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432 IN MEMORIAM PHILIPPE-AUGUSTE GUYE. Reeherches SUP la recuperation des gaz nitreux Par E. Briner, S. Niewiazski et J. Wiswald. (13. 111. 22.) Les gaz nitreux sont, comme on sait, des melanges d’air et de divers oxydes d’azote form& par l’oxyde d’azote lui-m6me et ses stades suphrieurs d’oxydation. Leur rhcuphration est un problkme d’un grand inthret technique, car ils se produisent ou interviennent dans toute une skrie d’ophrations industrielles des plus import,antes. Le phhnomkne fondamental de cette rkcuphration est l’oxydation de l’oxyde d’azote. En effet, NO par lui-meme n’est absorbable ni par I’eau, ni par les alcalis, ni par les acides. Pour l’absorber, il faut done, au prhalable, le transformer en oxydes supkrieurs; de m6me aussi, s’il s’agit de r6cupi:rer les gaz nitreux par le froid, il est nkces- saire de transformer l’oxyde NO en oxydes suphrieurs N,O,, N,04, dont les temphratures de condensation sont bien supkrieures a celles de l’oxyde d’azote. Ainsi done I’htude du problhme de la rhcuphration se ramkne tout naturellement a celle du problitme de l’oxydation du gaz NO. Sur cette question, malgri: les multiples travaux effectuhs, il reste encore de nombreux points a rhsoudre dont quelques-uns ont fait l’objet des pritsentes recherches. 1 *. Formation de nitrite par rhnction du mdlange NO + NO, sur un alcali. Cette formation s’interpr6te facilement si l’on admet avec Raschigl) que NO et NO, gazeux se combinent inthgralement en N,O, gazeux, lequel rkagirait ensuite comme anhydride avec l’alcali suivant : N,O, + 2NaOH = 2NaN0, + H,O. A cette thhorie, Lunge,) oppose les mesures de Ramsay et Cundall, d’aprits lesquelles N,O, n’existerait pas a l’htat gazeux. Pour expliquer I) Raschig, Z. ang. Ch. 1905 (2) 1281. 2, Lunge, diffhrents articles dam Z. ang. Ch. 1905 et 1906.

Recherches sur la récupération des gaz nitreux

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Page 1: Recherches sur la récupération des gaz nitreux

432 I N MEMORIAM PHILIPPE-AUGUSTE GUYE.

Reeherches SUP la recuperation des gaz nitreux Par

E. Briner, S. Niewiazski et J. Wiswald.

(13. 111. 22.)

Les gaz nitreux sont, comme on sait, des melanges d’air et de divers oxydes d’azote form& par l’oxyde d’azote lui-m6me et ses stades suphrieurs d’oxydation. Leur rhcuphration est un problkme d’un grand inthret technique, car ils se produisent ou interviennent dans toute une skrie d’ophrations industrielles des plus import,antes.

Le phhnomkne fondamental de cette rkcuphration est l’oxydation de l’oxyde d’azote. En effet, NO par lui-meme n’est absorbable ni par I’eau, ni par les alcalis, ni par les acides. Pour l’absorber, il faut done, au prhalable, le transformer en oxydes supkrieurs; de m6me aussi, s’il s’agit de r6cupi:rer les gaz nitreux par le froid, il est nkces- saire de transformer l’oxyde NO en oxydes suphrieurs N,O,, N,04, dont les temphratures de condensation sont bien supkrieures a celles de l’oxyde d’azote. Ainsi done I’htude du problhme de la rhcuphration se ramkne tout naturellement a celle du problitme de l’oxydation du gaz NO.

Sur cette question, malgri: les multiples travaux effectuhs, il reste encore de nombreux points a rhsoudre dont quelques-uns ont fait l’objet des pritsentes recherches.

1 *. Formation de nitrite par rhnction du mdlange NO + NO, sur un alcali.

Cette formation s’interpr6te facilement si l’on admet avec Raschigl) que NO et NO, gazeux se combinent inthgralement en N,O, gazeux, lequel rkagirait ensuite comme anhydride avec l’alcali suivant :

N,O, + 2NaOH = 2NaN0, + H,O.

A cette thhorie, Lunge,) oppose les mesures de Ramsay et Cundall, d’aprits lesquelles N,O, n’existerait pas a l’htat gazeux. Pour expliquer

I) Raschig, Z. ang. Ch. 1905 (2) 1281. 2, Lunge, diffhrents articles dam Z. ang. Ch. 1905 e t 1906.

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IN MEMORIAM PHILIPPE-AUGUSTE GUYE. 433

la formation du nitrite il suppose alors que le nitrate, formi! a partir du peroxyde selon 1’6quation :

2 NO,(N,O,) + 2 NaOH = NaNO, + NaNO, + H,O,

est reduit en nitrite par l’oxyde NO du melange NO +NO,. Mais cette explication n’est pas confirmee par les faits exphimen-

taux, car si NO est capable de reduire l’acide nitrique, il reste sans action sur les nitrates.

Entre ces deux points de vue entiers, se place l’interpretation de Le RZancl) : N203 existe a 1’6tat gazeux a de faibles concentrations dans le systkme en Bquilibre ; les molecules N20, reagissent avec l’alcali pour donner du nitrite et se reforment au fur et a mesure de leur disparition partir du melange NO +NO,, conformkment au processus rhersible :

NO + NO, N,O,

Cette explication est corroboree par les recherches recentes de Wourtze12), qui a etabli l’existence reelle a l’ktat gazeux de N,03 2i des concentrations d’bquilibre de quelques %.

Mais, ti notre sens, la question n’est pas encore tranchee par cette dernikre theorie. En l’adoptant, en effet, il faut prevoir qu’avec la dilution croissante du melange NO +NO, dans un gaz inerte, le per- oxyde NO,, ayant de moins en moins de chances de rencontrer les molecules de NO pour former N,O,, s’absorbera de plus en plus, pour son propre compte, en donnaht du nitrate en proportions croissantes, pendant que des quantites correspondantes de NO s’kchapperont.

Or, sur ce point, on trouve prkcisement une expkrience de Raschig3), d’aprks laquelle, msme dans un melange NO +NO, fortement diluk dans l’azote, l’absorption par l’alcali se fait uniquement sous forme de nitrite. Cette experience, si son resultat est exact, serait donc cruciale aussi bien pour la theorie de Lunge que pour l’interpretation de Le Blanc. I1 nous a paru nhcessaire de la reprendre en now entou- rant de toutes les precautions necessaires. Voici quelques chiffres extraits de nos mesures, qui sont en accord complet avec les previsions deduites ci-dessus du mecanisme propose par Le Blanc:

- l) Le Blanc, Z. El. Ch. 12, 541 (1906). ,) Wourtzel, C. R. 170, 109 (1920). 3, Ruschig, Z. ang. Ch. 1905 (2), 1297.

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Concentrations de (NO + NO,) dans l’azote

3504

12y0 6%

Proportions du melange (NO + NO,) absorbees 1 perdiies

, comme NzOs I comme N,O, ______-.-__ -~

2 Yo 5,456 12,9Yo

18,6% - Ainsi, pour prendre les deux cas extrgmes, si le melange NO +NO,

se trouve a l’etat trks dilue, tout le peroxyde sera absorb6 pour lui- m6me sous forme mi-partie de nitrate, mi-partie de nitrite et le NO Bchappera complAtement; si, par coiitre, le mhlange NO +NO, est suffisamment concentre, l’absorption par l’alcali donnera uniquement du nitrite sans perte de NO. C’est la un resultat qui peut presenter un certain inter& pour l’htude de la recuperation des gaz nitreux.

2O. M6canisme de la peroxydation d u gax NO.

Deux interpretations sont proposees : Peroxydation avec formation intermediaire de N,O, (Raschig l),

Jolibois et Sanfourche ”)), selon :

4 NO + NO, = 2 NZO, 2 NzO, + 0, = 2 &O*

elle est d’ailleurs compatible avec la dissociation partielle de N,O, a 1’6tat gazeux.

Peroxydation directe (Lunge3) , Bodenstein A), Wourtze15)) selon:

2 NO + 0, = 2 NO,(N,O,)

Pour elucider cette question, nous avons eu recours a l’emploi des basses temperatures realisees l’aide de l’air liquide. A ces basses temperatures, le N203 doit se condenser instantanement aprks sa for- mation et d& lors, s’il constitue le stade intermediaire, il faut s’a ttendre a constater sa prbdominance dans les produits condenses, surtout si le melange cornporte un trBs grand exch de NO.

Or, comme le montrent nos experiences, dont voici quelques re- sultats :

l ) Raschiq, loc. cit. 2, Jolibois et Sunfourche, C. R. 168,236 (1919); Sanfourche B1. [4] 25, p. 533 (1919). 3, Lunge, loc. oit. *) Bodenstein, Z. El. Ch. 24, 183 (1918). 6, Wourtzel, C. R. 170, 229 (1920).

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IN MEMORIAM PHILIPPE-AUGUSTE GUYE.

mblange condensbes ?\TO 0% N, en NsO,

loo/, 1%) s9y0 25:‘* sy, 2y0 goo/, :wO So/, 8yo 840/, I :33yo lo/, 3O/, 967” 20%,

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cundensh perdues en N,O,

20:‘, oq, , 44% 21”,, 6S:n I?” 77 o/o l?o

- m6me en presence d’un trb.; grand exc+s de NO sur l’oxyg&nc, l’oxy- clation aboutit toujoiirs il la formation ct B la condensation de tr8s fortes proportions de pcroxytle d’azote. La rkaction se poursuit donc bien entre NO ct l’oxygkne, sculs corps gazeux 21 prcndre en consid6- ration B ces basscs tcmpkratures, e t S,O, constitue un prorluit secon- Claire r6snltant tlc: l’association de S O , form6 avec NO non encore peroxydk. I

Lcs calculs de vitesse de rkaction et de r6cuphrabilit6, qui permettent, en particulier, d ’ka luer approximativenient les capacitks des cham- Ires d’oxydation nhcessaires pour attcindre une rkcupkration donnke, doirent, en cons&quence, Ctre fond& sur I’kquation cinktique du troi- sibme ordre, dcjb vhifikc d’aillcurs, en de certairics conditions, par L u n g e , Bodens te in ct H’oirrlzel. 1,orsquc l’oxygbne est en ex& assez grand pour que sa concentration puisse 6trc considbrke comme cons- tante, comnie c’est lc cas notamment d m s la rkcuphration des gaz d’ilrc, on se scrvira do 1’6quation, heauconp plus simple, du tleuxibme ortlre’).

3 O . A c t i o n d u j ro id sur la citesse de perorydnt ion de N O .

Ainsi qu’il r6siiltcx dc son nihcanismc, la pmwxyclation est, toutes choses Bgales, d’uutant pliia lcntc quc la concentration des gaz nitreus cst plus faible. C’est pourquoi, duns I’industric, pour ne pus pcrdre les prkcieux oxydes d’azote, on a Qt@ amen& a donncr uux installations de rkcnp6ration (tours dc ruissellement e t chambres tl’oxydation) un d k ~ d o p p c n ~ c n t en rapport arec la dilution tles gaz nitreus.

Pour accklkrer la vitcssc tic pcroxydation de SO, un facteur merite d’8trc p i s cri consiclkration plus qu’il ne I’a 6t6 jusqii’ici, c’est l’action tlii froid. Uepuis les premieres recherches sur ce sujet de Bodenstein et

I ) Brzner ct Prulori, Helv. I, 181 (1918); J. Ch. phys. 16, 279 (1918).

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436 I S MEMORIAM PZIILIPPE-AUCIJSTE G U Y E .

iMeineckel) d’une part., e t de l’oerster ct Blich2) d’autre part, on sait en effet quc cet.tc vitessc s’accroit, de pcu,’ i l est, vrai, niais trBs nette- merit, par abaissenient de la tcmpkrature. C’est, 18, it not.re connais- sance, une anoriialie unique clans la chirnic. Dans le procbd6 de rkcu- pbration dcs gaz nit rcus par refroidisscnicnt a des tempkraturcs dc l’ordrc de - 80°, pratiqui. dam certaines usines, I’action favorable du froid interrient certainemcnt, muis Tie parait, pas avqir pr6occupk les industriels qui ont chcrchi. surtout. A obtcnir par ce moyen dii per- oxyde liquidc.

En vue de fairc ressortir darant.agc cettc action, nous avoiis exarnink l’allure dc la peroxydatiori aux trks basscs tempkratures rkalisitcs a l’aide de I’air liquide. Nous a w n s reconnil, dam ces conditions. une trks forte accklkration. Par eucinple, pour un m6lange t rc‘s puurre, dc composition SO 1 yo, 0, 3 ”/b et N, 96%, la rkcupBration atteint, it 1st temperature de l’air liqnicle, 07 yo aprbs 1 ,S seconrle seuleiricrit, alors qu’a la t.emp6rature ordinaire, clle est restbe infkricnre ii 50 oh,

apres 142 minutes. Ainsi donc, la rbcupi‘rat,ion tles gaz nitrcnx ;i de trks basses temp&

raturcs serait. un moycn exccptiorinellcmcrit, hergique p e r m e t t ~ n t ~ ) , m$me pour des gsz t.rBs di1ui:s commt: les gaz d’arc, d’atteindre une rkcup6ration prcsque complbtc sans qu’il soit nbcessaire de recourir a de \Tastes charribres d’oxydation.

Un memoire d6tai116 sur Ie sujet trait6 dans la pr6scnte note paraitra dans le Journal dc Chimie physique.

Genkvc, IAjoratoire de Ctiimic technique et thkorique de 1’Univ.

I ) Bodeiiatein rt Meinecke , Z . El. Ch., 16, 876 (1910). *) Foersler e t Blich, Z. ang. Ch. 23, 2017 (1910). 3, Sous rBservc naturcllcnient dc la possibilit6 dc iCaliser techniquernent un appa-

reillage approprik.