement aléatoi-re, les méthodes usuelles de mesurede l’efficacité allocative applicablesaux choix de production peuvent êtremobilisées afin de déterminer si larépartition de l’effort de R & D desdifférents pays étudiés est optimaleou non. Deux méthodes sont succes-sivement présentées : la minimisationdes dépenses totales de R & D souscontrainte d’obtenir un niveau donnédu nombre de brevets espéré puis lamaximisation du niveau du nombrede brevets espéré pour un niveautotal donné des dépenses de R & D.

Le premier cas, celui de la minimisa-tion des dépenses de R & D pour unniveau donné du nombre de brevetsespéré repose sur le programme sui-vant :

(A.14)

où X0jt et W0jt désignent respective-ment les niveaux observés des dépen-ses publiques et des dépenses privéesde R & D du pays i à la date t. Leterme λit(X, W,t) désigne quant à luile nombre de brevets triadiques espé-ré à une date t pour des dépensespubliques de R & D W et des dépen-ses privées de R & D X données ; larelation étant celle définie (A.13). Lafonction de valeur e* donne la dépen-se totale minimale en R & D compati-ble avec le niveau d’innovation cor-respondant au nombre de brevetsespéré λjt(Z0jt, X0jt, t). Le ratio entree* et la dépense totale en R & D effec-tivement observée, X0it et W0it est uti-lisé comme indice d’efficacité alloca-tive en input relatif à la répartition dela dépense totale de R & D entre

dépenses privées et publiques :

(A.15)

C e tindice prend des valeurs comprisesentre zéro et un. Plus l’allocation estproche de la répartition optimale de laR & D totale entre dépenses privées etdépenses publiques, plus l’indice estproche de un et inversement. Ennotant X*it et W*it la solution du pro-gramme (A.14), il est possible d’illust-rer le calcul de ce premier indice àl’aide de la figure A.1.

Le second cas, celui de la maximisa-tion de l’output pour un niveau donnéde la dépense totale en R & D, reposesur le programme suivant :

(A.16)

avec les mêmes notations que cellesemployées dans le programme (A.14).Le programme (A.16) est en fait ledual du programme (A.14). La fonc-tion de valeur Y* donne le niveaumaximal du nombre de brevets espé-ré qui peut être atteint à partir d’unmontant de la dépense totale enR & D qui n’excède pas le niveau dedépense observé X0it + W0it . Dans cecas, c’est le ratio entre le nombre debrevets espéré compte tenu de l’allo-cation observée de la R & D totaleentre secteur privé et secteur public,λit(X0it, W0it, t), et le niveau calculépour y* qui sert d’indice d’efficacitéallocative en output en matière derépartition de la R & D totale entredépense privée et dépense publique :

(A.17)

À nouveau, cet indice prend unevaleur comprise entre zéro et un. Plusl’indice est proche de un plus larépartition de l’effort total de R & D

ANNEXE 2

Les indicesd’efficacité allocativeet de performance

( ){ }

( )( )

+=

tWX

tWXWX

MintWXe

tititi

tiWX

titi

,,

,,;

,,*00

,

00

λ

λ

( )WX

tWXeEftiti

titiinput 00

00 ,,*

+=

( ){ }

( ){ }WXWXtWXMaxtWXY tititiWX

titi00

,

00 ;,,,,* +≤+= λ

( )( )tWXy

tWXEftiti

tititioutput

,,*,,

00

00λ=

45

entre secteur privé et secteur publicest proche de l’optimum et inverse-ment. En notant X**it et W**it la solu-tion du programme (A.16), il est éga-lement possible d’illustrer la construc-tion de ce second indice à partir de lafigure A.2.

On vérifie que, du fait de l’homogé-néité de la fonction de productionCES utilisée ici, les deux indices d’ef-ficacité allocative définis (A.15) et(A.17) prennent en fait la mêmevaleur.

2. Construction de l’indicede performance

Selon (A.13), une différence de valeurdans l’effet fixe Ai pour deux paysimplique que, même à niveaux iden-tiques des dépenses de R & D privéeset publiques, ceux-ci n’obtiennent pasle même nombre de brevets. Partantde ce constat, il est possible de définir

un indice de performance du proces-sus d’innovation d’un pays i comparéà un pays i’ comme suit :

(A.18)

Cet indice sert de base dans ce quisuit pour la comparaison des perfor-mances des processus d’innovationnationaux. Il mesure le rapport ceterisparibus, c’est-à-dire notamment àefforts de R & D identiques aussi biendans le secteur privé que public, entrele nombre de brevets espéré pour lepays i et le nombre de brevets espérépour le pays de référence i’. À titred’exemple, si l’indice vaut 1,2, celasignifie que le pays i est capable d’ob-tenir en espérance 20 % de brevets enplus que le pays i’. Si en revanchel’indice prend la valeur 0,8, celasignifie que le pays i obtiendrait cete-ris paribus 20 % de brevets en moinscomparé au pays i’.

[ ][ ] A

AWtXYWXY

i

i

tititi

tititi

′′′′=

ΕΕ

ee

Annexe 2

46

Figure A.1Minimisation de la dépense totale de R & D pour un niveau donné du nombre de brevets espéré

Figure A.2Maximisation du nombre de brevets espéré pour un niveau donné de la dépense totale en R & D

X

W

Courbe d’isodépense :{ }{ }WXWXIRWX titi

002 ;, +=+∈ +

Courbe d’isodépense :

{ }{ }WXWXIRWX titi**;, 2 +=+∈ +

Isoquante :{ } ( ) ( ){ }tWXtWXIRWX titititi ,,,,;, 002 λλ =∈ +

X ti*

W ti*

X ti0

W ti0

X

W

Courbe d’isodépense :{ }{ }WXWXIRWX titi

002 ;, +=+∈ +

Isoquante :{ } ( ) ( ){ }tWXtWXIRWX tititjti ,,,,;, 002 λλ =∈ +

X ti**

W ti**

X ti0

W ti0

Isoquante :

{ } ( ) ( ){ }tWXtWXIRWX titititi ,**,**,,;, 2 λλ =∈ +

Les indices d’efficacité allocative et de performance

47

(1) La définition retenue est celle del’OCDE, Manuel de Frascati, 2002.

(2) C’est-à-dire les brevets déposés àla fois aux États-Unis auprès del’USPTO, en Europe auprès de l’OEBet au Japon (JPO).

(3) Selon H. Dernis et D. Guellec, “lavaleur d’un brevet peut se définir parla contribution que l’invention proté-gée apporte à l’économie, sur un plantechnologique comme sur un planéconomique”, p. 156, 2001.

(4) Cf. R. Boyer et M. Didier, pour unesynthèse des liens entre innovation etcroissance, 1998.

(5) Source : Commission européenne,“Innovation & transferts technolo-giques”, 5/03, p. 4 et COM 2003, EC,DG Research (Luxembourg), “ThirdEuropean Report on Science andTechnology Indicators”, Déclarationde Barcelone, 2002,www.cordis.lu/indicators.

(6) Cf. le rapport Wim Kok, 3 novem-bre 2004 et le “Tableau de bord del’innovation”, 2004.

(7) Données 2002 pour le Japon etl’Union européenne (dernières don-nées disponibles, Eurostat, 2005).

(8) La dépense intérieure de R & D(DIRD) de la France s’élevait à 34,1milliards d’euros en 2003 contre 34,5milliards d’euros en 2002. Entre 2002et 2003, cela représente une diminu-tion de 1,2 % en valeur (- 2,7 % envolume) tandis que le PIB a progresséde 2 % en valeur (+ 0,5 % en volume)sur la même période. En conséquen-ce, le ratio DIRD/PIB qui mesurel’effort de recherche est en baisse parrapport à 2002, soit 2,19 % en 2003contre 2,26 % en 2002.

(9) Dans les comparaisons internatio-nales, il faut savoir qu’aux États-Uniset en Allemagne, la R & D du secteur

public ne comprend que les activitésdu gouvernement fédéral et pas lesactivités des établissements des Étatset gouvernements locaux. AuRoyaume-Uni, depuis 1994, le finan-cement par les entreprises de ladépense intérieure de ce secteur com-prend les associations et fondations etl’enseignement supérieur, ce quientraîne une légère surestimation.

(10) Il est cependant important de sou-ligner l’existence de fortes disparitésentre États membres. Ainsi, l’intensitéde R & D a augmenté de plus de 7 %en moyenne par an à Chypre, enHongrie et en Estonie. Le Danemark,l’Espagne, la Lituanie, l’Autriche et laBelgique ont également enregistré desaugmentations soutenues. La Suède etla Finlande sont encore parvenues àaccroître ce taux de plus de 4 % paran entre 1998 et 2003 (1998-2001pour la Suède), tandis que l’intensitéde R & D de l’Islande, pays partenaireau sein de l’EEE a gagné plus de 10 %par an. Contrairement à l’Union euro-péenne dans son ensemble, l’Irlande,la Pologne et la Slovaquie ont vu leurintensité de R & D se réduire annuel-lement de 2,17 %, 2,80 % et 6,32 %respectivement au cours de la mêmepériode. La Lettonie et les Pays-Basfont également partie des États mem-bres dont les intensités de R & D ontdécliné au cours de cette période. Àtitre de comparaison, la Chine a puaugmenter son effort de R & D de0,70 % en 1998 à 1,23 % en 2002grâce à une augmentation annuelle de10,91 % pendant trois ans. Ce chiffreest à comparer aux taux de croissanceannuelle de 1,48 %, 1,28 % et 1,41 %enregistrés respectivement par l’UE-25, les États-Unis et le Japon au coursde la même période. Ces deux der-niers pays ont cependant des intensi-tés de R & D élevées par rapport àcelle de l’UE-25 et qui représententplus du double de celle de la Chine.

49

ANNEXE 3

Notes

(11) Cf. “Productivité : la clé de la pro-ductivité des économies et entrepriseseuropéennes”, COM(2002) 262 et J.Sheehan et A. Wyckoff, 2003. Unbilan établi par la Commission euro-péenne, (2004a) sur les grandesrégions européennes confirme cetterelation. Les régions d’Europe qui pro-duisent le plus de richesse (mesuréeen PIB par habitant) sont aussi cellesqui possèdent le tissu technologiquele plus dense. Ainsi, l’Île-de-Francefigure parmi les régions les plus avan-cées en Europe, alors que la France,en tant que pays, ne fait pas partie desleaders de l’innovation.

(12) Il est à noter qu’un biais statis-tique explique en partie ce phénomè-ne. En effet, les économies des payssus-mentionnés sont spécialisées dansun petit nombre de secteurs, contrai-rement aux “grands” pays commel’Allemagne, le Royaume-Uni et laFrance dont les structures industriellessont plus diversifiées. Nous revenonssur ce point dans le chapitre 4.

(13) La Finlande s’appuie sur un systè-me original. Un effort public limité etréévalué régulièrement, relayé par unsecteur privé concentré dans certainssecteurs industriels clefs. En 2003, laFinlande a ainsi injecté 4,9 milliardsd’euros dans la R & D, dont 3,2milliards (65 %) provenant des entre-prises. À elle seule, l’entreprise detélécommunications Nokia a repré-senté près d’un tiers de cet effort.

(14) Dernières données disponibles,2001.

(15) Mais seulement 40 % en Estonie,Grèce, Chypre, Lettonie, Lituanie,Hongrie, Pologne et Portugal.

(16) Cette comparaison doit être priseavec beaucoup de précautions dans lamesure où, pour être rigoureux, ilconviendrait de comparer la situationde la France avec celle d’un État amé-

ricain de même importance (écono-mique, démographique, etc.).

(17) Dernières données disponibles,OCDE.

(18) Voir OCDE, 2003. Nous remer-cions à ce titre D. Guellec et H.Dernis de l’OCDE pour les facilitésd’accès aux données qu’ils nous ontaccordé.

(19) Ce choix méthodologique n’estpas anodin. Il permet de faire le lienentre la nationalité du titulaire desdroits et le lieu de l’invention. Uncomptage fractionnaire est effectué encas de nationalités multiples. Ainsi,une famille de brevets avec deuxinventeurs allemands, trois français etun anglais sera comptée pour un tierspour l’Allemagne, un demi pour laFrance et un sixième pour leRoyaume-Uni.

(20) A contrario, prendre l’adresse dudéposant comme critère de la natio-nalité aboutirait en particulier à uneforte surestimation des performancesdes Pays-Bas (les brevets issus de laR & D de Philips dans le monde entierseront considérés comme néerlan-dais), de la Finlande (Nokia) et de laSuisse (groupes pharmaceutiques,Nestlé). Ce point a bénéficié des com-mentaires de D. Deberdt de l’INPI.

(21) La seule date dont la significationest claire d’un point de vue technolo-gique ou économique est la date depriorité. Elle est en effet la plus prochede la date de l’invention.

(22) Ce point a bénéficié des com-mentaires de D. Deberdt de l’INPI.

(23) Cf. OCDE, Manuel de Frascati,p. 24., 2002.

(24) Cette forte hétérogénéité concer-ne notamment les États membres del’Union européenne. Ces derniers etles pays associés comme la Norvège,

Annexe 3

50

l’Islande et la Suisse sont désignéscomme pays européens dans ce quisuit.

(25) “Le sursaut”, rapport Camdessus,La Documentation française, 2004.

(26) En 2002, les 100 entreprises lesplus importantes en terme de dépen-ses de R & D ont réalisé 66 % des tra-vaux de R & D, ont employé 55 % deschercheurs et 56 % des effectifs totauxde recherche. 13 groupes français ontreprésenté à eux seuls la moitié desdépenses de recherche des entreprises(source : MENESR-DEP B3).

(27) UE-185, Japon-153 et États-Unis-288 réfèrent respectivement aux 185entreprises européennes, 153 entre-prises japonaises et 288 entreprisesaméricaines ayant un budget deR & D au moins supérieur à 51,6millions d’euros.

(28) IT = R & D/ratio de vente calculéen utilisant les secteurs des groupes 1à 5.

(29) Voir à ce sujet les remarques déjàformulées quant au choix de cetteproxy-variable.

(30) Sous réserve qu’aucun brevet nepeut être obtenu, c’est-à-dire ƒ(0) = 0.

Notes

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