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RCEA, la route de la honte

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Découvrez notre édition spéciale sur la RCEA daté du jeudi 21 avril 2011.

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Page 1: RCEA, la route de la honte

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Page 2: RCEA, la route de la honte

2 JEUDI 21 AVRIL 2011

Supplément RCEA

SURVIVANT Quatorze ans après cet accident, et tant d’autres, « rien n’a changé » s’indigne Laurent Marsan

Larage devivre après avoir frôlé lamort

TÉMOIGNAGEElsa Charnay

[email protected]

«J e n’ai qu’une seulevie ». La chansonde Gérald de Pal­mas résonne au

quotidien dans la tête deLaurent Marsan. Commeun mantra pour canaliserun esprit incessamment

tour menté. Depuis ce6 janvier 1997 et cet acci­dent sur la RCEA, à Cres­sanges, dans l’Al l ier :« D’une extrême violence.Il y a la vie avant et la vieaprès ». Et quatorze ansaprès, « cet accident, c’estcomme un chewing­gumque tu étires à l’infini. Tuas un gros bout dans labouche et il s’affine au furet à mesure que tu l’al­longes ».

Un mort, treize blessés.Dernier jour des vacances.Laurent, sa femme Sophie,et leurs quatre enfants,rentrent à Saint­Jacques­des­Blats, dans le Cantal, àbord du J5 qu’il conduit.Laurent aperçoit soudain,face à lui, « un véhicule deneuf places couché, quiglisse avec sa remorque,en travers des deux voies.J’ai hurlé “non” en écra­sant le frein ». Même à« 60­70 km/h », le choc estinévitable : un mort ettreize blessés.

Hospitalisation et réédu-cation. Fracture et luxationde la hanche, nerf sciati­

que endommagé, Laurentest opéré et hospitalisé àMoulins, puis en centre derééducation, jusqu’enavril. Avec Louison, 4 ans,jambes et fémurs brisés.Zoé, 2 ans, souffre de con­tusions. Léa, 4 mois, estindemne. Plus grièvementblessé (jambe et bras cas­sés, fracture ostéo­ménin­gée entre les yeux), Simon,5 a n s , e s t t r a n s f é r é àClermont­Ferrand, où ilsera plongé quinze joursdans le coma et hospitali­sé cinq mois. Sa mère, So­phie, polytraumatisée, de­v r a s u b i r t r e i z einterventions chirurgicales(pieds, jambes, œil, etc.)avant de retrouver figurehumaine.

Insomnies. Les nuitssans sommeil ont com­mencé à l’hôpital pourLaurent. Elles perdurent.Quelques mois après l’ac­cident, Sophie se battaitpour réapprendre à mar­cher et Louison vivait ali­tée. Laurent, lui, face à Si­mon, se sentait « heureuxde le revoir, mais si triste

de le découvrir abîmé, levisage écrasé ». Avec laconviction qu’il ne seraitplus le même : « L’acci­dent l’a irrémédiablementchangé ». L’an dernier, Si­mon, malgré des pertescognitives consécutives àl’accident, a décroché sonbac. « Une immense fier­té ».

Culpabilité. Au début,entouré par la famille etles amis, le père a fait facepour gérer un quotidienfamilial totalement boule­versé. Puis il a commencéà « sombrer ». Dépressionpost­traumatique. Unclassique : « Je me repro­chais de ne pas avoir misles phares et visé le bas­côté. J’avais le volant etleur vie entre les mains.Qu’est­ce que je n’ai pasfait pour empêcher ça ? »Une culpabilité que plu­sieurs séances de psycho­thérapie n’ont pas permisd’effacer totalement.

Reconstruction. L’acci­dent, un film que Laurents’est repassé en bouclependant des mois et des

mois. Peu à peu, « les sou­venirs s’émoussent » .Aujourd’hui, il reste « desimages ». Et des passagesà vide, mais toujours sui­vis d’une féroce envie deremonter la pente : « C’estcomme au flipper. Tu asune balle gratuite et ils’agit d’en faire quelquechose ». Laurent, institu­teur, a repris le chemin dutravail. Sa femme, institu­trice aussi, n’a, elle, pu re­commencer à travaillerqu’à mi­temps : « Elle secouche de très bonne heu­re pour encaisser les jour­nées et la fatigue de lagestion de la classe, alorsque ses jambes et ses arti­culations la font souffrir ».

P r e s s i o n . « Être à lahauteur », d’EmmanuelMoire, est également unechanson qui remue lessens de Laurent Marsan,qui va bientôt fêter ses50 ans : « Je ressens uneréelle pression pour rem­plir ma partie gratuite ».Comme c’est le cas pourbeaucoup d’accidentés dela RCEA (voir page 12).

Survivre à l’accident, c’estvivre avec des séquelles ir-rémédiables, et hanté parla culpabilité. Une famillecantalienne en a fait la dou-loureuse expérience : « Il y ala vie avant et la vieaprès ».

« ON SE DONNE LA MAIN ET ON SE DIT QU’ON VA S’EN SORTIR ». Laurent Marsan (ici avec sa femme et l’une de ses filles à l’hôpital de Moulins) ne comprend paspourquoi, « à part des radars et des panneaux, rien n’a changé en quatorze ans ! Je ne comprends pas pourquoi l’État s’est désintéressé de cette route alors qu’il en aaménagé d’autres, bien moins fréquentées et bien moins accidentogènes. C’est bien qu’il n’y a pas eu de volonté de résoudre ce problème ». PHOTO : DR

La route de la honteRCEA

Les Bourbonnaisle savent, la RouteCentre EuropeAtlantique est unpiège mortel, uneroulette russe surlaquelle vous jouezavec votre vie. Parcequ’ils ont peu degoût à rouler commeon tourne un barillet,ils ont pris la sagehabitude d’emprunterdes itinéraires bis, quise transmettentd’automobilisteà automobiliste,de vieux Bourbonnaisà nouvel arrivant.Quand je me suisinstallée dans l’Allier,la RCEA s’imposaitd’évidence pourcirculer. On m’ena vite dissuadée.Il est aujourd’huigrand temps queles pouvoirs publics,l’État au premier chef,prennent les mesuresd’aménagement quis’imposent pourstopper l’hécatombe.L’annonce de la miseen concession de laRCEA dans l’Allier etla Saône-et-Loiremettrait fin à unsinistre feuilletonde quarante ans.Si, le 29 juinprochain, le feu vertest donné pour lamise en concessionde la RCEA, unnouveau chapitres’ouvrira. Enfinheureux. Pour lesdix ans à venir,au moins, ledépartement del’Allier ne serait plusdans la demande,mais dans l’action,avec deux corollairesessentiels : uneconstructiongénératriced’économie et doncd’emplois et laperspective de tirerenfin un trait surcette transversalemeurtrière. Alors,croyons-le, la vilainecicatrice disparaîtrapour faire place àune artère alimentantle cœur battantdu département,irriguant de millevaisseaux saprospérité future.

Sandrine Thomas

LE BILLET

Stopou encore

Plus de 300.000 €. Entreles frais médicaux et lesincapacités temporaireset permanentes, ce typed’accident coûte très cherà la société, les conduc-teurs reconnus responsa-b l e s n e p o u v a n t p a spayer ces sommes.

EXORBITANT

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Supplément RCEALa route de la honte RCEA

SOPHIE. Polytraumatisée, la femme de Laurent a subi treizeopérations. « Elle a dit stop. Ce n’était plus tenable ». PHOTO : DR

LOUISON. La fillette de 4 ans a eu les jambes et les fémursbrisés. Elle a dû rester alitée plusieurs mois . PHOTO : DR

SIMON. Le garçonnet de 5 ans a été évacué vers Clermont,plongé dans le coma, puis hospitalisé cinq mois. PHOTO : DR

AVANT L’ACCIDENT. Laurent, Simon, Louison et Zoé lavent le J5 à bord du-quel ils partiront en vacances. C’était le temps de l’insouciance. PHOTO : DR

CHOC FRONTAL. La désincarcération de Sophie a commencé vers 18 h 40 : « Elle a duré jusque vers minuit. Interminable, se souvient Laurent Marsan. Il y a un avant et un après l’accident. J’ai été mishors de cause par la justice, mais je me sens responsable par rapport aux miens. J’avais le volant et leur vie entre les mains. Qu’est-ce que je n’ai pas fait pour empêcher ça ? » PHOTO : JEAN-MARC SCHAER

À LA CASSE. Les épaves des deux véhicules qui sont entrés en collision surla RCEA le 6 janvier 1997, à Cressanges, dans l’Allier. PHOTO : DR

“ Faut­il qu’unministre soit tuépour mettrela RCEA en2 x 2 voies ? Il n’y apas encore assezde morts ? ,,De l’internaute, Wil03

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Supplément RCEALa route de la honteRCEA

Tunneldu Mont-Blanc

Tunneldu Mont-Blanc

NantesNantes

CholetCholetPoitiersPoitiers

Clermont-Ferrand

Toulouse

Lyon

Marseille

Strasbourg

Paris

Lille

Rennes

Nevers

BellacBellac

ConfolensConfolens

MontluçonMontluçonMoulinsMoulins GenèveGenève

BesançonBesançon

MontbéliardMontbéliard

Route à 2 voies

Autoroute ou routeà 2 x 2 voies

BelfortBelfort

MulhouseMulhouse

ALLE-MAGNEALLE-MAGNE

03

711

39

25

68

7401

87

36

24 15 43

63

07 26

38

73

05

1858

21

86

16

33

4449

SUISSE

ITALIE

Paray-le-MonialParay-le-Monial

Montceau-les-MinesMontceau-les-Mines

Chalon-sur-SaôneChalon-sur-Saône

MâconMâcon Bourg-en-BresseBourg-en-Bresse

BordeauxBordeaux

RoyanRoyan

Ph. CHAPELLE

La RCEA entreMontmarault

et Molinet (Allier)

Photo :P. COUBLE

CognacCognac

AngoulêmeAngoulême

St-JunienSt-Junien

GuéretGuéret

LimogesLimoges

La SouterraineLa Souterraine

LA MONTAGNE

INFRASTRUCTURE La RCEA, dont le tracé a été imaginé en 1954, est l’une des rares liaisons transversales

De l’Atlantique à l’Europe centrale

Pierre Raynaud

E l le s’appelle RouteNationale 79 dansl’Allier, RN 145 dans

la Creuse, RN 141 en Cha­rente. Mais tous les habi­tants des départementstraversés par cet axe le dé­signent par quatre lettres :RCEA.

Le tracé primitif de laRoute Centre Europe At­l a n t i q u e a é m e r g é e n1954, sous l’impulsion deLouis Escande, député­maire de Mâcon, de Geor­

ges Rougeron, présidentdu Conseil général de l’Al­lier, et des Chambres decommerce et d’industriede Bordeaux et Genève. Ils’agissait alors de promou­voir un axe touristique en­tre ces villes…

Mais le traf ic l ié auxéchanges économiquess’est vite révélé prédomi­nant, avec l’intensificationdes liaisons entre les payseuropéens, et notamment« le développement deséchanges de marchandisesentre l’Espagne et le reste

de l’Europe », soulignel’Association pour la RouteCentre Europe Atlantique(ARCEA).

La RCEA permetd’éviter les zonesaux reliefs élevés

L’itinéraire, pratiquementgratuit sur sa totalité, esttrès prisé par les transpor­teurs routiers. La RCEA,l’une des rares grandesliaisons transversales,ouvre la façade atlantiquedepuis Royan, Nantes etBordeaux vers le sillonrhodanien via Chalon­sur­

Saône et Mâcon. Elle irri­gue au­delà l’Allemagne,la Suisse, l’Italie et l’Euro­pe centrale.

Sa position stratégique,au nord du Massif Central,en fait un axe privilégiépour les trajets de longuedistance, en particulierpour les transports demarchandises. Il permetd’éviter les zones aux re­liefs élevés, qui entraînentdes consommations decarburant plus importan­tes et des difficultés de cir­culation en hiver.

L a RC E A a t o u t p o u rplaire. Sauf sa configura­tion. Les tronçons à deuxvoies ne peuvent plus ab­sorber l’explosion du trafic

de ces dernières décen­nies, alors que dans lemême temps, les promes­ses de l’État d’aménageren quatre voies cet axesont souvent reportées. La

mise à quatre voies dansl’Allier et la Saône­et­Loireest en route depuis unetrentaine d’années. A pei­ne 30 % de cet itinéraireest en deux fois deux voiesaujourd’hui…

La RCEA a été imaginée en 1954. Un demi-siècle écoulé etcet axe transversal souffre toujours de son aménagement.Pourtant cet itinéraire est très prisé car il constitue l’unedes très rares transversales qui ouvre la façade atlantiqueà l’Europe centrale.

“ En Creuse, unequatre voies. EnHaute­Vienne, unequatre voies. Leseul point noir,l’Allier. Encore…,,De l’internaute, Albatros03

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Supplément RCEA

“ Le piredans tout ça,c’est que lesterrains pourla mise à 2 x 2voies sontachetésdepuis plusde 30 ans,,De lafouine03

CHANTIER Roger Brérot et Henri Lainé, deux enfants de Montbeugny, se rappellent des travaux de la RCEA

« C’était invivableavec le trafic routier »

Pierre Raynaud

D e son ancienne ex­ploitation agricole,Henri Lainé aperçoit

son dernier tracteur, unUtility rouillé, posé dansun champ. Mais il ne voitpas le tracé de la RCEA,distant de 800 m. Il le de­vine : « J’écoute le trafic etp a r f o i s j e re s p i re l e sodeurs des gaz d’échappe­ment des poids lourds ».

Son grand­père s’est ins­tallé en 1914 au lieu­dit« Couzai », à l’écart deMontbeugny. Professionagriculteur. Le fils, puis lepetit­fils, ne se sont pasécartés de l’amour de laterre, des sillons frais etimpeccablement tracés enparallèle, comme un en­fant puni fait ses lignes.Henri Lainé, né dans lamaison familiale le 7 avril1934, reprend l’activité en1961. Soixante­dix charo­laises, 60 hectares et « unpeu de betteraves pourengraisser les bêtes ».

« Quand jevoyais tous cesmètres cubes deterre retournés,ça me faisait malau cœur »

Le tracé de la RCEA acoupé ses terres. Quatrehectares amputés de sonexploitation en 1977 :« Q u a n d j ’ a l l a i s v o i rl’avancée des travaux etque je voyais tous ces mè­tres cubes de terre retour­nés, ça me faisait mal aucœur. Et dire que le tracédevait initialement passerpar Chapeau ». Il récupère1,5 hectare lors d’un re­membrement. Mais il perdau change.

L’aménagement de laRCEA le prive d’une sour­c e p o u r a b re u v e r s o ncheptel : « J’ai multipliéles demandes pour instal­ler une canalisation et ain­si récupérer l’eau dans lefossé. J’ai bataillé, mais ilsont refusé ».

Le tracé l’handicapedoublement. Ses terres,d’un seul tenant, se re­trouvent scindées par lebitume des deux voies dela RCEA : « Pour emmenerles vaches de l’autre côtéde la route express, il fal­lait désormais passer parla route de Neuilly­le­Réal ». À pied et dans son

sarrau, il guide son chep­tel au milieu des klaxons :« Je n’avais pas de bétaillè­re, alors des dizaines debêtes sur une route pastrès large, ça crée forcé­ment des embouteilla­ges ».

La RCEA, dont les tra­vaux de la section Che­milly­Montbeugny ont dé­buté en 1978, jette desvaches sur la route deNeuilly, mais limite le tra­fic incessant des poidslourds dans le cœur de lacommune. Roger Brérot,qui habite rue de Dijon,s’en rappelle : « L’intensitédu trafic routier, c’était in­vivable et elle posait degros problèmes de sécuri­té ».

« À partir deMontmarault,les camionsklaxonnaientet nousdoublaient »

Commerçant puis artisandurant trente­deux annéesà Moulins, il longe chaquejour la future RCEA : « Jesuivais ainsi l’avancée dest r a v a u x d e l a Su i s s e ­Océan. C’est ainsi qu’onappelait la RCEA à l’épo­que ». La deux voies a dé­sengorgé la communed’une partie de ses poidslourds, mais Roger Brérotmilite farouchement pourla quatre voies :

« On rentrait, un soir, dechez des amis, à Néris­les­Bains. À partir de Mont­marault, les camions nousklaxonnaient et nous dou­blaient. Quand on respec­te les limitations de vites­se sur cet axe, on est d’unr i d i c u l e. En a r r i va n t ,j’étais lessivé. J’en auraipleuré. Je l’évite désormaisà tout prix. »

Roger Brérot et Henri Lainésont nés à Montbeugny. Ilsn’ont jamais délaissé leurvillage natal, traversé parun flot incessant de poidslourds. La RCEA a désen-gorgé le bourg de ces ca-mions. Henri Lainé se rap-pelle du chantier. Alors agri-culteur, il a perdu quatrehectares.

MONTBEUGNY. Henri Lainé ne trace plus des sillons frais et n’est plus le capitaine d’un tracteur secoué par des vagues de terre.L’agriculteur de Montbeugny est à la retraite. Le tracé de la RCEA a amputé son exploitation de quatre hectares en 1977. Locataired’une partie de ses terres, il sera indemnisé et récupérera 1,5 hectare lors d’un remembrement. PHOTO : JEAN-MARC SCHAER

La route de la honte RCEA

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Supplément RCEA

TÉMOIGNAGE Son mari, qui reliait Besançon à Moulins chaque nuit depuis six ans, s’est tué dans son camion

« La RCEA, c’est la route de la mort »

Elsa [email protected]

L e choc d’abord. L’in­crédulité ensuite. Puisla souffrance. La colè­

re. La culpabilité. Et levide abyssal laissé parl’absence perpétuelle d’unmari et d’un père.

7 heures, jeudi 14 mai2009. Le téléphone sonnec h e z l e s Ju r y, d a n s l eDoubs. Le fils décroche. Àl’autre bout du fil , lestransports Jeantet, l’entre­prise qui employait Alain,49 ans. Le camion queconduisait leur chauffeuravait percuté, dans la nuit,à hauteur de Coulanges,deux poids lourds station­nés le long de la RCEA.Alain avait été tué dansson camion. Sur une routequ’il empruntait toutes lesnuits depuis six ans.

Monotone et fatigant« Il partait vers 20 h 30

de Besançon. Il se rendaità Moulins avec un semi­remorque chargé. Il dor­mait un peu avant de re­trouver un collègue deChâtellerault (Vienne). Ilséchangeaient les remor­ques et Alain rentrait vers7 heures », se souvient saveuve. Un itinéraire et unemanœuvre réglés commedu papier à musique. Maisun trajet « monotone etfatigant. Mon mari s’enplaignait. Il ne se passaitpas une semaine sansqu’il me dise qu’il avait vuun camion couché sur lachaussée. Un jour, il avaitété accroché par un autrecamion. Souvent, il me ra­contait “Il y a encore eu

un accident cette nuit”. Çal’avait marqué ».

Mais pas au point de de­mander à son patron dechanger d’itinéraire : « Ceboulot, il l’avait choisi par­ce que ça lui permettaitd’avoir une meilleure hy­giène de vie après un in­farctus ». Et parce que lapaye suivait : « Ça le fati­guait et je savais qu’i ltrouvait la route dange­reuse. Moi, ça me tracas­sait à cause des accidents.Je lui ai suggéré de roulersur Besançon, mais il di­sait “Encore trois ans, his­toire de rembourser lecrédit” ».

« Quandje croiseun camion,je l’imaginededans »

Depuis, la tranquillités’en est allée. « On y pensetout le temps. C’est un telchoc. Ma dernière, âgée de22 ans, vient d’avoir unefille. C’est tellement injus­te qu’il ne puisse pas laconnaître. C’est le plusdur pour mon gamin de25 ans. Ils étaient très pro­ches. Ils travaillaient en­semble. Il a du mal à re­monter la pente. Quand ilallait vraiment mal, il m’amême dit “Je vais rejoin­dre mon père. Il m’at­tend” ».

D’une voix étranglée parl’émotion, Nelly dit tenirle coup pour ses deuxfilles et son fils. Et pour sapetite­fille. « Je vois unpsy, ça m’aide. Je culpabi­lise car les gamins sontmalheureux. J’ai tout letemps peur que la mortfrappe à nouveau. Quandje croise un camion, jel’imagine dedans ».

Nelly sait que dans l’Al­lier, il est très difficile defaire une pause : « Lesc h a u f f e u r s n’ o n t p a sd’autre choix que de s’ar­rêter sur des endroits defortune. Qu’ils fassent desaires pour que les usagerssoient en sécurité ! ». Ellese demande « ce qu’ils at­t e n d e n t p o u r l a 2 x 2voies ? La vie n’a pas deprix. Il n’arrête pas d’yavoir des accidents. LaRCEA, c’est la route de lamort. Les gens qui habi­tent là­bas ne la prennentmême pas ! Il faut vrai­ment faire quelque chose.On ne peut plus laisser lesvies se perdre comme ça ».

Depuis l’accident, Nelly apris la RCEA. Une seulefois : « Je voulais venir àl’endroit où mon mari estmort, mais je n’ai pas osém’arrêter. Je n’avais pasenvie de risquer moi aussima vie avec la circulationqu’il y a ».

Le mari de Nelly, chauffeurroutier de 49 ans, est l’unedes nombreuses victimes dela RCEA. Une route classéeparmi les plus dangereusesde France lors du Grenellede l’Environnement.

TUÉ DANS SON CAMION À LA DÉRIVE. Le poids lourd de couleur blanche que conduisait Alain, cette nuit de mai 2009, a percutédeux autres camions en stationnement le long de la RCEA. Depuis, sa famille peine à remonter la pente : « J’ai tout le temps peurque la mort frappe à nouveau. Quand je croise un camion, je l’imagine dedans », confie Nelly, sa veuve. PHOTO : SÉVERINE TRÉMODEUX“ Je prends

cette routedepuis desannées. Àchaque fois, jeme demandesi ça ne vapas être montour…,,De l’internaute, All03

La route de la honteRCEA

TRÈS CHÈRE INSÉCURITÉ ROUTIÈRE

100 TUÉS Dans l’Allier et laSaône­et­Loire entre 2005 et aujourd’huiEt près de 370 blessés, dont plus des 2/3 grièvement.

20 MORTS Par an sur ces 250 kmEn moyenne, entre l’Allier (qui paie le plus lourd tribut)et la Saône­et­Loire. Seulement 30 % des tronçons sontactuellement en deux fois deux voies.

1.254.474 € Le coût d’un tué sur la routeFrais médicaux et sociaux (secours, convalescence, etc) ;coûts matériels (véhicules, etc) ; frais généraux (experti­se, justice, etc), mais aussi perte de leur production fu­ture et de production potentielle de leur descendance.

135.526 € Pour un blessé hospitaliséEt 5.421 € pour un blessé léger (Sécurité routière).

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Supplément RCEA

ACCIDENT Dans la nuit du 13 au 14 mai 2009, le camion conduit par Alain Jury a percuté deux poids lourds

Tué dans son camion à la dérive

DANS LE SENS MOULINS-MÂCON. Alain Jury rentrait sur Besançon quand, à hauteur de Coulanges, son camion est entré en collision avec deux autres garés le long de la RCEA. En percutant l’arrière dupremier, sa cabine s’est arrachée. La violence du choc a plié en portefeuille ce premier camion, qui s’est retrouvé pris en sandwich entre l’autre et celui d’Alain Jury, tué dans l’accident. PHOTO : S. TRÉMODEUX

TRANSPORT. De piècesmétalliques. PHOTO : S. TRÉMODEUX

POMPIERS. Pendant plusieurs heures, les pompiers de Saône-et-Loire ontdésencastré deux des trois camions. PHOTO : SÉVERINE TRÉMODEUX

NETTOYAGE. L’accident s’est produit à 2 h 30. Une des deux voies a été fer-mée à la circulation entre Dompierre et Molinet. PHOTO : SÉVERINE TRÉMODEUX

EN MORCEAUX. La cabine s’est arrachée et écrasée. PHOTO : S. TRÉMODEUX

COLLISION. Comme chaque nuit, les chauffeurs étaient arrêtés comme ils le pouvaient, le long de la RCEA, en l’ab-sence d’aires de repos, en nombre insuffisant, dans l’Allier. PHOTO : SDIS 71

EN SANDWICH Entre deux camions

Un choc d’unegrande violence

La route de la honte RCEA

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8 JEUDI 21 AVRIL 2011

Supplément RCEALa route de la honteRCEA

“ C’est unevéritable honte !La vie de toutes cespersonnes briséespour une histoired’argent, alorsqu’on dépense siinutilement à tousvents…,,de l’internaute, Nat

DÉBAT PUBLIC (1) Habitants et usagers de l’Allier et de la Saône­et­Loire se sont exprimés pendant trois mois

Le non à la concession roule en tête

Elsa [email protected]

F aut­il faire, ou non,une autoroute à péagepour achever rapide­

ment l’aménagement de laRCEA dans l’Allier et laSaône­et­Loire ? Tous lesprojets importants d’équi­pement ou d’aménage­ment du territoire (ligne àgrande vitesse, centrale,autoroute…) sont soumisau débat public.

Le but : permettre à tousceux qui le souhaitent des’informer sur le projet, dedonner leur avis, et deproposer des améliora­tions ou des alternatives.Une façon, aussi, d’éclai­rer la ministre de l’Écolo­gie dans sa prise de déci­sion.

1 S’informer. Le débatpublic sur l’accéléra­tion de la mise à 2 x 2

voies de la RCEA s’est tenudans l’Allier et la Saône­et­Loire entre le 4 novem­bre 2010 et le 4 févr ier2011. Il a été géré par laCommission du débat pu­blic, neutre et indépen­dante.

Pour que les habitantsdes deux départements,mais aussi les usagers,soient informés, de nom­breux documents présen­tant le projet de conces­sion (coût, emplacementset tarifs prévisionnels despéages, impacts, calen­drier, etc), ainsi que sonalternative (continuer lestravaux au rythme des en­veloppes de l’État), ont étégratuitement mis à leurdisposition : envoi à domi­cile, expositions, site In­ternet, réunions publi­q u e s … L e s e n j e u x e ntermes de sécurité routiè­re ­ la RCEA est parmi lesquatre plus meurtrières deFrance ­, mais aussi de dé­

veloppement économiqueet démographique, ainsique d’environnement, ontété expliqués.

2 Pour ou contre ? À laseule condition d’êtreargumentés, tous les

avis sur la transformationde la nationale en auto­route à péage ont été prisen compte. La Commis­sion a enregistré et re­transcrit nommément lespropos tenus dans le ca­dre des réunions publi­ques, mais aussi transmispar écrit via les cahiersd’acteurs ou Internet. Lasynthèse que la Commis­sion a fournie à la minis­tre de l’Écologie rassemblenotamment ces avis.

3 Proposer. Au cours dudébat, durant lequel lesparticipants se sont

majoritairement pronon­cés contre l’autoroutepayante, mais pour laquatre voies (lire ci­con­tre), de nombreuses pro­positions de particuliersou d’élus, ont été faites,comme financer la mise àdeux fois deux voies de laRCEA avec des fonds euro­péens, ou encore via despartenariats public­privé.Certains ont même étéplus loin, comme GérardVoisin (député­maire UMPde Charnay­les­Mâcon) etArnaud Montebourg (pré­sident PS du Conseil géné­ral de Saône­et­Loire), enformulant de véritablescontre­projets budgétiséset planifiés. Les deux élussuggèrent de financer lestravaux d’une route ex­press à deux fois deuxvoies à 110 km/h par lescamions, via l’écotaxe. Ilsont fourni le détail de cesalternatives, qui ont ététransmises à la ministre encharge du dossier. Et lesservices de l’État ont étu­dié leur faisabilité.

La plupart des rares (unedizaine par an) projetssoumis au débat publicsont poursuivis, parfoisaméliorés. Mais il arriveaussi qu’ils soient aban­donnés et qu’un contre­projet soit choisi à la placedu projet initial…

Autoroute payante ou pas ?L’État, maître d’ouvrage destravaux, voulait miser sur« une construction collec-tive » du projet d’accéléra-tion de la mise à 2 x 2 voiesde la RCEA. Réponse au plustard le 29 juin.

EN SAÔNE-ET-LOIRE. Le projet de concession a été hué durant toute la durée du débat public (hormis par certains habitants et élus,ainsi que par les chefs d’entreprise). Arnaud Montebourg, le président du Conseil général, a mis en cause la légalité de la transforma-tion d’une nationale en autoroute, en l’absence d’itinéraires de substitution dignes de ce nom. PHOTO : JEAN-MARC SCHAER

Pensez-vous que le débat public a servi à quelque chose ?

ANDRÉ PROSTMâcon (71)Oui. Les citoyens ont pu donner leur avis,notamment ceux qui seraient pénaliséspar la concession. J’ose maintenantespérer que le principe d’un homme, unevoix, sera respecté par les pouvoirspublics. Le débat a aussi fait bouger despositions, même d’élus de droite, qui sontmaintenant contre la concession.

THIERRY VALENTINDeux-Chaises (03)Oui, on nous a certifié que tous leséchangeurs entre Montmarault-Mâcon/Chalon seront maintenus. Ensoutenant le maintien de celui deDeux-Chaises, j’ai défendu deuxprofessions, restaurateur, la mienne, etroutiers, qui bénéficient d’un parkingde cent camions devant mon commerce.

JEAN-CHARLES LAUMAINGilly-sur-Loire (71)Le grand public n’était pas informé. Ledébat a servi à éclairer la population. J’aiaussi été interpellé par le raccordementdirect de Bourbon-Lancy. On a eu unecommission qui collait au terrain entre lesréunions. On a pu voir les positionsopposées des deux départements, quidécoulent de tissus urbains différents.

è À VOTRE AVIS

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Supplément RCEALa route de la honte RCEA

DÉBAT PUBLIC (2) Les discussions se poursuivent d’ici la décision finale, les dés ne sont pas encore jetés

Toutes les voix pour la quatre voies

Elsa [email protected]

L’ opinion est majori­tairement hostile àl’aménagement de la

RCEA en autoroute payan­te, mais unanimement fa­vorable à l’achèvement ra­pide des travaux de mise àdeux fois deux voies. C’estl’un des enseignements dudébat public, qui s’esttenu, dans l’Allier et laSaône­et­Loire, entre no­vembre et février.

La Commission nationa­le du débat public, organi­satrice de la consultation,a rendu publiques sesconclusions. Elles ont ététransmises à la ministre del’Écologie pour l’aiderdans sa prise de décisionet dans les modalités de laconcession au privé, si elleretient cette option.

« Le débata donné lieuà une très largeexpression »

Une très large expres­sion. 250 à 300 partici­pants se sont déplacés àchacune des douze réu­nions, dont une moitiéd’élus, soit plus de 3.000personnes : « Nous avonscomptabilisé 700 avis, 23cahiers d’acteurs, 150 con­tributions, 300 délibéra­tions et 16.000 visites surle site Internet. Le débat adonc, et c’est rare, donnélieu à une très large ex­pression ».

Des questions de fond.Le débat, qui a confirméla nécessité de l’achève­

ment rapide de la mise àdeux fois deux voies de laRCEA, a surtout concernédes points précis : « Lepéage, ses impacts finan­ciers, les accès à l’infras­tructure, ou encore les iti­néraires de substitution ».Et les questions de fondont été identifiées : « Letrafic, les problèmes denature juridique et finan­cière, l’importance des iti­néraires de substitution ».

Encore beaucoup à faire.« Dans l’hypothèse où lemaître d’ouvrage, soitl’État, donnerait suite à

son projet, le débat a per­mis de pointer ses engage­ments, les questions qu’ilconviendra d’approfondiret cel les auxquel les i ls’ a g i ra d e r é p o n d re àcourt terme » (voir ci­con­tre). Et en attendant lesé v e n t u e l s t r a v a u x d el’autoroute ou de la routeexpress (*), il s’agira de« renforcer la signalisation,mettre en place de nou­velles aires d’arrêt, traiterles abords pour favoriserles manœuvres d’urgence,adapter les équipements

pour limiter la surgravi­té, etc. »

Poursuite des discus­sions. Des propositions al­ternatives à l’autorouteont été présentées en finde débat et l’Allier a tenuà leur examen : ArnaudMontebourg, président so­cialiste du Conseil généralde Saône­et­Loire et Gé­rard Voisin, député UMPde Charnay­les­Mâcon,voudraient, par exemple,que les travaux de la routeexpress soient financésgrâce à l’écotaxe pour uneréalisation avant 2018.

Les dés ne sont pas en­core jetés. Ces projets im­pliquent, qu’avant toutedécision, l’État procède àdes études et expertisescontradictoires. Des esti­mations ont mis à jourune variation de coût im­portante entre les contre­propositions et les calculsde l’État, notamment surune sous­estimation parles premières des fraisd’entretien, du montantde l’écotaxe, et donc decelui de l’emprunt et dudélai de remboursement.

Les discussions se pour­suivent aussi autour duc o û t p r é v i s i o n n e l d el’aménagement des itiné­raires bis, ainsi que du po­sitionnement des péages.Les dés ne sont donc pasencore jetés.

Présidentielleet recoursRecours dissuasifs. Et

même si Nathalie Koscius­ko­Morizet décidait de latransformation de la RCEAen autoroute payante, sonéventuel successeur aprèsla présidentiel le 2012pourrait abandonner cettesolution. Sans compterque, d’ici là, d’éventuelsrecours contentieux dis­suaderaient fortement lesexploitants potentiels del’autoroute.

(*) L’État proposait soit la miseen concession pour réaliser ladeux fois deux voies d’ici 2018,soit la poursuite des travaux aurythme des finances de l’État(route express d’ici trente à qua­rante ans). L’achèvement des tra­vaux est estimé à 950 millionsd’euros pour la deux fois deuxvoies et 1,1 milliard pour l’auto­route (avec péages et mises auxnormes).

Deux tiers des participantsau débat public sont oppo-sés à l’autoroute payante,mais tous veulent vite une2 x 2 voies. En attendant ladécision de l’État, les discus-sions se poursuivent pouréviter des recours.

DANS L’ALLIER. Les élus de tous bords ont fait des concessions et se sont mobilisés pour faire avancer la concession. Une partie del’opinion les a suivis, même si, au fur et à mesure des réunions publiques, de plus en plus de voix se sont élevées : l’État a souventété malmené et accusé de ne pas laisser de vrai choix en ne présentant qu’une alternative. PHOTO : PIERRE COUBLE

La présidente de laCommission du débatpublic Claude Brévan arappelé qu’à la lumièredes expertises, laconcession au privé n’estpas illégale : « Mais ilfaut affiner le projet enprenant en compte lesdemandes, exigences etconditions émises dans lesdeux départements :maintien des diffuseursexistants, déplacement del’échangeur deMontbeugny et prise encompte de celui avec laRN 7 à Toulon-sur-Allierainsi que le maintien deDeux-Chaises, lutte contreles nuisances, créationd’aires pour les camions,engagement de ne pasachever la RN 7 via uneconcession auprivé… » En revanche,les positions financièresdu maître d’ouvrage, untemps accusé d’avoirmajoré les coûts, ont étéconfortées. Les expertisesont écarté la possibilitéde la mise en placed’uniquement deuxpéages à Montmaraultet à Mâcon.

A AMÉLIORER

Le débat public a-t-il servi à quelque chose ?

JOËL DARGESDompierre-sur-Besbre (03)Je ne sais pas si ce débat va servir àquelque chose, mais il faut vraiment queles choses changent vite, car les accidentsvont continuer. Le débat était plus quenécessaire : cette route est devenue tropdangereuse. J’essaye d’éviter de laprendre quand je le peux uniquementpour des raisons de sécurité.

PHILIPPE GOUDIERBourbon-Lancy (71)Ce débat n’a servi à rien. Ça a été undébat de bout de chandelles. Ils se tirenttous dessus et n’en font qu’à leur tête.Qu’elle soit payante s’ils veulent, maisqu’on ait une bonne route ! Quand onvoit comment on est desservi par laRCEA : je mets moins de temps pour faireMâcon/Annecy que Mâcon/Bourbon-Lancy.

VALÉRIE BONVARLETCressanges (03)Le débat a été enrichissant. C’estdommage que pour LeMontet-Cressanges, il ait eu lieu une foisles travaux terminés. Je pense que nosremarques serviront à ceux concernéspar la suite de ces travaux. Une foisconcédé, cet axe et ses abords serontpeut-être mieux entretenus.

è À VOTRE AVIS

“ Les hautesautoritésviennent dansl’Allier enhélicoptère,c’est moinsdangereux !,,De l’internaute, Will

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Supplément RCEA

Ils militent pour la mise en autoroute à péage entre l’Allier et la Saône-et-Loire

YVES TURQUETHabitant de Thiel-sur-AcolinJe suis absolument favorable à laconcession. J’habite à 100 mètres dela RCEA. Avec l’avancée du débatpublic, les gens sont de plus en pluspessimistes pour la concession. Maisc’est pourtant la seule solution pourbénéficier d’une deux fois deux voies,au plus vite.

PHILIPPE TREYVECCI de Moulins-VichyLa concession est la seule façonréaliste pour la mise rapide de cetaxe à quatre voies. L’écotaxe, quireste un projet, doit financer desmodes alternatifs à la route… Donc,Arnaud Montebourg fait fausse route.Tout autre itinéraire conduirait nosdépartements dans le mur.

BERNARD ÉCHALIERPrésident CCI de la Saône-et-LoireDemain la RCEA sera un atout.Aujourd’hui, c’est un handicap !51.000 entreprises du ressort des CCIde l’Allier et de Saône-et-Loiremilitent pour la concession. Elle leurpermettra de gagner encompétitivité et d’attirer de nouvellessociétés, créatrices d’emplois.

JEAN-LUC BURLAUDHabitant de MoulinsJ’emprunte régulièrement la RCEApour mes trajets professionnels. Il y atrop d’accidents et un trafic monstrede poids lourds. La priorité pour cetaxe, c’est sa mise à quatre voies.Concession ou pas, je m’en moque unpeu. Il faut le faire et vite pour enfinir avec cette route de la mort.

JEAN-MARC NESMEDéputé-maire UMP de Paray-le-MonialJe me rallie à la concession parréalisme. La proposition d’ArnaudMontebourg exclut l’Allier, ce quipose le problème de la continuitéterritoriale.Dire non à la concession, c’est aussipriver l’État des taxes qui serontpayées par le concessionnaire.

è À VOTRE AVIS

La route de la honteRCEA

CONCESSION AU PRIVÉ L’Allier et la Saône­et­Loire ne parlent pas d’une seule et même voix

Il faut accepter de payer une autoroute

Sandrine [email protected]

P our accélérer la miseà d e u x f o i s d e u xvoies, l’État propose

de confier le financement,la réalisation, et l’exploita­tion de la RCEA à une so­ciété d’autoroute avec uneouverture en 2018. Sinon ilfaudra compter (encore)plusieurs dizaines d’an­nées…

1 Vite, en une seule fois !Créée en 1973, la RouteCentre Europe Atlanti­

que (RCEA) est l’un desrares axes routiers permet­tant de réaliser des trajetstransversaux en France etvers le reste de l’Europe.Elle relie Royan à Chalon­sur­Saône et Mâcon surl’autoroute A6. Elle estprolongée au­delà par leréseau autoroutier de l’estde la France.

À l’heure actuelle, à pei­ne 30 % des 250 km de laportion Montmarault­C h a l o n ­ M â c o n s o n t àdeux fois deux voies. Si,e n t r e 1 9 8 9 e t 2 0 0 9 ,911,6 millions ont été in­vestis, soit en moyenne43,4 millions par an dont27,2 par l’État et 15,3 mil­lions par les collectivités,les besoins de finance­ment pour achever la miseà deux fois deux voies del’ensemble de l’itinéraires’élèvent encore à 1,1 mil­liard d’euros. Si les inves­tissements se poursuiventà ce rythme, les travaux nepourraient être achevésavant plusieurs dizainesd’années.

C’est l’argument majeurrépété à l’envi par les dé­fenseurs du projet d’auto­route. Le recours à la con­c e s s i o n p e r m e t t r a i td’achever la mise à deuxfois deux voies dans undélai court et en une seulefois, en anticipant la parti­cipation financière des

usagers. Une mise en ser­vice serait alors envisagea­ble en 2018.

2 L a s é c u r i t é o u 6 6 0morts de plus ? Ces cinqdernières années, 100

personnes ont trouvé lamort sur la RCEA. Le plussouvent des conducteursen transit dans l’Allier, dé­partement central que l’ontraverse après avoir effec­tué plusieurs centaines dekilomètres : Vendéen serendant dans l’Ain, Portu­gais retournant en Allema­gne… Atteint de somno­lence, l’automobilistequitte son axe pour s’en­castrer dans un poidslourd sur la voie opposée.La RCEA a tout du piègefatal avec son absence debarrière de sécurité, de sé­parateur central, ses cour­bes sans visibilité…

L’aménagement de laRC E A p a r u n e s o c i é t éd’autoroute, avec un sépa­rateur central, permettraitd’améliorer la sécuritéroutière de manière signi­ficative, en limitant lesconséquences dramati­ques des collisions fronta­les. Mais en ne comptantque sur les pouvoirs pu­blics, la quatre voies nesera pas terminée avant2040, voire 2050. C’est­à­dire au rythme actuel, 660morts supplémentairesrien que pour l’Allier.

3 Barrières de péage. Unsystème de péage ditouvert serait mis en

place avec six barrières depéage régulièrement espa­cées, trois dans l’Allier ettrois dans la Saône­et­Loi­re. Avec ce système, l’usa­ger ne paierait pas en en­trant sur l’autoroute, maiss’acquitterait d’un péageforfaitaire par tronçon. Cesystème permettrait ausside maintenir la quasi­to­talité des échangeurs ac­tuels, fortement utiliséspour les déplacements lo­caux, domicile­travail no­tamment, de dispenser depéage de nombreux trajetslocaux et d’éviter d’instal­ler des gares de péage àchaque échangeur.

En cédant sa réalisation àune société d’autoroute pri-vée, la RCEA, dans sa ver-sion sécurisée à 2 x 2 voies,pourrait ouvrir dès 2018.

TRAFIC. Jusqu’à 15.000 véhicules/jour sur la RCEA dans l’Allier. Avec un taux de croissance de 5 %, elle pourrait supporter, en 2018,un trafic de l’ordre de 24.000 véhicules par jour. PHOTO : PHILIPPE BIGARD

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Supplément RCEA

Ils militent contre la mise en autoroute à péage entre l’Allier et la Saône-et-Loire

BERNARD BACDELPEUCHHabitant à YzeureÀ mon avis et à mon grand regret,nous n’allons pas y couper à laconcession… Je suis favorable à lagratuité dans le Bourbonnais. Déjà,lorsqu’on se déplace en voiture dansle sud du pays, on paie. Et bientôt, ilfaudra aussi sortir son porte-monnaiepour les déplacements est-ouest.

MARIE-JOSÈPHE DUBOISHabitante à YzeureSi le gouvernement a décidé demettre la RCEA en concession, il lefera et il ne va pas tenir compte del’avis de qui que ce soit.L’application de la demande de nepas faire payer les locaux sera aubon vouloir du concessionnaire,comme les tarifs.

DOMINIQUE LOTTEMaire PS de GueugnonNous sommes d’accord sur le fondmais, il y a une douzaine d’années,les études étaient déjà défavorablesà la concession. Et là, l’État nous faitla même proposition…Irréaliste à l’époque, aujourd’hui,comme par enchantement, ce seraitpossible !

DANIEL COFFINComité de défense du rail MontluçonQuelle est cette malédiction quifrappe notre région et notre secteurbourbonnais ? Pour une utilisationgratuite, il faudrait attendrequarante ans ? Les Bourbonnais ontdéjà financé les aménagements,notamment entre Le Montet etMoulins et les ouvrages d’art.

GÉRARD BARICHARDHabitant de Bessay-sur-AllierJ’espère que la concession seraremise en question. Je ne crois pasque des sorties seront accessiblesavant les péages pour éviter depayer. C’est pour mieux faire avalerla pilule. L’État ne veut plus payerpour ses routes. La RN 7 en saitquelque chose…

è À VOTRE AVIS

La route de la honte RCEA

CONTRE Des voix s’opposent à la concession au privé et plaident pour la gratuité de la deux fois deux voies

L’État a bien un milliard pour Neuilly

Sandrine [email protected]

L es participants au dé­bat public sur la miseà deux fois deux voies

de la RCEA sont à 65 %hostiles au projet d’auto­route payante entre Mont­marault et Mâcon.

1 Déjà payée. À l’issuedu débat public, 65 %des avis étaient défavo­

rables au projet d’autorou­te payante entre Montma­rault et Mâcon. Parmi lesprincipales critiques : l’ab­sence d’équité par rapportaux autres départements.Pourquoi les usagers lo­caux devraient­ils payerpour cet itinéraire créé en1973, qui n’a jamais reçules faveurs ni les crédits deson gestionnaire (l’État,N.D.L.R.), trop occupé parle développement desautoroutes et des nationa­les Paris­province ? Et cetargument coup de grâce :« l’État est prêt à mettreun milliard pour une auto­route couverte de 1,5 kmentre la Porte Maillot et laDéfense à Paris, pour leshabitants de Neuilly. Lemilliard dont on a besoinpour la RCEA ».

Pour les opposants à uneautoroute payante (12,70 €estimés pour traverserl’Allier et la Saône­et­Loi­re), « les contribuables desdeux départements ontsuffisamment payé, via lesimpôts locaux et natio­naux, les aménagementseffectués sur la RCEA cesdernières années ». Et ris­quent de devoir encorepayer si, en cas de péage,un certain nombre de ca­mions décident de se ra­battre sur les routes dé­p a r t e m e n t a l e s , q u’ i lfaudrait alors remettre àniveau.

2 Contre-projet… politi-q u e . Si le président

communiste de l’Allier,Jean­Paul Dufrègne, faitpreuve de pragmatismedans ce dossier, il n’en estrien de son voisin de Saô­ne­et­Loire, le socialisteArnaud Montebourg, tou­jours à l’affût d’un boncoup politique : « Nous netomberons pas dans lepiège d’un chantage mor­bide ». Il met aussi enavant le fait que la Saône­et­Loire ne dispose pasd’un itinéraire alternatif àla future autoroute payan­te.

Arnaud Montebourg adonc présenté un contre­p ro j e t : l a r é a l i s a t i o nd’une voix express limitéeà 110 km/h financée enpartie par la part départe­mentale de l’écotaxe due àla Saône­et­Loire. Un fi­nancement sur vingt ansp o u r d e s t r a v a u x s u rsix ans.

3 D é j à é c a r t é e . C’estl’autre argument mas­sue des opposants :

l’idée d’une autoroutepayante avait été écartéepar l’État en… 1998. Lepréfet de Saône­et­Loired’alors, Joël Gadbin, avaitconstaté que les conclu­sions n’étaient pas favora­bles à la mise en conces­s i o n d e l a R C E A . L erapport de l’époque poin­tait alors du doigt : « Laprincipale difficulté juridi­que réside dans la trans­formation d’une infras­tructure gratuite pourl’usager, en partie réaliséeet ouverte à la circulation,en infrastructure à péage[…] Le système de péageouvert ne respecte pascomplètement le principede proportionnalité, saufpour le transit de longuedistance ». Comme le con­seiller d’État honoraireDaniel Chabanol l’a fait aucours du débat public, lerapport pointait déjà lesrisques juridiques d’unegratuité pour le trafic lo­cal.

Les opposants au projet nesont pas contre l’autoroutemais réclament sa gratuité.Et déplorent l’absenced’équité par rapport àd’autres départements.

CONVICTION. 65 % des participants au débat public sur la RCEA sont hostiles au projet d’autoroute payante entre Montmarault dansl’Allier et Mâcon dans la Saône-et-Loire. PHOTO : JEAN-MARC SCHAER

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Supplément RCEA

“Acteur dessecours etprésent surles lieux desaccidents,je manifestemonras­le­bol,,De l’internaute, Ja03

La route de la honteRCEA

URGENTISTE Pour le docteur Charles­Noël Camard, l’accident ne s’arrête pas lorsque la circulation redémarre

Survivre, c’est vivre à jamais meurtri

Elsa [email protected]

D onner un maximumde chances aux acci­dentés de la route,

notamment à ceux dont lepronostic vital est engagé.Le docteur Charles­NoëlCamard, urgentiste auSamu 03, est formel (*) :« La médicalisation préco­ce permet d’améliorer leschances de sur vie. Lespersonnes gr ièvementblessées ne supportentpas l’improvisation des se­cours et des soins d’ur­gence ».

« Des séquellespsychologiquestoujoursimportantes »

Organes vitaux projetés.L’évolution des protec­tions rendant les voituresplus résistantes aux chocs,c o n n a î t d e s l i m i t e s :« Même si conducteurs etpassagers sont ceinturés,les chocs atteignent les or­ganes, qui sont projetés.Deux voitures qui se per­cutent frontalement à90 km/h, c’est comme sep r e n d r e u n m u r à180 km/h. Quand les per­sonnes s’endorment, l’ab­sence de réflexes aggraveles conséquences. La tech­nique a ses limites ».

Assurer la survie. « Dansl e d é p a r t e m e n t , n o u ssommes confrontés à desaccidents extrêmementgraves, notamment lorsdes chocs frontaux », sou­vent sur la RCEA. Pour leséquipes du SMUR, la priseen charge des blessés doitê t r e h i é r a r c h i s é e :« D’abord assurer la survieen stoppant les saigne­ments, réanimer, soutenirla circulation et la respira­tion. Ensuite, évaluer lapertinence d’une prise encharge spécialisée ».

Limiter les séquelles. Laprise en charge dans desservices spécialisés, voirehyperspécialisés, permet« d’envisager des séquellesles moins lourdes possi­bles. L’endroit où la victi­me sera évacuée est dictépar le traumatisme » : pla­teau technique de proxi­mité ou hôpitaux spéciali­sés. « Pour donner un

maximum de chances auxtraumatisés, nous avonsbesoin de filières de soinsdédiées ».

Réadaptation longue.« L’accident ne s’arrête paslorsque la circulation re­démarre ». Pour les blessésles plus lourds, ce sont dessemaines, voire des moisd’hospitalisation, de réé­ducation, de réadaptation.

Vies brisées. « Le poly­traumatisé, confié à uncentre spécialisé, doit en­suite se réadapter à la vie,à son travail qui doit par­fois être aménagé. Desbouleversements majeursl’attendent, même aprèsavoir été consolidé. Parfoistétra ou paraplégique, am­puté d’un membre, il doitchanger de métier, demaison, de vie ». Avec desconséquences dramati­ques, comme l’explosionde la cellule familiale.« Ces accidents ont tou­jours des séquelles psy­chologiques importan­tes ».

Dons d’organes. « Onréanime avant toute chosepour sauver les patients ».Mais un médecin gardetoujours à l’esprit que,même en cas de mort cé­rébrale, un cas désespéréest un donneur potentiel :« Il faut que le corps s’ensorte le mieux possible.L’autre dimension de laréanimation, c’est le dond’organes. Et non l’achar­nement ».

(*) Patients souffrant d’aumoins deux traumatismes graves,nécessitant une prise en chargelourde (traumatisme crânien etfracture du fémur, par exemple).Déclenchée par le SAMU, l’équi­pe médicale du service mobiled’urgence et de réanimation(SMUR), composée d’un méde­cin, d’un infirmier et d’un ambu­lancier, apporte aux blessés lessoins d’urgence sur place, et défi­nit le service le plus adapté pourle recevoir et assure son trans­port dans de bonnes conditions.

Les chiffres taisent la réalitédes blessures les plus lour-des. Des semaines, voire desmois d’hospitalisation pourles polytraumatisés. Et desvies bouleversées.

AIDE MÉDICALE D’URGENCE. Pour le docteur Charles-Noël Camard, « la médicalisation précoce permet d’améliorer les chances desurvie. Les personnes grièvement blessées ne supportent pas l’improvisation des secours et des soins d’urgence ». PHOTO : PH.BIGARD

En moyenne. Une person-ne est blessée et hospita-lisée tous les deux jours,après un accident de laroute dans l’Allier.

VIES BRISÉES

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JEUDI 21 AVRIL 2011 13

Supplément RCEALa route de la honte RCEA

DRAGON 63. L’hélicoptère de la Sécurité civile évacue les blessés dans un étatcritique vers Lyon, Clermont-Ferrand… pour une meilleure prise en charge deleurs multiples traumatismes. PHOTO : PHILIPPE BIGARD

CHAQUE MINUTE COMPTE. Pendant que les pompiers dégagent la victime, l’équipe médicale laprend en charge. Dans un choc frontal, chaque minute compte, car les organes vitaux sont souventatteints. PHOTO : JEAN-MARC SCHAER

URGENCE ET RÉANIMATION. Un équipement polyvalent pour intervenir, le plus rapidement possi-ble, dans les meilleures conditions de sécurité. À la fin de l’année dernière, de nouveaux véhicules,plus modernes, ont été achetés par le Centre hospitalier de Moulins. PHOTO : SÉVERINE TRÉMODEUX

SAUVER DES VIES. L’équipe médicale du Service médical d’urgence et de réanimation (SMUR) est composée d’un médecin, d’un infirmier et d’un ambulancier. Ils assurent, 24 heures/24 et 365 jours/an, laprise en charge des détresses et urgences vitales, dans un périmètre de plus de quarante kilomètres autour de Moulins : « La médicalisation précoce permet d’améliorer les chances de survie. Les person-nes grièvement blessées ne supportent pas l’improvisation des secours et des soins d’urgence », analyse le docteur Camard. PHOTO : JEAN-MARC SCHAER

… COMME DE NUIT. Ici à Montbeugny, où unefemme et ses enfants se trouvaient entre la vie et lamort. PHOTO : JEAN-MARC SCHAER

DE JOUR… Les polytraumatisés nécessitent une priseen charge lourde. Puis ils sont transférés vers les servi-ces les plus adaptés. PHOTO : PHILIPPE BIGARD

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Supplément RCEALa route de la honteRCEA

“ Cinq morts en36 heures ! On faitquoi contre cetteroute. Elle estmonotone, on ysomnole…,,De l’internaute, D.

POMPIERS Jean­Pierre Masson et Claude Schwartzmann, retraités, restent marqués par leurs interventions

Cette route ne laisse aucune chance

Elsa [email protected]

C laude Schwartzmann,pompier retraité, n’ajamais oublié ce jour

où il s’est retrouvé avecune fillette dans les bras :« Elle m’a demandé “Pour­quoi maman ne me ré­pond pas ?” Les mots nesont jamais sortis. Je n’aipas osé lui dire que sa ma­man était morte. C’étaittrop dur ».

1 « En colère ». C’était ily a plus de vingt ans,mais cet accident, l’ex­

capitaine du centre de se­cours de Moulins ne l’a ja­mais oublié. « Plus que lesblessures et le sang, quandje vois encore une familled é c i m é e s u r l a RC E A ,comment voulez­vous queje ne sois pas en colère ?En trente ans, r ien n’a

bougé ». Claude Schwartz­mann ne veut jeter la pier­re à personne : « Même sinos élus se démènent,c’est un axe national .Deux voies avec le traficqu’il y a et le nombre decamions en circulation,c’est une catastrophe ! ».

2 « Un carnage ». Un avisque partage son anciencollègue pompier Jean­

Pierre Masson : « Cetteroute continue à faire detrop nombreuses victi­mes ». Le major se sou­vient des départs pour unaccident sur la RCEA,« plus que sur une autreroute, car on ne savait ja­mais ce qu’on allait trou­ver. On se préparait tou­j o u r s a u p i r e . À u ncarnage. Des gens coincésdans la tôle, des morts,des blessures très graves ».

« Le boulot des pompiers

c’est notamment de per­mettre aux équipes médi­cales des SMUR d’accéderaux victimes. Souvent, ilfaut les désincarcérer sansabîmer la moelle épinière.Toujours des interventionstrès techniques, où il fautfaire très vite parce quedes vies sont en jeu ».

« Un carnage.Des gens coincésdans la tôle,des morts,des blessurestrès graves »

3 « Impressionnant lanuit ». Quand les acci­dents surviennent la

nuit, les interventions sont« moins évidentes et plusimpressionnantes. Il y ades éjectés, des gens épar­pillés. Savoir combien il ya de personnes dans et

hors de la voiture, les re­trouver ». Dans le silencede la nuit, les pleurs et lescris des accidentés sontencore plus pénétrants.« Même si on se dit queces cris, c’est la vie ».

Sans compter les risquespour les secours : « J’ai étéarrêté cinq mois aprèsavoir été accroché par uncamion alors que j’inter­venais sur la RCEA », sesouvient Claude Schwartz­mann.

4 « O n n e s ’ y f a i tpas ». Les soirs de dé­parts en vacances, une

certaine appréhension ga­gnait Jean­Pierre Masson :« On savait qu’il allait yavoir des accidents, sur­tout sur la RCEA. On ab e a u e n v o i r t o u t l etemps, on ne s’y fait pas ».

Au retour, j’avais unerage en moi de voir que çane changeait pas, d’enten­dre les belles paroles etque rien n’aboutisse. Alorsque tout est prévu pourune 2 x 2 voies, on a juste

vu des portions s’ouvrir,des inaugurations, maispour une... deux voies ».

5 « Aires saturées ». Lerefus de l’État de met­tre en cause les infras­

tructures fait bondir lesdeux pompiers qui ontsuivi toutes les étapes duchantier : « Les gens de­vraient faire des pauses.Mais sur la RCEA dansl’Allier, ils s’arrêtent où ?Le peu d’aires qu’il y a estdéjà saturé de camions.Avec une famille, on a be­

soin de s’arrêter dans unendroit où les enfants ontla place de courir, où lesadultes peuvent boire uncafé. À part à Toulon, dansnotre secteur, il n’y a quedes cabanes de jardin enrase campagne ! ».

Jean­Pierre Masson etClaude Schwartzmann sa­vent que « les accidentsles plus graves sont leschocs frontaux. Sans mu­ret central, la RCEA nelaisse aucune chance,n o u s n e l a p r e n o n splus ».

Les accidents, et plus particulièrement sur la RCEA, Jean-Pierre Masson et Claude Schwartzmann, pompiers retraités,ne s’y sont jamais faits : « Cette route continue à faire detrop nombreuses victimes ». Eux ne l’empruntent jamais.

« MARRE DES BELLES PAROLES ». Les deux retraités ne décolèrent pas en regardant la RCEA dont la mise à 2 x 2 voies n’avance pas : « Alors que tout est prévu pour une 2 x 2 voies, on a juste vu desportions s’ouvrir, des inaugurations, mais pour une... deux voies ». PHOTO : PHILIPPE BIGARD

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Supplément RCEALa route de la honte RCEA

DIOU. Un poids lourd avait pris feu ce matin-là sur la RCEA. Lerisque majeur : une explosion. Il faut sauver les occupants,mais aussi protéger l’environnement. PHOTO : PHILIPPE BIGARD

MONTBEUGNY. Les huit occupants des deux voitures ont étéblessés, nécessitant l’intervention des pompiers d’une dizainede centres de secours de l’Allier. PHOTO : PHILIPPE BIGARD

DOMPIERRE. Encore un choc frontal. Pour que l’équipe médi-cale du SMUR atteigne les victimes, les pompiers ont découpéla tôle. Les secours coordonnent leurs efforts. PHOTO : PH. BIGARD

DOMPIERRE. Au coucher du soleil, le choc frontal avait fait ce jour-là septblessés. Une trentaine de pompiers de l’Allier et de la Saône-et-Loire étaientintervenus. PHOTO : PHILIPPE BIGARD

MONTBEUGNY. Sept blessés dansdeux collisions à quelques heuresd’intervalle. PHOTO : SÉVERINE TRÉMODEUX

ESPOIR. En regardant l’hélicoptère de la Sécurité civite quitter Pierrefitte-sur-Loire, les pompiers espèrent que le blessé survivra. L’accident avait déjàfait deux morts… PHOTO : PHILIPPE BIGARD

SURACCIDENT Volontaires et professionnels du Service départemental d’incendie et de secours sur le qui­vive

Prévenir les risques et éviter le carnage

Elsa Charnay

A gir vite. Hiérarchiserles pr ior ités pourdonner aux blessés

« le maximum de chancesde s’en sortir ». Une victi­m e d ’ a c c i d e n t , c ’ e s t« aussi précieux qu’unbébé ». Pour le lieutenant­colonel Rodriguez, officiercommunication du SDISde l’Allier, les interven­tions des pompiers sur laRCEA impliquent des pré­cautions particulières :« C’est une voie rapide. Lapremière des nécessitésest de sécuriser notre in­ter vention : éviter auxpompiers d’être blessés etparer au suraccident ». Etquand les victimes sontincarcérées, « un véhiculede secours routier, équipédu matériel de découpe etde quoi éteindre un incen­die, est envoyé ». La désin­carcération est une inter­v e n t i o n « l o u r d e e tdélicate ». Plus particuliè­rement quand des poidslourds sont impliqués.

Sans compter l’impactpsychologique : « L’acci­dent est sidérant. C’est uncarnage avec des imagesde guerre. Pour les secoursaussi, le risque de dépres­sion est réel », résume ledocteur Rosati, médecin­chef adjoint du SDIS.

De violents face-à-face aumilieu d’une circulation par-ticulièrement dense. Les in-terventions des secours surla RCEA impliquent des pré-cautions particulières.

MISSION DÉLICATE. Sauver les autres sans se mettre en danger. Éviter les suraccidents. Pour les pompiers, intervenir sur une voie rapide suppose de revêtir des giletshaute visibilité et de mettre en place un balisage spécifique, avant d’accéder aux blessés, souvent incarcérés. Il s’agit d’écarter les tôles, puis de les découper, avantd’extraire les victimes dans les meilleures conditions. En janvier et février, les pompiers sont intervenus sur dix accidents sur la RCEA. Dont deux mortels. PHOTO : PH. BIGARD

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Supplément RCEA

“ Vous séparez lesdeux voies par unpetit muret commeà Fos. Garanti, lesaccidents, ce serafini,,De l’internaute, Cocomecanic

La route de la honteRCEA

ROUTIERS La RCEA est un passage obligé pour Germain Noël, chauffeur à l’international, pour livrer du laiton

Une taxe à l’année comme en Belgique

Pierre Raynaud

5 17.000 ki lomètresparcourus en troisannées. Absent du

cocon familial dans l’Ornedu lundi au vendredi, par­fois même jusqu’au same­di. Trois mariages, neufenfants et l’absence rom­pue « avec les petits » partéléphone, lors des pausessur les aires de repos.C’est la vie d’un chauffeurroutier à l’international.Celle de Jésus 27, son nomde cibi. Parce qu’il porte lab a r b e d e p u i s s e svingt ans, que Noël estson nom de famil le etqu’il est natif de l’Eure.

Selon ses horaires depassage dans la région pa­risienne, Germain Noëlopte pour la Nationale 6,« très tranquille car per­sonne ne la prend », ou laRCEA pour conduire son

poids lourd de 440 che­vaux vers Cluses, en Hau­te­Savoie, ou dans la ré­g i o n p i é m o n t a i s e, e nItalie. À raison de deuxfois par semaine. Au dé­part de l’usine de laitonKME, à Boisthorel, dansl’Orne, il ravitaille en bar­res de laiton des entrepri­ses spécialisées dans la ro­binetterie et les coudes.Au retour, il charge sonpoids lourd de limaillepour la fondre en Nor­mandie et la transformeren barre.

« Visibilité réduite »Germain Noël affiche au

compteur entre 3.400 et4.000 km par semaine. Iln’est jamais chez lui : « Jepasse plus de temps dansma cabine qu’à la maison.C’est le plus dur. Je merattrape avec le téléphone.Les retrouvailles du week­

end sont toujours un mo­ment de fête ». Car le restede la semaine n’est pasune franche rigolade. Desjournées de conduite de9 heures et un jour par se­m a i n e d e d e u x f o i s10 heures, avec des cou­pures : « Sans une bonnecondition physique, on nefait pas ce boulot ».

La RCEA, ses portions àquatre voies, à deux voies,ses cuvettes, son manquede visibilité et ses acci­dents mortels à répéti­tion : « On voit pas tropmal le tracé dans nos ca­bines. Ce n’est pas tou­jours le cas des automobi­l i s t e s . Je l e s a i d e , e nmettant le clignotant,pour leur indiquer un dé­passement possible. Maiscertains nous doublentavec une visibilité très ré­duite ».

C h a u f f e u r d e p u i s l e21 janvier 1980, GermainNoël enregistre « quelquesaccrochages et une trèsgrosse frayeur ». Survenuedans l’Orne dans un chocf r o n t a l a v e c u n a u t re

poids lourd : « Le gars enface, il s’est endormi. J’aiété projeté dans la cabine.Le visage en sang et un osfracturé, je m’en suis trèsbien sorti ». Il ne considè­re pas la RCEA comme unaxe accidentogène.

« Le visageen sang et un osfracturé,je m’en suis trèsbien sorti »

« Je n’ai pas d’angoisseparticulière à prendre cetitinéraire. Les routiers sonthabitués à circuler sur desroutes à deux voies. On li­mite les sections autorou­tières pour une questionde coût. Mon patron paie1.000 € par mois pour lesparties d’autoroute incon­tournables. La RCEA man­que cependant de por­tions à quatre voies pluslongues. Pour doubler unautre poids lourd dans

une montée, c’est la croixet la bannière ». La ban­nière, c’est aussi sur lescoups de 19 heures pourtrouver un coin de bitumesur les aires de repos. Pourpasser la nuit ou simple­ment casser la croûte :« Entre Moulins et Bourg­en­Bresse (184 km), il n’y ajamais une place libreaprès 19 heures. C’est no­tre point noir ».

La RCEA, c’est la routedes poids lourds. Avec despointes journalières quiatteignent 7.500 camionssur certaines portions.

Parfois plus de 50 % dutrafic, alors que la moyen­ne n’excède pas 12 % surle réseau national : « L’Étatpeut l imiter les poidslourds sur les nationales.Pour la sécurité de cha­cun, il faut mettre en pla­ce une taxe à l’année pourcontraindre les camions àcirculer sur les autoroutes.En Belgique, les routierspaient 8 € par jour et fontautant de kilomètres sou­haités. En France, c’est1.000 € par mois pour lesportions autoroutièresobligatoires ».

La RCEA, c’est la route des poids lourds. Un passage obligépour Jésus 27, le nom de cibi de Germain Noël. Ce chauffeurà l’internationale ne craint pas l’aménagement actuel decet axe de transit. « Pour la sécurité de tous et comme enBelgique », il milite pour une taxe à l’année ouvrant àvolonté les autoroutes de l’Hexagone aux routiers.

AIRE DE PIERREFITTE-SUR-LOIRE. Après avoir pris des nouvelles de sa famille, c’est la pause cigarette pour Germain Noël avant de reprendre la route de la Haute-Sa-voie. Chauffeur à l’international, il a parcouru 517.000 kilomètres en trois années. PHOTO : PHILIPPE BIGARD

12 %La part du trafic despoids lourds sur lesnationales françaises nonconcédées au privé. Ellepeut dépasser 50 % sur laRCEA entre MontmaraultetChalon-sur-Saône/Mâcon.

52,8 %C’est la part du traficpoids lourds sur l’année2010 atteint en joursouvrés au point decomptage de Dompierre,soit 6.408 camions.

7,4 %Le nombre de poidslourds enregistrés sur laRCEA est cependant enhausse importante de 7,4à 18,1 % en 2010, selonles sections.

7.516La part de poids lourdsqui empruntent chaquejour, du lundi auvendredi, la sectionDompierre-sur-Besbre/Saône-et-Loire, sur untrafic total de 15.713véhicules. 6.408 sontenregistrés entre Moulinset Dompierre, 4.493 entreMontmarault et Moulins.

49 %La part de marchandisestransportées par lesroutiers qui correspond àdes machines, desvéhicules et des produitsmanufacturés. Letransport de denréesalimentaires représente17 % du transit.

EN CHIFFRES

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Supplément RCEALa route de la honte RCEA

LES GENDARMES DE L’ESCADRON DÉPARTEMENTAL DE SÉCURITÉ ROUTIÈRE VEILLENT

CONTRÔLES

Les gendarmes de l’escadrondépartemental de sécuritéroutière (BMO d’Yzeure et deVichy et peloton autoroutier deMontmarault) effectuentrégulièrement des contrôles.PHOTO : PHILIPPE BIGARD

VERBALISATION

L’infraction la plussouvent constatéesur la RCEA par lesmotocyclistes est lenon­respect desdistances desécurité : moins troispoints et 135 €d’amende.

PHOTO : PHILIPPE BIGARD

CONSTATS

Pour déterminer leséventuelles respon-

sabilités, les gendar-m e s p r o c è d e n t a u xconstatations lors desaccidents. Sur la RCEA,les fautes de comporte-ment sont la principaleresponsable des pertesde contrôle.PHOTO : PHILIPPE BIGARD

HÉLICO

Lors des chassés-croisés des vacan-

ces scolaires, la RCEAest surveillée depuisl’hélicoptère de lag e n d a r m e r i e . L e sfautes de comporte-m e n t d e s c o n d u c -teurs (non-respectdes distances de sé-curité, dépassementsdangereux…) sontd a n s l a l i g n e d emire.PHOTO : JEAN-MARC SCHAER

GENDARMERIE Le colonel Martzinek, patron des gendarmes de l’Allier, veut avant tout « sauver des vies »

Pleins phares sur la prévention

Elsa [email protected]

«U n g e n d a r m en’est pas préparépour annoncer

le décès d’un fils, d’unefille, d’une épouse, d’unmari. C’est la chose la plusdure qui soit. Ce sont desm o m e n t s q u e l ’ o nn’oublie jamais ».

Peu d’accidentscorporels,beaucoupde morts

Le colonel Martzinek,patron des gendarmes del’Allier, sait que derrièreles uniformes de ses fem­mes et de ses hommes, il ya d e s ê t re s h u m a i n s :« Lors de certains acci­dents, ils sont confrontésà des images de guerre.Comme fin août 2010, oùen deux jours, deux fa­milles ont été déciméessur la RCEA, avec, sur cinqmorts, trois enfants tués.La cellule psychologiquede la gendarmerie s’estdéplacée, ce qui est assezrare ».

Sur la RCEA et ses 90 kmdans l’Allier, il y a peud’accidents corporels :

treize en 2009, dix en 2010et trois en 2011, mais sixont été mortels en 2009,sept l’an dernier et déjàdeux cette année. Face àune telle hécatombe, lecolonel a décidé d’un pland’attaque, il y a un an :

« Les causes des acci­dents sont majoritaire­ment les fautes de com­p o r t e m e n t ( a v e cbeaucoup d’endormisse­ments), très rarement lavitesse et encore moinsl’alcool ou les stupéfiants.On a donc décidé de dou­bler, voire de tripler lespatrouilles pour être surcet axe en permanence.Nous avons fait intervenirles réservistes, l’hélicoptè­re et des véhicules banali­sés. Et quand les conduc­teurs voient du bleu etfont des appels de phare,ce n’est pas grave. Au con­traire, si ça permet d’atti­rer leur attention et d’évi­t e r l ’ a c c i d e n t , n o t r emission de prévention estréussie. Mon but sur cetteroute, c’est avant tout desauver des vies ».

Et l’État, qui souhaiteque cette route soit concé­dée, a récemment déployédes moyens : « Les mesu­res passives, comme lapose de panneaux ou debandes sonores, ont per­mis de faire baisser les ac­cidents. Et quatre nou­veaux radars dernièregénération, qui sont capa­bles de faire la différenceentre les voitures et les ca­mions, viennent d’êtreimplantés »…

Radars, surveillances parhélicoptère, contrôles… Lesgendarmes ont la RCEA àl’œil. Pour éviter des acci-dents, ils ont « doublé, voiretriplé les patrouilles ».

IMPRESSIONNÉ. « Quand je suis arrivé dans l’Allier et que j’ai observé le flot de véhicules, notamment de camions, j’ai soudain eul’impression de partir vers la Turquie, sur la Route de la soie »… PHOTO : JEAN-MARC SCHAER

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Supplément RCEALa route de la honteRCEA

SIGNALISATION Les agents de la Direction interrégionale des routes sécurisent les abords des accidents

Le danger, ce sont les bouchons

Leïla [email protected]

T o u s l e s j o u r s , l e sagents de la Directioninterrégionale des

routes nationales Centre­Est (DIR) font place nette.Pa re ­ c h o c s , a n i m a u xmorts, pneumatiques… ilsramassent tout ce qui peutencombrer la chaussée etprovoquer des accidents.Toute la journée, l’hiver etl’été, de 5 h 30 à 20 h 30,deux patrouilles sillonnentla RCEA (*).

« Nous installonsun véhiculeéquipéd’un panneaud’information »

« Nous veillons à ce querien sur la route mette lesa u t o m o b i l i s t e s e t l e schauffeurs en danger »,e x p l i q u e C h r i s t o p h eAudin, chef du Centred’exploitation et d’inter­vention de la direction in­terrégionale des routes

Centre­Est (DIR).Les agents de la DIR qui

veillent se tiennent tou­jours prêts à intervenir surla RCEA lorsque les pom­piers ou les gendarmesappellent leur PC, à Yzeu­re, pour les informer d’unaccident : « Le chef parten éclaireur pour déclen­cher les moyens adaptés à

l’importance de l’acci­dent ». Souvent, ce n’estp a s g r a n d ­ c h o s e : u npoids lourd en panne, unevoiture sur le bas­côté…

Parfois, c’est un accidentplus grave : « Le danger, cesont les bouchons qui seforment de part et d’autre.Il y a un risque de sur­ac­cident. Pour l’éviter, nous

installons un véhiculeéquipé d’un panneau d’in­formation. On le déplaceau fur et à mesure de larésorption ou de l’aug­mentation du bouchon ».

DéviationSelon la gravité de l’acci­

dent, du nombre de véhi­cules accidentés sur la

chaussée, les agents met­tent en place une dévia­tion.

« Cela peut prendre d’unquart d’heure à une heure,précise Christophe Audin.Il faut qu’il y ait un itiné­raire bis. Il faut se rensei­gner pour savoir si sur cetitinéraire, il n’y a pas de

travaux pour que les voi­tures circulent sans pro­blème. Et il faut calculer sile temps de mise en placede la déviation n’est pasplus long que la résorp­tion du bouchon ».

(*) La DIR s’occupe aussi de laRN 7. Les agents sont aussi char­gés de nettoyer les aires de repos,les toilettes et vider les poubelles.

Les agents de la DIR se tien-nent toujours prêts à inter-venir. Ils sont chargés de sé-curiser les accidents notam-ment lorsque des bouchonsse forment. Ils multiplient ledanger.

RALENTIR. Une équipe de la DIR Centre-Est est basée à Yzeure, une autre à Pierrefitte pour intervenir en urgence sur la RCEA. Sur un accident, leur première tâche estde signaler l’accident aux automobilistes. Une fois les personnes blessées évacuées et les véhicules dégagés, ils doivent nettoyer la route avant de rouvrir lacirculation. PHOTO : JEAN-MARC SCHAER

LES AGENTS DE LA DIR SUR TOUS LES FRONTS

COUP DE BALAI

Les agents de la DIR sontles derniers à quitter les lieuxd’un accident. La chausséedoit être vite balayée et propreavant de pouvoir rouvrir laroute à la circulation. PHOTO : PHILIPPE

BIGARD

BALISAGE

Lors d’un accident,les gendarmes de labrigade motoriséeassurent la circulation.Les agents de la DIRbalisent la chausséepour guider lesautomobilistes etassurer la sécurité.

PHOTO : PHILIPPE BIGARD

SÉCURITÉ

Alertés d’un accident sur laRCEA par les gendarmes

ou les pompiers, les agentsde la DIR interviennent encoordination avec eux. Instal-lés à Yzeure, ils sont en quel-ques minutes sur les lieux del’accident. Leur mission estd’en sécuriser les abords etde mettre en place éventuel-lement une déviation.PHOTO : JEAN-MARC SCHAER

BOUCHONS

Les accidents et les travauxpeuvent engendrer des ra-

lentissements ou des bou-chons sur la route. Cela aug-m e n t e l e s r i s q u e s d esur-accident. Pour les limiter,une des premières actionsdes agents de la DIR est designaler le bouchon auxautomobilistes. Cent cinquan-te mètres avant le bouchon,ils positionnent un véhiculeéquipé d’un panneau lumi-neux d’information et le dé-placent en fonction de la ré-sorption ou de l’allongementdu bouchon. PHILIPPE BIGARD

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Supplément RCEALa route de la honte RCEA

“ Lesinconscients, cesont aussi eux quituent sur lesroutes.Arrêtez de nepenser qu’à vous,vous n’êtes pastout seul sur lesroutes.,,De l’internaute, JC

PAUSE Problème quand on veut s’arrêter sur la RCEA, il faut patienter avant de pouvoir faire une halte

Elle manque d’aires pour souffler !

Leïla [email protected]

I l est midi. C’est l’heurecreuse. Et Raymondcasse la croûte, derrière

le volant de son camion.Sur l’aire de repos de Pier­refitte­sur­Loire, le long dela RCEA, ce n’est pas en­core l’affluence.

« À l’heure du déjeuner,ça va. Il n’y a pas grandm o n d e . O n n e s e b a tpas ! ». Raymond n’a donc

pas eu à jouer des coudespour faire une place à soncamion au milieu d’uneaire semi­déserte. Mais, enfin d’après­midi, passé19 heures, c’est une autreaffaire : « Il ne faut pas ar­river trop tard. Sinon, c’estplein ! C’est évident quesur cette RCEA, vu le traficde camions et de voitures,il n’y a pas assez d’aires derepos ».

Jean­Michel acquiesce :« Entre Moulins et Cha­lon­sur­Saône, il n’y a quecelle de Pierrefitte et lecentre routier de Toulon­sur­Allier. C’est beaucouptrop juste ».

Et cela oblige les routiers

à anticiper. « Oui, il nefaut pas se louper, rajouteYvon, arrêté sur le parkingde Thiel­sur­Acolin. Leproblème, c’est qu’on nepeut pas rouler plus dequatre heures et demied’affilée. Donc comme iln’y a pas assez d’aires derepos et que les parkingsle long de la RCEA sontpetits, soit on calcule bienson coup, soit on continueà rouler jusqu’à ce qu’ontrouve un endroit pour seposer, au risque de dépas­ser les quatre heures etdemie et d’être à l’amen­de. Et parfois, on est obli­gé de s’arrêter là où on enn’a pas besoin ».

20 heures, Francis, rou­tier, vient de s’arrêter pourpasser la nuit, sur un dé­gagement, entre Moulinset Deux­Chaises. Le par­king est petit (une quin­zaine de camions peuvents’y garer) et complet :« C’est tout le temps com­me ça, lâche Francis. Ha­bituellement, je préfèrem’arrêter pour la nuit surune aire de repos. Il y aplus de place et c’est tran­quille. Les parkings aub o rd d e l a RC E A s o n tbruyants. Je dors mal ».

Pour les automobilistes,c’est encore plus difficilede faire une pause : « Cen’est pas facile de trouver

un endroit pour faire unepause pipi ! sourit Jacques,sur l’aire de Pierrefitte.Nous sommes partis deGuéret avec ma femme etune amie. On a pr is laRCEA à Montmarault etmes passagères commen­çaient à s’impatienter ! »

Ludovic , 27 ans, fa i tMontluçon/Mâcon toutesles semaines. Il a garé savoiture derrière un ca­mion, sur un dégagement,et fume une cigarette :

« S’arrêter là, au bord de laroute, ce n’est pas la pana­cée mais bon, je me dé­gourdis les jambes cinqminutes. Cette route estfatigante. Elle n’est paslarge, il y a beaucoup det ra f i c e t b e a u c o u p d epoids lourds. Il faut tou­jours être super­concen­tré. Quand on prend laRCEA, c’est comme fairede l’apnée. On respire unef o i s a r r i v é à d e s t i n a ­tion ».

Où s’arrêter quand on roulesur la RCEA ? Les aires derepos et les parkings sontbeaucoup plus rares que lescamions et les voitures qui ycirculent.

ARRÊT. Les deux aires de Pierrefitte-sur-Loire peuvent accueillir 85 poids lourds. Le soir, presque toutes les places sont occupées. PHOTO : PHILIPPE BIGARD

« On ne peut pas luttercontre la somnolence »L o r s q u ’ o n c o m m e n c e às’endormir au volant, cela« ne sert à rien de lutter »explique le docteur AndréMarcuccilli, responsable del’unité de pneumologie etdu laboratoire du sommeilau Centre hospitalier Mou-lins-Yzeure. « Il faut s’arrê-ter ».

Comment expliquez-vousle phénomène de somnolen-ce au volant ? Les troublesde la vigilance les plus fré­quents que nous voyonssont liés aux apnées dusommeil. Ces arrêts respi­ratoires surviennent pen­

dant le sommeil et empê­chent de descendre dansle sommeil profond quiest le sommeil récupéra­teur. C’est la premièrecause de somnolence dansla journée.

Il y a aussi le fait que lesgens dorment moins :dans les années soixante,on dormait en moyenne 8à 9 heures. Aujourd’hui,c’est 6 à 7 heures. Certainsmédicaments favorisentaussi l’endormissement.

Si on commence à somno-ler au volant, on a combiende temps pour s’arrêter ?

On ne peut pas lutter con­tre la somnolence. Ce n’estpas possible. Si on est auvolant, il faut s’arrêter toutde suite parce que l’en­dormissement peut êtreimmédiat.

S’arrêter et se reposerc o m b i e n d e t e m p s ? Unquart d’heure suffit. C’estsuffisant pour tomberdans le sommeil profond.C’est tout à fait bénéfique.Mais pour les apnéiques,cela ne sert à rien. Le jourcomme la nuit, lorsqu’ildort, il fait des apnées.

Propos recueillis parLeïla Aberkane

MÉDECIN. AndréMarcuccelli.

« Il ne faut pas arriver troptard. Sinon, c’est plein »RAYMOND PINOL. Routier

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Supplément RCEALa route de la honteRCEA

DÉPANNEUR Dominique Chauvin, quinze ans de métier, s’inquiète de l’évolution du trafic autour de Moulins

Bientôt ce sera deux morts par semaine

Elsa [email protected]

L e dépanneur Domini­que Chauvin inter ­vient sur « 80 % des

gros accidents de poidslourds entre Molinet etMontmarault et 50 % deceux qui impliquent desvoitures ».

La problématique d’uneroute à deux voies totale­ment inadaptée au traficqu’elle supporte, le patronde l’entreprise de dépan­nage bourbonnaise ne laconnaît que trop : « Descréneaux de dépassementinsuff isants, des gensénervés d’attendre des ki­lomètres et des kilomètrespour doubler… Sur cetteroute, plus qu’ailleurs, onn’a pas droit à l’erreur ».

900 poids lourdset 9.000 voituresdépannéschaque année

Enfant déjà, Dominiqueconnaissait particulière­ment bien la RCEA. Sonp è r e a é t é p e n d a n tv i n g t a n s g e n d a r m e àMoulins : « Dans les an­nées 80, il n’y avait pas en­core le contournement deMoulins et je me souviens

qu’énormément de ca­mions se renversaient ».

Quand il travaillait chezMercedes ensuite, « onavait carrément pour con­signe de ne pas la prendre.On nous faisait passer parCosne ».

Le dépanneur craint que« comme l’A77 avance àgrands pas, le trafic va en­

c o re a u g m e n t e r. Ave cl’ouverture de Magny­Cours, puis de Villeneuve,Paris sera bientôt à à pei­ne plus de 2 h 30. Quandles véhicules vont arriverau rond­point du Larry,qui est déjà un entonnoir,ils ne vont pas compren­dre. Ça fera comme en1996, quand le contourne­

ment de Moulins a ouvert,mais en s’arrêtant au sud,où toutes les voituress’empilaient là ».

Il prévient : « Si la RN 7poursuit son développe­ment et que rien n’est faitsur la RCEA, ce ne serapas deux morts par mois,mais deux par semaine ».

Et les souvenirs maca­

bres de remonter : « Lesaccidents, ça fait partie dutravail et de cet axe rou­t i e r. No t re r ô l e, c’ e s td’ouvrir la route et de ladégager au plus vite, entoute sécurité. Mais mêmesi on apprend à vivre avec,toute cette accumulation,ce n’est pas bon ».

Ni pour lui, ni pour « sesgars. Au niveau psycholo­

gique, nous sommes toustouchés. Les dépanneurssur la route, avec les voi­tures, les vict imes, lesang… Et tous les salariés,jusqu’aux secrétaires, carnous accueillons les fa­milles qui veulent com­prendre. Voir les voitures.Elles sont désemparées.Là, même si ce n’est pasnotre métier, nous les as­sistons. Nous les aidonsavec leur assurance parexemple ».

« Être là pour eux »Dominique Chauvin n’a

jamais oublié la venue decette grand­mère « pourrécupérer les jouets desgamins. Sa fille était hos­pitalisée entre la vie et lamort. Son gendre et sespetits­enfants avaient étét u é s d a n s l ’ a c c i d e n t .Quand elle a trouvé laconsole de jeux, elle s’esteffondrée. Dans la mesuredu possible, on essaie dene pas les emmener jus­qu’aux épaves des voitu­res. Et d’être là pour eux ».

Pas une semaine ne sepasse sans que le dépan-neur Dominique Chauvinn’ait à intervenir sur un ac-cident, plus ou moins grave,sur la RCEA.

PROFESSIONNEL. Le dépanneur Dominique Chauvin intervient sur « 80 % des gros accidents de poids lourds entre Molinet et Mont-marault et 50 % de ceux qui impliquent des voitures ». PHOTOS : PHILIPPE BIGARD

ÉQUIPE. Une partie des trente-trois salariés de l’entreprise Chauvin, basée à Yzeure et qui s’étend à Tronget et Cusset, appréhende de se déplacer sur la RCEA. Car ils connaissent souvent l’issue…

900 poids lourdsdépannés chaque année,par l’entreprise, surl’Allier, la Saône-et-Loire,la Nièvre et le Cher

9.000 voituresprises en charge

EN CHIFFRES

“Nous avonsVulcania,mais pas de4 voies pourla RN 79. Deschoix ont étéfaits.Commentrattraper ceretard ?,,De l’internaute, Albatros

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JEUDI 21 AVRIL 2011 21

Supplément RCEALa route de la honte RCEA

INTERVENTIONS La moitié des accidents sur lesquels l’entreprise est appelée surviennent sur la RCEA

Unepriorité : rouvrir la routeauplus vite

CONTRE-LA-MONTRE. Les secours et les soins d’urgence ne souffrent pas l’improvisation : « Cha-que minute compte pour sauver des vies. Chaque geste est important pour gagner du temps et dela place pour que les équipes médicales du SMUR et les pompiers atteignent les blessés. Les aiderà remplir leur mission, c’est aussi le rôle du dépanneur », souligne Dominique Chauvin. PHOTO : DR

PASSION. « J’exerce ce métier depuis seize ans avec passion. Devoir intervenir rapidement procureune certaine dose d’adrénaline : remonter la file de voitures et de camions sur la RCEA pour arri-ver au plus vite sur les lieux de l’accident. Dégager tout ce qui encombre pour que la route puisseêtre rouverte à la circulation… ». PHOTO : DR

MATÉRIEL SPÉCIFIQUE. Les interventions des dépanneurs sont parfois très techniques et nécessitent beaucoup de matériel : « Il faut qu’on évacue tout ce qui gêne la circulation, les glissières de sécurité,les voitures, les camions, mais aussi leur marchandise par exemple. Il arrive que ce soit des animaux. Il y a toujours beaucoup d’imprévus auxquels il faut faire face. Ce type de dépannages peut prendredes heures et demande une bonne collaboration entre tous. À force de se voir sur la RCEA, où les sociétés de dépannage sont les seules entreprises privées à intervenir, on finit par bien se connaître etsavoir ce que chacun doit faire ». PHOTO : JEAN-MARC SCHAER

EN SÉCURITÉ. « Depuis 2005 que la DIR intervient, notre travail est facilité et notre protection as-surée. Quand j’ai commencé ce métier, on se balisait nous-mêmes et on travaillait sous la sur-veillance des gendarmes. Ma première expérience d’accident sur la RCEA, en 1996, a donné lieuà un suraccident. Ma dépanneuse avait été percutée ». PHOTO : JEAN-MARC SCHAER

POIDS LOURDS. « Quand des poids lourds sont impliqués, il est parfois très difficile d’accéder auchauffeur incarcéré. Une fois, nous avons monté les pompiers sur un plateau de dépannage pourqu’ils puissent le désincarcérer à hauteur. L’équipe médicale du SMUR a aussi travaillé depuis leplateau. On l’a ensuite descendu pour l’évacuer ». PHOTO : PHILIPPE BIGARD

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22 JEUDI 21 AVRIL 2011

Supplément RCEA

PRAGMATIQUE Le président communiste du Conseil général J.­P. Dufrègne a pris position pour la concession

« On ne peut plus revenir en arrière »

INTERVIEWSandrine Thomas

[email protected]

L a mise en concessionautoroutière accéléreral ’ a m é n a g e m e n t e n

deux fois deux voies de laRoute Centre Europe At­lantique (RCEA) entreMontmarault et les em­branchements de l’A6, àMâcon ou à Chalon­sur­Saône, soit un tronçon de240 kilomètres.

« L’aménagement seraterminé en 2018 avec cescénario. Si on ne concèdepas la RCEA, ce sera qua­rante ans de plus », projet­te le président communis­te du Conseil général del’Allier.

Un communiste qui se pro-nonce pour la mise en con-cession de la RCEA au privé,il fallait du pragmatismedans ce dossier ? Si j’étaisdans le moule tradition­nel, je ne serais sans doutepas à la place où je suis. Jeme suis prononcé pour laconcession autoroutièreen 2018. Sous conditionde gratuité pour les locauxet de maintien des échan­geurs actuels, car on nepeut plus se permettred’attendre. Mais ce n’estpas pour autant que jesuis un fervent défenseurde la pr ivatisation desroutes.

La question aujourd’hui,c’est de savoir si on accep­te d’attendre trente an­nées de plus pour que lamise à 2x2 voies devienneréalité, ou bien de bénéfi­cier d’un axe sécurisé en2018 ? J’ai pris mes res­ponsabilités, sans aucunétat d’âme. Et pourtant, jereconnais que ma positiona dérouté dans mon pro­pre camp. Si tous n’ontpas compris, ils ont res­pecté ma prise de posi­tion.

Arnaud Montebourg, leprésident socialiste de laSaône-et-Loire voisine, estpourtant farouchement op-posé à la concession et pro-pose d’autres solutions…Plusieurs contre­projetsexistent. La Saône­et­Loirepropose de reverser sap a r t d é p a r t e m e n t a l ed’écotaxe pour une routen a t i o n a l e e x p r e s s à110 km/h. Moi, je m’y re­fuse catégor iquement.Hors de question de payerles nationales avec l’ar­gent qui doit rentrer dansles caisses du Départe­ment. D’autant que nousattendons avec impatien­ce cette écotaxe pour fi­nancer le contournement

sud­ouest de Vichy. Sil’État n’a pas les moyenset au cas où la concessionne pourrait pas se faire, ilexiste également la possi­bilité d’un partenariat pu­blic­privé.

« Au pied du mur »Mais sans la prise de posi­tion de l’Allier en faveurde la concession, jamais iln’y aurait eu de débat pu­blic. Nous avons permisde donner un véritablecoup de projecteur sur cetaxe classé parmi les quatreplus meurtriers de France,dont la RN7 qui se trouveaussi dans le Bourbonnais.Quelle que soit la décisionde la ministre le 29 juin, ily a u ra u n a va n t e t u naprès. Après ce débat pu­blic qui a mobilisé, l’Étatne peut pas revenir aupoint de départ. Si la pro­position de concession deDominique Bussereau, leministre des Transports del’époque, ne tient plus,l’État devra proposer unea u t re s o l u t i o n . On n ecomprendrait pas qu’il nele fasse pas quand dans lemême temps, ce mêmeÉtat est prêt à injecter unmilliard pour une auto­route couverte de 1,5 kmentre la Porte Maillot et laDéfense à Paris, pour leshabitants de Neuilly. Lemilliard dont on a besoinpour la RCEA… Les pou­voirs publics sont mainte­nant au pied du mur.

Pourquoi l’Allier en est-el-le encore à réclamer des fi-nancements alors qu’enCreuse, la RCEA est désor-mais une quatre voies entiè-rement sécurisée et gratui-t e ? L e s é l u s d e l ’ A l l i e rsont-ils moins performants ?Je n’hésite pas à le dire :les différentes majoritésqui se sont succédées à laprésidence du Conseil gé­néral de l’Allier n’ont pasfait avancer ce dossier.L’Allier qui appartient àl’Auvergne, a aussi pâtides choix de l’ancien pré­sident de Région ValéryGiscard d’Estaing qui avaitfait de l’A75 et de l’A71,ses seules priorités.

Quels sont maintenant lesenjeux ? Dans sa configu­ration actuelle, cette routeest un sérieux handicappour le développementéconomique et démogra­phique. Ce que nous de­mandons, c’est juste d’êtreau même niveau, d’avoirles mêmes chances, queles autres départements,ni plus ni moins.

Nous devons nous pré­parer à l’arrivée de cetteautoroute et à la perspec­tive de la Ligne à grandevitesse. Nous attireronsalors des activités écono­miques qui créeront desemplois et donc des fa­milles dans l’Allier qui faitpartie des sept départe­ments français à continuerà perdre des habitants.

Jean-Paul Dufrègne est unpragmatique. Le présidentdu Conseil général de l’Al-lier s’est prononcé en faveurde la concession autorou-tière en 2018. Sous condi-tions. Et a dû expliquer saprise de position… dans sespropres rangs.

DÉCIDÉ. « Mon engagement en faveur de la concession au privé a dérouté jusque dans mon propre camp, il a fallu que j’explique[…] J’ai pris mes responsabilités, sans aucun état d’âme ». PHOTO : PHILIPPE BIGARD

La route de la honteRCEA

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Supplément RCEALa route de la honte RCEA

CHOC DES IMAGES. Chaque été, les mêmes drames sur la RCEA, les mêmes Une qui racontent ces familles décimées sur la route des vacances. Insoutenable. PHOTO-MONTAGE : JEAN-MARC SCHAER

INVENTAIRE Une étude dans l’Allier pour évaluer leur impact sur les professionnels, les victimes et les familles

Comment annoncer un tel décès ?

Elsa [email protected]

L’ Institut de prépara­tion à l’administra­t i o n g é n é r a l e d e

l’université d’Auvergne (*)a choisi l’Allier commeterrain d’études : sur laRCEA, axe très fréquenté,les accidents ont pourgrande constante leurmortalité. Et le réseau rou­tier du département estparticulièrement dense(présence d’une autorou­te, nombreuses départe­mentales).

Sous la direction de lacriminologue AnnerachèlVan der Horst, un état deslieux est actuellementdressé, pour permettreaux intervenants profes­sionnels sur les grands ac­cidents d’évaluer la néces­sité de revoir ou d’adapterles protocoles.

Quel est l’intérêt majeurde cette étude ? Les grandsaccidents sur la voie pu­blique ont un impact im­

portant dans notre socié­t é , t a n t p o u r l e sprofessionnels que pourles victimes et leur famille.Leur prise en charge im­plique une mobilisationde structures diversescomme les pompiers, leséquipes médicales desservices d’urgence et de

réanimation, les gendar­mes… Quel est le cadre lé­gal de chacun des interve­n a n t s ? Co m m e n t c e sinterventions sont­ellesstructurées ? Comments’organise la prise en char­ge des victimes et de leurfamille, ainsi que celle desprofessionnels ? Cette étu­

de descr ipt ive veut, àl’aide d’analyses de cas,offrir un aperçu de la réa­lité.

L’organisation du secoursà personne et l’aide médica-le d’urgence sont pourtantdéjà soumises à un protoco-le… Un référentiel com­m u n d a t e e n e f f e t d u

25 juin 2008. Mais lesgrands accidents de laroute impliquent aussil’intervention des forcesde l’ordre pour la sécuri­sation des lieux, les cons­tatations et l’éventuellep ro c é d u re j u d i c i a i re.L’étude que nous propo­sons s’attache à éclaircirles relations entre chacun,dans leur complexité etleur singularité. Le carac­tère létal de la plupart desgrands accidents de laroute fait émerger un nou­veau type de victimes : lesproches du défunt.

La prise en charge de ladétresse des familles est-elleadaptée ? Face à une telleviolence, elle pourraitpeut­être être inhibée parune procédure plus adap­tée, recevant l’adhésion detous. Les recherches enpsychologie invitent àpenser la violence du dé­cès comme facteur de dé­clenchement d’un deuilcompliqué, voire patholo­gique. La question du sensest au centre. Quand il y aperte de sens, inhérenteau contexte de l’accident,il y a trauma. Les famillesauraient voulu voir la scè­ne pour poser des images,comprendre, accompa­gner… Faut­il leur autori­

ser l’accès sur les lieux del’accident ? Si oui, avecquel encadrement ? Com­ment annonce­t­on un teldécès ? Peut­on dire à unemère qu’elle ne peut pasvoir le corps de son filsparce qu’il est trop abîmé,ce qui suscite fantasmes etruminations négatives ?Qui sont les profession­nels les plus à même deprendre en charge ces fa­milles ?

Et les professionnels, com-ment vivent-ils la violencede ces événements ? Aprèsla semaine noire sur laRCEA en août 2010, cer­tains n’étaient pas bien dutout. La gendarmerie a dûactiver sa cellule de sou­tien psychologique. Surcertains grands accidents,des pompiers volontairesintervenaient pour la pre­mière fois. Ces interven­tions si complexes et sisingulières ont, pour euxaussi, un impact impor­tant…

(*) L’IPAG a ouvert à Clermont­Ferrand, en 2004, le seul masterfrançais de sécurité publique, quiprépare notamment aux diffé­rents métiers (police, gendarme­rie, armées, etc.) en balayant lesproblématiques nationales et in­ternationales dans ce domaine.Annerachèl Van der Horst estl’une des intervenantes de cemaster.

La criminologue AnnerachèlVan der Horst dirige uneétude sur la gestion desgrands accidents de laroute. Cet inventaire de laréalité du terrain est actuel-lement réalisé dans l’Allier.

CRIMINOLOGUE. Annerachèl Van Der Horst dirige cette étude de terrain, dont les observations-in-terprétations seront restituées en mars 2012. Autour d’elle, un comité de pilotage, notammentcomposé du préfet de l’Allier, du président du Conseil général, du patron des pompiers et de celuide l’escadron de sécurité routière, d’un médecin légiste du Samu, etc. PHOTO : PHILIPPE BIGARD

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24 JEUDI 21 AVRIL 2011 JEUDI 21 AVRIL 2011 25

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10 janvier 2010 Toulon-sur-AllierUn automobiliste s’encastre contre un poidslourd. Les trois occupants de la voiture(19, 23 et 26 ans) sont tués.

11 janvier 2011 Toulon-sur-AllierLe directeur de la clinique de Moulins, âgéde 67 ans, trouve la mort dans une collisionfrontale avec un poids lourd.

18mars 2010 DavayéDeux poids lourds face à face.Les chauffeurs de 38 et 48 anssont tués sur le coup.

26 août 2010 BessonUn poids lourd en accroche un autre quiquitte sa trajectoire. Une voiture arrivaiten face. Le père, 37 ans, sa fille de9 ans et son fils de 13 ans sont tués.La maman est grièvement blessée.

25 août 2010 TrongetLe père de famille fait un écart, un poidslourd venait en face. L’automobiliste, 36ans et son bébé de 21mois sontmorts.La maman, 32 ans, et leur autre enfantde 6 ans sont blessés.

18 octobre 2010 Saint-VictorUne collision frontale entre une fourgon-nette et un poids lourd fait un mort, lepassager de la fourgonnette, au niveaudu contournement de Montluçon.

8 juillet 2010 GénelardUne automobiliste de 60 ans perd lecontrôle et va percuter un camion.Son père de 89 ans et elle sont tuéssur le coup.

1er juillet 2010 Neuilly-le-RéalUne camionnette heurte un poids lourd etva percuter une voiture. L’automobiliste,78 ans,est mort. Sa passagère et leconducteur de la fourgonnette sontblessés.

28 juin 2010 Deux-ChaisesLe corps d’un motard de 28 ansest retrouvé de l’autre côté de laglissière, déformée par le choc.

14 janvier 2011 BlanzyDeux camions entrent en collisionfrontale.Un des deux chauf-feurs, âgé de 27 ans,est tué.

16mai 2010 Ciry-le-NobleLa remorque d’un car se détache et va percu-ter un mini-bus transportant de jeunesfootballeurs. Un accompagnateur de 46 ansest tué, trois joueurs grièvement blessés,treize plus légèrement.

25 avril 2010 St-Vincent-BragnyUne voiture et une camionnette entrent encollision frontale. Le conducteur de la voiture,79 ans, est tué ; la conductrice de la camion-nette, 50 ans,grièvement blessée.

20 avril 2010 VérosvresUn couple d’octogénaires doit emprunter laRCEA pour rentrer chez lui. A une intersection,leur voiture est traînée sur une quinzaine demètres par une bétaillère. Le conducteur, 80ans, et sa femme, 83 ans, sont tués sur lecoup.

17 avril 2010 MontbeugnyLe monospace d’une famille fait un écartet s’écrase contre un poids lourd.L’automobiliste, 28 ans, son ami, 33 anset sa fillette de 3 ans sont tués.Sa femme, 33 ans, et leurs trois autresenfants de 9 mois, 5 ans et 9 ans, sontblessés.

14 avril 2010 MolinetL’automobiliste se déporte sur la gauche et vas’encastrer contre un poids lourd. Le conduc-teur de la voiture, 50 ans, estmort.Sa femme, 43 ans, sa fille, 7 ans, et les deuxpassagers du poids lourd sont blessés.

10 janvier 2011 MolinetUn conducteur de 36 ans décède dans unecollision avec un poids lourd chargé debovins, qui arrive en face.

MontluçonMontluçon

Paray-Paray-le-Monial

MâconMâcon

Allier

L’hécatombe sur la Route Centre Europe Atlantique depuis janvier 2010

Infographie : L. Chazal

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Supplément RCEA

PRÉFET Pour Pierre Monzani, le recours au privé offre des garanties de livraison en 2018 pour la quatre voies

« Un turbo dans le moteur de la RCEA »

INTERVIEWPierre Raynaud

La RCEA figure tristementdans le palmarès des quatreitinéraires les plus dange-reux de France. En atten-dant un éventuel double-ment des voies, commentl’État tentera-t-il de limiterles accidents meurtriers ?Les Bourbonnais ne sontjamais, ou presque, impli­qués dans les accidentsgraves sur la RCEA. I ls’agit d’automobilistes,étrangers à notre départe­ment, qui effectuent delongs trajets. Les fautes deconduite s’expliquent parl’endormissement et parun manque de vigilance,certainement provoquépar la fatigue. L’accidento­logie de la RCEA est doncatypique.

Les recettes classiques(contrôles vitesse et alcoo­lémie) pour lutter contreles accidents ont été inef­ficaces. J’ai fait intervenirune cellule parisienne dela gendarmerie pour me­ner un audit sur la sécuri­té routière dans l’Allier. Ilsont privilégié “le réveil desconducteurs”.

« Les recettesclassiquespour luttercontreles accidents ontété inefficaces »

Comment se matérialiseconcrètement la méthode“réveil des conducteurs” ?Davantage de gendarmespour contrôler la vitesseou l’alcoolémie, c’est uncautère sur une jambe debois. Il fallait donc agir surl’infrastructure : des ban­des rugueuses et des bar­rettes sonores sur le bitu­m e p o u r r é v e i l l e r l e sconducteurs, 15 km de zo­nes de dépassement rem­placés par une ligne blan­che continue, des balisesen plastique au milieu dela chaussée et des pan­neaux qui alertent sur ladangerosité de l’axe.

On a fait dans l’efficacitéavec cette batterie de me­sures et deux nouveauxradars. Les accidents mor­tels ont diminué sur la

RCEA, mais je ne crie pasvictoire, car des famillesentières ont été décimées.Je ne peux pas baisser lesbras face à de tels drames.On a tapé juste avec lesmoyens qui étaient les nô­tres. J’ai obtenu un pland’urgence de 400.000 €pour financer ces équipe­ments de sécurité.

« Un délai assuré »

En septembre, vous décla-riez dans nos colonnes :« Pour tenir l’échéancier2018, le débat public ne doitpas se heurter à une posi-tion politique de la Saône-et-Loire. Raté ! La livraisonde la deux fois deux voiespourrait-elle être différée ?Le pack Allier est resté so­lide, a toujours poussédans le sens de la conces­sion autoroutière, malgréquelques tensions, ce quiest normal avec une équi­pe politique plurielle. Lesavis sont plus partagés enSaône­et­Loire. Mais lamajorité est du bon côté,au final.

La RCEA en deux foisdeux voies sera livrée dansles temps avec la conces­sion. C’est un turbo dansle moteur de la RCEA ! Unfinancement classique, àtravers les programmes demodernisation des itiné­raires routiers (PDMI),aurait certainement étécontrarié par les aléas quipèsent sur le budget del’État. En faisant intervenirle privé, on s’assure desgaranties dans le délai delivraison.

« Je ne crie pasvictoire,car des famillesentières ont étédéciméessur cet axe »

L’État ne versera plus uncentime dans le doublementde cet axe. Peut-on espérer,q u e d a n s l e s p r o c h a i n sPDMI, davantage de créditsseront affectés à la RN 7 ?La contribution de l’Étatsera tout de même de350 millions dans la con­cession. J’ai toujours étéun combattant pour l’Al­lier. Je me battrai doncpour la RN 7. Cet axe estaussi prioritaire que laRCEA. Je m’ef forceraid’obtenir plus de créditsdans les PDMI pour ledoublement complet decette route nationale etpour la réalisation indis­pensable des contourne­ments de Varennes, Ville­neuve et Bessay.

Le préfet de l’Allier, PierreMonzani, roule pour la con-cession autoroutière et neprend pas les chemins detraverse. La RCEA à quatrevoies, c’est une réalité en2018 avec le recours auprivé : « La concession, c’estun turbo dans le moteur dela RCEA ».

PIERRE MONZANI. « Davantage de gendarmes pour contrôler la vitesse ou l’alcoolémie, c’est un cautère sur une jambe de bois pourla RCEA. Il fallait agir sur l’infrastructure pour limiter les accidents mortels ». PHOTO : PHILIPPE BIGARD

La route de la honteRCEA

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Supplément RCEA

EN 1993 Pierre­André Périssol, alors député­maire, a fait le forcing auprès du ministre des Transports

« Attentionàne pas être des Gaulois ! »

INTERVIEWPierre Raynaud

Après des décennies decrédits insuffisants déblo-qués pour la RCEA, l’Étatn’a-t-il pas opté pour la voiede la facilité avec la mise enconcession du tronçon Mont-marault/Saône-et-Loire ?Cette section n’échappepas à la règle. La conces­sion au privé est la voiechoisie partout en Francepour des projets routierssimilaires. Attention à nepas être les seuls Gauloisen refusant cette alternati­ve ! Dans ce cas, il faudraattendre notre tour. Et iln’interviendra que dansune trentaine d’années, aumieux. Pourtant, on re­v i e n t d e l o i n a v e c l aRCEA…

Elle avait été menacéesous le gouvernement Balla-dur. Un député de l’Allieravait sauvé la tête de cetaxe… 1993, C’est une éta­

p e c h a r n i è r e p o u r l aRCEA. Le gouvernements’interrogeait sur le main­tien ou pas de son projetd’aménagement en deuxfois deux voies. Je suis in­tervenu auprès de BernardBosson, alors ministre del’Équipement, pour obte­nir un tronçon à quatrevoies entre Dompierre etDigoin. Cette réalisation atout changé. Plus person­ne ne s’est posé de ques­tion ensuite sur la nécessi­t é o u n o n d e c e t t etransversale. Elle est pri­mordiale pour l’Allier. Onintéresse aujourd’hui àcrédit les entrepreneurspour Logiparc 03, à Mont­beugny. Avec une RCEA àquatre voies aux pieds dela zone logistique, on atti­rera les entreprises.

Si la concession est confir-mée en juin pour la RCEA, ilfaudra s’atteler à sa jumel-le, la RN 7… En cas de feuvert pour la mise en con­cession, la RN 7 deviendrala priorité. Notamment letronçon entre Moulins etla Nièvre. Car le trafic aug­mentera avec une RCEA àquatre voies, et les auto­mobilistes seront nom­breux à sortir à l’échan­geur de Toulon, pour sediriger vers Paris. Il faut semobiliser tout de suite !

Se priver de la concession,c’est s’amputer d’une RCEAà quatre voies à un horizonproche, estime le maire deMoulins, Pierre-André Péris-sol. Il met en garde : « At-tention à ne pas être lesseuls Gaulois en refusantcette alternative ! »

PIERRE-ANDRÉ PÉRISSOL. « Le gouvernement Balladur s’interrogeait en 1993 sur le maintien ou pas de son projet d’aménager laRCEA en deux fois deux voies ». PHOTO : JEAN-MARC SCHAER

La route de la honte RCEA

EN 1995 Gérard Dériot, alors président du Département, avait fait adopter une motion pour la concession

« La RCEA pourrait déjà être en 4 voies »

INTERVIEWPierre Raynaud

Le consensus politiqueprédomine dans l’Allier pourla mise en concession auto-routière de la RCEA . Unemobilisation des élus n’était-elle pas envisageable plustôt ? Alors président duConseil général, j’ai faitadopter en 1995, déjà àl’unanimité, une motionpour demander la mise enconcession autoroutière.Avec deux conditions : lemaintien des échangeurset la gratuité pour le cabo­tage. Mes homologues dela Creuse et de la Saône­et­Loire en avaient fait demême.

Tous les élus avaient déjàcompris les intérêts d’uneRCEA à quatre voies. Il n’ya pas d’idéologie politi­que. On privatise ou pas,ce n’est pas la question.On désenclave l’Allier, on

limite l’hécatombe routiè­re, on dynamise l’écono­mie, voilà les enjeux.

Des enjeux qui sont tou-jours d’actualité. À vousécouter, la RCEA devraitdéjà être à quatre voies…C’est une certitude. Maisla Direction nationale desroutes a refusé de donnersuite à nos motions. On aperdu au minimum sei­ze ans. La RCEA serait ter­minée aujourd’hui. Cedossier a été relancé par leprésident de la Républi­que lors de son déplace­ment à Saint­Pourçain, en2008. Trois mois après,une délégation plurielle del’Allier se rendait à l’Ély­sée…

Lors du débat public, desintervenants ont dénoncé lecadeau royal fait par l’Étatau futur concessionnaire, cardes aménagements ont déjàété réalisés et payés… Laconcession n’est pas unenouveauté. Le tronçonMontmarault­Bizeneuilleest déjà concédé. Sans cesliaisons déjà aménagées,la part de l’État dans lep r o j e t d e c o n c e s s i o n(275 millions) ne seraitpas la même. La factureserait beaucoup plus lour­de.

La concession autoroutièren’est pas une idée nouvellepour le sénateur de droite,Gérard Dériot. Il l’avait ré-clamée en 1995. Cette hypo-thèse a été écartée. Avecregrets, car « la RCEA à qua-tre voies serait terminéeaujourd’hui ».

GÉRARD DÉRIOT. Le sénateur de droite s’oppose à l’idéologie politique sur le dossier de la RCEA : « On privatise ou pas, ce n’est pasla question. On désenclave l’Allier, on limite l’hécatombe routière, on dynamise l’économie, voilà les enjeux ». PHOTO : PHILIPPE BIGARD

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Supplément RCEALa route de la honteRCEA

“ Il y a deux ans,au mois de mars,mon beau­frère alaissé sa vie sur lamême route, lemême village…,,De l’internaute, Pseudo ali-85

MONTBEUGNY Le maire bataille pour que l’échangeur qui permet au trafic de passer dans le bourg soit fermé

« Je ne veux plus des poids lourds »

Leïla [email protected]

L e maire fait parfois legendarme. Un arrêtmunicipal interdit aux

poids lourds de traverserle bourg de Montbeugny.Guy Charmetant est obligéde le leur rappeler.

Les chauffeurs ne sontpas censés quitter la RCEApour aller vers Moulins encoupant par Montbeugny.« Ils ont toujours une bon­ne raison de passer par lebourg… », sourit le maireGuy Charmetant. Mais labataille que mène le mairede Montbeugny ne se si­

tue pas sur le terrain dubruit : « Les vingt­trois lotsdu lotissement des Bruyè­res (le plus proche de laRCEA), se sont vendus envingt­six mois… Et je neconnais pas de personnesqui auraient déménagé deMontbeugny à cause dubruit de la RCEA. Lorsquedes personnes me contac­tent pour avoir un terrainet me demandent s’il y adu bruit, je leur dis “venezvoir, venez écouter si voust r o u v e z q u ’ i l y a d ubruit” ».

À Montbeugny, le problè­me, c’est surtout l’échan­geur à la sortie du village,qui permet aux automobi­listes et aux routiers dequitter la RCEA et de se

rendre à Yzeure et Mou­lins en coupant par lebourg de la commune. Unéchangeur dont le maireréclame la suppression :« Il avait juste été créépour des travaux. J’ai de­mandé lors du débat pu­blic sur la RCEA, qu’il soitfermé ».

Pour un échangeurEn échange, le maire de­

mande la création d’unéchangeur un peu plusloin sur la RCEA, « au ni­veau du pont sur la routeMoulins/Chapeau ».

Il permettra d’accéder àune route d’environ 1,7 ki­lomètre (qu’il faudra cons­truire) qui rejoindra la fu­t u r e p l a t e ­ f o r m elogistique, Logiparc 03 (*) :

« Nous avons modifié lacarte communale pouraménager ce Logiparc. Ilne reste plus qu’à la pré­senter au Conseil munici­pal et à la voter. Aupara­vant, je veux simplementdes certitudes sur la sup­pression de notre échan­geur actuel et la création

de ce nouveau tronçon deroute. Je ne freinerai pas leprojet mais on ne doit pasavoir les inconvénientsque représente la circula­tion des poids lourds surla commune ».

(*) Le Logiparc s’étendra sur184 hectares sur Montbeugny,Toulon­sur­Allier et Yzeure.

À Montbeugny, ce n’est pas la bataille contre le bruit lié autrafic de la RCEA que mène le maire mais celle, dans lecadre du projet de mise en concession, de la fermeture del’échangeur pour empêcher les poids lourds de passer parle bourg.

CIRCULATION. À vol d’oiseau, le lotissement des Bruyères, à Montbeugny, n’est qu’à quelques mètres du trafic de la RCEA. PHOTO : PHILIPPE BIGARD

« Je ne connais pas depersonnes qui auraientdéménagé de Montbeugny àcause du bruit de la RCEA »GUY CHARMETANT. Maire de Montbeugny

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Supplément RCEALa route de la honte RCEA

Une butte comme rempart au bruit du trafic de la RCEA

AMÉNAGEMENT. À quelques mètres des terrains de football, la mairie a aménagé une butte en terre d’une centaine de mètres de long et de six à sept mètres de hauteur,le long de la RCEA : « Nous l’avons construite en 2006 contre le bruit du trafic, notamment le passage des poids lourds », explique le maire Guy Charmetant. Nousaimerions la prolonger encore un peu mais nous ne sommes pas, pour l’instant, propriétaires des terrains ». Si des haies d’arbres n’empêchent pas le bruit de sepropager, une épaisseur de terre est un bon rempart contre le bruit.

Quels sont les avantages et inconvénients d’habiter près de la RCEA ?

LIONEL THÉVENET47 ans, lotissement les BruyèresIl y a malheureusement plusd’inconvénients que d’avantages.Quand il y a des pics de circulationl’été, j’aimerais bien pouvoir dormirles fenêtres ouvertes. Mais le bruitnous réveille. C’est surtout le traficdes camions qui fait du bruit. Commeil y en a beaucoup…

ÉLIANE HALUSZEZAK50 ans, route de LusignyLà où j’habite, la RCEA ne medérange pas. En revanche, ma mèrehabite route de Thiel dans unemaison ancienne qui n’a pas dedouble vitrage et là, il y a beaucoupde bruit. La RCEA, je ne la prends pasparce qu’elle est trop dangereuse. Ily a trop de camions.

MICHEL ROUX57 ans, rue de l’AgricultureJ’habite dans le bourg et beaucoupde camions sortent de la RCEA etpassent par là pour aller àl’aérodrome. Ça fait du bruit et de lapoussière. En plus que ce soient lescamions ou les voitures, ils vont vite.Sinon, la RCEA elle ne me dérangepas. Je ne la prends jamais.

JEAN-PIERRE THUAULT63 ans, route de l’AgricultureDepuis ma maison, j’entends commeun ronflement selon l’orientation duvent. Cela fait une résonance. Nousvivions beaucoup dehors mais depuisquelques années, on est mieux àl’intérieur. Cette route reste un atout.Je l’utilise beaucoup pour aller àChâtel.

CHRISTIANE COURTOIS51 ansJe suis présidente du comité desfêtes et la RCEA n’a rien apporté dedirect aux associations si ce n’estfaciliter l’accès à Montbeugny. L’accèsdirect au bourg a des avantages pourle commerce, l’élevage. Et desinconvénients : le trafic soulève lapoussière.

è À VOTRE AVIS

Quels sont les avantages et inconvénients d’habiter près de la RCEA ?

VALÉRIE DEVAUX41 ansNous avons un hôtel-restaurant et chaquejour, nous recevons de nombreux clients.L’échangeur est primordial pour notreactivité et pour les touristes qui peuventfaire une halte. S’il est supprimé, celasera très préjudiciable à notrehôtel-restaurant et pour le commerce engénéral.

PAULA BARBOSA30 ans, rue des BruyèresCôté bruit, je ne suis pas du tout embêté.La RCEA passe au loin mais la maison estbien isolée ! Cette route, je ne l’empruntepas souvent vu le nombre d’accidentsqu’il y a. Mais si elle est aménagée en 2x 2 voies, peut-êtreque je la prendrai même pour venir àMoulins.

STÉPHANE ROOSE33 ans, rue des BruyèresLes avantages, j’avoue que je ne les voispas bien…J’entends le bruit du trafic quand le ventvient de notre côté. Mais cela ne nousempêche pas de laisser les fenêtres denotre maison ouvertes. En fait, je pensequ’on ne fait plus vraiment attention aubruit qu’il y a.

è À VOTRE AVIS

“Personnene s’inquiètede l’étatpsychologiquedu chauffeur,traumatiséà vie !!!! ,,Internaute, Fouidibette

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Supplément RCEALa route de la honteRCEA

“ Nous ne vousoublierons pas. Vosamis prendrontsoin de la petiteTiffany. Reposez enpaix,,De l’internaute, pseudo Dede03

COMMERCES Le trafic, notamment de poids lourds, est une aubaine pour les commerces au bord de la RCEA

Flux de camions et afflux de clients

Leïla [email protected]

S ans les routiers, sonrestaurant serait videcomme la remorque

d’un camion qui vient dedécharger. Sur les coupsde midi et à l’heure du dî­ner, son restaurant estplein. « Au déjeuner, jepeux monter à 70/80 cou­verts. Le soir, j’en fais en­

tre 150 et 200 ». Le flux dec a m i o n s e t , d a n s u n emoindre mesure, d’auto­mobilistes qui empruntentla RCEA, alimente le res­taurant routier d’Oscar La­porta, à Vitry­en­Charol­l a i s , à c ô t é d eParay­le­Monial.

« Sans cette route, c’estcertain, je ne vivrais pas !C’est grâce aux gens depassage et aux routiers

que je travaille ». D’autantque les routiers ne s’arrê­tent pas uniquement pourmanger. « Nous avons unparking qui est surveillépar des caméras et un gar­dien. Nous avons égale­m e n t d e s d o u c h e s » .Autant de raisons pour lesroutiers de faire une haltechez Oscar et y passer lanuit.

70 % des clientsD’ailleurs, les chauffeurs

représentent 70 % de laclientèle du restaurant.« Nous avons aussi des re­présentants commerciaux,d e s m i n i ­ b u s d e t r a ­vailleurs saisonniers quifont le Portugal/La Suisse.On est très bien placé jus­t e à c ô t é d’ u n é c h a n ­geur ». Le restaurant em­

ploie quinze personnes.Ses clients ne sont pas

des routiers. Florence Co­demo­Jouan, originaire dela région parisienne, s’estinstallée à Paray­le­Mo­nial , i l y a trois ans etdemi. Dans sa maison si­tuée sur une départemen­tale parallèle à la RCEA,elle a aménagé une piècepour en faire une chambred’hôtes de quatre places :« Pour l’instant, cela mepermet d’avoir un revenucomplémentaire ».

Une chambre qui n’aguère de mal à trouver deshôtes : « C’est sûr, le faitd’être à côté de la RCEA ades avantages. Beaucoupde gens qui traversent laFrance pour partir en va­cances s’arrêtent chezmoi. Souvent juste pour

passer la nuit. Pour euxc’est pratique de ne pasavoir à rentrer dans Paray.Du coup, du mois d’avrilau mois de juin, il y a ré­gulièrement du monde ».

L’été, ce sont les touris­tes qui prennent le relais.Paray­le­Monial attire despèlerins de toute la France

p o u r l e c u l t e d u S a ­cré­Cœur (*). Une aubaineaussi pour la chambred’hôtes de Florence Code­mo­Jouan.

(*) Au XVIIe siècle, le Christ se­rait apparu à sainte Marguerite­Marie, née à Vérosvre (à côté deParay) et religieuse au monastèrede la Visitation.

Du monde sur la route, ce sont des clients dans les commer-ces qui bordent la RCEA. Le routier d’Oscar Laporta, àVitry-en-Charollais, sert parfois jusqu’à trois cents couvertspar jour. Et la chambre d’hôtes de Florence Codemo-Jouan,à Paray, n’a guère de mal à accueillir des voyageurs.

DÉJEUNER ET DÎNER. Le restaurant d’Oscar Laporta à Vitry-en-Charollais vit principalement du trafic des poids lourds. Les routiers représentent 90 % de sa clientèle. PHOTO : PHILIPPE BIGARD

« Beaucoup de gens s’arrêtentpour passer une nuit »FLORENCE CODEMO-JOUAN. Elle a ouvert unechambre d’hôtes au bord de la RCEA

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Supplément RCEALa route de la honte RCEA

Paray­le­Monial est à un carrefour de la RCEA

TRONÇON. Dans la Saône­et­Loire, la RCEA forme une patte­d’oie. Au niveau de Paray­le­Monial (près de 10.000 habitants), la route se divise en deux. Une voie va versMâcon, l’autre branche conduit les automobilistes vers Montceau­les­Mines. Mais jusqu’en 1995, la route coupait le bourg : « Nous avons pris la décision de réaliserune déviation au nord de la ville de Volesvre à Vitry, détaille le maire Jean­Marc Nesme. Le long de cette déviation, nous avons aménagé un parc économique de110 hectares, sur lequel 70 à 80 entreprises se sont installées ».

Quels sont les avantages et les inconvénients de vivre à côté de la RCEA ?

RENÉ DESSERT74 ansC’est bien d’avoir cette route. Je vaisvoir mon fils dans l’Ain, je suisrapidement sur l’autoroute avec laRCEA juste à côté. Paray est aussibien desservi. Quant au bruit,personnellement j’entends plus lepassage du train que les voitures etles camions de la RCEA.

ANA DUPONT41 ansJe travaille à Digoin, je vais souventà Charolles, et pour moi c’est trèspratique d’habiter juste à côté de laRCEA.La proximité de cette routea été un critère pour nous installerici. Elle ne perturbe pas plus que çala vie de notre famille.

PAUL COGNARD69 ansIl y a une circulation intense et il y aeu beaucoup de morts sur cet axe.De Mâcon à Paray, c’est impossiblede doubler. C’est une routedangereuse. Mais je pense que pourle développement de l’industrie et del’économie, ça ne peut être qu’unbien.

ROBERT74 ansÀ vol d’oiseau, j’habite à 800 mètresde la RCEA et parfois selon le sens duvent, j’entends le trafic mais ça neme dérange pas. J’étais mécanopendant quarante ans. La seule chosequi m’embête, c’est si un jour lesgens du coin doivent payer pour yrouler.

EDMOND WALCZAK67 ansPour les gens d’ici qui doiventl’emprunter, la RCEA est une bonnechose. Avant que la déviation soitcréée, il y avait du bruit jour et nuitpour les riverains. C’était le défiléincessant entre Moulins et Charolles.Cela créait aussi de la pollution. Ladéviation a fait beaucoup de bien.

è À VOTRE AVIS

Quels sont les avantages et les inconvénients de vivre à côté de la RCEA ?

ÉRIC PLURIEL44 ansL’inconvénient, ça pourrait être lebruit. Mais notre maison est un peuen retrait de la route. Le principalavantage, c’est d’être bien desservi.Pour aller vers Digoin etMontceau-les-Mines, c’est pratique. Ilfaut surtout que la RCEA continued’être gratuite pour nous.

PAUL DUCAROUGE62 ansLa RCEA, c’est vraiment bien ! J’aibeaucoup roulé pour mon métier etau début, je ne l’avais pas… Il fallaitêtre patient. D’un point de vueéconomique, cette route est unegrande chance pour Paray. Je suispour cette route et pour la mise enconcession.

MARTHE GRENOT72 ansAvant, la maison était entourée deprés. Il y avait juste une petite route.Mais je suis née là, dans la ferme oùje vis au bord de la RCEA.Alors depuis le temps, le bruit dutrafic, je m’y suis habituée. Etmaintenant il ne me gêneabsolument pas.

RICHARD PLAA54 ansCette route est nécessaire à la vieéconomique et culturelle duCharollais. Désenclaver cette partiede la Bourgogne est nécessaire à lasurvie de la dernière industrie : letourisme. Si elle devient payante, ellelaissera les communes traversées surle bord de la route

JEAN CHEMY72 ansJ’habite aux “Mouillargues” près de laroute et elle crée des nuisancessonores. Cela fait quarante ans quej’habite ici et avant la constructionde la RCEA, c’était la campagne. Enrevanche grâce à la RCEA, beaucoupde commerces se sont montés le longde la route.

è À VOTRE AVIS

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Supplément RCEALa route de la honteRCEA

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Supplément RCEALa route de la honteRCEA

“ Mortelle laRCEA le resteratant que leferroutagen’allégera pas letrafic entre est etouest ,,De l’internaute, Nic

MODERNISATION DE L’AXE Les entrepreneurs favorables à la concession autoroutière pour désenclaver l’Allier

1.300 emplois perdus depuis 2008

Pierre Raynaud

L’ Allier et la Saône­et­Loire doivent affron­ter des problémati­

ques similaires : enclave­m e n t , d i f f i c u l t é séconomiques et baisse dé­mographique.

La RCEA, aménagée endeux fois deux voies, de­vrait lever ces nombreuxhandicaps. Les Chambresde commerce et d’indus­trie de l’Allier et de la Saô­ne­et­Loire se position­nent sans concession pourla mise en concessionautoroutière de la RCEA.Jean­Michel Chavarochet­te, président de la CCI deMoulins­Vichy, est clair :

« Toute réalisation à unhorizon lointain (2045 aurythme actuel des créditsd’État) entraînerait unemarginalisation économi­que durable de l’Allier.

1 L’attractivité. La com­pétitivité d’un territoiredépend souvent de son

accessibilité. À défautd’une autoroute dans l’estde l’Allier et dans l’ouestde la Saône­et­Loire, lesacteurs économiques mi­sent sur une RCEA à qua­tre voies dans les plusbrefs délais :

« Sans infrastructure rou­tière moderne, non seule­ment les entreprises per­dent en compétitivité maisla difficulté à accueillir denouvelles entreprises, atti­rées par des territoiresmieux desservis, ne per­met pas de régénérer letissu industriel existant ».Sur ces cinq dernières an­nées, une seule implanta­t ion d’entrepr ise em­ployant plus de 70 salariésa vu le jour sur le bassin

Moulins/Dompierre­sur­Besbre.

« L’enclavementcontraint ledéveloppement »

« Lorsque la conjonctureest difficile, l’économie lo­cale en paie un lourd tri­but : 1.300 emplois sala­riés perdus depuis 2008sur les secteurs de Mou­l i n s e t D o m p i e r r e » .L’ouest de la Saône­et­Loi­re et tout le nord de l’Al­lier, le long de la RCEA,font partie, selon les CCI,des zones qui ont perduen France le plus d’em­plois salariés privés en2007­2008.

2 Une position centralemal exploitée. L’écono­mie de l’Allier est ma­

joritairement tournée versla région Rhône­Alpes,premier client et fournis­

seur : « Permettre au dé­partement d’être relié àcette région par un axeautoroutier performant estessentiel à son dévelop­pement ». L’Allier, à causede la RCEA et de la RN 7pas aménagées intégrale­ment en quatre voies,n’exploite pas à fond saposition géographiquecentrale.

« On bénéficie pourtantd’un positionnement stra­tégique exceptionnel enFrance et en Europe cequi nous offre l’opportuni­té de dynamiser l’écono­mie, en particulier en di­r e c t i o n d e s a c t i v i t é slogistiques ». Les collecti­vités et les CCI s’y prépa­rent avec des projets devillages étapes et de zonesd’activités ambitieuses :Logiparc 03 à Montbeu­gny, zone de la Loue àMontluçon, du Châteaud’eau à Montmarault, etc.

3 Érosion démographi-que. L’Allier fait partiedes sept départements

français qui perdront deshabitants ces trente pro­chaines années : 337.700habitants en 2040 contre343.100 aujourd’hui. L’en­clavement ne facilite pasl’implantation de nouvel­les familles. C’est un scé­nario noir pour les entre­preneurs.

« C’est le signe d’une fai­ble attractivité du territoi­re, mal desservi par desaxes routiers performants

et sûrs. Ces perspectivesdémographiques, avectoutes leurs conséquencesnotamment en terme der e s s o u r c e s e n m a i n ­d’œuvre (tranche 20­59ans : ­18 % entre 2007et 2040) ou de transmis­sion d’entreprises, mon­trent l’importance des ac­tions à entreprendre pouraméliorer l’attractivité del’Allier. L’enclavementcontraint le développe­ment ».

La RCEA devrait être unatout économique. Elle de-meure un handicap et nejoue pas à plein son rôled’attractivité des territoires.La faute à un aménagementpoussif en quatre voies, quidonne des suées aux ac-teurs économiques de l’Al-lier et de la Saône-et-Loire.

LE PAL À SAINT-POURÇAIN-SUR-BESBRE. Le site touristique le plus fréquenté de la région accueille 500.000 visiteurs par an. Ce qui le place au 5e rang des parcs d’attractions français. Le principal poten-tiel de développement du Pal se situe dans la région lyonnaise, qui constitue un réservoir d’un million de personnes. Le Pal souffre donc du sous-dimensionnement de la RCEA. PHOTO : J.-MARC SCHAER

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Supplément RCEA

EN CHIFFRES

22,5En pourcentage, le poids de l’emploiindustriel dans l’Allier (18 % au niveaunational) : « Il faut améliorer lacompétitivité des entreprises de cesecteur (Sagem, Bosch, Ligier, etc.) ».

11.560Le nombre d’entreprises que représententles deux Chambres de commerce etd’industrie de l’Allier.

1.300Le nombre d’emplois perdus depuis 2008sur les secteurs de Moulins et Dompierre :« La RCEA à quatre voies est capitale pourl’économie et l’emploi ».

6.000Le nombre d’emplois de la logistique etdes transports dans l’Allier et enSaône-et-Loire, deux activités appelées àse développer avec la RCEA à 4 voies.

1,6En pourcentage, la baisse de lapopulation bourbonnaise entre 2007et 2040. L’Allier fait partie des septdépartements à perdre de la population.

18En pourcentage, la baisse de la tranched’âge 20-59 ans entre 2007 et 2040, uneconséquence désastreuse notammentpour les ressources en main-d’œuvre.

CCI DE MOULINS-VICHY Pour le président Jean­Michel Chavarochette, il faut se préparer dès maintenant

« La RCEA à 4 voies dopera l’économie »

INTERVIEWPierre Raynaud

Un spécialiste des ques-tions économiques a indi-qué, lors du débat public,que le lien entre le dévelop-pement des infrastructureset de l’économie n’est pasautomatique. Cependant nepas disposer d’infrastructu-res modernes est un réelhandicap. Comment se posi-tionne la Chambre de com-merce et d’industrie de Mou-lins-Vichy sur le doublementde la RCEA ? Je ne partagepas ce point de vue. Àl’époque gallo­romaine,on se fixait le long desvoies, avec l’arrivée deschemins de fer, la gare estdevenue un lieu d’implan­tation naturel. Les auto­routes sont aujourd’huicet aimant. L’Allier nepeut pas faire l’économied ’ u n e R C E A à q u a t r evoies, à moins de refuserl’avenir.

On n’a plus le choix. UneRCEA à deux voies margi­naliserait l’économie. Àquatre voies, elle doperaitl’activité. Nous sommesfavorables à la concession,seule façon réaliste pourque cet axe soit aménagéen deux fois deux voies leplus rapidement possible.

Des territoires enclavés,des entreprises en manquede compétitivité, une éro-sion démographique… LaRCEA à quatre voies n’effa-cera pas tous ces handicaps.Quelles retombées peut-onescompter de cet axe mo-dernisé en autoroute ? LaRCEA à quatre voies ne ré­glera pas tout d’un coupde baguette magique.Mais elle donnera unenouvelle impulsion à no­tre département. Avec sacentralité, ses axes nord­sud (A71, A77­RN 7, A 6)e t s o n a x e e s t ­ o u e s t(RCEA), l’Allier bénéficied’un positionnement géo­graphique exceptionnel. Ilfaut exploiter cet atout àf o n d p o u r d y n a m i s e rl’économie. En confortant

les entreprises sur notreterritoire et en attirant denouvelles sociétés, le cer­cle deviendra vertueux.On freinera ainsi l’érosiondémographique. La logi­que actuelle est différen­te : pas de nouvelles usi­n e s , p a s d e p o s t e s àpourvoir et des famillesqui déménagent pourtrouver un emploi.

« Des famillesdéménagentpour trouverun emploi »

Sans des infrastructuresroutières modernes, les en-treprises perdent en compé-titivité. Mais est-ce pourautant un atout pour denouvelles implantations ? Àcause d’un accident, laRCEA peut être coupée àtoute circulation pendantde longues heures ou du­rant des jours comme cethiver à cause des intem­péries. Si votre livraison setrouve bloquée, c’est trèspénalisant. Pour facilitercette proximité clients­fournisseurs, il faut en­courager l’accessibilité.Elle passe par une RCEA àquatre voies. C’est à ceprix que le départementsera compétitif et amélio­rera son image.

L’Allier éprouve le besoinvital d’un renouveau écono-mique : 1.300 emplois ontété perdus, par exemple,depuis 2008 sur les secteursde Moulins et de Dompierre-sur-Besbre. Attendre encoreplus d’une dizaine d’annéespour la RCEA à quatre voies,n’est-ce pas le bout du mon-de pour l’emploi ? L’emploin’est pas sécurisé dansl’Allier. Les entreprises nes’implantent pas naturel­lement. Nous avons desarguments (un cadre devie agréable, des terrains,une main­d’œuvre quali­fiée, etc.) mais pas les in­frastructures. On attireral’emploi lorsque la RCEApuis la RN 7 seront mo­dernisées. Si la concessionautoroutière est officiali­sée fin juin, il ne faudrapas perdre de temps. Nousdeviendrons des VRP del’emploi.

L’Allier ne veut pas devenirune réserve d’indiens. Jean-Michel Chavarochette croitaux atouts économiques del’Allier : « On ne peut pas sepriver d’une RCEA à quatrevoies, à moins de refuserl’avenir ».

JEAN-MICHEL CHAVAROCHETTE. « Si la concession autoroutière est officialisée fin juin, il ne faudra pas perdre de temps. Nous devien-drons des VRP de l’emploi ». PHOTO : PHILIPPE BIGARD

La route de la honte RCEA

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Supplément RCEALa route de la honteRCEA

TRANSPORT D’ANIMAUX La construction de la RCEA a incité la Sicagieb à déménager à Montbeugny en 1977

Sur le chemin de l’exportation

Leïla [email protected]

L a Sicagieb a quitté leDonjon, où elle avaitune ferme, et Moulins

où la coopérative avait sesbureaux. En 1977, elle adéménagé : « Lorsqu’on aappris qu’une route allaitse construire, on a cher­ché à partir du Donjon »,explique Joël Auzelle, di­recteur de la coopérativequi collecte et exporte desbovins charolais. « Nousavons acheté ici, cette fer­

me, à Montbeugny qui al­lait être coupée par lanouvelle route ». La Sica­gieb a ainsi trouvé chaus­sure à son pied. À certai­nes périodes de l’année,notamment l’automne aumoment de l’exportationde broutards vers l’Italie,c’est un balai de camions,le jour et la nuit : « Nouspartons chercher les ani­maux dans les fermes, ilssont amenés ici et repar­tent quelques heures plustard en camion vers les

pays avec lesquels noustravaillons. Nous avonsune quarantaine de passa­ges par jour. Être près dela RCEA, c’est intéressant.On gagne du temps ».

Trouver d’autresdébouchés que l’ItalieLes clients italiens et

leurs camions à doubleétage aussi. L’Italie est leprincipal acheteur, à l’ex­portation, des charolais dela Sicagieb. « Cela faitquarante ans que noustravaillons avec l’Italie (*),précise Maurice Chopin,président de la Sicagieb.Les Italiens représentaient95 à 96 % de nos exporta­tions ». C’est en train dechanger. La Sicagieb dé­couvre de nouveaux mar­chés. Parmi les pistes sé­r i e u s e s e t l e s p l u sprometteuses, il y a l’Al­gérie : « On a commencéavec quelques camions en

2010. Nos clients viennentici. On leur fait faire letour des fermes, ils choi­sissent les animaux ». En­suite départ pour l’Algérie.Par la route jusqu’au portd e S è t e ( e n v i r o nsept heures) et par bateaujusqu’à Alger (un jour etdemi de traversée). « LesAlgériens sont vraimenttombés amoureux de noscharolais ! Le bœuf estcher en Algér ie mais ilsemblerait que la consom­m a t i o n s e d é ve l o p p e.C’est encore difficile à diremais l’Algérie est peut­êtreun marché d’avenir ».

Tro p d é p e n d a n t e d umarché italien, la Sicagiebtente de diversifier ses dé­bouchés. « Notre objectifest de faire augmenter lescours et d’aider les éle­veurs ». Si l’Algérie paraîtêtre un candidat sérieux,la coopérative de Mont­beugny travaille timide­

ment pour l’instant avec laSlovaquie et l’Ukraine(achats de femelles repro­ductr ices), le Liban, laHongrie (broutards), et laTurquie : « Depuis 2010,les Turcs nous prenaientdes carcasses. Ils veulentmaintenant acheter desanimaux vivants. On setient prêts à exporter ».

Les camions vont conti­nuer à faire des va­et­vient dans la cour de laferme. Si la coopérativevoit d’un bon œil l’élargis­sement de la RCEA en 2 x2 voies, elle espère quel’échangeur de Montbeu­gny qui dessert la coopé­rative reste ouvert : « Onserait alors obligé de faireun petit détour d’une di­zaine de kilomètres parChapeau sur des petitesroutes inadaptées à descamions à double étage ».Si bien qu’après avoirquitté le Donjon, la Sica­

gieb pourrait envisager dequitter Montbeugny.

(*) Les animaux sont engraisséspendant sept mois en Italie, dansla région de Venise. Ils sont abat­tus en Italie pour la consomma­tion locale.

EN CHIFFRES

3.500animaux collectés par anpar la Sicagieb dansl’Allier et les départe-ments limitrophes : Saô-ne-et-Loire, Nièvre, Puy-de-Dôme, Loire. Plus de lamoitié (60 %) sont expor-tés.

30personnes travaillent à laSicagieb dont 9 commer-ciaux.

1.200éleveurs adhèrent à lacoopérative Sicagieb.

Sans la RCEA, la Sicagieb ne se serait sans doute pasinstallée à Montbeugny. La route facilite le balai de ca-mions. La suppression de l’échangeur envisagée avec lamise en 2 x 2 voies de la route pourrait faire déménagerl’entreprise ailleurs…

SUR LA ROUTE. Les bovins collectés dans les exploitations sont amenés à la ferme de la Sicagieb. Les camions quittent la RCEA avec l’échangeur de Montbeugny PHOTO : JEAN-MARC SCHAER

« Les Algériens sont vraimenttombés amoureux de noscharolais ! »JOËL AUZELLE. Directeur de la Sicagieb

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JEUDI 21 AVRIL 2011 37

Supplément RCEALa route de la honte RCEA

FERME. Les animaux sont déchargés à la ferme de la Sicagieb. À leur arrivée, les boucles et les passeports des animaux sont vérifiés.Ils sont également marqués de différentes couleurs : chaque couleur correspond à un client pour faciliter le tri des animaux lorsqu’ilssont déchargés. PHOTOS : JEAN-MARC SCHAER

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Supplément RCEALa route de la honteRCEA

DOMPIERRE/BESBRE PSA redoute l’hiver et ses couches de neige qui bloquent le trafic de camions

Peugeot-Citroën sur la route et... l’eau

Leïla [email protected]

L e directeur n’a jamaiseu à arrêter l’usine.Ravitaillée en matières

premières (fonte) par ca­mion depuis la région pa­risienne, l’est, le sud­est,le nord de la France, l’usi­ne PSA Peugeot­Citoën, àDompierre­sur­Besbre,

n’aime pas les coups defroid car lorsque la neigetombe sur la RCEA, aupoint de perturber le tra­fic, c’est l’usine qui tousse.

« Les camions sont blo­qués et la matière premiè­re (la fonte) dont nousavons besoin aussi, expli­que François Cosson, di­recteur de l’usine. Celapourrait empêcher l’usinede fonctionner. Nous pou­vons tenir deux à troisjours. Après… » C’est lapanne. Cela ne s’est ja­mais produit. Et pour évi­ter que cela arrive, Fran­çois Cosson roule pour lamise à 2 x 2 voies de laRCEA.

« Cela diminuerait le ris­

que de blocage du traficpar mauvais temps ».

Cela faciliterait aussi letrafic des employés del’usine (sur 750 salariés,120 utilisent la RCEA) et letrafic des poids lourds :« Tous les jours, il y a envi­ron soixante­treize ca­mions qui entrent et sor­tent de l’usine et unevingtaine qui gravitentautour de notre site », pré­cise Patrick Parvery, res­ponsable de la logistique.

« Être en prise directea v e c l a RC E A , a p p u i eFrançois Cosson, c’est ungain de temps. Cela fluidi­fie le trafic et le sécurise.C’est rapide. Les camionsarr ivent aux portes del’usine même si dans no­tre métier, i l n’y a pasd’obligation de livraison àl’heure près ».

Si la RCEA telle qu’elleest actuellement n’enrayepas l’activité de l’usinePSA, elle est un frein àl’installation de nouvellesentreprises : « Nous pour­r ions faire rapprocher

d’autres activités autourde notre usine pour, parexemple, le stockage etdes prestations pour despièces de recyclage. Nousaurions besoin d’avoir cesmétiers­là, à proximité dechez nous, et ils sont loin.D’ailleurs, il y a une zoned’activités à côté de notreatelier qui est prête à ac­cueillir des entreprises ».

Le nombre de camionspourrait toutefois dimi­nuer. Depuis l’année der­nière, l’entreprise teste unmode de transport an­cien : le bateau. « Ce n’estencore qu’expérimentalprévient François Cosson.Une péniche par semainequitte Dompierre pourMulhouse. Nous la char­geons de pièces de freina­g e . 2 0 % d u v o l u m e(1.600.000 pièces) quenous produisons, part ain­si par bateau ». Chaquefois qu’une péniche navi­gue sur la Besbre et la Loi­re, c’est une douzaine decamions en moins sur laRCEA.

L’usine PSA Peugeot-Citroënroule pour la mise en 2 x 2voies de la RCEA. L’entre-prise installée à Dompierre-sur-Besbre bénéficie déjà dela proximité de la route :« gain de temps et d’effica-cité » résume le directeur del’usine.

USINE. L’entreprise PSA Peugeot-Citroën fabrique des pièces de freinage et des carters-cylindres en fonte. PHOTOS : JEAN-MARC SCHAER

« Être en prise directe avec laRCEA, c’est un gain de temps.Cela fluidifie le trafic et lesécurise »FRANÇOIS COSSON. Directeur de l’usine PSAPeugeot-Citroën à Dompierre

L’entreprise investit11 millions pour ses lignesL’entreprise PSA Peugeot-Citroën fabrique des carters-cylindres et des pièces de freinage.

Elle produit 600.000 carters par an et 7 à 8 mil­lions de pièces de freinage. 90 % des carters­cylin­dres sont expédiés à Metz (Moselle) et le reste part àTrémery (Moselle) pour être usinés. Les disquesvont vers Mulhouse et Caen (Normandie).

« Nos carters sont en fonte et équipent les voituresde plus de 130 à 140 chevaux », détaille FrançoisCosson, directeur de l’usine de Dompierre.

Un volume de production « stable » précise Fran­çois Cosson.

L’entreprise prévoit d’adapter ses lignes de pro­duction cet été. Elle investit 8 millions dans la lignequi fabriquera la nouvelle génération de carters cy­lindres (Euro 6) « moins producteurs de gaz carbo­nique et de particules diesel ». Trois millions serontégalement dépensés dans l’adaptation de la nouvel­le plateforme pour les pièces de freinage avec une« nouvelle fonte et une nouvelle géométrie des piè­ces ».

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Supplément RCEALa route de la honte RCEA

INDUSTRIE. Une fois fondue, la fonte sert à fabriquer les carters cylindres. L’usine de PSA Peugeot-Citroën, à Dompierre-sur-Besbre,fabrique aussi des disques de freinage. PHOTOS : JEAN-MARC SCHAER

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Supplément RCEALa route de la honteRCEA

BOURBON-LANCY Terres d’or livre du fromage conditionné aux centrales d’achats de la grande distribution

L’impact des péages est insignifiant

Pierre Raynaud

T erres d’or, à Bourbon­Lancy, vit dans l’om­bre de Fiat Powertrain

(ex­Iveco), premier em­ployeur de la commune deSaône­et­Loire avec 1.480salariés. Après la liquida­tion judiciaire de Froma­gères Routhier, Daniel

Goetschy redémarre l’acti­vité en janvier 1988. Terresd’or conserve 44 emploissur cent quatre­vingt et leconditionnement du fro­mage : 2.000 tonnes sontexpédiées la première an­née vers les centralesd’achats des enseignes dela grande distribution.

Le Poucet n’est pas deve­nu ogre, mais il a pris duvolume. Terres d’or em­ploie cent personnes et li­vre 12.500 tonnes aux cen­trales de Carrefour, Lidl,Intermarché, Auchan etM é t r o : 9 . 0 0 0 t o n n e sd’Emmental râpé, en por­tions, et en tranchettespour les sandwicheries,3.000 tonnes de raclette entranchettes, 250 tonnes defromage fondu décoré auxn o i x e t 2 5 0 t o n n e s d e

Comté : « Cette activité aété transférée dans un ate­lier du Doubs, car on nepeut emballer ce produit,hors de sa zone d’Appella­tion d’origine contrôlée ».

La cadence s’est intensi­fiée sur les quatre quais del’entreprise. C’est une val­se de 70 à 80 camions parsemaine entre l’achemine­ment de la matière pre­mière, des bobines de filmet la livraison des produitsconditionnés dans l’Hexa­gone. L’export reste margi­nal. Il concerne 4 à 5 % duchiffre d’affaires de 2010(50 millions d’euros au to­tal contre 58 en 2009).

« On livrait une fois parsemaine, il y a dix ans.Aujourd’hui, ce sont qua­tre livraisons et Carrefourva nous en imposer six au1e r juin. On ne peut pasanticiper les commandesdes clients, à cause desdates de péremption éti­quetées sur l’emballage. Ilfaut être réactif pour con­server ou gagner des mar­chés ». Ce qui imposepour l’entrepreneur une

RCEA à quatre voies dansl’Allier et la Saône­et­Loi­re. Des livraisons arrivéesen retard se traduisent parde fortes pénalités. La ré­pétition peut entraîner laperte du marché.

« On veutde l’accessibilitéet de lasécurité »

« Un camion couché surla RCEA, qui paralyse l’axependant des heures, leclient s’en moque. Il y a dela souplesse l’hiver avecles conditions météorolo­giques. Pas le reste del’année. La RCEA à quatrevoies, c’est vital pour la lo­gistique, c’est vital pournous qui mettons, chaqueannée, 25.000 tonnes demarchandises sur les rou­tes avec des délais strictsde livraison entre les ap­provisionnements et les li­vraisons. On serait beau­

coup plus précis sur leshoraires avec un axe auto­routier. Aujourd’hui, onfait des prouesses tous lesmatins. Nous sommes tri­butaires des donneursd’ordre inflexibles ».

Daniel Goetschy, désor­mais président du conseilde surveillance, ne s’oppo­se pas à payer un péage :« L’impact serait insigni­fiant. Ça représente quoi50 km de plus sur des tra­jets de 700 km. Avec unequatre voies, on serait plusperformant. Nous, ce quel’on veut, c’est de l’acces­sibilité et de la sécuritépour les chauffeurs ». Ter­res d’or a pratiquementexternalisé son ser vicetransport. La société aconservé deux semi­re­morques sur huit :

« Une automobiliste aperdu le contrôle de sonvéhicule, en juillet 2010 àGénelard (Saône­et­Loire),et est venue percuter no­tre poids lourd qui partaitlivrer sur Montceau. La di­rection du tracteur a étédétruite et le semi­remor­

que incontrôlable a traver­sé la chaussée. Heureuse­ment qu’il n’arrivait aucunautre véhicule en face… Ily a eu deux morts dans lacollision. Notre chauffeura été traumatisé. Il n’a paspu reconduire durant troismois. On l’a protégé audépart, avec un doublon ».

Une RCEA à quatre voiesdésenclaverait l’ouest dela Saône­et­Loire : « Si çacontinue, on va aller s’ins­t a l l e r e n Bre s s e, c h ezM. Montebourg parce que,pour son territoire, le faitqu’ i l y ait l ’autoroutepayante, ça ne le gênepas ! On souffre de l’encla­vement. C’est un freinpour le recrutement ».

La RCEA en quatre voiesdeviendra un atout. Maispour gagner en compétiti­vité, Terres d’or ne peutpas se permettre le luxed’attendre 2018. Elle in­ve s t i ra 2 m i l l i o n s s u rdeux ans et demi pour re­nouveler une partie deson parc de machines etaméliorer les cadences deproduction.

Terres d’or met, chaque an-née, 25.000 tonnes de fro-mage sur la route. L’entre-prise de Bourbon-Lancy livredes centrales d’achat de lagrande distribution. Letemps est son ennemi. PourDaniel Goetschy, présidentdu conseil de surveillancede Terres d’or, « la RCEA àquatre voies, c’est vital pourla logistique, c’est vital pournous ».

SUR LES QUATRE QUAIS. C’est une valse de soixante-dix à quatre-vingts camions par semaine entre l’acheminement de la matière première, des bobines de film et la livraison des produits emballés dansl’Hexagone. PHOTO : PHILIPPE BIGARD

« La RCEA à quatre voies,c’est vital pour la logistique,c’est vital pour nous ».

DANIEL GOETSCHY. Président du conseil desurveillance de Terres d’or.

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Supplément RCEALa route de la honte RCEA

TOUT UN FROMAGE. Terres d’or emploie cent personnes et livre 12.500 tonnes aux centrales d’achats de Carrefour, Lidl, Intermarché,Auchan et Métro : 9.000 tonnes d’Emmental râpé, en portions, et en tranchettes pour les sandwicheries, 3.000 tonnes de raclette entranchettes, 250 tonnes de fromage fondu décoré aux noix et 250 tonnes de Comté. PHOTOS : PHILIPPE BIGARD

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“ Les élus de laCreuse voisineseraient­ils plusefficaces et mieuxentendus que nosélus ? ,,De l’internaute, Papyjo73

LAMAIDS A l’ouest de Montluçon, la déviation a permis d’accueillir une population plus jeune

Les enfants font revivre le village

Fabrice Redon

E n ce jeudi ensoleillé,sept gamins jouent auballon sur la place de

l’Église, rénovée. Personnene craint d’aller récupérerle « cuir » sur la route.

Depuis quatre ans, lespoids lourds ne passentplus dans le bourg de La­maids. De temps à autre,une voiture pointe le boutde son nez. Outre les lo­caux, des automobilistes

venus de Soumans ou deBoussac. De la Creuse voi­sine.

Le village baigne d’unedouce insouciance et per­sonne ne s’en plaint. Laréalisation du contourne­ment à deux fois deuxvoies a apporté ce quetout le monde attendait :le calme !

Le jour de l’inauguration,en février 2007, beaucoupont eu une pensée pourGaby, Henri et Marcel. Euxqui espéraient tant cetaménagement.

Jacqueline, elle aussi dis­parue, était plus partagée.« Elle aimait le contactavec les routiers, se sou­vient Madeleine, une rive­raine. Pendant trois dé­c e n n i e s , l e s d e u xrestaurants ont tourné àplein régime. Il y avait de

l ’ a n i m a t i o n d a n s l ebourg ». L’ancienne RN145 est devenue une routesûre. Pas le moindre acci­dent grave à déplorer de­puis la mise en place de ladéviation. La « maudite »courbe de l’église n’en aplus que le nom.

Plus un seul accidentOubliée la cabine télé­

phonique maintes fois en­foncée au point d’être dé­placée quelques mètresp l u s l o i n . Ou b l i é s l e sdommages causés aux ha­bitations des riverains pardes camions devenus fous.Qui un portail, qui une vé­randa…

Lamaids, qui comptait600 âmes au début duXXe siècle, ne perd plusd’habitants. Elle en gagne.136 à la mise en serviced u c o n t o u r n e m e n t ,

203 aujourd’hui. Un lotis­sement de onze pavillonsHLM a été réalisé derrièrela mair ie. Il abrite unequarantaine de nouveauxhabitants. Des jeunes avecdes enfants.

« En 2001, on envoyaittrois gamins à l’école. Dé­sormais, ils sont une quin­zaine à fréquenter le re­groupement pédagogiqueintercommunal », se ré­jouit le maire, Noël Meu­nier.

Avec la 2 x 2 voies, La­maids (830 hectares) estdevenue une communeattractive. Elle n’est plusqu’à sept ou huit minutesde Montluçon contre unbon quart d’heure avecl’ancienne nationale.

Les propriétaires privésne s’y sont pas trompés eninvestissant dans des mai­sons neuves ou en réhabi­

litant de vieilles bâtissesautour du bourg.

Cet afflux de populationa obligé la municipalité àengager des travaux im­portants. La deuxièmetranche de l’aménagementdu bourg doit débuter enjuin, la réalisation de l’as­sainissement collectif esta t t e n d u e à p a r t i r d e

l’automne. Sans oublier leprojet de constructiond’une salle socioculturelle.

Finalement, Lamaids nevoit plus qu’un seul incon­vénient à vivre sans lespoids lourds. « Quand il ya eu de la neige cet hiver,on n’a pas été dégagé aus­si vite », constate, philoso­phe, le maire.

La mise à deux fois deuxvoies de la RCEA dans l’Al-lier a commencé par La-maids. En 2007, le contour-nement était ouvert au suddu bourg. Depuis, un lotisse-ment HLM a été construit etla commune s’est rajeunieen gagnant soixante-septhabitants.

JEUNES. Pour Jessy (10 ans), Jason (13 ans), Maixance (13 ans), Sarah (9 ans), Mickaël (13 ans), Alisson (12 ans) et Jonathan (14 ans), tous arrivés à Lamaids après 2007, jouer au ballon en bordure del’ancienne RN 145, désertée par les poids lourds, n’est plus un problème.

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Supplément RCEALa route de la honte RCEA

Montluçon : un partenariat public/privé gagnant­gagnant

ON AVANCE. Les travaux du contournement nord de Montluçon touchent à leur fin. Après Lamaids et Quinssaines, le troisième chantier conduit par la directionrégionale de l’Équipement (services de l’État) va de l’échangeur de Domérat/Quinssaines au pont des Nautes, à Saint­Victor. Cinq kilomètres à 2 X 2 voies ont déjà étélivrés à la circulation (notre photo). Les trois autres situés entre l’échangeur de Châteaugay et le pont des Nautes seront mis en service cet été. À partir du pont desNautes et jusqu’à la gare de péage de Bizeneuille (début de l’A 71), La société privée APRR doit achever la section autoroutière de 9,6 km, courant juin.

Comment jugez-vous l’évolution de votre commune depuis qu’elle a été délaissée de ses voitures et ses poids lourds ?

RENÉ MEUNIER65 ans, retraité EDFLa commune, qui était saturée decamions, est en train de changer. Onvoit des maisons se construire ou serénover. Ce n’est plus le petit villagecomplètement mort. Aujourd’hui, onpeut parler d’un calme olympien.C’est peut-être ça le revers de lamédaille.

PHILIPPE BARRIER55 ans, ancien chauffeur routierLe plus marquant, c’est le calme. Iln’y a plus de camions sauf le servicelocal. La proximité de Montluçon parla quatre voies, c’est formidable. Ducentre-bourg, il faut sept à huitminutes pour arriver à la zoneAuchan. Et puis, on se sent plus ensécurité.

THIERRY TOURRES51 ans, sans emploiJ’habite dans le bourg depuis 1976.Ne plus voir les poids lourds passerdevant chez soi, avoir enfin un peude calme, pouvoir dormir un peumieux. La place a été refaite, lebourg est plus joli. Un lotissement aété construit, il y a de nouveauxhabitants.

MADELEINE MOUSSON64 ans, retraitée d’une cafétériaNous avons eu souvent peur quandles camions fous s’écrasaient contreles maisons. Nous sommes plustranquilles, nous respirons mieux,nous pouvons ouvrir nos fenêtres.Mais restons vigilants. Cette longueligne droite est tentante et certainsla prennent pour une piste d’essai.

MAURICE THAVENOT59 ans, cavisteLe point le plus positif, c’est que lecontournement a ramené deshabitants sur la commune. Le prixdes terrains a augmenté. On étaitentre 5 et 10 €, on est aujourd’hui à15 € le mètre. On voit maintenantune dizaine de gamins qui jouent surla place. On n’avait pas l’habitude.

è LE CONTOURNEMENT DE LAMAIDS À 2 X 2 VOIES (4,5 KM) A ÉTÉ OUVERT EN FÉVRIER 2007

Empruntez-vous souvent la nouvelle RCEA pour vos déplacements personnels ou professionnels ?

RAYMONDE GUÉRET83 ans, retraitée de l’alimentationNon, très peu souvent. Quand jeprends la voiture, c’est généralementpour aller à Montluçon ou àDomérat. Quand je vais en Creuse, jepasse par les petites routes où je mesens plus en sécurité. Je suis tropvieille. Toutes ces grandes routes, çam’impressionne.

FRANCIS MILLARD55 ans, recyclage de voituresDe temps à autre lorsqu’il faut que jeprocède à l’enlèvement d’une voituredans la Creuse. Il m’arrive aussi del’emprunter pour des raisonspersonnelles. Avant, les gens avaientpeur de venir à Quinssaines avectous ces poids lourds. C’est bon pourmon entreprise.

MIREILLE BARTHAZARD47 ans, agent de service dans un lycéeJamais. Je prends toujours l’ancienneroute Quinssaines-Montluçon car jetravaille à l’entrée de Montluçon.Pour le premier anniversaire del’ouverture du contournement,j’essaierai peut-être de faire la routejusqu’à Lamaids. Je sais qu’ils ontaménagé une aire de repos.

ROGER LEPINASSE78 ans, retraité DunlopPas souvent. À mon âge, je ne rouleplus beaucoup. Dès fois, ça m’arrived’aller en Creuse. Je connais un peude monde sur Gouzon. La route estvraiment très belle. Avec toute lacirculation qu’on a aujourd’hui, cetype d’aménagement estindispensable.

MAURICE BROCHET84 ans, retraité de LandisJamais je ne prends lecontournement. Je l’ai juste vucomme ça, par-dessus le pont. Jen’en ai pas besoin, c’est plus valablepour les touristes et les camions. Mesdéplacements, c’est de l’autre côtévers Colombier et Commentry. C’estmon fief là-bas.

è LE CONTOURNEMENT DE QUINSSAINES À 2 X 2 VOIES (8 KM) A ÉTÉ OUVERT EN JUIN 2010

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Supplément RCEALa route de la honteRCEA

“ Les poids lourdsne sont pasresponsables detous les maux. Etles pouvoirspublics alors ?,,De l’internaute, wil03

CREUSE De La Croisière à l’ouest à Nouhant à l’est, la RCEA est entièrement à 2x2 voies depuis janvier

30ans de travaux pour 90 kilomètres

Hervé [email protected]

E ntre la mise en servi­ce du premier tron­çon au Pont à la Dau­

ge en 1982 et l’ouverturede la section Gouzon­La­maids en janvier dernier, ilaura donc fallu près de3 0 a n s p o u r m e t t re l aRCEA à 2x2 voies dans les90 km de sa traversée dela Creuse.

Le premier chantier dece vaste projet a commen­cé en 1982 avec la mise enservice de 2,5 km à hau­teur du Pont à la Dauge à

l’est de Guéret.Puis, après une longue

pause de dix ans, inter­vient en juin 1992 l’ouver­ture du tronçon Saint­Hi­laire­Le Trois­et­Demi àl’est de Guéret.

En janvier 1994, le tron­çon Saint­Maur ice­LaSouterraine est à son tourmis en service, suivi, quel­ques mois plus tard dutronçon Le Trois­et­Demi­L e Mo u c h e t a rd s u r l acommune de Saint­Sulpi­ce­le­Guérétois.

E n 1 9 9 5 , l a j o n c t i o nSaint­Maurice­La Croisiè­re, e t p a r c o n s é q u e n t

l’A 20 (*), est ouverte, demême que la section LaSouterraine­Saint­Hilaire.

E n 1 9 9 6 , i n t e r v i e n tl’ouverture de la sectionLe Mouchetard jusqu’auxportes de Guéret (5 km),un secteur parmi les plusaccidentogènes de la RN145.

L’année suivante, en juin,le contournement d’Ajain( 4 k m ) e s t é g a l e m e n touvert à la circulation. En1998, un nouveau tronçonet l’échangeur à hauteurde Jarnages sont réalisés.

Au début de l’été 1999, lajonction de ce derniertronçon avec la déviationd’Ajain est mise en servi­ce, puis l’année suivantela liaison Pont à la Dauge­Guéret­Est est terminée.

Le contournement deGuéret (4 km) est achevédeux ans plus tard fin

2002. À ce moment­là, laRCEA est entièrement à2x2 voies entre La Croisiè­re et Jarnages.

La progression vers l’estcommencera avec l’ouver­ture, en novembre 2004,du tronçon échangeur deJarnages­Parsac (5,5 km).

Trois ans plus tard, autout début des vacancesd’été 2007, 9 km supplé­mentaires de 2x2 voiessont mis en service entreParsac et Gouzon.

Enfin, au tout début dec e t t e a n n é e 2 0 1 1 , l e s14 km restant jusqu’aux li­m i t e s d e l ’ A l l i e r s o n touverts à la circulation.L’ a c h è v e m e n t d e l a“Trans­Creuse” valait bienun déplacement ministé­riel : ce fut Thierry Maria­ni, secrétaire d’État chargédes Transports qui s’y col­la et qui, sans ironie aucu­

ne, salua « un grand jourpour la Creuse enfin dé­senclavée ! »…

3 km par an !Enfin ! L’expression est

juste si l’on considère quece chantier de 90 km aprogressé, pendant tren­te ans, au rythme de 3 kmet de 5 millions d’euros

d’investissement par an.Au total , en ef fet , ces90 km à 2x2 voies auront,en effet, coûté 500 mil­lions d’euros financésprincipalement par l’Étatet l’Europe ainsi que parla région Limousin.

(*) L’aménagement d’une véri­table jonction autoroutière à LaCroisière entre l’A 20 et la RCEAreste à réaliser.

Commencé au début des années 80, le chantier de mise à2x2 voies de la RCEA dans sa traversée de la Creuse s’estachevé en janvier dernier avec l’inauguration du tronçonGouzon-Lamaids. Entre La Croisière à l’ouest et Nouhant àl’est, ces 90 km de voie express auront coûté 500 millionsd’euros financés principalement par l’État et l’Europe maisaussi par la région Limousin.

PARSAC-GOUZON. Les 9 km de ce tronçon ont été progressivement mis en service au début de l’été 2007. PHOTO : STÉPHANE LEFÈVRE

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Supplément RCEALa route de la honte RCEA

“ Je préfère nepas avoir de péagemais entre 600nouveaux morts etle péage, le choixest vite fait,,De l’internaute, Xsb

CREUSE Le nombre d’accidents mortels diminue au fur et à mesure de l’aménagement en 2x2 voies

Unaxedeplusenplussûrdepuis dix ans

Hervé [email protected]

L es chiffres ont ceci departiculier qu’ils sontincontestables : sur les

124 morts enregistrés surles routes creusoises entrejanvier 2001 et décem­bre 2010, 23 ont été cons­tatés sur la RCEA dont 19sur des secteurs où la rou­te n’était pas encore amé­nagée en 2x2 voies, enparticulier entre Gouzonet la limite avec l’Allier.

Quatre automobilistes“seulement” est­on tentéde dire, ont ainsi perdu la

vie sur des sections amé­nagées en voie express :l’un avait abusé de stupé­fiants, un autre, en 2005,avait perdu le contrôle deson véhicule à la suited’un excès de vitesse, untroisième, un motard en2007, avait presque 2 grd’alcool dans le sang, lequatrième s’était endormiau volant et avait violem­ment percuté la rambardede sécurité.

Quatre en dix ans, c’estbien peu quand, dans lemême temps, le trafic surl’axe a doublé passant de

8.500 véhicules/jour en2000 à près de 17.000 l’andernier, voire à près de20.000 en juillet­août dont20 % de poids lourds.

Radars renforcés« Il y a une corrélation

évidente entre l’avance­ment des travaux sur laRN 145 et la baisse dunombre des accidentsmortels, analyse le majorBrunet, de l’EDSR (*) de laCreuse, d’autant que, dès2007, quand la 2x2 voiesest arrivée à Gouzon, nousavons renforcé les contrô­les sur le secteur Gouzon­limite de l’Allier, avec desradars fixes mais aussiavec des radars embar­qués. On avait constaté,en effet, que la plupart desaccidents mortels sur laroute pas encore aména­gée, étaient des collisions

véhicules légers­poidslourds lors de dépasse­ments dangereux. Ceschoix ont fini par attein­dre leur objectif : il n’y aeu aucun accident mortelsur l’ensemble de la RCEAe n C r e u s e e n 2 0 0 9et 2010 ».

Mais pourquoi donc cet­te RCEA est­elle emprun­tée par autant de poidslourds ? « C’est simple, ex­plique Alain Lancereau,journaliste spécialisé dansle transport routier, la pro­duction industrielle a étédélocalisée à l’est de l’Eu­rope et les produits sonttoujours consommés àl’ouest. Or, le seul axe gra­tuit entre l’est et l’ouesteuropéens, c’est la RCEA ».

La gratuité, le mot estlâché : dans un secteur deplus en plus dérégulé, cela

compte de plus en plus. Ilsuffit de circuler sur l’axepour remarquer de plusen plus de camions imma­triculés en Pologne, Tché­quie, Slovénie ou Lituanie.Une présence qui poseune autre question : est­ceque les chauffeurs de cespays sont bien formés ?Pour Alain Lancereau, la

réponse est claire : « EnRoumanie, on peut ache­t e r u n p e r m i s p o u r500 €… ». Reste qu’aucunchauffeur roumain n’a étéimpliqué, dans un acci­dent mortel sur la RCEAcreusoise depuis de nom­breuses années.

(*) Escadron départemental desécurité routière.

S’il fallait démontrer l’absolue nécessité en terme de sécu-rité routière d’aménager les grands axes routiers en 2x2voies, il suffirait de reprendre les chiffres de l’accidentalitéde la partie creusoise de la RCEA : en dix ans, le nombred’accidents mortels sur cet axe dont la fréquentation adoublé dans la même période a diminué au même rythmeque les travaux de mise à 2x2 voies avançaient.

ACCIDENTS. Sur les 124 morts enregistrés depuis 2001 sur les routes creusoises, 23 ont été constatés sur la RCEA dont 19 sur des sections non encore aménagées et “seulement” 4 en secteur à 2x2voies. PHOTO : STÉPHANE LEFÈVRE

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Supplément RCEALa route de la honteRCEA

CREUSE Les communes longeant la RCEA connaissent un regain démographique et économique

Une route qui nourrit tous les espoirs

Hervé [email protected]

E n 1999, la communede Lépaud comptait342 habitants ; elle en

compte aujourd’hui 412.Même constat à Verneigesoù la population est pas­sée de 85 habitants en2001 à 105 en 2009. Leschiffres restent modestes,mais pour ces deux com­munes de l’est creusoisimplantées le long de laRCEA, ils sont révélateursde ce que peut leur appor­ter “LA” route dont ils ontattendu la réalisation pen­

dant trente ans. « Aujour­d’hui, il n’y a quasimentplus rien à louer ou à ven­dre dans la commune »,confiait dernièrementMaurice Jolicard, le mairede Lépaud. Son collègueGilles Chassagne, de Ver­neige, indique que « si lap o p u l a t i o n c o n t i n u ed’augmenter, le principalp r o b l è m e q u e n o u saurons à régler sera celuid’une garderie pour lestout­petits ».

Les nouveaux arrivantssont, en effet, souvent, dejeunes couples avec en­

fants qui travail lent àMontluçon, désormais àmoins d’un quart d’heurede voiture.

Cet afflux de nouvellepopulation se fait mêmesentir jusqu’à Gouzon oùle maire, Cyril Victor, s’estlancé dans la révision deson PLU pour prévoir denouvelles zones à cons­truire. Mais Gouzon et sonmaire espèrent bien attirerégalement de nouvellesactivités.

« La première tranche denotre zone d’activités estcomplète, la seconde esten cours de réalisation etnous avons déjà des réser­vations, annonce­t­il, toutcela, c’est l’effet RCEA ».

Un effet boosté par lesAides à Finalité Régionale,ces fameuses AFR finan­

cées par l’Europe maisdont les territoires bénéfi­ciaires ont été définis parla Région et l’État.

En Creuse, seules lescommunes longeant laRCEA de La Croisière àGouzon, puis de Gouzon àLa Courtine via Aubussonle long de la RD 990, enbénéficient. À l’est deGouzon, les communes ensont privées en Creusemais pas dans l’Allier, cequi fait hurler les mairesconcernés.

En attendant, l’axe à 2x2voies a été, bien avant sonachèvement, un argumentde poids des élus et déci­deurs dans leurs effortspour faire venir des inves­tisseurs en Creuse. À Gué­ret notamment, la présen­ce de la route a beaucoupcompté dans la décision

des dirigeants d’Abiodis,une société spécialiséedans la production d’élec­tricité par méthanisation,de s’implanter à Guéret.

Quant à La Souterraine,le maintien, voire le déve­loppement de son tissu in­dustriel, tient beaucoup àson emplacement idéal au

croisement de l’A 20 et dela RCEA. Porteuse d’es­poir, outil d’un désencla­vement enfin réalisé, laRCEA est, dans le mêmetemps, devenue un sym­bole : elle est coupée parles manifestations à l’oc­casion des gros coups decolère sociale…

Dans un département où le consensus est plutôt rare, il y aau moins une chose sur laquelle les élus et décideurs detous bords sont d’accord : la RCEA est un outil de dévelop-pement à la fois démographique et économique pour laCreuse. De nombreuses initiatives sont ainsi prises pour quel’axe ne se limite pas à un long tuyau fermé mais qu’ildevienne un pipeline irriguant le territoire qu’il traverse.

GUÉRET. Dans sa traversée de la Creuse, la RCEA longe plusieurs zones d’activité, comme ici dans la ville-préfecture où les élus mettent souvent en avant leur facilité d’accès. PHOTO : STÉPHANE LEFÈVRE

RCEA : LA ROUTE DE LA HONTE

Hors-série - Avril 201145, rue du Clos-Four - 63056 Clermont-Ferrand Cedex 2 - Tél. 04.73.17.17.17

Président-directeur général, directeur de la publication :Jean-Pierre Caillard

Directeur des rédactions : Pierre GirondeRédacteurs en chef : Philippe Rousseau, Philippe Vazeille

Chef de projet : Sandrine ThomasTextes : Leïla Aberkane, Elsa Charnay, Robert Guinot,

Hervé Moisan, Pierre Raynaud, Fabrice Redon, Sandrine ThomasPhotos : Philippe Bigard, Jean-Marc Schaer, Séverine Trémodeux,

Stéphane LefèvreInfographies : Philippe Chapelle, Laurent Chazal

Imprimerie :Centre d’impression de l’Yonne Républicaine, 89000 Auxerre

N° de commission paritaire : 0415 C 86413

Page 46: RCEA, la route de la honte

JEUDI 21 AVRIL 2011 47

Supplément RCEALa route de la honte RCEA

ANDRÉ CHANDERNAGOR L’un des pères fondateurs de cette route revient sur une épopée de 40 années

« Nous n’avons jamais rien lâché »

Robert [email protected]

C’ é t a i t e n 1 9 6 7 àNiort. La caricaturecampe Louis Es­

cande, député­maire deMâcon, André Chanderna­gor, député de la Creuse,le sénateur de la CreuseEugène Romaine, des re­présentants de la CCI deMontluçon et quelquesautres personnalités, dontun député des Charentes,en pleine discussion avecle directeur national desroutes. C’est ce jour­là quel’ARCEA, l’Associationpour la Route Centre Eu­rope Atlantique, est née.Plus de quarante annéesont passé. André Chander­nagor conserve précieuse­ment cette caricature quia aujourd’hui valeur dedocument.

Groupe de pression« Il existait l’Assocation

de la route Suisse­Océan,à but touristique. Elle étaitprésidée par Louis Escan­de qui siégeait avec moi àl’Assemblée Nationale.Cette route était dans unétat épouvantable. AvecEscande, je me suis em­ployé à convaincre lespouvoirs publics de la né­cessité de réaliser unegrande route transversale.Escande connaissait bienles Ponts et Chaussées, ilétait soucieux du rayonne­ment de Mâcon et était,de plus, marié à une Creu­soise. Alors nous avonscréé un groupe de pres­sion. Nous avons invitéM. Dreyfus, directeur desroutes, à une réunion àNiort. Il a accepté qu’uneétude sérieuse soit réali­sée. Tout est parti de là ».

Louis Escande est ainsi

devenu le président del’ARCEA, André Chander­nagor, le premier vice­pré­sident. Les deux hommes,des amis, ont constam­ment travaillé ensemble.L’association a recruté unpermanent et une secré­taire. Elle a fait appel à unconsultant ainsi qu’à quel­ques personnalités de latrempe de Jean Valleix, dé­puté­maire du Bouscat(Gironde) et de JacquesChaban­Delmas. C’estainsi qu’Escande, Chan­dernagor et Valleix sontdevenus les “pèlerins de laRCEA”.

« J’étaispersuadé que lesinitiativesdevaient venird’en bas »

« Nous avons rendu visi­te à toutes les collectivitésconcernées par la route.Nous avons drainé jus­qu’en Vendée. Nous avonsconnu quelques difficultésdans l’Allier mais l’élec­tion de Jean Cluzel à laprésidence du Conseil gé­néral a tout arrangé. Moi,à l’époque, j’étais députéet conseiller général. Leprésident du Conseil gé­néral me laissait agir à maguise. J’ai eu la chance detravailler avec JacquesChartron, alors jeune pré­fet de la Creuse. C’est luiqui m’a suggéré de pren­dre la présidence du Co­mité d’expansion écono­mique. Je considérais, àl’époque, que la Creuseétait enclavée sur tous lesplans. J’étais persuadé queles initiatives devaient ve­nir d’en bas ».

En 1973, André Chander­nagor est élu président duCo n s e i l g é n é ra l d e l aCreuse et l’année suivanteprésident du Conseil ré­gional du Limousin. Deuxfonctions qui ont facilitél’avancement du dossierbien que siégeant dansl’opposition au pouvoirparisien.

Aujourd’hui, 44 ans aprèsla réunion de Niort, l’an­cien ministre ne peut sesatisfaire de la situationactuelle : « Certes, la RCEAest à quatre voies dans latraversée de la Creuse.Mais, ai l leurs, i l restebeaucoup à faire. Le dé­senclavement n’est jamaisgagné ». Et d’édicter quel­ques règles simples : « Nepas se contenter de pleu­rer misère en se regardantle nombril, inscrire desperspectives d’avenir au­delà du département, et,enfin, rassembler les éner­gies au lieu de les opposercomme c’est souvent lecas ».

La RN 145 est, depuis jan-vier dernier, à quatre voiesdans la traversée de laCreuse. C’est l’aboutisse-ment de plus de 40 ans d’ef-forts et de travaux. AndréChandernagor, ancien mi-nistre, ancien député et pré-sident du Conseil général dela Creuse, témoigne.

ANDRÉ CHANDERNAGOR. L’ancien ministre et élu creusois a été pendant des années l’un des « pèlerins » de la RCEA qui ont fini parconvaincre les pouvoirs publics de réaliser une grande route transversale de Mâcon à la rive atlantique. ARCHIVES LA MONTAGNE

1921Naissance dans la Vienne

1981-1982Ministre chargé desAffaires européennes

1983-1990Premier président de laCour des Comptes.

1958-1981Député de la Creuse

1973-1983Président du Conseilgénéral de la Creuse

1974-1981Président du Conseilrégional du Limousin

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