Reforme en panne : la faute aux semi-intellectuels

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  • 7/29/2019 Reforme en panne : la faute aux semi-intellectuels

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    On est en train de confisquer le droitde vote des individus

    Ceux qui sont ns avant 1968pensent toujours en termes de best loser,de communauts

    Guerredes Polices

    Guerredes Polices

    JOSEPH TSANG MANG KIN :

    La dictature,le vritable danger pourMaurice

    PAGES 6-7.

    PAGE 12.

    LE JOURNALNO 105 - DU SAMEDI 04 AU VENDREDI 10 FVRIER 2012- RS 15

    La

    Les dessous de lenqute sur le CI Hector Tuyau

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    Dossier

    10No 105 04 FVRIER 2012

    On aurait bienbesoin de cet

    h o m m e - l dans les milieux politiques.Cest lavis de Serge Rivire,professeur mrite en littra-ture. Cet homme-l dont ilparle, cest lintellectuel. R-former les esprits dabord etde l dcoulera la rforme dela socit. Quant au bestloser system, on perd sontemps.

    Pour toutes les personnesqui ont particip notre en-qute, les intellectuels ont unrle important jouer

    Maurice. Un rle qui devraittre le mme que dans touteautre socit, estime Do-minique A., enseignante defranais, savoir dnoncer,dfendre la justice, la trans-parence et proposer lalter-native. Pour BrigitteMasson, engage dans le so-cial auprs des enfants, lin-tellectuel doit avant toutservir d'claireur etd'veilleur de consciences.Pour Philip Li Ching Hum,Education Officer, il doittre lavant-garde du com-bat pour viter les drivesa watchdog of society.

    REVE BRIS

    A Maurice, le combatmajeur des intellectuels de-vrait tre, estime le pro-fesseur Serge Rivire, defaire avancer le combat del"equal opportunity", de l-ducation pour tous ainsi quele combat contre la corrup-tion, le npotisme et la pau-vret. Ce serait, pour

    Dominique A., de combat-tre les schmas imposs quiempchent la libert et l'ex-istence d'identits sin-gulires, enjeu rendudautant plus important dufait de la rduction continue Maurice des espaces de

    respiration, de dlibrationet de libration.

    Mais les intellectuelsmauriciens, qui sont-ils ?

    Il y a dabord les journal-istes, ensuite les membresdassociations, et certainsacadmiciens, numreSerge Rivire, mais cer-tainement pas les poli-tiques. Roland Tsang Kwai

    Kew, ancien journaliste, yajoute quelques hauts fonc-tionnaires, mais qui sont lispar le droit de rserve, et despersonnes du secteur privou des gens duqus quiprofitent de leur retraitepour sexprimer parce que

    nobody owes them a liv-ing.

    Pourtant, les intellectuelsmauriciens semblent bienloin de cet idal quon se faitdeux. Pour Cristle deSpville, 27 ans, libraire, lesintellectuels Maurice, ausens de l'idal intellectuel quibouscule les ides reues, ilsne sont vraiment pas nom-

    breux. Un ou deux journal-istes se dmarquent peuttre...

    Alors, lintellectuelmauricien, une espce envoie dextinction ? Philip LiChing Hum observe quil yavait dans les annes 1970

    des intellectuels qui bra-vaient ltat durgence, la r-pression et la censure de lapresse. Il dplore un rvebrisqui a laiss place auconformisme, lindividual-isme et la frayeur, ce quIssaAsgarally analyse comme lersultat dun dsenchante-ment aprs la volte-face denombreux "rvolution-

    naires" des annes 60 et70 . Patrick, scientifique, es-time que Mauritius is typi-cal, in my view, of manysmall, isolated societieswhere intellectual debate isdifficult, as there is a tightly-woven society which limits

    RFORME EN PANNE

    LA FAUTE AUXSEMIINTELLECTUELSUn vritable dluge dopinions sest abattu sur les colonnes de la presse concernant la rformelectorale. Pourtant, les Mauriciens se demandent o sont les vrais leaders du changement.Lintellectuel mauricien serait-il mort ?

    C.B.

    LES IDES SONTDES ARMES

    UN INTELLECTUEL est une per-sonne qui s'engage dans la sphrepublique pour exprimer ses points devue, pour exercer son esprit critique etpour dfendre des valeurs, et qui dis-pose par l dune forme dautorit(Wikipedia).

    Comme le souligne Issa Asgarally,lintellectuel nexiste pas en soi. Ce quile dfinit, cest le rle public quil joue.Lintellectuel non seulement labore despoints de vue spcifiques, mais aspire les mettre en uvre dans sa socit.

    Un universitaire ou un crivain nestdonc pas ncessairement un intel-lectuel. Pour lintellectuel, il sagit dedire la vrit au pouvoir, explique IssaAsgarally, cest--dire, rflchirsoigneusement aux alternatives, choisirla meilleure et la dfendre intelligem-ment chaque fois quelle peut con-tribuer susciter le changement qui

    simpose. Lintellectuel joue donc unrle de contre-pouvoir face au systmepolitique. Selon le philosophe franaisAlain Minc, pour les intellectuels lesmots sont des actes, les ides des armes,les thories des canons.

    LE DFENSEURDES CAUSES JUSTES

    LE TERME intellectuel est n enFrance au moment de laffaire Drey-fus. En 1894, le capitaine juif AlfredDreyfus fut accus davoir livr desdocuments secrets franais lEmpireallemand. Lcrivain Emile Zola pritalors sa dfense dans son clbre arti-cle JAccuse!.

    Le terme est ainsi rest pour ex-primer le rle d'hommes soucieux dedfendre des causes justes, mme leurs risques et prils. Dans le sillagedEmile Zola, les intellectuels ce sontaussi Jean-Paul Sartre dnonant latorture en Algrie, Michel Foucaultbataillant pour les droits des prison-niers et Pierre Bourdieu pour ceux deschmeurs, Rabindranath Tagore quifit une critique argumente du na-tionalisme indien, ou encore Noam

    Chomsky condamnant la politiquetrangre des tats-Unis.Pour Issa Asgarally, lintellectuel a

    un devoir, et mme une responsabilitenvers sa socit. Si lintellectuel nex-erce pas cette fonction critique, qui lefera ?

    Le Penseur, de Rodin, reprsente un homme lesprit libre,mditant sur son oeuvre aux portes de lEnfer.

    MASSACRE DES LIONS-DE-MER

    Un groupe connu pour sa lutte contre les baleiniers s'est joint aux enquteurs fdraux desEtats Unis pour faire la lumire sur le massacre des lions-de-mer, surtout aprs la dcou-verte de plusieurs cadavres prs de Seattle. Les autorits amricaines offrent une rcompense

    de 10 000 $ pour toute information menant l'arrestation et la condamnation de quiconque

    est responsable.

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    the amount of questioning itcan allow, at the risk of frag-menting the society.

    Du coup, il sembleraitque ceux qui pourraient treen mesure de jouer le rledintellectuels en ralitjouent le politiquement cor-rect et n'hsiteront pas seconformer pour obtenir lareconnaissance, fustigeCristle de Spville. Oualors, il y a ceux qui secachent derrire des noms deplume, qui ont une peurbleue de sexprimer visagedcouvert sur des sujets din-trt national pour ne pasdonner loccasion auxdirigeants politiques du paysde les victimiser une foisquils les auront identifis,dplore Roland Tsang KwaiKew.

    Et puis, il y a les faux in-tellectuels, encore appels

    semi-intellectuels oupseudo-intellectuelsAutrement dit ceux qui sedclarent intellos, ironisePhilippe Li Ching Hum.Car, souligne Brigitte Mas-son, prendre la parole tout

    bout de champ et avoir unpoint de vue conventionnelsur tout ne fait pas de vousun intellectuel !. RolandTsang Kwai Kew appelleaussi pseudo-intellectuelsces gens pourtant bien sen-ss qui nosent pas dnoncerpour se donner bonne con-science et pour ne pas antag-oniser, ou encore ceuxquise font passer pour desgrands manitous intel-lectuels, des opinions lead-ers" qui ont une rponse etune solution pour toutes lesquestions et les problmesvoqus

    GRANDS MANITOUSNous produisons des

    techniciens du savoir maispeu ou pas d'intellectuels,estime Umar Timol, en-seignant et crivain, Cestechniciens du savoir ont

    une comptence poussedans un domaine, mais quiva rarement au-del. Cestechniciens du savoir soit setaisent car, s'exprimerfranchement implique denombreux risques, soit ce

    sont des laquais du pouvoir.Patrick pour sa part, recon-nat que la socit maurici-enne ne reconnat pas et nevalorise pas la contributiondes intellectuels au progrs.La technicit ou les actionspolitiques sont davantagevalorises.Nathalia Vadamooto ob-serve aussi quil ne faut pasconfondre les intellectuelsavec les acadmiciens. Desacadmiciens il y en a beau-coup Maurice. Ils ajoutent leurs noms les sigles flat-teurs tels que Ph.D, Profes-sor etc., s'expriment enpublic, crivent des livres etdes rapports, mais ils peu-vent seulement rpter desconnaissances, mme pas lesinnover ni les remettre encause.Philip Li Ching Hum ajouteque luniversit est devenue

    une usine fabriquer deshalf-baked intellectuels bonspour la socit industrielle.Ils vivent dans leur tourdivoire, coups du mondeextrieurUmar Timol dnonce gale-

    ment linflation des titres:ainsi dans notre socit,celui qui a fait un dessin estun artiste, celui qui a critdeux lignes est un crivain,celui qui a crit un essai estun intellectuel

    Daprs Roland TsangKwai Kew, on retrouve aussibeaucoup de pseudo-intel-lectuels au sein de la profes-sion journalistique : Ils secroient capables de formulerdes jugements de valeur surleurs compatriotes issusdautres milieux socioprofes-sionnels, y compris despoliticiens, par leurs doctesditoriaux. Une chose estsre : on doit parfaire leurducation sur le vrai sens deprobit intellectuelle.

    Il est davis quil y aunerflexion et un dbat dides engager en urgence pourinviter les intellectuels

    mauriciens se constituer enun groupe de rflexion quise penchera sur les prob-lmes les plus urgents aux-quels le pays doit faire face.

    UMAR TIMOL,ENSEIGNANT ET CRIVAIN :

    LA FIGURE de l'intellectuel lamricaine comme Chomsky ou lafranaise comme Sartre, cest--dire

    des personnes disposant d'un savoirmagistral dans un domaine prcis etqui s'en servent pour interroger lemonde et se livrer un vrai combatpour une cause ou un idal, n'existepas Maurice. Ceux qui sont engagsne sont pas ncessairement des intel-lectuels et ceux qui sont des intel-lectuels au sens universitaire du terme,ne sont pas ncessairement engags.

    SERGE RIVIRE, PROFESSEURMRITE EN HISTOIRE :

    JE PENSE que le mot intel-lectuel est mal vu dans notre pays et jeme sentais plus intellectuel ailleurs.Mais je fais rflchir mes tudiants,mon public, dans mes cours, mes con-frences, dans mes livres, dans mes ar-

    ticles. Je suis guid par ces principesquand je parle ou jagis : Est-ce con-forme la vrit ? Est-ce loyal de partet dautre ? Est-ce susceptible de stim-uler la bonne volont et de crer desrelations amicales ? Est-ce bnfique tous les intresss ?

    CRISTLE DE SPVILLE,27 ANS, LIBRAIRE

    TRE UN intellectuel con-formiste est pour moi un non-sens, etlorsque c'est le cas, on peut parler de"semi-intellectuel". Cela signifie quesa pense n'est pas libre et s'inscritdans un courant de pense bien dfini

    auquel il se conforme en toutes cir-constances. Ces personnes utilisentalors leurs connaissances des finspolitiques ou par pure ambition. Celanon plus n'est pas compatible avecl'idal de l'intellectuel, qui doit entoutes circonstances demeurer impar-tial et libre.

    Rforme lectorale (dfinitionWikipedia) : Changements ap-ports dans le systme lectoralpour amliorer la faon dont lesdemandes du public sont ex-primes dans les rsultats deslections.Rforme lectorale (dfinitionmauricienne) : Dose calcule dechangement apporte au systmelectoral pour le modifier le moinspossible et pour ne pas froisser leslobbies communalistes.

    STRATGIEDE LA DISTRACTION

    Exit Carcassonne et les experts qui

    nont rien compris au contextemauricien. Leur rapport aura aumoins eu le mrite de nous diver-tir pendant deux mois. Loi n1 deChomsky sur la manipulation desmasses, Stratgie de la distrac-tion : dtourner lattention dupublic des vrais problmes.Entre en scne du spcialiste dessystmes lectoraux, Rama Sitha-nen, avec son rapport sur la r-forme lectorale, une vraie,dessine par un Mauricien et pourles Mauriciens. Pour tous lesMauriciens ? Disons surtout pourles politiciens mauriciens. Acouter les leaders des partis, on asurtout limpression que la r-forme, ce sera pour sassurer que

    ceux qui ne pourraient pas entrerau Parlement par la grande porte(celle du FPTP) rentreront par lafentre (celle dune proportion-nelle bien dose).Et puis, - mais a il ne faut pas ledire voix haute - il ne faut pasbraquer les lobbys communau-taires. Le Dr Sithanen la bienprcis : On ne va pas faire dansle radical, dans le grand cham-boulement, au risque de ne plusavoir de rforme du tout.Pour contenter tout le monde,donc, trouvons une formule pourfaire du Best loser sans que a ait

    lair dtre du Best loser. Ou in-versement, pour ne pas faire du

    Best loser tout en ayant lair denfaire. On garde lobjectif quiest, rappelons-le, dassurer lareprsentation de toutes lescomposantes de la nation , cest--dire de ne surtout pas consid-rer que les Mauriciens puissenttre capables dlire un candidatpour ses comptences. Cest vi-dent, aprs 43 ans dindpen-dance (une nation tellementjeune !) le Mauricien nexiste paspar lui-mme, ne pense pas parlui-mme. Il nest membre de lanation quen tant dabord mem-bre dune communaut. Alorscontinuons de linfantiliser et de

    lui faire croire que le seul bon luest celui qui reprsente sa diver-sit ethnique. Cela vitera au pas-sage, daborder le problme duclientlisme et de la corruption.

    LA CUISINEDU POUVOIR

    Dailleurs, gardons-nous biendexpliquer au bon peuple que laproportionnelle, ce nest passeulement la party list bloqueet dcide par les partis. Il existeune deuxime formule de pro-portionnelle : celle o llecteur ale droit de choisir sur la liste lescandidats de son choix, et mme

    den ajouter qui ny figureraientpas. Pourquoi, trangement, cette

    formule de RP avec liste ouvertena-t-elle jamais t prsente aupublic mauricien comme optionpossible ? Loi n7 de Chomsky surla manipulation des masses :maintenir le public dans ligno-rance et la btise.Et puis, si on voulait vraiment re-flter la diversit de la populationmauricienne, ce serait trs facile :il suffirait de conserver le BLS, etde le rendre vraiment reprsen-tatif. Ce qui suppose un Best loserpour les femmes, un autre pourles homosexuels, un pour chaquecaste et sous-caste de chaquecommunaut, sans oublier les

    Missions, LVD et autres Light Min-istries ainsi que la communautdes gothiques qui prend de lam-pleur dans llectorat jeune.Au total, une vraie bonne rformelectorale, ce nest pas pour as-surer lexpression du choix deslecteurs. Cest pour garantir sta-bilit, quit et reprsentativit,autrement dit que le vote du pe-uple interfre le moins possibledans la cuisine du pouvoir et quela susceptibilit des vrais dten-teurs dinfluence, savoir les lob-bys communautaires, soitprserve.

    LA RFORME POUR LES NULS

    CLAIRAGE

    LINDE CHOISIT LE RAFALE

    La Grande-Bretagne et l'Allemagne ont regrett mercredi 1er fvrier 2012 que l'Inde

    ait prslectionn le Rafale de Dassault Aviation pour quiper son arme de l'air au

    dtriment du Typhoon d'Eurofighter, dont les deux pays sont actionnaires. Le premier

    ministre anglais a d'ailleurs d se justifier devant son parlement le jour mme.