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555 Arch Mal Prof Env 2007 © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Actualités N O T E T E C H N I Q U E Radioprotection du personnel dans un service de médecine nucléaire X. Castagnet 1 M. Mantzarides 2 P. Laroche 1 H. Foehrenbach 2 1. Service de protection radiologique des armées, 1 bis rue Batany, 92 140 Clamart 2. Hôpital d’instruction des armées du Val de Grâce, 74 bd de Port Royal, 75 230 Paris. Correspondance : X. Castagnet, à l’adresse ci-dessus. E.mail : [email protected] Summary Purpose of the study Medical workers represent in France a majority of the population exposed to artificial ionizing radiation: medical applications of ionizing radiations employ more than 100,000 people, on a total of approxi- mately 210,000 workers occupationally exposed. Results The most important doses, about a few mSv, are recorded in nuclear medicine departments. The per- sonnel is confronted with an external exposure risk when using radioactive molecules and during the performance of conventional imaging examinations, and with a contamination risk by handling unsealed sources. Internal radiotherapy, which has been restricted to thyroid cancer for a long time, was recently extended to many of other types of cancers because of the availability of new vectors and new radionuclides. All these technological developments have an implication in radiation protection with regard to nuclear medicine personnel exposure. Discussion Radiation protection is based on census of risk situa- tions, evaluation of expected doses, workplace stud- ies, optimization of exposures and practices. They lead to the categorization of personnel and involve radiological zoning according to the radiological risk, and improvement of practices. Occupational expo- sure surveillance is made by external dosimetry, radi- ochemical analysis and individual medical survey, adapted to each working station. Generalization of ring dosimeters is essential to better monitor to the finger doses. Radiation protection in a nuclear medicine department Arch Mal Prof Env 2007; 68: 555-565 Key-words: Radiation protection, nuclear medicine, contamination, irradiation. Mots-clés : Radioprotection, médecine nucléaire, contamination, irradiation. Résumé Objectifs de l’étude Le personnel du milieu médical représente en France la majeure partie des travailleurs exposés aux rayon- nements ionisants d’origine artificielle : les applica- tions médicales des rayonnements ionisants emploient plus de 100 000 personnes, sur un total d’environ 210 000 travailleurs soumis à une exposition d’origine professionnelle. Résultats Les doses les plus importantes, de l’ordre de quelques mSv, sont enregistrées dans les services de médecine nucléaire. Le personnel y est confronté à un risque d’exposition externe lors de l’utilisation des molécules marquées et lors de la réalisation des examens radio- logiques conventionnels, et à un risque de contamina- tion par la manipulation des sources non scellées. La radiothérapie interne, longtemps limitée au cancer thyroïdien, s’est étendue à beaucoup d’autres types de cancers du fait de la disponibilité de nouveaux vec- teurs et de nouveaux radionucléides. Toutes ces évolu- tions technologiques ont une implication en radioprotection en ce qui concerne l’exposition du personnel de médecine nucléaire. Discussion Les mesures de protection radiologique à adopter reposent sur le recensement des situations à risque, l’évaluation prévisionnelle des doses, l’étude du poste de travail, l’optimisation des expositions et des prati- ques. Elles aboutissent à la catégorisation du person- nel, à l’aménagement des locaux en fonction du risque radiologique et à l’amélioration des pratiques. La sur- veillance de l’exposition professionnelle se fait par la dosimétrie externe, la radiotoxicologie et une sur- veillance médicale adaptée à chaque poste de travail. La généralisation du port d’un dosimètre sur bague est indispensable pour mieux surveiller les doses distri- buées aux doigts.

Radioprotection du personnel dans un service de médecine nucléaire

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555 Arch Mal Prof Env 2007© 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

ActualitésN O T E T E C H N I Q U E

Radioprotection du personnel dans un service de médecine nucléaire

X. Castagnet1 M. Mantzarides2 P. Laroche1 H. Foehrenbach2

1. Service de protection radiologique des armées, 1 bis rue Batany, 92 140 Clamart

2. Hôpital d’instruction des armées du Val de Grâce, 74 bd de Port Royal, 75 230 Paris.

Correspondance : X. Castagnet, à l’adresse ci-dessus.

E.mail : [email protected]

Summary

Purpose of the studyMedical workers represent in France a majority of thepopulation exposed to artificial ionizing radiation:medical applications of ionizing radiations employmore than 100,000 people, on a total of approxi-mately 210,000 workers occupationally exposed.

ResultsThe most important doses, about a few mSv, arerecorded in nuclear medicine departments. The per-sonnel is confronted with an external exposure riskwhen using radioactive molecules and during theperformance of conventional imaging examinations,and with a contamination risk by handling unsealedsources. Internal radiotherapy, which has beenrestricted to thyroid cancer for a long time, wasrecently extended to many of other types of cancersbecause of the availability of new vectors and newradionuclides. All these technological developmentshave an implication in radiation protection withregard to nuclear medicine personnel exposure.

DiscussionRadiation protection is based on census of risk situa-tions, evaluation of expected doses, workplace stud-ies, optimization of exposures and practices. Theylead to the categorization of personnel and involveradiological zoning according to the radiological risk,and improvement of practices. Occupational expo-sure surveillance is made by external dosimetry, radi-ochemical analysis and individual medical survey,adapted to each working station. Generalization ofring dosimeters is essential to better monitor to thefinger doses.

Radiation protection in a nuclear medicine departmentArch Mal Prof Env 2007; 68: 555-565

Key-words: Radiation protection, nuclear medicine, contamination, irradiation.

Mots-clés : Radioprotection, médecine nucléaire, contamination, irradiation.

Résumé

Objectifs de l’étudeLe personnel du milieu médical représente en Francela majeure partie des travailleurs exposés aux rayon-nements ionisants d’origine artificielle : les applica-tions médicales des rayonnements ionisants emploientplus de 100 000 personnes, sur un total d’environ210 000 travailleurs soumis à une exposition d’origineprofessionnelle.RésultatsLes doses les plus importantes, de l’ordre de quelquesmSv, sont enregistrées dans les services de médecinenucléaire. Le personnel y est confronté à un risqued’exposition externe lors de l’utilisation des moléculesmarquées et lors de la réalisation des examens radio-logiques conventionnels, et à un risque de contamina-tion par la manipulation des sources non scellées.La radiothérapie interne, longtemps limitée au cancerthyroïdien, s’est étendue à beaucoup d’autres types decancers du fait de la disponibilité de nouveaux vec-teurs et de nouveaux radionucléides. Toutes ces évolu-tions technologiques ont une implication enradioprotection en ce qui concerne l’exposition dupersonnel de médecine nucléaire.DiscussionLes mesures de protection radiologique à adopterreposent sur le recensement des situations à risque,l’évaluation prévisionnelle des doses, l’étude du postede travail, l’optimisation des expositions et des prati-ques. Elles aboutissent à la catégorisation du person-nel, à l’aménagement des locaux en fonction du risqueradiologique et à l’amélioration des pratiques. La sur-veillance de l’exposition professionnelle se fait par ladosimétrie externe, la radiotoxicologie et une sur-veillance médicale adaptée à chaque poste de travail.La généralisation du port d’un dosimètre sur bague estindispensable pour mieux surveiller les doses distri-buées aux doigts.

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ans les premières années qui suivirent ladécouverte des rayons X par Röentgen (1895),les applications médicales des rayonnements

ionisants connurent un développement rapide : ils ontété utilisés dès juillet 1896 pour effectuer des examensradioscopiques et pour soigner de nombreuses affec-tions. Par méconnaissance des dangers auxquels ilsétaient exposés, les professionnels de l’utilisationmédicale des rayons développèrent rapidement un cer-tain nombre de pathologies radioinduites : radiodermi-tes aiguës et chroniques, cataractes, leucémies, cancerscutanés. Pour la première fois en 1911, la littératurescientifique mentionne une association possible entreles rayonnements et la leucémie. En 1928, la Commis-sion internationale de protection contre les rayonne-ments X et le radium, ancêtre de la Commissioninternationale de protection radiologique (CIPR), émetles premières recommandations visant à réglementerl’exposition professionnelle aux rayonnements ioni-sants. Depuis cette époque, au fur et à mesure desdécouvertes en radiobiologie et de la généralisation del’utilisation des radiations ionisantes, la dose maximaleannuelle admissible chez le travailleur exposé n’a cesséde diminuer. Si les premières limites avaient pour butd’éviter les effets déterministes des radiations, les nor-mes actuelles restreignent l’exposition professionnelleau domaine des très faibles doses. Dans le cadre del’exposition habituelle au poste de travail, l’objectif està présent de prévenir la survenue des effets stochasti-ques. Les mesures de radioprotection se sont progressi-vement étendues au public, à l’environnement etnaturellement aux patients exposés à des fins médicales.De nos jours les bilans dosimétriques du personnelmédical montrent que plus de 95 % des doses efficacesà l’organisme entier sont inférieures à la limite de dosetolérée pour le public (1 mSv par an). Les doses les plusimportantes, de l’ordre de quelques mSv, sont enregis-trées dans les services de cardiologie interventionnelleet de médecine nucléaire. En effet, si, en raison del’évolution des matériels et des pratiques, les doses sontmaintenant négligeables en radiodiagnostic, ces deux

spécialités exigent une surveillance attentive des prati-ciens. La surveillance de leur exposition doit reposersur une dosimétrie corps entier (dosimètre thoracique)complétée si nécessaire par une dosimétrie « extrémité »(dosimètre au poignet ou sur bague).Le personnel de médecine nucléaire est confronté à undouble risque d’exposition externe et de contamina-tion, du fait du mode de mise en œuvre des rayonne-ments ionisants dans cette discipline. Cet articledétaille les risques, ainsi que les modalités de la sur-veillance de l’exposition et les mesures de radioprotec-tion à mettre en œuvre.

Les risques pour le personnel de médecine nucléaire

Schématiquement tout acte de médecine nucléairecomporte l’injection à un patient, à des fins diagnosti-ques d’imagerie, d’un traceur associant un marqueurradioactif et un vecteur moléculaire dont les propriétésconditionnent son comportement in vivo. Le marquageradioactif permet la détection externe de la moléculeporteuse et la réalisation d’une image de sa distributiondans l’organisme. Les caractéristiques biochimiques dutraceur peuvent aboutir à une accumulation préféren-tielle au sein d’un tissu ou d’un organe, permettantalors son utilisation à visée thérapeutique. Dans ce cas,la quantité de traceur injectée est plus importante.Les rayonnements émis par les traceurs sont électroma-gnétiques, principalement gamma d’origine nucléaire,ou électroniques (émission bêta ou électron Auger defaible énergie). Les électrons émis par les atomesradioactifs parcourent une distance très courte dans lamatière. Ils déposent une dose importante localementmais n’entraînent pas d’irradiation significative à dis-tance. Les rayonnements électromagnétiques sont seu-lement atténués par la matière. Ils sont à l’origine d’uneplus faible irradiation locale et transforment l’organeau sein duquel ils sont présents en source de radiationsionisantes.

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ConclusionThe level of personnel exposure remains neverthelessmuch lower than the regulatory limits. The only bio-logical effects of ionising radiations to be feared arestochastic by nature: radiation-induced solid cancersor leukemias.

ConclusionLe niveau d’exposition du personnel reste néanmoinstrès inférieur aux limites réglementaires. Les seulseffets biologiques des rayonnements à redouter sontstochastiques par nature : cancers solides ou leucé-mies.

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Les radionucléides les plus utilisés en médecinenucléaire sont le technétium (émetteur gamma) etl’iode (émetteur bêta et gamma) en application dia-gnostique courante, et le fluor 18 (émetteur bêta etphotons d’annihilation) en tomographie par émissionde positons (TEP). La période physique de ces radionu-cléides, de quelques heures à quelques jours, combinéeà une période biologique également courte du traceur,permet de diminuer au maximum l’exposition dupatient et donc du personnel.L’essentiel des dispositions réglementaires actuellesconcerne ces trois marqueurs, même si d’autres radio-nucléides sont utilisés quotidiennement.Le tropisme spécifique du vecteur moléculaire pour unorgane ou une fonction biologique conditionne sonutilisation. Si l’iode 123 peut être utilisé seul pourl’exploration de la thyroïde, un même radionucléide, letechnétium 99m, peut être associé à diverses moléculespour obtenir des images osseuses, cardiaques, pulmo-naires ou rénales. Depuis quelques années, des systè-mes hybrides TEP/scanner permettent de fusionner lesimages fonctionnelles de la TEP avec les images anato-miques du scanner, pour un meilleur diagnostic. Cettetechnologie nécessite la production de fluor 18 dans uncyclotron. Le 18F-fluorodésoxyglucose est actuellementle seul traceur utilisé, pour le bilan d’extension initialde plusieurs types de cancers relativement fréquents(poumon, colon, lymphomes malins…) ou pour le bilanprécoce de l’efficacité d’un traitement anticancéreux.Le personnel du service de médecine nucléaire estexposé à un risque d’exposition externe et à un risquede contamination.

Le risque d’exposition externe

Exposition externe due au traceur radioactifC’est le risque principal, surtout si le même technicienprépare l’injection de la molécule marquée et surveillele bon déroulement de l’examen : prélèvement dans laseringue, transport au chevet du patient, injection aumalade et surveillance pendant l’examen, puis accom-pagnement du patient dans la salle d’attente« chaude ». Les activités injectées peuvent être trèsimportantes : 5 à 8 MBq/kg de [18F]-FDG soit 350 à600 MBq pour un examen de tomographie par émis-sion de positons par exemple.Le problème de l’exposition externe doit être considéréd’un double point de vue.Le premier est celui de l’exposition des extrémités lorsde la manipulation des sources et lors de l’injection aupatient. L’exposition la plus importante a lieu pendant

la phase de préparation et d’injection de la moléculemarquée (1). C’est une des circonstances où l’une deslimites de dose réglementaire peut être atteinte, non pasla limite « corps entier » mais la limite « peau etextrémités » : la dose équivalente cumulée par certainsdoigts peut dépasser annuellement, dans certaines con-ditions, les 3/10 de la limite « extrémités ». Dans le cadrede la TEP, l’utilisation du fluor 18 est en pleine expan-sion, mais d’autres émetteurs de positons, de périodeplus longue, seront disponibles dans un avenir proche :le cuivre 64 (période de 12 heures), l’iode 124 (périodede 4,1 jours), l’yttrium 86 (période de 15 heures). Eneffet la période du fluor 18 (1,83 heure) ne convient pasau marquage de vecteurs à cinétique lente, qui mettentdavantage de temps à se distribuer dans leur cible. Maisces nouveaux radionucléides posent un problème enradioprotection du fait d’une émission concomitante dephotons gamma de haute énergie.Le second point de vue est celui de l’exposition ducorps du manipulateur par le patient lui-même. Cetteexposition survient de façon significative en cas deproximité étroite avec le patient, lors de l’installationsous la caméra ou lors d’actions comme le brancardagede malades à mobilité réduite. Elle est presque nullelors de la phase de réalisation de l’examen lui-mêmequi s’effectue à distance derrière un paravent plombé.Le risque est fonction de la nature et de la quantité deradionucléide utilisé. Les émetteurs gamma de basseénergie comme le technétium 99m (140 keV) sont res-ponsables d’une dose négligeable pour le techniciendès lors qu’il se trouve à plus d’un mètre du patient.Dans le cas des émetteurs gamma à haute voire trèshaute énergie (360 keV pour l’iode 131 et 511 keV pourles photons d’annihilation des positons), le débit dedose peut atteindre un niveau important, atténué par lepositionnement du technicien derrière un paraventplombé adapté à l’énergie.Le tableau I indique le débit d’exposition à 1 mètre dupatient, après injection de radionucléides à visée théra-peutique ou diagnostique (2).Les débits de dose instantanés peuvent atteindre, aprèsl’injection, des valeurs élevées. Ces résultats doiventattirer l’attention sur le fait qu’un séjour prolongé àproximité des malades n’est pas anodin.

Exposition externe par les examens radiologiquesanatomiquesIl s’agit de l’exposition au scanner couplé à la caméra TEPou TEMP (tomographie par émission mono-photonique)afin d’associer une référence anatomique à l’imageobtenue par scintigraphie. L’acquisition des images parle scanner est généralement effectuée avant celle de la

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scintigraphie. Les données obtenues servent en premierlieu à corriger les images scintigraphiques du phéno-mène de l’atténuation des rayonnements exercée parles tissus du patient.Les conditions d’exposition aux rayonnements sontbien connues du personnel et le respect des bonnespratiques permet de se protéger simplement. L’exposi-tion est négligeable car la plupart des acquisitions sontréalisées quand le personnel est à distance, protégé parune vitre plombée. Quand certains examens imposentla présence d’un technicien auprès du patient, il peutêtre protégé par un tablier plombé en fonction du typeet de l’énergie du rayonnement. Il n’est alors exposéqu’à un très faible débit de dose de rayonnement dif-fusé (10 µGy par coupe à 1 mètre du centre del’anneau). Les bilans annuels d’exposition des opéra-teurs affectés en permanence au scanner ne montrentque des niveaux de doses très modestes, de l’ordre dequelques dixièmes de millisievert (3).

Le risque de contamination interne

Le tableau II précise les caractéristiques des principauxradionucléides utilisés en médecine nucléaire en sour-ces non scellées pour le diagnostic in vivo. Lors desphases successives de préparation et d’administrationau patient, le personnel peut se contaminer accidentel-lement par inhalation ou par blessure, exceptionnelle-ment par ingestion. Ces circonstances de contaminationsont à l’origine des règles d’hygiène et de comporte-ment strictes dans les zones à risque : interdiction des’alimenter, de fumer…

Contamination par inhalationCertains examens sont réalisés en faisant inhaler untraceur radioactif au patient. Dans le cas de l’utilisationdu technétium 99m pour le diagnostic d’embolie pul-

monaire, cet examen se déroule dans des conditionsd’urgence sur des victimes souvent âgées et en diffi-culté respiratoire. L’examen est difficile et l’atmosphèredu local où se déroule l’épreuve est généralement con-taminée par l’exhalation des patients. Le personnel àproximité du malade peut donc se contaminer par lavoie respiratoire, au cours du déroulement normal d’unexamen, ou bien accidentellement lors des phases depréparation ou d’injection des molécules marquées.Si un flacon d’iode se brise, par exemple, le liquidecontamine la surface de travail ; très volatil, le produitse disperse alors dans l’atmosphère et contamine tousles occupants du local.

Contamination par blessureLors de chaque manipulation, tous ces éléments pré-sentent un risque potentiel d’accident pour le person-nel, qui est susceptible de se blesser.L’utilisation de ces radionucléides génère des déchetscontaminés dont la gestion doit être rigoureuse : lesdiverses manipulations pour leur conditionnementavant élimination sont une cause supplémentaire decontamination.

Les mesures de protection radiologique

L’organisation de la radioprotection dans le service

Le chef de service est responsable de l’organisation dela radioprotection. Il dispose de trois interlocuteurs

Tableau I : Débit d’exposition à 1 m du patient après injectionde radionucléides.

Examen Radio nucléide Activité administrée

Débit d’exposition

à 1 m

Thérapie anti-cancéreuse

Iode 131 3 700 MBq 240 µSv/h

Diagnostic des tumeurs

Fluor 18 500 MBq 80 µSv/h

Traitement de la thyroïde

Iode 131 400 MBq 26 µSv/h

Scintigraphie osseuse

Technétium 99m 800 MBq 18 µSv/h

Tableau II : Caractéristiques des principaux radionucléidesutilisés en sources non scellées pour le diagnostic in vivo.

Radionucléides Période Principales émissions

Carbone 11 20 min Bêta et photon d’annihilation

Cuivre 64 12 h Bêta et photon d’annihilation

Fer 59 44,5 j Bêta et gamma

Fluor 18 1,83 h Bêta et photon d’annihilation

Gallium 67 3,26 j Gamma

Iode 123 13,2 h Gamma

Iode 124 4,1 j Bêta et photon d’annihilation

Iode 131 8,2 j Bêta et gamma

Krypton 85m 4,47 h Gamma

Technétium 99m 6 h Gamma

Thallium 201 3,04 j X, gamma

Xénon 133 5,2 j Bêta et gamma

Yttrium 86 15 h Bêta et photon d’annihilation

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privilégiés : la personne compétente en radioprotec-tion, la personne spécialisée en radiophysique médicaleet le médecin de prévention de l’établissement.La personne compétente en radioprotection (PCR) est leresponsable technique du chef de service en matièrede radioprotection. Ses rôles sont définis par le code dutravail (articles R 231-73 à R 231-116) et son action estfondamentale dans l’évaluation des risques pour le per-sonnel à travers quatre missions principales.

Le recensement des situations à risqueChaque poste de travail est étudié en fonction des dan-gers encourus par le personnel. Cela permet de définirpour chaque type d’opération des objectifs de dose col-lective et individuelle. La PCR s’assure ensuite de leurrespect.

L’évaluation prévisionnelle des dosesElle résulte de calculs réalisés à partir de données théo-riques (paramètres des installations, circonstance etrythme d’utilisation), et des résultats des mesuresréalisées : surveillance des ambiances, résultats desdosimétries individuelle passive et opérationnelle.

L’étude du poste de travailElle décrit concrètement les conditions d’exposition dupersonnel vis-à-vis des rayonnements ionisants :nature du travail effectué, risque d’exposition externe,de contamination, caractéristiques des radionucléidesmanipulés, activités injectées, durée d’exposition. Tousces risques, sans oublier les nuisances chimiques, bio-logiques ou organisationnelles, sont résumés dans une« fiche d’exposition et de nuisances ».

L’optimisation des expositions et des pratiquesLe recensement des situations à risque, l’évaluationprévisionnelle des doses et l’étude approfondie des pos-tes de travail permettent de préciser les circonstancesréelles d’exposition et de mettre en place des moyensde surveillance, de protection et de prévention adap-tées. Le personnel est catégorisé en fonction du risqueauquel il est exposé au cours de son activité habituelle.Le service est organisé en zones radiologiques régle-mentées qui conditionnent la qualité de la surveillancede l’exposition.La PCR est secondée par la personne spécialisée enradiophysique médicale (PSRPM), imposée réglemen-tairement depuis 2004 dans chaque structure utilisantdes rayonnements ionisants à des fins médicales (arrêtédu 19 novembre 2004 relatif à la formation, aux

missions et aux conditions d’intervention des person-nes spécialisées en radiophysique médicale). La PSRPMs’assure que les équipements, les données et les procé-dés de calcul utilisés pour déterminer et délivrer lesdoses et les activités administrées au patient sontappropriés et utilisés conformément à la réglementa-tion. Elle contribue à l’élaboration des conseils deradioprotection et estime les doses pour l’entourage etle public après un examen.Le rôle du médecin de prévention est d’éviter toutealtération de la santé des travailleurs du fait des condi-tions de travail, en effectuant des examens médicaux etdes actions sur le milieu de travail. Il participe à l’amé-lioration des conditions de vie et de travail, à l’adapta-tion des postes et des rythmes de travail. Il a un rôlefondamental dans la prévention et l’éducation sanitaireen rapport avec l’activité professionnelle. Dans ledomaine des rayonnements ionisants il collabore étroi-tement avec les deux personnes précitées : à partir del’étude de poste réalisée par la PCR, des évaluationsprévisionnelles des doses, des résultats de la sur-veillance dosimétrique mais surtout de sa propre con-naissance des situations de travail (tiers-temps), iloriente la visite médicale d’aptitude et peut faire réali-ser les examens complémentaires de son choix.

La catégorisation du personnel

Le travail réalisé par la PCR aboutit à la catégorisationdu personnel, en fonction de la dose susceptible d’êtreatteinte annuellement.La dose efficace corps entier reçue par le personnelprofessionnellement exposé ne doit pas dépasser20 millisieverts (mSv) sur 12 mois consécutifs. Des limi-tes de doses équivalentes aux extrémités ou pour cer-tains organes sont également fixées réglementairement.Le tableau III indique les doses maximales admissiblessur 12 mois consécutifs pour les travailleurs majeurs

Tableau III : Doses maximales admissibles professionnellementpar exposition externe et interne sur 12 mois consécutifs.

Personnel de la catégorie A

Personnel de la catégorie B

Public

Dose efficace corps entier

20 mSv 6 mSv 1 mSv

Dose équivalente à la peau (sur 1 cm2)

500 mSv 150 mSv 50 mSv

Dose équivalente aux extrémités *

500 mSv 150 mSv 50 mSv

Dose équivalente au cristallin

150 mSv 50 mSv 15 mSv

* mains, avant-bras, pieds et chevilles.

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exposés aux rayonnements ionisants pour chaquecatégorie de personnel, et pour le public. Elles consti-tuent des limites d’exposition.Une personne susceptible de recevoir, dans les condi-tions habituelles de travail, une dose supérieure auxtrois dixièmes d’une des limites d’exposition est classéedans la catégorie A.Les autres travailleurs exposés aux rayonnements ioni-sants sont classés dans la catégorie B. Les femmesenceintes et les étudiants mineurs sont systématique-ment classés en catégorie B.La justification de cette catégorisation est importantecar elle conditionne le rythme de la surveillancedosimétrique : mensuelle pour la catégorie A et trimes-trielle pour la catégorie B.Les résultats de la surveillance dosimétrique du person-nel de médecine nucléaire (dosimètres passifs de poi-trine) montrent que les doses efficaces annuelles reçuespar l’organisme entier sont en moyenne de l’ordre de 4à 8 mSv, très inférieures à la dose maximale admissible.Cependant des études ont montré, notamment parmi lesmanipulateurs TEP, que, pour le même examen réalisé,l’écart enregistré entre un dosimètre de poitrine et undosimètre digital peut varier d’un facteur 100 (4). Ainsila dose aux extrémités est nettement sous-estimée parle dosimètre de poitrine. En médecine nucléaire, l’expo-sition de la main est difficilement évitable lors des pha-ses de préparation et d’injection des moléculesmarquées par les radionucléides. Dans certaines cir-constances, certains doigts pourraient cumuler ainsiune dose annuelle importante, au-delà des 3/10 de lalimite « extrémités ». La surveillance de l’exposition desextrémités des manipulateurs avec des dosimètresbagues doit se généraliser. La rotation du personnel auxdifférents postes et l’utilisation de matériel adapté(porte seringue en tungstène, écrans plombés) contri-buent à répartir la dose et éviter de telles expositionsindividuelles.En pratique, dans le service de médecine nucléaire, lestechniciens et les manipulateurs préparant et injectantles molécules marquées sont susceptibles de dépassertrois dixièmes de la limite annuelle « peau » et « extré-mités ». Ils relèvent donc de la catégorie A. Le person-nel non technicien susceptible d’approcher despatients injectés doit appartenir à la catégorie B. Lereste du personnel (secrétaires, entretien) est traitécomme le public.

L’aménagement des locaux de travail

Le chef de service fait délimiter les espaces de travail enfonction des risques et des doses susceptibles d’être

reçues par son personnel. Ce travail est de la responsabi-lité de la personne compétente en radioprotection, encollaboration étroite avec le médecin de prévention. Il estindispensable et repose sur l’analyse des caractéristiquesdes sources, les résultats des contrôles techniques deradioprotection et les contrôles techniques d’ambianceréglementaires. Il doit correspondre au matériel et auxméthodes de travail en vigueur dans le service. Un docu-ment, interne au service, présente la démarche qui a per-mis d’établir la délimitation de ces zones. Il est à ladisposition des agents de contrôle de l’Autorité de sûreténucléaire et des représentants du personnel.Sur le modèle des zones radiologiques réglementées,l’idéal est de pouvoir séparer géographiquement le ser-vice de médecine nucléaire en trois parties distinctes(arrêté du 15 mai 2006 relatif aux conditions de déli-mitation et de signalisation des zones surveillées etcontrôlées et des zones spécialement réglementées ouinterdites compte tenu de l’exposition aux rayonne-ments ionisants, ainsi qu’aux règles d’hygiène, desécurité et d’entretien qui y sont imposées) :- une zone publique destinée à l’accueil des patientsavant la réalisation des examens : secrétariat, bureauxdes médecins, vestiaires froids du personnel, salled’attente et sanitaires froids ;- une zone surveillée dans laquelle pénètrent le per-sonnel et les patients concernés par les examens demédecine nucléaire : vestiaires chauds du personnel,salles d’examens et d’imagerie (hors TEP), salled’attente et sanitaires chauds ;- une zone contrôlée qui regroupe les locaux directe-ment concernés par la manipulation et l’injection desradionucléides : salle de réception des molécules mar-quées, salle de préparation des injections, salle d’injec-tion, local TEP-scanner, local de stockage des déchets.Une délimitation continue, visible et permanente doitpermettre de distinguer les différentes zones. La limited’une zone coïncide généralement avec les parois dulocal, mais un zonage spécifique peut être limité à unespace de travail défini (par exemple l’intérieur de lahotte de préparation des injections). Chaque accès enzone réglementée est signalé par un panneau (picto-gramme) spécifique du risque radiologique dans lelocal (irradiation et/ou contamination). Si l’émission derayonnements n’est pas continue, la zone peut êtreintermittente. Dans ce cas un dispositif lumineux inter-dit tout accès fortuit au local. À l’arrêt de l’émission derayonnements, si, et lorsque toute irradiation parasiteest exclue, la délimitation de la zone est suspenduetemporairement.À l’intérieur de chaque zone, les sources de rayonne-ments font l’objet d’une signalisation spécifique, visible

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et permanente. Les mesures d’urgence radiologique àappliquer en cas d’incident ou accident font l’objetd’un affichage spécifique qui précise également lescoordonnées de la PCR et du médecin de prévention.Les zones relatives au risque de contamination internefont l’objet de dispositions spécifiques :- les vestiaires affectés au personnel comportent deuxaires distinctes : l’une, dite froide, est réservée auxvêtements de ville ; l’autre, dite chaude, concerne lesvêtements de travail. Ces vestiaires comportent dou-ches et lavabos. Il est procédé régulièrement à la vérifi-cation de l’absence de contamination de ces locaux,des frottis peuvent être réalisés (attention aux boutonsde porte !) ;- les zones présentant un risque de contamination(salle de préparation des injections, local de stockagedes déchets) sont équipées de contaminamètres pour lecontrôle radiologique du personnel et des surfaces detravail. Les sondes doivent être adaptées aux caracté-ristiques des radionucléides utilisés. En cas d’incident,ce matériel permet de baliser la zone contaminée et des’assurer de l’absence de contamination des interve-nants en sortie de salle ;- le chef de service prend des dispositions pour inter-dire l’introduction de tout ce qui peut favoriser unecontamination par ingestion ou inhalation : il estinterdit de manger, boire ou fumer dans de telles zones.Tous les personnels susceptibles d’intervenir dans leszones radiologiques (y compris le personnel d’entre-tien) doivent bénéficier d’une formation à la radiopro-tection renouvelée périodiquement et en tout état decause au moins tous les trois ans. Ceux travaillant enzone contrôlée doivent recevoir une notice rappelantles risques particuliers liés au poste de travail, les règlesde sécurité applicables et les instructions à suivre encas de situation anormale.La ventilation et l’évacuation des effluents doivent êtreadaptées au mieux, compte tenu des contraintes finan-cières et de la structure du bâtiment. L’idéal est d’avoirune ventilation en dépression dans les locaux à risquede dispersion accidentelle des radionucléides des sour-ces non scellées. Un dispositif particulier d’aspirationdoit être mis en place pour récupérer les gaz radioactifsexhalés par le patient lors des examens de ventilationpulmonaire.Une attention particulière doit être portée aux modali-tés de collecte et d’élimination des déchets et deseffluents radioactifs. Des cuves dédiées doivent collec-ter tous les effluents liquides contaminés de périodeproche ; elles seront vidées après un temps de décrois-sance. Chaque déchet solide doit suivre une filière destockage et d’élimination individualisée : dans la

mesure du possible il faut regrouper les déchets conta-minés par des radionucléides de périodes comparables.L’évaluation prévisionnelle des doses, confrontée auxrésultats de l’étude des postes de travail, aboutit àl’établissement d’un zonage radiologique en fonctiondu niveau d’exposition externe et/ou interne, qui con-ditionne directement la qualité de la surveillance del’exposition du personnel. Pour contribuer efficace-ment à l’optimisation de l’exposition du personnel, lezonage radiologique doit refléter le plus fidèlementpossible les risques d’exposition au travail, sansentraîner pour le chef de service des dépenses inutilesrelatives à une surveillance abusive par dosimétrieopérationnelle.

L’amélioration des pratiques

L’analyse des conditions de travail dans le service et lerecensement des situations à risques, réalisés par lapersonne compétente en radioprotection en collabora-tion avec le médecin de prévention, doivent aboutir àune réflexion générale sur la justification de l’exposi-tion du personnel mais aussi des patients et sur l’opti-misation des pratiques.

Diminution du temps passé au contact des patients injectésEn effet, une fois le traceur marqué injecté, le patientdevient une source de rayonnements. L’injection nedoit avoir lieu qu’après des explications détaillées aupatient concernant l’acte en lui-même, les doses reçueset les conséquences éventuelles de l’injection sur lespersonnes de son entourage, surtout en cas d’injectionde radionucléide à visée thérapeutique : réduire letemps de présence avec les proches pendant quelquesheures, éviter les contacts avec les enfants…

Distance maximale par rapport à la sourceL’exposition varie en fonction de l’inverse du carré dela distance à la source. Pour le personnel, il est indis-pensable de privilégier la télémanipulation, le fraction-nement voire l’injection automatique des doses, etl’éloignement du patient après l’injection.

Interposition d’écrans entre la source et le personnelDes écrans mobiles peuvent être utilisés. La préparationinjectable doit être transportée jusqu’au patient dansdes porte-seringues en tungstène, voire dans des cha-riots de transport.

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Choix de l’activité injectéeC’est un compromis entre la quantité (et donc les ris-ques) de radionucléide manipulé et le temps de lamesure, qui conditionne directement la qualité del’image obtenue. En augmentant la quantité de radio-nucléide injecté, la dose distribuée au patient, voire aupersonnel, est plus élevée. Il faut faire des choix afin decontraindre l’activité utilisée tout en préservant la qua-lité de l’information scintigraphique produite. Certainsexamens de médecine nucléaire font l’objet d’un relevédes activités réellement administrées (arrêté du12 février 2004 relatif aux niveaux de référence enradiologie et médecine nucléaire). Il s’agit de niveauxindicateurs servant de guides pour harmoniser entre lesdifférents centres les doses délivrées par des examensidentiques, afin d’optimiser l’exposition du patient etdonc indirectement celle du personnel.

Le choix du radionucléide et du matériel utilisésLe type de rayonnement émis est un paramètre fonda-mental de l’optimisation de l’exposition (5). Le choixde tel ou tel radionucléide peut la réduire significati-vement : le remplacement de l’iode 131 (émetteurgamma 360 keV et bêta 600 keV, période de 8,2 jours)par de l’iode 123 (émetteur gamma 170 keV, périodede 13,2 heures) par exemple. Le technétium 99m (émet-teur gamma de 140 keV, période de 6 heures) peut êtresubstitué au thallium 201 dans l’imagerie cardiaque(émetteur X de 70 keV mais une période de3,04 jours). Pour le matériel, le nombre et la qualitédes détecteurs présents dans la gamma caméra condi-tionnent la durée de la mesure et donc la quantité deradionucléide.

La formation à la radioprotection du patientElle est obligatoire pour tous les professionnels prati-quant des actes de radiodiagnostic, de radiothérapie oude médecine nucléaire à des fins de diagnostic, de trai-tement ou de recherche biomédicale, ainsi que pour lepersonnel participant à la réalisation de ces actes, à lamaintenance et au contrôle de qualité des dispositifsmédicaux. Cette formation est théorique et pratique,initiale et continue : elle doit être renouvelée au mini-mum tous les dix ans. Les objectifs et le contenu duprogramme sont définis par l’arrêté du 18 mai 2004relatif aux programmes de formation portant sur laradioprotection des patients exposés aux rayonne-ments ionisants. L’ensemble du personnel concernédoit pouvoir justifier de cette formation à la radiopro-tection des patients à compter de 2009.

L’anticipation des expositions accidentellesLe recensement des situations à risque, la rédaction desprocédures en cas de dispersion accidentelle de produitradioactif ou de fonctionnement anormal du matériel,la maintenance préventive des détecteurs, les contrôlesréguliers de non-contamination et la formation du per-sonnel sont autant d’atouts majeurs.

La qualité du matériel

Il est indispensable de posséder du matériel et desfournisseurs de qualité. La détention et l’utilisation deradionucléides à usage médical et des équipementslourds de radiodiagnostic sont soumises à autorisa-tion, délivrée par l’Autorité de sûreté nucléaire enfonction de critères d’opportunité, de compétence dupraticien responsable, et de la conformité des locaux àdes règles techniques d’aménagement. Ceci permet latraçabilité des radionucléides et des installationsémettrices de rayonnements, et un suivi des sources auniveau national.Chaque installation est soumise à des contrôles techni-ques réguliers internes au moins mensuels de la part duchef de service (via la PCR), et à des contrôles annuelsexternes effectués par un organisme agréé. Ces contrô-les externes complètent les vérifications faites réguliè-rement par la PCR mais ne s’y substituent pas.Tout incident ou risque d’incident mettant en cause undispositif médical ayant entraîné ou susceptibled’entraîner la dégradation grave de la santé d’une per-sonne doit être signalé sans délai à l’Agence françaisede sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSaPS).Tout incident ou accident susceptible de porter atteinteà la santé d’une personne (personnel ou patient) parsurexposition doit être déclaré à l’ASN et au préfet dudépartement.Les accidents médicaux sont très rares en médecinenucléaire où l’usage de sources non scellées à courtepériode expose à des risques plus réduits.Dans le cadre de l’utilisation des rayonnements, lesaccidents surviennent plus souvent dans des servicesde radiothérapie, comme le montre l’exemple récentd’Épinal (2006, France) : erreur humaine dans leréglage des paramètres, irradiation par matériel défec-tueux, mais aussi erreur de prescription, voire oubli dematériel radioactif dans le corps du patient. Ainsi en1992 aux États-Unis, lors d’une brachythérapie pourtraitement d’un cancer de l’anus, une sourced’iridium 192 (160 GBq) est restée dans son cathéter àl’issue de la séance de traitement. La patiente, porteusede la source, est rentrée chez elle. Elle est décédée au

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bout de cinq jours d’un syndrome d’irradiation : ladose délivrée localement a été estimée à 16 000 Gy aulieu des 18 Gy prescrits (6).

La surveillance de l’exposition au poste de travail

La surveillance de l’exposition externe

Surveillance de l’exposition externe collectiveLa surveillance de l’ambiance du poste de travail estréalisée au moins chaque mois par la personne compé-tente en radioprotection, à la recherche d’éventuelssignes de détérioration du matériel ou de dégradationdes pratiques.Elle est adaptée au risque. Il peut s’agir :- de détecteurs actifs ou passifs pour surveiller des sal-les à risque d’exposition externe : salles d’examens,local de stockage des déchets ;- de balises d’alerte dans les locaux à risque de contami-nation atmosphérique (détecteurs bêta-gamma), dansles salles de manipulation des sources non scellées (sallede préparation des injections) ;- de frottis périodiques sur les plans de travail, contrô-lés par des sondes adaptées aux radionucléides.

Surveillance de l’exposition externe individuelleLa dosimétrie externe est l’outil de surveillance del’exposition à un risque d’exposition externe.- Elle peut être passive, c’est-à-dire à lecture différéeaprès une période de port dont la durée est directementconditionnée par la catégorisation du personnel. Ledosimètre individuel se porte au thorax, il doit êtrecomplété par un dosimètre de poignet voire d’extrémité(dosimètre digital) chez le personnel manipulant etinjectant les radionucléides. L’analyse du dosimètrethoracique fournit la dose efficace reçue par l’orga-nisme entier pendant la période de port du dosimètre.Le dosimètre bague ou de poignet apprécie la doseéquivalente reçue localement.- Elle peut être opérationnelle, c’est-à-dire à lecturedirecte sur un dosimètre électronique. Le débit de doseest immédiatement disponible, des niveaux d’alarmepermettent d’optimiser le temps de travail et doncl’exposition.La surveillance dosimétrique du personnel est de la res-ponsabilité du chef d’organisme. Les modalités de sonorganisation sont décrites dans l’arrêté du 30 décembre

2004 relatif à la carte individuelle de suivi médical etaux informations individuelles de dosimétrie des tra-vailleurs exposés aux rayonnements ionisants.- La surveillance dosimétrique passive est réalisée parun organisme extérieur agréé. La PCR est le correspon-dant de cet organisme au sein du service. Le médecinde prévention de l’établissement est destinataire desrésultats de la surveillance dosimétrique passive, ainsique l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire(IRSN) pour compléter la base de données nationale surl’exposition aux rayonnements ionisants des profes-sionnels du nucléaire.- La dosimétrie opérationnelle est organisée locale-ment par la PCR. Elle en exploite les résultats afind’optimiser l’exposition du personnel et en transmet lesrésultats au médecin de prévention ainsi qu’à l’IRSN.Le personnel de la catégorie A est surveillé mensuelle-ment, le rythme est trimestriel pour le personnel de lacatégorie B. Ceci permet de corréler la qualité de la sur-veillance au risque d’exposition : compte tenu deslimites de détection des dosimètres utilisés (0,1 à0,3 mSV selon la technologie), il convient de surveillersur un temps plus long le personnel de la catégorie Bexposé à de plus faibles niveaux de doses.Le zonage radiologique conditionne directement lasurveillance dosimétrique :- en zone surveillée seule la dosimétrie passive estobligatoire ;- en zone contrôlée, elle est complétée par la dosimétrieopérationnelle.En pratique, dans le service de médecine nucléaire,l’ensemble du personnel travaillant en zone surveilléeporte un dosimètre passif de poitrine. Les techniciensqui préparent et injectent les molécules marquées doi-vent être équipés d’un dosimètre passif de poignet.Ils portent un dosimètre opérationnel dans les zonescontrôlées, au moins dans la salle de préparationdes injections. L’idéal est de leur distribuer en plusdes dosimètres thermoluminescents sur bagues afin demesurer la dose distribuée aux doigts les plus exposés.

Surveillance de l’exposition interne

Il s’agit de techniques permettant la détection d’unradionucléide présent à l’intérieur du corps humain.Pour les émetteurs gamma, la surveillance peut se fairedirectement par comptage externe ou anthroporadia-métrie. Pour les émetteurs bêta, elle se fait indirecte-ment par analyse radiotoxicologique d’échantillonsbiologiques (air expiré, selles ou urine).En médecine nucléaire, ce type de surveillance dépenddes périodes physiques et biologiques du radionucléide

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utilisé (la période correspond au temps nécessaire pourque la quantité initiale soit réduite de moitié). La miseen évidence d’un radionucléide de très faible demi-viecomme le fluor 18 (période de 1,83 heure) est illusoire.La recherche d’iode 131 (période de 8,2 jours) auradavantage de succès.En routine, le dépistage de la contamination interne dupersonnel est difficile à mettre en place, compte tenu dela variabilité des examens réalisés, des courtes périodesdes radionucléides utilisés, des contraintes de prélève-ment des échantillons biologiques et de leur achemine-ment dans un laboratoire agréé. Par contre unecampagne de surveillance concentrée dans le tempsprésente l’avantage d’impliquer davantage le personnelet d’apprécier le respect des consignes de radioprotec-tion du service.Des mesures directes ou indirectes de contaminationinterne réalisées ponctuellement sur le personnel demédecine nucléaire montrent le niveau de contamina-tion dans le respect des pratiques habituelles du ser-vice. Elles permettent éventuellement de les optimiser.Cette surveillance de l’exposition interne doit par con-tre être impérativement réalisée en urgence lors d’uneexposition accidentelle.

L’aptitude médicale au poste de travail

La surveillance médicale des travailleurs exposés auxrayonnements ionisants est dite renforcée. L’arrêté du28 août 1991 approuve les termes des recommanda-tions faites aux médecins du travail assurant la sur-veillance médicale des travailleurs exposés auxrayonnements ionisants.Compte tenu des faibles niveaux d’exposition au postede travail en conditions habituelles, le médecin n’estconfronté qu’au risque de survenue des effets stochas-tiques des rayonnements ionisants : il doit rechercheret prévenir l’apparition tardive de cancers solides ou deleucémies. Pour cela il doit, dès la visite initiale, veillerà l’intégrité corporelle du personnel susceptible d’êtreexposé en réalisant les examens suivants :- un examen hématologique et biologique de réfé-rence à la recherche d’anomalies pouvant révéler deshémopathies suspectes ou un dysfonctionnementhépatique ou rénal, fonctions potentiellement impli-quées dans l’élimination d’un radionucléide ;- un examen ophtalmologique de référence (milieuxtransparents), uniquement pour le personnel exposéchroniquement à un risque d’exposition externe, à larecherche d’opacités cristalliniennes ;- un examen clinique à la recherche des pathologiesfavorisant la pénétration des radionucléides en cas

d’exposition accidentelle : tympan perforé, colopathieirritative, pathologie cutanée chronique.La visite médicale initiale est suivie d’une visite d’apti-tude au moins annuelle, qui statue sur l’absence decontre indication médicale aux travaux sous rayonne-ments ionisants. À chaque fois le médecin peut deman-der la réalisation d’examens complémentaires de sonchoix. Il est guidé par l’étude de poste et la fiched’emploi et de nuisances réalisées par la PCR, maisaussi par les résultats de la surveillance dosimétriqueet/ou radiotoxicologique, et sa propre connaissance del’environnement professionnel acquise lors du tiers-temps.

Le cas de la femme enceinte

La période la plus radio-sensible est la phase d’embryo-genèse, globalement entre le dixième jour et la dixièmesemaine. Une grossesse doit impérativement êtredéclarée : à partir de la date de la déclaration, l’exposi-tion à l’embryon doit être limitée à 1 mSv jusqu’àl’accouchement. Cette dose correspond à la limitemaximale d’exposition du public.Le poste de travail doit être aménagé : il ne s’agit pasd’interdire le travail dans le service, mais de limiter aumaximum les risques. Il faut être particulièrementattentif à empêcher toute contamination interne, etcela également pendant la période d’allaitement.L’accès aux salles de préparation ou d’injection desradionucléides, comme au local de stockage desdéchets, doit être évité. Par contre, le risque d’exposi-tion externe est moins contraignant, et la surveillancedu bon déroulement des examens est autorisée derrièreles vitres plombées.

Conclusion

L’organisation de la protection et de la surveillance dupersonnel d’un service de médecine nucléaire, exposé àun risque d’exposition externe et de contaminationinterne, est le fruit de la collaboration de différentescompétences :- le chef de service est responsable de l’organisation dela radioprotection dans son unité ;- la personne compétente en radioprotection réalise lesétudes de poste, gère la dosimétrie au quotidien, sur-veille les ambiances et contrôle les procédures d’élimi-nation des déchets. L’exercice de ses responsabilitésl’amène à tenir un rôle plus vaste de formateur dans ladiffusion de la culture de protection ;

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- la personne spécialisée en radiophysique médicalesoutient son activité ;- le médecin de prévention définit la surveillance médi-cale la plus adaptée au vu des éléments fournis par lesinterlocuteurs précédents, les résultats des examensréalisés et sa propre connaissance des conditions detravail.La synergie de ces différents spécialistes permetd’effectuer une surveillance complète du travailleur auplus proche de son exposition réelle au poste de travail.Au-delà de la surveillance du personnel, la surveillancede l’exposition du patient lui-même est au cœur despréoccupations actuelles de l’autorité de sûreténucléaire. Des niveaux de référence diagnostiques ontété élaborés, définissant le niveau d’exposition maxi-mal autorisé pour un certain nombre d’examens deradiodiagnostic et de médecine nucléaire. Un pland’action pour la surveillance de l’exposition despatients aux rayonnements ionisants (PASEPRI) est encours d’élaboration. Il est destiné à améliorer les con-naissances sur les doses délivrées aux patients, à cons-truire un système de suivi dosimétrique et d’évaluationdes effets potentiels liés à ces doses.L’optimisation de l’exposition du patient diminueral’exposition du personnel. C’est le principe même desrecommandations les plus récentes de la Commissioninternationale de protection radiologique : si le risquepour la santé de l’individu le plus exposé (ici le patient)est faible, alors le risque pour la collectivité (le person-nel du service) peut être considéré comme faible.En médecine nucléaire, les niveaux d’exposition dupersonnel sont en général modestes. Les conditionsd’exposition des extrémités de certains techniciensnécessitent néanmoins une surveillance attentive parla mise à disposition de dosimètres sur bagues. La rota-tion entre les différents postes de travail permet derépartir les doses distribuées et de ne pas s’approcherdes limites autorisées. Loin de banaliser l’expositionprofessionnelle, il faut au contraire y être vigilant etsensibiliser le personnel à ce sujet. En effet, de récentesinnovations techniques, comme la généralisation de la

tomographie par émission de positons associée à latomodensitométrie, ou le développement de la radio-immunothérapie, provoquent progressivement l’utili-sation médicale des radionucléides dans d’autres spé-cialités, comme la cardiologie ou la neurologie. Fortheureusement, ces mêmes innovations technologiquessont également à l’origine de possibilités importantesde réduction de dose. Ainsi, la dernière génération decaméras à positons permet l’utilisation d’activitésréduites de moitié tout en préservant une qualitéd’image optimale. En médecine nucléaire, des vecteursoriginaux sont en cours d’évaluation, notamment enradio-immunothérapie. Des radionucléides émetteursbêta pur (l’yttrium 90 en lieu et place de l’iode 131) oualpha (bismuth 213 ou astate 211) sont en cours d’éva-luation pré-clinique et clinique aux USA comme enEurope. Leur courte période et leurs caractéristiquesradiologiques sont en faveur d’une meilleureradioprotection : les émetteurs alpha et bêta ont eneffet un parcours limité dans la matière.

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