Rapport Parlementaire Sur Les Fraudes Sociales

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INTRODUCTION 7 I.- LA FRAUDE SOCIALE : UN PHNOMNE TROP MAL CONNU 9 A. DES DPENSES ET DES PERTES DE RECETTES INJUSTIFIES 9 1. La fraude aux prestations : plus de 1 % des dpenses du rgime gnral 9 2. La fraude aux prlvements : une diminution massive des ressources de la scurit sociale 10 B. LE DVELOPPEMENT INQUITANT DES TRAFICS ORGANISS 11 II.- UNE POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE RCENTE MAIS ENCORE INSUFFISANTE 13 A. DES EFFORTS RCENTS 13 1. Une nouvelle priorit gouvernementale 13 2. Un Parlement inquiet des failles du systme faisant adopter des mesures de bon sens en urgence 14 3. Des actions progressivement mises en place par les caisses de scurit sociale 15 a) Une prise de conscience rcente 15 b) Les actions mises en place par les organismes de scurit sociale 16 4. Des progrs rcents dans le pilotage de ltat 19 B. FACE AUX FRAUDES AUX PRESTATIONS, UN SYSTME ENCORE TROP DRESPONSABILIS ET PARPILL 21 1. La branche Famille : une situation un peu mieux matrise mme si des failles persistent 21 2. La banche Maladie : une certaine impuissance face aux fraudes et aux abus 24 3. La branche Vieillesse : un systme insuffisamment scuris 25 C. DES FRAUDES AUX COTISATIONS TROP PEU POURSUIVIES 27 1. Des fraudes mal dtectes 27 2. Des pouvoirs publics insuffisamment mobiliss face lampleur du travail illgal 28 III.- DES LACUNES PERSISTANTES DANS LA POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE ET LES ABUS 31 A. UN SYSTME LARGEMENT DSORGANIS ET MAL PILOT 31 1. Des conventions dobjectifs et de gestion peu contraignantes 31 2. Une impulsion insuffisante des caisses nationales 32 3. Une absence de dfinition commune de la fraude 34 a) Une notion variable selon les caisses 34

b) Une valuation lacunaire de la fraude 34 4. Une communication externe encore peu dveloppe 34 B. DES CHANTIERS QUI PRENNENT DU RETARD 35 C. DES DISPOSITIFS FRAUDOGNES 37 1. Une complexit normative source de fraude et dabus 37 a) Une lgislation inadapte 37 b) Une rglementation complexe 37 2. Une difficile conciliation de la lutte contre la fraude et de la simplification des procdures 40 a) Le caractre dclaratif du systme social et le dveloppement des procdures par internet facilitent la fraude 40 b) Une volont de simplification terreau de la fraude 40 c) Une notion durgence facilement utilise pour contourner la rglementation 41 D. DES CAISSES TROP FAIBLES POUR LUTTER CONTRE LES FRAUDEURS 42 1. Un nombre de contrleurs trop faible 42 2. Des outils juridiques mdiocres ou mal utiliss 43 3. Une interconnexion des fichiers imparfaite 44 E. UN DISPOSITIF DE CONTRLE ET DE SANCTION LACUNAIRE 47 1. Des contrles dficients sur les assurs et les entreprises 48 a) Des bnficiaires peu contrls 48 b) Des pratiques htrognes 52 c) Une procdure dobtention dun numro de scurit sociale pour les personnes nes ltranger inadapte et peu scurise sur le plan juridique 53 2. Des contrles sur les assurs percevant des prestations ltranger quasiment inexistants 55 3. Des contrles internes insuffisants pour lutter contre les complicits 58 4. Des sanctions peu dissuasives 59 a) Des sanctions administratives encore trop rarement prononces 59 b) Des sanctions ordinales insuffisantes 60 c) Des sanctions pnales trop rares 61 5. Une rcupration alatoire des indus frauduleux 63 IV.- UN INDISPENSABLE APPROFONDISSEMENT DE LA POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE 65

A. UNE PRISE DE CONSCIENCE NCESSAIRE 65 1. Un tat qui doit assurer son rle de pilote et de coordonnateur 65 2. Un pilotage plus dynamique des caisses nationales ncessaire 67 a) Lutter contre les particularismes locaux inacceptables 67 b) Signer des conventions dobjectifs et de gestion plus contraignantes 68 c) Amliorer la formation et le contrle des agents 68 d) Sensibiliser les assurs et les entreprises 69 B. RENFORCER LES MOYENS DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE 71 1. Renforcer les moyens de contrle 71 2. Rendre la loi plus facilement applicable 72 a) Dvelopper les moyens de lutte contre la fraude aux prestations 72 b) Mieux dfinir la notion de parent isol 72 c) Renforcer les moyens dactions des unions de recouvrement des cotisations de scurit sociale et dallocations familiales 74 d) tudier la mise en place dun fichier des fraudeurs 77 3. Dvelopper linterconnexion des fichiers 78 4. Gnraliser les exprimentations innovantes 80 5. Sinspirer des exemples trangers 82 a) Lexemple belge 82 b) Lexemple nerlandais 84 6. Dvelopper les cooprations bilatrales en matire de scurit sociale 84 C. DES CONTRLES DVELOPPER 85 1. Dvelopper les contrles cibls 85 a) Le contrle de la condition de rsidence 85 b) Le contrle de lattribution de lallocation aux adultes handicaps 86 c) Le contrle des personnes percevant des prestations ltranger 87 2. Amliorer la procdure dattribution de numros de scurit sociale pour les personnes nes ltranger 88 3. Intensifier la lutte contre la fraude documentaire et la fraude lidentit 89 a) Rtablir le face--face 89 b) Amliorer la scurisation des documents 90

c) Permettre aux caisses davoir accs plus facilement aux documents originaux 91 4. Cibler les publics fraudeurs 91 5. Rformer la lgislation sur les arrts de travail 92 D. DES TECHNOLOGIES MODERNES UTILISER POUR SAUVER LE SYSTME 95 1. Renforcer lutilisation des technologies modernes 95 2. Scuriser les prescriptions 96 E. DES SANCTIONS AUGMENTER 97 1. Mettre en place des sanctions plus dissuasives notamment pour les rcidivistes 97 2. Amliorer la coordination des acteurs 98 3. Amliorer la rcupration des indus 99 CONCLUSION 101 RAPPEL DES PROPOSITIONS 103 CONTRIBUTION DE MME JACQUELINE FRAYSSE AU NOM DU GROUPE DE LA GAUCHE DMOCRATE ET RPUBLICAINE (GDR) 109 TRAVAUX DE LA COMMISSION 115 ANNEXES 137 ANNEXE 1 : COMPOSITION DE LA MISSION 139 ANNEXE 2 : RCAPITULATIF DES CONDITIONS DE RSIDENCE SELON LES PRESTATIONS 141 ANNEXE 3 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNES OU RENCONTRES 143 ANNEXE 4 : COMPTES RENDUS DES AUDITIONS 153 INTRODUCTION La fraude en matire sociale, comme en matire fiscale, a longtemps bnfici dune certaine indulgence en France. Deux volutions ont nanmoins conduit attnuer, voire inverser ce constat. La premire est la prise de conscience de lenjeu reprsent par la lutte contre la fraude, dans un contexte de dgradation des comptes sociaux. La seconde de ces volutions est la mutation de lopinion publique, qui procde elle-mme, notamment, des inquitudes croissantes qui font jour sur la prennit de notre systme de protection sociale. (1 ) Par ces mots, M. Jean-Marc Sauv, vice-prsident du Conseil dtat, montre la mutation intervenue ces dernires annes. Alors que la fraude aux prestations a t pendant longtemps un sujet peu trait pour ne pas dire tabou la prise de conscience de lampleur de la fraude tant aux prestations quaux prlvements a conduit le Gouvernement faire de la lutte contre la fraude une de ses priorits. En effet, ds 1996, une mission parlementaire sur les fraudes et pratiques abusives (2 )

relevait que les moyens de contrle des prestations sont sans comparaison avec lenjeu financier , mettant notamment en vidence les ingalits gographiques des contrles, le trop faible recours aux sanctions pnales ou encore linsuffisance du recoupement des donnes disponibles. Pour autant, ce nest qu compter de 2006 que la lutte contre la fraude va se dvelopper et ce nest quen 2008 quune Dlgation nationale de lutte contre la fraude a t cre. LAssemble nationale a grandement contribu ce changement des mentalits

comme en tmoigne ladoption, depuis 2006, dune quarantaine de mesures lgislatives visant amliorer la politique de lutte contre la fraude. Les premires actions de lutte contre la fraude ont dj port leurs fruits puisque, comme la soulign M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de lemploi et de la sant, lors de son audition par la Mission dvaluation et de contrle des lois de financement de la scurit sociale (MECSS), le 1 er juin dernier, lensemble des fraudes aux prestations et aux prlvements dtectes en 2010 a reprsent 458 millions deuros (3 ).Limportance du sujet a conduit la commission des affaires sociales aller au-del en demandant la MECSS (4 ) de sen saisir. Compte tenu de la ncessit de mener une politique globale et transversale dans ce domaine, le choix a t fait de traiter lensemble des fraudes quelles concernent les prlvements ou les prestations sociales, la fraude tant entendue comme toute irrgularit, acte ou abstention ayant pour effet de causer un prjudice aux finances publiques, commis de manire intentionnelle (5 ). Pour tenter dvaluer lefficacit de la politique de lutte contre la fraude, la MECSS a bnfici du concours de la Cour des comptes. En avril 2010, celle-ci a, en rponse la demande qui lui avait t adresse, remis un rapport sur la lutte contre les fraudes aux prestations dans les branches prestataires du rgime gnral (6 ).

et six dplacements en France et ltranger, est convaincue que la fraude sociale reprsente des montants financiers bien plus importants que ce que les premires valuations ralises laissent supposer. (I). En effet, le Conseil des prlvements obligatoires et lAgence centrale des organismes de scurit sociale font tat dune fraude comprise entre 8 milliards deuros et 15,8 milliards deuros pour les prlvements, et la Cour des comptes estime que la fraude aux prestations est comprise entre 2 milliards deuros et 3 milliards deuros. Le Rapporteur considre donc que la fraude sociale reprsente prs de 20 milliards deuros.En outre, la fraude sociale ne constitue pas seulement une perte de ressources trs importante et une masse considrable de dpenses injustifies pour nos finances sociales, elle est aussi source dinjustice, de dsquilibre conomique et plus fondamentalement elle sape la confiance des assurs dans notre systme de protection sociale. Nos concitoyens, juste titre, en ces temps de crise, ne lacceptent plus. Si la cration de la dlgation nationale de lutte contre la fraude et des comits oprationnels dpartementaux anti-fraude, ladoption de nombreuses mesures lgislatives sur la fraude et les premires actions mises en place par les organismes de scurit sociale tmoignent dun certain volontarisme des pouvoirs publics dans ce domaine, les rsultats relatifs la fraude rellement dtecte, bien quen forte progression restent insuffisants (II). Malgr limpulsion donne par le Gouvernement, la politique de lutte contre la fraude mene par les caisses nationales reste encore peu efficace, les outils dont sont dotes les caisses locales sont insuffisants et les contrles exercs sur les assurs et les entreprises peu nombreux. (III) Cest pourquoi un approfondissement de la politique contre la fraude parat aujourdhui impratif (IV). Votre Rapporteur considre que le pilotage de cette politique par les caisses nationales doit tre plus ferme et que les agents des organismes de scurit sociale doivent tre enfin dots doutils adapts pour lutter contre la fraude. Lusage de technologies nouvelles, notamment de lempreinte biomtrique pour identifier les assurs, doit permettre doprer enfin la ncessaire scurisation de notre dispositif de scurit sociale. I.- LA FRAUDE SOCIALE : UN PHNOMNE TROP MAL CONNU Malgr la mission confie la dlgation nationale de lutte contre la fraude de dfinir et dvaluer la fraude sociale, cette dernire ne fait pas encore lobjet dune valuation prcise. Les premires valuations ralises sont sommaires mais elles tendent montrer que la fraude sociale reprsente une perte de ressources considrable pour notre systme de protection sociale. A. DES DPENSES ET DES PERTES DE RECETTES INJUSTIFIES 1. La fraude aux prestations : plus de 1 % des dpenses du rgime gnral Il nexiste pas aujourdhui dvaluation sur le montant de la fraude sociale en France. Les valuations quantitatives de la fraude aux prestations sociales sont peu prcises. En effet, lexception de la branche Famille qui a conduit une tude partir dun chantillon reprsentatif dassurs sociaux, les donnes fournies par les caisses nationales la MECSS se limitent au montant des fraudes dtectes et ne constituent en rien une valuation du montant de la fraude relle. Ainsi lors de son audition par la MECSS (8 ), M. Dominique Libault, directeur de la scurit sociale a simplement indiqu que le montant des fraudes dtectes en 2009 slevait 380 millions deuros, sans pouvoir avancer une estimation globale de la fraude sociale. Ce rsultat constitue, bien entendu, que la partie merge de liceberg : le montant des fraudes relles est bien plus lev.

Mais la mission, au terme dune enqute de onze mois, de vingt-huit auditions (7 )

La Cour des comptes, dans son rapport sur la lutte contre les fraudes aux prestations dans les branches prestataires du rgime gnral (9 ), sinquite de leffet dmobilisateur que peuvent avoir ces rsultats qui sous-estiment trs largement lampleur relle de la fraude : Il ne faudrait pas que [ces rsultats soient] compris comme reprsentatifs du niveau de la fraude aux prestations sociales, qui est videmment dun niveau beaucoup plus lev . Une mthode dvaluation consiste extrapoler les rsultats partir dun chantillon dassurs sociaux rigoureusement contrls. De telles estimations ont t menes dans des pays tels que les Pays-Bas et lIrlande. En Grande-Bretagne, le National Audit office, qui supervise, chaque anne, le contrle dun chantillon reprsentatif de 40 000 dossiers, a estim en 2007 quenviron 1,3 % des prestations sociales ferait lobjet dune fraude. Le Conseil danalyse stratgique (10 ), en retenant des taux de fraudes analogues ceux constats en GrandeBretagne, considre que la fraude aux prestations pourrait atteindre 5,5 milliards deuros. Par ailleurs, lors de son audition par la MECSS, M. Frdric Mass, directeur des relations institutionnelles de Sap France (11 ) a considr quun taux de fraude valu 1 % des prestations tait certainement en de de la ralit (12 ) : aux tats-Unis, le Government Accountability Office (GAO) lquivalent de la Cour des comptes estimait en mars 2011 que la fraude sur les programmes medicaid et medicare, qui psent eux deux 750 milliards de dollars, reprsentait 70 milliards de dollars, soit 9 % des deux programmes. De deux choses lune : soit la France est particulirement vertueuse, soit la fraude dtecte est sans commune mesure avec la fraude relle ! . La Caisse nationale dallocations familiales a men, en 2009, une tude statistique auprs de 10 700 allocataires choisis de faon alatoire sur lensemble du territoire et a pu, partir dune extrapolation des rsultats obtenus au niveau national, valuer les indus frauduleux. Le taux dallocataires qui seraient auteurs de fraude est estim 2,15 % de lensemble des allocataires (13 ), soit 200 000 personnes. Limpact financier de la fraude reprsenterait entre 0,91 % et 1,36 % du montant total des allocations verses en 2009, soit entre 540 et 808 millions deuros. Compte tenu de ces travaux et des estimations de la fraude dans les branches Maladie et Retraite : la Cour des comptes, dans son rapport sur la lutte contre les fraudes aux prestations dans les branches prestataires du rgime gnral (14 ), considre que la fraude aux prestations pour le rgime gnral, reprsenterait donc entre 2 et 3 milliards deuros. Votre Rapporteur estime que cette dernire valuation sous-estime encore trs probablement lampleur de la fraude. Compte tenu des tudes menes en Grande-Bretagne et par la Caisse nationale dallocations familiales, la fraude doit reprsenter au moins 1 % du montant des prestations, soit au moins 4 milliards deuros. 2. La fraude aux prlvements : une diminution massive des ressources de la scurit sociale Le Conseil des prlvements obligatoires dans un rapport sur la fraude aux prlvements obligatoire et son contrle (15 ) a procd une valuation de la fraude aux prlvements sociaux en prenant comme priode de rfrence les annes 2001 2004. Il a ainsi estim que celle-ci reprsentait entre 8,4 et 14,6 milliards deuros, soit entre 6,4 12,4 milliards pour le travail dissimul et 2,2 milliards pour les redressements de cotisations sociales (16 ). LAgence centrale des organismes de scurit sociale, quant elle, a utilis une mthode destimation de la fraude aux cotisations dans le cadre du travail illgal consistant extrapoler les rsultats de contrle de 2008. Elle aboutit une fourchette de fraude comprise entre 13,5 et 15,8 milliards deuros. Par consquent, compte tenu des montants collects par lAgence centrale des organismes de scurit sociale en 2008 359,7 milliards deuros , le travail illgal reprsenterait donc entre 3,8 et 4,4 % du montant des cotisations recouvres en 2008. Votre Rapporteur relve que le travail illgal reprsente une perte de recettes trs importante pour la scurit sociale, mais aussi que cette pratique est courante, pour ne pas dire banalise, dans certains secteurs de lconomie. Une certaine tolrance nest lvidence plus de mise. Lors de son audition par la mission (17 ), M. Pierre Ricordeau, directeur de lAgence centrale des organismes de scurit sociale a dress le bilan des contrles alatoires raliss de 2005 2010 : dans le commerce de dtail non alimentaire, nous avons constat quenviron 12 % des tablissements contrls de manire alatoire et 6 % des salaris taient, au regard du travail dissimul, en situation de fraude. Les taux varient un peu selon les secteurs mais lordre de grandeur reste le mme. Nous sommes parvenus un rsultat analogue dans le cadre dune opration mene depuis plusieurs annes sur les activits touristiques. Il a aussi mentionn lexprience mene pendant sept ans dans la rgion Nord-Pas-de-Calais, qui a fait lobjet dun quadrillage portant sur lensemble des activits touristiques restauration, campings, spectacles du 1 er juillet au 31 aot. Un taux dirrgularit quasiment identique a t constat tous les ans : entre 10 % et 12 % dentreprises en infraction et entre 5 % et 7 % de salaris non dclars. B. LE DVELOPPEMENT INQUITANT DES TRAFICS ORGANISS

Les fraudes sont rarement isoles. Elles concernent, la fois, les cotisations, les prestations sociales et le fisc. Votre Rapporteur est convaincu, en outre, que si la fraude sociale est souvent le fait dindividus, elle prend de plus en plus la forme descroqueries organises par des rseaux de fraudeurs. Ce constat a dailleurs dj t fait par votre Rapporteur dans un rapport dinformation sur les moyens de contrle de lUndic et des ASSEDIC (18 ) qui montrait que des rseaux organiss vendaient des kits Assedic permettant leur acqureur de percevoir des allocations chmage sans navoir jamais travaill. Ce phnomne de trafics organiss concerne dsormais aussi les prestations de scurit sociale et le recouvrement des cotisations. titre dexemple, les pharmaciens sont aujourdhui confronts des trafics de mdicaments. Auditionn par la MECSS, M. Claude Japhet, prsident de lUnion nationale des pharmacies de France (19 ) a soulign quil sagissait aussi bien de trafics de substituts aux opiacs acquis frauduleusement puis revendus sur le march de la drogue que de mdicaments obtenus laide de fausses ordonnances, afin notamment de les revendre ltranger : La fraude rsulte dune prescription lgale : si des anomalies sont constates par le pharmacien, notamment en cas dinteractions, la plupart du temps le mdecin maintient sa prescription. Les ordonnances peuvent galement tre dlivres par les hpitaux. Elles sont alors souvent dtournes de leur objet et non contrlables par le pharmacien, celui-ci ntant pas en mesure, la plupart du temps, de retrouver le prescripteur. La lutte contre le travail illgal reste le domaine principal o la fraude est le fait de rseaux organiss et prend une dimension industrielle. Lors de son audition par la MECSS, M. Vincent Ravoux, directeur de lUnion de recouvrement des cotisations de scurit sociale et dallocations familiales de Paris et de la rgion parisienne (20 ), a montr que le travail illgal tait, dans certains cas, le fait de rseaux organiss quil tait particulirement difficile de dmanteler : Les fraudes inities par des organisations mafieuses sont conues pour rapporter gros, avec des dtournements de prestations en espces, savoir des indemnits journalires, des allocations chmage et bientt des pensions de retraite. () Lenjeu de ce type de fraude, cest de se crer des revenus et de blanchir de largent. Nous sommes loin du contexte de celui qui fait travailler un voisin au noir. Cette fraude organise, mafieuse, est peu sanctionne et elle peut rapporter normment. II.- UNE POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE RCENTE MAIS ENCORE INSUFFISANTE Si la politique de lutte contre la fraude mise en place par le Gouvernement et les mesures lgislatives adoptes par le Parlement ont permis aux rgimes de scurit sociale de prendre conscience de la ncessit de mener des actions en matire de lutte contre la fraude, les rsultats enregistrs ces dernires annes, bien que connaissant une progression certaine, restent insuffisants par rapport lampleur de la fraude. A. DES EFFORTS RCENTS 1. Une nouvelle priorit gouvernementale Depuis plusieurs annes, la lutte contre la fraude, et notamment la lutte contre la fraude sociale, fait partie des priorits gouvernementales. En octobre 2006, un Comit institutionnel de lutte contre la fraude en matire de protection sociale, runissant les directeurs dadministrations centrales concernes, les directeurs des principales caisses nationales des branches du rgime gnral, du Rgime social des indpendants et de la Mutualit sociale agricole, les directeurs des rgimes complmentaires et de lUndic a t cr afin de centraliser les cas de fraudes, danimer la coordination entre les organismes et dvaluer la fraude. Une nouvelle tape a t franchie avec la cration, par le dcret du 18 avril 2008 (21 ), dune dlgation nationale la lutte contre la fraude. Cette dlgation a notamment pour mission : de coordonner les actions menes en matire de lutte contre la fraude par les services de ltat et les organismes intervenant dans le champ de la protection sociale ; damliorer la connaissance des fraudes et de favoriser le dveloppement des changes dinformations, linteroprabilit et linterconnexion des fichiers. Par ailleurs, aprs avoir t expriments dans plusieurs dpartements, les comits oprationnels dpartementaux anti-fraude (CODAF) ont t prenniss et gnraliss par le dcret du 25 mars 2010 (22 ). Ces comits runissent, sous lautorit conjointe du prfet de dpartement et du procureur de la Rpublique du chef-lieu du dpartement, les services de ltat (police, gendarmerie et administrations prfectorale, fiscale, douanire et du travail) et les organismes locaux de protection sociale (Ple emploi, unions de recouvrement des cotisations de scurit sociale, caisses dallocations familiales, assurance maladie et retraite) afin dapporter une rponse globale et concerte aux phnomnes de fraude, quils concernent les prlvements obligatoires ou les prestations sociales. Leur mission est damliorer la connaissance rciproque entre les services, dorganiser des oprations conjointes, de proposer des formations et de partager les expriences afin damliorer lefficacit de la lutte contre les fraudes. 2. Un Parlement inquiet des failles du systme faisant adopter des mesures de bon sens en urgence Inquiet de lampleur prise par la fraude sociale, le Parlement a adopt plusieurs mesures afin de doter les organismes de scurit sociale de nouveaux outils. Ainsi les lois de

financement de la scurit sociale comprennent, depuis 2007, une section consacre aux dispositions relatives au contrle et la lutte contre la fraude. Ces mesures ont permis notamment de mettre en place une gamme diversifie de sanctions administratives et de faciliter les changes dinformations entre les organismes de scurit sociale. Une des principales avances est la cration, par larticle 138 de la loi du 21 dcembre 2006 de financement de la scurit sociale pour 2007 (23 ), du Rpertoire national commun de la protection sociale (RNCPS). Ce rpertoire, cr linitiative de nos collgues Pierre Morange et Jean-Pierre Door, a vocation regrouper des donnes sur lidentification des bnficiaires, laffiliation, la nature des risques couverts et des avantages servis. Enfin, plusieurs mesures ont t adoptes pour amliorer la rcupration des indus (24 ). Deux domaines ont particulirement fait lobjet de mesures lgislatives ces dernires annes : la lutte contre le travail illgal et les arrts de travail. Les unions de recouvrement des cotisations de scurit sociale se sont, en effet, vues dotes de nouveaux outils pour lutter contre le travail illgal. Peuvent tre cites lextension du champ des annulations de rductions et dexonrations sociales en cas de travail dissimul (article 117 de la loi de financement de la scurit sociale pour 2009 (25 )), celle de ces annulations pour les donneurs dordre complices du dlit de travail dissimul (article 94 de la loi de financement de la scurit sociale pour 2010 (26 )) et enfin lexclusion du bnfice de la remise des pnalits et majorations prvues en cas de liquidation judiciaire dans les cas de travail dissimul (article 122 de la loi de financement de la scurit sociale pour 2011 (27 )). Par ailleurs, plusieurs mesures ont vis augmenter les contrles sur les arrts de travail en gnralisant la contre-visite employeur (article 90 de la loi de financement de la scurit sociale pour 2010 (28 )), en mettant en place une exprimentation de contrle par les caisses primaires dassurance-maladie des arrts de travail dans la fonction publique (article 91 de la loi de financement de la scurit sociale pour 2010 (1) ) et une pnalit sanctionnant le fait dexercer une activit rmunre pendant les arrts maladie (article 114 de la loi de financement de la scurit sociale pour 2011 (29 )). 3. Des actions progressivement mises en place par les caisses de scurit sociale a) Une prise de conscience rcente Lensemble des rformes lgislatives a conduit une prise de conscience par les caisses nationales de la ncessit dinscrire la lutte contre la fraude dans ses priorits. Votre Rapporteur regrette nanmoins que cette prise de conscience soit aussi rcente, pour ne pas dire tardive. Dailleurs, lors de son audition par la MECSS, M. Dominique Libault, directeur de la scurit sociale (30 ) a soulign que : pendant longtemps, les partenaires sociaux, notamment dans les caisses prestataires, ont t trs en retrait sur ces questions. Je me rappelle que le contrle des indemnits journalires, lanc par le prdcesseur de M. Frdric van Roekeghem la tte de la Caisse nationale dassurance maladie, avait t trs mal peru. De la mme faon, les contrles exprimentaux qui sont actuellement lancs sur les indemnits journalires des fonctionnaires ne passent pas non plus. Il faut donc travailler avec les partenaires sociaux pour faire comprendre que la lutte contre la fraude fait partie du respect de ltat de droit en France, et quelle est indispensable. Malgr tout, la situation progresse depuis quelques annes. Les services, quant eux, taient autrefois presque dans le dni. Je ne parle pas de ceux qui sont chargs du recouvrement, qui ont toujours eu cette culture du contrle, mais de la branche Maladie, et surtout de la branche Vieillesse et de la branche Famille qui taient trs en retrait. De mme, M. Pierre Mayeur, directeur de la Caisse nationale dassurance vieillesse des travailleurs salaris a reconnu devant la MECSS (31 ) que la fraude prsentant peu de bnfice immdiat pour les personnes qui sont encore loignes de la retraite, la branche Vieillesse a pris conscience de ce problme plus tard que dautres branches de la protection sociale et la lutte contre les fraudes ne faisait, jusqu une date rcente, pas partie de sa culture et na pas fait lobjet dinvestissement de temps et de moyens la hauteur de lenjeu. En outre, lanticipation du dfi industriel du " papy boom", qui a fait passer en quelques mois de 450 000 700 000 ou 800 000 le nombre annuel de liquidations de retraites, a considrablement absorb les efforts de la branche Vieillesse, occultant quelque peu la question de la fraude. Il a conclu que des efforts importants avaient nanmoins t raliss puis 2008. Cest donc fort rcent. b) Les actions mises en place par les organismes de scurit sociale La politique de la lutte contre la fraude de la branche Famille La branche Famille a ainsi lanc, en 2009, une enqute statistique auprs de 10 500 allocataires. Cette enqute, voque prcdemment, a conduit une estimation de limpact financier de la fraude compris entre 540 et 808 millions deuros.

Par ailleurs, la Caisse nationale dallocations familiales a mis en place, compter de 2008, le rpertoire national des bnficiaires. Ce fichier, qui recense les allocataires et ayants droit des caisses dallocations familiales identifis grce leur numro dinscription au rpertoire national didentification des personnes physiques (32 ) permet de vrifier systmatiquement quil ny a pas daffiliation dans plusieurs caisses dallocations familiales sur le territoire. Il est utilis systmatiquement pour les affiliations de nouveaux dossiers et lajout de toute nouvelle personne dans les dossiers existants. La dernire version de ce fichier regroupe dsormais plus de 95 % des bnficiaires et ayants droit des prestations verses par la Caisse nationale dallocations familiales. Il sagrgera prochainement aux rpertoires des autres branches pour constituer le rpertoire national commun de la protection sociale (RNCPS). Plusieurs exprimentations ont aussi t menes pour amliorer les contrles des caisses. Une premire, mene dans les dpartements du Maine-et-Loire et de Seine-Saint-Denis, vise amliorer la dtection de logements fictifs ouvrant droit au versement daides au logement par un recoupement de fichiers avec les services fiscaux, afin de permettre aux caisses dallocations familiales de sassurer de la ralit des logements et de leur affectation usage dhabitation, travers laccs aux fichiers des proprits bties et des propritaires. En outre, a t exprimente, jusquen dcembre 2010, une nouvelle sanction de suspension pour lavenir des aides au logement en cas de fraude, pour une dure maximale de douze mois (33 ). Enfin, quatorze caisses dallocations familiales se sont lances, compter de 2009, dans une exprimentation visant simplifier et scuriser lidentification des personnes en mettant en place de nouveaux processus de gestion des pices justificatives dtat civil et dix-sept caisses exprimentent le profilage ou datamining (34 ), afin de mieux comprendre les caractristiques des dossiers frauduleux et faire des contrles cibls. La gnralisation de cette mthode est prvue en 2011. La politique de la lutte contre la fraude de la branche Maladie Dans sa convention dobjectif et de gestion, la branche Maladie sest engage mesurer la fraude dans un certain nombre de champs identifis, tels que les arrts de travail et la couverture maladie universelle. Un travail est en cours sur ce sujet. Une valuation a t mene concernant les fraudes et fautes des tablissements de sant en matire de tarification lactivit, aboutissant une estimation de 50 millions deuros. De mme, de nouveaux croisements de fichiers devraient tre mis en place prochainement. Ainsi, les services fiscaux vont fournir aux organismes de scurit sociale la liste des personnes qui ont dclar ne plus rsider en France et qui ce titre ne sont pas redevables de limpt sur le revenu afin quils ne bnficient pas simultanment de prestations verses sous condition de rsidence (couverture maladie universelle, couverture maladie universelle complmentaire). De mme, une exprimentation vise permettre aux caisses primaires davoir accs aux ressources dclares ladministration fiscale afin de vrifier la concordance avec les lments dclars la branche Maladie. Est aussi envisag un change relatif aux fraudes potentielles concernant les retraits de plus de 85 ans qui seraient bnficiaires dune rente daccident du travail. Par ailleurs, la Caisse nationale dassurance maladie des travailleurs salaris a dfini des actions prioritaires qui doivent tre mises en uvre par les caisses primaires. Ces actions concernent notamment les mga-consommateurs de soins, la tarification lactivit, les transports sanitaires, le cumul de facturation dans les soins de ville et la chirurgie esthtique. Une action concerne plus spcifiquement les professionnels de sant hyperactifs cest--dire facturant un nombre de consultations particulirement lev laissant supposer lexistence dune fraude. Cette action est ncessaire : rappelons que, selon la Cour des comptes, 120 mdecins en facturent plus de 18 000 consultations par an (35 ). Ces actions sont compltes par des programmes locaux-rgionaux, qui traitent souvent les mmes problmatiques. titre dexemple, la Caisse dallocations familiales des Yvelines a ainsi particip une action concernant les mga-consommateurs de mdicaments antidiabtiques. La politique de la lutte contre la fraude de la branche Vieillesse En 2009, la Caisse nationale dassurance vieillesse des travailleurs salaris a mis en place la premire formation spcifique la branche Vieillesse : savoir mener une enqute et savoir rdiger un rapport denqute . 1 700 jours de formations ont t dispenss dans lensemble du rseau. Par ailleurs, la caisse travaille llaboration dune base nationale de signalement qui permet de faire des requtes spcifiques pour valuer diffrents risques en matire de fraude. La branche a aussi particip la communication commune de sensibilisation la lutte contre les fraudes sociales coordonne par lAgence centrale des organismes de scurit sociale et le ministre du budget. En 2009, la caisse nationale dassurance vieillesse a poursuivi ses relations avec la Caisse nationale dassurance maladie des travailleurs salaris afin de mettre en uvre un change de fichiers au niveau national pour dtecter des omissions de dclaration du dcs des prestataires retraite, ou de leur conjoint, lorsque ceux-ci nont pas dclar leur changement de rsidence hors de France. Cet change portait sur lexploitation de lexistence de soins de sant depuis plus de vingt-quatre mois sur le territoire franais. Les organismes de la branche Vieillesse ont ainsi reu 3 068 signalements de suspicion de fraude et de fraude des partenaires dont 2 436 signalements ont t traits au cours de lanne 2009 (soit 77 % de signalements de fraude traits par la branche). Les montants en jeu nont cependant pas t valus. La politique de la lutte contre la fraude de la branche Recouvrement M. Pierre Ricordeau, directeur de lAgence centrale des organismes de scurit sociale a rappel, lors de son audition par la MECSS (36 ), les diffrentes actions mises en place ces

dernires annes pour amliorer la lutte contre la fraude aux cotisations. En 2006, a t cr le rseau des rfrents rgionaux spcialiss dans la lutte contre le travail dissimul. Par ailleurs, un processus de professionnalisation des inspecteurs a t engag. La lutte contre la fraude sappuie sur 1 550 inspecteurs du recouvrement, ainsi que sur 220 contrleurs du recouvrement, nouveau corps de mtier cr il y a deux ans, spcialis dans le contrle sur pices. Par ailleurs, la branche Recouvrement sest dote en 2008 dune cellule de recherche de la fraude sur internet. Celle-ci exerce son activit en collaboration avec les services comptents de la direction nationale denqutes fiscales. Diffrents partenariats en matire de lutte contre la fraude sociale ont t dvelopps, notamment dans le cadre des comits locaux de lutte contre la fraude. Dans le cadre de la Charte nationale conclue entre ltat et lAgence centrale des organismes de scurit sociale en 2005, une coopration spcifique a t engage entre les services de lInspection du travail et les unions de recouvrement des cotisations de scurit sociale en matire de travail dissimul. Par ailleurs, les unions de recouvrement des cotisations de scurit sociale ont utilis les diffrents outils vots par le lgislateur pour dvelopper les actions de contrle : la loi de financement de la scurit sociale pour 2008 (37 ) a donn aux inspecteurs la possibilit doprer un redressement forfaitaire ds lors quun dlit de travail dissimul a t constat et quaucun lment ne permet de connatre la rmunration verse au salari en contrepartie de lactivit non dclare par son employeur (38 ). En 2009, les unions de recouvrement des cotisations de scurit sociale ont ainsi procd 2 445 redressements forfaitaires, pour un montant global de redressement de 16,3 millions deuros ; la loi de financement de la scurit sociale pour 2008 a institu une procdure spcifique de redressement sur la base des informations contenues dans les procs-verbaux de travail dissimul tablis par les corps de contrle partenaires. Ainsi, 728 actions ont t ralises en 2009 pour un montant de 4,6 millions deuros ; lannulation des exonrations et rductions de cotisations sociales en cas de constat de travail dissimul, effective depuis juillet 2006, a conduit en 2009 au redressement de 7,2 millions deuros de cotisations sociales. Ce rsultat a connu une hausse importante en raison de lextension du dispositif lensemble des situations constitutives du dlit de travail dissimul, en application de larticle 117 de la loi de financement de la scurit sociale pour 2009 ; la solidarit financire a pour objet de rendre la socit mre, ou la holding du groupe, responsable du paiement de lintgrit des cotisations, contributions sociales, majorations et pnalits dues au titre de linfraction de travail dissimul constate. En 2009, plus de 2 millions deuros ont t mis en recouvrement de cette faon auprs des donneurs dordre dans le cadre de la mise en uvre de la solidarit financire. 4. Des progrs rcents dans le pilotage de ltat La mission salue la mise en place de la dlgation nationale de lutte contre la fraude qui a permis de mieux coordonner les diffrentes administrations qui taient auparavant cloisonnes. Cette dlgation, qui comprend quatorze personnes, incite les agents contrleurs communiquer et agir en commun afin de dpister les fraudes. M. Benot Parlos, dlgu national la lutte contre la fraude, a rappel les diffrentes missions menes par la dlgation depuis sa cration (39 ) : lvaluation qualitative et quantitative de la fraude : la dlgation a notamment mis en place un outil de typologie des fraudes consistant partir de cas concrets afin de suggrer des amnagements juridiques et organisationnels destins amliorer le systme et, le cas chant, boucher les trous dans la raquette (3) ; le dveloppement de la formation des agents : la dlgation a lanc un important programme de formation interadministrations, venant sajouter celle dispense dans chaque maison, portant notamment sur la fraude lidentit et la fraude la rsidence, connues jusque-l uniquement de certains services, comme la police aux frontires ; le dveloppement des changes dinformations entre administrations, notamment dans le cadre de croisements de fichiers (40 ). La dlgation a aussi favoris le dveloppement des signalements. Lexemple type est les procs-verbaux de travail illgal : ils doivent imprativement tre transmis lunion de recouvrement des cotisations de scurit sociale, remplis en bonne et due forme, par les forces de contrle qui ont agi ; le renforcement du volet anti-fraude dans les conventions dobjectifs et de gestion signes par les caisses ; la veille juridique notamment pour adapter larsenal lgislatif alors que la fraude volue constamment. Le premier bilan des comits oprationnels dpartementaux anti-fraude montre quils permettent damliorer la coopration entre des services qui taient auparavant cloisonns et de dmanteler des fraudes importantes notamment en ce qui concerne le travail illgal. Lors de son audition, M. Benot Parlos (41 ) dlgu national la lutte contre la fraude, a indiqu la mission que le montant du prjudice redress ou vit grce aux comits est valu 150 millions deuros en 2009. Les membres de la MECSS qui ont pu assister la runion du comit oprationnel dpartemental anti-fraude des Yvelines le 7 avril dernier, ont constat la coopration qui se dveloppait entre services. Ainsi, dans le cadre de ce comit, 33 oprations de contrles ont t effectues en 2010 permettant de dtecter 38 personnes en situation de

travail dissimul. Sagissant de la fraude aux allocations familiales, les activits de contrle ont permis de dtecter 161 cas de fraude avre, auxquels sajoutent 91 cas de fraude relatifs au revenu de solidarit active pour un prjudice financier total de 1,81 million deuros. Lors dun dplacement la caisse dallocations familiales de Haute-Garonne, les membres de la MECSS ont pu constater la ralit de la coopration entre cette caisse et les autres administrations charges de la lutte contre la fraude, permettant ainsi de dtecter des fraudes pour un montant de 271 000 euros (42 ), comme le montre le tableau suivant : Bilan pour la caisse dallocation familiale de Haute-Garonne du comit dpartemental anti-fraude en 2010 (En nombre de dossiers et en euros)

1 er semestre 2e semestre Total

Dossiers ayant un impact frauduleux la CAF transmis aux autres partenaires Nombre Montant 13 126 898,82 18 31 102 904,07 229 802,89

Dossiers transmis par les autres partenaires et ayant un impact frauduleux la CAF Nombre montant 1 8 719,33 7 8 32 170,30 40 889,63

Source : caisse dallocations familiales de Haute-Garonne. Ces rsultats montrent que la coopration entre administrations permet de dtecter des fraudes qui ne ltaient pas auparavant. Il convient donc de les dvelopper. B. FACE AUX FRAUDES AUX PRESTATIONS, UN SYSTME ENCORE TROP DRESPONSABILIS ET PARPILL Lors de son audition par la MECSS, M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de lemploi et de la sant (43 ) a montr que les rsultats de la lutte contre la fraude sociale avaient progress de 19 % en 2010. Lensemble des fraudes dtectes dans le champ social a reprsent 457,8 millions deuros, dont 185 millions deuros concernaient le travail non dclar et 266 millions deuros les fraudes aux prestations sociales. Depuis 2006, anne durant laquelle ont t lancs les premiers programmes nationaux de lutte contre la fraude au sein de la scurit sociale, plus de 1,7 milliard deuros de fraudes a t dtect par les organismes de scurit sociale. Mais ces rsultats, indniables, laissent prsager une importante marge de progression. 1. La branche Famille : une situation un peu mieux matrise mme si des failles persistent En 2009, 11 733 cas de fraudes ont t dtects par la branche Famille pour un prjudice financier de 85,6 millions deuros. Montant des fraudes constates par la branche famille (En millions deuros et en %)

Anne

Montant des fraudes dtectes et stoppes35,1 58,3 80 85,6

volution n/ n-1 + 66,1 % + 37,2 % +7%

2006 2007 2008 2009

Source : Cour des comptes. En 2010, le montant des fraudes dtectes et stoppes sest lev 90 millions deuros (44 ). Les prestations les plus fraudes sont le revenu de solidarit active, le revenu de solidarit active major et les aides au logement. La fraude en matire daide au logement Daprs la Caisse nationale dallocations familiales, les trois aides au logement reprsentent 30 % des fraudes dtectes par la branche famille en 2008, soit un montant plus de 26 millions deuros. La dclaration dun logement fictif reprsenterait 10 % de la fraude. Le contrat de bail nest en effet soumis aucune procdure denregistrement particulire : deux personnes peuvent ainsi facilement souscrire un contrat de bail faisant rfrence un logement inexistant, sans que le caractre frauduleux de lopration soit aisment reprable. Lors de son audition par la MECSS, M. Herv Drouet, directeur gnral de la Caisse nationale dallocations familiales (45 ), a indiqu que 60 millions doprations de contrle avaient t menes en 2009, dont 20 millions taient issues dun change de donnes et 40 millions ralises par des vrifications comptables et des contrles sur place et sur pices. 3,6 millions dinformations avaient t vrifies sur place, lors de 280 000 contrles mens par 605 agents asserments. La mission constate que laugmentation du montant des fraudes dtectes ou stoppes qui est pass de 35,1 millions deuros en 2006 90 millions deuros en 2010 soit une augmentation de 186 % est le fruit dune indniable politique de lutte contre la fraude. La mise en place du rfrentiel national des bnficiaires, qui regroupe en un seul fichier la quasi-totalit des foyers qui peroivent des allocations familiales, et qui a permis de mettre fin aux fraudes consistant dclarer des enfants dans plusieurs dpartements, pour tardive quelle soit, doit tre salue. Les rsultats de la lutte contre la fraude de la caisse dallocations familiales de Haute-Garonne montrent le dveloppement de la politique de lutte contre la fraude. Bilan de la politique de lutte contre la fraude de la caisse dallocations familiales de Haute-Garonne (En euros)

Anne 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010(1)

Nombre de fraudes dtectes 53 51 76 71 103 285 197 259 294 316 137

Montant des fraudes dtectes 424 232 524 685 475 625 513 442 765 096 2 018 199 1 847 842 2 194 853 3 591 658 2 302 334 1 626 947

(1) : Ces chiffres ne concernent, partir de 2010, que les prestations familiales, les cas de fraudes au RSA relevant du conseil gnral. 325 cas de fraudes au RSA ont ainsi t dtects en 2010. Source : caisse dallocations familiales de Haute-Garonne.

En 2010, les rsultats de la branche Famille, au niveau national, confirment les tendances prcdentes. 13 114 cas de fraudes ont t dtects, soit une hausse de 10 % par rapport 2009 et une augmentation de 5,3 % des montants financiers ainsi rcuprs. Les contrles ont connu une hausse non ngligeable : 41,7 % des informations ont t vrifies par les caisses dallocations familiales (contre 35 % en 2007). 2 766 pnalits financires ont t prononces pour un montant de 1,7 million deuros, et dans 21 % des cas, une plainte a t dpose. Au total, 563 amendes pnales et 362 peines de prison ont t prononces. Cependant, les rsultats affichs par la branche Famille en 2010 ne reprsentent que 6 % du nombre total de fraudeurs, estim 200 000. Ces rsultats sont donc trs insuffisants. Par ailleurs, plusieurs cas de fraude dtects ces derniers mois attestent du fait que certaines dentre elles perdurent depuis longtemps (46 ). 2. La banche Maladie : une certaine impuissance face aux fraudes et aux abus Lors de son audition par la MECSS, M. Frdric van Roekeghem, directeur gnral de la Caisse nationale dassurance maladie des travailleurs salaris (47 ) a indiqu que les actions de contrle de la Caisse nationale dassurance maladie des travailleurs salaris avaient un impact de lordre de 150 millions par an . Il a prcis, par ailleurs, que les erreurs dtectes lors des contrles de la tarification lactivit reprsentaient, elles seules, entre 30 50 millions deuros. Montant des fraudes et abus dtects par la branche maladie (En millions deuros et en %) Anne Montant des dpenses de la branche (A) 137 600 141 800 147 800 155 000 Montant dtect et stopp 13 118 143 160 conomies constates (B) 10,4 90,6 125,5 131,7 % du montant des dpenses (B/A) 0,01 0,06 0,08 0,08

2005 2006 2007 2008 Source : Cour des comptes.

Lors de son audition, M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de lemploi et de la sant (48 ) a, confirm lordre de grandeur des fraudes dtectes devant la MECSS en indiquant quelles avaient atteint 156 millions deuros en 2010. Le tableau suivant retrace lvolution, selon les domaines, des montants frauds et des sommes ainsi rcupres : volution du montant des sommes fraudes et rcupres (En millions deuros) Nature tablissements (contrles T2A, tablissements dhbergement pour personnes ges dpendantes) Indemnits journalires Mdicaments (ordonnancier bizone, traitement de substitution des opiacs, n.c. n.c. 23,1 20,3 11,3 12,6 13,3 1,8 6,4 0,1 54,1 34,8 2005 n.c. 2006 24 2007 55,1 2008 37,1 2009 40,9 20052009 157,1

mgaconsommateurs) Honoraires mdicaux (dont chirurgie esthtique) Autres prestations (transports, masso-kinsithrapie, etc) Actions locales et autres Total Source : dlgation nationale de lutte contre la fraude. Alors que lanne 2005 montre le caractre trs parcellaire des donnes disponibles, les premiers rsultats de la mise en place dune politique de lutte contre la fraude sont visibles car les conomies ralises ont augment de faon importante depuis 2005. titre dexemple, comme le montre le tableau ci-dessous, le montant des fraudes, fautes et abus dtects et stoppes par la seule caisse primaire dassurance maladie des Yvelines a cr de faon significative depuis 2007 : Montant des fraudes, fautes et abus dtects et stopps depuis 2007 par la caisse primaire dassurance maladie des Yvelines (En milliers deuros) 10,4 10,4 20,5 90,6 35,6 125,5 64,2 131,7 72,1 137,6 202,8 495,8 n.c. n.c. n.c. 4,5 8,7 13,2 n.c. 2,7 10,9 10,8 9,4 33,8

2007 942,3

2008 2 947,1

2009 8 857,2

2010 8 618,9

Source : caisse primaire dassurance maladie des Yvelines. Cependant, la mission constate que le montant des fraudes dtectes et stoppes en 2009 ne reprsente que 0,096 % du montant total des dpenses de la branche Maladie. Si lon considre que la fraude reprsente 1 % des dpenses dassurance maladie, la branche Maladie ne dtecte en ralit que 10 % de la fraude prsume. En outre, plusieurs exemples montrent que la politique de la branche Maladie en matire de lutte contre la fraude et les abus reste perfectible. titre dexemple, le nombre encore trop important de mdecins hyperactifs montre que les caisses primaires narrivent pas toujours constater et sanctionner la fraude. Ainsi, rappelons encore que, selon la Cour des comptes, 120 mdecins en facturent plus de 18 000 consultations par an (49 ). De mme, dans le prcdent rapport de la MECSS sur le fonctionnement de lhpital (50 ), nos collgues Jean Mallot et Pierre Morange ont montr que certains tablissements de sant ne respectaient pas toujours les rgles relatives aux marchs publics, ce qui aboutit des surfacturations. Cest dire la fois linsuffisance de la politique de lutte contre la fraude et limportance du chemin qui reste parcourir. 3. La branche Vieillesse : un systme insuffisamment scuris Selon la Cour des comptes, le montant des fraudes vites ou constates est peu lev pour la branche Vieillesse. Montant des fraudes et abus dtects par la branche Vieillesse (En millions deuros et en %) Anne Charges nettes de la branche (A) 84 947,1 90 395,6 Montant des prjudices constats (B) 1 1 Montant des fraudes vites 2 2 % du montant des dpenses (B/A) 0,001 0,001

2006 2007

2008 Source : Cour des comptes.

95 654,8

2,5

14,6

0,003

Lors de son audition par la MECSS, M. Pierre Mayeur, directeur de la Caisse nationale dassurance vieillesse des travailleurs salaris (51 ) a indiqu que le montant des fraudes constates slevait 3 millions deuros en 2009, soit une augmentation de 30 % par rapport 2008. En 2010, les fraudes dtectes ont reprsent 10,1 millions deuros. Ces donnes pourraient faire croire que la branche nest pas trop atteinte pas le phnomne. Votre Rapporteur estime pourtant l encore quun trs grand nombre de fraudes restent dtecter. Des exemples le laissent penser (52 ). Si ces cas restent ponctuels, la fraude au dispositif de dpart anticip pour carrire longue semble beaucoup plus massive. La loi du 21 aot 2003 portant rforme des retraites (53 ) a permis aux personnes ayant accompli une carrire longue et ayant cotis une longue dure de partir lge de la retraite avant soixante ans. Or, le dispositif permettait de reconstituer les carrires de manire simplifie : les trimestres susceptibles dtre acquis, par rgularisation des cotisations arrires, pouvaient ltre sur la seule foi dune dclaration sur lhonneur crite de deux tmoins choisis selon des modalits trs peu contraignantes. En outre, le processus tait partag entre deux branches de la scurit sociale aprs rgularisation par les unions de recouvrement des cotisations de scurit sociale, lassur faisait valoir ses droits auprs de la Caisse nationale dassurance vieillesse des travailleurs salaris , ce qui responsabilisait peu les acteurs du systme. Une mission de contrle diligente la demande des ministres du budget et du travail par lInspection gnrale des affaires sociales et lInspection gnrale des finances a clairement dmontr les lacunes dun tel dispositif. partir dchantillons, elle a valu que celle-ci reprsentait 10 millions et 45 millions deuros. Au total, prs de 6 800 dossiers de rachats salaris ont ainsi fait lobjet dun examen approfondi (2 600 pour le rgime gnral et 4 200 pour la Mutualit sociale agricole). Cet examen a permis didentifier prs de 1 200 dossiers sur lesquels psent de fortes suspicions de fraudes et sur lesquels portent des investigations complmentaires. Des poursuites pnales ont galement t enclenches Marseille ainsi quen rgion parisienne. On peut lgitimement craindre des fraudes massives. C. DES FRAUDES AUX COTISATIONS TROP PEU POURSUIVIES 1. Des fraudes mal dtectes Selon le bilan des contrles des cotisants effectus par la direction de la rglementation du recouvrement et du service de lAgence centrale des organismes de scurit sociale, lactivit de contrle a concern, en 2009, plus de 247 000 cotisants et gnr 1 194 millions deuros de redressements, soit 927 millions deuros en redressements (54 ) positifs et 266 millions deuros de restitution. La rpartition des redressements est indique dans le tableau ci-dessous : Rpartition des redressements oprs par les URSSAF

Nombre de personnes contrles Nombre de personnes contrles et redresses Taux de redressement des personnes (1) Montant des redressements(en euros)

Contrle comptable dassiette 96 441 60 952 63,2 % 994 900 120

Travail dissimul 8 696 5 966 68,6 % 126 719 066

Contrle forfaitaire et travailleurs indpendants 2 877 643 22,3 % 2 130 199

Contrle partiel dassiette sur pices 40 362 123 911 32 % 10 412 226

Autres actions de contrle 1 807 935 51,7 % 59 809 644

Total actions de contrle 150 183 81 407 54,2 % 1 193 971 255

Redressement par personne redress (eneuros)

16 323

21 240

3 313

806

63 968

14 667

Redressement par personne contrle (eneuros) (1) Ce taux est le rsultat de contrles cibls.

10 316

14 572

740

258

33 099

7 950

Source : bilan 2009 du contrle des cotisants, direction de la rglementation du recouvrement et du service de lAgence centrale des organismes de scurit sociale Sagissant du contrle comptable dassiette, les redressements en faveur des unions de recouvrement des cotisations de scurit sociale se sont levs 994 millions deuros, soit 781 millions deuros de redressements positifs en augmentation de 70 % par rapport 2008 (55 ) et 213 millions deuros de restitution. M. Pierre Ricordeau, directeur de lAgence centrale des organismes de scurit sociale a soulign, lors de son audition (56 ), les progrs raliss ces dernires annes : Quelques chiffres : prs de 50 % des cotisations contrles en trois ans conformment notre objectif ; environ 11 % du fichier contrl chaque anne ce " taux de couverture " tant variable selon la taille des entreprises, les trs grandes tant systmatiquement contrles tous les trois cinq ans ; 40 000 tablissements contrls chaque anne au titre de la lutte contre le travail dissimul ; sur la priode 2004-2009, doublement des redressements raliss par les unions de recouvrement des cotisations de scurit sociale et dallocations familiales (URSSAF). Si la mission constate lamlioration de la dtection des fraudes aux cotisations ces dernires annes, les redressements ne reprsentent cependant quune faible part de la fraude suppose, montrant ainsi que les fraudes aux cotisations sont insuffisamment poursuivies. En effet, si lon prend en compte les estimations de lAgence centrale des organismes de scurit sociale faisant tat dune fraude comprise entre 13,5 et 15,8 milliards deuros les redressements en faveur des unions de recouvrement des cotisations de scurit sociale ne reprsenteraient que 6 % 7 % du montant de la fraude. 2. Des pouvoirs publics insuffisamment mobiliss face lampleur du travail illgal Ds 1996, dans un rapport sur les fraudes et les pratiques abusives, M. Charles de Courson et Grard Lonard (57 ), avaient constat lampleur de la fraude aux prlvements en valuant que le travail illgal reprsentait une perte de cotisations sociales comprises entre 6,6 et 10,4 milliards deuros. Ces montants, qui datent de plus de quinze ans, restent dactualit et les pouvoirs publics ont t incapables denrayer le phnomne : le travail illgal reste encore aujourdhui un phnomne massif. Certes, la politique mene par le Gouvernement pour dvelopper la lutte contre le travail illgal a permis damliorer les rsultats. En 2009, les contrles oprs dans le cadre de la lutte contre le travail illgal ont gnr 130 millions deuros de redressements, dont prs de 127 millions deuros concernaient des cotisations dues pour lemploi de salaris et plus de 3 millions deuros de cotisations personnelles dues par les employeurs et les travailleurs indpendants. Selon le bilan intermdiaire du Plan national de lutte contre le travail illgal (2010-2011) tabli par M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de lemploi et de la sant, loccasion de la runion de la Commission nationale de lutte contre le travail illgal, en 2010, plus de 70 000 entreprises ont t contrles par les agents de contrle, hors forces de sret, dans les secteurs prioritaires. Le taux dinfraction des entreprises contrles est de prs de 16 %, un chiffre en hausse continue depuis 2007 (12 %) et qui tmoigne du meilleur ciblage opr par les agents de contrles. Tous secteurs confondus, le montant des redressements mis en recouvrement par les unions de recouvrement des cotisations de scurit sociale slve plus de 185 millions deuros en 2010, soit une hausse denviron 40 % par rapport 2009. Les montants des redressements sur les secteurs prioritaires slvent plus de 81 millions deuros, en hausse de prs de 42 % par rapport 2009. Ce rsultat montre une progression notable depuis plusieurs annes : Redressements mis en recouvrement rsultant dun constat de travail dissimul (En millions deuros)

2003 33

2004 41

2005 59

2006 73

2007 118

2008 108

2009 130

2010 185

Source : bilan 2009 du contrle des cotisants, direction de la rglementation du recouvrement et du service de lAgence centrale des organismes de scurit sociale. Cependant malgr cette progression, ces redressements sont insuffisants par rapport lampleur du travail illgal. Si on prend en compte les estimations du conseil des prlvements

obligatoires qui considre que le travail illgal reprsente entre 6,4 et 12,4 milliards deuros les redressements pour travail illgal en 2010 ne reprsentent quentre 1,5 % et 2,9 % de la fraude prsume. M. Vincent Ravoux, directeur de lUnion de recouvrement des cotisations de scurit sociale et dallocations familiales de Paris et de la rgion parisienne a constat devant la MECSS (58 ) que malgr laccroissement des contrles, certaines activits recouraient encore trs largement au travail illgal : Jajoute que nous avons souvent limpression de donner des coups dpe dans leau : par exemple, nos inspecteurs dbusquent rgulirement des ateliers clandestins au cur du quartier du Sentier dont les travailleurs ne sont dailleurs pas forcment en situation irrgulire mais dont les activits sont en revanche sous-dclares ; plus, nous mettons la main sur des produits de confection de grandes marques, ce qui tend montrer que le secteur de lhabillement est fond sur un modle conomique impliquant ncessairement le recours de tels ateliers. Faute de pouvoir placer un inspecteur derrire chaque cotisant, nous ne nous sortirons donc pas de ces difficults moins de les traiter globalement comme lont fait la Fdration franaise du btiment ou les entreprises de travail temporaire. III.- DES LACUNES PERSISTANTES DANS LA POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE ET LES ABUS Comme le montre le rapport de la Cour des comptes (59 ), la politique de lutte contre la fraude prsente encore des faiblesses : le pilotage national est insuffisant, certains chantiers notamment la mise en place de certains croisements de fichiers prennent du retard, la complexit de la lgislation sociale et paradoxalement aussi la volont de simplification facilitent parfois la tche des fraudeurs, alors que paralllement les moyens dont disposent les caisses locales sont insuffisants et les contrles sur les assurs et les sanctions prononces sont trop rares. A. UN SYSTME LARGEMENT DSORGANIS ET MAL PILOT 1. Des conventions dobjectifs et de gestion peu contraignantes Si les volets consacrs la lutte contre la fraude sont davantage dvelopps dans les actuelles conventions dobjectifs et de gestion que dans les prcdentes, la mission constate que ces dernires restent cependant peu contraignantes. Tout en constatant les progrs que reprsentent les dernires conventions dobjectifs et de gestion (COG), la Cour des comptes, dans son rapport (1) , regrette que celles-ci ne soient pas plus ambitieuses. Lors de son audition, Mme Rolande Ruellan, prsidente de la sixime chambre de la Cour des comptes a expliqu la MECSS (60 ) que La troisime gnration de COG comportait dj quelques lments nouveaux ; mais cest surtout la quatrime gnration les conventions signes depuis lanne dernire qui marque la volont de mieux dtecter, mieux valuer, mieux sanctionner et aussi mieux prvenir les fraudes. Au-del de ces bonnes intentions, tout rside bien sr dans la force des objectifs et dans celle des indicateurs permettant de suivre leur ralisation ; or, nous avons observ que ces objectifs manquaient dambition, tant parfois en de des rsultats dj obtenus mais ce nest pas seulement en matire de la lutte contre la fraude que nous avons constat ce phnomne. Ainsi, si la convention conclue entre la Caisse nationale dallocations familiales et ltat pour la priode 2009-2012 contient des indicateurs spcifiques sur la fraude (61 ), la cour regrette que deux de ces indicateurs ne soient que des indicateurs de suivi, sans tre assortis dune cible quantifie et que lintressement ne prenne pas en compte les rsultats de ces indicateurs. La Cour des comptes fait le mme constat sur la convention dobjectifs et de gestion conclu entre la Caisse nationale dassurance vieillesse des travailleurs salaris et ltat pour la priode 2009-2013 : si le volet consacr la lutte contre la fraude apparat plus toff que dans les prcdentes conventions, un seul indicateur a t retenu : le taux de rsorption des indus frauduleux. Or celui-ci ne mesure pas lefficacit de chaque caisse dans la dtection des caisses, mais plutt leur efficacit dans la rcupration des indus qui en dcoulent. De mme, les indicateurs dintressement arrts avant la convention dobjectifs et de gestion, nont pas t revus. La convention dobjectifs et de gestion conclue entre ltat et lassurance-maladie sur la priode 2010-2013 constitue, de ce point de vue, une amlioration. Trois indicateurs de rsultats sont retenus, deux tant associs des objectifs chiffrs : le montant du prjudice subi dtect du fait de fraudes, fautes et abus au cours de chaque anne, la progression du montant des indus frauduleux recouvrs avec un objectif de progression de 5 % par an et le montant des pnalits financires, avec un objectif de 2 400 pnalits prononces en 2013. Il est important aussi de noter que le montant du prjudice dtect des fraudes, fautes et abus doit tre pris en compte dans llaboration de lobjectif national des dpenses dassurance maladie (ONDAM). Par ailleurs, un calendrier prvisionnel dtaille les actions que la Caisse nationale dassurance maladie des travailleurs salaris doit entreprendre chaque anne. Ainsi, en 2010, sont mentionnes la mise en place dans la totalit des caisses des commissions des pnalits financires, la clarification des notions de fraudes, de fautes et dabus et lexprimentation du datamining en matire dindemnits journalires et de couverture maladie universelle complmentaire. En 2011, sont prvus lexprimentation du datamining en matire de transport, le dveloppement de la formation initiale aux mtiers de la lutte conte la fraude, la connaissance du nombre de taux de fraude administrative thorique aux indemnits journalires et la cration dun indicateur defficience. Ces lments semblent plus contraignants : lapplication de la convention dans les annes qui viennent permettra de voir si le calendrier a t

effectivement respect. En revanche, la convention ne comprend pas, contrairement aux prconisations de la Cour des comptes, un engagement sur le nombre de contrleurs asserments. 2. Une impulsion insuffisante des caisses nationales La mission considre que le pilotage de la politique de lutte contre la fraude par les caisses nationales manque aujourdhui de volontarisme. Les dplacements effectus par la mission dans des caisses locales des branches Famille et Maladie ont montr localement une relle volont de mettre en place des actions de lutte contre la fraude, mais sans que celles-ci sinscrivent dans un plan national concert et sans que certaines exprimentations innovantes soient diffuses. titre dexemple, dans la branche Famille, les procdures de traitement de la fraude relvent des caisses locales. Ainsi les caisses dallocations familiales de la rgion Midi-Pyrnes ont labor un guide intitul Processus de traitement des dossiers "fraudes" et sanctions applicables . Il contient des indications prcises sur linstruction des dossiers, lapprciation et la mise en uvre des sanctions, les rclamations de lallocataire, la mise en uvre des pnalits, la procdure de traitement des lettres de dnonciations. Ce guide contient aussi des fiches pratiques portant sur des thmes tels que les contrles sur place des allocataires, les principaux critres permettant de retenir une suspicion de fraude, lvaluation du train de vie ou le droit de communication ainsi que des modles de lettre type (lettre davertissement, lettre de notification de dpt de plainte, lettres de notification des pnalits). La mission salue linitiative des caisses qui ont labor ce guide : la mise en place de procdures prcises est trs certainement de nature amliorer la dtection et la sanction de la fraude. Elle regrette cependant quun tel guide ne soit quen prparation au niveau national. De mme, la diffusion des pratiques innovantes inities par les caisses semble encore rare. La Cour des comptes, dans son rapport sur la lutte contre les fraudes aux prestations dans les branches prestataires du rgime gnral (62 ), constate que lexprience mene par la caisse primaire dassurance maladie de Haute-Garonne pour diminuer les trafics de Subutex a donn de bons rsultats et stonne quelle ait t stoppe. Lexemple de la fraude des dparts anticips pour carrires longues montre aussi les limites de laction des caisses nationales. M. Franois Schechter, inspecteur gnral des affaires sociales (63 ), a soulign devant la MECSS (64 ) les lacunes du pilotage des caisses nationales qui nont pas mis en place de procdure centralise pour grer les dossiers de validation de trimestres qui arrivaient pourtant en masse. Il a ainsi constat : Ce qui nous a frapps, cest quaucun des trois rseaux navait song dvelopper une approche commune aux rgimes ou aux caisses, alors mme quil avait t dcid, dans le cadre de la rforme des retraites, de favoriser les compltions de carrires longues. (). Aucune des trois ttes de rseau ne stait rendue compte de lextraordinaire htrognit des conditions dinstruction des dossiers. Tandis quune union de recouvrement des cotisations de scurit sociale et dallocations familiales pouvait avoir organis un examen des dossiers sur pices, la rception des demandeurs et le recoupement des informations, sa voisine, quelques dizaines de kilomtres, ne convoquait mme pas les bnficiaires et calculait les retraites, non pas sur des bases forfaitaires, mais sur les salaires dclars. () Lexemple de la fraude aux carrires longues illustre bien les lacunes du pilotage de la lutte contre la fraude des caisses nationales. 3. Une absence de dfinition commune de la fraude a) Une notion variable selon les caisses Les branches du rgime gnral nont pas la mme dfinition de la fraude. Ainsi, la frontire entre fraude, abus et faute est particulirement floue dans la branche Maladie. La Caisse nationale dassurance maladie des travailleurs salaris prend en compte dans ses statistiques sur les fraudes dtectes, les mises sous accord pralable, alors quelles ne rsultent pas forcment dune fraude. En outre, il est parfois difficile de qualifier certains comportements. Il en est ainsi du non-respect des ordonnanciers bi-zone pour lequel il est difficile de tracer une frontire entre des abus et des fraudes. La branche Famille, quant elle, a eu pendant longtemps une notion restrictive de la fraude corrle la qualification pnale. Cette conception a cependant rcemment volu. b) Une valuation lacunaire de la fraude Comme la montr votre Rapporteur prcdemment, seule la Caisse nationale dallocations familiales a entrepris un travail approfondi dvaluation globale de la fraude. La Caisse nationale dassurance-maladie a simplement conduit une valuation sur la fraude concernant lapplication de la tarification lactivit par les tablissements de sant. Les seuls chiffres diffuss par les caisses nationales sont ceux de la fraude dtecte, ce qui peut conduire, la mission en est convaincue, sous-estimer lenjeu que reprsente la fraude. Ce sentiment est dailleurs partag par la Cour des comptes, dans son rapport sur la lutte contre les fraudes aux prestations dans les branches prestataires du rgime gnral (65 ) qui constate lexception de la branche Famille, les donnes publies par les caisses nationales se limitent encore le plus souvent aux montants dtects (ou

vits de fraudes dcouvertes), ce qui peut donner une perception fausse des enjeux de la fraude, en conduisant une grave sous-estimation. 4. Une communication externe encore peu dveloppe La mission regrette que la communication de la plupart des caisses nationales lgard des usagers soit inexistante. Lexemple de la scurit routire montre pourtant quune communication sur les sanctions encourues est de nature modifier les comportements. La branche Recouvrement du rgime gnral, qui a engag en octobre 2009, une premire campagne de grande ampleur avec le slogan Ne pas franchir la ligne jaune semble stre engage dans cette voie. De mme, M. Franois Gin, directeur gnral de la Caisse centrale de la Mutualit sociale agricole a indiqu la MECSS (66 ) que la Mutualit sociale agricole avait lanc des actions de communication lattention des agents, des particuliers et des employeurs, pour rappeler notamment les dmarches accomplir et les sujets sur lesquels ils devaient tre vigilants. Des initiatives locales ont t prises comme le montre laffichage dans certaines caisses dallocations familiales des sanctions prononces lencontre dusagers fraudeurs. La Cour des comptes, dans son rapport sur la lutte contre les fraudes aux prestations dans les branches prestataires du rgime gnral (67 ) , note pourtant la rticence demander et procder laffichage dans les locaux des condamnations obtenues. Ainsi, selon les rponses au questionnaire envoy par la cour, seuls 54 % des organismes demandent systmatiquement au juge pnal le droit dafficher et de publier dventuelles dclarations et seul un tiers procde systmatiquement laffichage. B. DES CHANTIERS QUI PRENNENT DU RETARD Plusieurs outils ayant pour ambition damliorer lefficacit de la lutte contre la fraude ne sont pas encore oprationnels ou diffuss. Cest le cas notamment de la carte Vitale 2 munie dune photographie, qui reste peu diffuse et mal scurise (68 ). Ainsi, en janvier 2011, seules 13,8 millions de cartes avec photographie ont t produites. ce rythme, le renouvellement total du parc devrait seffectuer sur une priode de huit ans. Mais cest en matire de croisements ou de constitution de fichiers inter-rgimes que les retards sont les plus patents. Cest le cas pour le Rpertoire national commun de la protection sociale (RNCPS), cr linitiative de nos collgues Pierre Morange et Jean-Pierre Door (69 ), et qui nest toujours pas oprationnel. La mission constate avec surprise que le dcret dapplication na t adopt que trois ans aprs ladoption de la loi, soit le 16 dcembre 2009. Quant larrt pris en application de ce dcret pour fixer la liste des organismes, des droits et des prestations entrant dans le champ de ce rpertoire, il vient dtre finalement adopt le 21 mars dernier (70 ), soit quatre ans et demi aprs ladoption de la loi ! Laccs des organismes de scurit sociale au fichier AGDREF (application de gestion des dossiers des ressortissants trangers en France) ressemble aussi une course de lenteur. Ce fichier, qui a t cr par un dcret du 29 mars 1993 (71 ), permet de grer les dossiers des ressortissants trangers en France. Il est aliment par chacune des prfectures. La loi du 24 aot 1993 relative la matrise de limmigration et aux conditions dentre, daccueil et de sjour des trangers en France (72 ) a prvu que les organismes de scurit sociale sont tenus de vrifier que les assurs trangers satisfont aux conditions de rgularit de leur situation en France. Lorsque ces informations sont conserves sur support informatique, les organismes peuvent avoir accs aux fichiers des services de ltat pour obtenir les informations administratives ncessaires cette vrification. La Commission nationale de linformatique et des liberts (CNIL) a t saisie une premire fois en dcembre 1996 par le ministre de lintrieur, et, nouveau, en 1998 et en 1999. Auditionn par la MECSS, notre collgue Philippe Gosselin, membre du collge de la Commission nationale de linformatique et des liberts (73 ) a soulign les rticences mettre en place un tel dispositif : Pour tre franc, il ne semble pas que les diffrents ministres de lintrieur aient fait preuve dun grand empressement cette poque. Un nouveau dossier a t dpos en fvrier 2001, puis des changes dinformations et des demandes de complments ont suivi. Parmi les organismes sociaux sollicits, seule la Caisse nationale dallocations familiales a clairement manifest un intrt. La CNIL a rendu un avis favorable le 27 juin 2002, soit neuf ans aprs la parution du dcret. Le dossier semble avoir t relanc rcemment : un fichier AGDREF 2, succdant au projet GREGOIRE, est, en effet, aujourdhui en cours de finalisation. Le 10 fvrier 2011, la Commission nationale de linformatique et des liberts sest ainsi prononce sur ce traitement qui doit permettre des changes de donnes entre le fichier AGDREF et les systmes informatiques des organismes de scurit sociale et de Ple emploi. Laccs des organismes de scurit sociale devrait intervenir cet automne, soit dix-huit ans aprs ladoption de la loi du 29 mars 1993.

C. DES DISPOSITIFS FRAUDOGNES 1. Une complexit normative source de fraude et dabus a) Une lgislation inadapte La lgislation relative aux prestations de scurit sociale nest pas toujours adapte aux volutions rcentes que connaissent les assurs sociaux. Ainsi, la Cour des comptes, dans son rapport sur lapplication de la loi de financement de la scurit sociale pour 2010, souligne le caractre inadapt de la rglementation applicable la Caisse des Franais de ltranger (CFE) qui conduit des abus. Cette caisse a t cre pour offrir une protection sociale aux expatris, permettant de pallier les insuffisances des couvertures offertes par les systmes trangers de scurit sociale. Afin dviter que les expatris nadhrent cette caisse qu partir du moment o ils sont malades ou gs, le code de la scurit sociale prvoit un dlai de carence, le droit remboursement ntant ouvert que quelques mois aprs ladhsion, avec des droits dentre croissant avec lge. Cependant, la rglementation est en ralit peu contraignante et elle incite les Franais expatris de longue date nadhrer la caisse que trs tardivement. La Cour des comptes constate : fin 2009, si 55 % des 11 333 pensionns assurs la CFE y taient dj dans la catgorie pensionns fin 2005, 6 % adhraient dj la CFE au titre dune autre catgorie (salaris, non salaris, inactifs) et 39 % ntaient alors pas connus de la CFE. Ce dernier chiffre souligne limportance des adhsions tardives, soit que les pensionns taient antrieurement des expatris couverts par une autre assurance que celle de la CFE, soit quils aient choisi de sexpatrier au moment de leur retraite. En 2007, les adhsions effectues aprs 60 ans se sont leves 1 589 (dont 428 aprs 70 ans). Cette situation est dautant plus proccupante que les pensionns bnficient dun taux de cotisation trs bas, fix, en 2009 3,5 % et appliqu aux seules pensions de retraite franaises perues. Or la catgorie des pensionns est structurellement et de plus en plus dficitaire pour la caisse (soit un dficit de 5,7 millions deuros en 2008) et la revalorisation rcente du taux de cotisation (4 % depuis avril 2010) semble insuffisante. b) Une rglementation complexe Certaines rglementations rendent la tche des contrleurs particulirement ardue. Cest le cas notamment des rgles applicables pour dfinir la notion disolement. Larticle L. 262-9 du code de laction sociale et des familles prvoit, en effet, que le revenu de solidarit active peut tre major pendant une priode de dure dtermine pour une personne isole assumant la charge dun ou de plusieurs enfants et une femme isole en tat de grossesse, ayant effectu la dclaration de grossesse et les examens prnataux. Larticle prcise quest considre comme isole une personne veuve, divorce, spare ou clibataire, qui ne vit pas en couple de manire notoire et permanente. La jurisprudence a peu peu prcis la notion disolement. Deux lments principaux sont exigs pour prouver la vie maritale : une adresse commune, et une communaut dintrts, se traduisant par une participation financire et/ou matrielle aux charges du mnage. La permanence des relations distingue la vie maritale du simple concubinage qui peut tre occasionnel. Auditionn par la MECSS, M. Herv Drouet, directeur gnral de la Caisse nationale des allocations familiales (74 ) a reconnu les difficults auxquelles taient confronts les contrleurs pour constater si des personnes sont, conformment leur dclaration, en situation disolement : Le contrle de la situation concrte disolement est effectivement complexe. Nos contrleurs se heurtent divers obstacles pour tablir la matrialit des faits et pour les qualifier juridiquement. Les affaires de reconnaissances multiples de paternit frauduleuses ou, linverse, de polygamie de fait sans reconnaissances de paternit constituent des imbroglios dans la mesure o il ny a pas de qualification juridique au regard du droit aux prestations. Louverture du droit est en effet conditionne lisolement, cumulativement physique et conomique. Il faut donc prouver que la personne ne vit pas seule, contrairement ce quelle a dclar, et quune partie de ses ressources provient de son concubin ou conjoint. Ce sont des situations quil est difficile de caractriser dans les faits, comme dans le droit. Lensemble des contrleurs entendus dans les caisses dallocations familiales de lAisne, de Haute-Garonne et des Yvelines ont dailleurs fait part la MECSS des difficults rencontres pour contrler la situation disolement dune personne : le contrleur doit avoir, par exemple, suffisamment dlments pour distinguer une simple situation de cohabitation provisoire dune situation de concubinage durable. Comme la affirm un des contrleurs rencontrs, la simple prsence dune brosse dent dans une salle de bain ne permet pas de prouver que les personnes ont une vie maritale. Lapprciation est rendue dautant plus difficile que des couples spars ou divorcs vivent parfois sous le mme toit pour des raisons conomiques, notamment en raison de la hausse des prix de limmobilier : il est alors particulirement difficile de dterminer si le bnficiaire de lallocation est en situation disolement. Le caractre complexe des dispositifs applicables facilite alors, la mission en est convaincue, la tche des fraudeurs. Ainsi, certaines personnes vivant en couple dclarent pourtant habiter dans des domiciles spars et inscrivent des adresses distinctes sur lensemble de leurs factures et papiers administratifs : il est, ds lors, particulirement ardu pour les contrleurs de la caisse dallocations familiales de prouver quil y a une communaut de vie et que la personne ne vit pas au domicile indiqu. Un rapport rdig par une mission daudit de modernisation commune linspection gnrale des finances et linspection gnrale des affaires sociales sur lallocation de parent isol (75 ) pointait dj, en 2006, les lacunes de la rglementation dans ce domaine : la condition disolement est peu prcise, soumise controverse et peut, par consquent, induire des comportements frauduleux dans la mesure o la ralit de lisolement est difficile apprcier et contrler. Le contrle de lisolement absorbe une partie importante des ressources de la CNAF et demeure, en dpit des tentatives dharmonisation de la CNAF, assez alatoire puisquil sagit dapprcier une situation de fait difficile cerner. Les contrleurs

interrogs par la mission daudit estimaient que le contrle tait ralisable et quils avaient les moyens de dterminer la situation familiale de lallocataire dans 75 %. Par consquent, dans une situation sur quatre, la fraude tait difficile caractriser. De surcrot, compte tenu du caractre imprcis de la notion disolement, chaque caisse dallocations familiales caractrise la fraude selon la doctrine quelle a labore, ce qui se traduit par des diffrences de traitements des assurs sociaux selon les endroits comme en tmoignent les diffrentes rponses transmises la Cour des comptes par les caisses sur les consquences de lexistence dun domicile commun : Dfinition de lisolement dans les caisses dallocations familiales

Oui Deux personnes vivant sous le mme toit et disposant chacune de sa chambre sont-elles isoles ?Source : Cour des comptes.

Non 18,8 %

44,6 %

Ne se prononce pas 36,6 %

Nombre de rponses 112

Le mme constat peut tre fait sagissant de la rglementation relative aux conditions de ressources ou celle qualifiant la condition de rsidence. Le tableau figurant en annexe du prsent rapport (76 ) montre la complexit de cette rglementation. La Cour des comptes, dans son rapport sur la lutte contre les fraudes aux prestations dans les branches prestataires du rgime gnral (77 ) souligne : lampleur des fraudes est accrue lorsque la rglementation est confuse ou que les rfrentiels sont difficiles rendre opposables () Parmi bien dautres possibles, un exemple a paru particulirement significatif, puisquil concerne les trois branches : la dfinition des ressources. En ltat actuel de la rglementation, le recours des dfinitions varies pour une mme grandeur, les ressources, comporte deux consquences fcheuses : elle rend plus complexe et plus difficile le croisement des fichiers ; elle rduit lintelligibilit des obligations dclaratives des bnficiaires et partant lapprciation de leur bonne foi en cas derreur . 2. Une difficile conciliation de la lutte contre la fraude et de la simplification des procdures a) Le caractre dclaratif du systme social et le dveloppement des procdures par internet facilitent la fraude La mission constate que la volont de simplification des formalits administrative peut aller lencontre de lefficacit de la lutte contre la fraude. En vertu du dcret du 26 dcembre 2000 (78 ), les usagers peuvent justifier de leur identit, de leur tat civil, de leur situation familiale ou de leur nationalit franaise par la production ou lenvoi dune simple photocopie lisible dun document original. Or cest une vidence les photocopies sont, plus aisment falsifiables que les originaux. De mme, la mission regrette la gnralisation actuelle des procdures par courrier et des dclarations sur lhonneur. La suppression du face--face, elle en est convaincue, facilite la fraude. Ainsi, dans le cadre de la mise en place de la Carte Vitale 2, lenvoi de la photographie de lassur constitue une faille importante du dispositif puisque personne ne contrle que la photographie envoye correspond bien lassur. La procdure va clairement lencontre du but poursuivi par la disposition prvoyant une photographie. Lors de son audition par la MECSS, Mme Rolande Ruellan, prsidente de la sixime chambre de la Cour des comptes a fait le mme constat (79 ) : Quant aux dclarations sur lhonneur, elles ont longtemps t considres comme un grand progrs simplifiant la vie des assurs, mais elles comportent des risques : on value 40 % 50 % la part des fraudes qui proviennent de la production de fausses pices ou de fausses dclarations. Les textes ont certes t modifis et permettent, depuis la loi de financement pour 2006, de suspendre le paiement des prestations ds lors que lon souponne une fraude et que les pices ne paraissent pas suffisamment probantes. Mais il nest pas ais pour les organismes de recourir ce moyen. b) Une volont de simplification terreau de la fraude La volont de simplification peut conduire mettre en place des dispositifs fraudognes . Lexemple du dispositif de carrire anticipe pour carrire longue est nouveau tout fait significatif cet gard. M. Franois Schechter, inspecteur gnral des affaires sociales, coauteur du rapport de linspection gnrale des affaires sociales et de linspection gnrale des finances sur ce dispositif, auditionne par la MECSS (80 ), a soulign ses lacunes : Il tait rellement " fraudogne ", cest--dire si fragile, si peu contraignant et si incitatif la fraude que cest un miracle que les fraudeurs naient pas t plus nombreux. Ainsi au moment o les faits se sont produits, leurs auteurs ont pu, vu la faible rigueur du systme, ny voir que des " bons

coups " faire, un peu comme lorsquon russit viter de payer au parcmtre ! De nombreuses personnes se sont invitablement engouffres dans la brche laisse par ce dispositif, dautant plus facilement quaucune procdure de face--face ou de contrle de la crdibilit des tmoignages ncessaires na t organise. M. Pierre Mayeur, directeur de la Caisse nationale dassurance vieillesse des travailleurs salaris a reconnu devant la MECSS la ncessit de mener une rflexion sur les procdures simplifies qui conduisent des dispositifs fraudognes : Sil est vident que la lutte contre les fraudes est une exigence pour la branche Vieillesse, la prvention des dispositifs " fraudognes " nen est pas moins importante. En effet, certains dispositifs qui ouvrent des droits la retraite sont plus exposs que dautres la fraude, car les justificatifs quils exigent consistent en une dclaration sur lhonneur ou des documents plus faciles fabriquer que par le pass, comme les bulletins de salaire. Peut-tre, les dispositifs lgislatifs et rglementaires devraient-ils voluer en consquence. Linitiative de la caisse nationale dassurance vieillesse de contrler progressivement les droits et les bulletins de salaire des assurs tous les cinq ans devrait nanmoins limiter les fraudes dans ce domaine. c) Une notion durgence facilement utilise pour contourner la rglementation Enfin, votre Rapporteur regrette un recours trop frquent la notion durgence pour contourner la rglementation : les caisses versent ainsi des prestations alors mme que lidentit de la personne nest pas certaine ou que le dossier ne prsente pas toutes les pices demandes. Les diffrents dplacements effectus par la mission ont montr, par exemple, que lattribution du revenu de solidarit active major (ancienne allocation de parent isol) intervient en seulement quelques jours. Cette rapidit permet de rpondre des situations durgence, ce quil faut saluer. En revanche, des contrles ultrieurs ne sont pas toujours effectus. La pratique des organismes de scurit sociale de verser des prestations un assur alors quil na pas de numro de scurit sociale certifi est aussi un exemple significatif. D. DES CAISSES TROP FAIBLES POUR LUTTER CONTRE LES FRAUDEURS 1. Un nombre de contrleurs trop faible La Cour des comptes, dans son rapport sur la lutte contre les fraudes aux prestations dans les branches prestataires du rgime gnral (81 ) souligne que les donnes sur les moyens humains consacrs la lutte contre la fraude sociale sont trs parcellaires : la direction de la scurit sociale ne dispose pas dun recensement prcis des personnels qui contribuent la lutte contre la fraude aux prestations au sein des organismes. La DNLF a cherch construire un indicateur sur ce point, sans vritablement parvenir encore, de son propre aveu, rassembler une information fiable, en tout cas fonde sur des mthodes homognes entre les diffrentes branches ou rgimes. () La connaissance par les caisses nationales de la ralit des missions confies dans les caisses locales aux agents est en outre partielle. Malgr ces rserves, une estimation des effectifs consacrs la lutte contre la fraude peut tre effectue : sagissant de la branche Maladie : au niveau national, une nouvelle direction charge du contrle contentieux et de la rpression des fraudes comporte 39 quivalents temps plein. Les directions rgionales du service mdical comprennent 163,5 quivalents temps plein de praticien conseil et 208,5 quivalents temps plein de personnel administratif. Les caisses locales comprendraient 691 quivalents temps plein en charge de la lutte contre la fraude et du contentieux ; sagissant de la branche Famille : au niveau national, la mission charge de la prvention et de la rpression des fraudes comprend quatre agents. Au niveau local, les caisses totalisent 605 contrleurs, 240 correspondants fraudes et deux rfrents fraudes par caisse. sagissant de la branche Vieillesse : les effectifs ddis au contrle antifraude taient de 17 quivalents temps plein en 2009. La mission considre que le nombre de contrleurs dans les caisses locales est lvidence trop faible pour permettre un contrle suffisant des bnficiaires de prestations de scurit sociale et que leur rpartition nest pas quilibre sur lensemble du territoire. titre dexemple, la caisse dallocations familiales de Haute-Garonne comprend 13 contrleurs pour plus de 250 000 allocataires, soit un contrleur pour 19 200 allocataires, la caisse de lAisne comprend, quant elle, un contrleur pour 14 000 allocata