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Journée de recherche de l’Institut Psychanalyse et Management Jeudi 20 novembre 2014 ESDES Souffrance et collectif au travail : quand le collectif du faire et le collectif du dire se conjuguent pour protéger le sens du travail Nathalie Geneste 1 , Marie-Christine Monnoyer 2 , Emmanuel Pic 3 Sans doute la souffrance est-elle consubstantielle au travail, mais si la plupart des « travailleurs » conservent un état dit de « normalité », c’est selon Dejours (2004) : « le résultat d’un compromis, toujours plus ou moins précaire, construit par les hommes et les femmes qui travaillent pour éviter les effets délétères des contraintes de travail sur la santé mentale ». Ce compromis peut émaner des individus eux-mêmes car le travail est aussi source de satisfactions et de construction de soi. Il peut aussi provenir des caractères de la régulation apportée (Clergeau et Pihel, 2010) et de la transformation des phénomènes organisationnels qui sont à l’origine des troubles constatés (Sardas et al., 2011). C’est en tous cas un compromis qui se construit selon la qualité de la relation à un collectif de travail qui va permettre, ou non, à chaque personne de résister aux torsions du sens que lui impose l’entreprise, tôt ou tard. L’analyse de la souffrance au travail s’échafaude ici sur la reconnaissance, l’affirmation, l’intégration et la traduction des représentations cognitives de la personne qu’il s’agit de maintenir, ou de rétablir, dans un mode sain de relations au collectif. En effet, la qualité de la relation agit comme 1 Nathalie Geneste, Maitre de conférences en sciences économiques, Université de Bordeaux/ Centre Aquitain d’Histoire du Droit 2 Marie-Christine Monnoyer, Professeur en sciences de gestion, Université Toulouse 1 capitole/IAE 3 Emmanuel Pic, Docteur en théologie, Psychanalyste 1

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Journée de recherche de l’Institut Psychanalyse et Management

Jeudi 20 novembre 2014ESDES

Souffrance et collectif au travail :quand le collectif du faire et le collectif du dire se conjuguent

pour protéger le sens du travail

Nathalie Geneste1, Marie-Christine Monnoyer2, Emmanuel Pic3

Sans doute la souffrance est-elle consubstantielle au travail, mais si la plupart des « travailleurs » conservent un état dit de « normalité », c’est selon Dejours (2004) : « le résultat d’un compromis, toujours plus ou moins précaire, construit par les hommes et les femmes qui travaillent pour éviter les effets délétères des contraintes de travail sur la santé mentale ». Ce compromis peut émaner des individus eux-mêmes car le travail est aussi source de satisfactions et de construction de soi. Il peut aussi provenir des caractères de la régulation apportée (Clergeau et Pihel, 2010) et de la transformation des phénomènes organisationnels qui sont à l’origine des troubles constatés (Sardas et al., 2011). C’est en tous cas un compromis qui se construit selon la qualité de la relation à un collectif de travail qui va permettre, ou non, à chaque personne de résister aux torsions du sens que lui impose l’entreprise, tôt ou tard.

L’analyse de la souffrance au travail s’échafaude ici sur la reconnaissance, l’affirmation, l’intégration et la traduction des représentations cognitives de la personne qu’il s’agit de maintenir, ou de rétablir, dans un mode sain de relations au collectif. En effet, la qualité de la relation agit comme facteur de gestion des émotions dans les périodes de fragilisation personnelle (deuil, maladie, divorce, dépression…) Elle opère sur les interférences, négatives comme positives, entre vie familiale et vie professionnelle, désépaississant les premières, optimisant les secondes (Paugam, 2007). Dès lors, aucune entreprise, encore moins celle engagée dans la RSE, voire se pensant comme communauté (Monnoyer et al., 2014), ne devrait oublier qu’elle est un lieu où se rencontrent des sujets de désir. Ils s’y confrontent à des enjeux de pouvoir et à des intérêts économiques puissants.

Repérer, interpréter, expliquer et réduire des tensions devenues personnellement insupportables et économiquement contreproductives reste pourtant difficile. Les acteurs sociaux demeurent, souvent, dans une posture simultanée, et inconséquente, d’attention sélective portée aux seules causes individuelles de la souffrance, et d’inattention à l’égard des niveaux de l’organisation et de la régulation socio-productive. C’est d’ailleurs régulièrement le cas dans les périodes de transition productive (historiquement pour la France de transition industrielle). Ces « perspectives individuelles et atomicistes, étroites et technicistes » oublient et/ou masquent les possibilités d’une réflexion qui conjuguerait des formes d’accompagnement sur le plan managérial (éthique de responsabilité, espaces de discussion), 1 Nathalie Geneste, Maitre de conférences en sciences économiques, Université de Bordeaux/ Centre Aquitain d’Histoire du Droit2 Marie-Christine Monnoyer, Professeur en sciences de gestion, Université Toulouse 1 capitole/IAE3 Emmanuel Pic, Docteur en théologie, Psychanalyste

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sur le plan économique (collectif du travail) et sur le plan personnel (cure psychanalytique) ; ce type de posture occulte en somme la possibilité de se saisir de la question de la souffrance au travail dans toute « son ampleur, dans sa dynamique organisationnelle, d’une part, dans sa dynamique subjective, d’autre part. » (Detchessahar, 2013)

Soumises, en somme, à des désirs antinomiques, les organisations productives se cherchent et envisagent des outils - y compris juridiques - susceptibles de réduire les antagonismes (Segrestin et al., 2012, Roger et al., 2012). Elles convoquent des dimensions éthiques dont le caractère trop personnel ne permet pas la généralisation. Les travaux de psychologie sociale (Loriol, 2006) permettent d’identifier cette impasse en recensant trois sources aux problèmes psycho-sociaux actuellement vécus par les actifs :

L’organisation de la production sous la forme du travail prescrit dont l’une des caractéristiques est de ne guère intégrer l’imprévu. Associé à de faibles marges de manœuvre sur le poste, l’écart entre travail prescrit et travail réel fait naître des troubles chez le salarié.

Le degré de reconnaissance de la hiérarchie vis-à-vis des tâches effectuées. Le manque de reconnaissance a des effets négatifs sur la santé et l’intégration des personnes.

Les caractères du collectif de travail dont la qualité impacte la résistance des salariés confrontés à des situations difficiles (Carpentier-Roy, 1995).

Pensée cette fois à travers une démarche psychanalytique, la souffrance au travail peut être reliée aux trois concepts freudiens d’inhibition, de symptôme et d’angoisse (Freud). Jacques Lacan les a réintégrés dans son entrelacs borroméen du Réel, de l’Imaginaire et du Symbolique (Lacan, 1974). Il les place comme autant de résistances au dévoilement du sujet et à la construction de ses relations avec la communauté dans laquelle il vit et travaille. Pour le dire différemment, l’angoisse jaillit dans les représentations mentales de la personne (Imaginaire) lorsqu’elle se trouve confrontée dans sa vie personnelle au travail ou chez elle (Réel) à un ou plusieurs évènements douloureux qui viendraient raviver un traumatisme ancien auquel elle ne peut donner sens (Symbolique).

S’appuyant sur ces deux démarches de pensée, notre question de recherche cible le rôle, positif ou négatif, sur la personne en souffrance, du collectif de travail (voire de la communauté) lorsqu’il existe. Pour y répondre, nous présenterons les apports des gestionnaires et des psychanalystes et les confronterons aux observations issues d’une étude de cas.

I – La transformation des modes de gestion comme source de la souffrance au travail

L’histoire économique, dans ses dimensions macroéconomiques comme monographiques, rappelle que les transitions industrielles placent systématiquement entreprises et salariés dans des conditions complexes de transformation des processus productifs. L’histoire de l’évolution des processus de travail en France a toujours été, au moins partiellement, celle de l’acculturation dans l’organisation d’innovations techniques ou de pratiques extérieures voire étrangères. Chaque fois que cette démarche renvoie exclusivement à une culture et à un discours de la technique plutôt qu’au sentir ou au dire de la personne au travail (on dirait aujourd’hui au ressenti et à la parole), elle est ambivalente. Certes, elle épargne de la fatigue au salarié : en fait, elle transforme celle-ci en substituant à la fatigue musculaire (physique) celle de la concentration, de l’attention et de la tension nerveuse (psychologique). Elle fait

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plus vite et mieux pour ce qui est du travail répétitif et pénible, notamment pour les gestes où la volonté prend moins de part. Mais alors le travailleur devient interchangeable et son adresse comme ses sentiments désormais importent peu à l’atelier, sur la chaîne, en front office, dans la chambre du malade... Bien plus, ses observations, ses propositions sont largement minorées face aux progrès annoncés par l’évolution technologique. Les analyses en termes de moteur humain développées au cours du 19°siècle, convoquant notamment l’expertise de l’ergonome, traduisaient déjà cette ambivalence.

I.1 Les innovations organisationnelles et leurs contraintesÀ partir des années 1980, des innovations organisationnelles ont été rendues possibles par l’utilisation des TIC dans les processus productifs (Djellal et Gallouj, 2007). Des pratiques tayloriennes pénètrent alors dans le secteur des services aux entreprises ou à la personne et dans les travaux intellectuels et se diffusent à la quasi-totalité du secteur sous des formes plus ou moins prégnantes, avec des effets plus ou moins incisifs voire anxiogènes (Zarifian, 2009). Des formes de télescopages apparaissent entre un retour vers le fordisme dans certaines sphères d’activité (front office, contact, R&D, logistique) et une autonomisation du travail dans les tâches de production matérielle ou servicielle (De Coninck, 1998 ; Veltz, 2009). Ces modulations correspondent à des attentes des salariés, parce qu’elles permettent davantage d’autonomie et sous-entendent un plus large accès aux informations et l’usage plus reconnu des connaissances personnelles. En revanche, elles modifient profondément les formes de contrôle, puisqu’il faut désormais rendre des comptes périodiquement. Cela suppose tant la pratique de l’auto-attestation qui renforce la responsabilité du salarié que la mise en œuvre d’une auto-discipline entre les périodes de contrôle avec des conséquences négatives lourdes si le salarié n’a pas su ou pu s’auto-discipliner.

Pendant cette période, les organisations se sont transformées. Elles ont muté en se rationalisant ; elles ont tordu, jusqu’à la rompre, la chaîne du collectif à l’œuvre en leur sein, à tel point qu’il semble difficile de qualifier de façon générale les structures productives actuelles. De Coninck (2004) utilise le terme « d’effritement » des organisations. Zarifian (2005) évoque des structures qui ne sont pas ou plus tayloriennes mais qui impliquent l’intégration d’une quadruple modulation dans le management du travail et des hommes : modulation du temps (de travail, moments d’engagement du salarié), modulation de l’espace (reconfiguration des espaces de travail, variété des lieux d’exercice du travail), modulation de l’activité (variabilité de l’intensité de l’engagement du salarié), modulation de la rémunération (part variable du salaire, intéressement aux résultats de l’entreprise). L’impact de ces restructurations productives sur les postes de travail et sur la réalité des tâches à accomplir semble, pourtant, largement sous-estimé (Vassal, 2008), en particulier dans les activités de services pour lesquelles la question de l’isolement du travailleur au sein même de la relation servicielle commence tout juste à être mieux considérée. Ce secteur estimé jusque-là comme peu productif et innovateur n’avait pas fait l’objet d’analyses managériales approfondies.

Pour autant, les travaux menés tant en sociologie du travail qu’en ergonomie insistent sur la diminution du « pouvoir d’agir » des personnes au travail (Clot, 2008). Les conséquences sur la santé psychique des salariés sont désormais visibles et semblent s’élargir à tous les secteurs, tous les niveaux de responsabilité et aux deux sexes (Gollac et Volkoff, 2000, Dejours, 2009). L’absentéisme demeure la soupape de sécurité : il était au moins partiellement un mode de reconstruction d’une forme de lien social dans le passé (pratique du saint Lundi dans l’industrie du 19° siècle), il est désormais symptôme de l’effacement du sens du travail.

Cela pose la question des ressorts de l’investissement de chacun dans son travail : pour quelle part relèvent-ils des compétences propres et/ou du sentiment d’appartenance à une

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communauté productive ? Dans un cas comme dans l’autre, et quelle que soit la mesure de ces facteurs, c’est bien une personne intégrale avec laquelle l’entreprise doit apprendre encore aujourd’hui à coopérer. Elle recrute toujours pour acquérir des compétences et des techniques manuelles mais elle éprouve ensuite les formes d’apprentissage, de comportements, de représentation, de réponses d’adaptation et finalement de relation que l’employé déploie en son sein.

Face à ces risques potentiels ou croissants de développement de mal être, voire de souffrance au travail, la qualité de la régulation, qui peut se jouer à trois niveaux – régulation managériale, conjointe ou individuelle -, augure à la fois des modes d’accompagnement possible de la personne en souffrance et de leur efficacité.

I-2 : Souffrance au travail et formes d’accompagnement des personnesL’application des pratiques de régulation forgées dans le monde industriel ne semble pas avoir apporté les éléments de compromis nécessaires dans les organisations productives désormais largement tournées vers la production de services (Clergeau et Pihel, 2010). Les managers de proximité qui se trouvent à l’interface entre le terrain et la haute direction doivent endosser une responsabilité qui se révèle souvent trop grande pour eux. D’autant que l’écart existant désormais entre travail prescrit et travail réel provient de l’augmentation de l’instabilité de l’environnement comparée à celle qui caractérisait l’économie du début du 20° siècle dans lequel réfléchissaient Taylor ou Fayol4. Cette instabilité rend plus délicate l’élaboration des prescriptions et met en cause l’intérêt d’une régulation centrée sur le contrôle.

A contrario, cette instabilité valorise le principe d’une régulation conjointe s’appuyant sur un compromis entre régulation de contrôle et régulation autonome (Reynaud, 2007 ; Clergeau et Pihel, 2010). En passant, comme le remarque Alter (2011), du pacte au contrat, ou en d’autres termes de la confiance à la mesure, entre la direction et les salariés, nombreuses sont les entreprises qui ont stérilisé l’engagement personnel et la possibilité d’une régulation conjointe. Pourtant l’implication perdure largement. Elle fait naître une faim de reconnaissance (Honneth, 2005), montre l’attente des salariés envers leur management et particulièrement celui de proximité. Il faut insister encore sur ces différents points pour ouvrir un champ plus vaste de pistes vers un meilleur équilibre au travail. Faute d’engager cette réflexion, le risque est celui de voir le débat sur la souffrance au travail s’orienter de manière univoque vers la seule « psychologisation du social » (Loriol, 2000), témoignant ainsi de la disparition des points de repères organisationnels, syndicaux voire politiques permettant de penser les relations donc les conflits de travail. Le sens du travail ne doit pas être approché à travers le prisme d’une société que l’on ne parviendrait à qualifier qu’en termes pathologiques.

Sous cet angle, les maux du travail ont en fait été identifiés très tôt dans l’histoire des organisations. Au 19°s, la création des académies de médecine, les publications d’ouvrages et de traités médicaux, d’enquêtes ouvrières et la composition de statistiques publiques permettent la prise de conscience et la reconnaissance de l’impact de l’organisation du travail sur l’état sanitaire de la population. Toutefois, l’accélération et l’intensification de l’industrialisation opèrent par une marche en avant qui, au nom du progrès technique et de

4 Henri Fayol, 1841-1925, ingénieur français, auteur de l’Administration industrielle et générale publié en 1918 ; il est considéré comme l’un des précurseurs du management. Ses analyses sur les fonctions de l’administrateur de l’entreprise et les principes de gestion de celle-ci le rapprochent de Frédéric Taylor auquel il est souvent comparé.

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l’ordre social, relativise, passe sous silence, ou va parfois jusqu’à nier les effets du travail sur la santé. L’ouvrier devenu rouage de la production se trouve littéralement désincarné. Souffre-t-il ? La cause est à chercher dans les mœurs douteuses qui sont les siennes hors d’une organisation bienfaisante puisqu’elle le canalise. Le déni et le silence sur les maux du travail coïncident bien historiquement avec les mutations organisationnelles des deux siècles écoulés. Les deux expressions de ce déni – se taire (de la part du patronat) et ne pas autoriser la parole (aux ouvriers) –, ferment la porte aux formes élémentaires de reconnaissance donc aux supports de l’implication et de l’engagement dans l’entreprise.

Aujourd’hui encore, les systèmes de production contemporains sollicitent les savoir-faire des salariés tout autant que leur créativité, leur intuitions, leur capacité à déroger de manière performante au script, leur subjectivité, leur personne toute entière en somme. Mais lorsque les frontières entre vie privée et vie professionnelle deviennent poreuses, lorsque le sentiment de disqualification se généralise, lorsque les arrêts de travail se multiplient et animent le spectre des risques psycho-sociaux, l’organisation encourage ses salariés à prendre de la distance, à lâcher prise (Le Goff I., Ostermann G., 2014). Étrange proposition (injonction ?) pour des salariés souffrants parce que surinvestis et qui la reçoivent de fait comme un paradoxe ! La discussion sur la santé psychique au travail devient alors de plus en plus un substitut à un (pourtant) indispensable débat social à l’intérieur de l’organisation et dans son environnement. Depuis une vingtaine d’années, le succès des travaux de Christophe Dejours en est l’une des manifestations.

Si l’organisation parvient à stimuler et mettre en avant le rôle de la reconnaissance du travail fourni, les capacités d’adaptation propres à chacun, le rôle résiliant des représentations mentales individuelles n’est pas pour autant forcément mis en échec. Cela implique que la qualité de ce travail réellement fourni et l’écart possible avec le travail prescrit aient été observés par l’échelon hiérarchique au contact du travail effectué - c’est-à-dire le manager de proximité - puis transmis et mémorisé par les échelons supérieurs au(x) collectif(s) à l’œuvre dans l’organisation. Il existe aujourd’hui plusieurs conceptions théoriques de la reconnaissance en milieu de travail. Le souci de l’autre qui peut être porté par la perspective éthique est consolidé désormais par des perspectives plus sociologiques et managériales. Les travaux de Dejours (1993) ont ainsi permis de distinguer, dans le registre du symbolique, deux modes de valorisation du travail réel : le jugement d’utilité et le jugement de beauté. Le jugement d'utilité émane du personnel d'encadrement, des supérieurs hiérarchiques mais aussi des clients, usagers, patients, bénéficiaires du service… Il porte sur l'utilité économique, technique ou sociale du travail réalisé par la personne et transparaît dans l’élaboration du travail prescrit et le contenu de la fiche de poste. L’écart qui s’instaure entre prescription et réalité est dès lors assimilé par le salarié comme une non-reconnaissance. Le jugement de beauté est, lui, émis par les pairs, les collègues, les subordonnés qui apprécient la qualité du travail effectué et les efforts consentis pour l'exécuter. S’il est porté par le collectif de travail, il conforte alors la position et la dignité du salarié et peut l’aider à supporter l’absence ou le caractère négatif du jugement d’utilité. Le jugement de beauté a fondé les collectifs de métiers lors des transitions industrielles françaises. Car, qu’est le métier sinon l’attention, la responsabilité, l’intelligence, l’habileté, le caractère machinal aussi et finalement la combinaison de ces exigences qui le caractérisent ? Ces dimensions produisent une hiérarchie des compétences, des connaissances, socialement reconnues, auxquelles sont attachés un jugement de valeur plus ou moins explicite, un prestige et un niveau de rémunération : du sens en somme. Depuis 20 ans environ, on peut ajouter à cette analyse une attention au processus de travail et plus particulièrement à l’investissement dans le travail (Carpentier-Roy, 1995). Par là même, on ne limite plus la perspective éthique à l’attention à l’autre en tant que

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personne, mais à l’attention à l’autre en tant que personne au travail, impliquant son corps, son intelligence et sa créativité, transcrits dans la pratique, l’investissement et les résultats du travail.

Ainsi, au travail prescrit déconnecté du terrain répond, en résonnant, le travail vécu, expérience du manque de reconnaissance, épreuve de l’absence de sens. L’autonomie, non régulée, est alors délétère, elle est vécue comme un abandon. Le salarié s’implique parce qu’il voit assouvie sa soif de reconnaissance de la valeur de ses actes, de la responsabilité de ses actes et parce qu’il alimente son estime de soi. Que cette vertu du collectif s’amoindrisse, et le risque psychosocial surgit. La reconnaissance doit donc être affirmée, positivement et publiquement par un ensemble de médias qui expriment le fait que la personne possède une valeur sociale (Honneth, 2004 et 2005). C’est alors sa valeur propre mais aussi son appartenance à une communauté sociale que le travailleur peut identifier et appréhender. Dépendante d’un contexte d’échange social, la personne à travers les principes normatifs de reconnaissance réciproque se protège de l’influence du mépris ou de l’humiliation (qui relèvent des expériences vécues de déni de reconnaissance). Elle se protège encore de l’invisibilité dont témoignerait l’absence de toute manifestation de reconnaissance. Elle accède aux capacités et aux besoins spécifiques qui la constitue en tant que personne dont le rapport à soi se constitue d’un rapport à l’autre. La reconnaissance, sous toutes ses formes, allège, fait supporter le décalage entre prescrit et réel, mais elle n’est que palliatif si elle ne conduit pas à une révision de la prescription bien sûr via un enrichissement de la régulation conjointe.

La mission (et sa capacité à l’assumer) du manager de proximité est ici déterminante. Longtemps associé à la figure du contremaître, le manager de proximité est désormais un cadre opérationnel en charge de l’animation des équipes, de la gestion des tensions. Il est chargé de relever les contradictions perçues par les salariés et de proposer des mesures qui permettent pour un temps au moins de faire le travail. C’est lui que l’on convoque pour revisiter l’organisation du travail. Cette fonction suppose l’existence d’un échange entre ces deux niveaux, ce que Detchessahar (2011) appelle une dynamique communicationnelle, dont l’émergence n’est en rien spontanée. Les enquêtes menées suite à la mise en place des réseaux de prévention des pathologies professionnelles font apparaître les causes de cette faible dynamique communicationnelle. La communication suppose des espaces d’échanges au sein desquels les contradictions

citées plus haut s’expriment et se discutent. Les acteurs doivent pouvoir physiquement se retrouver. Or le développement des TIC, et

des pratiques de gestion qu’elles ont fait naître, intensifient les charges qui pèsent sur les managers de proximité. Ceux-ci sont désormais mobilisés par les systèmes d’information et les tâches de reporting qu’ils autorisent. Cette activité essentiellement administrative et hautement visible par la hiérarchie, éloigne le manager de son équipe. Par ailleurs, ces managers sont aussi largement mobilisés pour répondre aux demandes d’information externes des analystes, des évaluateurs. « L’hypertrophie de l’information semble chasser la communication » (Detchessahar, 2011). Le manager de proximité apparaît alors comme un manager empêché. Les démarches d’amélioration continue de la qualité dans le secteur social et médico-social, par exemple, conduisent à la production de données, de tableaux de bord qui se veulent des outils managériaux mais qui ne sont que très partiellement mobilisés (lus ?) et ressortent finalement inutiles et inaptes à rendre compte du réel du travail. Dans la finance de marché, les informations à collecter et formaliser pour témoigner de l’activité des entreprises à coter ne sont utilisées que pour 10% d’entre elles.

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Le manager de proximité est aussi en charge de la régulation de contrôle, car il est le garant de la conformité du service annoncé au client. Sa propre responsabilité est donc engagée et le rend peu enclin à la remise en cause des prescriptions.

Cela interroge sur la possibilité d’encadrer les effets délétères d’une application trop systématique du taylorisme, ou plus simplement et de plus en plus fréquemment de la prescription, dans les postes de travail au contact des clients dans les entreprises de services. Cela impose dans le même mouvement le nécessaire développement de pratiques de régulation adaptées au contexte économique et social des années 2000.

Dans un tel contexte, les solutions semblent s’ancrer notamment dans la gestion du temps, comme peuvent le rappeler les éléments d‘histoire aussi bien macro que micro-économiques :

Le temps de l’échange entre les différents niveaux hiérarchiques, le temps de la formation, car les cadres formés à l’encadrement des équipes s’orientent

plus aisément vers la régulation conjointe, le temps de l’appropriation des TIC, nécessaire à la distanciation vis-à-vis de ces

outils, le temps de la révision des modèles prescrits, enfin celui qui conduit à ce que certains appelleront le slow management (Roche,

2011).

Des solutions se trouvent encore dans la mise en œuvre d’espaces de régulation comme le montre Detchessahar (2011) ; « les individus ne font pas que subir l’intensification (du travail), ils y réagissent ». La charge de travail ou le degré d’exigence du travail ne sont pas à eux seuls problématiques pour la santé si l’environnement socio-psychologique du salarié lui permet de faire face à cette charge, de lui donner du sens et in fine de se l’approprier. La reconnaissance du travail du salarié devient facteur de reconstitution des ressources psychologiques et sociales au sens de Clot (2010). Ici, c’est tout l’environnement du salarié qui est à l’œuvre, notamment à travers le collectif de travail.

Cela interroge de fait également, aux côtés des études maintenant foisonnantes en matière de psychodynamique du travail ou des approches gestionnaires de la culture d’entreprise par exemple, le domaine du fait psychique institutionnel. Si l’on ne dispose pas de véritable théorie psychanalytique de l’institution, à commencer d’ailleurs par la constitution de son objet, les réflexions sur l’analyse de la réalité psychique de et dans l’institution existent et pointent notamment les difficultés narcissiques à penser le lien institutionnel (Kaës, 2014 ; Anzieu, 1979). Il demeure que c’est au plus profond et parfois du plus sombre de la confrontation de désirs aux modes de contrôle voire de répression que l’on peut, à travers l’interprétation psychanalytique, éclairer les ressorts, les vecteurs de sens qui conduisent la personne à réinvestir sa relation au travail de façon plus saine et plus sereine.

I.3 La relation de travail perçue dans une démarche psychanalytiqueLes trois concepts freudiens d’inhibition, de symptôme et d’angoisse évoqués précédemment permettent de comprendre comment la souffrance que peut générer une situation angoissante vécue dans le cadre du travail peut permettre à la personne d’advenir comme sujet de désir via l’articulation entre le conscient et l’inconscient.

Nous nous appuierons sur la définition de l’angoisse que propose le dictionnaire de la psychanalyse : « Angoisse automatique : réaction du sujet chaque fois qu’il se trouve dans une situation traumatique, c’est-à-dire soumis à un afflux d’excitations, d’origine externe ou

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interne, qu’il est incapable de maitriser. L’angoisse automatique s’oppose pour Freud au signal d’angoisse » (Laplanche J., Pontalis J-B., 1967). L’angoisse est bien une réaction à une situation traumatique que le sujet ne parvient pas à maitriser. Pour Lacan, « il est tout à fait saisissant de voir l’angoisse en tant qu’elle est quelque chose qui part du Réel, il est tout à

fait sensible de voir que c’est cette angoisse qui va donner son sens à la nature de la jouissance qui se produit ici du recoupement eulérien du Réel et du Symbolique. » (Lacan, 1974)

Source : J.Lacan, sténotypie du 10 décembre 1974, mise en couleurs E. Pic

Il convient également de définir la manière dont nous percevons la relation, celle-ci n’est pas périphérique à l’individu mais bien le lieu et l’enjeu où s’édifie la personne. Plus encore, l’homme ou la femme possède une dignité dans un jeu de relations réciproques. La dignité de l’être humain est avant tout relationnelle. Ainsi sa propre dignité surgit lorsqu’il crédite l’autre, quel qu’il soit, de cette même dignité. La relation de personne à personne - ou celle de communauté à communauté - apparait dès lors primordiale (Pic, 2010). Elle est vitale en bien des domaines. La relation aide à la transmission d’expériences, d’un savoir-faire et d’un savoir-être. Elle facilite l’intégration dans un groupe (se découvrir membre d’un « corps » sans pour autant perdre sa propre personnalité). Elle favorise le positionnement personnel dans un climat hostile voire violent (violence morale, verbale ou physique). Elle permet de se préparer à la confrontation à la mort (se préparer à cette rencontre et oser en parler, dire sa souffrance et ce que produit l’absence). Sur un plan social, la relation permet de percevoir les enjeux et les risques de toute communication (transfert, instrumentalisation inconsciente, prise de distance psychoaffective). La relation est aussi un facteur de gestion des émotions dans une période de fragilisation personnelle (deuil, maladie d’un enfant, divorce, dépression). Elle améliore la qualité des interférences entre vie familiale et vie professionnelle.

C’est donc bien la question de la qualité de la relation et de sa capacité de réponse aux stimuli organisationnels et/ou personnels que nous nous proposons d’observer à travers l’étude de cas qui suit.

II Relecture d’une situation de souffrance exprimée à partir d’un contexte de travail

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Suite à des demandes exprimées ou à des besoins repérés, des associations d’aide à la personne ont mis en place pour leurs salariés des espaces et des temps d’écoute et de parole animés par un modérateur. Il s’agit de permettre aux personnes de se réapproprier de manière libre, positive et enrichissante les expériences vécues dans le cadre de leur travail (moments forts ou douloureux, questions existentielles, rapport à la violence ou à la souffrance, etc.)

II-1. Méthodologie du casDans l’un de ces groupes d’avril 2010 à juin 2014, les paroles des participantes ont été collectées par le modérateur (prise de notes manuscrites) pour garder une trace et une mémoire des échanges dans le cadre de la conduite du groupe. La création de ce groupe de parole, qui existe depuis plus de 4 ans maintenant, est la conséquence d’un ensemble de constats de la part de la présidente d’une association d’aide à la personne et de la responsable administrative du pôle associatif auquel est rattachée cette association : « Fragilisation des employés (99 % femmes, 1% hommes), souvent eux-mêmes socialement en rupture, trop de pression, mise à distance difficile des problématiques douloureuses rencontrées dans les familles des bénéficiaires. Ils sont disponibles, à l’écoute, en proximité mais se transforment aussi en « éponges ». Le besoin de parler lorsqu’ils passent au bureau est évident mais une écoute bienveillante ne suffit pas de la part des cadres » (prise de note manuscrite de la réunion préparatoire avec les responsables, le 7 avril 2010).

Pour parvenir à restructurer une communication, ces équipes de 5 à 8 personnes se réunissent une fois par mois, pour un temps d’environ deux heures, dans un cadre bien distinct des locaux de l’employeur mis à la disposition de l’association par la commune. À chaque début de séance, 4 règles essentielles sont rappelées pour la bonne gestion de ce temps : liberté, confiance, respect et confidentialité. L’animateur fait mémoire de ce qui a été dit en fin de la séance précédente, sans faire mention du nom des participantes. Puis, chacun à son tour est invité à exprimer une situation ou une question liée à sa pratique professionnelle. Le reste du groupe écoute celui qui s’exprime jusqu’au bout de son intervention. Ensuite, chacun peut réagir en apportant son point de vue et sa propre expérience dans une situation similaire. Au terme de la séance, et après un bref temps de silence, destiné à favoriser la réflexion, chacun exprime ce qu’il retient de la séance.

Quelques expressions des participantes notées au terme des séances de relecture soulignent comment la relation est désormais en partie rétablie et ce que cela entraîne : « Cette rencontre m’a apporté : une aide morale, du soutien, beaucoup de bien, un échange. » «  Ici on se fait confiance, c’est une force qui nous pousse à avancer. » « J’ai senti un climat de liberté. » « Je vois l’importance de la parole. » « Dans notre travail on donne beaucoup de nous-mêmes, aujourd’hui j’ai mieux compris comment cela nous fait grandir. » « Un temps : de valorisation, de réciprocité, d’interpellation, d’échanges bénéfiques. » « Cela m’a permis de gérer le trop plein d’émotion. » « On analyse mieux la situation. » « J’avais tendance à tout garder pour moi. » « J’apprends à relier, à relire » « Le vécu des autres m’a apporté » « Depuis la dernière séance et dans une famille difficile, je me suis dit : Dans cette situation où je me trouve qu’est-ce qu’une autre collègue ferait ? »  « Ici j’ai pu poser mes problèmes » « Y-a des trucs qui sont remontés en moi. » « J’ai reçu : un soulagement, un réconfort. » « On se donne du temps » « On trouve des solutions personnelles » « Un mot pour qualifier notre séance ? Compassion, compréhension, conciliation. »  « J’ai fait la part des choses. » « C’est une détente quand je viens ici  ! » « On s’écoute » « J’ai compris qu’il faut que je trouve une nouvelle manière d’entrer en relation, de répondre » (paroles collectées dans les évaluations de fin de séance entre mai 2010 et juin 2011).

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II-1.1. Isolement et valorisation au travail

Ces évaluations seraient extrêmement positives si elles ne s’accompagnaient d’un corollaire qui interroge. En effet, moins de 20 personnes sur une centaine d’employés ont participé à au moins une rencontre du groupe de relecture sur les quatre dernières années. Les raisons sont à la fois structurelles et personnelles :

Sur un plan structurel, la participation à ce groupe est gratuite pour les aides à domicile car la totalité des frais de l’animateur est prise en charge par l’association. Cependant cette participation reste compliquée à mettre en place du point de vue de l’organisation du planning des participantes qui doivent jongler avec leur emploi du temps chez les bénéficiaires (et toute forme d’activité alternative) pour pouvoir se libérer deux heures consécutives en déplaçant leurs heures de travail.

Le paradoxe de la faible participation n’est ici qu’apparent : les moyens mis en œuvre (groupe de parole) pour objectiver, dire et faire apparaître ce qui est habituellement sous-estimé, incompréhensible ou invisible et reste largement implicite, apparaissent essentiellement comme des contraintes additionnelles de temps.

Sur un plan personnel, pour ces femmes dont l’emploi et la fonction sont peu valorisés, le sentiment de dévalorisation n’a jamais été aussi profond, n’a jamais généré autant de souffrance et de frustration. Il semble que cela soit vécu différemment par les hommes dont la présence quasi-symbolique est extrêmement valorisée dans ce cadre. Certes ces personnes ont « des choses à dire » mais elles ne parviennent qu’avec grandes difficultés à entrer en relation et à prendre la parole en public.

Le déficit de reconnaissance est d’autant plus sensible et sensibilisant pour ces femmes que la société considère largement ces emplois comme acceptables voire naturels là où ils sont encore jugés inconcevables pour des salariés masculins (Dussuet, 2013).

Cette dévalorisation provoque et élargit le sentiment d’isolement. Celui-ci est de plusieurs ordres :

Il y a celui engendré par le sentiment d’un déséquilibre relationnel : C’est le cas de ces personnes qui ont le sentiment d’être « chosifiées », ou bien encore qui se plaignent de ne plus être entendues autrement que dans leur fonction de « bonne à tout faire ». Les unes comme les autres ne veulent plus être considérées comme des objets mais redevenir les sujets de leur propre existence. Elles veulent être entendues pour ce qu’elles sont et n’ont pas uniquement pour ce qu’elles font.

La souffrance causée peut provenir aussi de manques psychoaffectifs réels ou imaginaires sur le plan de la vie personnelle. La relation au corps est comme niée ou au contraire survalorisée. Ce corps est vécu comme une marchandise ou trop encombrante ou trop adulée. En tout cas, il est comme coupé de toutes les autres dimensions de la relation. Un des chemins possibles, souvent long et difficile, semé de rechutes et d’impasses, sera celui de permettre à la personne de dénouer les nœuds de ses propres angoisses existentielles.

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Il y a également un isolement qui est le fruit d’un contexte défavorable sur le plan social, économique ou familial. Dans le domaine de l’emploi, c’est le sentiment de celles qui après 50 ans (après le deuil ou la séparation du conjoint) doivent se remettre en quête d’un nouvel emploi (nécessités extrinsèques) et sont prises de vertige devant des contraintes et des exigences professionnelles du travail d’aide à domicile qu’elles ne connaissaient pas et subissent avec violence (réalités intrinsèques, (Beaudry C., Gagnon M., 2013)).

Enfin, face à la constante proximité avec la mort des bénéficiaires par l’accompagnement en fin de vie, il y a la confrontation inévitable avec sa propre finitude. Question sans cesse repoussée à plus tard mais qui, en définitive, pose le sens ultime de la relation à soi, aux autres et à l’au-delà. Un travail de gestion de la relation avec les personnes aidées est donc à mener.

II-1.2. De la question de l’exogénéité/endogénéité des facteurs de la souffrance au travail

Cette situation a été retenue car elle est représentative de l’oscillation qui se manifeste, historiquement, dans l’analyse de la souffrance au travail. Certes, il s’agit d’un sujet en creux pour l’histoire économique (au risque véritable, à vouloir par trop l’expliciter, de multiplier les anachronismes). Pour autant, depuis plus de deux siècles, l’interrogation en la matière est tantôt portée sur les conditions dans lesquelles le travail est effectué, tantôt sur les caractéristiques des travailleurs qu’elles soient personnelles ou relatives à leur mode de vie. Cette bipolarisation de l’analyse semble structurer de façon permanente et irrépressible les analyses. Toutefois, aujourd’hui, l’ensemble des champs disciplinaires mobilisés sur la question, s’il retient l’idée d’une extériorité d’une partie des facteurs de risques de souffrances (attributs personnels ou sociaux formés en dehors des organisations productives ou représentatives du travail) qui viendrait perturber la vie au travail, considère dans le même mouvement que les contraintes organisationnelles, les exigences de productivité, le développement de l’ingénierie, exigent un resserrement des efforts et une accentuation des tensions agissant comme autant d’atteintes au bien-être psychique.

Pertinente également car cette situation dit les effets du mouvement initié dans les années 1980, depuis les secteurs de la banque et de l’assurance, qui a contribué à diffuser un accès apparemment simplifié aux ressources informationnelles, aux dispositifs et aux procédures de production, de coordination, d’évaluation et de contrôle. Pas une dimension des services qui n’ait été impactée aujourd’hui, y compris les services à la personne, à domicile. Ce processus de contagion des pratiques de régulation du travail par les TIC notamment stigmatise et maltraite de facto toute personne qui ne s’y coulerait pas naturellement (question de l’adaptation aux logiciels de traitement de l’information et des plannings ou du contrôle du temps optimal de la prestation par les systèmes de badges notamment). Or, en parallèle, les conditions générales de l’emploi se sont dégradées, les situations de précarité face à l’emploi se sont multipliées, la pression du chômage s’est accentuée et la régulation des tensions professionnelles et de la disparition du sens par les mobilités professionnelles a reculé. De fait, les modes de management (du plus inconsistant au plus directif) sont devenus autant d’exigences supplémentaires et, à la limite, autant de sources au sentiment d’agression des personnes au travail (Cf. parcours professionnel de Monique dans le cas ci-dessous).

Situation intéressant notre question de recherche enfin, car elle dit aussi bien des choses sexuées (genrées ?) de la souffrance au travail et au fond de ce que l’on pourrait appeler (à

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travers l’histoire économique et psychanalytique d’ailleurs) la naturalisation de la situation dépressive : « de tout temps, la femme a été reconnue plus « nerveuse » que l’homme sans qu’on sache exactement en quoi consiste cette nervosité. L’industrialisation à outrance a conduit vers les usines, les ateliers et les bureaux une main-d’œuvre féminine très importante qui y a importé sa nervosité. » (Chatrier, 1966). En outre, ce cas livre ici une approche renouvelée de la problématique de la souffrance au travail, en marge des conclusions maintenant bien connues portées par les études sur l’idéal-type de l’emploi masculin industriel fordiste, même si ces conclusion sont largement ambivalentes. Dans le secteur de l’aide à domicile, les plupart des contrats sont en CDI mais caractérisés par des dimensions féminines de précarité (Dussuet, 2001). En effet, ce sont des contrats multiples auprès d’employeurs différents, à temps partiel. Ils sont bien souvent, porteurs d’une faible reconnaissance de qualification corrélée à des salaires faibles et donc parfois inférieurs au SMIC : la perspective des salaires d’appoint féminins des temps de transitions industrielles n’est pas bien loin (Geneste, 1997)

En somme, comme désormais, dans les années 2010, la ressource de la défection ou de la prise de parole semble s’amenuiser (l’exit ou le voice selon la classification de Hirschman), la personne au travail est aussi bien sujet de désir qu’objet de menace, porteur de nuisance pour l’organisation qui l’emploie. Cette dualité met clairement en jeu les rapports entre espace du travail et espace hors-travail ainsi que la façon dont les forces sociales (politiques de l’emploi, syndicalisme, régulation organisationnelle, collectif au travail, personne au travail) accommodent ce partage, interrogeant à nouveau frais la question de l’acceptabilité de la peine au travail.

II-2. Présentation du casÀ partir du cadre de ce groupe de parole, nous retiendrons le cas de la relation entre « Monique et Bernard »5. Cela implique que nous considérons ici deux espaces du dire de la souffrance au travail : le groupe de parole voulu par l’association employeuse – auquel participe Monique – et la cure psychanalytique dans laquelle elle s’est ensuite engagée. Nous observons les deux au rang des modes d’accompagnement de la personne en état de souffrance au travail parce qu’ils rendent compte des tentatives de restauration du dire, tentatives portées y compris par un collectif du faire : l’organisation productive dans sa quête de régulation. Toutefois, les paroles retranscrites dans cette étude de cas sont exclusivement issues des réunions du groupe de parole. Le modérateur du groupe, qui transmet ce qui s’y dit, est psychanalyste, membre de l’école lacanienne de psychanalyse. À ce titre, il est à même de repérer le temps où le lieu du dire doit changer, le moment où, au-delà de la relecture de pratiques, il devient utile qu’analyste et analysant se retrouvent pour envisager la reconnexion du sens au travail et du sens hors-travail.

En mai 2010, Monique avait 43 ans, était mariée et mère d’un enfant. Elle travaillait dans l’association comme aide à domicile depuis un an. Précédemment, elle fut pendant de longues années agricultrice, puis, pendant trois ans, responsable d’une épicerie en milieu rural. Elle est l’une des personnes les plus régulières aux rencontres mensuelles du groupe de parole. Elle est toujours volontaire pour les différents types de formation qui lui sont proposés tant par l’association que par les organismes liés au département ou à la région. De Bernard, nous ne saurons que ce que Monique communiquera à son sujet. En 2010, il a 44 ans. Malade avec un traitement lourd qu’il a du mal à suivre, il a fait plusieurs longs séjours en psychiatrie et a fait

5 Les prénoms ont été modifiés.

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l’objet d’une procédure de protection juridique. Il ne sort jamais seul de chez lui et est suivi médicalement à domicile par une équipe d’infirmiers. Les rencontres avec le médecin psychiatre ont lieu au cabinet de celui-ci où Bernard se rend accompagné par une tierce personne (aide à domicile ou infirmier).

Dès la troisième année, face aux difficultés rencontrées sur un plan professionnel et familial, Monique s’est engagée dans un suivi personnel d’ordre psychologique de plusieurs mois. Les paroles retranscrites dans le cadre de cette étude sont uniquement celles de Monique, collectées par le modérateur dans sa prise de note au fil des séances du groupe de parole dans lesquelles Monique faisait allusion à son travail d’aide à domicile chez Bernard :

II-2.1 Se perdre dans la quête du sens : à l’intersection de l’entrelacs borroméen lacanien- 17 janvier 2011 : « Lassitude avec Bernard. Je fais 30 heures chez lui. C’est exténuant. Je

ne sais pas ce qui est vrai ou faux dans son comportement. Je veux être ni sa copine, ni sa sœur. Il est shooté par les médicaments. J’y suis depuis octobre. Il est respectueux. Parfois agressif et violent en parole. Je lui parle comme à un enfant, tout en restant à distance pour ne pas engendrer de malaise. C’est dur. Pendant 2 heures c’est le même discours. Je l’ai envoyé au lit dans une période de crise. Il ne sait ni lire ni écrire. Je ne sais pas ce qu’on fait là. On fait les courses ensemble. Il reste dans la voiture. Je l’ai emmené voir les illuminations de Noël. Il ne veut voir que des femmes. À travers lui, c’est un monde que j’apprends. Pas de formation, pas de réunion de synthèse avec les infirmiers, les éducateurs, le psy ou la tutrice. Je travaille à l’instinct. J’ai regardé sur internet. Une certaine solitude. Je m’étonne, j’apprends, j’essaie d’établir une relation de confiance. »

Monique cherche seule les formes sous lesquelles elle peut manifester son attachement à la personne aidée tout en maintenant une distance qui se veut protectrice : internet et son « instinct » la guident dans des formes de travail qui confinent à l’abstention de faire parfois et ne peuvent donc être reconnues. Cela empêche le salarié de donner un sens positif à son travail dont il ressent alors plus durement la pénibilité.

- 16 mai 2011 : « Je repense à la violence physique de Bernard : il m’a chargée et bousculée dans l’escalier. Son geste et ma réaction m’ont fichue en l’air et en même temps ça m’a ouvert les yeux. J’ai sauvé ma peau. Je lui ai dit : tu m’as touchée, tu ne me toucheras plus jamais. »

En dehors de la charge émotionnelle qu’implique ce type de travail, il existe une véritable mise en danger des salariées qui pénètrent dans l’espace intime des personnes aidées et sont, de fait, perçues parfois comme des intruses. Les agressions verbales surtout, physiques fréquemment, ne doivent pas surprendre. Elles sont particulièrement stressantes à la fois dans leur caractère dangereux et de réitération potentielle d’autant que le lieu d’exercice n’est pas accessible aux services d’inspection, de médecine du travail, et que les conditions dans lesquelles travaillent les salariées échappent largement à l’observation de l’organisme employeur et régulateur.

- 13 septembre 2011 : « Au bout d’un an, j’ai obtenu que les infirmiers viennent lui administrer les médicaments. »

- 21 décembre 2011 : « En mai dernier, à la violence de Bernard, j’ai répondu par la violence. Il m’a poussée par derrière dans l’escalier. Je ne sais pas comment j’ai fait pour

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me rattraper. J’ai cru que j’allais mourir. Du coup, instinctivement, j’ai foncé sur lui. Je m’en veux. Je l’ai dit au bureau (de l’association). J’ai compris qu’il n’était pas responsable. Sa maladie et aussi mon comportement sont à l’origine de cet accident. Je n’aurais jamais dû lui tourner le dos. Du coup, j’y suis retournée et j’ai mis en place sa prise de médicament par une infirmière. À travers cet évènement j’ai mieux appris qui il était et qui j’étais. »

Monique pose clairement la question de la distance protectrice de l’intégrité de sa personne : toute organisation devrait permettre au travailleur d’accéder à l’évaluation de cette distance, que l’agression soit physique ou psychologique comme dans les cas de conflits de valeurs par exemple. En ce sens, les espaces de discussion des pratiques, formels ou non, sont déterminants. Ils sont les lieux du dire mais aussi du construire de l’identité professionnelle, de ses règles qui n’ont surtout rien d’immuable car elles sont autant de réponses partagées pour être opposables aux exigences de l’autre fusse-t-il le bénéficiaire de l’aide.

II-2.2 Se chercher dans la déréliction au travail- 24 octobre 2012 : « On est plus patient avec nos prestataires qu’avec nos familles (…) Il

n’y a pas beaucoup de gens qui comprennent ce qu’on fait. Quelqu’un m’a dit  : comment peux-tu passer ta vie à torcher le cul des vieux ? J’ai répondu : Dégage !»

Au mieux, le travail est « naturel » en famille et il y est donc invisible, au pire, il est le « sale boulot » s’il en est et doit donc être invisible aux yeux de cette même famille ou de l’entourage qui s’étonne. L’invisibilité de ce travail dénie toute possibilité de jugement de beauté donc le rôle donneur de sens du collectif.

- 12 décembre 2012 : «  Il faut savoir l’histoire de Bernard pour le comprendre aujourd’hui. On assomme la personne avec les cachets. »

- 6 mars 2013 : « Mon patient Bernard est abandonné par les soignants psy. Je l’ai accompagné à son rendez-vous chez le psychiatre. Cela a duré 5 minutes montre en main ! Je sature de me battre contre des moulins à vent. C’est nous (aides à domicile) qui faisons le travail des psy par notre présence et on n’en a pas les compétences. Il a changé trois fois de tutrice. Je me suis pris d’affection pour ce patient. Je le vois 2 à 3 fois par semaine 2 à 3 heures à chaque fois. »

On perçoit ici combien le sens du travail est atteint dans la représentation de Monique qui, se posant en instance protectrice de Bernard devenu son « patient » essaie de construire dans le même mouvement de représentation une distance protectrice pour elle-même en crainte de réitération des gestes agressifs et pour l’établissement de la relation qu’elle noue avec celui qu’elle vient aider.

- 22 mai 2013: Bernard est décédé ; un départ inattendu. Il était encore conscient lorsque je l’ai trouvé sur le sol près de son lit. Il m’a reconnue. J’ai appelé les pompiers. Je l’ai suivi aux urgences. Il avait 47 ans. Crise d’épilepsie, arrêt cardiaque. Il est décédé le samedi. Aurait-il été attaqué ? J’ai des doutes énormes et affreux. On a eu toutes les peines du monde pour joindre la famille. Celle-ci a proféré des menaces à mon égard et contre l’association qu’elle accuse de ne pas l’avoir prévenue. Bernard se sous-estimait tout le temps. Il y a longtemps que je n’avais pas été aussi mal. J’avais réussi à ce que l’hôpital

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psychiatrique s’occupe davantage de lui pour un mieux-être. Il aurait pu encore progresser. Une semaine d’enfer à me repasser tout cela dans la tête. Sa dernière tutrice était super bien. Ses médicaments étaient sa bouée de sauvetage. Or, il ne les a pas pris ce jour-là. C’est pas un cadeau que je vous ai fait aujourd’hui. Merci d’avoir été là et de m’avoir écoutée. »

Le soutien du collectif ne peut être immédiat, dans l’urgence dans la confrontation à la maladie et finalement à la mort. Il est important qu’il se manifeste pour autant en dehors de la situation d’intervention, ici au sein du groupe de parole et alors même que le jugement d’utilité est ici défaillant.

II-2.3 Se (re)trouver dans l’établissement d’une relation saineDans cette présentation de cas, la transcription des interventions de Monique permet de voir comment au fil de plusieurs séances de relecture se dessine l’histoire d’une relation. Au point de départ l’angoisse liée à la méconnaissance d’une situation et de la maladie est évidente. Le passage à l’acte qui intervient en mai 2011 en est une des conséquences graves et violentes. Il faudra six mois, pour qu’une autre parole surgisse en décembre 2011. La prise de conscience de la difficulté et surtout sa verbalisation dans l’espace symbolique de ce groupe de parole ont permis, pour une part, d’envisager différemment la relation jusqu’à la limite, à la défaillance pour au contraire mieux apprendre « qui il était et qui j’étais ». De la même manière, cela s’est également joué dans l’essence même du travail d’accompagnement personnel qui a permis à cette personne d’entrer dans une nouvelle compréhension d’elle-même, en revisitant sa propre histoire. Il faut aussi noter l’importance des formations proposées. Ainsi l’angoisse, qui apparait vraiment comme ce qui surgit de l’intérieur du corps quand celui-ci est inquiété, troublé en profondeur, est à prendre en compte. Elle ne peut être tue ou cachée au risque de resurgir, par la force du refoulé, avec une violence incontrôlable.

Le rôle de l’animateur du groupe de relecture consiste avant tout à renouer les fils de relations perdues : perte de relation avec l’environnement et avec les proches, disparition de relation avec la hiérarchie ou avec les collègues, et - plus grave encore - dégradation de relation avec son propre corps et sa propre intériorité. Ce sera souvent lui qui pourra évaluer l’intérêt d’une cure psychanalytique susceptible de révéler les outils de protection, de préservation et de réhabilitation de l’intégrité de chaque personne. « À travers cet évènement j’ai mieux appris qui il était et qui j’étais. » dit Monique.

II-3 Réflexions autour des formes d’accompagnement

Le risque de toute forme de régulation – organisationnelle, managériale ou psychanalytique – est de faire reporter sur l’institution exclusivement ce qui relève des problématiques privées, fussent-elles traumatiques, anxiogènes et pathogènes. La question de l’accompagnement en situation de souffrance au travail se pose dans les termes que fixe la relation de la personne souffrante au collectif et ce, malgré la porosité des sphères privées et professionnelles. En d’autres termes, il ne peut y avoir de sollicitation de quelque collectif au travail que ce soit que dans la mesure où la souffrance à laquelle il est question de remédier est une souffrance liée au travail (soit qu’elle y prend racine, soit qu’elle y est réveillée et/ou exacerbée).

II-3.1 S’entendre sur la question

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Le risque est grand que le lieu d’exercice de l’activité professionnelle devienne celui de l’expression systématique de pulsions plus ou moins morbides auxquelles il est pourtant grandement étranger ; en témoigne par exemple l’indétermination actuelle sur La question du « suicide de travail. » (Vatin, 2011)

Tout aussi stérile sinon nocive est la tentation de plus en plus fréquente pour les salariés d’instrumentaliser les groupes de parole ou de relecture de pratiques. Ceux-ci deviennent alors des lieux et temps favorisant l’expression d’une plainte sans limite spatiale ou temporelle qui déborde, de fait, largement et abondamment le champ de l’action professionnelle, du travail et de leurs conséquences sur l’état psychique de la personne. L’action du modérateur de la parole et sa capacité à rendre tangible la dimension contenante du groupe et des temps de relecture sont ici déterminantes. Pour ces raisons, la possibilité de la cure psychanalytique comme les espaces de discussion proposés et décrits par Matthieu Detchessahar (2013) ou les interventions conjointes et pluridisciplinaires dont le déploiement est explicité par Marie Pezé (2011) apparaissent aujourd’hui comme des propositions interpellantes car nécessaires dans l’accompagnement à la traversée de la souffrance au travail. Ces deux approches disent de la volonté et de la capacité de l’organisation à rester vigilante et active dans le processus d’identification-analyse-remédiation qui se joue dans la souffrance au travail. Dans chaque cas, l’enjeu est de remettre les personnes physiquement en présence : la dynamique communicationnelle comme la vigueur du collectif dépendent de cette condition présentielle.

Le stress se réfère en effet à un ensemble de manifestations affectives, cognitives, somatiques et comportementales se situant à l’intérieur de l’intégrité fonctionnelle. Si l’on sort des raisonnements en termes de mesure de psychiatrie clinique, de troubles pathologiques pour des populations dysfonctionnelles, la réflexion sur le sens du travail peut trouver une place au cœur de la régulation. Le sens exerce un rôle protecteur (Dejours, 1993, Morin, 2010). Cela peut être rapproché de la notion de l’élargissement constructif (Fredrickson, 2001) pour laquelle une relation agréable (joie, intérêt, satisfaction, fierté…) avec l’environnement favorise le déclenchement de comportements proactifs en situations stressantes. Or, le dévouement renvoie au sens du travail ; le travail est perçu comme un ensemble de challenges intéressants. Le dévouement au travail, porté nécessairement par des objectifs stratégiques clairs ou à clarifier, par des attentes organisationnelles explicitées sans ambiguïté, est ainsi promu et devient un préventeur du stress et de la souffrance au travail (la littérature de sciences de gestion, de sociologie des organisations ou de psychodynamique du travail s’en fait un large écho depuis 20 ans). Ainsi, à défaut d’être d’accord avec le mode organisationnel qui les encadre, les travailleurs en connaissent les enjeux.

II-3.2 Se voir dans la relation : de l’invisibilité individuelle et collective

Primordial donc de rendre l’organisation visible aux yeux des travailleurs. Primordial tout autant de rendre le travail de ceux-ci visible aux yeux de l’organisation. Or, dans le cas de services notamment (mais les exemples sont aussi nombreux dans l’industrie), plus encore dans les services à la personne à domicile, le travail fourni qui est essentiellement un travail atypique, un travail de femme, est largement invisible. Cette invisibilité nuit à la construction ou au déploiement du sens du travail ; le travail invisible est d’abord celui dont ne rendent pas compte les données de reporting, c’est aussi celui que l’on ne veut pas voir, « le sale boulot ». C’est enfin le travail naturel accompli par les femmes à travers les activités de service à la personne (cf. notamment les travaux de Pierre-Yves Gomez sur le travail invisible). Le rendre visible fournit des pistes d’amélioration des conditions de travail.

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Pour autant, et plus largement, les secteurs imprégnés désormais des pratiques dématérialisées par les TIC, celui des services à la personne, par nature et par vocation territorialement éclaté, sont des lieux d’exercice contraint de ces formes de régulation. Ils ouvrent d’autant plus à la nécessité de replacer le manager intermédiaire au cœur de la réponse à la souffrance au travail (Monnoyer, Geneste, 2012). Cela implique que la question de la reconnaissance du travail – visible ou non - puisse se déployer dans trois dimensions au moins :

- la reconnaissance des activités des employés sous sa responsabilité qui requiert ex ante sa connaissance des dites activités, or l’histoire économique montre comment depuis 2 siècles au moins cette connaissance initiale s’est asséchée jusqu’à disparaître parfois. Monique dit : À travers lui (Bernard), c’est un monde que j’apprends. Pas de formation, pas de réunion de synthèse avec les infirmiers, les éducateurs, le psy ou la tutrice. Je travaille à l’instinct. J’ai regardé sur internet. Une certaine solitude. Je m’étonne, j’apprends, j’essaie d’établir une relation de confiance. »

- la reconnaissance de la personne au travail dans le cadre étroit, voire maltraitant, des prescriptions et des injonctions souvent paradoxales que la mutation actuelle des activités servicielles impose ;

- la propre reconnaissance du cadre qui doit, lui aussi, pouvoir se libérer et retrouver des marges d’action en desserrant l’étau qui comprime ses relations vers la base de l’exécution comme vers le sommet managérial de l’organisation.

À cette condition tridimensionnelle, le pouvoir d’agir du travailleur peut se trouver reconstruit et redevenir la clef de voute de la santé au travail comme le montrent les travaux d’Yves Clot (2008) en écho à la réflexion de Paul Ricoeur (1993, p.223, cité par Matthieu Detchassahar, 2014) : «  La souffrance n’est pas uniquement définie par la douleur physique, ni même par la douleur mentale, mais par la diminution, voire la destruction de la capacité d’agir, de pouvoir faire, ressenties comme une atteinte à l’intégrité de soi. » Le rôle du manager est ici d’autant plus important que, à travers les diverses dimensions de la RSE (descriptive, instrumentale et normative, cf. Monnoyer et al., 2014), les organisations productives s’adossent explicitement à un positionnement en termes de valeurs partagées, positionnement que l’équipe managériale doit être en mesure d’assumer pour le maintenir vivant et promoteur d’adhésion forte au collectif de travail (cf. Sébastien Dérieux, juillet 2014, séminaire du GRACE et Monnoyer et al., 2014).

Encore faut-il que l’employeur se perçoive lui-même comme tel, comme engagé et responsable dans la relation à ses salariés, dans la préservation de leur santé. Or, les ADMR par exemple (et d’une manière générale la plupart des associations de service à la personne), ont le plus souvent été créées pour satisfaire un objectif humaniste et, aujourd’hui encore, elles font coexister, en une organisation originale, bénévoles et salariés. Certes, la loi 2002-2, portant rénovation de l’action sociale et imposant, pour les établissements de plus de 20 salariés, l’établissement d’un document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) a pu jouer comme interrogateur de pratiques ; mais bien souvent encore, le DUERP compte au titre des incompréhensions ou des alibis managériaux. Pour autant, même si elle est souvent d’abord économique, l’alerte est donnée. Les problèmes de souffrance au travail rencontrés par les salariés peuvent être extériorisés en problèmes de santé qui vont se traduire en difficultés dans l’organisation des services, dans la confection des plannings d’intervention, dans la gestion de l’absentéisme ou des remplacements d’urgence (particulièrement prégnants dans les secteurs sanitaire, social et médico-social)… À terme la

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confrontation aux situations d’inaptitude et à la question du reclassement devient insoluble au sein de la plupart des associations de services à la personne et la solution devient le licenciement.

Une voie à explorer serait ici celle de rendre visible cette de l’activité, du travail, qui partout, dans l’industrie comme dans les services, devient pour grande part invisible. Chercher à repérer ce travail invisible conduit à s’interroger notamment sur l’intensité et le temps du travail (y compris dans les rythmes morcelés ou décalés), les exigences émotionnelles, l’autonomie, les rapports sociaux au travail, les conflits de valeur ou encore l’insécurité de la situation de travail (Collège d’expertise sur les risques psychosociaux, 2011). L’invisibilité tient respectivement à la sous-évaluation du temps nécessaire à la réalisation des tâches effectuées qui contraint les travailleurs à dépasser les limites du temps imparti parce qu’ils effectuent un travail supplémentaire non pris en compte par l’organisation (dans les plannings notamment) donc non rémunéré et facteur conjointement de retard cumulatif et de stress. Une voie d’amélioration passe par la co-rédaction de documents écrits donc visibles (cahiers de liaison dans l’aide à domicile par exemple) qui décrivent le travail réel pour toutes les parties prenantes d’une activité (professionnels et clients), avec le risque que ces pratiques deviennent à leur tour chronophages et source de distorsion des valeurs et du sens (Monnoyer et Geneste, 2012). Plus, ou mieux, est à penser à nouveau frais le rôle de la personne coordinatrice des activités donc gestionnaire du temps et de sa régulation (en ADMR ce sera la responsable de secteur, ou de planning, la secrétaire administrative, ailleurs elle est appelée cadre ou manager intermédiaire) dont l’attention portée, ou non, au contenu réel du travail ressort de la visibilisation de celui-ci. Reste que cet encadrement de proximité est lui aussi largement invisible et contraint par la régulation financière qui pèse sur les organisations de service, notamment de type associatif (Codo et Soparnot, 2012).

Conclusion

Sur les exigences émotionnelles manifestées au travail, pèsent, de manière ambivalente, les facteurs d’autonomie – favorables à la prévention ou à la régulation de la souffrance – ainsi que l’épaisseur du soutien du collectif au travail à l’œuvre. C’est d’autant plus prégnant dans des activités où l’isolement choisi ou subi oblige chacun à compter essentiellement sur ses propres ressources. Pour autant, l’intérêt est ici de réaliser que le collectif au travail, le soutien social (y compris jusque dans les cas d’urgence émotionnelle) peut, et doit probablement maintenant, se déployer en dehors des situations d’activité, d’intervention. Cela peut s’envisager soit en des temps informels (déjà indispensables dans les phases d’accélération de l’industrialisation au cours des deux siècles passés), soit de façon plus organisationnelle, institutionnelle à travers les groupes de parole, d’analyse de pratique ou les temps de formation. Alors, dans les deux formes d’ailleurs, le travail émotionnel tout particulièrement peut être mis en discussion donc rendu visible. Il reste que ces temps sont toujours perçus comme des temps improductifs donc contraints et non prioritaires. Pourtant, c’est souvent là que se tisse une identité professionnelle protectrice des situations de souffrance. Au-delà encore, la relation engagée avec le bénéficiaire du service questionne les valeurs engagées et la reconnaissance du travail. Si celui-ci est perçu comme socialement utile, si son résultat est jugé de qualité (ce qui renvoie au jugement d’utilité), même les tâches les plus contraignantes prennent du sens et aident à contrecarrer la souffrance.

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On voit bien que les formes de reconnaissance engagées dans la deuxième moitié du 20° siècle à travers la rémunération et la qualification sont dans une impasse quant à la reconnaissance de ce travail invisible et des compétences qu’il requiert. D’abord parce que l’exigence de se rendre disponible en dehors des heures de travail ou d’investir son temps personnel pour la formation entre en conflit avec le désir des individus de conserver un certain équilibre entre vie professionnelle et vie privée dans le cadre du passage du pacte au contrat de travail. Ensuite parce que la balance financière du coût et du bénéfice de la modification de l’échelle des formations, des qualifications, des promotions, qui fait se rejoindre la contrainte budgétaire privée de l’organisation et la contrainte budgétaire publique de la protection sociale ne penche pas encore décisivement en faveur de cette dernière. Les économies post-industrielles, au modèle social industriel-conservateur (comme la France) souffrent aujourd’hui du poids des incidences de la santé au travail sur leurs équilibres budgétaires publics. Les organisations productives souffrent, elles, de la difficulté à mettre en œuvre des modes de régulation conjointe qui apaiseraient les éléments de tensions et de souffrance au travail tant en termes éthiques et normatifs, qu’en termes managériaux et financiers. Les travailleurs peuvent souffrir, in fine, dans et hors de leur travail.

Or, si l’équilibre travail-hors travail reste encore fondamentalement précaire, il n’est pas inatteignable. Il relève de la qualité de la relation que le travailleur construit avec chaque partie prenante de son activité. Toute forme de soutien qui permet au salarié de discuter de ses problèmes, y compris personnels, avec ses collègues et ses supérieurs hiérarchiques est ainsi supposée réduire les conflits et les tensions au travail, améliorer la satisfaction au travail et hors travail, le bien-être au travail : prévenir la souffrance en somme. Le manager intermédiaire peut jouer ici un rôle déterminant pour faire comprendre à l'organisation qu'elle recrute toujours non seulement des compétences mais une personne dans sa singularité et que si celle-ci perd le sens de son travail (parce qu'il devient invisible en raison du reporting, parce que c'est du “sale travail” qu'on ne veut pas voir, une perte de temps...), elle n'est plus en capacité de rendre le travail des autres visible.

Donc, en creux, si le manager rend le travail de l’un visible, il rend visible celui du collectif et... le sien propre, donc il redonne lui-même le sens de son travail. Pour cela, il lui faut s'inscrire dans une logique de subsidiarité, renvoyer chacun à ses responsabilités dans la prise de décision : la personne au travail est ainsi restaurée dans sa liberté. Le manager écoute « le local » et supplée depuis « le global » en quelque sorte. Parce que le sens du travail varie d’une personne à l’autre, subsidiarité et suppléance doivent intégrer ce qui affecte pour chaque salarié l’orientation, la signification et la cohérence du travail. S’y combinent des dimensions extrinsèques (largement économiques) avec des dimensions intrinsèques par lesquelles le travail revêt un rôle symbolique qui enrichit la dimension de reconnaissance, d’accomplissement professionnel et, in fine personnel, chaque fois que le travail permet de (re)donner du sens aux expériences vécues dans les temps de hors-travail.

En somme, si la souffrance est consubstantielle au travail – comme le posait notre amorce de raisonnement – elle ne lui est pas nécessaire. Les efforts conjugués des collectifs à l’œuvre autour de chaque personne peuvent agir comme autant d’accompagnateurs dans le passage du sentiment d’échec au sentiment d’étape franchie, de l’état de souffrance à l’état de dignité restaurée.

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