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Radicaux libres oxygénés et antioxydants: aspects cliniques

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Page 1: Radicaux libres oxygénés et antioxydants: aspects cliniques

Nutr Clin Mbtabol 1997; 11:121-4

Radicaux fibres oxyg n s et antioxydants: aspects cliniques

B e r t r a n d Delafosse

Service d'Anesth6sie-R6animation, Pavilion N, H6pital Edouard-Herriot, Lyon.

Rdsum6

Une l~sion dite d'isch~mie-reperfusion est pr~sente au cours de diff~rentes affections ou lors de certains gestes chirurgicaux. A la phase d'isch~mie, et donc d'hypoxie cellulaire, sncc~de une reperfusion (on re- oxygenation) qui, paradoxalement, cr~e des l~sions cellulaires. II a ~t~ sugg~r~ que ces l~sions de reperfu- sion sont caus~es par des substances r~actives de l'oxyg~ne qui alt~rent les membranes cellulaires. Ces l~sions semblent major~es lorsque le malade pr~sente un d~ficit en substances antioxydantes. Ceci est parti- culi~rement vrai lors des transplantations h~patiques au cours desquelles on retrouve ~troitement associ~s un d~ficit en substances antioxydantes et une isch~- mie-reperfusion. Plusieurs travaux ont montr~ que des interventions th~rapeutiques par apport de vitamines et d'oligo-~l~ments antioxydants pouvaient limiter la peroxydation.

Mots cl~s : Antioxydants, greffe dbrgane, isch6mie-reperfusion, oligo-616ments, radicaux libres, vitamines.

Les 16sions dites d'isch6mie-reperfusion se rencon- trent au cours de diff6rentes situations, soit li+es fi l'affection initiale comme lors de bas d6bits vascu- laires (isch6mie intestinale, myocardique ou c6r6- brale par exemple), ou lors de 16sions li6es /t la chirurgie (transplantation d'organe). Les radicaux libres d6riv6s de l'oxyg~ne sont impliqu6s dans le m6canisme des 16sions tissulaires lors de la reperfu- sion.

Stress oxydatif et isch(~mie-reperfusion intestinale

Le sepsis et la d6faillance multivisc6rale sont les principales causes de morbidit6 et de mortalit6 dans les suites d'un traumatisme majeur ou d'un 6tat de choc. L'alt~ration de la barri6re muqueuse intesti- nale dans les suites d'un d6bit sanguin m6sent@ique bas est fr6quemment retrouv~e et semble respon-

Correspondance : Dr B. Delafosse, Service d'Anesth6sie-R6animation, Pavilion N, H6pital Edouard-Herriot, 69437 Lyon cedex 03. Regu le 18 d6cembre 1996, accept6 le 20 d~cembre 1996.

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B. DELAFOSSE

sable de translocations bact6riennes ou endotoxini- ques. Le m~canisme par lequel la barri~re intestinale est 16s6e parait ~tre en relation avec la production de radicaux libres d6riv~s de l'oxyg~ne qui pourraient alt6rer les fonctions cellulaires par une peroxydation lipidique des membranes cellulaires. Un mod61e experimental chez l 'animal confirme cette hypoth~se : une isch6mie intestinale d'une dur6e de 20 minutes suivie d'une reperfusion en- tra~ne une 616vation significative des concentrations plasmatiques de malondiald~hyde (MDA), t6moin de la lipoperoxydation des membranes cellulaires, et une ~16vation de la perm6abilit6 de la muqueuse intestinale [1].

Stress oxydatif, infarctus du myocarde et traitement par les substances antioxydantes

L'infarctus du myocarde repr6sente une 16sion ty- pique d'isch6mie-reperfusion. I1 est donc tentant de v6rifier si l 'utilisation de substances antioxydantes peut modifier l '6volution de la 16sion. Une 6tude randomis6e, en double aveugle, a compar6 le devenir de patients pr6sentant un infarctus du myocarde apr~s traitement par des vitamines antioxydantes (n = 63) v e r s u s placebo (n = 62) [2]. Dans cette btude, l ' appor t de substances ant ioxydantes se composait de vitamine A (50 000 UI/j), vitamine C (1000 rag/j), vitamine E (400 mg/j) et ~3-carot~ne (25 mg/j). Apr6s 28 jours on observait, dans le groupe de patients trait6s, un volume moindre de l'infarctus, une diminution plus importante des acti- vit~s des ASAT, et une fr6quence moindre d'6pisodes d'angor, d'arythmie ou de dysfonction ventriculaire gauche.

H6patopathies, transplantation hdpatique et stress oxydatif

D6ficit en substrats antioxydants

Un btat de d6nutrition s6v~re est fr6quemment re- trouv~ au cours des h6patopathies chroniques graves n6cessitant une transplantation h6patique. Des d6fi- cits en vitamines et en oligo-~16ments sont souvent associ6s/t la d6nutrition prot6ino-~nerg~tique. Dans une population de malades candidats fi une trans- plantation h6patique, le d6ficit en vitamines ou en oligo-616ments antioxydants est fr6quent : - d6ficit en r&inol (vitamine A) : 92 % des enfants et 93 % des adultes, -d~f ic i t en ~-tocoph6rol (vitamine E) : 6% des enfants et 22 % des adultes, -d6f ic i t en s616nium : 13% des enfants, 18% des adultes, - d6ficit en zinc : 42 % des enfants, 44 % des adultes.

Le d6ficit en r6tinol semble en relation avec l'exi- stence d'une hypertension portale et un trouble de la circulation lymphatique [3]. Ce d6ficit est particuli6- rement important chez les enfants pr6sentant une atr~sie des voies biliaires [4]. De m~me, le d~ficit en e-tocoph6rol est variable selon la pathologie initiale et retrouv6 chez 43% des patients pr6sentant une cirrhose biliaire primitive [5, 6]. Chez les patients pr~sentant une cirrhose d'origine 6thylique, le d~ficit en e-tocoph6rol est directement en relation avec la quantit6 quotidienne d'alcool ing6r~e [7]. D'autres d6ficits sont retrouv~s de fagon inconstante selon la cause de l 'atteinte h6patique comme le d6ficit en s~l~nium fr6quent chez l '6thylique [8, 9]. Enfin, l'~thylisme chronique est responsable d'une d~pl6- tion en glutathion [7]. La consommation chronique d'6thanol est associ6e/t une agression oxydative raise en 6vidence par une 616vation du malondiald6hyde (MDA) 6rythrocytaire ainsi que des hydroperoxydes lipidiques plasmatiques [7]. Les patients candidats fi une transplantation h~pa- tique pr6sentent donc fr6quemment un d6ficit impor- tant, voire majeur, en un ou plusieurs antioxydants.

Transplantation et agression radicalaire

Toute transplantation d'organe r&alise, au niveau du greffon, une isch6mie froide puis une isch~mie chaude plus ou moins longue suivie d'une reperfu- sion. Concernant plus sp6cifiquement la transplanta- tion h&patique, plusieurs m~canismes paraissent im- pliqu~s fi des degr~s divers au cours de ces 16sions d'isch~mie-reperfusion : soit l 'agression initiale se situe au niveau des cellules parenchymateuses par activation de la xanthine oxydase, soit elle est secon- daire fi une mauvaise revascularisation cons6cutive/t l'ced~me endoth61ial et interstitiel, soit enfin, l'acti- vation des polynucl6aires neutrophiles par l'interm~- diaire des cellules de Kiippfer stimule les r6actions inflammatoires conduisant/ t la mort cellulaire. Quel que soit le rble respectif de ces diff6rents m6canis- mes, il a 6t6 montr6 que le relargage de d~riv6s fortement oxydants lors de la reperfusion du greffon semblait en cause et que des interventions th6rapeu- tiques par administration d'antioxydants avaient un effet protecteur [10, 11]. De plus, le r61e efficace jou6 par les solutions de conservation d'organes conte- nant des substances antioxydantes [12] confirme la r6alit6 du stress oxydatif au cours de l'isch6mie- reperfusion de la transplantation d'organe.

Transplantation d'organes et administration d'antioxydants

Dans les suites imm6diates de la transplantat ion h~patique, il a 6t6 montr6 que la concentra t ion plasmatique de r6tinol, initialement basse, se corri-

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geait spontan6ment en deux /t trois semaines par relargage de r~tinol ~i partir du greffon [13]. Nous avons observ6 que la concentration plasmatique de r~tinol se corrigeait effectivement de faqon sponta- n6e en 3/t 4 jours mais la concentration plasmatique de son pr6curseur, le ~-carot6ne, s'effondre apr~s la transplantation et reste basse tant que le patient ne reprend pas sa nutrition orale, ou n'est pas suppl6- ment& De plus, la concentration plasmatique de vitamine E s'effondre au cours de la transplantation h6patique, ind6pendamment des pertes sanguines [14]. Ce ph6nom~ne peut ~tre expliqu~ par la consommation de ces substances impliqu~es dans la lutte anti-radicalaire lors de l'isch~mie-reperfusion du greffon. I1 a ainsi 6t6 montr6 au cours de trans- plantations h6patiques chez l 'homme que, d'une part, la capacit6 antioxydante du plasma diminuait significativement au cours de la reperfusion du gref- fon, et que, d'autre part, il existait une relation n6gative entre la capacit~ antioxydante du plasma avant la transplantation et la concentration plasma- tique de produits de l ipoperoxydation en fin de transplantation [151. Lors de la transplantation h6- patique, le syndrome de reperfusion se traduit fr6- quemment par un 6tat h6modynamique instable avec effondrement des r6sistances vasculaires syst6mi- ques ; ce trouble h~modynamique semble major6 chez les patients qui pr6sentent une concentration plasmatique initialement basse de vitamine E [16]. Plusieurs auteurs ont propos6 d'administrer des trai- tements antioxydants au cours de transplantations d'organe afin de limiter les peroxydations et leurs cons6quences. Au cours de la transplantation r~nale chez l'homme, l 'administration de vitamines A, B et C avant la reperfusion du greffon inhibe la produc- tion de malonyldiald~hyde, reflet des peroxydations lipidiques, et am61iore la rapidit6 de bonne fonction du greffon [17]. Toutefois, cet apport doit &re pr6- coce afin d'inhiber les peroxydations ; apport6 tardi- vement, il demeure sans effet puisque l'agression radicalaire a d6j/t eu lieu. Ainsi, il a 6t~ 6tabli lors de transplantation cardiaque chez le rat, que l'ap- port de vitamine E au cinqui6me jour n'apportait plus aucun b6n6fice [18]. Lors de la transplantation h~patique, l 'apport d'un pr~curseur du glutathion, la N-ac6tyl cyst~ine, a d6montr~ un effet protecteur [19]. Cet effet est ob- tenu sur le greffon en isch~mie froide au niveau des cellules de Ktippfer qui sont la source principale de radicaux libres.

Re]et de greffe et antioxydants

Les processus immunologiques en cause lors du rejet de greffe sont class6s en trois groupes : les facteurs aff6rents responsables de la pr6sentation de l'anti- g6ne et de sa reconnaissance, les facteurs centraux

responsables de la diff6renciation et de la prolifera- tion cellulaire ainsi que de la production de lympho- kines et d'antig~nes, et enfin les effecteurs du syst~me immunitaire sur le greffon afin de d6truire ce dernier. Plusieurs travaux ont mis en ~vidence l'importance de l'agression oxydante li~e au syst~me immunitaire dans les dommages inflig6s au greffon. Deux anti- oxydants se sont r~v61~s efficaces dans la pr6vention de ce dommage : il s'agit de l'acide ascorbique (vi- tamine C) et de l'~-tocoph6rol (vitamine E). Ainsi, lors de transplantation cardiaque chez le rat, l'acide ascorbique utilis~ en l'absence de toute autre th~ra- peutique am61iore significativement la dur6e de sur- vie du greffon ; en association avec la ciclosporine, l'acide ascorbique et l 'a-tocoph6rol potentialisent l'effet immunosuppresseur de cette molecule [20].

Conclusion

De nombreux travaux confirment l'existence d'une atteinte peroxydative lors des l~sions d'isch6mie-re- perfusion. Cette atteinte parait plus s6v~re lorsque le malade pr~sente un d~ficit en substrats antioxydants. Enfin, plusieurs &udes tant exp~rimentales que cli- niques font ~tat d 'un effet b~n6fique de l'apport de substances antioxydantes au cours de cette situation.

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