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36 ECHERCHE R Recherche en soins infirmiers N° 62 - septembre 2000 Nicole PIERRE JEANGUIOT D.E.S.S. Missions et démarches d’évaluation Enseignante IFSI Clermont-Ferrand. APPRENDRE PAR L’ERREUR LE STATUT DE L’ERREUR DANS LE CADRE DE LA FORMATION INITIALE DES INFIRMIERS RÉSUMÉ Apprendre par l’erreur Le statut de l’erreur dans le cadre de la formation initiale des infirmiers Résumé du mémoire : Cette étude révèle la diver- sité des erreurs que font les étudiants-infirmiers. L’évolution du statut de l’erreur s’inscrivant dans le cadre de l’évaluation formatrice reste limitée. Bien que les erreurs soient parfois comparables entre I.F.S.I. et les services de soins, elles ne sont pas trai- tées de la même manière. En service, les profession- nels, par leur extrême vigilance, évitent des inci- dents. L’erreur n’est pas utilisée comme un outil d’apprentissage, il est plutôt question de l’éliminer, de la sanctionner. En I.F.S.I., il manque une recherche approfondie autour de la compréhension et de l’utilité de l’erreur. L’anticipation de l’erreur est un travail qui prend appui sur les expériences de l’étudiant et les informa- tions dont il dispose ; elle s’inscrit dans le cadre de l’anticipation du risque pour que l’étudiant évite de s’engager dans une démarche dangereuse pour le patient. Un travail réalisé en formation sur l’erreur ne peut porter ses fruits en stage que s’il y a transfert; or celui-ci est intégré dans le processus d’anticipation correctrice. Cette étude ouvre d’autres pistes de recherches car l’anticipation de l’erreur s’ouvre sur le développement d’une politique du risque qui prend appui sur la mobilisation de tous. Mots-clés : - erreur - responsabilité - apprentissage - anticipation de l’erreur SUMMARY Mistake learning The status of mistake in the framework of the nurses training Paper summary : This study shows the diversity of the mistakes made by the nursing students. The evolution of the mistake status in the framework of the training evaluation remains limited. Even though the mistakes are sometimes comparable between the I.F.S.I (nur- sing schools) and the care services, they are not dealt with in the same way. In the service, the professionals avoid the incidents, thanks to their very strong vigi- lance. Mistake is not used as a learning tool, people rather tend to eliminate and punish it. In the I.F.S.I there is a lack of thorough research related to the understanding and the usefulness of mistake. Mistake anticipation must rely on the student’s expe- riences and on the information he has at his disposal ; it comes within the framework of risk anticipation so that the student avoids being involved in a procedure dangerous for the patient. Mistake training can bear its fruit in a training period only if there is a tranfer; therefore, it is integrated in the process of corrective anticipation. This study opens new ways for research because mis- take anticipation leads to the development of a risk policy based on everybody mobilization. Key words : - mistake - responsibility - learning - mistake anticipation

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ECHERCHER

Recherche en soins infirmiers N° 62 - septembre 2000

Nicole PIERRE JEANGUIOTD.E.S.S. Missions et démarches d’évaluationEnseignante IFSI Clermont-Ferrand.

APPRENDRE PAR L’ERREUR

LE STATUT DE L’ERREUR DANS LE CADRE DE LA FORMATION INITIALE DES INFIRMIERS

RÉSUMÉ

Apprendre par l’erreur

Le statut de l’erreur dans le cadre de la formation initiale des infirmiers

Résumé du mémoire : Cette étude révèle la diver-sité des erreurs que font les étudiants-infirmiers.L’évolution du statut de l’erreur s’inscrivant dans lecadre de l’évaluation formatrice reste limitée. Bienque les erreurs soient parfois comparables entreI.F.S.I. et les services de soins, elles ne sont pas trai-tées de la même manière. En service, les profession-nels, par leur extrême vigilance, évitent des inci-dents. L’erreur n’est pas utilisée comme un outild’apprentissage, il est plutôt question de l’éliminer,de la sanctionner. En I.F.S.I., il manque unerecherche approfondie autour de la compréhensionet de l’utilité de l’erreur.

L’anticipation de l’erreur est un travail qui prendappui sur les expériences de l’étudiant et les informa-tions dont il dispose ; elle s’inscrit dans le cadre del’anticipation du risque pour que l’étudiant évite des’engager dans une démarche dangereuse pour lepatient. Un travail réalisé en formation sur l’erreur nepeut porter ses fruits en stage que s’il y a transfert ; orcelui-ci est intégré dans le processus d’anticipationcorrectrice. Cette étude ouvre d’autres pistes derecherches car l’anticipation de l’erreur s’ouvre sur ledéveloppement d’une politique du risque qui prendappui sur la mobilisation de tous.

Mots-clés :- erreur- responsabilité- apprentissage- anticipation de l’erreur

SUMMARY

Mistake learning

The status of mistake in the framework of the nurses training

Paper summary : This study shows the diversity of themistakes made by the nursing students. The evolutionof the mistake status in the framework of the trainingevaluation remains limited. Even though the mistakesare sometimes comparable between the I.F.S.I (nur-sing schools) and the care services, they are not dealtwith in the same way. In the service, the professionalsavoid the incidents, thanks to their very strong vigi-lance. Mistake is not used as a learning tool, peoplerather tend to eliminate and punish it. In the I.F.S.Ithere is a lack of thorough research related to theunderstanding and the usefulness of mistake.

Mistake anticipation must rely on the student’s expe-riences and on the information he has at his disposal ;it comes within the framework of risk anticipation sothat the student avoids being involved in a proceduredangerous for the patient.

Mistake training can bear its fruit in a training periodonly if there is a tranfer ; therefore, it is integrated inthe process of corrective anticipation.

This study opens new ways for research because mis-take anticipation leads to the development of a riskpolicy based on everybody mobilization.

Key words :- mistake- responsibility- learning- mistake anticipation

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APPRENDRE PAR L’ERREURLE STATUT DE L’ERREUR DANS LE CADRE DE LA FORMATION INITIALE DES INFIRMIERS

ECHERCHERINTRODUCTION

Se questionner sur l’erreur n’est pas chose rare. Eneffet, des articles nombreux consacrent des pages à cesujet et la discipline des mathématiques s’est beaucoupintéressée à la question.

L’utilité de l’erreur, sa signification sont aujourd’huireconnues.

Cette démarche issue de l’évaluation formative sembleacquise quand il s’agit d’erreurs faites à l’école, en for-mation.

Mais, il est des secteurs de formation professionnelleoù l’erreur peut avoir des conséquences graves. Lesétudiants développent des savoir-faire, des compé-tences par un apprentissage sur le terrain qui nécessiteun passage par le « faire ». Ainsi, en entreprise, unapprenti peut-il réaliser une série de « pièces mortes »,pièces ne répondant pas aux normes fixées.

Un étudiant-infirmier va se retrouver confronté à desproblèmes analogues si ce n’est que son activité portesur l’humain et il apprend sur l’humain… L’univershospitalier est assez réfractaire à l’erreur, et ce d’autantplus que la responsabilité de chacun peut être mise encause y compris celle des étudiants.

« On parlera d’erreur ou de faute en fonction de la gra-vité de l’acte et de ses conséquences. L’erreur esthumaine mais, s’il y a mise en danger de la personnesoignée, la sanction est possible si l’on reconnaît unefaute professionnelle1. ».

Ces propos d’un infirmier montrent l’ambiguïté de lasituation des étudiants-infirmiers lors de leur formation.

En tant que formateur ayant une compétence d’évalua-teur, il n’est plus possible de considérer l’erreur commeune faute.

Comment peut-on apprendre sans se tromper? L’erreura-t-elle sa place dans le cadre formatif ? Son utilité est-elle reconnue pour la progression de l’étudiant?

Quel statut donne-t-on à l’erreur? Ne devrait-on pas lereconsidérer compte tenu du fait que l’erreur fait partieintégrante de l’apprentissage et du processus deconstruction des connaissances?

L’erreur dans le cadre de l’évaluation formative, dansune approche constructiviste de l’apprentissage, estutile, productive et il est nécessaire de la travailler, dela questionner pour qu’elle serve l’étudiant.

Cependant, il ne faut pas omettre le caractère particu-lier de cet apprentissage qui conduit les étudiants toutau long de leur formation auprès des patients ; on nepeut nier les risques possibles inhérents à la présencedes étudiants, risques que les équipes soignantesconnaissent et redoutent aussi.

Après avoir posé les termes précis de la question del’erreur dans le cadre de la formation des étudiants-infirmiers, un détour par les différentes théories permetde proposer les traitements possibles de l’erreur enenvisageant cela sous un jour nouveau qui est celui del’anticipation de l’erreur.

L’enquête réalisée sous forme d’études de cas auprèsde formateurs, d’infirmiers et d’étudiants permet d’unepart de décrire des erreurs rencontrées tout au long dela formation des étudiants-infirmiers mais aussi de lesanalyser pour les comprendre et les intégrer dans l’ap-prentissage.

A partir de ces constatations, des propositions centréessur une conception constructiviste de l’apprentissagepermettront de dégager quelques pistes de réflexionpour faire de l’erreur un véritable outil d’apprentissage,et en particulier pour en permettre l’anticipation.

1 - SI DES ERREURS M’ÉTAIENTCONTÉES…

Étant formatrice depuis plusieurs années en I.F.S.I., lestatut de l’erreur dans la formation des infirmiers m’atoujours semblé paradoxal. D’un côté, on trouve leserreurs réalisées lors des travaux dirigés, des travauxpratiques, dans les copies, qui sont expliquées par desmanques de connaissances, par des difficultés de rai-sonnement… et puis, les erreurs effectuées lors desstages qui concernent directement les soins auxpatients. Ce sera par exemple, une lecture erronéed’une prescription, du dosage d’un médicament, uneconduite inadaptée quant à la surveillance d’unpatient… Là, l’erreur prend une autre dimension etimplique fortement tous les acteurs de la formation. Lesinfirmiers qui accompagnent les stagiaires redoutentces erreurs car ils seront concernés si un incident seproduit.

Recherche en soins infirmiers N° 62 - septembre 2000

1. Éléments recueillis lors des entretiens réalisés en services de soinsavec des infirmiers ou des cadres-infirmiers.

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Par l’importance que revêt l’erreur et son statut particu-lier dans ce cadre de formation, un travail sur cettequestion permettra de préciser le statut de l’erreur et lerôle qu’elle joue ou qu’elle pourrait jouer lors de la for-mation des étudiants-infirmiers.

A - Quelles erreurs rencontre-t-on lorsde la formation des infirmiers?

Elles concernent les connaissances : des notions d’ana-tomie et de physiologie telles que les notions fonda-mentales expliquant le fonctionnement cardiaque, dessurveillances de thérapeutiques avec en particulier leseffets secondaires à connaître et à repérer chez lespatients, les bases de calcul des dosages de médica-ments, ainsi que des erreurs concernant le rôle infir-mier lors de la prise en charge des patients.

Celles-ci sont relevées lors des travaux dirigés, desétudes de cas concrets, mais aussi dans les copies desvalidations des modules de formation et dans les pro-pos des étudiants lors des mises en situation profession-nelle.

Dans la formation des infirmiers, ces erreurs ne vontpas demeurer au niveau des copies ou épreuves orales,elles se retrouvent dans les soins au patient, lors desstages qui représentent environ la moitié du temps deformation. C’est ainsi que les professionnels constatentdes erreurs de dosage de médicaments, des manquesde surveillance des patients pouvant engendrer descomplications.

Par exemple : l’oubli de mettre les barrières de lit à unepersonne opérée du jour et agitée, peut entraîner unechute voire une réintervention et une aggravation del’état du patient.

Le décret de mars 19932 précise une liste d’actes quirelèvent de l’autonomie professionnelle des infirmiers,donc de leur responsabilité.

D’autres erreurs se rencontrent dans les services, tellesque des manipulations dangereuses pour l’étudiant : lefait de ne pas jeter les aiguilles dans les boites prévuesà cet effet peut conduire l’étudiant à se piquer avec desaiguilles infectées… Des informations erronées, des

erreurs de thérapeutiques, des confusions de patients seretrouvent également.

Dans les services hautement spécialisés, le recours auxmachines s’est beaucoup développé. La prise encharge de la personne malade se double du contrôlede la machine qui doit fonctionner parfaitement. Or dela même manière que le patient peut présenter unedéfaillance, il peut y avoir un problème de fonctionne-ment de la machine… Il n’existe pas de sécurité à100 % avec une machine. La machine symbole desécurité, est programmée par l’homme et l’hommepeut, là aussi, se tromper…

Des erreurs d’étudiants peuvent s’expliquer par le faitqu’ils sont novices, peu expérimentés, peu habituésaux horaires, aux rythmes de travail des services desoins (horaires alternants et postes de nuits). Ils chan-gent de stage tous les mois et doivent avoir de bonnescapacités d’adaptation.

Des pratiques sont différentes d’un contexte à l’autre,les surveillances de patients trachéotomisés, l’un hos-pitalisé en service de réanimation pour une pathologierespiratoire et l’autre en service de cancérologie, nesont pas identiques, les risques potentiels ne sont pasles mêmes et l’étudiant aura tendance à agir demanière similaire si on ne le met pas en garde.

Ces exemples, évoqués ci-dessus, sont propres au ter-rain et ne peuvent pas être traités en formation. Ils relè-vent de l’étude des erreurs du point de vue de l’enca-drement des étudiants en stage.

L’intérêt de cette étude est de travailler la question del’erreur du point de vue de la formation. Seules leserreurs pouvant être retrouvées sur les deux lieux deformation seront l’objet de ce travail.

Ainsi une erreur de calcul peut se transformer en erreurde dosage… l’absence de connaissances concernantcertaines thérapeutiques peut se concrétiser par dessoins inappropriés sur le terrain.

Ces erreurs sont intimement liées puisque des connais-sances insuffisantes, un problème de compréhensionou de raisonnement peuvent entraîner la réalisation desoins inadaptés aux patients et leur faire courir desrisques majeurs.

La différence réside dans le fait que ces erreurs sontparfois considérées sur le terrain comme des « fautes àsanctionner », alors que les formateurs, sans en faire unréel outil d’apprentissage, les considèrent comme fai-

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2. Ces actes sont cités en référence au décret No 93-345 du 15 mars1993 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la professiond’infirmier, article 3 : dans le cadre de son rôle propre, l’infirmieraccomplit les actes ou dispense les soins infirmiers suivants...

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sant partie du cheminement de l’étudiant, comme desétapes de la formation.

La même erreur se produisant dans des lieux de forma-tion différents aura donc des conséquences différentes.

Comment utiliser l’erreur comme outil d’apprentissagesi elle est sanctionnée quand elle se produit sur le ter-rain?

B - Peut-on distinguer ces erreurs?Comment sont-elles traitées en formation?

Revenons sur quelques exemples qui permettent decomprendre plus précisément la situation spécifiquedes étudiants infirmiers quant à la question de l’erreur.

1 - De l’erreur de calcul à l’erreur de dosage

Une erreur de calcul réalisée lors d’un exercice oudans une copie d’examen ne fait courir de risques dansl’immédiat qu’à l’étudiant… obtenir zéro à la question.Cependant, le risque est différé pour le patient. Ce typede difficulté est fréquent et concerne des étudiants etaussi des professionnels dans les services de soins. Lorsde travaux dirigés réalisés avec des étudiants en fin depremière année, il est indéniable que certains n’ont pasintégré le principe de proportionnalité, autrefois dite« règle de trois » et éprouvent des difficultés pour descalculs de ce type.

Le même problème se retrouve avec des infirmiers quise spécialisent en puériculture et pour qui les dosages-enfants sont un véritable casse-tête.

Dans le cadre du suivi pédagogique, des temps rele-vant de l’évaluation formative, des séances de régula-tion individuelle ou collective permettent de travaillerautour des difficultés rencontrées par les étudiants.

Des séances de travaux dirigés, la mise à dispositiond’enseignement assisté par ordinateur, un suivi diffé-rencié pour les étudiants en difficulté ne sont pas tou-jours efficients.

La même erreur concernant le dosage d’un médica-ment ou le mode d’administration réalisée en servicede soins peut entraîner la mort d’un patient. Quelquesaffaires jugées en France ces dernières années ont

montré que des étudiants au même titre que des pro-fessionnels pouvaient être poursuivis et sanctionnéspour des fautes professionnelles de ce type.

Pour remédier aux difficultés de calcul rencontrées parles professionnels et les étudiants dans les services, desfiches comportant des correspondances de dosagepour des produits fréquemment utilisés sont affichéesdans certaines unités.

Cela peut éviter les erreurs de calcul car il suffit desuivre le tableau de correspondance mais cela ne per-met pas à la personne de comprendre le mode de cal-cul pour un dosage ne figurant pas sur la fiche. Deplus, ces fiches peuvent générer d’autres types d’er-reurs telles que des erreurs de lecture, des confusionsentre les lignes…

Ainsi, en prenant certaines mesures pour éviter deserreurs, le risque peut surgir ailleurs3. Il en est demême pour l’utilisation de machines : si la surveillancedu malade s’en trouve simplifiée, le contrôle du fonc-tionnement de la machine ne doit pas être oublié.

De la même manière, la multiplication des protocoles,des procédures, permet de codifier, de poser les baseset les principes d’un soin, mais le protocole a quelquechose de systématique qui invite moins à la réflexion,alors qu’il est nécessaire de l’adapter au patient et nonde l’appliquer tel quel.

2 - De l’acquisition de connaissances à la pratique des soins

Un autre exemple concerne plus particulièrement lessurveillances et soins à apporter aux personnes soi-gnées. En formation à l’institut, les étudiants sont ame-nés à réfléchir autour de la prise en charge despatients, en tenant compte de leurs spécificités. Lorsdes validations de modules, des oublis, des comporte-ments inadaptés pourraient être néfastes s’ils étaientappliqués en situations réelles.

Si une personne âgée est immobilisée à la suite d’unefracture de la jambe, il faudra être vigilant par rapport àl’état de sa peau pour éviter les escarres de décubitus,aux troubles circulatoires en raison des risques dephlébite, à la mobilisation du patient pour éviter desproblèmes de prothèse…

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APPRENDRE PAR L’ERREURLE STATUT DE L’ERREUR DANS LE CADRE DE LA FORMATION INITIALE DES INFIRMIERS

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3. KEYSER V. L’erreur humaine in La Recherche, No 216, 1989,p.1453-1454

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De multiples situations demandent aux étudiants d’in-tégrer progressivement, au fil de leur formation, desconnaissances essentielles pour la qualité de soin aupatient. La non connaissance de risques potentiels, descomplications liées à des pathologies et à des théra-peutiques peuvent devenir un risque réel, entraîner desdommages pour les patients.

3 - Le pourquoi, le comment de l’erreur

L’erreur est involontaire ; si elle était volontaire, ellerelèverait alors des fautes détachables du service.

La recherche du pourquoi de l’erreur ouvre un vastechamp : est-ce un manque de compréhension, unmanque de réflexion, de l’inconscience, un manque dematurité pour s’engager dans ce métier qui n’est passans comporter des risques…?

Il y a des erreurs dites « banales », ce qui ne veut pasdire qu’il faut passer outre, car il est préférable alorsd’en parler, de questionner, d’amener l’étudiant à réflé-chir avant d’agir. Le plus souvent, l’infirmier rectifie leserreurs de l’étudiant à partir de son observation tout enlui demandant d’expliquer ses actes. Souvent, l’étu-diant calque son comportement sur celui de l’infirmierqu’il voit travailler, sur les explications données parcelui-ci qui a acquis des automatismes et qui ne saitpas toujours mettre en mots ce qu’il fait4.

Les erreurs graves sont connues bien que peu médiatiséespar les établissements où elles ont lieu; lors d’accidentsdramatiques, on tentera d’y remédier en analysant lasituation. Dans cette éventualité, la situation est vécue demanière dramatique par l’étudiant et ceux qui l’entourent.

Toutefois un grand nombre d’erreurs sont repérées etcorrigées avant qu’un incident se produise. D’autres nesont pas évitées mais sont sans conséquences graves.

Le plus souvent, il est difficile d’obtenir des descrip-tions d’erreurs ; les témoignages sont peu fiables et sou-vent interprétés de façon diverse. On néglige le plussouvent ces erreurs qui n’ont pas de conséquencesfâcheuses alors qu’elles pourraient être explorées ; ceserreurs considérées comme des expériences, décou-vertes, mises à jour et analysées seraient un bon outilde formation.

Au delà des erreurs proprement dites, ce sont aussi lesstratégies qui y mènent ou celles qui les évitent qui sontintéressantes à étudier. Pour cela, une étude appronfon-die de l’erreur, des conditions qui l’entourent, voire del’activité dans laquelle elle se produit serait utile.

L’erreur possède donc, dans le cadre spécifique decette formation des infirmiers un statut particuliercomme le symbolise l’erreur de calcul qui peut resterbanale lors d’un exercice et se transformer en accidentgrave pour un patient en service de soins.

Pour les étudiants l’erreur n’est ni banalisée, ni sanction-née. Ce n’est jamais anodin, mais la sanction ne sert àrien, un juste milieu est trouvé; il faut que la personneprenne en charge son erreur, non pas comme quelquechose de mauvais mais comme quelque chose de bon àla limite par la mise en place de nouvelles procédures.

Il est admis dans l’entreprise qu’il est extrêmement dif-ficile d’obtenir au niveau du département Méthodes,des procédures fiables au maximum, d’imaginer toutesles causes d’erreurs possibles. Ce sont donc les opéra-teurs ou les élèves qui participent à la résorption de cescauses d’erreurs et ainsi à l’évolution des procéduresutilisées par ce qu’ils ont pu découvrir d’imprévu.

Pour ces cadres, les élèves apprennent beaucoup à tra-vers leurs erreurs, il faut se servir de l’erreur et pour celaadapter une attitude compréhensive vis-à-vis de l’élève..

D’ailleurs, le vocabulaire utilisé est révélateur : erreur,non conformité…, le mot faute est trop lié à la sanc-tion, à la gravité.

Les erreurs des élèves ne vont interférer avec la nota-tion finale que si elles sont consécutives à un manquede formation théorique ; par exemple des lacunes engéométrie. Dans cette éventualité, un suivi personna-lisé sera mis en place dans le centre de formation.

L’accompagnement des étudiants fait partie des activi-tés habituelles du maître de stage, cela lui demande uninvestissement supplémentaire, cela ne diminue en rienla rentabilité qui lui est demandé, c’est à lui de s’orga-niser.

C - La responsabilité de l’étudiant

Lors de la formation des étudiants-infirmiers, une descaractéristiques est qu’ils ont à la fois un statut d’étu-diant en apprentissage mais qu’ils peuvent aussi être

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4. Explications données par un infirmier, recueillies lors d’un entre-tien préalable à cette étude.

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reconnus responsables de leurs actes et condamnés si,à l’occasion d’un accident survenu dans l’unité où ilssont en stage, ils sont mis en cause.

La responsabilité de l’étudiant ne sera pas engagéeseule ; d’autres personnes garantes de la formation del’étudiant-infirmier, au niveau du service de soins et del’I.F.S.I. où il est en formation seront mises en cause.

Il peut y avoir partage de responsabilité, l’étudiant peutaussi être reconnu seul responsable.

1 - D’un point de vue réglementaire

Dans un article récent traitant de la responsabilité desétudiants infirmiers5, M. MIEGEVILLE, infirmière etjuriste précise le statut particulier de ces étudiants auregard de la loi. Leur cadre légal d’exercice est définipar l’article L. 477 du Code de la Santé Publique quiprécise que « l’exercice infirmier est permis en qualitéd’auxiliaire polyvalent aux élèves préparant le diplômed’état pendant la durée de leur scolarité ».

Ils bénéficient donc d’une dérogation pour exercer laprofession d’infirmier pendant les stages réalisés aucours de leur formation. Cela implique que ces étu-diants, considérés comme des professionnels, peuventêtre tenus pour responsables des « fautes » qu’ils peu-vent commettre pendant leur activité en stage, le termede faute professionnelle est alors retenu.

L’étudiant ne peut effectuer des soins que dans le cadred’un encadrement réalisé par les infirmiers ; il y a poureux, obligation d’encadrement6 bien que cela n’appa-raisse pas dans le décret du 16 février 1993, précisantles règles professionnelles.

Dans tout processus d’apprentissage, il n’est pas pos-sible d’accompagner un étudiant dans tous ses actesprofessionnels jusqu’à la fin de sa scolarité, il y a unmoment où il va faire seul ses actes.

Au nom de la responsabilité, des infirmiers préfèrent nepas laisser réaliser certains actes par des étudiants7 ; parexemple, certains redoutent de laisser les étudiants

manipuler les pousses-seringues électriques car il y ades risques d’erreurs de calcul, de dosage, de vitesse…Comment alors un étudiant pourra-t-il se sentir un jourresponsable de ses actes…?

L’encadrement des stagiaires-infirmiers par les infir-miers voire les tuteurs de stage et les formateursimplique la responsabilité de ces différents acteurs.Quelle est leur part de responsabilité quand l’étudiantcommet une erreur grave sachant qu’ils peuvent tousêtre poursuivis sur le plan civil, pénal, disciplinaire lorsd’un préjudice grave et lorsqu’une plainte est déposée?

Les infirmiers et les cadres-infirmiers responsables dela coordination des soins, qui assurent l’encadrementdes étudiants en service de soins sont conscients del’importance de leur tâche et de leur part de responsa-bilité dans la formation. Avant de confier des responsa-bilités à un étudiant, ils s’assurent de ses connais-sances, de ses savoir-faire, de ses compétences envérifiant dans le carnet de stage les modules et lesstages réalisés. De plus, l’infirmier doit pouvoir inter-venir à tout moment et inviter l’étudiant à demanderconseil aux professionnels s’il a le moindre doute.

L’étudiant ne peut effectuer que les soins pour lesquelsil est compétent, c’est-à-dire en référence à son niveaud’études.

C’est surtout au niveau de la troisième année, quel’étudiant est apte à assumer ses responsabilités, à s’en-gager dans ses actes et dans ses réflexions autour dessoins. L’infirmier va alors l’accompagner dans unedémarche de responsabilité et de vigilance8.

2 - Responsabilités civile, pénale, disciplinaire

Les étudiants ont des obligations d’ordre réglementaireen stage centrées sur la discipline et sur les règles de lastructure d’accueil ; ils doivent observer les instructionsdes responsables des structures de stages et sont tenusaux mêmes obligations que le personnel.

La responsabilité civile se définit comme l’obligationde réparer le préjudice causé par l’accident en versantdes dommages-intérêts à la personne, victime de l’ac-cident ou à sa famille. On agit en responsabilité civile9

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APPRENDRE PAR L’ERREURLE STATUT DE L’ERREUR DANS LE CADRE DE LA FORMATION INITIALE DES INFIRMIERS

Recherche en soins infirmiers N° 62 - septembre 2000

5. MIEGEVILLE M. La responsabilité des étudiants en soins infirmiers,in Soins, No 624, 1998, pp. 37-40

6. PIGEAUD G. La responsabilité de l’étudiante, in L’infirmièreMagazine, 1994, p. 57

7. Informations recueillies lors d’entretiens avec des infirmiers, dansla phase exploratoire à ce travail

8. Ces éléments m’ont été donnés lors d’un entretien à visée explo-ratoire avec un infirmier, accueillant des étudiants-infirmiers etformé comme tuteur de stage.

9. DEVERS G. Droit infirmier, Paris, Éditions ESKA, 1996, p. 165

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contre une personne de droit privé, en responsabilitéadministrative contre un hôpital. Dans ce type decontentieux, la victime s’oppose au responsable desfaits qui n’en est pas toujours l’auteur. Ainsi, l’hôpitalrépond des fautes des infirmiers, des médecins, il ensera de même pour les étudiants d’un I.F.S.I. intégrédans un C.H.U..

Comme tout citoyen, la responsabilité pénale peuts’exercer si le dommage causé entraîne une incapacitétotale de la personne10, ou la mort de la personneconsidérée comme un homicide involontaire11. Il s’agitlà d’une peine12 : amende, emprisonnement, qui vise àprotéger la société et ses intérêts. Ainsi un étudiantpeut-il être poursuivi pénalement.

La responsabilité disciplinaire relève du corps profes-sionnel. Il en est ainsi de l’Ordre des médecins quijuge ses pairs, ou de l’Ordre infirmier qui existe danscertains pays13. Dans le cas des étudiants infirmiers, leconseil de discipline pourra se réunir pour statuer surle cas d’un étudiant, et cela en dehors de toute autrepoursuite.

Dans une affaire jugée en 1981, seule l’étudiante futreconnue responsable pénalement et condamnée pourhomicide involontaire suite à une erreur de dosage demédicament ayant entraîné la mort d’un enfant.

Les juges ont noté que « les responsabilités déléguéesconcordaient avec le niveau normal des connaissancesthéoriques et de l’expérience pratique d’une élève detroisième année et en dernière année d’études ». Ilsrelèvent que l’infirmière ne devait pas être nécessaire-ment présente lors du soin puisque cette élève allaitexercer la fonction d’infirmière diplômée quelquessemaines plus tard.

Il est fait systématiquement mention du niveau deconnaissances des étudiants, aussi est-il nécessairepour les infirmiers qui encadrent les étudiants de s’as-surer de leurs connaissances et savoir-faire ; dans le cascontraire, ils encourent des peines sévères si leur res-ponsabilité est mise en cause.

C’est le cas d’une situation récente : une erreur dedosage de médicament a causé la mort d’une petitefille de cinq ans. Dans cette affaire appelée « le cas

Draguignan14 » ont été poursuivies l’étudiante infir-mière et l’infirmière titulaire qui avait délégué la distri-bution des médicaments à l’étudiante. Toutes deux ontété déclarées coupables et condamnées, l’étudiante aété dispensée de peine15, et l’infirmière condamnée àtrois mois de prison avec sursis.

Une suite a été donnée à l’affaire et un groupe de sou-tien s’est mobilisé en invoquant « le constat d’impossi-bilité de formation professionnelle ».

Les cas de figures sont divers mais l’infirmier respon-sable de l’encadrement des étudiants joue un rôleessentiel dans la prévention des incidents et accidentspuisqu’il va participer directement à l’évaluation descompétences de l’étudiant en l’accompagnant, en l’ob-servant.

La responsabilité de tous est d’autant plus engagée queles plaintes des familles et des patients se multiplientdepuis quelques années.

Assumer sa responsabilité demande une prise deconscience et du courage, c’est en cela que H. JONASla définit comme une responsabilité agissante16 car elleinvite à parler des difficultés rencontrées ; le risqueencouru devenant le moteur d’une démarche deréflexion, de questionnement autour de l’erreur, del’accompagnement des étudiants.

3 - Quels risques…

Doit-on alors parler d’évaluation des risques à faire tra-vailler des stagiaires infirmiers dans les services desoins?

Est-ce simplement mesurer le niveau des risques car ilsexisteront toujours? Comment former les étudiants, lesamener à apprendre leur futur métier sans prendre derisques…?

Ce serait aussi développer une politique du risque, unepolitique de gestion des risques comme cela se pra-

10. Article 222- 19 du nouveau code pénal11. Article 221 -6 du nouveau code pénal12. DEVERS G. Droit infirmier, Paris, Éditions ESKA, 1996,

p. 166- 16713. Par exemple l’O.I.I.Q. Ordre des infirmiers et infirmières du

Québec

14. ZIMMER J. L’affaire André jugée à Draguignan, in L’infirmièreMagazine, 1994, No 82, p 12

15. En vertu de l’article 132-58 du code pénal qui autorise ce typed’exemption : informations retrouvées dans l’ouvrage de FLORINM.P. MOUSSA T. OLLIER C. Les obligations et la responsabilitéjuridique de l’infirmière, Paris, Heures de France, 1999, p. 64-65.

16. JONAS H. Le principe responsabilité : une éthique pour la civili-sation technologique, Paris, Cerf, 1995, p.300

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tique déjà, par exemple, dans le cadre de la luttecontre les infections nosocomiales.

La circulaire GIRARD17 promulguée en 1992, apportedes précisions au sujet de la formation des étudiantsinfirmiers et indique en particulier que l’enseignementthéorique de pharmacologie dispensé aux étudiantsdoit mettre l’accent sur les dangers que présentent cer-tains médicaments.

Cette circulaire affirme également que l’enseignementclinique doit permettre aux étudiants d’acquérir la maî-trise du calcul des dosages des médicaments, de pluscet enseignement doit être renforcé dans les instituts deformation.

Des dispositions réglementaires concernant les insti-tuts de formation et les établissements d’accueil desstagiaires sont également précisées dans cette circu-laire.

Il est rappelé aux chefs d’établissement la nécessitéde veiller à l’encadrement des étudiants infirmierseffectuant un stage et aux surveillants des servicesd’assurer un bon suivi de l’activité des stagiaires. Lessurveillants doivent être vigilants pour que les actes,présentant un risque pour le patient, accomplis parles étudiants soient effectués sous le contrôle d’uninfirmier diplômé. La désignation d’un infirmierchargé d’assurer un tutorat auprès de l’étudiant estpréconisée.

Un suivi pédagogique auprès des étudiants en stage,assuré par les enseignants des I.F.S.I. est indispensable,afin de vérifier que les connaissances acquises aucours de leur formation théorique ont bien été assimi-lées.

Les infirmiers ont une mission de formation. Selon lestextes : « l’infirmier propose, organise ou participe àdes actions d’encadrement des stagiaires en forma-tion18. Ils veillent à la bonne exécution des actesaccomplis par les étudiants infirmiers placés sous leurresponsabilité19 ».

D’autres informations20 viennent compléter ces direc-tives afin qu’un maximum de garanties soient appor-tées pour éviter tout accident grave.

En conclusion

Dans le cadre de la formation des infirmiers, l’erreurfait partie de l’apprentissage quand elle se situe dans lechamp de l’évaluation formative21, qui contribue à laprogression de l’étudiant.

Or sur le terrain de stage, l’étudiant est considérécomme en apprentissage mais en fonction de sonniveau de connaissances et de compétences, le « droità l’erreur » ne lui est pas toujours reconnu car il existeun risque humain.

Lorsqu’il s’agit des soins portant sur l’homme, lesconséquences peuvent être très graves et l’erreur peutalors être assimilée à une faute professionnelle et enga-ger directement la responsabilité22 de l’étudiant et despersonnes qui assurent sa formation et son encadre-ment sur le terrain.

43Recherche en soins infirmiers N° 62 - septembre 2000

APPRENDRE PAR L’ERREURLE STATUT DE L’ERREUR DANS LE CADRE DE LA FORMATION INITIALE DES INFIRMIERS

17. Annexe 1 : Circulaire DGS/SDO/No 05-92 du 09 décembre1992: dite circulaire GIRARD (Direction Générale de la Santé)

18. Décret du 15 mars 199319. Décret du 16 février 1993

20. Les établissements qui reçoivent des stagiaires doivent êtreagréés par le directeur départemental des affaires sanitaires etsociales (arrêté du 30/03/1992)Le directeur de l’I.F.S.I. s’assure des compétences du personneld’encadrement et de la qualité du suivi des étudiants : effectifsuffisant, qualités des soins effectués. Il est responsable de ren-seignement clinique.A la fin du stage, une évaluation est réalisée par la personne res-ponsable du stage en collaboration avec l’équipe ayant assurél’encadrementLe directeur de l’I.F.S.I. peut prononcer après avis du conseiltechnique l’exclusion d’un étudiant pour inaptitude pratique etpeut saisir le conseil de discipline quand l’étudiant réalise desactes incompatibles avec la sécurité du patient, mettant en causesa responsabilité personnelle.

21. Evaluation formative : elle permet le réajustement des actions desétudiants par le formateur qui joue le rôle de guide, d’accompa-gnateur.Ce concept est développé dans le chapitre suivant ainsi qu’éva-luation formatrice et régulation.

22. Responsabilité : le mot est pris au sens large, mais il s’agit essen-tiellement de la responsabilité pénale et disciplinaire ; la respon-sabilité civile, bien qu’elle engage l’auteur des faits, est du res-sort de l’établissement employeur qui est responsable, au nomdu cumul des responsabilités, des fautes professionnelles de sesagents. Cela ne concerne pas les fautes détachables de la fonc-tion, dites aussi fautes personnelles, fautes commises par l’agenten dehors de son exercice professionnel.réf. in FLORIN M.P. MOUSSA T. OLLIER C. Les obligations et laresponsabilité juridique de l’infirmière, Paris, Éditions Heures deFrance, p. 118-119.

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Ces deux représentations appréhendent l’erreur dans lecadre d’un apprentissage qui touche à l’humain. Ellessont ainsi élaborées et partagées par les différentsacteurs de la formation des infirmiers, cela expliquantleurs attitudes et leurs comportements dans la mesureoù la pratique des soins est intimement liée à la notionde risque.

2 - ERREUR, ÉVALUATION ET APPRENTISSAGE…

L’erreur se retrouve au coeur du processus d’apprentis-sage et de tout processus d’évaluation et ce d’autantplus que l’on se situe dans une pédagogie où l’évalua-tion est centrée sur l’étudiant et sur ses processus d’ap-prentissage.

Il ne suffit pas de vouloir éliminer l’erreur, il s’agit de lacomprendre : à la fois en saisir le sens et avoir une atti-tude compréhensive à l’égard de celui qui la réalise, etaussi, clarifier les causes et les conditions ; le premiersens étant préalable au second; concevoir l’erreur etl’accepter pour en rechercher le pourquoi et le com-ment, pour que l’étudiant et le formateur puissent enbénéficier.

La formation des infirmiers pose la question de l’erreurhumaine23, de l’erreur dans le champ professionnelcompte tenu des activités des étudiants dans les ser-vices de soins auprès des personnes hospitalisées.

A - Le statut de l’erreur

Comment le statut de l’erreur a-t-il évolué en parallèledes différentes théories de l’évaluation? Quel rôle peut-elle jouer dans l’apprentissage et comment l’utiliserpour apprendre?

1 - Définitions, représentations de l’erreur…

L’erreur telle qu’elle est envisagée dans le cadre del’évaluation formative entraîne une rupture épistémolo-gique24. Auparavant conçue comme une faute entraî-nant une sanction, l’erreur, aujourd’hui bénéficie d’unautre statut qui est celui d’un outil permettant d’ap-prendre.

Cependant, il existe des résistances liées à un phéno-mène culturel associant culpabilité et faute à la notiond’erreur25.

Les étudiants associent également le mot « erreur »avec culpabilité, coupable, faute, mal…, il faut élimi-ner l’erreur. Or, il n’existe pas de faute d’orthographe, iln’existe pas de faute d’asepsie, ce sont des erreurs.

La faute est une transgression consciente et volontairepar rapport à la règle pour en tirer un bénéfice illicite.Elle correspond à un non respect de la règle. « Nuln’est sensé ignorer la loi », la faute est sanctionnable.

L’erreur est non consciente et involontaire.

Le statut de l’erreur lors de l’apprentissage est différentde celui de l’erreur lors d’un examen où elle sera effec-tivement sanctionnée.

L’origine étymologique du mot renvoie « au verbeerrer, errance, errer çà et là, marcher sans but, fairefausse route… », ce qui dérive vers la faute avec uneconnotation moralisante.

Les termes d’écart26 ou d’obstacle27 intègrent l’erreurdans le processus d’apprentissage. Quand à LEPLAT, ilconsidère l’erreur comme un écart à la norme28, lanotion d’erreur implique donc celle de norme.

44Recherche en soins infirmiers N° 62 - septembre 2000

23. L’erreur est toujours le fait de l’homme comme le développeentre autres J. LEPLAT dans son livre : Erreur humaine, fiabilitéhumaine dans le travail, A. Colin, 1985.En fait, l’homme est directement impliqué dans l’erreur mais ilest aussi présent dans les erreurs liées aux machines puisquec’est homme qui les fabrique, qui les programme...

24. Rupture épistémologique : concept développé par BACHELARDG. La formation de l’esprit scientifique, Vrin, 1993, p 19-20.Opérer une rupture entre la connaissance générale et la connais-sance scientifique, cela ne peut se faire qu’en laissant de côté lesgénéralisations, les impressions premières... pour développerl’expérimentation, se consacrer à la recherche, pour mobiliser lapensée. (30)

25. FAVRE D. Conception de l’erreur et rupture épistémologique,Revue française de pédagogie, 1995, p. 85 (30)

26. Ecart : ce mot est substitué au mot erreur par M. VIALInstrumenter l’auto-évaluation, contribution à la pensée com-plexe des faits d’évaluation, De Boeck, 1997, pp. 297-298. (30)

27. Obstacle : en référence à BACHELARD, La formation de l’espritscientifique, Vrin, 1993; le terme ayant été repris ensuite par denombreux auteurs.

28. LEPLAT J. Erreur humaine, fiabilité humaine dans le travail, Paris,A. Colin, 1985, p. 17

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45

APPRENDRE PAR L’ERREURLE STATUT DE L’ERREUR DANS LE CADRE DE LA FORMATION INITIALE DES INFIRMIERS

Le normal29 est défini par CANGUILHEM comme« conforme à la règle, le régulier, ce qui se tient dansun juste milieu; est normal ce qui est tel qu’il doit êtremais aussi conforme à la majorité des cas, qui consti-tue soit la moyenne, soit le module d’un caractèremesurable », la généralité étant assimilée à la perfec-tion, à l’idéal.

Le normatif est relatif aux règles, il est subordonné àcelui qui institue la norme, il institue des normes, c’estdans ce sens que CANGUILHEM introduit le conceptde normativité qu’il différencie de celui de normalité.

Au sens figuré, l’erreur est une incertitude, une igno-rance. Ce qui est erroné est contraire au bon sens, à laraison.

Les erreurs mineures passent souvent inaperçues maisles erreurs graves, les « bavures » sont dommageables.

Enfin, Michel SERRES30 précise que l’erreur a à voiravec le voyage, mais un voyage qui n’est pas sansrisque, c’est une aventure.

2 - L’erreur en référence à la philosophie des sciences

« En fait, on connaît contre une expérience antérieure,en détruisant des connaissances mal faites, en surmon-tant ce qui dans l’esprit même fait obstacle à la spriri-tualisation ».

BACHELARD31 fait ici référence au fait qu’il existe un« déjà là », des connaissances, des préjugés, des certi-tudes… qui, selon lui, sont des obstacles au développe-ment de la science car ils empêchent de construire denouvelles connaissances.

Il en est de même pour l’élève en apprentissage; entreses représentations antérieures et les connaissancesnouvelles qu’il acquiert, il peut y avoir des résistancesà intégrer les savoirs nouveaux.

Ainsi, des étudiants infirmiers pensent qu’une femmequi vient d’accoucher et qui allaite son enfant ne peut

pas être à nouveau enceinte car le fait d’allaiter bloquecertaines hormones agissant sur la fertilité. C’est unenotion erronée qui est encore répandue dans le public.

Le philosophe précise que « c’est dans l’acte même deconnaître, intimement, qu’apparaissent par une sortede nécessité fonctionnelle, des lenteurs et destroubles32 », des « obstacles épistémologiques » qui nesont levés qu’a posteriori. Pour BACHELARD, l’erreurest donc placée au centre de la connaissance, elle estconstitutive de l’acte de connaître. L’histoire dessciences s’est ainsi construite sur des erreurs.

C’est en cela que BACHELARD démontre l’importancedu rôle que jouent les professeurs : « les professeurs desciences, plus encore que les autres et c’est possible,ne comprennent pas que leurs élèves ne comprennentpas. Ils imaginent que l’esprit commence comme uneleçon… » 33

Il ne suffit pas de répéter pour que les élèves compren-nent, aussi est-ce essentiel de percevoir le rôle quejoue l’erreur dans le processus d’apprentissage.

Si les professeurs ont des difficultés pour comprendreles erreurs des élèves, c’est parce qu’ils n’ont pas lamême logique, les mêmes références, or les erreurs desélèves ont une signification, une logique à laquelle ilsdoivent accéder.

B - L’erreur comme outil d’évaluation

Souvent, la notion d’erreur est liée à l’évaluation som-mative, elle est alors sanctionnée. Le formateur vaessayer d’y remédier de façon rétroactive34 ; les activi-tés de remédiation vont aider l’élève à corriger leserreurs qui n’ont pas été repérées pendant l’apprentis-sage. Dans ce cadre, elle ne peut que s’inscrire dans unprocessus de formation.

Cela se produit à l’I.F.S.I. quand les erreurs sont repé-rées lors des validations écrites ou orales imposées auxétudiants-infirmiers à la fin de chaque module d’ensei-gnement.

Recherche en soins infirmiers N° 62 - septembre 2000

29. CANGUILHEM G. Le normal et le pathologique, PUF, 1988, p.76-77

30. Michel SERRES cité par ASTOLFI J. P. L’erreur, un outil pourenseigner, Paris, ESF, p. 20

31. BACHELARD G. La formation de l’esprit scientifique, Paris, Vrin,p. 14

32. ibid. p. 13 33. BACHELARD G. La formation de l’esprit scientifique, Paris, Vrin,

p. 1834. L ALLAL cité par ABRECHT, l’évaluation formative, une approche

critique, p 37-39

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1 - Dans le cadre de l’évaluation formative

L’évaluation formative, notion élaborée par SCRIVEN35

en 1967, fait partie intégrante de l’apprentissage, elleguide l’élève afin qu’il progresse dans ses acquisitions.

Elle s’intéresse plus aux processus et aux procédures36

en jeu qu’aux résultats ; elle situe les difficultés querencontre l’étudiant afin de les comprendre puis de lestraiter. Elle implique l’étudiant mais est surtout utile àl’enseignant afin qu’il adapte ses stratégies pédago-giques.

L’évaluation formative permet ainsi le réajustement desactions lors de la régulation effectuée par les personnesqui encadrent l’étudiant, qu’ils soient professionnels duterrain ou formateur. C’est ainsi que l’infirmier quiaccompagne l’étudiant auprès d’un patient, rectifieéventuellement le geste inadapté du stagiaire lors de laréalisation d’un pansement.

Pour DE LANDSHEERE37, dans le cadre de l’évaluationformative, les erreurs sont à considérer comme desmoments dans la résolution de problèmes, comme destemps de l’apprentissage et non comme des « fai-blesses » à sanctionner.

2 - La spécificité de l’évaluation formatrice

L’évaluation formatrice est une approche centrée surl’étudiant qui se donne pour but d’apporter des infor-mations sur la régulation des apprentissages, en faisantappel à des critères clairs et précis appelés parG.NUNZIATI38, des critères de réalisation et des cri-tères de réussite.

Elle est centrée sur l’appropriation par les étudiants descritères fixés par les formateurs, d’où une autogestion

des erreurs qui deviennent un élément positif de ladynamique de l’apprentissage.

Dans l’évaluation formatrice, la régulation est essentiel-lement le fait de l’élève, car la logique de l’élève n’estpas celle de l’enseignant, la priorité est donc donnée àl’auto-évaluation39 et à l’autorégulation.

Si l’on reprend l’exemple de l’étudiant qui réalise unpansement, l’étudiant lui-même, dans le cadre del’analyse du soin, sera amené à réaliser son autocri-tique en regard des critères qui lui auront été commu-niqués par le formateur.

3 - Régulation et problématique de sens

Pour BONNIOL40, la régulation est constituée de plu-sieurs éléments : une fonction de valorisation, le repé-rage et la reconnaissance des erreurs ainsi que leur rec-tification et une fonction de réajustement.

La régulation est un « contrôle rétroactif qui maintientl’équilibre d’une structure qui se construit41 ». C’estune situation fréquemment rencontrée chez l’humaindans les fonctionnements de différents organes tel quela thyroïde.

De la même manière, la construction des apprentis-sages est intimement liée à la régulation même de cesapprentissages.

Avant, pendant et après la réalisation d’un soin, l’étu-diant va être amené à réajuster, à moduler son organi-sation, à repenser son savoir-faire à partir des informa-tions qu’il prélève lors de ce soin.

GENTHON42, suite aux travaux de BONNIOL, préciseque la régulation est constituée de boucles d’informa-tions rétroactives qui ont pour but d’une part deconserver le sens initial, d’autre part de donner un sensnouveau au projet.

46Recherche en soins infirmiers N° 62 - septembre 2000

35. DE LANDSHEERE cité par ABRECHT R. L’évaluation formative,une approche critique, De Boeck, p 27

36. Processus, procédures, produits tels que définis par BONNIOLJ.J. :processus : c’est la vie, l’élan, le générateur, il s’autorégule.Exemples de la motivation, de l’appropriationprocédure : c’est la méthode, elle peut se réguler, se contrôler.(exemple des protocoles)produit : le résultat, il se contrôle.

37. ABRECHT R. L’évaluation formative, une approche critique, DeBoeck, p 27

38. NUNZIATI G. Les hypothèses et les objectifs d’une formationà/par l’évaluation formatrice, in BONNIOL J.J. VIAL M. Lesmodèles de l’évaluation, De Boeck, 1997 p. 283

39. Auto-évaluation, définie par VIAL M. : c’est un processushumain, une lecture de la situation faite par l’acteur lui-même,c’est un processus d’autonomisation.

40. BONNIOL J.J. A la recherche de la qualité, fonctionnement parobjectifs et évaluation, in BONNIOL J.J. VIAL M. Les modèles del’évaluation, de Boeck, 1998, pp. 299-309

41. PLAGET J. Biologie et connaissance, Lausanne-Paris, Delachauxet Niestlé, 1992, p 198

42. GENTHON M. Places et fonctions de l’auto-évaluation dans undispositif d’apprentissage, De Boeck, 1997, pp. 246-248

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Si l’erreur n’est pas considérée comme une simpleétourderie ou un manque de connaissance, il est alorsquestion de rechercher le pourquoi, le sens de cetteerreur, de retrouver les opérations intellectuelles dontelle est le résultat ; d’où une attitude d’ouverture versl’élève et le souci de comprendre comment il apprend.

Les formateurs43 qui aident au repérage des erreursmais ne peuvent les reconnaître, doivent organiser lesconditions de la régulation et c’est à l’étudiant deréajuster et de rectifier ses erreurs, le formateur n’ayantpas accès aux processus en jeu chez l’étudiant.

Apprendre tout en produisant des erreurs qui serontreconnues et rectifiées permet de mieux transférer etgénéraliser car cela met en jeu des processus deréflexion, de questionnement et conduit l’étudiant àdévelopper une analyse critique de ses apprentis-sages.

C - L’erreur au coeur de l’apprentissage?

Les théories comportementalistes reconnaissent l’erreurmais pour l’éviter. Le modèle constructiviste44 donneune connotation positive à l’erreur, le but étant tou-jours de les éliminer mais auparavant, il faut les laisserapparaître pour mieux les traiter.

1 - L’erreur : approche constructiviste

Pour les théoriciens constructivistes, l’erreur est signifi-cative du processus mental de l’élève qui se situe aucoeur même de l’apprentissage. Dans le modèleconstructiviste, le sujet construit ses outils de connais-sance et se construit lui-même pendant ses apprentis-sages.

Les erreurs ont un sens et il est important de retrouverles processus dont elles sont les résultats. Elles devien-nent des indicateurs45, des obstacles que rencontrentles étudiants lors de leur apprentissage.

Pour PIAGET46, c’est à la suite de déséquilibres succes-sifs que le sujet se dépasse et aboutit à un nouvel équi-libre qui relève du processus d’équilibration majorante.Tout apprentissage résulte de régulations successives,de réajustements des modèles et des représentations.

Il existe un double processus47 : le sujet assimile la réa-lité en lui donnant du sens et le sujet s’accommode aumilieu, l’interaction entre les deux processus consisteen une recherche constante d’équilibre.

PIAGET considère l’erreur comme un phénomèneconsubstantiel à l’apprentissage. Les erreurs seraientalors des temps provisoires d’adaptation des structurescognitives.

Les erreurs de calcul48 seraient « des schèmes résultantd’accommodations du sujet à des situations données ».Ces erreurs seraient des formes provisoires de schèmesen construction. Les erreurs récurrentes s’organisentautour de conceptions et constituent ainsi des résis-tances.

L. ALLAL49, se situant dans une perspective cogniti-viste, considère l’erreur comme un point d’intérêt fai-sant partie intégrante du développement cognitif.

47Recherche en soins infirmiers N° 62 - septembre 2000

APPRENDRE PAR L’ERREURLE STATUT DE L’ERREUR DANS LE CADRE DE LA FORMATION INITIALE DES INFIRMIERS

43. BONNIOL J.J. La passe ou l’impasse, le formateur est un passeur,En question, Les Cahiers d’Aix, No 1, Université de Provence,département des sciences de l’éducation, 1996, p. 15

44. ASTOLFI J.P. L’erreur, un outil pour enseigner, Paris, ESF, p 1545. ASTOLFI J.P. L’erreur, un outil pour enseigner, Paris, ESF, p. 15

46. PIAGET cité par ASTOLFI J.P. L’erreur, un outil pour enseigner,Paris, ESF, p. 47

47. en référence aux ouvrage de PIAGET J. Biologie et connaissance,Delachaux et Niestlé et de DOLLE J.M. Pour comprendre JeanPiaget, Privat- schème : unités de comportements susceptibles de répétitionsplus ou moins stables et d’applications à des situations ou objetsdivers (PIAGET p. 223).- assimilation : incorporation du donné de l’expérience pouraméliorer son activité, l’activité va se consolider, se généraliser,discriminer ; les éléments du milieu sont incorporés par la struc-ture qui les transforme elle-même.- accommodation : activité du sujet qui modifie ses acquisitionsantérieures pour s’adapter aux conditions du milieu environnant ;le milieu se transforme et l’organisation s’adapte à ce change-ment en se transformant elle-même (DOLLE, p 51 et suivantes).Il n’y a pas d’assimilation sans accommodation et il n’y a pasd’accommodation sans assimilation, le milieu ne provoque passimplement l’enregistrement d’empreintes, il déclenche des ajus-tements actifs. (p. 51)L’adaptation est la mise en équilibre progressive entre un méca-nisme d’assimilation et un mécanisme d’accommodation sup-plémentaire ; assimilation et accommodation sont les deux pôlesfonctionnels, opposés l’un à l’autre, de toute adaptation (DOLLE,p 51 et suivantes).

48. GUIET Conceptualisation, cas d’erreurs dans l’opération de divi-sion, carrefour de l’éducation, centre universitaire de rechercheen sciences de l’éducation Picardie Jules Verne, Amiens, p 6-7.

49. ALLAL L. cité par ABRECHT R. L’évaluation formative, uneapproche critique, De Boeck, p 33

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M. FAYOL50 explique que « l’une des premièressources d’erreurs, et sans doute la plus résistante, tientà l’efficacité même de notre fonctionnement cognitif ».

Ainsi des conceptions dépassées par les sciencesdemeurent longtemps présentes. C’est notre cerveauqui nous trompe en résistant aux éléments nouveauxque nous apporte la formation. Il fait ici référence auxconnaissances spontanées qui cèdent difficilement laplace à des connaissances scientifiques.

Ainsi, chez les enfants, les opérations d’addition et demultiplication sont le plus souvent assimilées à l’idéed’augmentation, or multiplier par un nombre décimalinférieur à 1 entraîne une diminution.

Pour SANNER51 : « si la notion d’obstacle épistémolo-gique est opératoire en pédagogie, cela signifie qu’il nesuffit pas de reconnaître le droit à l’erreur, mais qu’ilfaut s’engager sur la voie d’une véritable connaissancede l’erreur «.

D’où l’intérêt de ne pas culpabiliser l’élève qui com-met des erreurs mais de chercher à comprendre aveclui les difficultés qu’il rencontre et les moyens à sa dis-position pour progresser.

Dans tout apprentissage, il y a un accompagnementqui disparaîtra le jour où l’étudiant sera considérécomme autonome pour réaliser les actes demandés, ilsera seul et ce sera l’aventure, comme l’évoque M.SERRES, avec le risque de se tromper. C’est ainsi le casdes étudiants infirmiers qui sont encadrés par les infir-miers en stage, infirmiers qui vont, après avoir validéles connaissances et les savoir-faire des stagiaires, leurlaisser une part d’autonomie quant à la réalisation decertains actes, et ce en fonction de leur niveau de for-mation.

Le courant de l’éducation cognitive52 valorise la priseen compte des erreurs, elle considère l’erreur d’unpoint de vue constructiviste : les seules erreurs perti-nentes sont celles dont le sujet prend clairementconscience, ce qui implique que celui-ci les accepte,les recherche et les comprenne.

2 - L’erreur, facteur de progrès

S’il se sent contrôlé ou jugé, l’étudiant aura tendance àdévelopper des comportements d’évitement afin de nepas montrer ses difficultés.

L’erreur doit donc être vécue comme un phénomènenormal et nécessaire. Ainsi analysée et comprise, ellene sera plus assimilée à la faute ou à l’échec. L’écart àla norme d’un élève en apprentissage est un phéno-mène normal.

Il est possible de faire de l’erreur un facteur de progrès,elle devient ainsi un outil de la formation pour l’élèvecomme pour l’enseignant.

Elle est utile car elle est génératrice de signification53

lorsqu’il y a prise de conscience de la part de l’étudiantcar elle le renvoie à ses capacités et à ses difficultés.Elle est l’aboutissement d’un raisonnement, parfoisinattendu, ayant sa logique qu’il faut comprendre pourla dépasser.

L’erreur est à la fois rétrospective et prospective54 carelle pose la question du sens de l’apprentissage.

Elle donne des indications sur le processus d’ap-prendre, en montre la diversité; l’analyse de l’erreur, enmontrant ce qui est intéressant en elle, devient alors untemps de formation essentiel.

D - L’erreur dans le champ professionnel

L’erreur est humaine, de tout temps, elle a été revendi-quée comme le propre de l’homme. Or cette erreurpeut entraîner des dommages matériels et des acci-dents graves comme cela peut être le cas dans la for-mation des étudiants-infirmiers.

Pour KEYSER55, l’erreur de posologie d’un médicamentsans conséquences pour le patient peut être considéréecomme un raté. Les fautes sont des déficiences de juge-ment tel que ne pas repérer le caractère urgent d’une

48Recherche en soins infirmiers N° 62 - septembre 2000

50. FAYOL M. La logique de l’erreur, in Sciences Humaines, No 36,1994

51. ASTOLFI J.P. L’erreur, un outil pour enseigner, Paris, ESF, p. 19-20

52. PAOUR J.L. Quelques principes fondateurs de l’éducation cogni-tive, in Interactions Didactiques, No 8, 1988, p. 54.

53. REUTER cité par ABRECHT R. L’évaluation formative, une analy-se critique, Bruxelles, De Boeck, 1991, p. 121

54. ABRECHT R. L’évaluation formative, une analyse critique,Bruxelles, De Boeck, 1991, p. 121

55. KEYSER, V. de L’erreur humaine In la Recherche, No 216, 1989,p. 1453.

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situation. C’est la gravité a posteriori qui permet dedéterminer l’existence d’une faute ou non.

1 - L’erreur humaine

L’erreur est possible dès qu’il y a activité humaine56

mais avec le développement des technologies, l’erreurhumaine n’est plus seule, il peut y avoir aussi desdéfaillances techniques57, défaillances derrière les-quelles on retrouve aussi… l’homme. C’est une descaractéristiques que l’on va rencontrer dans des ser-vices hospitaliers très spécialisés.

La machine est souvent synonyme de sécurité, cependantles défaillances sont possibles et ce sera l’homme qui seraalors amené à pallier les déficiences de la machine; leserreurs humaines seraient alors des tentatives de correc-tion58 qui n’ont pas pu désamorcer le risque.

Si l’erreur est un excellent révélateur des carences dusystème intégrant l’homme, ses capacités, son activité,les conditions de travail…, elle est aussi liée à la façondont la personne va s’adapter aux situations et se servirde ses expériences59.

Le plus souvent, c’est la personne elle-même qui,devant des situations imprévues, décide de ladémarche à suivre et régule son action60. Un infirmierexpérimenté organisera différemment un soin lorsd’une situation d’urgence, il s’adaptera aux imprévusde la situation.

Dans d’autres situations, l’erreur est une forme rési-duelle de l’apprentissage61 et marque la progressiondes connaissances.

L’erreur est une source d’informations62 sur l’ensembledu système dans lequel elle se produit, elle fait interve-nir des conditions internes et externes à l’individu, elles’intègre dans ce système. L’analyse de l’erreur estdonc liée à l’analyse de l’activité dans laquelle elle seproduit.

2 - La fiabilité humaine

Le degré de fiabilité humaine63, associée à la notion desécurité, est mesuré par le repérage des erreurs, erreursqui n’entraînent pas toujours des accidents gravesquand elles peuvent être récupérées sans dommage.

Comment prédire les taux d’erreur humaine ? On nepeut prévoir tous les comportements d’un être humainet l’analyse de l’activité se révèle différente de celle dela tâche telle qu’elle a été conçue.

Lors de la description d’une activité, il y a toujours unepart d’implicite compensée par les connaissances del’individu, connaissances qui seront différentes entreun expert et un débutant, voire un étudiant, en tenantcompte de son niveau d’apprentissage. Les consignesdonnées sont plus ou moins précises, les conditions del’acte à réaliser et les méthodes de travail sont laisséesà l’appréciation complète de l’acteur.

Il y a un lien entre l’analyse du travail et l’analyse del’erreur, il est possible de comprendre l’erreur quandon connaît l’activité en situation de travail64

E - Le traitement de l’erreur

Comment amener les personnes à prendre consciencede leurs erreurs, de la logique de leur apparition65, touten prenant en compte l’erreur dans ses interactionsavec les différents éléments de la situation?

1 - Expression et analyse de l’erreur

Il est difficile de faire s’exprimer les personnes sur leurserreurs66 car elles sont souvent assimilées à des fauteset culpabilisent les intéressés. Pourtant, obtenir des ren-seignements sur les circonstances, le contexte, et lesconséquences est important.

49Recherche en soins infirmiers N° 62 - septembre 2000

APPRENDRE PAR L’ERREURLE STATUT DE L’ERREUR DANS LE CADRE DE LA FORMATION INITIALE DES INFIRMIERS

56. LEPLAT J. Erreur humaine, fiabilité humaine dans le travail, Paris,A. Colin, 1985, p. 10

57. ibid. p. 2258. KEYSER, V. de L’erreur humaine In la Recherche, No 216, 1989,

p. 144659. ibid. p. 144760. ibid. p. 144661. ibid. p. 144762. LEPLAT J. Erreur humaine, fiabilité humaine dans le travail, Paris,

A. Colin, 1985, p. 71.

63. ibid. p. 9464. LEPLAT J. Erreur humaine, fiabilité humaine dans le travail, Paris,

Armand Colin, 1985, p. 10065. KEYSER, V. de L’erreur humaine, In la Recherche, No 216, 1989,

p. 145466. LEPLAT J. Erreur humaine, fiabilité humaine dans le travail, Paris,

Armand Colin, 1985, p. 25

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Les représentations véhiculées par l’auteur de l’erreur etcelles du tuteur de stage ou du formateur entrent en jeu.

De plus, il est difficile d’accéder au processus67 en jeuet de faire décrire les procédures utilisées. Les connais-sances formelles verbalisées ne sont pas toujours utili-sées lors de la réalisation de l’acte…

Enfin, il peut aussi y avoir des erreurs dans la verbalisa-tion qui ne seront pas retrouvées dans la réalisation etinversement.

Comment analyser l’erreur? Soit en étudiant une activitéprovoquée, en travaux dirigés ou en simulation; soit enétudiant des activités spontanées, en unités de soins, enobservation directe ou en recueillant le discours des per-sonnes concernées (étudiant ou tuteur de stage).

L’étude de situations réelles, la confrontation au réelcomportant toute la richesse et la complexité de la réa-lité permettent de comprendre le sujet dans le cadre deses activités68.

2 - Différents traitements de l’erreur

Pour AMIGUES69 les erreurs peuvent se situer soit surla réponse finale, soit sur la démarche utilisée. S’ils’agit de comparer l’écart entre le résultat attendu etcelui qui est produit par l’élève, c’est une action decontrôle, une mesure de l’écart entre le produit réaliséet une norme. Cela ne permet pas de développer unedémarche réflexive.

Dans le cadre d’une évaluation formative, l’interven-tion du professeur risque de bloquer70 le processus derecherche de l’élève ; les difficultés que le problèmeentraîne chez l’élève ne sont pas repérées, la rectifica-tion cache l’erreur et surtout les conditions de sonapparition.

L’idée est de ne plus se cibler en priorité sur la correc-tion des erreurs mais de s’en servir pour comprendrel’élève et entrer dans son mode de pensée71. L’analysede l’erreur permettrait alors de saisir la stratégie de

l’élève, de comprendre sa logique pour l’aider à dépas-ser l’erreur.

L’erreur doit être exploitée car elle offre des garantiesde réussite ultérieure. Pour HADJI72, il faut saisir leserreurs comme autant d’occasions pour comprendre etaider l’élève. L’erreur est considérée comme nécessaireà la prise de conscience de difficultés. L’étudiant abesoin de rencontrer l’erreur, elle va attirer son atten-tion et va l’amener à réfléchir et à en chercher lescauses.

Utiliser et exploiter l’erreur de façon systématique estune occasion de comprendre les choses d’une autrefaçon.

Selon BONNIOL73 il est nécessaire que les élèves puis-sent connaître leurs erreurs, les analyser, les com-prendre et en comprendre les démarches. Pour cela, leserreurs sont reconnues comme erreurs par ceux qui lesont produites et chaque erreur est reliée aux significa-tions qui lui donnent son statut d’erreur. Un étudiant-infirmier qui va lever sans précautions un patient fati-gué, présentant un nouveau problème de santé, vacommettre des erreurs car il n’a pas repéré les signesd’aggravation de l’état de la personne et va réaliser unsoin inadéquat en la levant. Cela repose sur unmanque de connaissances, des lacunes quant à l’ana-lyse de la situation, voire peut-être un manque d’atten-tion et d’écoute du patient.

L’autorégulation

NUNZIATI74 propose de confier l’erreur à l’élève lui-même, afin qu’il intériorise la démarche par appropria-tion des critères de réalisation et des critères de réussitequi constitue l’idée directrice de l’évaluation-forma-trice ; l’élève doit alors être capable de repérer les pro-cédures non respectées aussi bien que les opérationsréussies.

Quand il s’agit d’intervenir sur les processus, c’estl’élève qui peut corriger par autorégulation ses propreserreurs.

50Recherche en soins infirmiers N° 62 - septembre 2000

67. ibid. p. 115-11668. LEPLAT J. Erreur humaine, fiabilité humaine dans le travail, Paris,

Armand Colin, 1985, p. 11269. AMIGUES R. Conceptualisation de l’apprentissage, in

Interactions didactiques, 1991, p. 1870. ibid. p. 19)71. PERRENOUD P. cité par HADJI C. L’évaluation des actions édu-

catives, Paris PUF, 1992, p. 167

72. HADJI C. L’évaluation des actions éducatives, Paris, PUF, 1992,p. 166.

73. BONNIOL J.J. Recherches et formation, pour une théorie del’évaluation formative in DE KETELE J.M., L’évaluation, approchedescriptive ou prescriptive, De Boeck, 1986, p 130

74. NUNZIATI G. 1990 L’évaluation formatrice, in L’évaluation,Paris, Cahiers Pédagogiques, 1987, No 256, pp. 36-40

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S’il s’agit de procédures, des activités de contrôle de lapart du formateur portant sur la validité des différentesétapes, peuvent permettre de renforcer les procéduresapprises. La référence à un protocole qui comporte lescritères de réalisation peut être un bon guide poureffectuer ce travail.

Dans une approche décrite par AMIGUES75, la régula-tion de l’action se fait par l’erreur détectée et traitée parles élèves; elle reflète les tentatives développées par lesélèves pour résoudre le problème posé. Les erreurs ren-dent visibles les fonctionnements cognitifs de chacun.

Essais-erreurs…

L’action, par la confrontation au réel qu’elle implique,oblige l’individu à s’adapter à la situation, c’est en soiun facteur de régulation.

Il existe la possibilité de régulation par l’action, en uti-lisant la méthode des essais-erreurs décrite par PIA-GET76.

En se référant au même auteur, WEISS77 propose devoir dans l’erreur, un déséquilibre à compenser par unautre essai, il met l’accent sur la possibilité de provo-quer un conflit, d’où échange, confrontation de pointsde vue et tâtonnements à la recherche d’une autresolution.

Les apprentissages par essais-erreurs ou tâtonnementssupposent « des régulations en boucles, le résultat del’essai influence le suivant par action en retour maisaussi avec anticipation progressive des succès ouéchecs ».

L’erreur permet alors la construction de connaissancespar tâtonnements successifs par un élève qui réfléchit,se questionne et est impliqué dans des situations d’ap-prentissage.

L’ensemble de cette démarche peut s’envisager en tra-vaux pratiques quand l’étudiant apprend une tech-nique sur un mannequin, mais peut-on la mettre enoeuvre au moment d’un soin auprès d’un patient?

3 - Prévenir l’erreur mais aussi l’anticiper…

Comment gérer l’erreur pour la prévenir78 : en agissantsur le système et les dangers qu’il peut présenter, d’oùl’importance de reconnaître les risques que représen-tent certaines situations pour des étudiants, en amélio-rant les potentiels de l’homme, en compensant sespoints faibles, en mettant en place des aides qui per-mettent de repérer les erreurs et d’y remédier le plusvite possible.

Dans l’exercice du travail, il faudra prendre en compteégalement la charge de travail, la connaissance et lafamiliarité avec le milieu de travail.

Mais, en développant des procédures pour éviter unaccident ou une erreur, on peut déplacer le risqueailleurs. Des actions préventives, telle que la créationde supports techniques permet aussi de déterminer unniveau de risque acceptable. L’utilisation des fiches decalcul de doses dans les services ne permettent pas dedévelopper le raisonnement mais évite un certainnombre d’erreurs dans la préparation des dosages.

Le sujet possède une capacité d’anticipation.« L’anticipation est plus qu’un prolongement de l’ac-commodation, elle permet des accommodations anti-cipatrices79 ». C’est une capacité de transfert à partird’expériences, d’informations acquises et conservéesdans la mémoire.

Cette fonction anticipatrice dérive des connaissancesantérieures qui sont organisées, orientées de façon àenvisager les tâches futures.

A partir de l’objectif global de l’apprentissage, l’étu-diant planifie des activités et peut alors effectuer lescorrections par anticipation qui permettent d’éviter leserreurs futures, les erreurs correspondant à des critèresde réalisation qui ne sont pas intégrés.

Toute erreur est analysée et référée à un critère de qua-lité de soin et doit conduire à rechercher des solutionspour « l’éviter par anticipation ».

Par exemple, lors d’un soin, le critère « sécurité dupatient » devrait toujours être respecté. Pour éviterqu’un patient chute lors d’un premier lever trop brutal,peut-on demander à l’étudiant d’anticiper la démarche

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APPRENDRE PAR L’ERREURLE STATUT DE L’ERREUR DANS LE CADRE DE LA FORMATION INITIALE DES INFIRMIERS

75. AMIGUES R. : L’apprenti, l’erreur et le système, in InteractionsDidactiques, No 12, 1991, p. 21.

76. PIAGET J. Biologie et connaissance, Delachaux et Niestlé, p. 2977. WEISS J. cité par HADJI, L’évaluation des actions éducatives,

Paris, PUF, 1992, p. 167-168

78. KEYSER, V. de L’erreur humaine In la Recherche, No 216, 1989,p. 1454.

79. PIAGET J. Biologie et connaissance, Delachaux et Niestlé, p. 181.

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qu’il va mettre en oeuvre et les risques encourus par lepatient?

En conclusion

L’erreur, lors de la formation des étudiants-infirmiersbénéficie d’un statut différent à l’I.F.S.I. et dans les ter-rains de stages.

Celle-ci ne pourra s’inscrire dans une logique d’ap-prentissage que si on lui confère un sens, une significa-tion et si elle est autorégulée par l’étudiant.

Pour cela, il est nécessaire qu’elle soit repérée et recon-nue, analysée et comprise, et ainsi utilisée comme unoutil d’apprentissage pouvant contribuer à développerles savoirs.

Dans un service de soins, travailler l’erreur quand ellese réalise est essentiel, il faut aussi pouvoir la com-prendre pour y remédier.

N’y-a-t-il pas là aussi un travail d’anticipation à faire?

L’importance du risque humain nous conduit à envisa-ger une possibilité « d’utiliser l’erreur avant qu’elle nese réalise »… Il s’agit de l’anticiper en faisant appel àtoutes les ressources existantes, connaissances, expé-riences.

N’est-ce pas là un moyen d’anticiper le risque que faitcourir l’étudiant au patient, ce qui permettrait éventuel-lement de le réduire voire de l’annuler parfois?

3 - L’ERREUR TELLE QU’ON LA RENCONTRE…

Cette étude a été conduite dans le cadre de la forma-tion initiale des infirmiers, lors de leur formation enI.F.S.I. mais aussi sur les terrains de stage qui lesaccueillent tout au long de leur scolarité.

Je me situe dans une activité de formateur mais aussien tant qu’évaluateur des dispositifs mis en place enregard de l’erreur, qu’on les retrouve en I.F.S.I. ou sur leterrain.

A - Choix de la méthodologie et limites données à cette étude

L’intérêt de ce travail est de faire une étude qualitativede l’erreur dans le cadre de la formation des infirmiers,d’en établir une typologie et d’accéder à la connais-sance de ce qui est mis en place en regard de l’erreur,son utilisation, son traitement…

Réaliser une étude statistique des erreurs ou le type deserreurs rencontrées ne permet pas un travail approfondisur la compréhension des erreurs et les possibilités d’yremédier, d’où mon choix de réaliser des études de cas.

Les erreurs graves, connues, qui ont été médiatiséessont heureusement peu nombreuses. Aucune étudeprécise n’est menée au sein des établissements hospita-liers ou des instituts de formation dans le but de mieuxconnaître ce sujet.

Certaines erreurs ayant entraîné des accidents graves nesont pas connues, elles sont traitées et réglées sur leplan interne sans qu’il y ait une quelconque informa-tion, même en interne, des faits.

Il est utile d’étudier tous les cas d’erreurs repérées,reconnues et réparées, n’ayant pas porté préjudice, ouévitées de justesse, afin de les comprendre. Cependant,il en reste peu de traces, tant à l’I.F.S.I. que sur le ter-rain, et ce dans le cadre de l’évaluation formative et dela régulation mise en place.

Seuls sont écrits les détails des erreurs relevées dans lescopies de validation et quelques fois des descriptifsprécis d’erreurs réalisées soit en stage, écrits dans lerapport de stage, soit lors des M.S.P.80, notés sur lesfiches de notations. Dans ces derniers cas, le rapportcomporte parfois des détails concernant les problèmesrencontrés chez l’étudiant.

De plus, les témoignages d’erreurs ne sont pas très pré-cis tant au niveau du descriptif que de la démarcheentreprise par l’étudiant, le formateur ou le profession-nel.

Je cherche à explorer l’erreur dans un contexte réel, àpartir de situations décrites par des formateurs, desinfirmiers ou des étudiants : des erreurs retrouvées dansdes copies ou s’étant révélées lors de travaux dirigés àl’école, des erreurs réalisées au cours de soins dans les

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80. M.S.P. : mise en situation professionnelle

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unités de soins, quand l’étudiant est encadré par uninfirmier ou lors de M.S.P..

Il est à noter que pour cette étude, je vais utiliser, enmajorité, des erreurs retrouvées dans des copies devalidations de modules d’enseignements car il existetrès peu de traces d’erreurs faites lors de travaux diri-gés.

Dans ce cas, les erreurs réalisées sont sanctionnées parune note. Il en est de même pour les épreuves pra-tiques (M.S.P.) qui jalonnent la formation. Ce contrôlecontinu permet néanmoins un éventuel réajustementde la situation si des erreurs sont relevées.

Seuls les encadrements réalisés sur le terrain par lesinfirmiers ou les formateurs, où certaines erreurs sontrencontrées et décrites plus ou moins précisément parles différents acteurs, s’inscrivent dans le cadre del’évaluation formative. Encore qu’il soit possible queles difficultés rencontrées par l’étudiant soient notéesdans le rapport de stage et prises en compte dans lanote de stage.

Ces études de cas, ces témoignages, permettrontd’identifier des éléments récurrents dans les différentessituations, de réaliser une typologie des erreurs rencon-trées et d’évaluer si à l’école et sur le terrain, ceserreurs relèvent des mêmes processus, s’il peut y avoirun lien entre les erreurs repérées dans les deux lieux.

Cette étude s’intéresse au comment et au pourquoi deserreurs et vise l’interprétation des erreurs avant d’envi-sager leur traitement et peut-être même leur anticipa-tion…

J’ai pu collecter, en rencontrant des formateurs et desinfirmiers, des extraits de copies de validation où figu-rent des erreurs, des notes relevées lors de travaux diri-gés ou de soins, enfin des témoignages recueillis lorsd’entretiens.

Des entretiens avec des étudiants, volontaires pour par-ticiper à cette étude, ont été réalisés à la rentrée etviennent compléter les propos des formateurs et pro-fessionnels.

Les situations étudiées reposent sur les expériences desformateurs, des infirmiers et des étudiants et sur la per-ception qu’ils ont de l’erreur.

Dans un premier temps, chacun va décrire une ou plu-sieurs situations d’erreur, puis analyser ces erreurs enl’intégrant plus ou moins dans le processus de forma-tion, en expliquant la démarche mise en place par le

formateur et/ou par l’étudiant pour y remédier, pour entirer un enseignement…

B - Premiers commentaires et interprétationsdes études de cas et témoignages recueillis

Cette enquête a été réalisée auprès de formateurs, decadres infirmiers, d’infirmiers travaillant dans des éta-blissements hospitaliers et d’étudiants infirmiers de2ème et 3ème année.

Les grandes lignes de l’entretien reposent sur : le des-criptif détaillé de l’erreur rencontrée, la perceptionqu’en a le correcteur et/ou l’étudiant, l’analyse qui aété faite par le professionnel et/ou l’étudiant et la remé-diation possible proposée.

En ce qui concerne les étudiants, chacun a rapportéune situation rencontrée personnellement, puis a tentéd’expliquer son erreur, les conséquences éventuellesainsi que l’utilisation qu’il en a faite lui-même.

1 - Situations rencontrées en I.F.S.I.

Les erreurs analysées dans ce chapitre81 ont été rele-vées dans des copies de validation d’étudiants de 2ème

année (en milieu de formation).

Toutes les situations ont été consignées avec minutieafin de disposer d’un maximum d’informations. Ellesconcernent des erreurs de calcul et des erreurs dans laprise en charge infirmière du patient.

Elles ont été choisies de façon à aborder un maximumde situations différentes, mais aussi en portant l’atten-tion sur la précision des faits rapportés.

La reprise de données qui ne sont pas celles du libellésont assez fréquentes, selon les formateurs. Elles peu-vent être dues soit à des erreurs de lecture, soit à deserreurs de compréhension du texte ; cela se retrouvedans les calculs de durée des perfusions où les inter-valles entre les traitements sont assimilés à la durée dutraitement et cela bien que la durée (30 minutes) soitprécisée dans le texte.

53Recherche en soins infirmiers N° 62 - septembre 2000

APPRENDRE PAR L’ERREURLE STATUT DE L’ERREUR DANS LE CADRE DE LA FORMATION INITIALE DES INFIRMIERS

81. Annexe 2

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L’écriture des abréviations peut aussi poser problème :« g » pour grammes et gouttes, ce qui n’est pas lamême mesure…

La méconnaissance des unités, le manque de significa-tion qui leur est donnée se rencontrent souvent, il enest ainsi pour la confusion gouttes et millilitres, milli-grammes et millilitres…

Quand un étudiant écrit : 1 ml = 20 gouttes, l’égalité,dans l’esprit des étudiants, pousse à l’identificationdonc éventuellement à la confusion des unités, l’em-ploi du mot « égale » est abusif ; il vaudrait mieux dire :1 ml contient 20 gouttes ou 20 gouttes ont un volumede 1 ml.

Les confusions d’unités sont fréquentes. Des milli-grammes (mg) et des millilitres (ml) sont additionnés.Or, il se trouve que l’on dit que : 1 litre d’eau = 1 kilo-gramme. Cela peut être une généralisation erronée decette équivalence. Il serait plus judicieux de dire :1 litre d’eau pèse un kilogramme, ou 1 kilogrammed’eau occupe un volume de 1 litre et ainsi utiliser levocabulaire à bon escient.

Préciser de façon systématique les chiffres et les unitéspermettrait à l’étudiant de se questionner sur les diffé-rentes unités de mesures et leurs rapports.

Il s’y ajoute des erreurs de calcul telle que 325/30= 1,831… oubli du zéro, d’où erreur dans l’opérationde division. D’autres exemples concernent l’opérationde multiplication.

Il faut rappeler que les calculatrices ne sont pas autori-sées lors des validations écrites à l’I.F.S.I.

Enfin, les étudiants ne réagissent pas à des résultats quine sont pas réalistes : exemple de débit de perfusiontrès lent

Cela révèle aussi un problème d’appréciation del’ordre de grandeur.

Un tel débit (4 gouttes par minute) devrait surprendreun étudiant de 3ème année qui a déjà quelques expé-riences de stage, qui a déjà préparé et posé de tellesperfusions, et dont les débits ne sont jamais aussi lents.Cette erreur semble reposer sur l’impossibilité de sereprésenter l’acte dans la réalité.

La dernière situation de la série « erreurs de calcul »,concerne un étudiant qui a fait deux erreurs différentesdans les deux exercices. Il se trouve que cette situationa été découverte de manière fortuite du fait de cette

étude, car les formateurs ayant été amenés à rechercherces exemples ont constaté qu’un étudiant étaitconcerné à deux reprises.

De plus, dans cette situation, l’étudiant réalise à deuxreprises les opérations concernant la préparation desantibiotiques. La première fois, il fait le calcul approxi-matif sur une quantité de 100 ml et la seconde, il cal-cule précisément la quantité à perfuser, en addition-nant la quantité d’antibiotique dissoute. Dans lesecond cas, le calcul est juste.

L’étudiant n’établit pas de comparaison entre les deux,or selon ses calculs, pour 6 ml ajoutés à la quantité àperfuser (augmentation de 6 %), le débit augmente de30 gouttes par minute, il est pratiquement doublé.

Les erreurs décrites dans le cadre de la prise en chargeinfirmière mettent l’accent sur des conduites inadap-tées liées soit à un problème de compréhension desdonnées, soit à une interprétation inadéquate desénoncés.

Les formateurs s’interrogent sur la compréhension desmots82, le vocabulaire spécifique de la profession pou-vant entraîner des formulations approximatives.

Selon les formateurs, ces erreurs sont aussi dues à unmanque de connaissances. Cependant, dans certainscas, il s’agit d’une interprétation des données d’unénoncé, attitude qui serait préjudiciable pour le patients’il s’agissait d’une interprétation des prescriptionsmédicales…

Ces questions concernent des situations qui peuventêtre rencontrées en stage, d’où l’intérêt d’évaluer cesconnaissances et d’induire un temps de réflexion chezles étudiants pour qu’ils repèrent en quoi leursréponses sont erronées.

Devant ces soins inadaptés, chacun a tendance à direque cela ne pourrait pas se réaliser ainsi sur le terraincar d’une part ils ne seront pas seuls (comme devantleur copie), d’autre part, le passage à l’action peutengendrer d’autres réflexions… selon des formateursrencontrés au cours de ces entretiens.

Un étudiant ne dilue pas le médicament dans unsoluté… Sur le terrain, cela va lui créer quelques diffi-cultés quant à la faisabilité de l’acte. Cela révèle unmanque d’expériences ou une impossibilité à les utili-ser dans un autre contexte.

54Recherche en soins infirmiers N° 62 - septembre 2000

82. Annexe 2

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Pour remédier à ces erreurs, les formateurs vont utiliserdifférentes méthodes telles que correction en groupeou en individuel, ils vont insister à nouveau sur leserreurs de calcul et leur importance; travailler à partirde l’énoncé du problème, ce qui a été compris, le fairereformuler et faire l’ensemble de la démarche avecl’étudiant en ciblant les choses dès la lecture du pro-blème.

Que se passe-t-il sur le terrain? Les erreurs détectéessur le terrain sont-elles semblables, sont-elles en lienavec celles rencontrées en I.F.S.I., procèdent-elles desmêmes démarches?

Quels sont les moyens développés dans les services desoins pour les reconnaître, les utiliser, les traiter…?

2 - Situations rencontrées en services de soins

Les nombreux témoignages rapportés dans cette étudeont été récoltés auprès d’étudiants, d’infirmiers, decadres infirmiers et de formateurs.

Ils émanent tous des lieux de stages et ont été observésau cours du stage, lors d’encadrement83 ou de M.S.P.

Lors des entretiens, des professionnels ont remarquél’absence de traces écrites concernant les erreurs, illeur a fallu faire appel alors à la mémoire de chacun,ce qui rend l’exercice difficile et leur témoignage plusou moins fiable.

Les professionnels relèvent différentes causes auxerreurs rencontrées sur le terrain :- manque de connaissances relevant du contact

humain, de la relation, de l’écoute- manque de connaissances relevant de l’observation

infirmière- problème d’appropriation des connaissances- absence de compréhension de la situation- manque de rigueur dans l’application des prescrip-

tions- manque de logique- des oublis par manque de discernement, de maturité

dans leur apprentissage- incompétence globale pour exercer ce métier

- problème de comportement relevant de l’éthique pro-fessionnelle.

Les soins aux patients reposent sur des priorités que lesétudiants ont parfois du mal à repérer. L’étudiant, àl’écoute du patient, ne peut ignorer ses demandes et ced’autant plus qu’elles concernent sa sécurité et sonconfort.

Le manque de connaissances que relatent les profes-sionnels relève plus précisément de difficultés à s’ap-proprier des connaissances.

Les situations rencontrées sont à la fois semblables etdifférentes, les étudiants font des actes qui se ressem-blent mais c’est à chaque fois dans un contexte autreavec un patient différent ; aussi faut-il à chaque fois,adapter le soin à cette personne et tenir compte despriorités qui sont celles du moment, de la personne, ducontexte. Cela demande que l’étudiant ait, au sensdécrit par PIAGET84 assimilé et accommodé sesconnaissances.

A plusieurs reprises, l’étudiant a soit minimisé sonerreur85 soit ne l’a pas reconnue comme telle. Les soi-gnants ressentent alors des difficultés pour accompa-gner l’étudiant dans l’apprentissage des savoir-faireprofessionnels.

Quels que soient les soignants rencontrés, tous restenttrès vigilants dans le cadre de l’encadrement des étu-diants en stage. Ce suivi peut être assimilé parfois à uncontrôle permanent et ce d’autant plus que les risquesque court le patient sont importants.

De même, les étudiants qui sont confrontés à leurspropres erreurs, développent cette démarche d’auto-contrôle permanent.

Il faut aussi constater que les étudiants, quand ils fontdes erreurs, sont capables de mettre en place unedémarche adéquate pour y remédier ; d’abord pourtraiter les conséquences pour le patient, mais aussipour que cela soit un réel apprentissage pour eux.

Il arrive aussi que des étudiants évitent des erreurs etpuissent anticiper les conséquences potentielles pourle patient.

Il y aurait là un partage d’expériences à faire avec lesétudiants pour éveiller leur curiosité et ainsi valider

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APPRENDRE PAR L’ERREURLE STATUT DE L’ERREUR DANS LE CADRE DE LA FORMATION INITIALE DES INFIRMIERS

83. L’encadrement s’inscrit dans le cadre de l’évaluation formative ;il s’agit pour l’infirmier ou le formateur qui se rend pour celaen service d’accompagner l’étudiant lors de la réalisation dessoins et d’assurer sa formation à partir de ses expériences deterrain

84. PIAGET J. Biologie et connaissance, Paris, Delachaux-Niestlé,1992 (Ière édition : 1967)

85. Annexe 3

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l’intérêt des connaissances acquises sur le terrain et desexpériences vécues par chacun.

Des infirmiers ont évoqué le fait qu’ils ne faisaient paspréparer les chimiothérapies anticancéreuses par lesétudiants car ce sont des traitements lourds pour despatients gravement atteints, et les dosages sont com-plexes.

« On ne peut pas se permettre une erreur, on n’a pas ledroit » me rapporte un infirmier. Comment les étu-diants pourront-ils apprendre ces gestes et en percevoirla gravité s’ils ne les réalisent pas en cours de stage?

Un exemple rapporté par un étudiant montre l’ambi-guïté de la situation. N’ayant pas informé l’infirmier desanomalies constatées, il se voit reprocher une « demierreur », un manque de réflexion, de questionne-ment… Dans la suite de son stage, l’équipe soignantene lui a plus permis de faire certains actes.

Les questions concernant les erreurs de dosage, lesconfusions d’unités reviennent souvent. En service,l’utilisation de la calculette est autorisée mais onencourage aussi l’étudiant à faire le calcul par sespropres moyens. Des difficultés sont nettement remar-quées dans les calculs de pourcentages.

Les équipes invitent les étudiants à poser des questions,et ce d’autant plus qu’ils doutent, ce qui conduit à desattitudes extrêmes : tantôt l’étudiant sûr de lui quiévoque qu’il sait faire et qu’il a déjà fait seul ailleurs aupoint de se sentir trop « surveillé » « on me laisse toutfaire dans les autres services »…, tantôt l’étudiant quidoute de tout et qui demande l’avis d’un soignant pourvérifier s’il a coupé correctement un suppositoire endeux parties égales…

A la lecture de certains exemples rapportés du terrain,on constate que l’erreur se produit souvent dans uncontexte précis « l’équipe est en retard et pour gagnerdu temps, des vérifications ne sont pas faites ».

Dans les services, les soignants peuvent développerune attitude compréhensive à l’égard des étudiants quipeuvent alors poursuivre leurs stages dans des condi-tions propices à leur progression.

Il faut noter que des erreurs sont dédramatisées par lesinfirmiers. Pourtant, les souvenirs restent bien présentschez les étudiants.

On peut aussi remarquer que ces erreurs retrouvéesparfois dans des copies, sont considérées comme irréa-lisables sur le terrain!

Toutefois, le sentiment de culpabilisation est présentchez certains étudiants. Il est vrai qu’ils entendent dire qu’ils sont « dangereux » Ils perçoivent une « pres-sion » de la part des soignants, un climat de suspicion,de méfiance à leur égard.

Cela ne facilite par les apprentissages et conduit pluscertainement à faire d’autres erreurs.

C - Analyse des situations rencontrées

Cette analyse a été réalisée à partir des descriptifs d’er-reurs et des commentaires et analyses recueillis auprèsde formateurs, d’infirmiers et d’étudiants.

Si l’on analyse globalement les écrits collectés et lestémoignages recueillis, certains manquent de préci-sions ; cependant, ils sont le reflet le plus fidèle dessituations rencontrées.

Hormis les exercices relevés dans les copies, certainessituations présentées dans cette étude sont approxima-tives y compris au niveau du descriptif de l’erreur.

La question de la fiabilité de ces témoignages a étéévoquée par les professionnels eux-mêmes.

De plus, le fait de travailler sur les erreurs rencontréesdans des copies de validation est lié à l’absence detraces concernant les erreurs que font les étudiants entoutes circonstances d’apprentissage à l’école.

Ces erreurs s’inscrivent dans le cadre d’un contrôlecontinu et vont pouvoir être utilisées dans le cadre for-matif, mais ce n’est pas leur vocation première.

Les étudiants, volontaires pour s’entretenir de leurserreurs, se sont exprimés à partir d’expériences vécuesdurant les stages. Pour la plupart, ce sont des erreursdont ils ont su tirer profit.

La question de la qualité de l’évaluation formative ouplus exactement de l’erreur formatrice, le repérage etla reconnaissance de l’erreur, son traitement et sonanticipation éventuelle seront plus particulièrementévoqués dans ce chapitre.

Cette étude porte sur les erreurs dans leur champ res-pectif, en cours de formation ou en stage, tout en ques-tionnant la possibilité de liens entre les deux.

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1 - Typologie des erreurs…

Trois grandes classes d’erreurs qui se décomposent en :erreurs « basiques » telles que les erreurs de calcul, devocabulaire et de lecture, erreurs d’acquisition deconnaissances professionnelles et enfin insuffisance deréflexion et d’autocritique.

Les erreurs de lecture ou de compréhension des énon-cés des exercices sont fréquentes bien que ceux-cisoient rédigés avec précision. Des services de soinsrédigent leurs protocoles avec la même rigueur afind’éviter des erreurs…

Des mots tels que expliquer, argumenter relèvent debases acquises au collège, les bases de calcul s’acquiè-rent durant l’enseignement primaire.

La compréhension des mots tient une grande place,ainsi un étudiant peut-il écrire quelque chose et faireautre chose. Quel sens a l’expression « réduction d’unefracture »? Le vocabulaire médical est spécifique et lemot réduction n’est pas compris ici dans son sens com-mun…

Il en est ainsi de l’exemple où les étudiants confondent« fendre » et « enlever le plâtre ». Pourtant, la termino-logie spécifique est longuement étudiée en début deformation.

Pourraient-ils faire le soin correctement et écrire desinformations erronées sur les fiches de transmission,comme sur les copies par manque de compréhensiondes mots?

Une autre difficulté rencontrée dans les exercices decalculs de doses est la confusion des unités, confusiongouttes, millilitres, milligrammes, unités…. ce qui faitqu’additionner des unités dissemblables ne semble passuspect aux étudiants.

Cela illustre des associations de notions qui conduisentà développer des connaissances erronées.

De plus, les raisonnements ne sont pas toujours expli-cites et l’utilisation des flèches, du signe « égal », dumot « donc » manque de pertinence.

La confusion entre les unités peut se produire sur le ter-rain comme cela a déja été précisé, cela conduit l’étu-diant à donner au patient des doses de thérapeutiquesentraînant des conséquences graves.

Cela conduit aussi l’étudiant à produire des résultatsdéconnectés de la réalité, ce qui ne l’interroge pas. Illui est difficile de se projeter dans la réalité ou de seservir de ses expériences pour relativiser ou critiquerson résultat.

Les expériences de stage (préparation de perfusionsd’antibiotiques…) sont fréquentes, d’où la connais-sance des durées et débits habituels des perfusions : laquestion du transfert se pose car les exercices d’écoleont pratiquement le même libellé que les prescriptionsfaites par les médecins et internes dans les services desoins.

La lecture de la prescription pose même un autre typede problème plus spécifique au terrain, il s’agit de lalisibilité… d’où l’intérêt de demander l’aide d’un infir-mier..

Enfin, les erreurs de calcul : division, multiplication…font partie entre autre du calcul de proportionnalité quin’est pas intégré.

Cela oblige les services à mettre en place différentsmoyens : fiches, tableaux pour éviter les calculs et parlà même les erreurs… Cela ne peut-il pas déplacer l’er-reur? Ainsi un service a développé un nouveau proto-cole qui consiste à modifier les vitesses des poussesseringues électriques pour modifier les doses. Les soi-gnants doivent alerter les étudiants sur cette pratiquecar elle n’est pas généralisée à l’ensemble des services.De plus les étudiants ne comprennent pas toujourscette démarche de modifier la vitesse ou la durée pourmodifier la dose…

Les erreurs ne sont plus des erreurs de calcul mais deserreurs de programmation des seringues… L’étudiantne peut s’adapter à une nouvelle pratique dont il necomprend pas toujours le sens. Le réajustement néces-saire passe le fait de transposer les modifications dedosages dans un autre cadre et de les transformer enmodifications de programmation.

Les connaissances sont essentielles quel que soit ledomaine où se produit l’erreur. Les formateurs retrou-vent parfois des « aberrations » en anatomie et en phy-siologie. Par exemple, les veines pulmonaires viennentvasculariser le foie…

Reconnaître des signes, des effets secondaires de théra-peutiques, observer un patient reposent sur desconnaissances spécifiques que l’étudiant doit assimilerdurant sa formation et tout au long de sa carrière. Ellessont indispensables pour garantir aux patients uneinformation et des soins corrects.

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APPRENDRE PAR L’ERREURLE STATUT DE L’ERREUR DANS LE CADRE DE LA FORMATION INITIALE DES INFIRMIERS

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Les connaissances théoriques sont au service de la pra-tique, aussi des lacunes théoriques peuvent être dom-mageables en stage. Un manque de connaissance peutentraîner une surveillance insuffisante.

Le travail par rapport à l’erreur effectué à l’école peutalors porter ses fruits en stage. Ceci se vérifie aussi pourles erreurs de calcul de dose, la confusion entre lesunités.

Comme le souligne BACHELARD86, on retrouve desconnaissances erronées véhiculées en cours de forma-tion. L’utilisation de la morphine87 est souvent associéeà des risques d’accoutumance et de dépression respira-toire, alors que les risques les plus fréquents sontautres : constipation, nausées, hypotension artérielle.

On retrouve des interprétations des énoncés, des pres-criptions qui impliquent des conduites inadaptées etpeuvent entraîner des risques majeurs pour le patient.Que ce soit à l’écrit ou en stage, l’étudiant a des diffi-cultés à percevoir les priorités de la situation, ilapplique une succession de gestes alors qu’un soinadapté va reposer sur une prise d’informations de lasituation avant d’agir. Les critères qui définissent laqualité d’un soin88, tel que l’absence de douleur, nesont pas toujours clairement identifiés par les étudiants.

Sur le terrain, des erreurs vont reposer sur des compor-tements inappropriés concernant le respect de la per-sonne et la composante relationnelle.

Enfin, les formateurs et les infirmiers font fréquemmentréférence au manque de logique des étudiants. Cela neconcerne pas que le bon sens, mais fait appel à unenchaînement rationnel des réflexions, des gestes, àune perception de la situation qui va faire que l’étu-diant agit d’une certaine façon en se référant à des cri-tères précis et en tenant compte des priorités émer-geant de la situation.

2 - L’erreur formatrice…

Les propos des professionnels évoquent le suivi, l’ac-compagnement des étudiants, cependant, les motscontrôle, vérification reviennent souvent et sont intime-ment liés à la vigilance qu’ils ont vis-à-vis des étudiantset la responsabilité qu’ils assument du fait de leur fonc-tion d’encadrement des étudiants.

Les étudiants le perçoivent aussi de cette manière etvivent plus ou moins bien cette présence vigilanteLeurs propos montrent que les comportements deméfiance, de contrôle peuvent nuire à la qualité dustage; de plus, ce climat crée des conditions favorablesà l’apparition de nouvelles erreurs.

Il y aussi des situations où l’étudiant, à partir d’uneerreur, est capable de la repérer et d’agir en consé-quence d’abord dans le but d’y remédier pour lepatient, pour ne plus la reproduire et en tirer une expé-rience. Il est alors capable d’en parler, d’en com-prendre les mécanismes d’apparition et ceux qui pour-ront éviter qu’elle se reproduise.

Des étudiants ne peuvent se représenter certaines situa-tions que lorsqu’ils ont vu ou pratiqué le soin, par lepassage au concret. Le cadre de la formation par alter-nance permet de varier les modes d’apprentissage desétudiants.

En formation, l’erreur est reprise soit en travail indivi-duel, soit en travail collectif, le formateur ou l’infirmier,« qui ne comprend pas toujours que l’étudiant ne com-prend pas89 », explique à nouveau la démarche…

Il serait alors, comme l’évoque NUNZIATI90, plusadapté de demander à l’étudiant d’expliquer sadémarche afin qu’il trouve lui même les éléments àrevoir.

Les erreurs de calcul retrouvées dans les copies de vali-dation sont à l’image des erreurs rencontrées lors detravaux dirigés et inversement..

En amont des validations, en fin de 1ère année et encours de 2ème année, des travaux dirigés portent sur lescalculs de dose afin que les étudiants se familiarisentavec les calculs concernant la préparation de différentstraitements.

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86. BACHELARD G. La formation de l’esprit scientifique : « onapprend contre une connaissance antérieure, en détruisant desconnaissances mal faites...» (

87. Morphine : antalgique majeur dont l’utilisation s’est développéeces dernières années par l’intermédiaire du mouvement desSoins Palliatifs

88. Référence aux critères de réalisation et aux critères de réussitetels que les décrits G. NUNZIATI. (

89. BACHELARD G. : cf. chapitre 2 : l’erreur en référence à la philo-sophie des sciences

90. NUNZIATI G. : en référence à la notion d’auto-régulation, abor-dée dans le chapitre 2

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Les prises en charge infirmières sont aussi travailléesavec les étudiants lors de cas concrets étudiés dans lecadre des différents modules d’enseignements, ils sontconstruits à partir de situations de terrain, parfois enpartenariat avec des professionnels.

Suite à des erreurs, des dispositifs peuvent être modi-fiés, cela a été le cas lors de l’inversion de tubulures deperfusions et de nutripompe où des repères de couleursont été mis en place. Les protocoles ont alors portémention de ces différences et cela a été possible…grâce à cette erreur.

3 - Différents traitements des erreurs…

REPÉRER L’ERREUR POUR… L’ÉVITER

Sur le terrain, l’utilisation de l’erreur reste limitée. Ilsuffit de se référer aux témoignages, aux descriptionspour se rendre compte que l’erreur n’est pas considé-rée comme un outil d’apprentissage.

Dans les exemples rapportés, le plus souvent l’erreurest repérée par le formateur ou l’infirmier qui accom-pagne l’étudiant. Il arrive même que cette erreur ne soitpas reconnue comme telle par l’étudiant.

En fait, sa découverte est due à la grande, voire l’ex-trême vigilance des infirmiers à l’égard des étudiants,qui contrôlent, vérifient les faits et gestes des stagiaires.Ces derniers ressentent une gêne, une crainte et vontredouter de faire certains soins.

Il en est de même pour certains professionnels qui limi-tent l’activité des étudiants. Dans ces conditions, letemps d’apprentissage sur le terrain n’est pas efficientpour que les étudiants acquièrent les savoir-faire pro-fessionnels.

Il y a parfois des tentatives de recherche du pourquoide l’erreur, cependant cette démarche n’émane querarement de l’étudiant et très rapidement elle est sup-plantée par la question du « comment l’éviter »

Il arrive qu’en stage des étudiants soient sollicités pourexpliquer leur démarche, ce temps de réflexion étantun temps propice à la discussion, à l’analyse de lasituation. Cette situation d’apprentissage est favorableà l’expression de l’étudiant.

A l’I.F.S.I., les erreurs relevées dans des copies neseront peut-être pas discutées avec l’étudiant dans lamesure où une correction collective est réalisée ; Lacorrection individuelle ne se faisant qu’à la demandede l’étudiant.

LE CADRE SPÉCIFIQUE DU STAGE

Il peut y avoir autocorrection91 des erreurs dans lechamp de la pratique parce qu’elles ne sont pas réali-sables sur le terrain. Un étudiant qui, sur le papier per-fuse des antibiotiques sans les diluer se verra dans l’im-possibilité de le faire car il ne pourra pas fixer latubulure sur le bouchon du flacon!!!

De même des alertes sont possibles de la part dupatient ou de l’infirmier, pour lesquelles l’étudiant s’il aun doute, va poser des questions et ne va pas agird’emblée…

Un étudiant propose même d’éduquer les patients àreconnaître leurs médicaments afin qu’ils puissentrepérer d’éventuelles erreurs dans les thérapeu-tiques.

L’étude de l’erreur doit alors tenir compte du contextequi impose parfois une forme de régulation.

D’autres erreurs ne peuvent avoir lieu que sur le ter-rain, telle que régler par inadvertance une alarme tropbasse ce qui fait qu’elle ne donnera pas d’alerte dansles temps voulus.

Un encadrement rapproché des infirmiers permet sou-vent d’arrêter l’erreur avant qu’elle ne se produise oude donner l’alerte rapidement.

C’est le cas dans les unités de réanimation où leséquipes soignantes travaillent en permanence avec lesétudiants compte tenu de la fragilité des patients, de lacomplexité des soins et traitements.

Toutefois, et à plusieurs reprises, les étudiants rappor-tent des répercussions importantes de l’erreur com-mise sur la suite du stage : limitation des actes per-mis, contrôle accru des connaissances et savoir-faire,voire retombées sur le contenu du rapport de stage etsur la note attribuée. Ils mentionnent la « pression »qu’ils ont ressentie après s’être trompés… Cela vaplutôt dans le sens d’une sanction et rend l’apprentis-sage impossible.

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APPRENDRE PAR L’ERREURLE STATUT DE L’ERREUR DANS LE CADRE DE LA FORMATION INITIALE DES INFIRMIERS

Recherche en soins infirmiers N° 62 - septembre 2000

91. Autocorrection : terme employé à plusieurs reprises par des for-mateurs ou des infirmiers

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LE CADRE SPÉCIFIQUE DE L’I.F.S.I.

Les erreurs peuvent entraîner une remise en questionde l’enseignement. Certains formateurs souhaitentprendre appui sur ces expériences d’erreurs vécues enformation ou sur le terrain pour modifier les modalitésd’enseignement du module pharmacologie. Ils souhai-tent développer les connaissances des thérapeutiqueset de leurs effets secondaires de façon à repérer lescaractéristiques essentielles, de cibler la législation envigueur et d’inciter les étudiants à aller chercher lesinformations directement dans les ouvrages ou enquestionnant les médecins. Tout cela, afin de dévelop-per ce comportement pour qu’ils le conservent dansleur pratique professionnelle future.

Il manque un suivi, un « recoupement » des erreursque font les étudiants en différentes occasions. Cessituations ne sont pas repérées au niveau du suivi péda-gogique, il n’existe pas de réelle évaluation d’ordrequalitative.

ENTRE ÉCOLE ET STAGE…

Peut-on établir un parallèle entre la lecture d’unénoncé d’exercice à l’école et la lecture d’une pres-cription sur le terrain ? Il peut y avoir des similitudesentre les erreurs qui reposent sur des confusions demots, des interprétations des notes écrites

Travailler l’erreur à l’école peut avoir des incidences enstage, il est possible que dans certains cas, la familiaritéavec les calculs de doses puisse aider, donnerconfiance en soi sur le terrain.

Mais, rien ne garantit qu’un calcul de doses erronédans une copie sera correct sur le terrain parce quel’étudiant s’en rendra compte de son fait propre ou dufait des soignants, rien ne permet de l’affirmer ni del’infirmer…

Peut-on corréler l’écrit d’un étudiant et ce qu’il peutvivre ou faire sur le terrain? La confrontation à la réalitépeut-elle permettre de corriger l’erreur?

Le contenu des entretiens réalisés ne permet pas derépondre de manière précise. Toutefois, le contexte dustage induit une régulation qui émane de différentessources, soit l’étudiant doute de ses connaissances oude sa compétence au moment de l’action, soit lepatient le questionne…

La formation à l’I.F.S.I. permet des apprentissagesdécontextualisés qui seront ensuite adaptés aux situa-tions, contextualisés. Ainsi les critères de qualité d’un

soin sont étudiés à l’école, ils restent les mêmes sur leterrain mais les priorités données, les indicateurs choi-sis dépendent de chaque situation.

Le passage par « le faire » induit un questionnement.Ce temps de réflexion peut aussi être suscité par un tra-vail d’anticipation de l’erreur, qui peut être fait àl’école tout comme sur le terrain.

4 - Anticipation de l’erreur?

Il n’en est nullement fait référence de manière expliciteau cours des entretiens. Un étudiant a perçu les consé-quences possibles de certains actes (tels que la prépa-ration des médicaments) et a réfléchi comment rendrecette pratique plus fiable ; sa démarche s’inscrit dansune réflexion autour du risque.

Cependant les formateurs évoquent la difficulté qu’ontles étudiants à mobiliser les expériences de stage pourrésoudre les questions qui leur sont posées dans lesexercices et les cas concrets, que ce soit lors des vali-dations ou lors de travaux dirigés.

Dans les propos recueillis, il y a comme une séparationentre les compétences et les expériences acquises enstages et les connaissances travaillées à l’I.F.S.I.

Pourtant, pratique et théorie sont intimement liées dansle cadre d’une formation par alternance comme celledes infirmiers et les deux pôles doivent s’enrichirmutuellement.

Ainsi, les étudiants ne réagissent pas lorsque leursrésultats sont inhabituels et très éloignés de la réalité :les débits des perfusions pourraient surprendre des étu-diants en fin de formation qui ont passé la moitié deleur temps en stage ! Quelle représentation ont-ils del’acte de soin dans la réalité?

Comment les amener à mobiliser les savoir-faire etexpériences acquises si ce n’est en développant descapacités d’anticipation prenant appui sur des pra-tiques, des habitudes.

En service, utiliser l’erreur et aller jusqu’au bout de ladémarche qui va conduire à l’erreur et à l’éventuelleanticipation des risques encourus par le patient, n’estpas une attitude fréquemment rencontrée.

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Un seul formateur envisage de laisser aller l’étudiantdans sa démarche et de l’arrêter à la porte de lachambre du patient…

Alors que la question du risque était posée à un étu-diant, celui-ci à répondu en précisant les risques qu’ilcourait lui quant à sa note de stage, et non le patient…

En conclusion

Cette étude n’a pu être réalisée qu’à partir de tracesécrites à l’I.F.S.I. et de témoignages émanant du terrain.Cela n’a pas permis d’examiner toutes les situationsque l’on peut rencontrer à l’I.F.S.I. ou en services.

Que fait-on de l’erreur? A quoi sert l’erreur ou plutôt àquoi servent les erreurs tant elles sont diverses etvariées?

Elles sont rarement considérées comme formatrices ouassimilées à des outils d’apprentissage. L’utilité de l’erreur est un thème qui n’est pas reconnu comme tel.Le plus souvent, les démarches qui les accompagnentont pour objectif de trouver des solutions aux dom-mages qu’elles créent.

Elles sont soumises au contrôle rigoureux des profes-sionnels qui les redoutent et cherchent par tous lesmoyens à les éviter, d’où une marge d’autonomie res-treinte des étudiants même quand ils sont en fin de for-mation. Le sentiment de responsabilité à l’égard desétudiants est particulièrement présent chez les soi-gnants.

Dans quelques cas, les erreurs ont permis de mettre enplace des procédures particulières pour éviter qu’ellesne se reproduisent et pour améliorer la sécurité despatients. Elles suscitent, à cette occasion, des réflexionsen équipes autour de l’accompagnement des étudiants.

Les étudiants, à la suite d’erreurs qu’ils ont eux-mêmesvécu, développent également des procédures de vérifi-cation rigoureuses, ils apprennent à se questionner àpartir de ces expériences.

En regard de la problématique de travail et de l’hypo-thèse posée : l’erreur n’a pas acquis le statut d’outild’apprentissage.

L’oral permet le dialogue et l’échange. Malgréquelques situations rapportées par des étudiants, il

semble privilégié sur le terrain et a permis d’éviter deserreurs, voire de les compenser.

Il est à noter que cette étude ne bénéficie pas d’expé-riences de travaux pratiques où le dialogue s’instaureégalement entre étudiants et formateur.

Inscrire l’erreur dans une visée formatrice : cela estretrouvé de façon « timide » dans les propos dequelques personnes. Les étudiants sont les premiersconcernés et certains ont appris à partir de leurs erreurset ont développé des processus d’autorégulation.

Le comportement des professionnels est différent vis-à-vis des étudiants, la « pression » est plus forte. Elle estliée au sentiment de responsabilité qui pèse sur les soi-gnants, aux risques existants du fait des activités desétudiants dans les services.

Peut-on parler de sanction sur le terrain? les étudiantssont en quelque sorte pénalisés car compte tenu de cetencadrement rapproché, ils ne peuvent pas bénéficierpleinement de certains stages ; on n’autorise pas tousles gestes aux stagiaires. Cela entraînera ultérieurementdes difficultés pour l’infirmier débutant. Les obstaclesrencontrés par les étudiants, tels que la méfiance de lapart des infirmiers ne sont pas favorables à l’apprentis-sage. De plus, les sanctions se concrétisent dans lesrapports de stages.

L’idée d’anticiper l’erreur, c’est-à-dire d’envisager ladémarche, l’acte et ses conséquences éventuelles,n’apparaît qu’en filigrane au cours de certains entre-tiens.

4 - L’ERREUR, L’ÉTUDIANT, LE FORMATEUR…

Les exemples rapportés dans le chapitre précédentmettent peu l’accent sur la possibilité d’anticiper l’er-reur.

Certes, les exemples de l’école proviennent de valida-tions de modules et ne donnent pas la parole à l’étu-diant pour qu’il réajuste sa réponse. Bien qu’il n’y enait pas de traces écrites, les formateurs précisent quedes erreurs analogues sont retrouvées lors de travauxdirigés ou de travaux pratiques. Utiliser les copies devalidations permet d’avoir des exemples précis d’er-reurs.

61Recherche en soins infirmiers N° 62 - septembre 2000

APPRENDRE PAR L’ERREURLE STATUT DE L’ERREUR DANS LE CADRE DE LA FORMATION INITIALE DES INFIRMIERS

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Certains témoignages se rapportent à des évaluationsorales qui comportent une certaine part de stress. Maisn’est-ce pas un métier qui comprend sa propre part destress !

Ces exemples et ces témoignages vont être utilisés pourservir d’illustrations aux quelques propositions qui vontsuivre.

Certains auteurs considèrent l’erreur comme créa-trice92. Selon les théories de PIAGET, elles sont « desmoments décalés par rapport à une norme qui n’est pasencore intégrée ». Ce sont des étapes nécessaires à toutapprentissage et il faut accepter de prendre ces risquescar sinon les étudiants se cantonneront dans des répéti-tions sans risques mais non pertinentes.

C’est ce que l’on retrouve chez des étudiants-infirmiersqui appliquent - c’est le mot qu’ils utilisent - les proto-coles sans les adapter à la situation, ou qui répètent unsoin tel qu’ils l’ont fait dans une situation précédentesans qu’il soit pertinent au nouveau contexte.

Ils doivent aller au-delà de la procédure décrite, puiserles informations de la nouvelle situation. Cela crée desrisques supplémentaires, laisse la place à des imprévus,entraîne des tâtonnements, demande une réflexion àl’étudiant et implique celui-ci dans une démarched’auto-questionnement par rapport à ses actes. Il y a unchoix dans les différentes façons de faire tout ensachant que la prise d’informations et les expériencesantérieures vont jouer un rôle primordial.

Comment envisager de faire de l’erreur un outil d’ap-prentissage tout en ayant conscience de la prise derisque que cela suppose dans le cadre de l’activité enstage des étudiants-infirmiers?

Sur le terrain, il peut être proposé à l’étudiant d’aller leplus loin possible dans sa démarche y compris lorsd’un geste comportant des erreurs ; mais en fonction deses difficultés, l’infirmier l’autorisera ou non à aller jus-qu’au soin au patient.

Si dès le début de la formation, l’erreur n’est ni cachée,ni banalisée et cela sans développer un sentiment deculpabilisation de l’étudiant, il y aura alors la possibi-lité de créer une démarche positive de questionnementautour de l’erreur, de recherche de ses causes, de sescirconstances d’apparition, mais surtout de son utilité,de son sens.

Comme cela a déjà été dit : ni banalisée, ni sanction-née, elle doit faire partie de l’apprentissage.

Différentes possibilités s’offrent au formateur pourprendre en compte cette erreur et en faire un outild’apprentissage tout en tenant compte de la spécificitédu contexte c’est-à-dire des risques existants ; ce risquene sera jamais égal à zéro. Mais, il est possible par despratiques de réflexion, d’anticipation, d’utiliser l’erreurpotentielle.

A - Quelques préalables

Trois préalables sont indispensables avant d’envisagerde parler de l’anticipation de l’erreur. Ils définissent lecadre permettant de considérer l’erreur autrement.

1 - Opérer une rupture épistémologique

D’abord, nous devons aller au delà d’un discours banalsur l’erreur car il est souvent noté qu’il s’agit d’inatten-tion, d’étourderie, de manque de connaissances. Celane relève que de premières impressions ou de juge-ments hâtifs.

Opérer une rupture épistémologique, comme l’évoqueBACHELARD93 signifie qu’il faut considérer l’erreurcomme outil d’apprentissage, comme une démarchequi a un sens pour l’étudiant et qui lui sera utile.

Tant que l’on reste sur des notions approximatives,superficielles, des idées générales, tant qu’on neregarde pas autrement l’erreur, il est impossible d’enfaire cet outil d’apprentissage propre à l’élève et signifi-catif du chemin parcouru et des difficultés rencontrées.

Ainsi, une première impression sur des erreurs réaliséespar les étudiants évoque des problèmes de lecture dutexte, d’inattention ; mais une autre question surgitquand on approfondit : qu’ont-ils compris du texte, dela question posée, quel sens accordent-ils aux mots…?

Si la pensée quitte l’empirisme immédiat, l’esprit cri-tique de chacun permet de trouver d’autres significa-tions à l’erreur. Il s’agit là de questionner l’erreur.

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93. BACHELARD G La formation de l’esprit scientifique, Paris, Vrin,1993, p. 1992. ASTOLFI J.P. L’erreur, un outil pour enseigner, Paris, ESF, pp. 26-27

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Un exemple94 met en évidence les problèmes de com-préhension des mots qu’utilisent les étudiants.

Au premier abord, il est possible d’envisager que cesétudiants n’ont pas appris ces notions…, mais le forma-teur se questionne au delà de cette première impres-sion pour envisager des difficultés de compréhensionet d’utilisation des mots qui sont retrouvés en d’autresoccasions.

Autre exemple : cet étudiant qui, à deux reprises adonné des réponses erronées pour les deux exercicesidentiques et qui a, pour une même réponse, effectuédeux fois les calculs, la seconde fois avec une réponsecorrecte, mériterait d’être rencontré et ce d’autant plusque d’autres difficultés ont été repérées à son sujet.

L’explicitation des différentes démarches qu’il a suiviespour résoudre les exercices proposés, les obstaclesqu’il a rencontrés, les moyens qu’il s’est donnés pourprogresser, tout cela semble indispensable à connaîtrepour l’aider.

Le plus souvent, le formateur pense avoir compris l’er-reur voire sa cause. Il pense aussi savoir ce que les étu-diants ont compris…

N’est-ce pas l’exemple connu du corrigé-type qui estune « prothèse » de connaissances car son utilisationne montre pas que l’étudiant est au clair avec la situa-tion exposée par le formateur…

Le formateur part alors du postulat que tous les étu-diants ont le même niveau, les mêmes connaissances.Pour traiter le cas concret, il a construit un stéréotypedes besoins et des problèmes de la personne hospitali-sée, alors que les étudiants peuvent avoir d’autresapproches issues de leur vécu de stage.

A la rencontre d’une erreur, la première idée ouimpression ne peut servir qu’à mobiliser la pensée95, àattirer l’attention sur un point particulier. Si on en restelà, il n’y aura pas d’évolution possible du statut de l’er-reur qui restera la faute à éliminer ou à sanctionnerselon les cas.

Ne pas se questionner sur l’erreur reste un obstacle àson étude alors qu’il faut étudier les processus en jeuchez les étudiants et les procédures qu’ils mettent enplace plutôt qu’en sanctionner le résultat.

Accéder à la connaissance de l’erreur, de ses condi-tions d’apparition et des possibilités offertes d’en faireun moyen d’apprendre ne peut se réaliser que dans lecadre de l’évaluation formatrice, qui conduit l’étudiantà un auto-questionnement, à une autorégulation.

2 - Développer l’auto-questionnement

Quand il s’agit de questionner l’erreur, le meilleurmoyen est de se tourner vers l’intéressé. L’étudiant, s’ilne repère pas toujours son erreur, est le seul à pouvoirla reconnaître, étape fondamentale pour la traiter. Il y aalors un nécessaire auto-questionnement conduisant àla recherche de sens.

L’erreur est un outil qui démontre que l’on peut com-prendre autrement ; les « bonnes erreurs » deviennentalors de très bons « exemples ». Ici, elle n’est pas unefaute mais c’est un écart qui provoque le dialogue et lanégociation entre l’étudiant et le formateur.

« Accepter que la différence soit l’occasion de compré-hension et la protection majeure contre la dérive versle contrôle systématique de la conformité96 ».

L’erreur peut alors être source d’échanges ; la contra-diction qu’elle présente avec le raisonnement du for-mateur appelle l’échange de points de vue.

Cela met aussi l’accent sur l’aspect créatif de l’erreur,sur le savoir en élaboration qui n’est pas toujoursconforme à ce qu’attend l’enseignant.

Le fait d’ouvrir le dialogue avec des étudiants inca-pables de faire une règle de trois sur le papier permetde découvrir qu’ils sont capables de l’utiliser pour cal-culer des dépenses ou la consommation de leur auto-mobile….

Cela montre bien que les chemins pour apprendre nesont pas identiques pour tous; là où certains compren-nent à partir d’une explication « académique », d’autrescomprennent par des moyens plus empiriques….

L’auto-questionnement ne vaut que par la qualité del’échange qu’il provoque97. Pour VIAL, cet auto-ques-tionnement induit une remise en questions et des

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APPRENDRE PAR L’ERREURLE STATUT DE L’ERREUR DANS LE CADRE DE LA FORMATION INITIALE DES INFIRMIERS

94. cf. annexe 2.95. BACHELARD G. La formation de l’esprit scientifique, Paris, Vrin,

1993, p. 20

96. VIAL M. L’auto-évaluation comme auto-questionnement, Cahiersd’Aix, No 12, 1997 (65)

97. VIAL M. L’auto-évaluation comme auto-questionnement, Cahiersd’Aix, No 12, 1997, p. 30 (66)

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doutes. Il préconise six attitudes98 du formateur pourfavoriser ce travail chez l’étudiant. D’abord com-prendre l’étudiant au sens d’une attitude d’aide, sanschercher à observer pour vérifier.

Ce dernier point rappelle l’infirmier qui observe les étu-diants par surprise pour contrôler leur travail.

Il est utile de ne pas juger mais de porter un regardpositif sur l’étudiant, d’envisager les choses commepossibles, de faire le pari qu’il peut progresser. Il est desparoles qui conduisent l’étudiant à l’échec

De même, le formateur doit questionner sans interro-ger, conduire l’étudiant à se questionner, « à se tra-vailler par la question ».

Enfin, le formateur ne se met jamais au premier plan, ils’efface et attend. Il peut proposer des temps de régula-tion et va accompagner l’étudiant dans sa démarche dequête de sens.

« Le chemin où on est, fait sens parce qu’on le cherche,le sens change et se déplace quand on l’a saisi ».99

C’est un questionnement permanent qui conduit l’étu-diant à progresser sans cesse.

Pour l’étudiant, il s’agira de repérer les causes de sesdifficultés ; cela lui demande de connaître sa façon detraiter les informations, de les intégrer, de modifier sonactivité quand il découvre des éléments nouveaux, safaçon de conceptualiser sa tâche. Le formateur va gui-der l’étudiant dans cette démarche.

L’erreur est considérée comme nécessaire à la prise deconscience de difficultés, de contradictions nécessairesà l’élaboration des connaissances. L’appropriation dusavoir passe aussi par l’erreur. L’élève doit apprendre àidentifier ses erreurs afin qu’elles attirent son attentionet l’amènent à réfléchir ultérieurement.

Quelques étudiants rencontrés lors de cette étude ontacquis de « bonnes pratiques » par la réflexion autourde leurs erreurs. Ils ont aussi envisagé différentesfaçons d’y remédier.

Le travail de régulation en individuel est déjà déve-loppé dans le cadre du suivi pédagogique des étudiantsinfirmiers, il peut aussi servir l’étudiant qui est en diffi-culté soit à l’I.F.S.I., soit en stage100.

3 - L’autorégulation

Pour NUNZIATI, toute démarche évaluative est induiteet construite par l’étudiant, ce qui lui permet deconscientiser l’erreur.

L’autorégulation conduit à l’autonomisation de l’étu-diant, ce processus est indispensable à l’étudiant endevenir, futur professionnel. Pour cela, en stage,l’étudiant doit avoir la possibilité de travailler defaçon autonome, après un temps de régulation avecl’infirmier.

La prise en compte des critères101 de réalisation de latâche amène l’étudiant à clarifier sa représentation dela tâche.

Il s’agit de ne plus se centrer uniquement sur le résul-tat, mais sur l’étudiant, ses capacités, ses motivations,ses méthodes de travail… cela afin qu’il s’améliore.

La construction du savoir passe par le passage de l’abs-trait au concret, des critères aux indicateurs102. L’écartconstaté entre l’indicateur et le critère mettra à jourl’erreur, l’étudiant devra alors construire de nouveauxindicateurs pertinents.

Les erreurs s’interprètent à partir des réponses del’élève quand il explicite sa démarche103.

Lors de la réalisation des soins par un étudiant, celui-cia négligé certains critères en l’occurrence l’hygiène etl’asepsie. L’étudiant a-t-il intégré ces critères?

Réaliser successivement deux soins à deux per-sonnes différentes sans se laver au moins une fois lesmains relève presque de l’inconscience tant on est,informé dans les hôpitaux sur la diffusion desmicrobes de chambre en chambre… De plus lecontexte particulier de ces deux patients, le premierprésentant une infection pulmonaire et le second

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98. ibid. p. 4399. VIAL M. L’auto-évaluation comme auto-questionnement, Cahiers

d’Aix, No 12, 1997, p 47

100. cf. annexe 3 :101. critère : selon BONNIOL; un critère est une dimension de l’ob-

jectif que l’évaluateur choisit de privilégier comme référence,un repère, un élément extérieur à une situation qui permet d’in-terpréter les informations. Il a une dimension qualitative.Il est abstrait, objectif, discriminant.

102. indicateur : c’est la forme instrumentale, quantifiable et mesu-rable qui illustre le critère.Il éclaire, concrétise, opérationnalise le critère.

103. GUIGNARD. Si l’erreur m’était comptée, Service de larecherche pédagogique, Département de l’instruction publique,Genève, 1988, p. 113; évoquant les erreurs en mathématiques.

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présentant une sensibilité aux infections liée au dia-bète aggrave l’erreur de l’étudiant.

L’indicateur « se laver les mains avant et après toutsoin » a-t-il une signification pour cet étudiant? Il fautespérer qu’il répondra par l’affirmative.

Mais, dans cette situation, les indices plus précis liés àl’état de santé des deux patients ont-ils été perçus?

La plupart des connaissances sont construites par l’étu-diant, l’enseignant doit le rendre actif et l’aider à faireles liens entres les savoirs.

Il est important de savoir aussi si l’étudiant sait tâton-ner, sait parler de ce qu’il fait, s’il comprend ce qu’onlui demande, s’il est capable de se représenter la tâche.

L’élève a besoin de renouer avec la réalité, de se confron-ter à elle, de créer des liens entre lui-même, ses possibili-tés, ses acquis et les situations nouvelles et imprévues.

Placer l’élève face à ses contradictions, peut l’amener àfaire évoluer son savoir et ses représentations.

Devant des difficultés liées à des connaissances, à dessavoir-faire, l’enseignant peut amener les étudiants àrechercher d’autres informations que celles qu’ils ontdéjà intégrées. Il permet ainsi de remettre en causedes savoirs erronés soit par la confrontation des étu-diants entre eux, soit par l’intervention directe du for-mateur.

B - Anticipation de l’erreur

L’anticipation de l’erreur, se référant aux travaux dePIAGET104 repose sur les processus mentaux, sur lesmodes opératoires de chacun.

La prévention est plus largement évoquée dans leshôpitaux, elle entraîne la multiplication de procéduresécrites, des protocoles.

1 - Des mesures préventives sur le terrain

Face à l’erreur, des mesures de prévention, décidéesdans les services, déplacent parfois l’erreur sur un autreplan.

Comme cela a été évoqué précédemment, pour évi-ter des erreurs de préparation, des équipes ont insti-tué un nouveau protocole qui vise à changer lavitesse des pousse-seringues électriques pour éviterles manipulations et les nouvelles préparations àchaque nouvelle prescription. Il se produit alors deserreurs inédites lors de la programmation desseringues.

Il peut s’agir aussi d’une modification de responsabi-lité : il est prévu dans des services de cancérologie,que la préparation des perfusions de chimiothérapiesoient préparées par les pharmaciens ou les prépara-teurs qui ont plus d’expérience dans ce domaine queles infirmiers. Mais un problème de responsabilité sur-git en regard du cadre réglementaire actuel : la per-sonne qui prépare le traitement est différente de cellequi l’effectue auprès du patient. Qui est responsables’il y a un problème, une erreur?

Ces deux exemples illustrent des mesures préventives.Même si elles posent problème, les procédures inno-vantes sur le terrain ont l’intérêt de susciter la réflexiondes acteurs et de les amener à se questionner sur leurrôle auprès des étudiants-infirmiers.

2 - Anticipation…

Une autre piste consiste à travailler l’erreur à l’I.F.S.I.avec un effet possible sur les pratiques de terrains desétudiants. Toutefois, ce travail peut aussi être menédirectement en stage.

Pour PIAGET, l’anticipation prend appui sur les capaci-tés déductives de l’esprit105. C’est une accommodationpermanente.

Nous avons cette capacité de transformer nos modali-tés opératoires en fonction du contexte, d’anticiper nosactions en tenant compte d’informations puisées surplace et de nos expériences antérieures. Cela nous per-met de transférer ces informations, ces expériencesdans le cadre actuel.

Nous organisons nos actes en fonction de savoirs, decompétences acquises, par le même processus ildevient alors possible d’anticiper nos erreurs.

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APPRENDRE PAR L’ERREURLE STATUT DE L’ERREUR DANS LE CADRE DE LA FORMATION INITIALE DES INFIRMIERS

104. PIAGET J. Biologie et connaissance, Paris, Delachaux-Niestlé,1992, 346 p. (1ère édition : 1967)

105. PIAGET J. Biologie et connaissance, Paris, Delachaux-Niestlé,1992, p. 180 (1ère édition : 1967)

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L’anticipation106 est le transfert d’un schème à unesituation nouvelle, avant qu’elle ne se déroule dans letemps.

Toute modalité opératoire peut devenir anticipatricequand elle est construite. Ces processus anticipateurssont les résultats de transferts ou de généralisationsd’informations antérieures organisées en schèmes. Ilss’ajustent aux circonstances extérieures, ils sont parfoisassimilés à l’intuition.

Anticiper l’erreur fait appel aux processus développéspar l’étudiant, à la réflexion et l’appropriation desconnaissances, aux capacités de transfert107 de l’étu-diant, et non à des procédures mises en place de l’exté-rieur.

Utiliser des connaissances dans un nouveau contexte,en l’occurrence une situation de travail, peut se révélerune tâche difficile, car c’est s’entraîner à oser, àprendre des risques. L’erreur peut alors être comprisecomme une difficulté inhérente aux capacités de trans-fert de l’étudiant.

Lors des études de cas concrets108, les formateursévoquent le manque de réflexion, les difficultésqu’ont les étudiants à se projeter dans des situationsréelles ou à faire appel à des expériences vécues lorsde stages antérieurs, cela démontre que les étudiantsn’utilisent pas les capacités d’anticipation qu’ils pos-sèdent.

Dans les protocoles, les procédures écrites, des priori-tés sont données aux critères définis, celles-ci sontexplicitées dans le cadre de l’enseignement et lors del’encadrement sur le terrain.

Un soin ne peut pas faire fi des critères d’asepsie, desécurité, de confort, de relation avec le patient…L’étudiant, s’il réfléchit au soin qu’il va réaliser, doitanticiper quels seront les critères prioritaires concer-nant ce patient et ce soin car chaque situation est diffé-rente même si elles se ressemblent.

Il est essentiel de réfléchir à la démarche avant l’actionsur le terrain, de faire anticiper l’ensemble de la réali-sation du soin par l’étudiant lors d’une situation fictiveen travaux dirigés ou en travaux pratiques, de le faire se

projeter en situation réelle, à partir soit d’une erreur decalcul, soit d’un problème d’organisation…

La capacité d’anticipation de l’erreur prend appui surdes expériences de terrain, sur la réalité de la pratiqueprofessionnelle.

Ces expériences peuvent être des erreurs réalisées surle terrain soit par l’intéressé, soit par d’autres étu-diants ; erreurs qui se sont soldées par un incidentplus ou moins grave ou erreurs qui ont été décelées àtemps.

Travailler sur ses propres erreurs demande une distan-ciation comme si l’on travaillait sur celles des autres.

Comment peut-on s’approprier l’erreur, se projeter paranticipation et corriger les erreurs futures par antici-pation?

En formation, il est nécessaire d’amener les étudiants àrevoir leurs raisonnements, à critiquer leurs réponses, àrechercher eux-mêmes leurs erreurs, individuellementou en groupe, à rechercher comment ils ont résolu leproblème… Cela leur permettra d’adopter de nouveauxcomportements, de cibler des lacunes en matière deconnaissance, de réflexion et de compréhension, deréfléchir à la faisabilité et au côté réaliste des résultatstrouvés par exemple en se référant aux expériencesvécues, surtout pour les étudiants de 2ème et 3ème

année.

Quand un étudiant décèle un syndrome desLoges109 chez un patient et propose d’enlever leplâtre, si le formateur lui propose d’anticiper lessuites de son acte, c’est probable qu’il envisagel’utilité du plâtre ou ce qui risque d’arriver aupatient après l’ablation du plâtre : douleur, déplace-ment de la fracture…

Il est aussi utile qu’il anticipe ce qu’il devrait faire pourque le soin soit adapté à la situation. Si le plâtre com-prime le membre, lever la compression passe par…non pas enlever le plâtre mais par un geste plus effi-cace qui est de le fendre pour lever la compression.

La préparation de doses d’Héparine® où l’étudiantconfond unités et millilitres est aussi une situation quipeut être travaillée sur le plan de l’anticipation.

A partir de l’erreur qui a été repérée par l’infirmier, ils’agit de mettre l’étudiant en situation de réfléchir à la

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106. ibid. p. 188-190107. Transfert : possibilité d’utiliser à bon escient un savoir ou un

savoir faire dans un autre contexte que celui où il a été appris108. Les cas concrets sont parfois rédigés avec des professionnels

de terrain, à partir de situations réelles. 109. cf. annexe 2 :

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conséquence de cet acte par une recherche de corres-pondance des doses, ce qui lui donnera une idée dusurdosage qu’aurait reçu le patient, puis de faire appelà ses connaissances pour envisager les effets secon-daires et les conséquences gravissimes pour la per-sonne hospitalisée, puis la suite à donner à son acte :donner l’alerte, le transférer éventuellement…

Une autre piste est à explorer par l’étudiant. Quelleattitude peut-il avoir quand il doute de ses capacitéspour préparer une telle thérapeutique. Peut-il imaginerà ce moment là une autre démarche qui serait transfé-rable dans des situations plus ou moins analogues etqui le conduirait à vérifier auprès de l’infirmier le bienfondé de son action?

L’étudiant qui a vécu l’expérience d’une telle erreur nel’oublie pas. Il est probable qu’il anticipe les erreurséventuelles, les conséquences de ses actes et qu’il optepour une démarche plus réfléchie.

Les étudiants rencontrés en I.F.S.I. l’évoquent dansleurs propos. Ainsi, cet étudiant qui a intégré la néces-sité de vérifier toutes les thérapeutiques qu’il dispense.

Il n’est pas nécessaire de vivre l’erreur pour y remédier.Si l’on construit un « jeu dramatique » autour de l’er-reur, si l’on dramatise l’erreur au point d’aller au boutde la démarche, qu’en-est-il de l’erreur dite banale ?Permet-elle de donner forme aux conséquences éven-tuelles induites par une erreur de calcul ou par un« simple oubli »…?

Que peut-il arriver à une personne âgée quand un étu-diant confond 10 gouttes et 10 ml ? quels sont lesrisques de ce type de confusion d’unités quand il s’agitd’un neuroleptique puissant?

Il est indispensable d’amener les étudiants à réfléchirsur les conséquences éventuelles de tels actes pour lespatients.

L’anticipation de l’erreur, que ce soit à l’institut de for-mation ou sur les terrains de stage, à partir des activitésd’apprentissage développées dans ces deux lieux deformation, est un processus intellectuel qui a pourconséquence d’anticiper le risque pour les patients ;risque qui aujourd’hui fait de l’erreur dans les soins,une faute répréhensible et sanctionnée en regard de laloi.

Ce travail serait à diffuser, à partager afin que les expé-riences soient mutualisées et bénéficient à tous.

Anticiper l’erreur, serait alors anticiper le risque pour lepatient, donc une réflexion sur l’erreur pourraitconduire à travailler la gestion des risques autrement.

3 - Aller vers une politique du risque…

Toujours à la lecture des travaux de PIAGET, le proces-sus d’anticipation fait partie d’un mécanisme construc-tif dont la fonction essentielle est d’être autorégula-teur110.

La dimension anticipatrice permet de guider l’étudiant,guidage qui revient à confirmer la bonne direction ou àcompenser les directions erronées ; ce guidageapproximatif est probabiliste.

La gestion des risques est un thème largement discutédans les hôpitaux.

La probabilité du risque lié à la présence des étudiantsdans les services et à leurs éventuelles erreurs limitel’autonomie qui leur est donnée et entraîne de la partdes soignants une vigilance de tous les instants.

Ces derniers évoquent d’ailleurs que « les étudiants111

sont parfois incapables de s’auto-contrôler dans leurpratiques car ils ne savent pas ce qu’ils font et neconnaissent pas la portée de leurs actes ». Ces proposd’un infirmier, marqué par une expérience difficileavec un étudiant, montrent aussi le désarroi des soi-gnants face aux difficultés qu’ils rencontrent avec lesétudiants.

Il se trouve que des étudiants évoquent le même sujetavec un tout autre discours. Ces étudiants sontconscients des risques liés à leurs pratiques.

Il s’agit d’abord d’évaluer les risques liés aux erreursdes étudiants ; de mettre en place des outils fiablesgarantissant que les contrôles seront effectués (vérifierles connaissances, les soins déjà réalisés seuls ouaccompagnés lors des précédents stages…). Celademande de recenser les erreurs rencontrées, de lesétudier ; mais aussi de mesurer le niveau de cesrisques; toutes les erreurs n’ayant pas de conséquencesdramatiques.

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APPRENDRE PAR L’ERREURLE STATUT DE L’ERREUR DANS LE CADRE DE LA FORMATION INITIALE DES INFIRMIERS

110 PIAGET J. Biologie et connaissance, Paris, Delachaux-Niestlé,1992, pp. 195 et suivantes (1ère édition : 1967))

111 Propos recueillis lors d’un entretien avec un infirmier.

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Il y a et il y aura toujours des risques car d’une part,l’humain est imprévisible et ne se programme pas,d’autre part, il faut aussi tenir compte d’éléments exté-rieurs contribuant à l’erreur.

Il en est de même des machines : conçues par l’hommepour le remplacer voire suppléer certaines de sestâches, elles n’en sont pas moins défaillantes, du fait deleur programmation par l’homme, du fait qu’elles ontaussi une durée de vie limitée.

Mais derrière l’erreur se profile son intérêt, elle est utilepour faire évoluer les pratiques, elle implique diversacteurs, elle permet de créer des interactions, descoopérations et des régulations.

Les risques doivent être pris si l’on souhaite continuerde former les étudiants, d’où l’intérêt de développerune politique du risque.

Développer une politique du risque commence par par-ler de l’erreur, de ses causes et de ses conséquences. Elledemande une mobilisation des acteurs concernés : étu-diants, formateurs et professionnels de terrain.L’anticipation de l’erreur s’inscrit dans ce champ.

La bonne démarche, c’est de chercher les causes del’erreur, pour ensuite trouver des actions correctivesdans l’immédiat et imaginer des actions correctivespour éviter que l’erreur ne se reproduise.

Toutes les informations concernant l’erreur sont consi-gnées sur une fiche qualité qui est utilisée par tous.Cette démarche est aussi valable pour les apprentis. Lesapprentis « baignent » dans ce système dès leur entréedans l’entreprise, ils sont impliqués très tôt et partici-pent tout au long de la chaîne de traitement de l’erreurjusqu’au calcul du coût total de l’erreur.

Cette démarche a été mise en place pour que les per-sonnes prennent en charge leurs erreurs commequelque chose de positif.

C’est l’étudiant lui-même qui explique ce qu’il a fait etqui propose des actions de traitement de l’erreur; celles-ci peuvent aller jusqu’à l’élaboration d’un anti-erreur,jusqu’au réajustement des procédures mises en place àpartir de ce que les opérateurs ont pu découvrir d’im-prévu. Tous apprennent beaucoup à travers les erreurs.

L’entreprise cherche à avoir des procès plus fiables caril est extrêmement difficile d’imaginer toutes les erreurspossibles au niveau des méthodes.

La politique poursuivie dans l’entreprise est que lesgens parlent des erreurs, que cela entre dans lesmoeurs, c’est un peu une « culture d’entreprise » oùchacun se sent responsable dans son travail mais aussidans l’activité globale de l’entreprise.

Les étudiants infirmiers acquièrent des expériences etdes connaissances tout au long de leur formation, ilssont sensibilisés aux différents moyens de contrôlepour éviter les erreurs de prescription, de dosage…

Si les procédures déjà mises en place en service peu-vent contribuer à développer une réflexion, celaconduira les professionnels et les formateurs à dévelop-per cette réflexion chez les étudiants. Ceux-ci serontplus conscients, plus responsables, dans le sens oùcette responsabilité peut les amener à agir et à partageravec les professionnels leurs questionnements autourde la formation, des erreurs possibles et des risquesencourus par les patients du fait de leur apprentissage.

En conclusion

L’expérience de terrain dans le champ hospitalier pré-sente des limites. Tout est fait pour que l’étudiant soit misen situation réelle, il prend en charge un secteur, il orga-nise les soins et participe aux transmissions. Mais, unencadrement qui ne laisse que peu d’autonomie à l’étu-diant ne lui permet pas d’apprendre, de se sentir respon-sable et impliqué dans son activité professionnelle.

D’autre part, les mesures de prévention de l’erreur misesen place dans les hôpitaux ne lèvent pas tous les pro-blèmes inhérents à la formation des étudiants infirmiers.

La concertation des formateurs autour des difficultésdes étudiants en cours d’apprentissage, lors des valida-tions, lors des encadrements et mises en situation pro-fessionnelles ou durant les stages, permettrait de mettreà jour des erreurs qu’il serait intéressant d’approfondir.

A partir des expériences qu’ils vivent en stage, tout està mettre en oeuvre pour que les étudiants puissentapprendre à se projeter dans différentes situations àpartir des problèmes qui leur sont posés.

La problématique de l’erreur trouverait sûrement là unepiste intéressante d’étude si l’on pouvait conduire les

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112. FREINET C. Les dits de Mathieu, Delachaux-Niestlé, 1978, p. 103 (75)

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étudiants à anticiper leurs erreurs, ce qui pourrait limi-ter les risques réels sur le terrain.

« A l’origine de toute conquête, il y a non la connais-sance, qui ne vient normalement qu’en fonction desnécessités de la vie, mais l’expérience, l’exercice et letravail112 »

En se reportant aux entretiens réalisés avec les étu-diants, on se rend compte que le travail en stages, lesexpériences vécues sont autant de situations qui lais-sent des souvenirs parfois douloureux mais riches d’en-seignements pour ceux qui ont su utiliser l’erreur et latravailler par anticipation pour limiter les risques inhé-rents au travail infirmier.

CONCLUSION

« Apprendre, c’est toujours prendre le risque de setromper113 ».

L’erreur bénéficie de représentations variées dans lemonde hospitalier. Cette définition n’est pas la concep-tion la plus partagée…

L’ensemble des situations relevées dans cette étudemontre la diversité des erreurs que peuvent faire lesétudiants.

Cependant, dans le domaine de la formation des infir-miers, l’évolution du statut de l’erreur s’inscrivant dansle cadre de l’évaluation formatrice reste limitée.

Entre l’I.F.S.I. et les unités de soins, les erreurs sont par-fois comparables ou relèvent des mêmes causes tellesque les erreurs de calcul de dosages mais elles ne sontpas traitées de la même manière.

En service, les professionnels, par leur extrême vigi-lance évitent de nombreux incidents ou accidents.C’est ainsi que souvent, l’étudiant n’ira pas jusqu’aubout de son geste erroné.

L’erreur n’est pas utilisée comme un outil d’apprentis-sage, il est plutôt question de l’éliminer, voire de lasanctionner que de lui chercher un sens.

En I.F.S.I., les erreurs sont soumises à correction mais ilmanque une recherche approfondie autour de sa com-préhension et de son utilité.

« Il ne suffit pas de reconnaître le droit à l’erreur maisil faut s’engager sur la voie d’une veritable connais-sance de l’erreur114 »

Pourtant, dans un cadre pédagogique où se ferait unréel travail autour de l’erreur, il existe la possibilité detravailler l’anticipation de l’erreur, travail prenant appuisur les expériences de l’étudiant et les informationsdont il dispose; anticipation de l’erreur qui peut s’ins-crire dans le cadre de l’anticipation du risque sur le ter-rain pour que l’étudiant ne s’engage pas dans unedémarche dangereuse vis-à-vis du patient.

Les étudiants apprennent la plus grande part de leurmétier sur le terrain, la théorie vient servir la pratiqueet les expériences de stage qui se succèdent et s’enri-chissent les unes des autres aident l’étudiant à réfléchiraux nouvelles situations à partir de ce qu’il a déjà vécului-même ou rencontré auprès des soignants.

« Le travail de recherche115, rétif à toute logique pré-établie est soumis à l’erreur. Le mot méthode indiqueun chemin assuré, mais l’expérimental renvoie à l’idéed’essai, de tentative, tout ce qui suppose erreur116 ».

Dès que l’on cherche, on peut se tromper. Dès que l’onapprend, l’erreur est possible.

Il n’y a pas d’apprentissage possible tant que l’étudiantredoute de faire un geste, de donner une réponse dontil n’est pas sûr.

Les expériences se construisent aussi à partir d’erreurs,tous les essais ne sont pas des réussites du premiercoup.

Il s’agit alors de travailler le lien école-stage; un travailréalisé en formation sur l’erreur ne peut porter ses fruitssur le terrain que s’il y a transfert ; or le transfert estintégré dans le processus d’anticipation correctrice.N’étant pas spontané117, le transfert est rendu possiblepar ce travail d’anticipation.

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APPRENDRE PAR L’ERREURLE STATUT DE L’ERREUR DANS LE CADRE DE LA FORMATION INITIALE DES INFIRMIERS

113. ASTOLFI, L’erreur, un outil pour enseigner, Paris, ESF, p. 22114. SANNER cité par ASTOLFI,. L’erreur, un outil pour enseigner,

Paris, ESF, pp. 19-20

115. POPPER cité par ASTOLFI, L’erreur, un outil pour enseigner,Paris, ESF, p. 33

116. MEIRIEU P. DEVELAY M. (sous la direction de) Le transfert deconnaissances en formation initiale et en formation continue,Lyon, C.R.D.P, 1996, 117 p.

117. VIAL M. Des seules procédures de contrôle de la qualité à touteune politique de formation dans la Qualité, ColloqueC.E.F.I.E.C.- Alsace : La qualité de la formation en I.F.S.I.,Strasbourg, Juin 1999, 28 p.

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Dans le cadre des études d’infirmiers, travailler la capa-cité de transfert permettrait de contextualiser lesconnaissances et les savoir-faire dans les situations detravail, intégrant ainsi la prise de risque, la responsabi-lisation.

Il reste que l’ensemble de cette étude ouvre d’autrespistes de recherches dans des domaines où s’inscritl’anticipation de l’erreur telles que la gestion desrisques ou plutôt le développement d’une politique durisque qui prendrait appui sur la mobilisation de tousles acteurs et sur leur responsabilisation.

L’intérêt de cette démarche est de s’inscrire dans unedémarche qualité.

Le travail de la qualité118 en I.F.S.I. repose sur uneveille méthodologique, associant un travail de procé-dures (des traces, des protocoles) et un travail sur lesens relevant des processus humains.

L’anticipation est un processus s’intégrant dans le tra-vail de la qualité. S’y inscrivent également leséchanges, l’auto-questionnement et les régulations por-tant sur les problèmes mais aussi sur les points forts.

Mais, ces différentes pistes sont d’autres sujets d’étude…

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70Recherche en soins infirmiers N° 62 - septembre 2000

118. Extrait du cas concret No 1, annexe 5, pp 99-100

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71Recherche en soins infirmiers N° 62 - septembre 2000

APPRENDRE PAR L’ERREURLE STATUT DE L’ERREUR DANS LE CADRE DE LA FORMATION INITIALE DES INFIRMIERS

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ANNEXE 1

circulaire DGS/SDO/no 05-92 du 9 décembre 1992dite circulaire Girard :

« Le décès d’un enfant survenu récemment dans unétablissement public de santé à la suite d’une erreurcommise dans le dosage d’un médicament par une étu-diante infirmière accomplissant un stage hospitalier,me conduit à insister sur la nécessité de respecterimpérativement un certain nombre de règles visant àoffrir aux malades hospitalisés la sécurité qu’ils sont endroit d’attendre.

Cet accident met clairement en évidence les consé-quences tragiques qui peuvent résulter d’une telleerreur. Il m’apparaît donc indispensable que l’ensei-gnement théorique en pharmacologie dispensé auxétudiants mette l’accent sur les dangers présentés parcette administration. L’enseignement clinique doit,quant à lui, permettre aux étudiants d’acquérir parfaite-ment la maîtrise du calcul des dosages des médica-ments prescrits par les médecins. Vous insisterezauprès des directeurs des instituts de formation en soinsinfirmiers sur l’impérieuse nécessité de renforcer cesenseignements tout au long du cursus de formation desétudiants en soins infirmiers.

Je souhaite en second lieu que vous rappeliez auxchefs d’établissements la nécessité de veiller à l’enca-drement des étudiants infirmiers effectuant un stagehospitalier. Il appartient au surveillant infirmier dechaque service de prendre les mesures nécessairespour assurer un bon suivi de l’activité des stagiaires enfonction de la nature du service et de ses conditions defonctionnement. La désignation d’un infirmier chargéd’assurer un tutorat auprès de l’étudiant me paraît toutà fait souhaitable chaque fois qu’elle est possible. Demême, il me semble indispensable que les personnelsenseignants des instituts de formation assurent un suivipédagogique régulier des étudiants en stage afin devérifier que les connaissances acquises au cours deleur formation théorique ont bien été assimilées.

Il conviendra enfin que vous invitiez les chefs d’établis-sements à insister auprès des surveillants infirmiers surla nécessité de veiller à ce que les actes accomplis parles étudiants infirmiers qui présentent un risque pourles patients s’effectuent en présence et sous le contrôled’un infirmier diplômé.

Je vous serais reconnaissant de bien vouloir diffuserdans les meilleurs délais la présente circulaire et de metenir informé, le cas échéant, des difficultés que sonapplication pourrait soulever.

Le Directeur Général de la SantéJean-François Girard

ANNEXE 2

Erreurs rencontrées en I.F.S.I.

Dans tous les cas rapportés ci-dessous, j’ai utilisé larédaction originale de l’étudiant afin de prendre encompte les sigles, les codes, la syntaxe utilisés.

Les commentaires du formateur-évaluateur sont d’unepart les notes écrites sur les copies et d’autre part l’ana-lyse qu’il a faite, à partir de cette erreur, lors des entre-tiens.

Le premier exercice concerne la préparation d’une per-fusion d’anti-inflammatoire, le second la préparationd’une perfusion d’antibiotiques.

La dernière situation présentée concerne un étudiant quia fait deux erreurs différentes dans les deux exercices.

Erreurs de calcul

EXERCICE NO 11

Profénid® 100 mg (anti-inflammatoire) : 2 flaconsdans 125 ml de sérum physiologique, 3 fois par jourpendant 48 heures (à passer en 30 minutes en intra-veineux) Calculez le débit de la perfusion deProfénid®

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1. Extrait du cas No1, annexe5, pp.99-100

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(Faire apparaître le calcul)

➔ RÉPONSE DE L’ÉTUDIANT NO 1

2 flacons de 100 mg de Profénid®, à passer dans125 ml de sérum physiologique à passer en 8 heures.

Donc, 200 mg ➝ 125 mldonc, 1 ml ➝ 20 gouttes125 ml ➝ XX = 125 x 20 = 2500 gouttesJ’ai donc : 2500 gouttes ➝ 8 heures1 heure ➝ 60 mn8 heures ➝ 8 x 60 = 480 minutes2500 gouttes ➝ 480 mnX ➝ 1 mn

480 X = 2500; X = 2500/480 = 5,2 gouttes

COMMENTAIRES DU FORMATEUR

NOTE SUR LA COPIE : « 2 flacons de 100 mg de Profénid®à passer dans 125 ml de sérum physiologique à passeren 8 heures. Vous êtes sûr(e)?

Lisez correctement l’énoncé!!»

TYPE D’ERREUR : il y a confusion entre la durée de pas-sage de la perfusion et l’espacement des traitements sur24 heures : toutes les 8 heures et pendant 8 heures.S’agit-il d’une erreur dans la lecture de l’énoncé oud’un problème de compréhension de l’énoncé?

Seul l’étudiant pourra répondre à la question ci-dessus,si elle lui est posée…

ANALYSE DU FORMATEUR : en terme de remédiation, unecorrection est possible si l’étudiant demande à rencon-trer le formateur pour voir sa copie ; le formateursignale l’erreur de calcul à l’étudiant, en lui en préci-sant l’importance.

Des conseils lui sont donnés : relire avec plus d’atten-tion l’énoncé du problème, mais est-ce suffisant car il ya peut-être des problèmes de compréhension?

Le formateur refait toute la démarche avec l’étudiant àpartir de la lecture de la question.

➔ RÉPONSE DE L’ÉTUDIANT NO 2

Quantité de liquide : 2 x 100 + 125 = 325 ml; à poseren 30 minutes

325 en 30 minutes (325/30)

1, 83 ml en 1 mn1 ml = 20 gouttes ➝ 1,83 ml = 37,6Ce qui fait 37 gouttes par minute

COMMENTAIRES DU FORMATEUR

NOTE SUR LA COPIE : « 2 x 100 + 125 = 325 ml : d’oùtenez-vous ces données? A revoir »

TYPE D’ERREUR : Confusion des unités : milligrammes etmillilitres et erreur de calcul : 325/30 = 10,83 et non1,83.

Le rôle infirmier auprès du patient

Il s’agit, là aussi, des questions posées dans des valida-tions de modules. Elles sont extraites de cas concretsqui sont construits à l’image des situations rencontréesen service de soins.

EXERCICE

M. Durand victime d’une chute lors d’une randonnéeen montagne, une fracture non déplacée de l’extré-mité inférieure du radius droit est diagnostiquée.

Un plâtre anté-brachio-palmaire a été posé.

Aujourd’hui, M. Durand se plaint de douleurs, defourmillements au niveau de la main droite, ses doigtssont froids, blancs, engourdis, peu sensibles.

Que vous évoquent les signes cliniques présentés parM. Durand au niveau de sa main droite?

Expliquez le mécanisme physiopathologique.

Quel en est le risque majeur?

Quelle doit être votre attitude?

➔ RÉPONSES RELEVÉES DANS LES COPIES : quatre réponsesidentiques

L’attitude à avoir dans ce cas, c’est d’enlever le plâtreanté-brachio-palmaire, il faut le couper « urgemment »sans blesser et on doit prévenir le médecin ou chirur-gien prescripteur du plâtre.

Si je peux, j’enlève carrément le plâtre (si j’ai le maté-riel) sinon, je coupe au moins un peu (au ciseau)J’appelle le médecin pour qu’il vienne immédiatement.

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APPRENDRE PAR L’ERREURLE STATUT DE L’ERREUR DANS LE CADRE DE LA FORMATION INITIALE DES INFIRMIERS

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Il faut déposer le plâtre en urgence, donc l’ôter, infor-mer le médecin

Déposer le plâtre (urgence). Rassurer le patient.Appeler le médecin.

COMMENTAIRES DU FORMATEUR

NOTE SUR LA COPIE : « Enlever le plâtre : vous êtes sûr (e)? »

TYPE D’ERREUR : le soin proposé est inadapté, il suffit defendre le plâtre pour éliminer la compression mais enaucun cas il faut l’enlever compte tenu qu’il a été mispour réduire une fracture.

ANALYSE DU FORMATEUR SUR L’ENSEMBLE DE CES ERREURS

IDENTIQUES : Tous les étudiants citent le risque majeurencouru par le patient ; l’attitude infirmière attendueétant de prévenir le médecin et de fendre le plâtre.

Il faudrait revoir avec les étudiants les conséquencespour la personne si le plâtre est enlevé ? Développerleur réflexion quant au déplacement de la fracture si onenlève le plâtre… risque inhérent pour la personne etresponsabilité de l’étudiant.

Quelle différence font-ils entre « fendre le plâtre »« enlever le plâtre » « le retirer »?

Est-ce une formulation incorrecte de ce qu’ils veulentfaire, ou l’action réelle qu’ils feraient…

Il peut y avoir en service des alertes possibles avant quel’étudiant n’enlève le plâtre… il peut soit questionnerles personnes présentes pour s’assurer du bien fondé deleur action, soit être stoppé dans son action par uninfirmier, un médecin ou par le patient…

➔ RÉPONSE DE L’ÉTUDIANT N° 2.

Le risque majeur est le syndrome des Loges, syndromede Volkman qui est une nécrose ischémique avecrétraction de certains groupes musculaires, c’est uneconséquence du syndrome des Loges non traité et quipeut avoir des conséquences irréversibles avec la mainen griffe.

Mon attitude est d’appeler le médecin en urgence, (carc’est une urgence) puisqu’il peut y avoir des consé-quences irréversibles afin de pouvoir pratiquer l’abla-tion du plâtre.

Puis, un peu plus loin dans les réponses de l’étudiantquant aux actions à mener auprès de ce patient :

Pour la douleur de la main droite :

- prévenir en urgence le médecin

- faire ablation du plâtre

COMMENTAIRES DU FORMATEUR

Dans la première partie de sa réponse, l’étudiant nefend pas le plâtre ; la réponse n’est pas claire car unpeu plus loin dans les explications des actions qu’ilconduit, l’étudiant avertit le médecin en urgence et faitl’ablation du plâtre.

Problème de compréhension de la thérapeutique? Lesétudiants n’ont pas compris à quoi sert le plâtre dansce cas, les expressions « réduction de fracture »,« déposer un plâtre » sont parfois incomprises, il fau-drait retravailler ces éléments.

TYPE D’ERREUR : erreur de compréhension d’un vocabu-laire spécifique.

EXERCICE

M. Durand est victime d’une chute lors d’une randon-née en montagne, est diagnostiquée une fracture nondéplacée de l’extrémité inférieure du radius droit.

Un plâtre anté-brachio-palmaire a été posé.

Parmi les prescriptions post-opératoires :

Prodafalgan®, (analgésiques, Paracétamol) : 2 g dans125 ml de sérum physiologique, 3 fois par jour pen-dant 48 heures (à passer en 15 mn en intra-veineux)

Face à la situation de M. Durand, à ce jour :

Enoncez et argumentez :

- les problèmes réels et potentiels d’ordre médical

- les problèmes liés à une perte d’autonomie en préci-sant leurs manifestions et causes.

Faites apparaître les actions que vous mettez en placeen regard des problèmes cités

➔ RÉPONSE DE L’ÉTUDIANT

Les problèmes d’ordre réel, médical :- la douleur, comme M. Durand a été sous anesthésiegénérale, peut-être que la douleur va se réveiller ou

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lorsqu’il aura mal, le docteur lui a prescrit :Prodafalgan® et Profénid® en alternance….

COMMENTAIRES DU FORMATEUR

NOTES SUR LA COPIE : « revoir la prescription (Prodafalgan®,3 fois par jour) en regard de votre réponse »

TYPE D’ERREUR : erreur liée à un manque de connais-sance, à une interprétation du texte, lecture erronée dela prescription.

ANALYSE DU FORMATEUR : Interprétation de la prescriptionmédicale ; de plus sur le plan de la douleur, le traite-ment sera inefficace puisque la douleur doit être cal-mée avant qu’elle n’apparaisse.

ANNEXE 3

Erreurs rencontrées lors des stages

➔ SITUATION NO 1 (lors d’un encadrement par un for-mateur)

Lors d’un retour de bloc opératoire, un enfant souffre,l’étudiant effectue les différents soins : surveillance desparamètres, réglage du scope, recopie des prescrip-tions, sans prendre en compte la priorité : la douleur etl’anxiété de l’enfant alors qu’une prescription d’antal-gique est faite : l’infirmier lui signale qu’il y avait unepriorité pour cet enfant, ce qui ne fait pas réagir l’étu-diant.

COMMENTAIRES DU FORMATEUR

Prise en charge inadaptée.L’étudiant n’a pas intégré la notion de priorité, il n’apas conscience de la priorité qui est de calmer la dou-leur de l’enfant

De plus, l’enfant étant agité à cause de sa douleur, celamodifie tous les paramètres : pouls, pression artérielleet cela rend plus difficile les autres soins et la relationavec l’enfant.

➔ SITUATION NO 2 (lors d’une M.S.P.)

En service de chirurgie, pendant la toilette d’un patientréalisée par un étudiant, alors que la personnedemande le bassin, et ce pendant tout le soin, l’étu-

diant ne l’entend pas. Le formateur lui fait remarquer,l’étudiant répond alors qu’il a entendu la demande dupatient mais il… continue la toilette…, il répond qu’ils’en occupera quand il aura fini la toilette… Le soin aété arrêté par l’infirmier.

COMMENTAIRES DU FORMATEUR

L’erreur porte sur la difficulté :- à intégrer des consignes simples,- à écouter l’autre (nie la demande, nie qu’il niait lademande de la personne)- à prendre en compte des besoins des personnes

Cela relève d’un comportement soignant inadaptéauquel s’ajoute un problème d’organisation.

➔ SITUATION NO 3 (encadrement ou M.S.P.)

En service de médecine, un étudiant de 2ème année faitun aérosol d’antibiotique à une personne présentantune infection respiratoire, puis, sans se laver les mains,effectue une injection d’insuline à une personne diabé-tique.

Pour expliquer cette absence d’hygiène, l’étudiantargumente que poser un aérosol n’est pas un soin sale,donc qu’il n’est pas indispensable de se laver les mainspour s’occuper du patient suivant.

COMMENTAIRES DU FORMATEUR

Cet étudiant n’a pas pris conscience que le premierpatient est contagieux, et qu’il fait, par ce manqued’hygiène, courir des risques supplémentaires aupatient diabétique qui est un patient à risque sur leplan infectieux.

Que faire sur le plan pédagogique quand le formateurrepère des erreurs que les étudiants ne reconnaissentpas, ne les voient pas comme telles?

TYPE D’ERREUR : manque de connaissances des principesd’hygiène de base

Les situations suivantes ont toutes été relevées en coursde stage, soit par des infirmiers ou cadres-infirmiers,soit par des étudiants.

➔ SITUATION N° 4

Étudiant de 2ème ou 3ème année, lors d’un stage en ser-vice de pédiatrie : inversion entre une perfusion d’in-tralipides branchée sur une voie veineuse et de laitbranché sur une sonde gastrique, et ce pendant une

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APPRENDRE PAR L’ERREURLE STATUT DE L’ERREUR DANS LE CADRE DE LA FORMATION INITIALE DES INFIRMIERS

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durée de 1 h à 2 h, le temps que l’infirmier s’en rendecompte lors d’un tour de surveillance des enfants. Ledébit de la perfusion était très lent, l’injection I.V. delait n’a entraîné aucun problème chez l’enfant. L’alertedonnée, le médecin a préféré transférer l’enfant enréanimation pour des raisons de sécurité.

COMMENTAIRES DES PUÉRICULTRICES

Toute l’équipe a eu très peur, seul l’étudiant n’a pasmontré de réelle appréhension par rapport à son gestequand l’infirmier lui a signalé son erreur ; l’équipe s’estalors posé la question de sa prise de conscience…

Des moyens ont été mis en place ensuite dans le ser-vice afin d’éviter la confusion entre les tubulures, endifférenciant leurs couleurs.

Ces problèmes sont liés au fait que les étudiants n’ontaucune notion de logique, tout comme les internes enmédecine lors de leurs premiers stages.

Cela entraîne maintenant un contrôle permanent dessoignants auprès des étudiants : présence, observation,questions, voire revérification des dosages de médica-ments qu’a calculé l’étudiant. Il faut toujours être vigi-lant.

De plus, il n’y a pas de dosage dans l’« à peu près » enpédiatrie, les dosages sont toujours précis et il faut par-fois le repérer chez les étudiants qui le pratiquent dansles autres services ou qui ne savent pas faire les calculspour un dosage précis.

La question de la responsabilité des infirmiers et desétudiants est souvent évoquée, et surtout à l’occasiondes dosages. Les étudiants le redoutent et l’encadre-ment est très vigilant, très proche, d’où une certainepeur des étudiants pour faire des actes auprès d’en-fants, y compris des gestes simples (tel que donner unbiberon).

Cela renvoie à la formation qui, depuis le programmede 1992, consacre moins de temps pour les stages enmédecine, chirurgie,

« Vous avez des bombes dans les mains » : tel est lemessage transmis dans un institut de formation, rap-porté par une puéricultrice…

➔ SITUATION N° 5

Une injection d’insuline est faite 1 heure avant l’heureprévue à un patient ; l’étudiant s’en est rendu compteet a prévenu l’infirmier.

COMMENTAIRES DE L’INFIRMIER

Cet étudiant a réfléchi et anticipé tout ce que cela pou-vait entraîner pour le patient, en faisant appel à desconnaissances précises quant au produit injecté et auxconséquences pour le patient, cela avec l’infirmier dusecteur. Cet étudiant était au clair avec la démarche àmettre en oeuvre en cas d’erreur.

Dans ce service, tout est vérifié depuis les calculs dedosages lors de la préparation jusqu’à la mise en placeet réglage du débit. L’étudiant explique sa démarchetout au long; vérification de l’organisation, des gestes(et de leur précision car la préparation se fait sous fluxlaminaire), de l’asepsie… Ce n’est qu’après ces vérifi-cations que l’étudiant est amené à travailler seul, l’infir-mier pouvant venir le voir à tout moment (même sansle prévenir, le but étant de faire un contrôle supplé-mentaire ou d’apporter de l’aide…?)

Pour éviter les erreurs de calcul, les débits de perfu-sions sont systématiquement revérifié par l’infirmier,parfois même à la demande des étudiants qui souventposent des questions quand ils ne sont pas sûrs d’eux.

Les fiches de traitement comportent un maximum deprécisions : dilution et durée des traitements.

Les erreurs sont corrigées dans la pratique car la situa-tion réelle est plus parlante qu’un exercice d’école ; leterrain implique plus, d’où plus de vérification et decontrôle de la part des étudiants et des professionnels.Il y a place à la logique quant au résultat obtenu.

➔ SITUATION N° 6

En service de cardiologie, de nuit, un étudiant de 2ème

ou 3ème année assure la préparation d’injectiond’Héparine® (anticoagulant).

Le contrôle fait par l’infirmier de nuit concerne lesconnaissances pharmacologiques, le calcul de doses etl’acquisition de la règle de trois, enfin il s’informe sur lefait qu’il a déjà réalisé ce soin en service.

L’étudiant est amené à faire la préparation et l’injectionseul, l’infirmier étant occupé par l’entrée d’un patienten urgence; l’étudiant vient alors lui demander où sontrangées les seringues pour préparer l’Héparine®.Étonne, l’infirmier anticipe alors qu’il y a un problèmeet se rend compte que l’étudiant confond les unités1

d’Héparine® avec une quantité en millilitres.

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APPRENDRE PAR L’ERREURLE STATUT DE L’ERREUR DANS LE CADRE DE LA FORMATION INITIALE DES INFIRMIERS

ANALYSE DE L’INFIRMIER

La conversion unités et millilitres n’est pas acquise,non intégrée et n’a pas été vérifiée…

Le risque pour le patient est important (hémorragie,) etsurtout en service de cardiologie où ce type de traite-ment est fréquent.

Les mêmes erreurs se retrouvent avec d’autres formesde dosages. La différenciation est-elle claire pour l’étu-diant?

La règle de trois n’est pas le seul problème, la confu-sion d’unités existe.

S’il n’y avait pas eu cette entrée en urgence, l’infirmieraurait accompagné l’étudiant et aurait vu l’erreur, lachance dans cette situation est que l’étudiant s’estmanifesté auprès de l’infirmier par une raison pratique(la taille de la seringue) ce qui a pu éveiller les soup-çons de l’infirmier.

➔ SITUATION N° 7

En service de Long Séjour pour personnes âgées, deuxpersonnes portent le même nom mais des prénoms dif-férents ; l’une présente quelques troubles intellectuelsmais tient malgré tout des propos cohérents, l’autre esttrès désorientée, ne connaît pas son nom…

Lors des transmissions en équipe avec les étudiants, lasituation de cette dernière est évoquée car elle présentedes problèmes cutanés et doit rester alitée avec un pro-tocole de soin précis.

L’étudiant a quelques personnes à prendre en chargede façon régulière dont la première personne portant lemême nom que celle qui a été évoquée par les soi-gnants.

Dans l’après-midi, le cadre infirmier, se rendant auprèsdes patients trouve la dame sans problème en pleursdans son lit et se rend compte que l’étudiant s’esttrompé de personne Il n’a pas vérifié le prénom de lapersonne, n’a pas vérifié une éventuelle erreur de per-sonne de sa part, ni auprès de l’infirmier, ni en allantrelire les dossiers, il ne l’a pas écoutée et l’a couchéesans l’examiner quant aux troubles qu’elle était senséeavoir… (prétextant qu’elle l’aurait fait plus tard lors deschanges…)

Comme il connaissait ses troubles intellectuels, l’étu-diant n’a pas cru la personne et n’a pas prêté attentionaux propos de cette dame, qui lui expliquait qu’elle selevait au fauteuil, allait en salle à manger et qu’on nelui avait signalé aucun trouble cutané.

COMMENTAIRES DU CADRE-INFIRMIER

L’étudiant, en fin de première année de formation, afait preuve d’une part d’un manque de discernement(la personne était assise, expliquait qu’elle se levait…et cela n’a pas fait réagir l’étudiant et le conduire àvérifier), et a eu une conduite sur le plan relationneldiscutable en regard des enseignements en gériatrie etde ce qui lui était expliqué dans le service.

Il a eu une attitude de jugement par rapport à cettedame, il n’a pas tenu compte de ses propos car elleétait âgée, un peu perturbée… et en long séjour. Cela aeu un impact psychologique important pour la per-sonne qui a eu peur de ce que l’élève lui a annoncé.

Quelle est la part de responsabilité de l’infirmier seuldans le service et qui a confié cette tâche à l’étudiantseul, car elle ne comportait pas de grands risques?

L’étudiant aurait pu de la même manière faire uneinjection en se trompant de personne, mais dans cecas, l’infirmier l’aurait-il accompagné?

➔ SITUATION NO 8 : présentation et analyse du cadreinfirmier

Lors d’un stage réalisé par un étudiant de 3ème annéeen réanimation pédiatrique, de nombreuses erreurs ontété relevées par les infirmiers qui assuraient l’encadre-ment régulier de celui-ci.

Ainsi, quand l’infirmier le questionne sur certains exa-mens dont il va faire les prélèvements, cet étudiant nepeut les définir. Il ne connaît pas les bases de physiolo-gie respiratoire permettant de comprendre les traite-ments mis en route, il ne différencie pas les différentsdosages isotoniques ou hypertoniques de certainesélectrolytes…

Il présente des difficultés pour utiliser la règle de troisafin de préparer une perfusion et fait des arrondis dansses dosages pour éviter certains calculs… Or, cela nese pratique pas en pédiatrie car les dosages-enfantssont très précis.

Tout cela a été repéré lors de questions posées avant deréaliser les actes correspondants, cela dans un but devérification des connaissances.

119. Unités : notion spécifique à ce produit, mais qu’on retrouveaussi pour l’insuline par exemple.

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Un réajustement des connaissances a permis à l’étu-diant de progresser, il améliore ses connaissances maisles informations ne sont pas adaptées au service. Ainsi,cet étudiant associe réanimation à problème respira-toire or il s’agit plutôt de l’immaturité globale de bébésnés prématurément.

L’équipe qui encadre l’étudiant (infirmier et cadre-infir-mier) se pose la question de la responsabilité de l’étu-diant, de son implication.

Le contrôle de ses connaissances et de ses actes tientcompte des risques liés à la sécurité des enfants, maisaussi des insuffisances repérées chez cet étudiant.Celui-ci se dit stressé par les questions qu’on lui pose.Effectivement, cet accompagnement rigoureux a pugêner l’étudiant.

Pour réaliser cet encadrement, l’équipe avait au préa-lable travaillé avec un formateur de l’I.F.S.I. à la rédac-

tion d’un guide de suivi. De même le stage avait étéenvisagé afin que l’étudiant travaille avec tous les soi-gnants mais soit plus particulièrement suivi par desinfirmiers. La préparation de l’équipe a porté aussi surla notion de vigilance et de responsabilité.

Le rapport de stage a été rédigé par le cadre-infirmier etles infirmiers ayant assuré le suivi, les erreurs ont étérecensées comme des inaptitudes de l’étudiant, desmanques de connaissances générales, une non adapta-tion des informations aux spécificités du service etnotées sur ce rapport. Le stage n’a pas été validé.

Selon l’équipe, l’étudiant a perçu l’accompagnementcomme une sorte de « harcèlement »; il n’a pu entendreles propos des soignants; l’auto-évaluation était impos-sible pour cet étudiant car il n’était pas conscient de seslacunes, de l’inadaptation des soins qu’il réalisait.