Histoire du château de Bully et de ses alentours

- Bully actuelle:

Compte environ 2 000 habitants avec superficie de 1 259 hectares dont 250 en vignobles faisant de Bully la première commune viticole du canton de l'Arbresle.

Comme grand nombre d'autres villages du Beaujolais, la plupart des maisons sont construites en pierres dorées conférant un charme atypique à ce village.

Principale activité économique est la viticulture avec la production du Beaujolais, la cave des vignerons de Bully est l'une des plus importantes du pays Beaujolais.

- Etymologie de Bully:

Vient du latin Bulliacus, nom d'origine gallo-romaine qui signifie "propriété de la famille de Bullieu", famille dont les membres furent seigneurs du village au Moyen-Age.

Possible que ce nom viennent du latin bullire (= bouillir), Bully étant connu par ses sources au temps des Romains. Par ailleurs, la découverte vers la Turdine (bout de l'actuel chemin des Thermes) de 2 bassins contenant des pièces de monnaies romaines atteste de cette renommée.

- Seigneurie de Bully:

Etait établi à Bully une ancienne famille chevaleresque qui suivant l'usage pris le nom de son fief et dont les armes losangé d'or et d'azur figurent en tête.

Blason des seigneurs de Bully.

Le premier seigneur qui nous soit connu se nomme Ythier de Bullieu, seigneur qui eut 4 fils (Achard, Hugues, Guillaume et Guy) d'un premier mariage et une fille d'un second. Fille qui épouse un seigneur voisin, Etienne de Varennes. La succession d'Ythier de Bullieu est assez complexe lorsque Guy entre comme moine à l'abbaye de Savigny alors que son père stipule que tous ses biens reviendraient à cette abbaye dans le cas où ses autres fils mourraient sans descendance. 1095, Ythier meurt et Achard et Hugues répondant à l'appel du pape Urbain II s'engagent dans la première croisade (1095-1099) et y périssent tous deux en terre sainte. 1110, Guillaume le dernier fils meurt à son tour sans aucune postérité. L'abbaye se dispose alors à prendre possession de son héritage sans compter sur Etienne de Varennes alors époux de la fille d'Ythier. Ce dernier va alors contester les dispositions testamentaires d'Ythier et réclame toute la succession. L'abbé de Savigny pour éviter tout conflit abandonne à Etienne de Varennes les trois quarts de la succession mais ce dernier finit par s'emparer de tout par la force. Il va faire fortifier une grange forte appelée Péage située sur la route de Savigny et y établit une garnison chargée de rançonner les gens. L'abbé va également recourir à la force en s'emparant de la maison en question et la détruisant. L'archevêque de Lyon excommunie alors les religieux de Savigny et Guichard III de Beaujeu, suzerain d'Etiennes de Varennes et protecteur de l'abbaye, intervient pour mettre un terme au conflit. Parvient à un accord où l'abbaye abandonne à Etiennes de Varennes le château et les terres de Bully tandis que ce dernier cède à l'abbaye l'église et tous ces biens tout en renonçant à ces droits de péage. Ainsi, la famille de Varennes entra en possession des terres et du château de Bully jusqu'en 1370.

Après 1370, c'est la famille de Jarolle qui possède ces terres jusqu'en 1410. Famille originaire de Valsonne.

1437 = terre fut donnée avec celles d'Arbain et de Marzé par Louis II, duc de Borubon, seigneur de Dombes et de Beaujolais à la famille de Rosset. Une des plus anciennes familles du Lyonnais constatant son existence dès le milieu du XIIème.

Suite à une union, la seigneurie de Bully devient la propriété des Tholigny. Par ailleurs, c'est Philippe de Tholigny qui fait édifier le château vers la fin du XVème avec pour fonction de surveiller et défendre la via Francisca, axe de circulation primordial de la région. Les armes de cette famille sont toujours visibles au-dessus de la porte d'entrée de la tour. A ajouter que l'actuel château de Bully ne comporte que le donjon et pas l'intégralité de l'édifice.

1590, la seigneurie passe à la famille Amyot jusqu'en 1663, famille consulaire de Lyon

1663, Genièvre de Amyot épouse Daniel Cholier, seigneur de Cibeins une des plus anciennes familles nobles de Dombes.

Après la Révolution, le château de Bully sera acheté par la famille Génissieux qui le revendra en 1885 à François Gillet, industriel lyonnais issu d'une vielle famille de Bully. C'est son fils qui en 1900 confie à l'architecte Gaspard André la restauration du château afin de lui donner l'aspect actuel.

- Bully sous la domination romaine et au Moyen-âge:

Station balnéaire à l'époque romaine = découverte de 53 sources d'eaux minérales (traitement des maladies) ; restes de 2 piscines antiques contenant certain nombres de médailles romaines comblées depuis des siècles.

22 monnaies de bronze conservés par propriétaire M. Gimaux nous présente une nomenclature très hétérogène:

- 1 du règne sous Tibère (14 - 37)

- 1 du règne de Domitien (81 - 96)

- 1 du règne de Trajan (98 - 117)

- 2 du règne d'Antonin le Pieux (138 - 161)

- 1 du règne de Verus, alors collègue de Marc-Aurèle (161 - 169)

- 1 du règne de Caracalla (211 - 217)

- 1 du règne d' Héliogabale (218 - 222)

- 1 du règne d'Alexandre Sévère (222 - 235)

- 2 du règne de Julia Mamea, mère d'Alexandre Sévère morte en 235

- 1 du règne de Maximin (235 - 238)

- 1 du règne de Postume, empereur des Gaules (258 - 267)

- 1 du règne de Gallien (260 - 269)

- 2 du règne de Claude II (268 - 270)

- 1 du règne d'Aurélien (270 - 275), fort curieuse étant frappée à Alexandrie d'Egypte en 272 supposant ainsi qu'elle a été apportée à Bully par quelque légionnaires ayant fait la campagne d'Egypte.

- 1 du règne de Dioclétien (284 - 305)

- 1 du règne de Constantin (306 - 337)

- 1 du règne de Magnence alors empereur d'Occident (350 - 353)

- 1 de Decentius, frère du précédent (351 - 353)

- 1 du règne de Valentinien Ier (364 - 375)

La série de ces monnaies s'arrêtent ici à la veille de l'invasion des barbares. Suite à ces invasions, la place du luxe et du bien-être est mis de côté mettant dans l'oubli les stations d'eaux.

- Via Francisca:

Remplace l'antique "route du bronze" des ségusiaves (peuple gaulois dont le territoire se trouvait dans l'actuelle région du Forez et s'étendait sur les actuels départements de la Loire et du Rhône avec comme capitale Forum Segusiavorum, aujourd'hui Feurs).

Voie antique de Lyon à Roanne lui donnant le nom de via francisca, voie française, valant l'actuelle N7. L'existence de la via francisca est constatée à Bully ainsi que dans diverses localités portant le nom des Chalzaux, des Plasses, de l'Erdilly, de la Rustia et enfin de la Trève où cette voie bifurquait sur la branche septentrionale se dirigeant vers Saint-Clément-de-Valsonne alors que la branche méridionale continuait à remonter la rive gauche de la Turdine dans ka direction de Tarare.

- Présentation du château

De nos jours le château n'est plus l'ancienne forteresse féodale du XIème bâtie par les premiers seigneurs de Bully, époque où les guerres sont incessantes et où tout est organisé pour la défense et contre les éventuelles surprises de l'ennemi.

Construction paraît remonter au commencement du XVIème, c'est alors un simple corps de bâtiment carré à trois étages, flanqué aux 4 angles d'échauguettes cylindriques couronnées d'un toit en forme de cône. Certaine ressemblance avec le château de Bienassis, près de Crémieu (Isère). Présence d'un grand donjon parallépipédique (= avec 6 faces parallèles deux à deux) avec 2 étages habitable sur un rez-de-chaussée. Chemin de ronde avec les traces de créneaux (= partie creuse d'un rempart ou d'une tour, la partie pleine se nommant le merlon). Présence de 3 échauguettes (= petite construction en surplomb sur une muraille fortifiée ou une tour) recouvertes d'un toit. Tour octogonale, engagée au milieu de la façade, renferme l'escalier qui dessert les divers étages éclairé par d'étroites fenêtres ornées de moulures et d'arcades en accolades.Cette tour-escalier est réhaussée afin d'assurer la surveillance avec plus de précision. Au sein de cette tout-escalier s'ouvre l'ancienne porte d'entrée surmontée d'un arc ogival et commandé par un moucharabieh (= dispositif de ventilation naturelle utilisé dans l'architecture traditionnelle des pays arabes), placé à la hauteur du troisième étage. Unique partie du monument ayant échappé aux transformations qu'à subie le château de Bully, moment où l'architecture du moyen-age est incomprise et méprisée.

La composition générale est en "pierres dorées" lui donnant une singularité particulière, la "pierre dorée" étant un calcaire à entroques de l'aalénien teinté par des oxydes de fer. Les entroques étant des débris de crinoïdes, classe d'animaux marins ressemblant à des plantes mais pourvus d'un squelette calcaire articulé. L'aalénien est quand à lui le premier étage stratigraphique du Jurassique moyen dans l'ère Mésozoïque et s'étend sur près de 4 millions d'années de -174,1 à -170,3 millions d'années. Ces entroques présentent alors des facettes qui réfléchissent la lumière leur donnant cette impression de dorée.

L'édifice est fortement influencé par la Renaissance florentine qui est le courant architectural de prédilection du début du XVème jusqu'au début du XVIIème. Née en Italie, ce courant procède à une recherche consciente et à une assimilation d'éléments historiquement authentiques de la pensée et de la culture matérielles des Grecs et des Romains. L'époque antique apparaît aux érudits italiens comme l'apogée de tous les arts. Ne cherchent pas simplement à l'imiter mais s'en inspirent pour l'égaler voir la dépasser = retour à l'Antiquité hellénisme ("hellène" désignant le peuple grec).

Architecture de la Renaissance succède à l'architecture gothique et sera suivie par l'architecture classique. Le style renaissance apparaît d'abord à Florence avec les innovations de Filippo Brunelleschi.

Le style Renaissance met en valeur les notions de symétrie, de proportion, de régularité et d'équilibres des motifs tels que les humanistes ont cru pouvoir les déceler dans les vestiges de l'architecture de l'Antiquité classique et celle de l'architecture romaine en particulier.

Château de Bully au début du XXème.

- Différentes vues du château au XXème siècle:

Façade Nord-est:

Façade Sud-est:

Façade Sud-ouest:

Façade Ouest:

- Une restauration peu banale

En 1900, le fils de François Gillet confie à Gaspard André architecte français, la restauration du château de Bully, célèbre architecte de son temps ayant déjà fait ses preuves.

Gaspard André (1840 - 1896) fréquente l'Ecole des Beaux-Arts de Lyon de 1863 à 1866 pour ensuite monté à Paris où il continue sa formation dans l'atelier de Charles-Auguste Questel , créateur du musée bibliothèque de Grenoble. Il acquiert le second prix de Rome en 1865 et voyage en Italie de 1868 à 1869 approfondissant son goût pour l'architecture de la Renaissance en opposition avec les tendances néo-gothiques de "l'architecture nationale" de son époque.

De retour en France, il se voit confier de nombreuses édifications notamment à Lyon, sa région natale, où il construit le Théâtre des Célestins en 1873 ainsi que le Temple des Brotteaux pour l'Eglise réformée dont il est le diacre (personne assistant le dirigeant d'une Eglise locale chrétienne, choisi pour sa foi et ses qualités morales). En 1877, toujours à Lyon, il édifie la Fontaine des Jacobins, commande de la municipalité.

Devient un architecte reconnu dans sa ville et en province, devient membre actif des sociétés professionnelles et académiques et enseigne à l'Ecole des Beaux-Arts de Lyon. Il est même élu président du comité d'administration de cette école en 1891. Cette postérité va lui attirer de nombreuses demandes dont la restauration du château de Bully.

12 février 1896, il meurt à Cannes l'empêchant de terminer de nombreux travaux et en particulier la restauration du château de Bully.

L'architecte français Gaspard André.