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POLITIQUES NATIONALES ET INTERNATIONALES
EN MATIRE DE
RESPONSABILIT SOCIALE DES ENTREPRISES
Rapport de recherche prpar par
XAVIER ST-DENIS
Chercheur associ, Centre dtudes sur lintgration et la mondialisation
avec la collaboration de Renaud Ledoux et Laurent Viau
Sous la direction de Michle Rioux,
professeure au Dpartement de science politique, UQAM
Directrice, Centre dtudes sur lintgration et la mondialisation PROJET GOUVERNANCE GLOBALE DU TRAVAIL
Mars 2014
Centre d'tude sur l'intgration et la
mondialisation
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Politiques nationales et internationales en matire de responsabilit sociale des entreprises
Cette recherche est mene dans le cadre dun partenariat entre la Coalition qubcoise contre les ateliers de misre du Centre international de solidarit ouvrire, le Centre
dtudes sur lintgration et la mondialisation et le Service aux collectivits de lUQAM.
Recherche et rdaction
Xavier St-Denis, tudiant au doctorat en sociologie lUniversit McGill et chercheur associ au Centre d'tudes sur l'intgration et la mondialisation de lUniversit du Qubec Montral, actif au sein du projet Gouvernance globale du travail
Sous la direction de
Michle Rioux, professeure au Dpartement de science politique et directrice du Centre
d'tude sur l'intgration et la mondialisation de lUniversit du Qubec Montral
Comit dencadrement de la recherche
Michle Asselin, coordonnatrice du Centre international de solidarit ouvrire (CISO)
Martine Blanc, agente de dveloppement, Service aux collectivits de lUQAM
Renaud Ledoux, tudiant la matrise en Science politique, UQAM
Michle Rioux, professeure au Dpartement de science politique et directrice du Centre
d'tude sur l'intgration et la mondialisation de lUQAM
Laurent Viau, tudiant la matrise en Science politique, UQAM
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TABLE DES MATIRES
RSUM EXCUTIF .................................................................................................................................. 6 Les dfis de la RSE ........................................................................................................................................................ 6 Rsultats et pistes daction ...................................................................................................................................... 7
Le rle des gouvernements nationaux .................................................................................................. 7 Le rle des institutions internationales ................................................................................................ 8
Introduction .............................................................................................................................................. 9 La RSE et le domaine public - Reconnatre la nature hybride de la RSE et les rles diffrencis des acteurs ........................................................................................................................................... 12
I. La RSE, objet de rgulation ? ......................................................................................................... 20 Monitoring, sanctions et engagements ............................................................................................................ 20 Les initiatives de co-rgulation en matire de RSE .................................................................................... 22 Le rle de la socit civile et de la participation dmocratique ........................................................... 22 Conclusion - Mcanismes dapplication appropris et moyens daction .......................................... 24
Rfrences ...................................................................................................................................................... 25
II. Analyse comparative des politiques publiques en matire de responsabilit sociale des entreprises : Quelles leons pour le Qubec et le Canada ? ........................................... 28
Revue comparative .................................................................................................................................................... 32 Les modles europens ............................................................................................................................ 33 LUnion europenne..................................................................................................................................... 34 LAllemagne ................................................................................................................................................... 37 Le Danemark .................................................................................................................................................. 41 La France - Du Bilan social Grenelle 2 ............................................................................................ 44 Le Royaume-Uni .......................................................................................................................................... 48
Conclusion - Vers une RSE volutive?................................................................................................................ 50 TABLEAU SYNTHSE - POLITIQUES PUBLIQUES RSE ............................................................................. 52
BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................................................................ 55
III. Politiques internationales en matire de responsabilit sociale des entreprises . 56 Dclaration de principe tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale de lOrganisation internationale du travail (2006) ................................................................................... 57 Principes directeurs de lOCDE pour les entreprises multinationales ............................................... 57 Pacte mondial des Nations unies ........................................................................................................................ 60 Obligations de reporting sur le plan international ............................................................................. 63 Le programme Better Work de lOrganisation internationale du travail ....................................... 64 CHRONOLOGIE DES INITIATIVES NATIONALES - RSE ............................................................................ 67
CHRONOLOGIE DES INITIATIVES INTERNATIONALES EN MATIRE DE RSE (NON EXHAUSTIVE) ............................................................................................................................................... 69
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RSUM EXCUTIF
La responsabilit sociale des entreprises (RSE) est gnralement associe au domaine
priv. Son fonctionnement repose sur la rponse par les entreprises aux pressions de la
socit civile en vue du respect de certaines normes et principes, notamment en matire
de droits des travailleurs. Dune part, la RSE est considr comme un mcanisme permettant de combler le vide institutionnel existant au niveau international et qui limite
la capacit des gouvernements de faire respecter les droits fondamentaux des travailleurs
lchelle globale. Toutefois, elle est parfois considre comme un substitut aux politiques publiques participant la privatisation de modes de rgulation et de
gouvernance conomique. On constate nanmoins une tendance rcente la
multiplication des politiques nationales, rgionales et internationales visant promouvoir
et encadrer la RSE. Ce rapport a pour objectif didentifier les principales initiatives publiques nationales et internationales en matire de RSE ayant t mises en place dans
les dernires annes et de proposer des pistes dactions pertinentes dans un contexte qubcois.
Les dfis de la RSE
Ce rapport identifie plusieurs dfis que doivent surmonter les initiatives de RSE reposant
uniquement sur les acteurs prives (les entreprises et la socit civile) afin de se montrer
efficaces :
- Lefficacit de la RSE des fins sociales est base sur la dnonciation publique de violations des droits des travailleurs des entreprises et la mobilisation de la socit
civile et des consommateurs. La transparence des pratiques des entreprises et
laccs une information crdible et complte sont donc ncessaire pour le bon fonctionnement de la RSE. Une plus grande indpendance des organisations
responsables des audits fournissant cette information est cruciale ;
- La RSE repose souvent sur des audits sociaux lors desquels une valuation ponctuelle et base sur une liste dindicateurs est utilise. Cette approche ne permet pas toujours de raliser des amliorations significatives. Une approche
base sur la coopration, lassistance technique et sur un engagement soutenu avec les fournisseurs sest montre fructueuse dans le cas de plusieurs entreprises multinationales ;
- La RSE est efficace lorsquil existe des sanction conomique pour les entreprises et leurs fournisseurs (boycotts, chute de la demande des consommateurs,
mauvaise rputation, perte daccs des marchs, etc.) ; - Lefficacit des entreprises de RSE repose sur la co-rgulation et la participation
de la socit civile aux initiatives de RSE, y compris les acteurs et travailleurs
locaux ;
- La fragmentation des initiatives prives et les problmes dinterprtation des normes internationales reprsentent des obstacles importants lefficacit des initiatives de RSE.
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Rsultats et pistes daction
Il faut gnralement reconnaitre la nature hybride de la RSE et le rle diffrenci des
acteurs. Il convient de dfinir laction publique de manire approprie et de mieux comprendre la manire dont la nature des entreprises et leur mode de gestion peuvent tre
influencs en vue de lapplication des droits des travailleurs et des autres acteurs qui sont affects par les dcisions des entreprises.
Le rle des gouvernements nationaux
Les gouvernements de diffrents tats ont adopt une srie de politiques publiques visant
promouvoir la RSE, y compris au niveau des chaines dapprovisionnement transnationales. Voici quelques pistes intressantes que nous voulions souligner :
Les tats-Unis ont adopt deux mesures importantes, que nous avons retenues comme
pistes daction adapter au contexte qubcois et canadien :
Piste 1 La loi sur les Benefit Corporations. Cette loi permet lenregistrement des entreprises sous un statut les autorisant faire passer latteinte dobjectifs sociaux et environnementaux avant les objectifs de rendement et de redevance aux actionnaires.
Piste 2 La Loi californienne sur les chaines dapprovisionnement. Cette loi require que les entreprises californiennes dvoilent les efforts mis en oeuvre pour lutter contre le
trafic humain et lesclavage dans leurs chanes dapprovisionnement. Il sagit dune des seules lgislations mettant en oeuvre le principe dextraterritorialit.
Les tats membres de lUnion europenne ont aussi adopt certaines politiques publiques intressantes :
Piste 3 Les obligations de reporting pour les grandes entreprises. Pour favoriser la transparence et le dvoilement de leurs pratiques par les entreprises, lUnion europenne a adopt un modle lgal reposant sur laudit comptable dans le cadre dune directive sur les comptes annuels des grandes entreprises. Suivant ce modle, gnralement dsign
sous le nom de reporting , les entreprises ont lobligation de dvoiler leurs pratiques en matire sociale, environnementale et de gouvernance dans le cadre de rapports non-
financiers joints leur rapport annuel, et de justifier pourquoi elles ne dvoilent pas
certaines informations, le cas chant (ce type dobligation facultative est nomm comply-or-explain). Ce modle a t intgr la lgislation nationale de quatre tats
membres que ce rapport a tudis (lAllemagne, le Danemark, la France et le Royaume-Uni). Ce rapport propose de mettre en place des obligations similaire en contexte
qubcois et canadien.
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Le rle des institutions internationales
Piste 4. Crer un point de contact ou un rseau RSE au sein du gouvernement du Qubec
et du Canada pour coordonner l'action du gouvernement en matire de RSE Cet
organisme ou rseau spcialis en RSE devrait tre dot de fonds suffisants pour
fonctionner. Lojectif serait dassurer la complmentarit et lorientation stratgique des diffrentes politiques publiques en matire de RSE (promotion de la Dclaration tripartite
de lOIT, gestion du PNC pour les Principes directeurs de lOCDE, relations avec le rseau local du Pacte mondial des Nations unies, les normes de reporting non-financier,
etc). Il devrait accueillir les diffrentes parties prenantes, savoir les ONG et diffrentes
organisations de la socit civile concernes, les syndicats et les entreprises, afin de
sassurer de la diversit des voix et dune collaboration entre les parties. Le Rseau canadien sur la reddition de compte des entreprises pourrait jouer un rle important dans
ce dveloppement.
Piste 5. Allier contraintes et incitatifs Il nous apparat important de favoriser une
approche globale qui mise sur linteraction entre les politiques, les formes de rgulation et les niveaux de laction collective. A cet gard, le programme Better Work illustre une nouvelle manire de penser le rle de lOIT et dengager les entreprises, la socit civile et les syndicats ainsi que les tats dans une gouvernance transnationale et sectorielle. Il
faut faire interagir les normes internationales, les lois nationales, laide et les rgimes dinvestissment, la coopration internationale, le dialogue social et certaines formes de conditionnalits de laide ou de laccs au march avec la RSE au niveau des entreprises.
Piste 6. Assurer une veille et la vitalit de organismes de coopration et de dfense des
droits des travailleurs et des personnes La Dclaration de principe tripartite sur les
entreprises multinationales et la politique sociale de lOrganisation internationale du travail est un instrument directement destin aux entreprises multinationales. La version
de 2006 reprend les normes de la Dclaration de lOIT sur les principes et droits fondamentaux au travail (1998), qui consacre huit conventions fondamentales. La
Dclaration tripartite contient aussi des dispositions plus dtailles sur lemploi, la formation, les conditions de travail et les relations professionnelles. Bien que les
conventions de lOIT soient destines aux gouvernements, la Dclaration sur les entreprises multinationales prsente la manire selon laquelle les entreprises prives
peuvent contribuer leur mise en oeuvre. Il sagit du seul instrument du genre parmi les textes de rfrence de lOIT. La Dclaration constitue donc un cadre de rfrence pour lensemble des initiatives de RSE. Ce rapport soutient quil est important de promouvoir et dutiliser la Dclaration tripartite en tant que cadre normatif dans lensemble de ses politiques publiques en matire de RSE.
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Introduction
Le Centre dtudes sur lintgration et la mondialisation (CEIM) a dvelopp le projet Gouvernance globale du travail depuis 2006 afin dtudier les innovations institutionnelles en matire de rgulation du travail depuis la fin des annes 1980, ce qui
comprend notamment les inititives de responsabilit sociale des entreprises (RSE), les
clauses sociales dans les accords commerciaux et les nouvelles initiatives de coopration
internationale de lOrganisation internationale du travail (OIT) et des autres grandes organisations du systme dorganisations spcialises des Nations Unies. Ce projet a permis dobserver une grande pluralit dacteurs travaillant modeler des mcanismes de rgulation, aux cts des gouvernements nationaux et des organisations internationales.
En partenariat avec le CISO, le CEIM a voulu explorer la RSE en tant quobjet de rgulation des tats en tudiant lmergence de politiques publiques nationales en internationales dans certains pays slectionns par le CISO.
Grce aux ressources financires fournies par de programme une subvention PAFARC
dans le cadre du Protocole syndical du Service aux collectivits de lUQAM en 2012-13 et laide lemploi dun assistant fournie par le Fonds tudiant solidarit travail du Qubec (Fonds de solidarit de la FTQ), le CEIM a ralis une recherche qui documente
les politiques publiques en matire de responsabilit sociale des entreprises (RSE). La
recheche a donc t dveloppe en partenariat avec le CISO1 dans le cadre de la CQCAM
et la campagne Les oublis du dveloppement durable . La question intressant le
CISO consistait savoir ce qui se fait en matire de politiques publiques relativement la
RSE en vue d'identifier les meilleures pratiques et de formuler des recommandations cet
gard au Qubec et au Canada2. Sous la direction de Michle Rioux, la recherche a t
mene par Xavier St-Denis en collaboration avec Renaud Ledoux et Laurent Viau.
Plusieurs membres du CISO y ont apport des contributions ponctuelles.
La recherche a pris comme point de dpart lide selon laquelle la RSE est autant une forme de rgulation quobjet de rgulation. Plusieurs prsentent la RSE comme une forme de mcanisme dautorgulation par les acteurs privs pouvant assurer le respect des grands principes inscrits dans les conventions internationales et les lois nationales. Il
est aussi vrai quen gnral la RSE est une pratique qui vise aller au-del des lois nationales visant certains comportements irresponsables des entreprises. Chose certaine,
1 Depuis 2003, la Coalition qubcoise contre les ateliers de misre (CQCAM) est une table de concertation du Centre
international de solidarit ouvrire (CISO) actuellement sous la direction de Michle Asselin. Rassemblant une
trentaine dorganisations syndicales, non gouvernementales, de coopration internationale et de dfense des droits humains, elle uvre llimination des ateliers de misre, au Sud comme au Nord, et vise lamlioration des conditions des travailleurs et travailleuses. Outre la mobilisation citoyenne, ses champs dexpertise sont la responsabilit socitale des organisations (RSO) et les politiques dapprovisionnement responsable (PAR). Lapprovisionnement responsable tant une des alternatives identifies pour contrer la prolifration des ateliers de misre. 2 Les rsultats de la recherche pourraient tre utiliss dans les activits dducation et de sensibilisation du public et
permettre la rarticulation dun plaidoyer auprs du gouvernement du Qubec, afin de confronter les pratiques actuelles aux innovations politiques en matire de responsabilit socitale des organisations et en approvisionnement
responsable. Enfin, cette recherche pourrait dboucher sur une rflexion menant la ralisation dun nouveau programme de formation auprs des membres de la CQCAM afin de les outiller sur les pistes dactions dans leur organisation. Un projet de formation pourrait tre propos au MELS cette fin.
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le problme majeur est le fait quil ny a pas de concidence territoriale entre lespace mondialis et les cadres juridico-politiques labors sur les plans national et international.
Que ce soit cause de la diffrence dchelle entre les activits des firmes multinationales et le pouvoir de rgulation des tats nationaux (Webb, 2012), ou cause
de linsuffisance des ressources de ltat pour la mise en application du droit du travail (Estlund, 2008), le rle de la rgulation de type top-down, ou command-and-control, de
ltat est remis en cause, ce qui en partie favorise le principe dautorgulation des firmes. La RSE est gnralement associ au domaine priv. Souvent, elle est dailleurs considre comme un substitut aux politiques publiques. Cependant, la RSE devient de
plus en plus un objet de rgulation publique avec la multiplication des politiques
nationales, rgionales et internationales visant la promouvoir ou lencadrer. McGuire (1963) dfinit la RSE de manire exclure les comportements des entreprises visant
rpondre aux lois et aux politiques alors que McWilliams et Siegel (2001) suggrent que
llment significatif de la RSE est le volontarisme. Plusieurs auteurs (par exemple, Fligstein, 1996) considrent par ailleurs que la RSE est enchasse (embedded) dans
les systmes dans lesquels elles se dveloppent. Il est donc important de dfinir la RSE de
manire replacer lentreprise dans lespace socio-politique o elle opre3.
Dminents chercheurs, notamment Robert Reich, sont critiques envers la RSE et ses bnfices (Reich, 2007) et ils font souvent valoir limportance des politiques nationales et internationales ainsi que la ncessit de crer un environnement institutionnel mondial,
qui traverse les frontires, susceptibles daccrotre son efficacit. Nous optons pour cette approche qui conoit linteraction dynamique et volutive entre diffrentes formes mergentes de rgulation conomique, notamment en ce qui concerne les questions de
protection sociale et environnementale.
Si le domaine de la RSE restera toujours priv, son effectivit peut dpendre des incitatifs
ou des obligations mises en uvre par les tats ou les organisations internationales. En ralit, les liens entre la RSE et le domaine public sont de plus en plus complexes car lon assiste la transformation de ltat, des formes de coopration internationale et des actions des organisations internationales tout autant qu la transformation des entreprises. A tous les niveaux, le rle des normes fondes sur la gestion du risque
rputationnel est significatif. Cest ainsi que lon peut expliquer lmergence de lois et mesures visant favoriser le reporting non financiers comme au Danemark, en
Allemagne, en France et aux Etats-Unis.
Les initiatives de RSE prennent diverses formes : codes de conduite internes, codes
dassociations professionnelles, lignes directrices internationales, ainsi quententes-cadres multi-partites entre firmes multinationales, syndicats mondiaux et agences de contrle.
Elles sont dveloppes par les firmes mais elles font galement intervenir les acteurs issus
de la socit civile, comme les syndicats, les ONGs et les consommateurs. Lmergence et la prolifration de ces initiatives tend confirmer lexistence dun processus de re-rgulation de lconomie mondiale, qui, pour certains, impliquerait le transfert du pouvoir de rglementation de ltat vers les acteurs non gouvernementaux ainsi que vers de nouveaux partenariats entre agents privs, syndicats, consommateurs, investisseurs,
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ONGs et organisations gouvernementales et internationales, notamment avec ISO26000,
le Pacte mondial de lONU pour ne nommer que ceux-l. Les problmes lis la fragmentation des espaces juridiques et politiques et au manque de crdibilit des
informations tires du monitoring volontaire des pratiques des entreprises en matire de
travail sont deux raisons qui motivent les tats sinvestir le domaine de la RSE. La RSE devient alors un domaine de co-rgulation et de co-institutionnalisation des pratiques
dentreprises.
Plusieurs pays ont developp cette ide que ltat a un rle jouer dans un domaine comme la RSE. Il existe une certaine tendance lhybridation des trajectoires de rgulation et laffirmation que la RSE est un objet de rgulation. Certains auteurs dfendent lide selon laquelle la transparence et le dvoilement des pratiques des entreprises, la pression des consommateurs et la comptition entre marques pour
dvelopper une image positive delles-mmes face leurs concurrents peut susciter une course vers le haut en matire de respect des droits des travailleurs (Arthurs, 2008). Au
mimtisme des entreprises en rponse aux pratiques de leurs concurrents et la pression
normative exerce par les consommateurs et la socit civile peut sajouter un certain niveau de contrainte lgale de la part de ltat comme lobligation de reporting europen afin de susciter un effet dentranement menant vers linstitutionnalisation des pratiques de RSE sur les plans substantiel et procdural. Ceci doit se faire galement en
lien avec une coopration internationale visant mettre en place des rgulations
transnationales.
Dans le cadre de cette recherche, nous avons constat que les contextes europen et
amricain offrent de nombreux exemples dhybridation dinterventions contraignantes de ltat et daction volontaire des entreprises afin de garantir un plus grand impact des initiatives prives de RSE sur le respect des droits des travailleurs. Au niveau
international, le recours une forme hybride comprenant lintervention coercitive des pouvoirs publics, le recours la crdibilit dune institution internationale et laction volontaire des entreprises sont la base dexpriences hybrides tout aussi originales qui tendent se dvelopper puisque les politiques nationales ne peuvent suffire dans un
monde globalis.
La premire section de ce rapport prsente les grands enjeux, dfis et limites propres la
rgulation par des mcanismes de RSE identifis par des tudes rcentes. La seconde
section prsente les obligations de reporting et dautres politiques de transparence dveloppes en Europe. La troisime section prsente diffrentes initiatives dveloppes
par des organisations internationales et suggre des pistes daction pour les mettre en oeuvre dans un cadre national par le biais de politiques publiques appropries.
Sur la base de cette mise en perspective des politiques publiques aux niveaux national et
international, nous avons labor une srie de recommandations pour le Qubec et le
Canada.
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La RSE et le domaine public - Reconnatre la nature hybride de la RSE et les rles diffrencis des acteurs
Considrant le processus de transformation du domaine de la RSE et le rle important
que jouent les politiques publiques aux niveau national et international, il convient de
dfinir laction publique de manire approprie qui peut influer sur la nature des entreprises en tant quinstitution et sur leur mode de gestion qui favorise gnralement la cration de valeur pour les actionnaires, les rendements court terme, la comptitivit par
les cots, trois lments qui dfavorisent la prise en compte des intrts des travailleurs et
des autres acteurs qui sont affects par les dcisions des entreprises dans le cadre des
systmes de gestion comptables actuels. Ainsi, suite cette recherche, nous avons 6
recommandations principales proposer.
1. Adapter le modle de loi Benefit Corporation lenvironnement lgal Qubcois Ce type de mesures pourrait complter une politique-cadre sur l'conomie sociale au Qubec
en permettant aux entreprises de poursuivre des fins sociales.
Benefit corporation Statut juridique en mergence pour des entreprises amricaines (20
tats, 16 en cours) ayant lobligation de considrer lensemble des parties prenantes pour dterminer le profil de lentreprise et doit produire et remettre ses actionnaires un rapport annuel des bnfices sociaux qui doit tre rendu public. Ce statut les autorise
faire passer lintrt gnral avant celui des actionnaires. Les B Corporations doivent obligatoirement prvoir dans leurs lettres patentes certains bnfices sociaux et/ou
environnementaux dcoulant de leurs activits, prvoir la publication de rapports annuels
faisant tat de lavancement de ces objectifs et nommer un directeur responsable de ce pan de lactivit de lentreprise. Ce statut empche les poursuites dactionnaires dans le cas o les dcisions en matire de RSE nuisent au rendement de lentreprise. Le Maryland a t en 2010 le premier Etat introduire juridiquement la Benefit corporation. Dans tats
qui ont des lois B Corp, les B Corporations bnficient de plusieurs avantages : accs
prioritaire certains marchs publics, facilits fiscales, etc.
2. Un reporting obligatoire pour les grandes entreprises capital public La majorit
des politiques europennes en matire de RSE favorisent un mode de reddition de compte
nomm comply-or-explain , soit lobligation pour les entreprises de dvoiler les informations des audits sur leurs pratiques sociale, environnementale ou de gouvernance,
ou dfaut dexpliquer pourquoi elles ne sont pas en mesure de le faire. Ce type dobligation peut tre mis en oeuvre au Qubec via le Bureau de normalisation du Qubec et lAutorit des marchs financiers 4 . Lintrt est dajouter aux rapports financiers annuels des entreprises des donnes non-financires destination des parties
prenantes. Afin que ce mcanisme soit efficace, il est ncessaire que les entreprises aient
lobligation de fournir une certaine quantit dinformations fiables et dtailles, notamment sur leurs pratiques et celles des firmes faisant partie de leurs chanes
dapprovisionnement. La norme ISO26000 pourrrait tre une rfrence de dpart.
3. valuer la possibilit de mettre en oeuvre des mesures extra-territoriales en matire
de droit du travail Le Qubec et le Canada pourraient prendre modle en adaptant le
4 Marco Blair-Cirino, Dveloppement du commerce extrieur - Lise parie sur la diplomatie pour stimuler lconomie qubcoise . Le Devoir, 29 octobre 2013.
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California Supply Chain Act (2010) engageant les entreprises dvoiler leurs efforts pour
lutter contre le traffic humain et lesclavage dans leurs chanes dapprovisionnement. Il serait aussi important dvaluer la possibilit de renforcer dautres mcanismes dapplication des conventions internationales de lOIT tel le renforcement des clauses sociales et des programmes Better Work qui permettent d'agir sur la chane
d'approvisionnement et donc, d'tendre le pouvoir de l'tat en dehors de ses frontires.
4. Crer un point de contact ou un rseau RSE au sein du gouvernement du Qubec et
du Canada pour coordonner l'action du gouvernement en matire de RSE Cet
organisme ou rseau spcialis en RSE devrait tre dot de fonds suffisants pour
fonctionner. Lojectif serait dassurer la complmentarit et lorientation stratgique des diffrentes politiques publiques en matire de RSE (promotion de la Dclaration tripartite
de lOIT, gestion du PNC pour les Principes directeurs de lOCDE, relations avec le rseau local du Pacte mondial des Nations unies, les normes de reporting non-financier,
etc). Il devrait accueillir les diffrentes parties prenantes, savoir les ONG et diffrentes
organisations de la socit civile concernes, les syndicats et les entreprises, afin de
sassurer de la diversit des voix et dune collaboration entre les parties. Le Rseau canadien sur la reddition de compte des entreprises pourrait jouer un rle important dans
ce dveloppement.
5. Allier contraintes et incitatifs Il nous apparat important de favoriser une approche
globale qui mise sur linteraction entre les politiques, les formes de rgulation et les niveaux de laction collective. A cet gard, le programme Better Work illustre une nouvelle manire de penser le rle de lOIT et dengager les entreprises, la socit civile et les syndicats ainsi que les tats dans une gouvernance transnationale et sectorielle. Il
faut faire interagir les normes internationales, les lois nationales, laide et les rgimes dinvestissment, la coopration internationale, le dialogue social et certaines formes de conditionnalits de laide ou de laccs au march avec la RSE au niveau des entreprises.
6. Assurer une veille et la vitalit de organismes de coopration et de dfense des droits
des travailleurs et des personnes Le respect des droits des travailleurs par les entreprises
repose principalement sur laction et la mobilisation des organisations de la socit civile et des syndicats autour de diffrents enjeux et des cas de violation des droits des
travailleurs. Dans un tat dmocratique, la socit civile joue et doit jouer un rle crucial
de sensibilisation de lopinion publique et des consommateurs, qui engendre des incitatifs et une pression pour les entreprises respecter les droits des travailleurs dans leurs
pratiques et activits transnationales. Il est donc important que les organisations de la
socit civile dtiennent les moyens dagir.
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20
I. La RSE, objet de rgulation ?
Les initiatives de RSE peuvent tre dclins sur deux chelles. La premire est lie la
globalisation et aux activits transnationales des entreprises. Dans ce cas, la RSE vise
combler le vide institutionnel au niveau mondial permettant aux entreprises de sengager respecter des normes en matire de travail dans leurs activits ltranger et de sassurer que leurs fournisseurs et contractants ltranger les respectent. La seconde est lie un processus de drgulation et de retrait du rle de ltat au niveau national. Si la premire vise construire un cadre normatif dans un espace o celui-ci peine merger,
la seconde catgorie participe parfois leffritement de la rgulation de ltat. Dans ce rapport, nous nous intressons principalement la premire catgorie de RSE, celle qui
vise combler le vide institutionnel au niveau et faire respecter les droits fondamentaux
du travail au travers des chanes dapprovisionnement des entreprises canadiennes oeuvrant linternational, soit par le biais de filiales, soit par le biais de rseaux de sous-traitants ou de fournisseurs. Nous procdons une revue de la littrature acadmique et
pratique sur 1) le fonctionnement des initiatives de RSE ; et, 2) sur les avantages de
diffrentes initiatives de RSE.
Depuis une vingtaine dannes, plusieurs entreprises oeuvrant ltranger ont subi les pressions des consommateurs et de la socit civile et ont rpondu en adoptant des codes
de conduite en vertu desquels elles sengagent respecter et faire respecter par leurs fournisseurs une srie de normes fondamentales du travail. Lun des aspects les plus importants de la RSE est la production et laccs un bilan relatif ces codes privs. La RSE est un instrument bas sur lengagement volontaire dacteurs privs (les entreprises et autres organisations) de respecter une srie de normes fondamentales en matire de
travail dans leurs activits internationales. Il nexiste aucun mcanisme lgalement contraignant pour faire respecter directement (sans passer par le droit national) les droits
des travailleurs, alors que plusieurs tats ne les protgent pas toujours adquatement,
surtout dans les pays faible capacit institutionnelle. Ainsi, les fournisseurs ou les
filiales des entreprises oeuvrant dans certains pays, qui sont en principe tenus de respecter
le droit dassociation et de ngociation collective, lge minimum pour le travail des enfants, la protection des travailleurs contre la discrimination et linterdiction de travail forc, tirent souvent avantage dun rapport de force qui joue en leur faveur en raison de la faiblesse des cadres juridiques de certains pays. La menace de dlocalisation renforce
galement une dynamique de nivellement par le bas des systmes de protection sociale.
Dans cet univers de codes privs, la surveillance est importante, mais elle dout tre
norme, et encadre juridiquement.
Monitoring, sanctions et engagements Lun des lments centraux de la RSE est la surveillance (monitoring) du respect des droits fondamentaux des travailleurs par les entreprises aux activits de production
transnationales par le biais dune transparence et dun dvoilement de leurs pratiques. Lincitatif principal des entreprises adhrer des codes de conduite privs est le risque de perte de rputation et de parts de marchs, le levier principal tant la pression des
consommateurs et de la socit civile sur ces entreprises. Plusieurs contributions ont
identifi les possibilits de coopration avec les entreprises et le potentiel que reprsente
21
linclusion de mesures de coopration avec les entreprises allant au-del du monitoring. Ceci pointe limportance de laspect procdural de programmes de coopration et de dveloppement des initiatives de RSE, en parallle avec lvaluation substantive des performances sociales des entreprises. Limportance de sanctions conomiques relles et effectives continue aussi dtre considre comme une condition ncessaire au dveloppement dune structure dincitatifs et de contraintes relatifs au respect des droits fondamentaux des travailleurs par les entreprises.
Le dbat sest concentr sur le manque de dents des instruments de rgulation existants, que ce soient les conventions de lOIT, les dispositions sur le travail contenues dans les accords de libre-change (ALE), les codes de conduites privs, etc. (voir
Esbenshade, 2004 ; Seidman, 2007). Il en ressort quil importe de mettre en place des incitatifs forts, en premier lieu des sanctions conomiques (pression des consommateurs,
retrait des contrats dapprovisionnements, amendes et suspension de davantages commerciaux) afin damener les entreprises respecter les droits du travail. Il faut mentionner quun nombre important de contributions ont toutefois soulign que les sanctions sont loin de reprsenter elles seules un incitatif suffisant pour assurer le
respect des droits fondamentaux des travailleurs. Les clauses dites procdurales, les
programmes de coopration et de dveloppement ainsi que les mcanismes assistant les
entreprises et les tats dans le respect des droits des travailleurs dans la dure sont
cruciaux pour assurer des rsultats long terme (Deva, 2011). Les sanctions seraient donc
une composante essentielle, mais insuffisante, de tout rgime de rgulation internationale
du travail. Le litige en droit du travail national (Estlund, 2008), les sanctions
conomiques envers des tats non respectueux des droits du travail (Banks, 2011 ;
Polaski 2006) et les ruptures de contrat envers les fournisseurs fautifs (Locke et al. 2009)
sont efficaces lorsquelles sont utilises en dernier recours et lorsque la menace de leur usage sert persuader les diffrents acteurs participer des programmes de coopration
et de rforme des pratiques en matire de droits et normes du travail.
Certains favorisent plutt lidentification dobjectifs atteindre (commitment-based approach, selon la formulation de Locke et al., 2009 ; responsiveness selon Deva, 2011 ;
Barenberg, 2008). Ils proposent de se concentrer sur les moyens ncessaires pour
atteindre les objectifs fixs, et donc que les initiatives de RSE requirent un volet
procdural en plus de clauses purement substantives. Deva (2011) value diffrents
instruments du droit international du travail et affirme que ceux qui visent radiquer les
causes du travail des enfants plutt que de prescrire le simple non-emploi des enfants sont
les plus adquates5. Lutilisation stricte dindicateurs de performance issus daudits ne
suffit pas fournir un portrait juste de la situation (notamment pour les droits plus
complexes comme les droits collectifs), ce qui limite la fois la capacit dvaluer les progrs effectus par les entreprises, mais aussi lidentification des pistes de solutions aux violations.
5 Largument de Deva (2011) sinscrit dans la mme ligne que la discussion plus plus thorique qui dfend limportance daller au-del de la mesure dindicateurs de performance la manire du modle de dveloppement conomique de la Banque mondiale et du FMI et de favoriser une approche axe sur
lagence humaine et linterprtation et la mise en oeuvre des droits internationaux du travail dans un contexte local.
22
Un modle de coopration bas sur la persuasion morale est incomplet, surtout lorsquil est confront des entreprises ou des cultures locales et nationales peu favorables au
respect des droits des travailleurs. Il semble donc que tout programme de RSE efficace
doit rompre avec un modle exclusivement bas sur des audits et des inspections
ponctuelles. Premirement, les rsultats de ces audits sont peu fiables, malgr toutes les
innovations en termes dindpendance et de transparence des vrificateurs (Seidman, 2007). Par exemple, il est trs difficile de dceler des violations de la libert dassociation et du droit de ngociation collective au cours dune visite dune journe dans lusine dun fournisseur dune grande marque (Barenberg, 2008). Deuximement, les entreprises, notamment lorsquil sagit de petits fournisseurs de pays en dveloppement et dentreprises dont le modle daffaire repose sur une faible marge de profit, du travail faible cot et lattrait de capital hautement mobile, sont loin dtre les acteurs possdant lexpertise la plus dveloppe en matire damlioration des conditions de travail et de respect des droits fondamentaux du travail (Locke et al., 2007, 2009). Il est important de
dvelopper un modle de sanctions crdibles, effectives et applicables en tant
quincitatifs de dernier recours (Banks, 2011 ; Estlund, 2008).
Les initiatives de co-rgulation en matire de RSE Steurer (2010) et Hepple (2005) suggrent que le dveloppement et la popularisation des
initiatives de RSE et leur ncessit de faire face la critique a favoris une intervention
plus grande des gouvernements dans ce domaine pour (a) faciliter ladoption de cadres de rfrence normatifs, et (b) fixer des rgles de transparence afin dtablir la crdibilit des informations fournies par les entreprises sur leur responsabilit sociale (quoique toujours
limit au comply-or-explain et restant gnralement volontaire). Steurer (2010) se
concentre sur les forums multipartites privs au niveau national au sein desquels ltat peut jouer un rle de co-rgulation dans la poursuite de latteinte des objectifs de politique publique. Hepple (2005) souligne plutt limportance des tats au niveau multilatral dans ladoption de dclarations nationales. Dans les deux cas, ces auteurs mettent en vidence le rle potentiel de ltat dans la cration dun cadre normatif pour les initiatives de RSE des entreprises. Mais souvent les tats eux-mmes ne se respectent
pas les normes internationales du travail.
Tajgman (2011) identifie diffrents organes de lOIT comme sources potentielles dinterprtation, de recommandation et dassistance auprs des entreprises sur la manire de mettre en oeuvre et appliquer les normes prvues par les conventions fondamentales
de lOIT quand ltat dans lequel oeuvre une entreprise nest pas en mesure de remplir ce rle. Lautorit dans linterprtation des normes et la cration de lignes directrices pour leur mise en oeuvre est donc, dans cette perspective, une responsabilit des institutions
publiques. Cest ce que pense Arthurs (2008) en ce qui concerne le rle des systmes judiciaires nationaux dans les litiges autour de codes de conduite privs. En sinspirant de cette proposition, on peut suggrer que ltat a, par le biais des cours et des tribunaux de justice, un potentiel dinterprtation des codes de conduite et des normes quils contiennent.
Le rle de la socit civile et de la participation dmocratique Plusieurs auteurs soulignent limportance du rle de la socit civile et de la participation dmocratique. Mais dans quelles conditions un modle participatif est-il en mesure
23
doffrir une relle influence et voix aux organisations de la socit civile et reprsente-t-il un modle dmocratique pour les parties prenantes plutt quune cooptation et une lgitimation morale par association dun agenda nanmoins tabli (et mis en pratique) unilatralement ? Le rle des gouvernements pourrait-il intervenir par le biais de
politiques publiques appropries ?
Selon Fransen et Burgoon (2013), il existe un potentiel de co-rgulation impliquant la
socit civile dans la RSE. Toutefois, il est important de tenir compte des relations de
pouvoir avant de dterminer comment et si il est possible de voir une influence relle des
organisations de la socit civile et des parties prenantes. Le rle de mdiateur et
facilitateur de ltat pourrait contribuer au rle de co-rgulation entreprises-socit civile-tat en matire de RSE. La plupart des tudes sur la co-rgulation et plus
gnralement sur le rle de la socit civile et des travailleurs dans la gestion des codes
de conduite ont soulign que les considrations managriales (et actionnariales) prennent
gnralement le dessus sur les considrations sociales et de gouvernance dmocratique
(Fransen et Brugoon, 2013 ; Villiers, 2011)6. Vercher et al. (2011) et Villiers (2011)
soulignent le conflit entre les objectifs actionnariaux (profits et retour sur investissement)
et la capacit ou de la volont des entreprises de poursuivre des objectifs sociaux et de
rpondre aux revendications des parties prenantes (en matire de normes du travail
notamment). Cet argument nous sensibilise aux rapports de pouvoirs et la capacit
asymtrique des parties prenantes et des organisations de la socit civile influencer les
entreprises (de quels leviers disposent-ils ? pour reprendre les mots de Banks, 2011). Cest dans cette optique que le modle juridique Benefit Corporation trouve son origine aux Etats-Unis puisquil vise favoriser une redressement des rapports de force inscrit dans les lois amricaines encadrant les comportements et la gouvernance des entreprises.
Les accords cadres internationaux (ACI) (International framework agreements sont) un
bon exemple de modle participatif o les syndicats et travailleurs locaux bnficient
dune coordination pour faire valoir leurs intrts tant dans ltablissement du code de conduite que dans la mise en oeuvre de celui-ci. Ces accords contribuent ouvrir un
espace de dialogue mais comme les autres initiatives de RSE, leurs effets sont limits par
labsence dun vritable cadre lgal pouvant garantir et faciliter leur application. Toutefois, comme le remarquent Novitz (2011) et Ewing (2008), puisque les ACI sont
ngocis, ils sloignent dune RSE fonde sur ladoption unilatrale de codes de conduites par les entreprises. Ils laissent plus de place la participation des travailleurs
locaux, contrairement aux codes de conduites qui mettent au premier plan les intrts de
la socit civile et des consommateurs des pays du Nord (Seidman, 2007). Cependant, la
participation des travailleurs lapplication des ACI est assez rare (Ewing, 2008).
Steurer (2010) souligne que dans certains cas (notamment dans le cas de lapplication des droits du travail dans les chanes dapprovisionnement des entreprises), la RSE constitue un moyen supplmentaire (et non une substitution) pour atteindre des objectifs publics.
6 ce sujet, Fransen et Burgoon (2013) affirment que les organisations de la socit civile se retirent de
plus en plus des activits de co-rgulation (forums multipartites privs) et des activits de
sensibilisation et de plaidoyer (advocacy) cause de linefficacit des instruments existantes (tant lOIT et les initiatives de lONU que les ALE et les codes de conduite privs).
24
Un tat engag en matire sociale et environnementale constitue une variable favorable
au dveloppement dinitiatives de RSE par les entreprises (Petit et Capron, 2011) qui sinscrit dans une perspective de capitalismes compars. Il semblerait que si les gouvernements dveloppent des objectifs clairs (en collaboration ou destins aux
entreprises), les entreprises pourraient tre guides adquatement dans ladoption et la mise en oeuvre de leurs politiques de RSE. Ltat peut jouer un rle dans la dtermination du cadre de rfrence normatif des initiatives de RSE et ainsi tenter de
crer un consensus et lutter contre la fragmentation normative. La garantie de la
participation de la socit civile dans la co-rgulation est loin dtre acquise et prsente un dfi de taille encore aujourdhui (Fransen et Burgoon, 2013). Les politiques publiques devraient en tenir compte.
Conclusion - Mcanismes dapplication appropris et moyens daction Lefficacit de la RSE des fins sociales est base sur la dnonciation publique de violations des droits des travailleurs des entreprises. Laccs une information crdible et complte est donc ncessaire pour le bon fonctionnement de la RSE. Seidman (2007)
souligne limportance de lindpendance des vrificateurs afin de garantir laccs une information crdible et complte que les organisations de la socit civile pourront
utiliser dans leurs campagnes. Selon Barenberg (2008), la pression de la socit civile et
des consommateurs auprs des entreprises en vue de leur respect des droits des
travailleurs est la plus efficace lorsquelle est mise en oeuvre par des organisations bien structures et de campagnes organises. La simple pression diffuse de consommateurs sur
le march a beaucoup moins de potentiel.
Estlund (2008) propose un modle bas sur la coopration, ainsi que la mise en oeuvre
dun code de conduite priv, complt par (1) le risque de poursuites par ltat en cas de violation, ainsi que laccroissement des inspections et (2) la mise sur pied de mcanismes de whistleblowing (alertes thiques), qui permet aux employs de dnoncer des violations
et donc dinformer les autorits et le public des violations.
Barenberg (2008) compare le Worker Rights Consortium avec la Fair Labor Association
(deux modles dorganisations multipartites promouvant le respect de codes de conduite) et dmontre le potentiel de rsultat plus grand quand des systmes de RSE font non
seulement appel des auditeurs indpendants, mais sont aussi eux-mme indpendants
(financirement et administrativement/dans son mcanisme de gouvernance) des
entreprises multinationales (acheteurs, distributeurs, grandes marques, etc.). Le modle
du WRC serait donc plus efficace, transparent et participatif, contrairement et en rponse
aux modles de monitoring dirigs par les gestionnaires des firmes elles-mmes, en
premier lieu ceux de la Fair Labor Association (FLA).
Seidman (2007) remarque par ailleurs linfluence des bailleurs de fonds sur la manire dont le monitoring est men dans le cas de plusieurs initiatives de RSE et le fait que les
audits sont souvent mens par des employs des entreprises ou des associations,
organisation ou firmes payes ou finances par les entreprises faisant lobjet daudits.
Finalement, le WRC favorise le maintien ou laugmentation des investissements dans les entreprises fautives tout en visant lamlioration progressive du respect des normes du travail, plutt que de privilgier le cut and run . Cela permet davoir un regard plus
25
englobant sur les problmes de violation des droits du travail sur les sites de production
manufacturire ainsi que de construire une relation de confiance avec les employs
locaux, et donc de mieux dceler les violations. Le modle du WRC, bas sur la rponse
des plaintes formules par les parties prenantes, permet daller au plus urgent, plutt que de diluer des ressources dj limites travers limplication dans un grand nombre dinspections coteuses et inefficaces. Finalement, le caractre participatif du WRC, bas sur le maintien de contacts avec les employeurs, employs et organisations locales,
permet dadopter un modle plus coopratif permettant datteindre dautres rsultats que le modle dinspections ponctuelles. Dans les cas de RSE procduraux, il y a une meilleure chance que la RSE reprsente un canal de renforcement des autorits nationales
et locales plutt quun canal de drgulation favorisant la substitution dinitiatives prives au rle de ltat (Barenberg 2008).
La nature des campagnes de RSE (quels domaines, quelles normes) influence la capacit
de mobiliser les consommateurs le travail des enfants tant populaire, alors que le droit dassociation est difficile mettre de lavant (Seidman, 2007) sauf par le biais du modle du WRC ou par le biais daccords-cadre internationaux. Le mme commentaire sapplique pour la nature du produit et sa visibilit pour le consommateur (marque, possibilit de substitution, etc.). La sanction que reprsente la pression du consommateur
et de la socit civile est donc loin dtre uniforme.
Diffrentes tudes ont dmontr limportance de lengagement des gouvernements en faveur du respect des droits des travailleurs comme variable dterminante du succs des
initiatives de RSE (Polaski, 2006 ; Locke et al. 2007 ; Barenberg 2008). Un complment
essentiel toute initiative de RSE est la coopration avec les institutions publiques
nationales soit 1) en assurant leur participation aux procdures de mise en oeuvre et
dapplication de codes de conduite privs, 2) soit par le biais de coopration intergouvernementale assurant le respect indirect des droits du travail par les entreprises,
par le biais des gouvernements. Steurer (2010) souligne aussi que les entreprises sont plus
favorables la RSE lorsque les autorits nationales ou locales sont plus engages et
interventionnistes en matire sociale et environnementale. Petit et Capron (2011)
soulignent de leur ct que les pays de tradition anglo-saxonne et nolibrale ont moins
de chance dadopter des politiques de RSE ambitieuses.
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28
II. Analyse comparative des politiques
publiques en matire de responsabilit
sociale des entreprises : Quelles leons
pour le Qubec et le Canada ?
Lintrt croissant pour le concept de RSE sinscrit dans un contexte de croissance des changes commerciaux qui pousse repenser la manire de rguler le comportement des
entreprises dont les activits dpassent et traversent le cadre national. Au niveau des
tats, la tendance l'assouplissement des rglementations et les ressources limites leur
mise en oeuvre posent une problmatique similaire. Au niveau international, le secteur
du textile a connu une restructuration importante en raison de la dlocalisation de la
production vers des pays en dveloppement et mergents, o les cots de la main-
d'oeuvre sont plus bas. Ce phnomne de dlocalisation de la production se retrouve aussi
dans d'autres secteurs. Du travail des enfants chez Nike aux vagues de suicide chez
Foxconn, le fournisseur d'Apple en Chine, la situation des droits des travailleurs qui
produisent les biens de consommation imports en Amrique du Nord soulve
linquitude. Toutefois, faire respecter les droits des travailleurs au sein de chanes d'approvisionnement reprsente une tche difficile lorsque la production seffectue hors des frontires dun tat.
Des campagnes menes par des groupes de la socit civile (ONG, syndicats, associations
de consommateurs, etc.) ont contribu braquer les projecteurs sur certaines pratiques
condamnables dentreprises oeuvrant ltranger. Les mobilisations ont pouss les entreprises modifier leurs pratiques en matire de respect des droits des travailleurs.
Malgr son caractre volontaire, la RSE est un mode de rgulation qui attire lattention cause de son potentiel de transformation des pratiques des entreprises en ce qui concerne
le respect des droits des travailleurs. Il fait ainsi partie dune constellation assez fragmente de mcanismes de gouvernance globale du travail (GGT) (Deblock et Rioux
2009). ce titre, la diffusion large et rapide des initiatives de RSE a de quoi
impressionner, alors que le caractre fragment de la GGT reprsente bien les
dynamiques de pouvoir luvre et ayant des effets structurants.
La RSE ne se limite pas aux activits transnationales. Le manque de ressources et la
difficult de faire appliquer les lois dans certains secteurs de l'conomie, ou l'absence de
volont politique de mettre sur pied certains types dobligations lgales poussent recourir des mcanismes de rgulation alternatifs bass sur la RSE au niveau national
7.
L'tat sest occup de ces questions de manire accrue ces dernires annes. L'tat utilise
7 C'est pourquoi de manire gnrale, des initiatives nationales de RSE comme des labels sur l'quit homme-femme en milieu professionnel et sur le respect de la diversit et sur la non-discrimination
existent dans de nombreux pays. La tradition de transparence en matire de gouvernance d'entreprise
a aussi men l'inclusion de rapports de performance non-financiers dans les rapports annuels des
entreprises, prsentant leurs accomplissements en matire environnementale, sociale, et de
gouvernance dentreprise (objectifs ESG).
29
des modles de rgulation hybrides alliant mcanismes de transparence et obligations
lgales. C'est le rle de l'tat en matire de RSE qui est le sujet dans ce rapport.
Les codes de conduite privs sont la principale forme sous laquelle se manifeste la RSE.
Il en existe une grande varit et ils sont caractriss par une trs grande fragmentation au
niveau des normes dfendues et de lefficacit de leur application. Celle-ci dpend gnralement de la mobilisation dorganisations de la socit civile et de syndicats autour denjeux spcifiques et de campagnes de boycott, de naming and shaming, etc. La RSE est base sur la divulgation par les entreprises de leurs pratiques en matire de respect des
droits du travail dans leurs activits transnationales, y compris le respect de ces droits par
leurs filiales installes dans des pays tiers, leurs contractants, leurs fournisseurs et plus
largement dans lensemble de leur chane dapprovisionnement. Le manque de transparence et le doute quant la crdibilit des informations divulgues font cependant
partie des problmes les plus dcris. Dans ce contexte, les entreprises courent aussi le
risque de faire lobjet daccusation de violation de normes auxquelles elles nont pas adhr ou dont les principes dapplication restent vagues. Cest la raison pour laquelle les entreprises multinationales peroivent souvent la RSE comme une stratgie de gestion
des risques rputationnels.
Il peut paratre paradoxal de parler dinterventions des tats et des organisations internationales dans le domaine de la RSE. La RSE est souvent perue comme un
domaine rserv aux entreprises qui vient complmenter les cadres de la coopration
internationale et les systmes institutionnels de rgulation nationaux. La RSE est aussi
gnralement comprise comme tant volontaire et en ce sens, elle nimplique pas lintervention dune lautorit politique publique. Certains y voient lmergence dun modle dautorgulation des entreprises vers lequel tendre qui vient non pas se substituer aux tats et aux organisations internationales mais plutt combler un vide lchelle mondiale. Dautres ny voient cependant quune opration de relations publiques de la part des entreprises en vue de favoriser la drgulation et redorer leur image de marque.
La ralit est plus complexe et multiple. En cela la RSE est un domaine qui ouvre sur de
nombreux dfis tant sur le plan des nouveaux problmes que sur le plan des nouvelles
opportunits de construire des institutions efficaces dans un contexte de globalisation.
Dans ce contexte de globalisation, la RSE commence tre perue avec davantage de
nuances et elle devient elle-mme un objet de rgulation faisant intervenir des acteurs de
la socit civile, les gouvernements et les organisations internationales. De leur ct, les
syndicats et les ONG considrent de plus en plus la RSE comme un outil incontournable
parmi plusieurs instruments de gouvernance globale du travail pour influencer les
pratiques des entreprises multinationales oeuvrant dans une conomie globalise
caractrise par labsence dune autorit politique mondiale capable de faire respecter les droits internationaux du travail lchelle mondiale. Les entreprises multinationales intgrent de plus en plus lide quelles doivent rpondre de manire crdible aux attentes de la socit civile et des parties prenantes qui mnent des campagnes de mobilisation
de lopinion publique afin de promouvoir le respect des droits des travailleurs et le dveloppement de meilleurs conditions de vie des travailleurs partout o elles oprent.
Les tats et les organisations internationales ont aussi dvelopp des stratgies et des
politiques en vue dinfluer sur la RSE et den accrotre lefficacit.
30
La RSE est parfois considre comme une stratgie de substitution la rgulation et
lintervention de ltat8. Cependant, la RSE peut, et ceci est encore plus vrai au niveau transnational, reprsenter une opportunit pour la socit civile et les gouvernements de
crer une structure dincitatifs poussant les entreprises participer latteinte dobjectifs de bien public et de dveloppement durable. Les gouvernements et les organisations
internationales multilatrales ont commenc intervenir dans le domaine de la RSE.
Dans ce contexte, les pouvoirs publics, par le biais de politiques appropries, semblent
vouloir contribuer rsoudre certains problmes qui minent la RSE afin den faire un instrument plus efficace et crdible.
L'objectif de cette section du rapport est de recenser les politiques publiques de diffrents
pays en matire de RSE afin didentifier les meilleures pratiques de RSE et de dterminer lesquelles pourraient s'appliquer au Qubec et au Canada. Ce rapport prsente une revue
des politiques publiques sur la RSE de quatre pays europens. Il propose une typologie
base sur des travaux existants et il conclut sur de pistes de recherche en vue
dapprofondir la comprhension du rle des politiques publiques dans le dveloppement dun cadre institutionnel en matire de RSE.
Les politiques publiques visant la RSE constituent une intervention de ltat dans un champ caractris par lauto-rgulation des entreprises. Une part significative des politiques publiques sur la RSE concerne des activits menes par les entreprises ou leurs
fournisseurs ltranger, cest--dire formellement hors de porte des pouvoirs publics dun tat donn. Les dispositions lgales dun pays tiers et leur application ne permettent pas toujours le respect des droits fondamentaux des travailleurs et ne permettent pas le
dveloppement de conditions de travail dcentes. Les politiques publiques sur la RSE
font partie de la constellation des institutions de GGT qui visent enrayer de telles
situations. Les politiques publiques sur la RSE sont aussi mises en oeuvre lchelle nationale pour rpondre diffrents cas o lintervention lgislative est inefficace ou nest pas souhaite, pour diffrentes raisons. Alors que de nombreuses recherches se sont attardes tudier les initiatives de RSE purement prives, cest--dire celles pour lesquelles les pouvoirs publics ne jouent aucun rle, un objectif primordial de cette
recherche est dvaluer leffet des politiques publiques en matire de RSE sur le respect des droits des travailleurs afin de dterminer dans quelle mesure il sagit dun mode daction efficace. Lidentification et la catgorisation de ces politiques publiques constituent une premire tape. Cest ce que cette section du rapport propose de faire.
Il est possible de catgoriser les politiques publiques sur la RSE en fonction de leur
niveau de contrainte. Deux catgories de politiques publiques peuvent tre identifies :
les obligations lgales et les mesures non-contraignantes dincitation et de soutien (y compris caractre financier et logistique), de promotion, de diffusion, et dinformation. Actuellement, la seconde catgorie (mesures non-contraignantes) est nettement
prpondrante. Il nexiste en fait aucun cas de politique publique en matire de RSE recourant uniquement aux obligations lgales. Cela est cohrent la nature volontaire de la
RSE, ce qui la distingue gnralement des instruments lgaux traditionnels de type
8 Reinhard Steurer, The Role of Governments in Corporate Social Responsibility: Characterising Public Policies on CSR in Europe, Policy Sciences 43, no. 1 (March 1, 2010).
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command-and-control (Webb, 2012). Nanmoins, plusieurs types de politiques publiques
sur la RSE, notamment celles sur le reporting, recourent une hybridation entre les
obligations lgales et les mesures non-contraignantes.
Cette section du rapport aborde trois aspects distincts de politiques RSE.
Premirement, le reporting qui oprationalise le principe de transparence et de
divulgation dinformation concernant les pratiques des entreprises en matire environnementale, sociale et de gouvernance dentreprise par le biais de rapports non-financiers, gnralement prsents en complment des comptes annuels. Dans plusieurs
pays, le droit des affaires prvoit des obligations lgales de reporting non-financier au
sein de la lgislation sur la gouvernance dentreprise. La prcision et la fiabilit des informations sur les impacts des pratiques des entreprises contenus dans les rapports non-
financiers dpendent des obligations prvues par le droit national mais plusieurs
entreprises choisissent de dvoiler volontairement plus dinformations que ce que la loi prvoit.
Deuximement, le rapport aborde les politiques publiques sur la RSE visent influencer
les pratiques des entreprises de manire non-contraignante dans un cadre national. Cest le cas des labels sur la diversit, lquit homme-femme en milieu de travail et la discrimination, ainsi que sur les appels doffres publics socialement responsables. Ces politiques ont donc pour objectif dinciter les entreprises avoir des pratiques en matire sociale et du travail qui dpassent les obligations prvues par la loi. Une part significative
des politiques publiques sur la RSE touche le domaine plus des chanes
dapprovisionnement et des activits des entreprises ltranger. Ces politiques publiques jouent gnralement un rle de promotion dinitiatives internationales visant le respect de certaines normes fondamentales par les entreprises lorsque les activits de celles-ci se
droulent hors des frontires dun tat.
Troisimement, ce rapport identifie aussi la structure de gouvernance supportant les
diffrents types de politiques publiques, savoir les organes publics et parapublics en
charge de llaboration et de la mise en oeuvre des politiques publiques sur la RSE, leurs partenaires privs (entreprises, ONG, syndicats, associations et groupes de la socit
civile) et les ressources dont ils disposent. Les stratgies officielles des gouvernements en
matire de RSE sont aussi identifies lorsquelles existent.
La mthode de classification de ce rapport reste assez gnrale cause de la grande
varit dinitiatives spcifiques que peuvent prendre les politiques publiques sur la RSE : codes de conduite en matire de reporting ou de gestion responsable des chanes
dapprovisionnement, labels et mcanismes de certification, outils dinformation ou de promotion, partenariats financiers ou logistiques, projets de recherche et dvaluation, etc. Les structures de gouvernances tendent galement varier beaucoup. Ce document
prsente donc les politiques publiques sur la RSE des diffrents pays tudis en
identifiant auquel de ces trois domaines elles appartiennent, leur niveau de contrainte, et
le cadre de gouvernance qui leur est propre.
Les pays ont t slectionns pour le niveau de dveloppement similaire celui du
Canada, ainsi que pour les diffrences institutionnelles qui leur sont reconnues en
recherche comparative (cf. Hall & Soskice, 2001 ; Esping-Andersen, 1990). Il sagit de lAllemagne, du Danemark, de la France et du Royaume-Uni. Ce rapport offre aussi un
32
aperu des politiques publiques de lUnion europenne (UE) en matire de RSE puisque celle-ci dtient un pouvoir et des ressources propres pour appliquer une stratgie dans ce
domaine sappliquant aux tats membres. Le rapport est bas sur lanalyse de la documentation gouvernementale officielle concernant les politiques publiques sur la RSE
des pays tudis (textes juridiques ou politiques et informations publiques), et sur un
corps grandissant de littrature secondaire.
Revue comparative Avant de passer la revue comparative des politiques publiques des tats europens
cibls par ce projet de recherche, ce rapport prsente un bref aperu de ltat des politiques publiques canadiennes et qubcoises. Ces politiques sont modestes. Elles
visent souvent des objectifs de comptitivit et sarticulent surtout autour de la notion de gestion des risques sociaux. La stratgie actuelle du gouvernement canadaien en matire
de RSE stipule que :
Renforcer l'avantage canadien permettra d'amliorer l'avantage
concurrentiel des entreprises extractives canadiennes en renforant leur
capacit de grer les risques sociaux et environnementaux. On y reconnat
qu'en dpit du fait que la plupart des entreprises canadiennes s'engagent
respecter les normes thiques, environnementales et sociales les plus
strictes, celles qui ne s'y engagent pas peuvent causer du tort aux
collectivits l'tranger et compromettre la position concurrentielle
d'autres entreprises canadiennes9.
Ces dernires annes, le Canada a concentr une grande partie de ses efforts dvelopper
des politiques en matire de RSE visant lindustrie extractive, avec notamment la cration du Bureau du Conseiller en RSE pour lindustrie extractive qui assiste les entreprises extractives canadiennes dans la mise en oeuvre de pratiques de RSE
10, et avec la
publication de Renforcer l'avantage Canadien : Stratgie de responsabilit sociale des
entreprises (RSE) pour les socits extractives canadiennes prsentes l'tranger (2009)
qui dresse le plan daction du gouvernement partir des recommandations de la Table ronde nationale sur la RSE et lindustrie extractive canadienne dans les pays en dveloppement (2007)
11. Dans le cadre du dveloppement de sa stratgie de RSE dans le
domaine de lindustrie extractiv