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1 Des choses secondaires, ils voulaient passer aux réalités essentielles, à ce qui, seul, est vraiment important et sûr. Benoît XVI Discours au monde de la culture Collège des Bernardins - 12 septembre 2008 REDÉCOUVRIR LE SENS DE LA VIE (4/14) L’HOMME : CELUI QUI APPREND À SE GOUVERNER La vocation de l’homme n’est-elle pas de dominer sur le monde ? Mais parvient-il à se gouverner lui-même ? L'obéissance est-elle servile ? Un homme libre doit-il obéir et si oui, à qui ? 29 novembre 2021 Préambule Le rituel du baptême Une plongée dans le mystère pascal Eau baptismale Voulez-vous que N. soit baptisé(e) dans cette foi de l'Église que tous ensemble nous venons d'exprimer avec vous? Parents : Oui, nous le voulons. Et aussitôt le prêtre baptise l'enfant en disant de façon à ce que tous puissent l'entendre N., je te baptise au nom du Père il plonge l'enfant dans l'eau ou verse l'eau une première fois et du Fils il plonge l'enfant dans l'eau ou verse l'eau une deuxième fois et du Saint-Esprit. il plonge l'enfant dans l'eau ou verse l'eau une troisième fois. Onction avec le Saint-chrême Le prêtre dit ensuite Le Dieu tout-puissant, Père de Jésus, le Christ, notre Seigneur, vous a fait renaître de l’eau et de l’Esprit-Saint. Désormais, vous êtes chrétiens, vous faites partie de son peuple, Vous êtes membres du corps du Christ et vous participez à sa dignité de prêtre, de prophète et de roi. Dieu vous marque de l'huile du salut afin que vous demeuriez dans le Christ, pour la vie éternelle. Tous : Amen. « La tradition juive considère que les Fils d’Israël sont devenus pleinement libres au moment où parve- nus au pied du Mont Sinaï, ils ont pu recevoir la Torah (les Dix Commandements). C'est ce don de la Torah, cette révélation divine qui est célébré à Chavouot. Dans la Bible, les fêtes ont avant tout une di- mension agricole. Au départ, Chavouot était la fête de la moisson au cours de laquelle il convenait d'apporter au Temple de Jérusalem les prémices des récoltes. Dans la littérature rabbinique, cette fête va prendre une signification historique nouvelle : celle du don de la Torah. Cette période de sept se- maines marque le temps de préparation nécessaire pour un passage de la liberté physique à la liberté spirituelle. L'homme ne peut pas se dire libre du simple fait qu'il n'est pas entravé. Ce moment du ca- lendrier enseigne qu'une liberté complète passe par le fait d'appartenir à une société dotée d'une loi

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Des choses secondaires, ils voulaient passer aux réalités essentielles, à ce qui, seul, est vraiment important et sûr.

Benoît XVI Discours au monde de la culture

Collège des Bernardins - 12 septembre 2008

REDÉCOUVRIR LE SENS DE LA VIE (4/14) L’HOMME : CELUI QUI APPREND À SE GOUVERNER

La vocation de l’homme n’est-elle pas de dominer sur le monde ? Mais parvient-il à se gouverner lui-même ?

L'obéissance est-elle servile ? Un homme libre doit-il obéir et si oui, à qui ?

29 novembre 2021

Préambule Le rituel du baptême Une plongée dans le mystère pascal Eau baptismale Voulez-vous que N. soit baptisé(e) dans cette foi de l'Église que tous ensemble nous venons d'exprimer avec vous? Parents : Oui, nous le voulons. Et aussitôt le prêtre baptise l'enfant en disant de façon à ce que tous puissent l'entendre N., je te baptise au nom du Père il plonge l'enfant dans l'eau ou verse l'eau une première fois et du Fils il plonge l'enfant dans l'eau ou verse l'eau une deuxième fois et du Saint-Esprit. il plonge l'enfant dans l'eau ou verse l'eau une troisième fois. Onction avec le Saint-chrême Le prêtre dit ensuite Le Dieu tout-puissant, Père de Jésus, le Christ, notre Seigneur, vous a fait renaître de l’eau et de l’Esprit-Saint. Désormais, vous êtes chrétiens, vous faites partie de son peuple, Vous êtes membres du corps du Christ et vous participez à sa dignité de prêtre, de prophète et de roi. Dieu vous marque de l'huile du salut afin que vous demeuriez dans le Christ, pour la vie éternelle. Tous : Amen. « La tradition juive considère que les Fils d’Israël sont devenus pleinement libres au moment où parve-nus au pied du Mont Sinaï, ils ont pu recevoir la Torah (les Dix Commandements). C'est ce don de la Torah, cette révélation divine qui est célébré à Chavouot. Dans la Bible, les fêtes ont avant tout une di-mension agricole. Au départ, Chavouot était la fête de la moisson au cours de laquelle il convenait d'apporter au Temple de Jérusalem les prémices des récoltes. Dans la littérature rabbinique, cette fête va prendre une signification historique nouvelle : celle du don de la Torah. Cette période de sept se-maines marque le temps de préparation nécessaire pour un passage de la liberté physique à la liberté spirituelle. L'homme ne peut pas se dire libre du simple fait qu'il n'est pas entravé. Ce moment du ca-lendrier enseigne qu'une liberté complète passe par le fait d'appartenir à une société dotée d'une loi

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face à laquelle tous les individus sont égaux. C'est le sens de Chavouot, l'idée que c'est en recevant la Loi que les Hébreux sont véritablement devenus un peuple libre. »

Rabbin Jonas Jacquelin, de la synagogue libérale Copernic à Paris (Figaro 21 mai 2018) Remarquons que nous sommes soumis à des lois (physiques) qui s’imposent à nous. Ces lois nous contraignent, en même temps qu’elles créent les conditions de notre vie et de notre survie. Dans l’ordre de la vie spirituelle, une loi doit s’écrire en nous : la loi de l’amour ; elle ne peut s’imposer à nous, car l’amour implique la liberté, le libre consentement. Si nous consentons à nous ouvrir à la loi de l’amour, cette loi créera aussi les conditions de notre vie : non plus une survie, mais la résurrection elle-même, car l’amour du Père pour nous signifie un nouvel engendrement, un relèvement. Le Seigneur Ressuscité est donc pour les chrétiens, l’homme en qui la loi de l’amour va jusqu’au bout de ce qu’elle offre : l’amour vivifiant du Père, en même temps qu’il est allé lui-même jusqu’au bout du consentement à faire de la loi du don de lui-même (l’amour), le motif même de sa vie. Mgr Jean-Marie Lustiger - Être chrétien « J’appelle chrétien celui qui est baptisé. Le chrétien, c'est celui qui a été baptisé, c'est-à-dire celui qui a été identifié au Christ par l'acte qui l'a fait naître à la condition d'enfant de Dieu en lui donnant part au baptême du Christ, c'est-à-dire à sa mort et à sa résurrection. Dès lors, irrévocablement, le chrétien a reçu la vocation de devenir ce à quoi il a été appelé. Il a été enfanté : à lui maintenant de vivre. Voilà la définition du chrétien. On n'est pas plus ou moins chrétien selon que l'on pratique ou que l'on ne pratique pas. Dès le moment où on l'est, on le demeure. Un chrétien ne doit pas vouloir se donner l'air d'être chrétien ; il ne serait alors qu'un comédien, un Tartuffe. Et si l'on se fait reconnaître, c'est par ce que Dieu fait de nous, et non pas par l'air qu'on veut s'en donner. » Benoît XVI - 13 sept 2008 « Hormis le peuple d'Israël, qui avait reçu la révélation du Dieu unique, le monde antique était asservi au culte des idoles. Très présentes à Corinthe, les erreurs du paganisme devaient être dénoncées, car elles constituaient une puissante aliénation et détournaient l'homme de sa véritable destinée. Elles l'empêchaient de reconnaître que le Christ est le seul et vrai Sauveur, le seul qui indique à l'homme le chemin vers Dieu. Cet appel à fuir les idoles reste pertinent aujourd'hui. Le monde contemporain ne s'est-il pas créé ses propres idoles ? N'a-t-il pas imité, peut-être à son insu, les païens de l'Antiquité, en détournant l'homme de sa fin véritable, du bonheur de vivre éternellement avec Dieu ? C'est là une question que tout homme, honnête avec lui-même, ne peut que se poser. Qu'est-ce qui est important dans ma vie ? Qu'est-ce que je mets à la première place ? » Jean-Paul II – La mission du Christ Rédempteur (Lettre Encyclique Redemptoris Missio)1990 38. Notre époque est tout à la fois dramatique et fascinante. Tandis que, d'un côté, les hommes semblent rechercher ardemment la prospérité matérielle et se plonger toujours davantage dans le matérialisme de la consommation, d'un autre côté, on voit surgir une angoissante quête du sens, un besoin d'intériorité, un désir d'apprendre des formes et des méthodes nouvelles de concentration et de prière. Dans les cultures imprégnées de religiosité, mais aussi dans les sociétés sécularisées, on recherche la dimension spirituelle de la vie comme antidote à la déshumanisation. Le phénomène que l'on nomme « retour du religieux » n'est pas sans ambiguïté, mais il contient un appel. L'Eglise a un immense patrimoine spirituel à offrir à l'humanité dans le Christ qui se proclame « la Voie, la Vérité et la Vie » (Jn 14, 6). François - Toussaint 1er novembre 2018 « Aujourd’hui nous entrevoyons donc notre avenir et nous fêtons ce pour quoi nous sommes nés: nous sommes nés pour ne plus jamais mourir, nous sommes nés pour jouir du bonheur de Dieu! ». è Les saints se sont laissés transformés intérieurement ; la parole qu’ils ont entendue, qu’ils ont conçue, les a aussi façonnés.

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Il n’y a donc de connaissance de Dieu que par la vie que Dieu donne. Dit autrement, ne connaît Dieu que celui qui vit de sa vie, qu’en éprouvant sa vie même, qu’en vivant de sa vie. C’est pourquoi seule la Résurrection de la mort sera pour chacun l’expérience définitive de la connaissance de Dieu-Père. Les chrétiens se laissent-ils suffisamment gagner par la joie de la Résurrection ? Ils doivent vivre dans la lumière du Royaume. Qu’est-ce que le Royaume ? C’est le lieu du Règne du jour UN et ETERNEL, de la lumière joyeuse du Ressuscité, Lumière de l’Amour Sans Mesure. C’est dans cette lumière que nous pouvons voir et comprendre la mort. L’espérance des chrétiens n’est en rien comparable à celle des autres religions : pour les chrétiens, le Christ est vraiment ressuscité et sa résurrection annonce la notre ! La foi chrétienne s’appuie sur la certitude que Dieu a engendré l’humanité à la vie éternelle en ressuscitant Jésus son Fils qui a pris notre humanité. Notre époque est témoin d’un jeu concurrentiel des identités religieuses, mais hélas sans exprimer clairement le cœur de la foi en posant les trois questions décisives : en qui est-ce que je crois ? qu’est-ce que je crois au sujet de celui en qui je crois ? qu’est-ce que cela change dans ma vie ? Benoît XVI - Lett. enc. Deus caritas est, n. 17 « L’histoire d’amour entre Dieu et l’homme consiste justement dans le fait que cette communion de volonté grandit dans la communion de pensée et de sentiment, et ainsi notre vouloir et la volonté de Dieu coïncident toujours plus : la volonté de Dieu n’est plus pour moi une volonté étrangère, que les commandements m’imposent de l’extérieur, mais elle est ma propre volonté, sur la base de l’expérience que, de fait, Dieu est plus intime à moi-même que je ne le suis à moi-même. C’est alors que grandit l’abandon en Dieu et que Dieu devient notre joie ». Père Paul Beauchamp, s.j - « La Loi de Dieu », Seuil, 1999 Le dernier refuge de l'idole : la loi La loi est précédée par un « Tu es aimé » et suivie par un « Tu aimeras ». « Tu es aimé » : fondation de la loi, et « Tu aimeras » : son dépassement. Quiconque abstrait la loi de ce fondement et de ce terme, aimera le contraire de la vie, fondant la vie sur la loi au lieu de fonder la loi sur la vie reçue. La loi ainsi pervertie devient filet d'autant plus asphyxiant et mortifère que ses mailles sont fines. Sa dureté est moins à craindre que sa finesse. Elle rejoint l'idole comme son pire avatar. Ce qui la trahit cependant — puisque, pour notre salut, il est de fait qu'elle se trahit — c'est la jouissance d'accuser dans laquelle nous précipite nécessairement cette manière d'observer la loi. L'Évangile porte sur ce point d'impact. Père Jean Radermalers Apprendre à lire à la Bible Ed Fidélité 2007

Que s'est-il passé ? Puisqu'il ne nous reste de la sortie d'Égypte qu'une théologie en forme d'épopée, il est bien difficile de savoir ce qui s'est exactement passé. Un historien de métier ne peut parvenir qu'à des hypothèses, mais il s'est passé quelque chose de tellement décisif que la mémoire populaire s'est empressée de le raconter, de le chanter, de le célébrer. Le nombre de traditions ne fait que nous révéler davantage l'importance de l'événement. Dans cet exode, Israël a commencé à découvrir qui est son Dieu, quel est son Nom. Il ne s'agit plus d'un dieu soleil, comme en Égypte, ni d'un dieu de la nature comme chez tous les peuples d'agriculteurs. Il s'agit d'un Dieu de l'histoire, un libérateur et un sauveur. Il est pour toujours « Celui qui a vu la misère de son peuple » (Ex 3, 7) et qui l'a tiré de la maison de servitude (Dt 5,6), mais il n'en est pas resté là. Il continue à accompagner son peuple. Il est « Je suis qui je serai » (Ex 3, 14; trad. TOB) comme il l'a dit à Moïse du sein du buisson-ardent. Cela signifie : vous découvrirez qui je suis en me voyant me manifester à vos côtés au cours des âges. C'est dans votre histoire à venir que vous saurez qui je suis. Pas de définition abstraite, pas de nom que l'on puisse utiliser de manière magique — dans toutes les religions, connaître le nom de la divinité, c'est avoir prise sur elle. Dieu se révèle au pas de l'histoire comme dynamisme de liberté et ouverture sur le futur.

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Pour le chrétien, l'exode acquiert une signification nouvelle. Par sa mort et sa résurrection, le Christ a traversé les eaux de la mort et le croyant le suit dans celles du baptême. Le Ressuscité, telle une colonne de feu (Ex 13, 21) dans la nuit du désert, nous conduit vers cette Terre promise qu'est le Royaume du Père. L'Eucharistie, pâque quotidienne, nous donne de faire mémoire de Celui qui a définitivement passé de ce monde à son Père (Jn 13,1). Mieux que la manne des temps anciens (Ex 16), elle nous nourrit au jour le jour dans notre marche et nous offre déjà mystérieusement cette vie éternelle à laquelle nous aspirons (Jn 6, 49-50). Comme les Hébreux au désert, nous vivons encore sous la tente parce que nous « n’avons pas ici de cité permanente, mais nous sommes à la recherche de la cité future » He 13,14 tout comme Israël espérait la Terre promise ( voir He 11,13-16). è La loi est au service de la vie et non l’inverse ; la confiance est première et la connaissance est seconde : « je découvre qui tu es au terme du chemin » ; nous avons trop l’illusion qu’il faut connaître avant de s’engager alors que c’est l’engagement qui nous ouvre à la connaissance. Il y a bien un part de risque, mais c’est lui qui permet à la confiance de paraître, et au Seigneur de se révéler. Retour sur la lecture de l’Exode « Il révèle sa parole à Jacob, ses volontés et ses lois à Israël. Pas un peuple qu’il ait ainsi traité ; nul autre n’a connu ses volontés ». Psaume 147 3ème mesure : [22] Pharaon donna alors cet ordre à tout son peuple : "Tout fils qui naîtra, jetez-le au Fleuve, mais laissez vivre toute fille." Mise en échec : [Exode 2] [1] Un homme de la maison de Lévi s'en alla prendre pour femme une fille de Lévi. [2] Celle-ci conçut et enfanta un fils. Voyant combien il était beau, elle le dissimula pendant trois mois. [3] Ne pouvant le dissimuler plus longtemps, elle prit pour lui une corbeille de papyrus qu'elle enduisit de bitume et de poix, y plaça l'enfant et la déposa dans les roseaux sur la rive du Fleuve. [4] La sœur de l'enfant se posta à distance pour voir ce qui lui adviendrait. [5] Or la fille de Pharaon descendit au Fleuve pour s'y baigner, tandis que ses servantes se promenaient sur la rive du Fleuve. Elle aperçut la corbeille parmi les roseaux et envoya sa servante la prendre. [6] Elle l'ouvrit et vit l'enfant : c'était un garçon qui pleurait. Touchée de compassion pour lui, elle dit : "C'est un des petits Hébreux." [7] La sœur de l'enfant dit alors à la fille de Pharaon : "Veux-tu que j'aille te chercher, parmi les femmes des Hébreux, une nourrice qui te nourrira cet enfant ? - [8] Va", lui répondit la fille de Pharaon. La jeune fille alla donc chercher la mère de l'enfant. [9] La fille de Pharaon lui dit : "Emmène cet enfant et nourris-le moi, je te donnerai moi-même ton salaire." Alors la femme emporta l'enfant et le nourrit. [10] Quand l'enfant eut grandi, elle le ramena à la fille de Pharaon qui le traita comme un fils et lui donna le nom de Moïse, car, disait-elle, "je l'ai tiré des eaux." C) Hostilité des frères envers Moïse 11] Il advint, en ces jours-là, que Moïse, qui avait grandi, alla voir ses frères. Il vit les corvées auxquelles ils étaient astreints ; il vit aussi un Egyptien qui frappait un Hébreu, un de ses frères. [12] Il se tourna de-ci de-là, et voyant qu'il n'y avait personne, il tua l'Egyptien et le cacha dans le sable.[13] Le jour suivant, il revint alors que deux Hébreux se battaient. "Pourquoi frappes-tu ton compagnon ?" Dit-il à l'agresseur. [14] Celui-ci répondit : "Qui t'a constitué notre chef et notre juge ? Veux-tu me tuer comme tu as tué l'Egyptien ?" Moïse effrayé se dit : "Certainement l'affaire se sait." [15] Pharaon entendit parler de cette affaire et chercha à tuer Moïse. D) Menace de mort pour Moïse - Exil au désert en Madiân Moïse s'enfuit loin de Pharaon ; il se rendit au pays de Madiân et s'assit auprès d'un puits.

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La « terre sainte » trouva sa qualification là où la Parole prend corps dans l’homme pour le faire vivre ; la terre est « sainte » partout où l’homme s’ouvre à la parole de Dieu, car alors Dieu donne vie à l’homme par sa parole ; or, le dessein de Dieu est précisément de faire vivre et de se communiquer au moyen de sa création. Il s’ensuit un combat spirituel : oui ou non, la parole de Dieu est-elle source de vie ? L’identité définitive de l’homme ne se dévoile qu’au bout du chemin ; chemin qui est à la fois le bout de sa vie temporelle, et au bout du chemin que la Parole aura fait en lui ! A) Départ de l’Horeb mais encore en Madiân (Exode 4,18) : Moïse s'en alla et retourna vers Jéthro, son beau-père. Il lui dit : "Permets que je m'en aille et que je retourne vers mes frères qui sont en Egypte pour voir s'ils sont encore en vie." Jéthro lui répondit : "Va en paix." [19] YHWH dit à Moïse en Madiân : "Va, retourne en Egypte, car ils sont morts, tous ceux qui cherchaient à te faire périr." [20] Moïse prit sa femme et son fils, les fit monter sur un âne et s'en retourna au pays d'Egypte. Moïse prit en main le bâton de Dieu. B) Sur le chemin d’Egypte [21] YHWH dit à Moïse : "Tandis que tu retourneras en Egypte, vois les prodiges que j'ai mis en ton pouvoir : tu les accompliras devant Pharaon, mais moi, j'endurcirai son cœur et il ne laissera pas partir le peuple.[22] Alors tu diras à Pharaon : Ainsi parle YHWH: mon fils premier-né, c'est Israël.[23] Je t'avais dit : Laisse aller mon fils, qu'il me serve. Puisque tu refuses de le laisser aller, eh bien, moi, je vais faire périr ton fils premier-né." [24] Et ce fut en route, à la halte de la nuit, que YHWH vint à sa rencontre et chercha à le faire mourir.[25] Cippora prit un silex, coupa le prépuce de son fils et elle en toucha ses pieds. Et elle dit : "Tu es pour moi un époux de sang." [26] Et il se retira de lui. Elle avait dit alors "Epoux de sang", ce qui s'applique aux circoncisions.

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En lisant les premiers chapitres de l’Exode, nous avons découvert l’enjeu de la quête de l’identité personnelle de Moïse. Celle-ci se réalise à travers la Révélation du Nom de Dieu et le don de la Loi. Moïse est-il Egyptien ? Est-il Hébreu ? La Révélation biblique nous enseigne que Dieu conduit l’homme sur le chemin de son identité définitive : il est Fils d’Israël, appelé à répondre au DON de Vie que Dieu veut lui faire. Notre identité définitive nous est donnée au détour de l’écoute de la Parole vivante de Dieu. Dans le Buisson ardent, Dieu lui parle, lui donne une mission qu’il fonde dans son NOM. Moïse découvre le NOM du Dieu de ses pères, « Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ». Autrement dit, il entre dans la Promesse, dans la filiation qui porte la bénédiction de Dieu. Laisser la Parole de Dieu nous conduire au plein dévoilement de sa Puissance, la laisser montrer sa fécondité en nous : tel est l’enjeu de l’écoute de la Parole, telle est l’enjeu de l’obéissance. Garder la Parole, c’est lui obéir. LA « PAROLE » S’APPROCHE DE L’HUMANITE EN QUETE DE SON IDENTITE. Entrer dans une écoute attentive et aimante, c’est se laisser conduire à la joie parfaite. Aller au bout de l’écoute de la Parole /Loi pour accéder à son identité en trois étapes : Une loi de création (Appel du Père à la vie), Une loi de liberté (Engagement dans l’histoire) Une loi de don (le commandement de l’amour/don de soi) Dieu s’approche de Moïse dans son « exil » en Madian. Dieu est à la recherche de son enfant perdu. Moïse est l’homme perdu qui ignore sa propre identité. Dieu la lui fera connaître en lui donnant son NOM.

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Moïse est blessé : il est blessé par une identité incertaine … il a commis un meurtre, il est en fuite… Il y a des blessures qui, au lieu de tuer, donnent la vie : le Seigneur nous cherche. La tragédie humaine devient le terrain de la Providence de Dieu. Son Amour nous blesse mystérieusement. Il se pourrait qu’une effusion de vie provienne de cette blessure d’amour. En vérité, nous ne voulons plus être blessés (ni d’amour, ni par rien ni personne) pour guérir, nous ne voulons surtout plus souffrir. Soyons persuadés que nous sommes blessés d’une blessure qui nous fait vivre et non d’une blessure qui fait mourir. Dieu donne la loi à deux reprises. Il recommence et signe déjà sa miséricorde. Dieu ne consent pas à dévoiler le péché du peuple sans dans le même temps, offrir la voie de son pardon. Ainsi la relation à la Loi conduit sur le chemin d’une transformation profonde : du dévoilement de la faute jusqu’à la renaissance à l’«être pardonné». Elle pose une question : à quelle condition pourrais-je enfin observer fidèlement la Loi divine, avancer sur le chemin de mon bonheur ? Nous devons réfléchir à la manière dont l’homme se gouverne. Est-il libre de se gouverner lui-même ? Selon quel principe ? En vue de quoi ? Parvient-il à réaliser les désirs de son cœur ? Romains 7, 14-25 « Vraiment, ce que je fais, je ne le comprends pas ; car je ne fais pas ce que je veux, mais je fais ce que je hais. Or, si je fais ce que je ne veux pas, je reconnais, d'accord avec la Loi, qu'elle est bonne ; en réalité ce n'est plus moi qui accomplis l'action, mais le péché qui habite en moi. Car je sais que nul bien n'habite en moi, je veux dire en ma chair ; en effet, vouloir le bien est à ma portée, mais non pas l'accomplir : puisque je ne fais pas le bien que je veux et commets le mal que je ne veux pas. Or, si je fais ce que je ne veux pas, ce n'est plus moi qui accomplis l'action, mais le péché qui habite en moi (...). Malheureux homme que je suis ! Qui me délivrera de ce corps qui me voue à la mort ? Grâces soient à Dieu par Jésus Christ notre Seigneur !" » Pourquoi le don de la loi à Moïse ? Nous répondons immédiatement : pour aider l’homme à se gouverner et à se gouverner de manière cohérente, c’est-à-dire pour être en mesure de répondre à l’appel que le Seigneur lui a adressé. Pour fonder dans le peuple son principe d’unité et de gouvernance. Pour l’aider à demeurer dans la perspective de l’accomplissement de la Promesse. Observer les lois données par Dieu et le peuple vivra. C’est à la condition de cette observance que le peuple éprouvera la vérité du lien en la loi et la vie. Aller jusqu’au bout de l’obéissance à Dieu, c’est connaître une sorte de dépossession de soi, mais c’est dans le même temps éprouver la puissance de Dieu qui fait vivre. En cela, le Christ Jésus est la parfaite incarnation du juste : celui qui demeure dans l’écoute de ce que son Père lui dit et se laisse totalement conduire par la Loi divine se préparant à en éprouver la puissance de Vie. La Révélation devient mystère d’une rencontre personnelle du Dieu vivant et de l’homme. Cette rencontre se réalise dans le don du Saint-Esprit. Il est essentiel de bien comprendre que le don du Saint-Esprit (Souffle de Vie) est l’enjeu de la vie du Christ Jésus. Il est venu pour nous, c’est-à-dire pour nous donner part à son Esprit, non sans avoir montré au préalable dans sa propre résurrection ce que réalise l’Esprit-Saint : le pouvoir d’engendrer alors même que la mort l’a emporté. Non seulement l’Esprit-Saint l’engendre à la Vie nouvelle de Ressuscité, mais il va également susciter l’unité de son Corps : c’est l’Eglise.

« Et si l'Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d'entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous. » Rm 8,11

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Il faut donc pour cela que cette « Loi » divine de l’ESPRIT vienne en nous, et nous gouverne. Il est l’amour ; dans nos cœurs, il est à la fois le commandement de la loi parfaite de l’amour jusqu’au bout. « Il vous rappellera tout ce que je vous ai dit » « pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis », et il est la force de vivre selon ce commandement. Lorsque la parole s’impose aux choses, elle crée ; lorsqu’elle s’impose aux hommes, elle devient loi. Le mot « parole » appliqué aux coutumes du Code de l’Alliance (Ex. 20, 22-23) signifie que toute la vie quotidienne des Hébreux est soumise à la volonté de Yahvé et se déroule en sa présence. Le Deutéronome, par la suite, étend le terme de parole à toutes les prescriptions de l’Alliance, si bien que la parole en vient à désigner toute la loi mosaïque (Deut 28,69). Enfin, l’ensemble des livres saints, et surtout la Loi, seront considérés comme parole de Dieu. A ce stade la loi absorbe tout : loi, sagesse, prophétie. Expression de la volonté de Dieu, elle est chemin de vie et de salut (Deut 30,14;32,47;8,3). Selon qu’elle est accueillie ou refusée, elle est absolution ou jugement, vie ou mort ».

René LATOURELLE sj. « Théologie de la Révélation », Desclée de Brouwer, Studia n°15, 1963, p 30-31. Parce que la vraie liberté de l’homme consiste à demeurer dans la parole qui le fonde. La vraie joie de l’enfant est de demeurer dans la conscience de l’amour de ses parents. Il se dénature s’il se plait à s’imaginer une autre origine que la sienne propre. La joie profonde du cœur humain est de rejoindre la source inépuisable de l’amour qui nous fonde tous et qui soutient toute l’œuvre créatrice. C’est pourquoi cette Loi est « Parole de vérité » et fondement de la liberté de l’homme. Je ne suis vraiment libre qu’en demeurant dans la relation qui me fonde. Coupé de cette origine, j’éprouve, que vivre pour soi-même laisse une profonde amertume et une angoisse car la vie est marquée du sceau de la finitude. Seule la Parole qui me fonde est de nature à me faire exister dans une relation « je suis par l’autre », et elle m’assure que je ne suis pas né pour un instant, mais que cette Parole me veut aujourd’hui, comme elle m’a voulu hier et me prononcera encore demain. Je ne peux pas atteindre à la permanence de l’Etre par moi-même, mais seulement en posant un sceau de reconnaissance sur la source de ma vie. En invitant son peuple à observer les commandements de la Loi, Dieu appelle son peuple à découvrir la bonté qui le fonde. Ces commandements ne sont pas privation de liberté, mais au contraire les conditions de l’épanouissement authentique de la liberté de l’homme. Il sait à qui il appartient. Redisons-le : il n’y a de liberté authentique qu’à l’intérieur de la relation qui me fonde, qu’en lien avec l’origine. Lorsque la Parole de Dieu se fait « Loi », elle met l’homme sur le chemin de sa propre croissance, de sa découverte de lui-même et de celui qui lui parle. Ces dix Paroles ne régentent pas des conditions sociales précises, mais énoncent les conditions de réalisation authentique de l’humanité. A moins de suivre fidèlement ces préceptes, l’humanité perd de son humanité. Et le plus terrible est sans doute, de découvrir que l’homme ne parvient pas à garder ces commandements. Le voilà donc dévoilé dans une situation critique de pécheur devant Dieu. Là s’envisage la question de savoir si une issue favorable est possible à cette situation. La réponse vient dans la miséricorde de Dieu. Dieu ne donne pas la Loi pour enfermer l’homme dans son péché, mais pour le délivrer dans son amour pour lui. Comme des parents qui énoncent des règles à la maison, que les enfants transgressent devenant non pas les enfants bannis, mais devenant les enfants re-nés au dépassement de leur manque d’obéissance et d’amour, par l’amour même de leurs parents. Cette identité ultime n’est acquise qu’au terme du dévoilement douloureux du péché, mais ce dévoilement en vérité devient aussi la condition de manifestation de la tendresse des parents ou de Dieu. Si tu m’aimes alors que je n’ai rien fait de mal, c’est peut-être normal. Mais si tu m’aimes alors que nous savons tous les deux le mal que je t’ai fait, alors ton amour me fait vivre dans une identité

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nouvelle, d’être bien-aimé pardonné, aimé par-delà le mal commis. Ce mal n’a dès lors plus de pouvoir de nuisance sur notre relation. La source de surcroit d’amour est sans cesse renouvelée par le Saint-Esprit. Le cœur devient la demeure de l’Esprit-Saint. Livre de l’Exode 34 10 Il dit: "Voici que je vais conclure une alliance: devant tout ton peuple je ferai des merveilles telles qu'il n'en a été accompli dans aucun pays ni aucune nation. Le peuple au milieu duquel tu te trouves verra l'oeuvre de Yahvé, car c'est chose redoutable, ce que je vais faire avec toi. 11 Observe donc ce que je te commande aujourd'hui. Je vais chasser devant toi les Amorites, les Cananéens, les Hittites, les Perizzites, les Hivvites et les Jébuséens. (…) 21 Pendant six jours tu travailleras, mais le septième jour, tu chômeras, que ce soient les labours ou la moisson, tu chômeras. 28 Moïse demeura là, avec Yahvé, 40 jours et 40 nuits. Il ne mangea ni ne but, et il écrivit sur les tables les paroles de l'alliance, les dix paroles. 29 Lorsque Moïse redescendit de la montagne du Sinaï, les deux tables du Témoignage étaient dans la main de Moïse quand il descendit de la montagne, et Moïse ne savait pas que la peau de son visage rayonnait parce qu'il avait parlé avec lui. (…)

33 Quand Moïse eut fini de leur parler, il mit un voile sur son visage. 34 Lorsque Moïse entrait devant Yahvé pour parler avec lui, il ôtait le voile jusqu'à sa sortie. En sortant, il disait aux Israélites ce qui lui avait été ordonné, 35 et les Israélites voyaient le visage de Moïse rayonner. Puis Moïse remettait le voile sur son visage, jusqu'à ce qu'il entrât pour parler avec lui. Seconde lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens, 2 Co 3, 4-11 « Frères, si nous avons une telle confiance en Dieu par le Christ, ce n’est pas à cause d’une capacité personnelle que nous pourrions nous attribuer :notre capacité vient de Dieu. Lui nous a rendus capables d’être les ministres d’une Alliance nouvelle, fondée non pas sur la lettre mais dans l’Esprit ; car la lettre tue, mais l’Esprit donne la vie. Le ministère de la mort, celui de la Loi gravée en lettres sur des pierres, avait déjà une telle gloire que les fils d’Israël ne pouvaient pas fixer le visage de Moïse à cause de la gloire, pourtant passagère, qui rayonnait de son visage. Combien plus grande alors sera la gloire du ministère de l’Esprit ! Le ministère qui entraînait la condamnation, celui de la Loi, était déjà rayonnant de gloire ; combien plus grande sera la gloire du ministère qui fait de nous des justes ! Non, vraiment, ce qui, dans une certaine mesure, a été glorieux ne l’est plus, parce qu’il y a maintenant une gloire incomparable. Si, en effet, ce qui était passager a connu un moment de gloire, combien plus ce qui demeure restera- t-il dans la gloire ! » De la seconde lettre de Saint Paul aux Corinthiens (2 Co 3,18 ) « Nous tous qui, le visage découvert, réfléchissons comme en un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en cette même image, allant de gloire en gloire, comme de par le Seigneur, qui est Esprit ». La triple dimension d’une loi : - Protéger (menace extérieure) - Purifier (idole intérieure qui aliène) - Promouvoir (les capacités et aptitudes) « La véritable liberté consiste à marcher dans la voie de la vérité, selon sa vocation propre, sachant que chacun aura à rendre compte de sa vie à son Créateur et Sauveur. Il importe que nous sachions proposer aux jeunes un tel chemin, leur rappelant que le véritable épanouissement n’est pas à n’importe quel prix et les invitant à ne pas se contenter de suivre toutes les modes qui se présentent. L’éducation consiste en effet à ce que l’homme devienne toujours plus homme, qu’il puisse “être” davantage et pas seulement qu’il puisse “avoir” davantage, et que par conséquent, à travers tout ce

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qu’il “a”, tout ce qu’il “possède”, il sache de plus en plus pleinement “être” homme. Pour cela il faut que l’homme sache “être plus” non seulement “avec les autres”, mais aussi “pour les autres”. (…) l’œuvre d’éducation de l’homme ne s’accomplit pas seulement à l’aide des institutions, à l’aide des moyens organisés et matériels, fussent-ils excellents. Ils manifestent aussi que le plus important est toujours l’homme, l’homme et son autorité morale qui provient de la vérité de ses principes et de la conformité de ses actions avec ces principes.

Jean-Paul II, Discours à l’Unesco, 1980 Livre des Proverbes, Pr 21, 1-6 « Le Seigneur dispose du cœur du roi comme on règle un canal d'irrigation, il le dirige où il veut. Chacun trouve que sa propre conduite est droite, mais c'est le Seigneur qui pèse les cœurs. Accomplir la justice et le droit, cela plaît au Seigneur plus que le sacrifice. Regarder de haut, se rengorger : ainsi brillent les méchants, mais ce n'est que péché. Les plans de l'homme actif lui assurent du profit, mais l'homme trop pressé est toujours perdant. » Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 18,36 « Lorsque Jésus comparu devant Pilate, celui-ci l'interrogea : « Es-tu le roi des Juifs ? » Jésus lui demanda : « Dis-tu cela de toi-même, ou bien parce que d'autres te l'ont dit ? » Pilate répondit : « Est-ce que je suis Juif, moi ? Ta nation et les chefs des prêtres t'ont livré à moi : qu'as-tu donc fait ? » Jésus déclara : « Ma royauté ne vient pas de ce monde ; si ma royauté venait de ce monde, j'aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. Non, ma royauté ne vient pas d'ici. » Pilate lui dit : « Alors, tu es roi ? » Jésus répondit : « C'est toi qui dis que je suis roi. Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix. »

I - Accueillir notre nature et ses lois Nous vivons dans une « nature donnée », dont il faut assumer « l’étroitesse », finie et mortelle. Il s’agit d’accomplir une humanité donnée, pas de la transformer selon un rêve prométhéen. La vie est reçue comme un don, elle n’est jamais l’œuvre de nos mains. Nous ne comprenons le mystère de l’homme, de l’humanité que dans la condition de sa contingence sociale et historique, et non dans l’intemporalité. Le relief de la condition humaine passe par la considération de son histoire propre. L’humain ne peut être pensé en dehors de l’historicité (filiation) et de la socialité (communion) : l’humanité acquiert son sens le plus profond, elle se déploie à partir des différences et des contradictions qu’elle porte et rencontre. La tentation de l’homme est toujours dans l’illusion de sa force, de dominer sur sa vie pour se l’approprier au lieu de la recevoir. Sortir l’homme de sa condition de créature, de sa condition humaine est la tentation constante. Or, la condition de l’expérience de la force de Dieu, c’est sa propre faiblesse : celle de notre condition de mortel, celle de condition de pécheur qui n’ont pas le dernier mot. L’importance d’apprendre sa nature propre, c’est en apprécier les limites, les conditionnements et les conditions de sa croissance. Accueillir notre nature humaine

Le dessein de Dieu à travers ses alliances P. Jean-Miguel Garrigues

Jésus, chemin de notre liberté filiale L'homme n'est pas seulement une partie de la nature, un rouage plus ou moins passif gouverné par les lois aveugles du jeu cosmique, comme le voudraient les sagesses orientales. Mais il n'est pas non plus pure volonté d'un sujet qui se pose lui-même par des choix indépendants, comme notre Occident, en sécularisant le christianisme, le prétend depuis des siècles.

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L’homme a une nature, certes, mais une nature spirituelle dont les finalités individuelles et collectives sont déchiffrées, choisies, accomplies selon la tournure originale de sa liberté personnelle d'enfant de Dieu. C'est cela « la liberté glorieuse des enfants de Dieu » (Rm 8,21). Être vraiment libre ce n'est pas faire n'importe quoi de manière arbitraire et capricieuse, mais c'est découvrir et mettre en œuvre de manière personnelle et originale toutes les capacités de bien que Dieu a mises dans notre nature. Être libre c'est être créatif dans le bien, avec l'imagination que déploie par exemple un grand organiste dans une belle improvisation. Il ne casse pas le clavier de l'orgue, mais il en tire quelque chose d'unique et de personnel qui dépasse l'instrument. La nature humaine est un donné, mais elle constitue une sorte de terreau nourricier et non un déterminisme qui emprisonne la liberté. Elle est l'orientation d'un vivant libre et spirituel qui, à son tour, doit lui imprimer sa marque personnelle. Rien ne ressemble moins à un saint qu'un autre saint, tous sont différents entre eux. Et cependant tous reproduisent, dans la liberté personnelle de l'Esprit, l'unique image de Jésus Fils unique du Père. Jésus se tient devant nous et il nous offre de découvrir en lui l'orientation ultime de notre personne. Elle seule peut nous éviter d'opposer la primauté du choix, donc de la liberté, à la primauté de la vie, donc de la nature. D'une part notre humanité ne peut pas régresser dans l'immanence de la nature, comme le lui propose un certain rêve oriental, car l'émancipation irréversible de l'homme par rapport à un cosmos sacralisé a eu lieu grâce à la Révélation biblique. D'autre part, après les monstrueuses aberrations totalitaires du XXème siècle, notre humanité s'interroge avec effroi sur les possibilités incontrôlées de sa liberté, même démocratique, qui pourrait glisser vers l'arbitraire et vers un despotisme d'un nouveau genre. L'un des grands monstres idéologiques du XXème siècle n'a-t-il pas pris le pouvoir au moyen d'une élection ? Le Christ ne demande pas de choisir entre la vie et la liberté. Au jeune homme riche il rappelle les commandements du Décalogue en disant : « Observe-les si tu veux entrer dans la vie » (Mt 19,17). Il reprend la parole de Dieu à propos de la Loi : « Choisis la vie » (Dt 30, 19). Et il ajoute en plus : « Si tu veux être parfait, vends tout ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel; puis viens et suis-moi » (Mt 19, 21). Dieu a voulu laisser l'homme « à son conseil » (Si 15, 14) Veritatis Splendor 38. Reprenant les paroles du Siracide, le Concile Vatican II explique ainsi la « vraie liberté » qui est en l'homme « un signe privilégié de l'image divine » : « Dieu a voulu " laisser à son conseil " pour qu'il puisse de lui-même chercher son Créateur et, en adhérant librement à lui, s'achever ainsi dans une bienheureuse plénitude ». Ces paroles montrent à quelle admirable profondeur de participation à la seigneurie divine l'homme a été appelé : elles montrent que le pouvoir de l'homme s'exerce, en un sens, sur l'homme lui-même. C'est là un aspect constamment souligné dans la réflexion théologique sur la liberté humaine, comprise comme une forme de royauté. Grégoire de Nysse écrit, par exemple, que l'âme manifeste son caractère royal « par son autonomie et son indépendance et par ce fait que, dans sa conduite, elle est maîtresse de son propre vouloir. De qui ceci est-il le propre, sinon d'un roi ? Ainsi la nature humaine, créée pour dominer le monde, à cause de sa ressemblance avec le Roi universel, a été faite comme une image vivante qui participe à l'archétype par la dignité et par le nom ». (…) 39. Ce n'est pas seulement le monde, mais aussi l'homme lui-même qui a été confié à ses propres soins et à sa propre responsabilité. Dieu l'a « laissé à son conseil » (Si 15, 14), afin qu'il cherche son Créateur et qu'il parvienne librement à la perfection. Y parvenir signifie construire personnellement en soi cette perfection. En effet, de même que l'homme façonne le monde par son intelligence et par sa volonté en le maîtrisant, de même l'homme confirme, développe et consolide en lui-même sa ressemblance avec Dieu en accomplissant des actes moralement bons.

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Toutefois, le Concile demande d'être attentif à une fausse conception de l'autonomie des réalités terrestres, celle qui consiste à considérer que « les choses créées ne dépendent pas de Dieu et que l'homme peut en disposer sans référence au Créateur ». (…) « La créature sans Créateur s'évanouit. Et même, l'oubli de Dieu rend opaque la créature elle-même ».

II - « Choisis la vie » (Dt 30, 19) Découvrir la sagesse, de la beauté et de la bonté du Créateur. 5.1. Le Logos incarné, Loi vivante Commission Théologique Internationale, Loi naturelle, 2009 Aptitude naturelle à découvrir : contempler et écouter [103] Grâce à la lumière naturelle de leur raison, qui est une participation à la Lumière divine, les hommes sont capables de scruter l’ordre intelligible de l’univers pour y découvrir l’expression de la sagesse, de la beauté et de la bonté du Créateur. A partir de cette connaissance, il leur appartient de s’insérer dans cet ordre par leur agir moral. Le dessein de Dieu à travers ses alliances P. Jean-Miguel Garrigues Cette obéissance n'est pas toujours facile. A la suite du mystérieux péché originel, commis à l'instigation de Satan, « menteur et père du mensonge » (Jn 8, 44), l'homme est tenté en permanence de détourner son regard du Dieu vivant et vrai pour le porter vers les idoles (cf. Th 1, 9), échangeant « la vérité de Dieu contre le mensonge » (Rm 1, 25) ; même la capacité de connaître la vérité se trouve alors obscurcie et sa volonté de s'y soumettre, affaiblie. Et ainsi, en s'abandonnant au relativisme et au scepticisme (cf. Jn 18, 38), l'homme recherche une liberté illusoire en dehors de la vérité elle-même. Mais les ténèbres de l'erreur et du péché ne peuvent supprimer totalement en l'homme la lumière du Dieu Créateur. De ce fait, la nostalgie de la vérité absolue et la soif de parvenir à la plénitude de sa connaissance demeurent toujours au fond de son cœur. L'inépuisable recherche humaine dans tous les domaines et dans tous les secteurs en est la preuve éloquente. Sa recherche du sens de la vie le montre encore davantage. Le développement de la science et de la technique, magnifique témoignage des capacités de l'intelligence et de la ténacité des hommes, ne dispense pas l'humanité de se poser les questions religieuses essentielles ; il la pousse plutôt à affronter les combats les plus douloureux et les plus décisifs, ceux du cœur et de la conscience morale.

*** Un des défis pour nos contemporains, et particulièrement pour la jeunesse, consiste à accepter de ne pas vivre simplement dans l’extériorité, dans le paraître, mais à développer la vie intérieure, lieu unificateur de l’être et de l’agir, lieu de la reconnaissance de notre dignité d’enfants de Dieu appelés à la liberté, non pas en se séparant de la source de la vie, mais en y demeurant relié. Ce qui réjouit le cœur de l’homme, c’est de se reconnaître fils et filles de Dieu, c’est une vie belle et bonne sous le regard de Dieu, ainsi que les victoires réalisées sur le mal et contre le mensonge. En permettant à chacun de découvrir que sa vie a un sens et qu’il en est responsable, nous ouvrons la voie à une maturation des personnes et à une humanité réconciliée, soucieuse du bien commun. »

Benoit XVI - 10 février 2007 Académie des sciences morales et politiques de Paris

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III - Des lois à l’ESPRIT-SAINT

« Dieu est entré dans l’histoire de l’humanité et, comme homme, il est devenu son sujet, l’un des milliards tout en étant l’Unique. Par l’Incarnation, Dieu a donné à la vie humaine la dimension qu’il voulait donner à l’homme dès son premier instant, et il l’a donnée d’une manière définitive, de la façon dont Lui seul est capable, selon son amour éternel et sa miséricorde, avec toute la liberté divine. »

Jean-Paul II - Redemptor Hominis n°1 La « loi naturelle » « n'est rien d'autre que la lumière de l'intelligence, infusée en nous par Dieu. Grâce à elle, nous connaissons ce que nous devons accomplir et ce que nous devons éviter. Cette lumière et cette loi, Dieu les a données dans la création ». Il les a données ensuite au cours de l'histoire d'Israël, en particulier par les « dix paroles », c'est-à-dire les commandements du Sinaï, par lesquels Il a fondé l'existence du peuple de l'Alliance (cf. Ex 24) et l'a appelé à être son « bien propre parmi tous les peuples », « une nation sainte » (Ex 19, 5-6) qui fasse resplendir sa sainteté parmi toutes les nations (cf. Sg 18, 4 ; Ez 20, 41). Le don du Décalogue est promesse et signe de l'Alliance nouvelle, lorsque la Loi sera nouvellement inscrite à jamais dans le cœur de l'homme (cf. Jr 31, 31-34) en remplaçant la loi du péché qui avait dénaturé ce cœur (cf. Jr 17, 1). Alors sera donné « un cœur nouveau », car « un esprit nouveau » l'habitera, l'Esprit de Dieu (cf. Ez 36, 24-28) .

Jean-Paul II - Veritatis Splendor n°12 De ce passage nous distinguons : la loi naturelle, les dix paroles, l’Esprit-Saint.

a- la loi naturelle

Dans le cœur de l’homme, elle s’exprime à l’intérieur de la conscience. Elle appartient à notre nature, elle est au principe même de notre nature. Elle est le signe du LOGOS qui est au fondement de l’ETRE.

Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir. Cette voix, qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal, au moment opportun résonne dans l’intimité de son cœur : « Fais ceci, évite cela ». Car c’est une loi inscrite par Dieu au cœur de l’homme ; sa dignité est de lui obéir, et c’est elle qui le jugera [16]. La conscience est le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre [17]. C’est d’une manière admirable que se découvre à la conscience cette loi qui s’accomplit dans l’amour de Dieu et du prochain [18].

Concile Vatican II - Constitution « Gaudium et spes » n°16 « Notre conviction de foi est que le Christ révèle la plénitude de l’humain en l’accomplissant dans sa personne. Mais cette révélation, pour spécifique qu’elle soit, rejoint et confirme des éléments déjà présents dans la pensée rationnelle des sagesses de l’humanité. Le concept de loi naturelle est donc d’abord philosophique et, comme tel, il permet un dialogue qui, dans le respect des convictions religieuses de chacun, fait appel à ce qu’il y a d’universellement humain dans chaque être humain. Un échange sur le plan de la raison est possible lorsqu’il s’agit d’expérimenter et de dire ce qu’il y a de commun à tous les hommes doués de raison et de dégager les exigences de la vie en société. La découverte de la loi naturelle répond à la quête d’une humanité qui, depuis toujours, cherche à se donner des règles pour la vie morale et la vie en société. Cette vie en société concerne tout un arc de relations qui va de la cellule familiale jusqu’aux relations internationales, en passant par la vie économique, la société civile, la communauté politique. Pour pouvoir être reconnues par tous les hommes, dans toutes les cultures, les normes du comportement en société doivent avoir leur source dans la personne humaine elle-même, ses besoins, ses inclinations. Ces normes, élaborées par la réflexion et soutenues par le droit, peuvent ainsi être intériorisées par tous. (…) Nous appelons loi naturelle le fondement d’une éthique universelle que nous cherchons à dégager de l’observation et de la réflexion sur notre condition humaine commune. Elle est la loi morale inscrite dans le cœur des hommes et dont l’humanité prend de mieux en mieux conscience au fur et à mesure

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qu’elle avance dans l’histoire. Cette loi naturelle n’a rien de statique dans son expression. Elle ne consiste pas en une liste de préceptes définitifs et immuables. Elle est une source d’inspiration toujours jaillissante dans la recherche d’un fondement objectif à une éthique universelle. »

Commission Théologique Internationale - 2009

b- Les dix Paroles

Le terme de « Décalogue » apparaît pour la première fois chez Saint Irénée (Adv.haer. 4,25,3) et signifie les « dix paroles ». Il y a deux formes des dix commandements : la première, la plus courte, dans l’Exode (20, 1-17) et la seconde dans le Deutéronome (5,6-21). - Tu n’auras pas d’autre Dieu que moi. - Tu ne feras aucune image sculptée. - Tu ne prononceras pas faussement le Nom de YHVH. - Souviens-toi de sanctifier le jour du sabbat. - Honore ton père et ta mère. - Tu ne tueras point. - Tu ne commettras point d’adultère. - Tu ne voleras pas. - Tu ne feras pas de faux témoignages. - Tu ne désireras ni la femme, ni le serviteur, ni le bœuf, ni l’âne de ton prochain. Jérémie 31,33 « Je mettrai ma loi au dedans d'eux, Je l'écrirai dans leur cœur; Et je serai leur Dieu, Et ils seront mon peuple. » En hébreu, le mot « loi », Torah a 3 sens : - Un enseignement - Donner un ordre - Un engendrement « La Torah du Seigneur, c’est-à-dire sur sa Loi, un terme qui, dans son acception la plus ample et complète, doit être compris comme enseignement, instruction, directive de vie. La Torah est révélation, elle est Parole de Dieu qui interpelle l’homme et en provoque la réponse d’obéissance confiante et d’amour généreux. » Benoit XVI - Catéchèse sur le psaume 119 Obéir aux commandements pour rester libre Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements " Mt 19,17. De cette manière est énoncé un lien étroit entre la vie éternelle et l'obéissance aux commandements de Dieu : ce sont les commandements de Dieu qui indiquent à l'homme le chemin de la vie et qui conduisent vers elle. Par la bouche même de Jésus, nouveau Moïse, les commandements du Décalogue sont redonnés aux hommes ; lui- même les confirme définitivement et nous les propose comme chemin et condition du salut. Le commandement est lié à une promesse : dans l'Ancienne Alliance, l'objet de la promesse était la possession d'une terre où le peuple aurait pu mener son existence dans la liberté et selon la justice Dt 6,20-25 ; dans la Nouvelle Alliance, l'objet de la promesse est le " Royaume des cieux ", comme Jésus l'affirme au début du " Discours sur la Montagne " - discours qui contient la formulation la plus large et la plus complète de la Loi nouvelle Mt 5-7 -, en relation évidente avec le Décalogue confié par Dieu à Moïse sur la montagne du Sinaï. À la même réalité du Règne de Dieu se rapporte l'expression " vie éternelle ", qui est participation à la vie même de Dieu : celle-ci ne se réalise parfaitement qu'après la mort, mais, dans la foi, elle est dès à présent lumière de vérité, source de sens pour la vie et commencement de participation à la plénitude dans la suite du Christ.

Jean-Paul II - Veritatis Splendor n°13

c- la loi évangélique

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C’est le commandement de l’amour et également la vocation humaine. Désormais l’attachement à la personne du Christ est la condition de la plénitude de l’homme, car en Lui se réalise la plénitude de ce qu’est l’homme, « demeure de Dieu », image de sa Gloire par le mouvement d’amour trinitaire : le don de soi, signe absolu de la vie donnée et de la vie reçue du Père. C’est en appliquant la loi, que l’homme découvre combien elle donne la vie. La loi évangélique est la respiration trinitaire, le dynamisme (puissance) de l’Esprit-Saint. Jésus est venu donner la Loi nouvelle, l’inscrire dans les cœurs, par le don de l’Esprit-Saint qui est l’Amour. Jésus est en sa personne « la loi vivante », nous pourrions dire « la loi faite homme » : il est l’homme qui agit toujours selon le bien et se laisse gouverner par l’amour : voilà sa paix, sa totale liberté. Il n’est esclave de rien, il se tient dans la volonté du Père. La parole entendue comme chemin de vie, suscite le désir de vivre, de la vivre ! C’est la Sagesse. Mais c’est surtout dans le mystère de sa sainte Passion que Jésus accomplit la loi d’amour. Là, comme Amour incarné, il révèle d’une manière pleinement humaine ce qu’est l’amour et ce qu’il implique : donner sa vie pour ceux qu’on aime[100]. « Comme il avait aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’à la fin » (Jn 13, 1). Par obéissance d’amour au Père et par désir de sa gloire qui consiste dans le salut des hommes, Jésus accepte la souffrance et la mort de la Croix en faveur des pécheurs. La personne même du Christ, Logos et Sagesse incarnés, devient ainsi la loi vivante, la norme suprême pour toute éthique chrétienne. La sequela Christi, l’imitatio Christi, sont les chemins concrets pour réaliser la Loi dans toutes ses dimensions.

Commission Théologique Internationale - 2009 Jean-Paul II - Veritatis Splendor 1993, n°15 Dans le « Discours sur la Montagne », qui constitue la magna carta de la morale évangélique, Jésus dit : « N'allez pas croire que je sois venu abolir la Loi et les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir » (Mt 5, 17). Le Christ est la clé des Ecritures : « Vous scrutez les Ecritures, ce sont elles qui me rendent témoignage » (Jn 5, 39) ; il est (...) la récapitulation de l'Ancien et du Nouveau Testament, des promesses de la Loi et de leur accomplissement dans l'Evangile ; il est le lien vivant et éternel entre l'Ancienne et la Nouvelle Alliance. Commentant l'affirmation de Paul « la fin de la loi, c'est le Christ » (Rm 10, 4), saint Ambroise écrit : « Fin, non en tant qu'absence, mais en tant que plénitude de la Loi : elle s'accomplit dans le Christ (plenitudo legis in Christo est), du fait qu'il est venu non pour supprimer la Loi, mais pour la porter à son accomplissement. De la même manière qu'il y a un Ancien Testament, et que toute vérité cependant se trouve dans le Nouveau Testament, ainsi en est-il de la Loi : celle qui a été donnée par l'intermédiaire de Moïse est la figure de la vraie Loi. Donc, la Loi mosaïque est le prototype de la vérité ». Jésus porte à leur accomplissement les commandements de Dieu, en particulier le commandement de l'amour du prochain, en intériorisant et en radicalisant ses exigences ; l'amour du prochain jaillit d'un cœur qui aime, et qui, précisément parce qu'il aime, est disposé à en vivre les exigences les plus hautes. Jésus montre que les commandements ne doivent pas être entendus comme une limite minimale à ne pas dépasser, mais plutôt comme une route ouverte pour un cheminement moral et spirituel vers la perfection, dont le centre est l'amour (cf. Col 3, 14). Ainsi, le commandement « tu ne tueras pas » devient l'appel à un amour prompt à soutenir et à promouvoir la vie du prochain ; le précepte qui interdit l'adultère devient une invitation à un regard pur, capable de respecter le sens sponsal du corps : « Vous avez entendu qu'il a été dit aux ancêtres : " Tu ne tueras point " ; et si quelqu'un tue, il en répondra au tribunal. Eh bien ! moi je vous dis : Quiconque se fâche contre son frère en répondra au tribunal ; 2 Vous avez entendu qu'il a été dit : " Tu ne commettras pas l'adultère ". Eh bien ! moi je vous dis : Quiconque regarde une femme pour la désirer a déjà commis, dans son cœur, l'adultère avec elle » (Mt 5, 21-22. 27-28). Jésus est « l'accomplissement » vivant de la Loi en tant qu'il en réalise la signification authentique par le don total de lui-même : il devient lui-même la Loi

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vivante personnifiée, qui invite à sa suite, qui, par son Esprit, donne la grâce de partager sa vie et son amour même, et qui donne la force nécessaire pour en témoigner par les choix et par les actes (cf. Jn 13, 34-35). « Si tu veux être parfait » (Mt 19, 21) (…) Incorporé au Christ, le chrétien devient membre de son Corps qui est l'Eglise (cf. 1 Co 12, 13. 27). Sous l'impulsion de l'Esprit, le Baptême configure radicalement le fidèle au Christ, dans le mystère pascal de la mort et de la résurrection ; il le « revêt » du Christ (cf. Ga 3, 27) : « Réjouissons-nous et rendons grâce », s'exclame saint Augustin en s'adressant aux baptisés, « nous sommes devenus non seulement chrétiens, mais le Christ. Soyez étonnés et joyeux. Nous sommes devenus le Christ ! ». Mort au péché, le baptisé reçoit la vie nouvelle (cf. Rm 6, 3-11) : vivant pour Dieu dans le Christ Jésus, il est appelé à marcher selon l'Esprit et à en manifester les fruits dans sa vie (cf. Ga 5, 16-25). Et la participation à l'Eucharistie, sacrement de la Nouvelle Alliance (cf. 1 Co 11, 23-29), est le plus haut degré de l'assimilation au Christ, source de « vie éternelle » (cf. Jn 6, 51-58), principe et force du don total de soi, dont Jésus, selon le témoignage transmis par Paul, demande de faire mémoire dans la célébration et dans la vie : « Chaque fois en effet que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne » (1 Co 11, 26). Concile Vatican II – Constitution « Lumen Gentium » Participation des laïcs au service royal - n° 36 (4) Le Christ s'étant fait obéissant jusqu'à la mort et pour cela même ayant été exalté par le Père (cf. Ph 2,78-9), est entré dans la gloire de son royaume ; à lui, tout est soumis, en attendant que lui-même se soumette à son Père avec toute la création, afin que Dieu soit tout en tous (cf. 1Co 15,27-28). Ce pouvoir, il l'a communiqué à ses disciples pour qu'ils soient eux aussi établis dans la liberté royale, pour qu'ils arrachent au péché son empire en eux-mêmes par leur abnégation et la sainteté de leur vie (cf. Rm 6,12), bien mieux, pour que servant le Christ également dans les autres, ils puissent, dans l'humilité et la patience, conduire leurs frères jusqu'au Roi dont les serviteurs sont eux-mêmes des rois. En effet, le Seigneur désire étendre son règne également par les fidèles laïcs, son règne qui est règne de vérité et de vie, règne de sainteté et de grâce, règne de justice, d'amour et de paix (4) règne où la création elle-même sera affranchie de l'esclavage de la corruption pour connaître la liberté glorieuse des fils de Dieu (cf. Rm 8,21). Grande vraiment est la promesse, grand le commandement donné aux disciples : "Tout est à vous, mais vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu" (1Co 3,23). (5) Les fidèles doivent donc reconnaître la nature profonde de toute la création, sa valeur et sa finalité qui est la gloire de Dieu ; ils doivent, aussi à travers les travaux du siècle, s'aider mutuellement en vue d'une vie plus sainte, afin que le monde s'imprègne de l'Esprit du Christ et atteigne plus efficacement sa fin dans la justice, la charité et la paix. Dans l'accomplissement universel de ce devoir, les laïcs ont la première place. Par leur compétence dans les disciplines profanes et par leur activité que la grâce du Christ élève au-dedans, qu'ils s'appliquent de toutes leurs forces à obtenir que les biens créés soient cultivés dans l'intérêt d'absolument tous les hommes, selon les fins du Créateur et l'illumination de son Verbe, grâce au travail de l'homme, à la technique et à la culture dans la cité, que ces biens soient mieux distribués entre les hommes et qu'ils acheminent selon leur nature à un progrès universel dans la liberté humaine et chrétienne. Ainsi, par les membres de l'Eglise, le Christ éclairera de plus en plus la société humaine tout entière de sa lumière qui sauve. (9) Notes: (10) (5) Cf. Léon XIII, encyc. Immortale Dei, 1 nov. nov. 1885: ASS 18 (1885), pp. 166 ss. Idem encyc. Sapientiae christiane, 10 Janv. 1890: ASS 22 (1889-90) pp. 397 ss. Pie XII, alloc. Alla vostra filiale, 23 mars 1958: AAS 5O (1958), p. 220 "la légitime saine laïcité de l'Etat".

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