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POLITIQUES NATIONALES ET INTERNATIONALES EN MATIÈRE DE RESPONSABILITÉ SOCIALE DES ENTREPRISES Rapport de recherche préparé par XAVIER ST-DENIS Chercheur associé, Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation avec la collaboration de Renaud Ledoux et Laurent Viau Sous la direction de Michèle Rioux, professeure au Département de science politique, UQAM Directrice, Centre d’études sur l’intégration et la mondialisati on PROJET GOUVERNANCE GLOBALE DU TRAVAIL Mars 2014 Centre d'étude sur l'intégration et la mondialisation

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  • POLITIQUES NATIONALES ET INTERNATIONALES

    EN MATIRE DE

    RESPONSABILIT SOCIALE DES ENTREPRISES

    Rapport de recherche prpar par

    XAVIER ST-DENIS

    Chercheur associ, Centre dtudes sur lintgration et la mondialisation

    avec la collaboration de Renaud Ledoux et Laurent Viau

    Sous la direction de Michle Rioux,

    professeure au Dpartement de science politique, UQAM

    Directrice, Centre dtudes sur lintgration et la mondialisation PROJET GOUVERNANCE GLOBALE DU TRAVAIL

    Mars 2014

    Centre d'tude sur l'intgration et la

    mondialisation

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    Politiques nationales et internationales en matire de responsabilit sociale des entreprises

    Cette recherche est mene dans le cadre dun partenariat entre la Coalition qubcoise contre les ateliers de misre du Centre international de solidarit ouvrire, le Centre

    dtudes sur lintgration et la mondialisation et le Service aux collectivits de lUQAM.

    Recherche et rdaction

    Xavier St-Denis, tudiant au doctorat en sociologie lUniversit McGill et chercheur associ au Centre d'tudes sur l'intgration et la mondialisation de lUniversit du Qubec Montral, actif au sein du projet Gouvernance globale du travail

    Sous la direction de

    Michle Rioux, professeure au Dpartement de science politique et directrice du Centre

    d'tude sur l'intgration et la mondialisation de lUniversit du Qubec Montral

    Comit dencadrement de la recherche

    Michle Asselin, coordonnatrice du Centre international de solidarit ouvrire (CISO)

    Martine Blanc, agente de dveloppement, Service aux collectivits de lUQAM

    Renaud Ledoux, tudiant la matrise en Science politique, UQAM

    Michle Rioux, professeure au Dpartement de science politique et directrice du Centre

    d'tude sur l'intgration et la mondialisation de lUQAM

    Laurent Viau, tudiant la matrise en Science politique, UQAM

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    TABLE DES MATIRES

    RSUM EXCUTIF .................................................................................................................................. 6 Les dfis de la RSE ........................................................................................................................................................ 6 Rsultats et pistes daction ...................................................................................................................................... 7

    Le rle des gouvernements nationaux .................................................................................................. 7 Le rle des institutions internationales ................................................................................................ 8

    Introduction .............................................................................................................................................. 9 La RSE et le domaine public - Reconnatre la nature hybride de la RSE et les rles diffrencis des acteurs ........................................................................................................................................... 12

    I. La RSE, objet de rgulation ? ......................................................................................................... 20 Monitoring, sanctions et engagements ............................................................................................................ 20 Les initiatives de co-rgulation en matire de RSE .................................................................................... 22 Le rle de la socit civile et de la participation dmocratique ........................................................... 22 Conclusion - Mcanismes dapplication appropris et moyens daction .......................................... 24

    Rfrences ...................................................................................................................................................... 25

    II. Analyse comparative des politiques publiques en matire de responsabilit sociale des entreprises : Quelles leons pour le Qubec et le Canada ? ........................................... 28

    Revue comparative .................................................................................................................................................... 32 Les modles europens ............................................................................................................................ 33 LUnion europenne..................................................................................................................................... 34 LAllemagne ................................................................................................................................................... 37 Le Danemark .................................................................................................................................................. 41 La France - Du Bilan social Grenelle 2 ............................................................................................ 44 Le Royaume-Uni .......................................................................................................................................... 48

    Conclusion - Vers une RSE volutive?................................................................................................................ 50 TABLEAU SYNTHSE - POLITIQUES PUBLIQUES RSE ............................................................................. 52

    BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................................................................ 55

    III. Politiques internationales en matire de responsabilit sociale des entreprises . 56 Dclaration de principe tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale de lOrganisation internationale du travail (2006) ................................................................................... 57 Principes directeurs de lOCDE pour les entreprises multinationales ............................................... 57 Pacte mondial des Nations unies ........................................................................................................................ 60 Obligations de reporting sur le plan international ............................................................................. 63 Le programme Better Work de lOrganisation internationale du travail ....................................... 64 CHRONOLOGIE DES INITIATIVES NATIONALES - RSE ............................................................................ 67

    CHRONOLOGIE DES INITIATIVES INTERNATIONALES EN MATIRE DE RSE (NON EXHAUSTIVE) ............................................................................................................................................... 69

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    RSUM EXCUTIF

    La responsabilit sociale des entreprises (RSE) est gnralement associe au domaine

    priv. Son fonctionnement repose sur la rponse par les entreprises aux pressions de la

    socit civile en vue du respect de certaines normes et principes, notamment en matire

    de droits des travailleurs. Dune part, la RSE est considr comme un mcanisme permettant de combler le vide institutionnel existant au niveau international et qui limite

    la capacit des gouvernements de faire respecter les droits fondamentaux des travailleurs

    lchelle globale. Toutefois, elle est parfois considre comme un substitut aux politiques publiques participant la privatisation de modes de rgulation et de

    gouvernance conomique. On constate nanmoins une tendance rcente la

    multiplication des politiques nationales, rgionales et internationales visant promouvoir

    et encadrer la RSE. Ce rapport a pour objectif didentifier les principales initiatives publiques nationales et internationales en matire de RSE ayant t mises en place dans

    les dernires annes et de proposer des pistes dactions pertinentes dans un contexte qubcois.

    Les dfis de la RSE

    Ce rapport identifie plusieurs dfis que doivent surmonter les initiatives de RSE reposant

    uniquement sur les acteurs prives (les entreprises et la socit civile) afin de se montrer

    efficaces :

    - Lefficacit de la RSE des fins sociales est base sur la dnonciation publique de violations des droits des travailleurs des entreprises et la mobilisation de la socit

    civile et des consommateurs. La transparence des pratiques des entreprises et

    laccs une information crdible et complte sont donc ncessaire pour le bon fonctionnement de la RSE. Une plus grande indpendance des organisations

    responsables des audits fournissant cette information est cruciale ;

    - La RSE repose souvent sur des audits sociaux lors desquels une valuation ponctuelle et base sur une liste dindicateurs est utilise. Cette approche ne permet pas toujours de raliser des amliorations significatives. Une approche

    base sur la coopration, lassistance technique et sur un engagement soutenu avec les fournisseurs sest montre fructueuse dans le cas de plusieurs entreprises multinationales ;

    - La RSE est efficace lorsquil existe des sanction conomique pour les entreprises et leurs fournisseurs (boycotts, chute de la demande des consommateurs,

    mauvaise rputation, perte daccs des marchs, etc.) ; - Lefficacit des entreprises de RSE repose sur la co-rgulation et la participation

    de la socit civile aux initiatives de RSE, y compris les acteurs et travailleurs

    locaux ;

    - La fragmentation des initiatives prives et les problmes dinterprtation des normes internationales reprsentent des obstacles importants lefficacit des initiatives de RSE.

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    Rsultats et pistes daction

    Il faut gnralement reconnaitre la nature hybride de la RSE et le rle diffrenci des

    acteurs. Il convient de dfinir laction publique de manire approprie et de mieux comprendre la manire dont la nature des entreprises et leur mode de gestion peuvent tre

    influencs en vue de lapplication des droits des travailleurs et des autres acteurs qui sont affects par les dcisions des entreprises.

    Le rle des gouvernements nationaux

    Les gouvernements de diffrents tats ont adopt une srie de politiques publiques visant

    promouvoir la RSE, y compris au niveau des chaines dapprovisionnement transnationales. Voici quelques pistes intressantes que nous voulions souligner :

    Les tats-Unis ont adopt deux mesures importantes, que nous avons retenues comme

    pistes daction adapter au contexte qubcois et canadien :

    Piste 1 La loi sur les Benefit Corporations. Cette loi permet lenregistrement des entreprises sous un statut les autorisant faire passer latteinte dobjectifs sociaux et environnementaux avant les objectifs de rendement et de redevance aux actionnaires.

    Piste 2 La Loi californienne sur les chaines dapprovisionnement. Cette loi require que les entreprises californiennes dvoilent les efforts mis en oeuvre pour lutter contre le

    trafic humain et lesclavage dans leurs chanes dapprovisionnement. Il sagit dune des seules lgislations mettant en oeuvre le principe dextraterritorialit.

    Les tats membres de lUnion europenne ont aussi adopt certaines politiques publiques intressantes :

    Piste 3 Les obligations de reporting pour les grandes entreprises. Pour favoriser la transparence et le dvoilement de leurs pratiques par les entreprises, lUnion europenne a adopt un modle lgal reposant sur laudit comptable dans le cadre dune directive sur les comptes annuels des grandes entreprises. Suivant ce modle, gnralement dsign

    sous le nom de reporting , les entreprises ont lobligation de dvoiler leurs pratiques en matire sociale, environnementale et de gouvernance dans le cadre de rapports non-

    financiers joints leur rapport annuel, et de justifier pourquoi elles ne dvoilent pas

    certaines informations, le cas chant (ce type dobligation facultative est nomm comply-or-explain). Ce modle a t intgr la lgislation nationale de quatre tats

    membres que ce rapport a tudis (lAllemagne, le Danemark, la France et le Royaume-Uni). Ce rapport propose de mettre en place des obligations similaire en contexte

    qubcois et canadien.

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    Le rle des institutions internationales

    Piste 4. Crer un point de contact ou un rseau RSE au sein du gouvernement du Qubec

    et du Canada pour coordonner l'action du gouvernement en matire de RSE Cet

    organisme ou rseau spcialis en RSE devrait tre dot de fonds suffisants pour

    fonctionner. Lojectif serait dassurer la complmentarit et lorientation stratgique des diffrentes politiques publiques en matire de RSE (promotion de la Dclaration tripartite

    de lOIT, gestion du PNC pour les Principes directeurs de lOCDE, relations avec le rseau local du Pacte mondial des Nations unies, les normes de reporting non-financier,

    etc). Il devrait accueillir les diffrentes parties prenantes, savoir les ONG et diffrentes

    organisations de la socit civile concernes, les syndicats et les entreprises, afin de

    sassurer de la diversit des voix et dune collaboration entre les parties. Le Rseau canadien sur la reddition de compte des entreprises pourrait jouer un rle important dans

    ce dveloppement.

    Piste 5. Allier contraintes et incitatifs Il nous apparat important de favoriser une

    approche globale qui mise sur linteraction entre les politiques, les formes de rgulation et les niveaux de laction collective. A cet gard, le programme Better Work illustre une nouvelle manire de penser le rle de lOIT et dengager les entreprises, la socit civile et les syndicats ainsi que les tats dans une gouvernance transnationale et sectorielle. Il

    faut faire interagir les normes internationales, les lois nationales, laide et les rgimes dinvestissment, la coopration internationale, le dialogue social et certaines formes de conditionnalits de laide ou de laccs au march avec la RSE au niveau des entreprises.

    Piste 6. Assurer une veille et la vitalit de organismes de coopration et de dfense des

    droits des travailleurs et des personnes La Dclaration de principe tripartite sur les

    entreprises multinationales et la politique sociale de lOrganisation internationale du travail est un instrument directement destin aux entreprises multinationales. La version

    de 2006 reprend les normes de la Dclaration de lOIT sur les principes et droits fondamentaux au travail (1998), qui consacre huit conventions fondamentales. La

    Dclaration tripartite contient aussi des dispositions plus dtailles sur lemploi, la formation, les conditions de travail et les relations professionnelles. Bien que les

    conventions de lOIT soient destines aux gouvernements, la Dclaration sur les entreprises multinationales prsente la manire selon laquelle les entreprises prives

    peuvent contribuer leur mise en oeuvre. Il sagit du seul instrument du genre parmi les textes de rfrence de lOIT. La Dclaration constitue donc un cadre de rfrence pour lensemble des initiatives de RSE. Ce rapport soutient quil est important de promouvoir et dutiliser la Dclaration tripartite en tant que cadre normatif dans lensemble de ses politiques publiques en matire de RSE.

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    Introduction

    Le Centre dtudes sur lintgration et la mondialisation (CEIM) a dvelopp le projet Gouvernance globale du travail depuis 2006 afin dtudier les innovations institutionnelles en matire de rgulation du travail depuis la fin des annes 1980, ce qui

    comprend notamment les inititives de responsabilit sociale des entreprises (RSE), les

    clauses sociales dans les accords commerciaux et les nouvelles initiatives de coopration

    internationale de lOrganisation internationale du travail (OIT) et des autres grandes organisations du systme dorganisations spcialises des Nations Unies. Ce projet a permis dobserver une grande pluralit dacteurs travaillant modeler des mcanismes de rgulation, aux cts des gouvernements nationaux et des organisations internationales.

    En partenariat avec le CISO, le CEIM a voulu explorer la RSE en tant quobjet de rgulation des tats en tudiant lmergence de politiques publiques nationales en internationales dans certains pays slectionns par le CISO.

    Grce aux ressources financires fournies par de programme une subvention PAFARC

    dans le cadre du Protocole syndical du Service aux collectivits de lUQAM en 2012-13 et laide lemploi dun assistant fournie par le Fonds tudiant solidarit travail du Qubec (Fonds de solidarit de la FTQ), le CEIM a ralis une recherche qui documente

    les politiques publiques en matire de responsabilit sociale des entreprises (RSE). La

    recheche a donc t dveloppe en partenariat avec le CISO1 dans le cadre de la CQCAM

    et la campagne Les oublis du dveloppement durable . La question intressant le

    CISO consistait savoir ce qui se fait en matire de politiques publiques relativement la

    RSE en vue d'identifier les meilleures pratiques et de formuler des recommandations cet

    gard au Qubec et au Canada2. Sous la direction de Michle Rioux, la recherche a t

    mene par Xavier St-Denis en collaboration avec Renaud Ledoux et Laurent Viau.

    Plusieurs membres du CISO y ont apport des contributions ponctuelles.

    La recherche a pris comme point de dpart lide selon laquelle la RSE est autant une forme de rgulation quobjet de rgulation. Plusieurs prsentent la RSE comme une forme de mcanisme dautorgulation par les acteurs privs pouvant assurer le respect des grands principes inscrits dans les conventions internationales et les lois nationales. Il

    est aussi vrai quen gnral la RSE est une pratique qui vise aller au-del des lois nationales visant certains comportements irresponsables des entreprises. Chose certaine,

    1 Depuis 2003, la Coalition qubcoise contre les ateliers de misre (CQCAM) est une table de concertation du Centre

    international de solidarit ouvrire (CISO) actuellement sous la direction de Michle Asselin. Rassemblant une

    trentaine dorganisations syndicales, non gouvernementales, de coopration internationale et de dfense des droits humains, elle uvre llimination des ateliers de misre, au Sud comme au Nord, et vise lamlioration des conditions des travailleurs et travailleuses. Outre la mobilisation citoyenne, ses champs dexpertise sont la responsabilit socitale des organisations (RSO) et les politiques dapprovisionnement responsable (PAR). Lapprovisionnement responsable tant une des alternatives identifies pour contrer la prolifration des ateliers de misre. 2 Les rsultats de la recherche pourraient tre utiliss dans les activits dducation et de sensibilisation du public et

    permettre la rarticulation dun plaidoyer auprs du gouvernement du Qubec, afin de confronter les pratiques actuelles aux innovations politiques en matire de responsabilit socitale des organisations et en approvisionnement

    responsable. Enfin, cette recherche pourrait dboucher sur une rflexion menant la ralisation dun nouveau programme de formation auprs des membres de la CQCAM afin de les outiller sur les pistes dactions dans leur organisation. Un projet de formation pourrait tre propos au MELS cette fin.

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    le problme majeur est le fait quil ny a pas de concidence territoriale entre lespace mondialis et les cadres juridico-politiques labors sur les plans national et international.

    Que ce soit cause de la diffrence dchelle entre les activits des firmes multinationales et le pouvoir de rgulation des tats nationaux (Webb, 2012), ou cause

    de linsuffisance des ressources de ltat pour la mise en application du droit du travail (Estlund, 2008), le rle de la rgulation de type top-down, ou command-and-control, de

    ltat est remis en cause, ce qui en partie favorise le principe dautorgulation des firmes. La RSE est gnralement associ au domaine priv. Souvent, elle est dailleurs considre comme un substitut aux politiques publiques. Cependant, la RSE devient de

    plus en plus un objet de rgulation publique avec la multiplication des politiques

    nationales, rgionales et internationales visant la promouvoir ou lencadrer. McGuire (1963) dfinit la RSE de manire exclure les comportements des entreprises visant

    rpondre aux lois et aux politiques alors que McWilliams et Siegel (2001) suggrent que

    llment significatif de la RSE est le volontarisme. Plusieurs auteurs (par exemple, Fligstein, 1996) considrent par ailleurs que la RSE est enchasse (embedded) dans

    les systmes dans lesquels elles se dveloppent. Il est donc important de dfinir la RSE de

    manire replacer lentreprise dans lespace socio-politique o elle opre3.

    Dminents chercheurs, notamment Robert Reich, sont critiques envers la RSE et ses bnfices (Reich, 2007) et ils font souvent valoir limportance des politiques nationales et internationales ainsi que la ncessit de crer un environnement institutionnel mondial,

    qui traverse les frontires, susceptibles daccrotre son efficacit. Nous optons pour cette approche qui conoit linteraction dynamique et volutive entre diffrentes formes mergentes de rgulation conomique, notamment en ce qui concerne les questions de

    protection sociale et environnementale.

    Si le domaine de la RSE restera toujours priv, son effectivit peut dpendre des incitatifs

    ou des obligations mises en uvre par les tats ou les organisations internationales. En ralit, les liens entre la RSE et le domaine public sont de plus en plus complexes car lon assiste la transformation de ltat, des formes de coopration internationale et des actions des organisations internationales tout autant qu la transformation des entreprises. A tous les niveaux, le rle des normes fondes sur la gestion du risque

    rputationnel est significatif. Cest ainsi que lon peut expliquer lmergence de lois et mesures visant favoriser le reporting non financiers comme au Danemark, en

    Allemagne, en France et aux Etats-Unis.

    Les initiatives de RSE prennent diverses formes : codes de conduite internes, codes

    dassociations professionnelles, lignes directrices internationales, ainsi quententes-cadres multi-partites entre firmes multinationales, syndicats mondiaux et agences de contrle.

    Elles sont dveloppes par les firmes mais elles font galement intervenir les acteurs issus

    de la socit civile, comme les syndicats, les ONGs et les consommateurs. Lmergence et la prolifration de ces initiatives tend confirmer lexistence dun processus de re-rgulation de lconomie mondiale, qui, pour certains, impliquerait le transfert du pouvoir de rglementation de ltat vers les acteurs non gouvernementaux ainsi que vers de nouveaux partenariats entre agents privs, syndicats, consommateurs, investisseurs,

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    ONGs et organisations gouvernementales et internationales, notamment avec ISO26000,

    le Pacte mondial de lONU pour ne nommer que ceux-l. Les problmes lis la fragmentation des espaces juridiques et politiques et au manque de crdibilit des

    informations tires du monitoring volontaire des pratiques des entreprises en matire de

    travail sont deux raisons qui motivent les tats sinvestir le domaine de la RSE. La RSE devient alors un domaine de co-rgulation et de co-institutionnalisation des pratiques

    dentreprises.

    Plusieurs pays ont developp cette ide que ltat a un rle jouer dans un domaine comme la RSE. Il existe une certaine tendance lhybridation des trajectoires de rgulation et laffirmation que la RSE est un objet de rgulation. Certains auteurs dfendent lide selon laquelle la transparence et le dvoilement des pratiques des entreprises, la pression des consommateurs et la comptition entre marques pour

    dvelopper une image positive delles-mmes face leurs concurrents peut susciter une course vers le haut en matire de respect des droits des travailleurs (Arthurs, 2008). Au

    mimtisme des entreprises en rponse aux pratiques de leurs concurrents et la pression

    normative exerce par les consommateurs et la socit civile peut sajouter un certain niveau de contrainte lgale de la part de ltat comme lobligation de reporting europen afin de susciter un effet dentranement menant vers linstitutionnalisation des pratiques de RSE sur les plans substantiel et procdural. Ceci doit se faire galement en

    lien avec une coopration internationale visant mettre en place des rgulations

    transnationales.

    Dans le cadre de cette recherche, nous avons constat que les contextes europen et

    amricain offrent de nombreux exemples dhybridation dinterventions contraignantes de ltat et daction volontaire des entreprises afin de garantir un plus grand impact des initiatives prives de RSE sur le respect des droits des travailleurs. Au niveau

    international, le recours une forme hybride comprenant lintervention coercitive des pouvoirs publics, le recours la crdibilit dune institution internationale et laction volontaire des entreprises sont la base dexpriences hybrides tout aussi originales qui tendent se dvelopper puisque les politiques nationales ne peuvent suffire dans un

    monde globalis.

    La premire section de ce rapport prsente les grands enjeux, dfis et limites propres la

    rgulation par des mcanismes de RSE identifis par des tudes rcentes. La seconde

    section prsente les obligations de reporting et dautres politiques de transparence dveloppes en Europe. La troisime section prsente diffrentes initiatives dveloppes

    par des organisations internationales et suggre des pistes daction pour les mettre en oeuvre dans un cadre national par le biais de politiques publiques appropries.

    Sur la base de cette mise en perspective des politiques publiques aux niveaux national et

    international, nous avons labor une srie de recommandations pour le Qubec et le

    Canada.

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    La RSE et le domaine public - Reconnatre la nature hybride de la RSE et les rles diffrencis des acteurs

    Considrant le processus de transformation du domaine de la RSE et le rle important

    que jouent les politiques publiques aux niveau national et international, il convient de

    dfinir laction publique de manire approprie qui peut influer sur la nature des entreprises en tant quinstitution et sur leur mode de gestion qui favorise gnralement la cration de valeur pour les actionnaires, les rendements court terme, la comptitivit par

    les cots, trois lments qui dfavorisent la prise en compte des intrts des travailleurs et

    des autres acteurs qui sont affects par les dcisions des entreprises dans le cadre des

    systmes de gestion comptables actuels. Ainsi, suite cette recherche, nous avons 6

    recommandations principales proposer.

    1. Adapter le modle de loi Benefit Corporation lenvironnement lgal Qubcois Ce type de mesures pourrait complter une politique-cadre sur l'conomie sociale au Qubec

    en permettant aux entreprises de poursuivre des fins sociales.

    Benefit corporation Statut juridique en mergence pour des entreprises amricaines (20

    tats, 16 en cours) ayant lobligation de considrer lensemble des parties prenantes pour dterminer le profil de lentreprise et doit produire et remettre ses actionnaires un rapport annuel des bnfices sociaux qui doit tre rendu public. Ce statut les autorise

    faire passer lintrt gnral avant celui des actionnaires. Les B Corporations doivent obligatoirement prvoir dans leurs lettres patentes certains bnfices sociaux et/ou

    environnementaux dcoulant de leurs activits, prvoir la publication de rapports annuels

    faisant tat de lavancement de ces objectifs et nommer un directeur responsable de ce pan de lactivit de lentreprise. Ce statut empche les poursuites dactionnaires dans le cas o les dcisions en matire de RSE nuisent au rendement de lentreprise. Le Maryland a t en 2010 le premier Etat introduire juridiquement la Benefit corporation. Dans tats

    qui ont des lois B Corp, les B Corporations bnficient de plusieurs avantages : accs

    prioritaire certains marchs publics, facilits fiscales, etc.

    2. Un reporting obligatoire pour les grandes entreprises capital public La majorit

    des politiques europennes en matire de RSE favorisent un mode de reddition de compte

    nomm comply-or-explain , soit lobligation pour les entreprises de dvoiler les informations des audits sur leurs pratiques sociale, environnementale ou de gouvernance,

    ou dfaut dexpliquer pourquoi elles ne sont pas en mesure de le faire. Ce type dobligation peut tre mis en oeuvre au Qubec via le Bureau de normalisation du Qubec et lAutorit des marchs financiers 4 . Lintrt est dajouter aux rapports financiers annuels des entreprises des donnes non-financires destination des parties

    prenantes. Afin que ce mcanisme soit efficace, il est ncessaire que les entreprises aient

    lobligation de fournir une certaine quantit dinformations fiables et dtailles, notamment sur leurs pratiques et celles des firmes faisant partie de leurs chanes

    dapprovisionnement. La norme ISO26000 pourrrait tre une rfrence de dpart.

    3. valuer la possibilit de mettre en oeuvre des mesures extra-territoriales en matire

    de droit du travail Le Qubec et le Canada pourraient prendre modle en adaptant le

    4 Marco Blair-Cirino, Dveloppement du commerce extrieur - Lise parie sur la diplomatie pour stimuler lconomie qubcoise . Le Devoir, 29 octobre 2013.

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    California Supply Chain Act (2010) engageant les entreprises dvoiler leurs efforts pour

    lutter contre le traffic humain et lesclavage dans leurs chanes dapprovisionnement. Il serait aussi important dvaluer la possibilit de renforcer dautres mcanismes dapplication des conventions internationales de lOIT tel le renforcement des clauses sociales et des programmes Better Work qui permettent d'agir sur la chane

    d'approvisionnement et donc, d'tendre le pouvoir de l'tat en dehors de ses frontires.

    4. Crer un point de contact ou un rseau RSE au sein du gouvernement du Qubec et

    du Canada pour coordonner l'action du gouvernement en matire de RSE Cet

    organisme ou rseau spcialis en RSE devrait tre dot de fonds suffisants pour

    fonctionner. Lojectif serait dassurer la complmentarit et lorientation stratgique des diffrentes politiques publiques en matire de RSE (promotion de la Dclaration tripartite

    de lOIT, gestion du PNC pour les Principes directeurs de lOCDE, relations avec le rseau local du Pacte mondial des Nations unies, les normes de reporting non-financier,

    etc). Il devrait accueillir les diffrentes parties prenantes, savoir les ONG et diffrentes

    organisations de la socit civile concernes, les syndicats et les entreprises, afin de

    sassurer de la diversit des voix et dune collaboration entre les parties. Le Rseau canadien sur la reddition de compte des entreprises pourrait jouer un rle important dans

    ce dveloppement.

    5. Allier contraintes et incitatifs Il nous apparat important de favoriser une approche

    globale qui mise sur linteraction entre les politiques, les formes de rgulation et les niveaux de laction collective. A cet gard, le programme Better Work illustre une nouvelle manire de penser le rle de lOIT et dengager les entreprises, la socit civile et les syndicats ainsi que les tats dans une gouvernance transnationale et sectorielle. Il

    faut faire interagir les normes internationales, les lois nationales, laide et les rgimes dinvestissment, la coopration internationale, le dialogue social et certaines formes de conditionnalits de laide ou de laccs au march avec la RSE au niveau des entreprises.

    6. Assurer une veille et la vitalit de organismes de coopration et de dfense des droits

    des travailleurs et des personnes Le respect des droits des travailleurs par les entreprises

    repose principalement sur laction et la mobilisation des organisations de la socit civile et des syndicats autour de diffrents enjeux et des cas de violation des droits des

    travailleurs. Dans un tat dmocratique, la socit civile joue et doit jouer un rle crucial

    de sensibilisation de lopinion publique et des consommateurs, qui engendre des incitatifs et une pression pour les entreprises respecter les droits des travailleurs dans leurs

    pratiques et activits transnationales. Il est donc important que les organisations de la

    socit civile dtiennent les moyens dagir.

    Rfrences

    Aaronson, S. et J. Reeves. (2002). Corporate Responsibility in the Global Village: The

    Role of Public Policy. Washington, DC : National Policy Association.

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    I. La RSE, objet de rgulation ?

    Les initiatives de RSE peuvent tre dclins sur deux chelles. La premire est lie la

    globalisation et aux activits transnationales des entreprises. Dans ce cas, la RSE vise

    combler le vide institutionnel au niveau mondial permettant aux entreprises de sengager respecter des normes en matire de travail dans leurs activits ltranger et de sassurer que leurs fournisseurs et contractants ltranger les respectent. La seconde est lie un processus de drgulation et de retrait du rle de ltat au niveau national. Si la premire vise construire un cadre normatif dans un espace o celui-ci peine merger,

    la seconde catgorie participe parfois leffritement de la rgulation de ltat. Dans ce rapport, nous nous intressons principalement la premire catgorie de RSE, celle qui

    vise combler le vide institutionnel au niveau et faire respecter les droits fondamentaux

    du travail au travers des chanes dapprovisionnement des entreprises canadiennes oeuvrant linternational, soit par le biais de filiales, soit par le biais de rseaux de sous-traitants ou de fournisseurs. Nous procdons une revue de la littrature acadmique et

    pratique sur 1) le fonctionnement des initiatives de RSE ; et, 2) sur les avantages de

    diffrentes initiatives de RSE.

    Depuis une vingtaine dannes, plusieurs entreprises oeuvrant ltranger ont subi les pressions des consommateurs et de la socit civile et ont rpondu en adoptant des codes

    de conduite en vertu desquels elles sengagent respecter et faire respecter par leurs fournisseurs une srie de normes fondamentales du travail. Lun des aspects les plus importants de la RSE est la production et laccs un bilan relatif ces codes privs. La RSE est un instrument bas sur lengagement volontaire dacteurs privs (les entreprises et autres organisations) de respecter une srie de normes fondamentales en matire de

    travail dans leurs activits internationales. Il nexiste aucun mcanisme lgalement contraignant pour faire respecter directement (sans passer par le droit national) les droits

    des travailleurs, alors que plusieurs tats ne les protgent pas toujours adquatement,

    surtout dans les pays faible capacit institutionnelle. Ainsi, les fournisseurs ou les

    filiales des entreprises oeuvrant dans certains pays, qui sont en principe tenus de respecter

    le droit dassociation et de ngociation collective, lge minimum pour le travail des enfants, la protection des travailleurs contre la discrimination et linterdiction de travail forc, tirent souvent avantage dun rapport de force qui joue en leur faveur en raison de la faiblesse des cadres juridiques de certains pays. La menace de dlocalisation renforce

    galement une dynamique de nivellement par le bas des systmes de protection sociale.

    Dans cet univers de codes privs, la surveillance est importante, mais elle dout tre

    norme, et encadre juridiquement.

    Monitoring, sanctions et engagements Lun des lments centraux de la RSE est la surveillance (monitoring) du respect des droits fondamentaux des travailleurs par les entreprises aux activits de production

    transnationales par le biais dune transparence et dun dvoilement de leurs pratiques. Lincitatif principal des entreprises adhrer des codes de conduite privs est le risque de perte de rputation et de parts de marchs, le levier principal tant la pression des

    consommateurs et de la socit civile sur ces entreprises. Plusieurs contributions ont

    identifi les possibilits de coopration avec les entreprises et le potentiel que reprsente

  • 21

    linclusion de mesures de coopration avec les entreprises allant au-del du monitoring. Ceci pointe limportance de laspect procdural de programmes de coopration et de dveloppement des initiatives de RSE, en parallle avec lvaluation substantive des performances sociales des entreprises. Limportance de sanctions conomiques relles et effectives continue aussi dtre considre comme une condition ncessaire au dveloppement dune structure dincitatifs et de contraintes relatifs au respect des droits fondamentaux des travailleurs par les entreprises.

    Le dbat sest concentr sur le manque de dents des instruments de rgulation existants, que ce soient les conventions de lOIT, les dispositions sur le travail contenues dans les accords de libre-change (ALE), les codes de conduites privs, etc. (voir

    Esbenshade, 2004 ; Seidman, 2007). Il en ressort quil importe de mettre en place des incitatifs forts, en premier lieu des sanctions conomiques (pression des consommateurs,

    retrait des contrats dapprovisionnements, amendes et suspension de davantages commerciaux) afin damener les entreprises respecter les droits du travail. Il faut mentionner quun nombre important de contributions ont toutefois soulign que les sanctions sont loin de reprsenter elles seules un incitatif suffisant pour assurer le

    respect des droits fondamentaux des travailleurs. Les clauses dites procdurales, les

    programmes de coopration et de dveloppement ainsi que les mcanismes assistant les

    entreprises et les tats dans le respect des droits des travailleurs dans la dure sont

    cruciaux pour assurer des rsultats long terme (Deva, 2011). Les sanctions seraient donc

    une composante essentielle, mais insuffisante, de tout rgime de rgulation internationale

    du travail. Le litige en droit du travail national (Estlund, 2008), les sanctions

    conomiques envers des tats non respectueux des droits du travail (Banks, 2011 ;

    Polaski 2006) et les ruptures de contrat envers les fournisseurs fautifs (Locke et al. 2009)

    sont efficaces lorsquelles sont utilises en dernier recours et lorsque la menace de leur usage sert persuader les diffrents acteurs participer des programmes de coopration

    et de rforme des pratiques en matire de droits et normes du travail.

    Certains favorisent plutt lidentification dobjectifs atteindre (commitment-based approach, selon la formulation de Locke et al., 2009 ; responsiveness selon Deva, 2011 ;

    Barenberg, 2008). Ils proposent de se concentrer sur les moyens ncessaires pour

    atteindre les objectifs fixs, et donc que les initiatives de RSE requirent un volet

    procdural en plus de clauses purement substantives. Deva (2011) value diffrents

    instruments du droit international du travail et affirme que ceux qui visent radiquer les

    causes du travail des enfants plutt que de prescrire le simple non-emploi des enfants sont

    les plus adquates5. Lutilisation stricte dindicateurs de performance issus daudits ne

    suffit pas fournir un portrait juste de la situation (notamment pour les droits plus

    complexes comme les droits collectifs), ce qui limite la fois la capacit dvaluer les progrs effectus par les entreprises, mais aussi lidentification des pistes de solutions aux violations.

    5 Largument de Deva (2011) sinscrit dans la mme ligne que la discussion plus plus thorique qui dfend limportance daller au-del de la mesure dindicateurs de performance la manire du modle de dveloppement conomique de la Banque mondiale et du FMI et de favoriser une approche axe sur

    lagence humaine et linterprtation et la mise en oeuvre des droits internationaux du travail dans un contexte local.

  • 22

    Un modle de coopration bas sur la persuasion morale est incomplet, surtout lorsquil est confront des entreprises ou des cultures locales et nationales peu favorables au

    respect des droits des travailleurs. Il semble donc que tout programme de RSE efficace

    doit rompre avec un modle exclusivement bas sur des audits et des inspections

    ponctuelles. Premirement, les rsultats de ces audits sont peu fiables, malgr toutes les

    innovations en termes dindpendance et de transparence des vrificateurs (Seidman, 2007). Par exemple, il est trs difficile de dceler des violations de la libert dassociation et du droit de ngociation collective au cours dune visite dune journe dans lusine dun fournisseur dune grande marque (Barenberg, 2008). Deuximement, les entreprises, notamment lorsquil sagit de petits fournisseurs de pays en dveloppement et dentreprises dont le modle daffaire repose sur une faible marge de profit, du travail faible cot et lattrait de capital hautement mobile, sont loin dtre les acteurs possdant lexpertise la plus dveloppe en matire damlioration des conditions de travail et de respect des droits fondamentaux du travail (Locke et al., 2007, 2009). Il est important de

    dvelopper un modle de sanctions crdibles, effectives et applicables en tant

    quincitatifs de dernier recours (Banks, 2011 ; Estlund, 2008).

    Les initiatives de co-rgulation en matire de RSE Steurer (2010) et Hepple (2005) suggrent que le dveloppement et la popularisation des

    initiatives de RSE et leur ncessit de faire face la critique a favoris une intervention

    plus grande des gouvernements dans ce domaine pour (a) faciliter ladoption de cadres de rfrence normatifs, et (b) fixer des rgles de transparence afin dtablir la crdibilit des informations fournies par les entreprises sur leur responsabilit sociale (quoique toujours

    limit au comply-or-explain et restant gnralement volontaire). Steurer (2010) se

    concentre sur les forums multipartites privs au niveau national au sein desquels ltat peut jouer un rle de co-rgulation dans la poursuite de latteinte des objectifs de politique publique. Hepple (2005) souligne plutt limportance des tats au niveau multilatral dans ladoption de dclarations nationales. Dans les deux cas, ces auteurs mettent en vidence le rle potentiel de ltat dans la cration dun cadre normatif pour les initiatives de RSE des entreprises. Mais souvent les tats eux-mmes ne se respectent

    pas les normes internationales du travail.

    Tajgman (2011) identifie diffrents organes de lOIT comme sources potentielles dinterprtation, de recommandation et dassistance auprs des entreprises sur la manire de mettre en oeuvre et appliquer les normes prvues par les conventions fondamentales

    de lOIT quand ltat dans lequel oeuvre une entreprise nest pas en mesure de remplir ce rle. Lautorit dans linterprtation des normes et la cration de lignes directrices pour leur mise en oeuvre est donc, dans cette perspective, une responsabilit des institutions

    publiques. Cest ce que pense Arthurs (2008) en ce qui concerne le rle des systmes judiciaires nationaux dans les litiges autour de codes de conduite privs. En sinspirant de cette proposition, on peut suggrer que ltat a, par le biais des cours et des tribunaux de justice, un potentiel dinterprtation des codes de conduite et des normes quils contiennent.

    Le rle de la socit civile et de la participation dmocratique Plusieurs auteurs soulignent limportance du rle de la socit civile et de la participation dmocratique. Mais dans quelles conditions un modle participatif est-il en mesure

  • 23

    doffrir une relle influence et voix aux organisations de la socit civile et reprsente-t-il un modle dmocratique pour les parties prenantes plutt quune cooptation et une lgitimation morale par association dun agenda nanmoins tabli (et mis en pratique) unilatralement ? Le rle des gouvernements pourrait-il intervenir par le biais de

    politiques publiques appropries ?

    Selon Fransen et Burgoon (2013), il existe un potentiel de co-rgulation impliquant la

    socit civile dans la RSE. Toutefois, il est important de tenir compte des relations de

    pouvoir avant de dterminer comment et si il est possible de voir une influence relle des

    organisations de la socit civile et des parties prenantes. Le rle de mdiateur et

    facilitateur de ltat pourrait contribuer au rle de co-rgulation entreprises-socit civile-tat en matire de RSE. La plupart des tudes sur la co-rgulation et plus

    gnralement sur le rle de la socit civile et des travailleurs dans la gestion des codes

    de conduite ont soulign que les considrations managriales (et actionnariales) prennent

    gnralement le dessus sur les considrations sociales et de gouvernance dmocratique

    (Fransen et Brugoon, 2013 ; Villiers, 2011)6. Vercher et al. (2011) et Villiers (2011)

    soulignent le conflit entre les objectifs actionnariaux (profits et retour sur investissement)

    et la capacit ou de la volont des entreprises de poursuivre des objectifs sociaux et de

    rpondre aux revendications des parties prenantes (en matire de normes du travail

    notamment). Cet argument nous sensibilise aux rapports de pouvoirs et la capacit

    asymtrique des parties prenantes et des organisations de la socit civile influencer les

    entreprises (de quels leviers disposent-ils ? pour reprendre les mots de Banks, 2011). Cest dans cette optique que le modle juridique Benefit Corporation trouve son origine aux Etats-Unis puisquil vise favoriser une redressement des rapports de force inscrit dans les lois amricaines encadrant les comportements et la gouvernance des entreprises.

    Les accords cadres internationaux (ACI) (International framework agreements sont) un

    bon exemple de modle participatif o les syndicats et travailleurs locaux bnficient

    dune coordination pour faire valoir leurs intrts tant dans ltablissement du code de conduite que dans la mise en oeuvre de celui-ci. Ces accords contribuent ouvrir un

    espace de dialogue mais comme les autres initiatives de RSE, leurs effets sont limits par

    labsence dun vritable cadre lgal pouvant garantir et faciliter leur application. Toutefois, comme le remarquent Novitz (2011) et Ewing (2008), puisque les ACI sont

    ngocis, ils sloignent dune RSE fonde sur ladoption unilatrale de codes de conduites par les entreprises. Ils laissent plus de place la participation des travailleurs

    locaux, contrairement aux codes de conduites qui mettent au premier plan les intrts de

    la socit civile et des consommateurs des pays du Nord (Seidman, 2007). Cependant, la

    participation des travailleurs lapplication des ACI est assez rare (Ewing, 2008).

    Steurer (2010) souligne que dans certains cas (notamment dans le cas de lapplication des droits du travail dans les chanes dapprovisionnement des entreprises), la RSE constitue un moyen supplmentaire (et non une substitution) pour atteindre des objectifs publics.

    6 ce sujet, Fransen et Burgoon (2013) affirment que les organisations de la socit civile se retirent de

    plus en plus des activits de co-rgulation (forums multipartites privs) et des activits de

    sensibilisation et de plaidoyer (advocacy) cause de linefficacit des instruments existantes (tant lOIT et les initiatives de lONU que les ALE et les codes de conduite privs).

  • 24

    Un tat engag en matire sociale et environnementale constitue une variable favorable

    au dveloppement dinitiatives de RSE par les entreprises (Petit et Capron, 2011) qui sinscrit dans une perspective de capitalismes compars. Il semblerait que si les gouvernements dveloppent des objectifs clairs (en collaboration ou destins aux

    entreprises), les entreprises pourraient tre guides adquatement dans ladoption et la mise en oeuvre de leurs politiques de RSE. Ltat peut jouer un rle dans la dtermination du cadre de rfrence normatif des initiatives de RSE et ainsi tenter de

    crer un consensus et lutter contre la fragmentation normative. La garantie de la

    participation de la socit civile dans la co-rgulation est loin dtre acquise et prsente un dfi de taille encore aujourdhui (Fransen et Burgoon, 2013). Les politiques publiques devraient en tenir compte.

    Conclusion - Mcanismes dapplication appropris et moyens daction Lefficacit de la RSE des fins sociales est base sur la dnonciation publique de violations des droits des travailleurs des entreprises. Laccs une information crdible et complte est donc ncessaire pour le bon fonctionnement de la RSE. Seidman (2007)

    souligne limportance de lindpendance des vrificateurs afin de garantir laccs une information crdible et complte que les organisations de la socit civile pourront

    utiliser dans leurs campagnes. Selon Barenberg (2008), la pression de la socit civile et

    des consommateurs auprs des entreprises en vue de leur respect des droits des

    travailleurs est la plus efficace lorsquelle est mise en oeuvre par des organisations bien structures et de campagnes organises. La simple pression diffuse de consommateurs sur

    le march a beaucoup moins de potentiel.

    Estlund (2008) propose un modle bas sur la coopration, ainsi que la mise en oeuvre

    dun code de conduite priv, complt par (1) le risque de poursuites par ltat en cas de violation, ainsi que laccroissement des inspections et (2) la mise sur pied de mcanismes de whistleblowing (alertes thiques), qui permet aux employs de dnoncer des violations

    et donc dinformer les autorits et le public des violations.

    Barenberg (2008) compare le Worker Rights Consortium avec la Fair Labor Association

    (deux modles dorganisations multipartites promouvant le respect de codes de conduite) et dmontre le potentiel de rsultat plus grand quand des systmes de RSE font non

    seulement appel des auditeurs indpendants, mais sont aussi eux-mme indpendants

    (financirement et administrativement/dans son mcanisme de gouvernance) des

    entreprises multinationales (acheteurs, distributeurs, grandes marques, etc.). Le modle

    du WRC serait donc plus efficace, transparent et participatif, contrairement et en rponse

    aux modles de monitoring dirigs par les gestionnaires des firmes elles-mmes, en

    premier lieu ceux de la Fair Labor Association (FLA).

    Seidman (2007) remarque par ailleurs linfluence des bailleurs de fonds sur la manire dont le monitoring est men dans le cas de plusieurs initiatives de RSE et le fait que les

    audits sont souvent mens par des employs des entreprises ou des associations,

    organisation ou firmes payes ou finances par les entreprises faisant lobjet daudits.

    Finalement, le WRC favorise le maintien ou laugmentation des investissements dans les entreprises fautives tout en visant lamlioration progressive du respect des normes du travail, plutt que de privilgier le cut and run . Cela permet davoir un regard plus

  • 25

    englobant sur les problmes de violation des droits du travail sur les sites de production

    manufacturire ainsi que de construire une relation de confiance avec les employs

    locaux, et donc de mieux dceler les violations. Le modle du WRC, bas sur la rponse

    des plaintes formules par les parties prenantes, permet daller au plus urgent, plutt que de diluer des ressources dj limites travers limplication dans un grand nombre dinspections coteuses et inefficaces. Finalement, le caractre participatif du WRC, bas sur le maintien de contacts avec les employeurs, employs et organisations locales,

    permet dadopter un modle plus coopratif permettant datteindre dautres rsultats que le modle dinspections ponctuelles. Dans les cas de RSE procduraux, il y a une meilleure chance que la RSE reprsente un canal de renforcement des autorits nationales

    et locales plutt quun canal de drgulation favorisant la substitution dinitiatives prives au rle de ltat (Barenberg 2008).

    La nature des campagnes de RSE (quels domaines, quelles normes) influence la capacit

    de mobiliser les consommateurs le travail des enfants tant populaire, alors que le droit dassociation est difficile mettre de lavant (Seidman, 2007) sauf par le biais du modle du WRC ou par le biais daccords-cadre internationaux. Le mme commentaire sapplique pour la nature du produit et sa visibilit pour le consommateur (marque, possibilit de substitution, etc.). La sanction que reprsente la pression du consommateur

    et de la socit civile est donc loin dtre uniforme.

    Diffrentes tudes ont dmontr limportance de lengagement des gouvernements en faveur du respect des droits des travailleurs comme variable dterminante du succs des

    initiatives de RSE (Polaski, 2006 ; Locke et al. 2007 ; Barenberg 2008). Un complment

    essentiel toute initiative de RSE est la coopration avec les institutions publiques

    nationales soit 1) en assurant leur participation aux procdures de mise en oeuvre et

    dapplication de codes de conduite privs, 2) soit par le biais de coopration intergouvernementale assurant le respect indirect des droits du travail par les entreprises,

    par le biais des gouvernements. Steurer (2010) souligne aussi que les entreprises sont plus

    favorables la RSE lorsque les autorits nationales ou locales sont plus engages et

    interventionnistes en matire sociale et environnementale. Petit et Capron (2011)

    soulignent de leur ct que les pays de tradition anglo-saxonne et nolibrale ont moins

    de chance dadopter des politiques de RSE ambitieuses.

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  • 28

    II. Analyse comparative des politiques

    publiques en matire de responsabilit

    sociale des entreprises : Quelles leons

    pour le Qubec et le Canada ?

    Lintrt croissant pour le concept de RSE sinscrit dans un contexte de croissance des changes commerciaux qui pousse repenser la manire de rguler le comportement des

    entreprises dont les activits dpassent et traversent le cadre national. Au niveau des

    tats, la tendance l'assouplissement des rglementations et les ressources limites leur

    mise en oeuvre posent une problmatique similaire. Au niveau international, le secteur

    du textile a connu une restructuration importante en raison de la dlocalisation de la

    production vers des pays en dveloppement et mergents, o les cots de la main-

    d'oeuvre sont plus bas. Ce phnomne de dlocalisation de la production se retrouve aussi

    dans d'autres secteurs. Du travail des enfants chez Nike aux vagues de suicide chez

    Foxconn, le fournisseur d'Apple en Chine, la situation des droits des travailleurs qui

    produisent les biens de consommation imports en Amrique du Nord soulve

    linquitude. Toutefois, faire respecter les droits des travailleurs au sein de chanes d'approvisionnement reprsente une tche difficile lorsque la production seffectue hors des frontires dun tat.

    Des campagnes menes par des groupes de la socit civile (ONG, syndicats, associations

    de consommateurs, etc.) ont contribu braquer les projecteurs sur certaines pratiques

    condamnables dentreprises oeuvrant ltranger. Les mobilisations ont pouss les entreprises modifier leurs pratiques en matire de respect des droits des travailleurs.

    Malgr son caractre volontaire, la RSE est un mode de rgulation qui attire lattention cause de son potentiel de transformation des pratiques des entreprises en ce qui concerne

    le respect des droits des travailleurs. Il fait ainsi partie dune constellation assez fragmente de mcanismes de gouvernance globale du travail (GGT) (Deblock et Rioux

    2009). ce titre, la diffusion large et rapide des initiatives de RSE a de quoi

    impressionner, alors que le caractre fragment de la GGT reprsente bien les

    dynamiques de pouvoir luvre et ayant des effets structurants.

    La RSE ne se limite pas aux activits transnationales. Le manque de ressources et la

    difficult de faire appliquer les lois dans certains secteurs de l'conomie, ou l'absence de

    volont politique de mettre sur pied certains types dobligations lgales poussent recourir des mcanismes de rgulation alternatifs bass sur la RSE au niveau national

    7.

    L'tat sest occup de ces questions de manire accrue ces dernires annes. L'tat utilise

    7 C'est pourquoi de manire gnrale, des initiatives nationales de RSE comme des labels sur l'quit homme-femme en milieu professionnel et sur le respect de la diversit et sur la non-discrimination

    existent dans de nombreux pays. La tradition de transparence en matire de gouvernance d'entreprise

    a aussi men l'inclusion de rapports de performance non-financiers dans les rapports annuels des

    entreprises, prsentant leurs accomplissements en matire environnementale, sociale, et de

    gouvernance dentreprise (objectifs ESG).

  • 29

    des modles de rgulation hybrides alliant mcanismes de transparence et obligations

    lgales. C'est le rle de l'tat en matire de RSE qui est le sujet dans ce rapport.

    Les codes de conduite privs sont la principale forme sous laquelle se manifeste la RSE.

    Il en existe une grande varit et ils sont caractriss par une trs grande fragmentation au

    niveau des normes dfendues et de lefficacit de leur application. Celle-ci dpend gnralement de la mobilisation dorganisations de la socit civile et de syndicats autour denjeux spcifiques et de campagnes de boycott, de naming and shaming, etc. La RSE est base sur la divulgation par les entreprises de leurs pratiques en matire de respect des

    droits du travail dans leurs activits transnationales, y compris le respect de ces droits par

    leurs filiales installes dans des pays tiers, leurs contractants, leurs fournisseurs et plus

    largement dans lensemble de leur chane dapprovisionnement. Le manque de transparence et le doute quant la crdibilit des informations divulgues font cependant

    partie des problmes les plus dcris. Dans ce contexte, les entreprises courent aussi le

    risque de faire lobjet daccusation de violation de normes auxquelles elles nont pas adhr ou dont les principes dapplication restent vagues. Cest la raison pour laquelle les entreprises multinationales peroivent souvent la RSE comme une stratgie de gestion

    des risques rputationnels.

    Il peut paratre paradoxal de parler dinterventions des tats et des organisations internationales dans le domaine de la RSE. La RSE est souvent perue comme un

    domaine rserv aux entreprises qui vient complmenter les cadres de la coopration

    internationale et les systmes institutionnels de rgulation nationaux. La RSE est aussi

    gnralement comprise comme tant volontaire et en ce sens, elle nimplique pas lintervention dune lautorit politique publique. Certains y voient lmergence dun modle dautorgulation des entreprises vers lequel tendre qui vient non pas se substituer aux tats et aux organisations internationales mais plutt combler un vide lchelle mondiale. Dautres ny voient cependant quune opration de relations publiques de la part des entreprises en vue de favoriser la drgulation et redorer leur image de marque.

    La ralit est plus complexe et multiple. En cela la RSE est un domaine qui ouvre sur de

    nombreux dfis tant sur le plan des nouveaux problmes que sur le plan des nouvelles

    opportunits de construire des institutions efficaces dans un contexte de globalisation.

    Dans ce contexte de globalisation, la RSE commence tre perue avec davantage de

    nuances et elle devient elle-mme un objet de rgulation faisant intervenir des acteurs de

    la socit civile, les gouvernements et les organisations internationales. De leur ct, les

    syndicats et les ONG considrent de plus en plus la RSE comme un outil incontournable

    parmi plusieurs instruments de gouvernance globale du travail pour influencer les

    pratiques des entreprises multinationales oeuvrant dans une conomie globalise

    caractrise par labsence dune autorit politique mondiale capable de faire respecter les droits internationaux du travail lchelle mondiale. Les entreprises multinationales intgrent de plus en plus lide quelles doivent rpondre de manire crdible aux attentes de la socit civile et des parties prenantes qui mnent des campagnes de mobilisation

    de lopinion publique afin de promouvoir le respect des droits des travailleurs et le dveloppement de meilleurs conditions de vie des travailleurs partout o elles oprent.

    Les tats et les organisations internationales ont aussi dvelopp des stratgies et des

    politiques en vue dinfluer sur la RSE et den accrotre lefficacit.

  • 30

    La RSE est parfois considre comme une stratgie de substitution la rgulation et

    lintervention de ltat8. Cependant, la RSE peut, et ceci est encore plus vrai au niveau transnational, reprsenter une opportunit pour la socit civile et les gouvernements de

    crer une structure dincitatifs poussant les entreprises participer latteinte dobjectifs de bien public et de dveloppement durable. Les gouvernements et les organisations

    internationales multilatrales ont commenc intervenir dans le domaine de la RSE.

    Dans ce contexte, les pouvoirs publics, par le biais de politiques appropries, semblent

    vouloir contribuer rsoudre certains problmes qui minent la RSE afin den faire un instrument plus efficace et crdible.

    L'objectif de cette section du rapport est de recenser les politiques publiques de diffrents

    pays en matire de RSE afin didentifier les meilleures pratiques de RSE et de dterminer lesquelles pourraient s'appliquer au Qubec et au Canada. Ce rapport prsente une revue

    des politiques publiques sur la RSE de quatre pays europens. Il propose une typologie

    base sur des travaux existants et il conclut sur de pistes de recherche en vue

    dapprofondir la comprhension du rle des politiques publiques dans le dveloppement dun cadre institutionnel en matire de RSE.

    Les politiques publiques visant la RSE constituent une intervention de ltat dans un champ caractris par lauto-rgulation des entreprises. Une part significative des politiques publiques sur la RSE concerne des activits menes par les entreprises ou leurs

    fournisseurs ltranger, cest--dire formellement hors de porte des pouvoirs publics dun tat donn. Les dispositions lgales dun pays tiers et leur application ne permettent pas toujours le respect des droits fondamentaux des travailleurs et ne permettent pas le

    dveloppement de conditions de travail dcentes. Les politiques publiques sur la RSE

    font partie de la constellation des institutions de GGT qui visent enrayer de telles

    situations. Les politiques publiques sur la RSE sont aussi mises en oeuvre lchelle nationale pour rpondre diffrents cas o lintervention lgislative est inefficace ou nest pas souhaite, pour diffrentes raisons. Alors que de nombreuses recherches se sont attardes tudier les initiatives de RSE purement prives, cest--dire celles pour lesquelles les pouvoirs publics ne jouent aucun rle, un objectif primordial de cette

    recherche est dvaluer leffet des politiques publiques en matire de RSE sur le respect des droits des travailleurs afin de dterminer dans quelle mesure il sagit dun mode daction efficace. Lidentification et la catgorisation de ces politiques publiques constituent une premire tape. Cest ce que cette section du rapport propose de faire.

    Il est possible de catgoriser les politiques publiques sur la RSE en fonction de leur

    niveau de contrainte. Deux catgories de politiques publiques peuvent tre identifies :

    les obligations lgales et les mesures non-contraignantes dincitation et de soutien (y compris caractre financier et logistique), de promotion, de diffusion, et dinformation. Actuellement, la seconde catgorie (mesures non-contraignantes) est nettement

    prpondrante. Il nexiste en fait aucun cas de politique publique en matire de RSE recourant uniquement aux obligations lgales. Cela est cohrent la nature volontaire de la

    RSE, ce qui la distingue gnralement des instruments lgaux traditionnels de type

    8 Reinhard Steurer, The Role of Governments in Corporate Social Responsibility: Characterising Public Policies on CSR in Europe, Policy Sciences 43, no. 1 (March 1, 2010).

  • 31

    command-and-control (Webb, 2012). Nanmoins, plusieurs types de politiques publiques

    sur la RSE, notamment celles sur le reporting, recourent une hybridation entre les

    obligations lgales et les mesures non-contraignantes.

    Cette section du rapport aborde trois aspects distincts de politiques RSE.

    Premirement, le reporting qui oprationalise le principe de transparence et de

    divulgation dinformation concernant les pratiques des entreprises en matire environnementale, sociale et de gouvernance dentreprise par le biais de rapports non-financiers, gnralement prsents en complment des comptes annuels. Dans plusieurs

    pays, le droit des affaires prvoit des obligations lgales de reporting non-financier au

    sein de la lgislation sur la gouvernance dentreprise. La prcision et la fiabilit des informations sur les impacts des pratiques des entreprises contenus dans les rapports non-

    financiers dpendent des obligations prvues par le droit national mais plusieurs

    entreprises choisissent de dvoiler volontairement plus dinformations que ce que la loi prvoit.

    Deuximement, le rapport aborde les politiques publiques sur la RSE visent influencer

    les pratiques des entreprises de manire non-contraignante dans un cadre national. Cest le cas des labels sur la diversit, lquit homme-femme en milieu de travail et la discrimination, ainsi que sur les appels doffres publics socialement responsables. Ces politiques ont donc pour objectif dinciter les entreprises avoir des pratiques en matire sociale et du travail qui dpassent les obligations prvues par la loi. Une part significative

    des politiques publiques sur la RSE touche le domaine plus des chanes

    dapprovisionnement et des activits des entreprises ltranger. Ces politiques publiques jouent gnralement un rle de promotion dinitiatives internationales visant le respect de certaines normes fondamentales par les entreprises lorsque les activits de celles-ci se

    droulent hors des frontires dun tat.

    Troisimement, ce rapport identifie aussi la structure de gouvernance supportant les

    diffrents types de politiques publiques, savoir les organes publics et parapublics en

    charge de llaboration et de la mise en oeuvre des politiques publiques sur la RSE, leurs partenaires privs (entreprises, ONG, syndicats, associations et groupes de la socit

    civile) et les ressources dont ils disposent. Les stratgies officielles des gouvernements en

    matire de RSE sont aussi identifies lorsquelles existent.

    La mthode de classification de ce rapport reste assez gnrale cause de la grande

    varit dinitiatives spcifiques que peuvent prendre les politiques publiques sur la RSE : codes de conduite en matire de reporting ou de gestion responsable des chanes

    dapprovisionnement, labels et mcanismes de certification, outils dinformation ou de promotion, partenariats financiers ou logistiques, projets de recherche et dvaluation, etc. Les structures de gouvernances tendent galement varier beaucoup. Ce document

    prsente donc les politiques publiques sur la RSE des diffrents pays tudis en

    identifiant auquel de ces trois domaines elles appartiennent, leur niveau de contrainte, et

    le cadre de gouvernance qui leur est propre.

    Les pays ont t slectionns pour le niveau de dveloppement similaire celui du

    Canada, ainsi que pour les diffrences institutionnelles qui leur sont reconnues en

    recherche comparative (cf. Hall & Soskice, 2001 ; Esping-Andersen, 1990). Il sagit de lAllemagne, du Danemark, de la France et du Royaume-Uni. Ce rapport offre aussi un

  • 32

    aperu des politiques publiques de lUnion europenne (UE) en matire de RSE puisque celle-ci dtient un pouvoir et des ressources propres pour appliquer une stratgie dans ce

    domaine sappliquant aux tats membres. Le rapport est bas sur lanalyse de la documentation gouvernementale officielle concernant les politiques publiques sur la RSE

    des pays tudis (textes juridiques ou politiques et informations publiques), et sur un

    corps grandissant de littrature secondaire.

    Revue comparative Avant de passer la revue comparative des politiques publiques des tats europens

    cibls par ce projet de recherche, ce rapport prsente un bref aperu de ltat des politiques publiques canadiennes et qubcoises. Ces politiques sont modestes. Elles

    visent souvent des objectifs de comptitivit et sarticulent surtout autour de la notion de gestion des risques sociaux. La stratgie actuelle du gouvernement canadaien en matire

    de RSE stipule que :

    Renforcer l'avantage canadien permettra d'amliorer l'avantage

    concurrentiel des entreprises extractives canadiennes en renforant leur

    capacit de grer les risques sociaux et environnementaux. On y reconnat

    qu'en dpit du fait que la plupart des entreprises canadiennes s'engagent

    respecter les normes thiques, environnementales et sociales les plus

    strictes, celles qui ne s'y engagent pas peuvent causer du tort aux

    collectivits l'tranger et compromettre la position concurrentielle

    d'autres entreprises canadiennes9.

    Ces dernires annes, le Canada a concentr une grande partie de ses efforts dvelopper

    des politiques en matire de RSE visant lindustrie extractive, avec notamment la cration du Bureau du Conseiller en RSE pour lindustrie extractive qui assiste les entreprises extractives canadiennes dans la mise en oeuvre de pratiques de RSE

    10, et avec la

    publication de Renforcer l'avantage Canadien : Stratgie de responsabilit sociale des

    entreprises (RSE) pour les socits extractives canadiennes prsentes l'tranger (2009)

    qui dresse le plan daction du gouvernement partir des recommandations de la Table ronde nationale sur la RSE et lindustrie extractive canadienne dans les pays en dveloppement (2007)

    11. Dans le cadre du dveloppement de sa stratgie de RSE dans le

    domaine de lindustrie extractiv