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Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Médecine & Droit 2013 (2013) 44–49 Expertise Regard actuel sur les expertises de CCI (CRCI) et référé civil Local commissions for compensation of medical damages Gérard Mémeteau (professeur à la faculté de droit de Poitiers) Faculté de droit de Poitiers, 2, rue Jean-Carbonnier, 86022 Poitiers cedex, France Résumé La loi du 4 mars 2002 a institué des Commissions d’indemnisation des victimes d’accidents médicaux. Si leur nature juridique a été discutée (et peut l’être encore), plus pratiquement, les expertises diligentées pour elles sont-elles recevables devant les tribunaux ? © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Accident médical (indemnisation) ; CRCI ; Expertises (CRCI) Abstract The law of March 2002, 4th has created local commissions (CRCI and now CCI) for the compensation of medical damages. Their judicial nature has been discussed (and may be discussed). More practically, are the expertises prescribed by that commission usefully by ordinary Courts? © 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Medical damages (compensation); Expertise (CRCI) La relecture d’ordonnances de référé, certes déjà un peu anciennes s’il ne faut apprécier les jugements que par leur âge 1 –, et la proximité du colloque organisé le 21 novembre 2012 par la CNAMed sur l’expertise et le décret du 2 mars 2012 2 peuvent inciter à se pencher sur la dualité des actions engagées par les victimes d’accidents médicaux, devant la commission et devant le juge compétent. La loi du 4 mars 2002, certes, prévoit cette situation procédurale (art. L. 1142-7 § 3 et 4, L. 1142-19 CSP), mais il ne semble pas que les informations qu’elle impose soient toujours effectives, et, surtout, la litispen- dance, d’une part, l’autorité de la chose soit jugée soit décidée, d’autre part, ne rec ¸oivent pas de traitement précis. On avait pu relever cette carence dès les premières années de la loi 3 , mais alors que la jurisprudence n’avait pas encore qualifié, ou, Les opinions exprimées au texte restent propres à l’auteur, et ne sauraient engager les institutions auxquelles il a l’honneur d’appartenir. Adresse e-mail : [email protected] 1 R. Savatier mettait en garde contre Le mythe du dernier arrêt. 2 J.O., 3 mars 2012, p. 4061. 3 A. Garay : La mission de l’avocat devant les commissions régionales, in Manuel des commissions régionales. . . organisation, fonctionnement, question, Et. Hosp. 2004, ss. dir. G. Mémeteau, p. 101, et notre étude critique: les commis- plutôt, disqualifié, les CRCI et que pouvaient être soutenues les hypothèses d’autorités administratives indépendantes 4 ou de juridictions, même si la doctrine avait la prescience de leur plus grande modestie juridique 5 . Le juge des référés du tribunal de grande instance de Mar- seille est saisi par un patient reprochant à un chirurgien exerc ¸ant en clinique privée un défaut d’information. L’on sait quelle for- tune connaît ce manquement du médecin à ce que l’on qualifie désormais d’obligation légale ! Il reproche à un second praticien une faute technique, et affirme « avoir à tout le moins été victime d’un aléa thérapeutique ayant eu des conséquences anormales ». Il sollicite une provision, au visa des articles L. 1142-1 et sui- vants CSP et 809 CPC, sur la base d’un rapport d’un expert commis par la CRCI saisie en 2003. Par ordonnance du 3 octobre 2005, après que l’ONIAM, cité, a conclu à une nouvelle exper- tise, à titre subsidiaire, le juge, constatant que « la procédure sions régionales, interférences avec les procédures juridictionnelles, op. cit. p. 201. 4 P. Chaverini, E. Martinez, L. Michelangeli : Les commissions régionales . . .Et. Hosp. 2004, préface J.-F. Mattei. 5 F. Blanco : La loi du 4 mars 2002 et les commissions régionales. . ., PU. Aix-Marseille 2005, avant-propos D. Matagrin, préface J.-M. Pontier, p. 87. 1246-7391/$ see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.meddro.2013.02.008

Regard actuel sur les expertises de CCI (CRCI) et référé civil

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Médecine & Droit 2013 (2013) 44–49

Expertise

Regard actuel sur les expertises de CCI (CRCI) et référé civil�

Local commissions for compensation of medical damages

Gérard Mémeteau (professeur à la faculté de droit de Poitiers)Faculté de droit de Poitiers, 2, rue Jean-Carbonnier, 86022 Poitiers cedex, France

ésumé

La loi du 4 mars 2002 a institué des Commissions d’indemnisation des victimes d’accidents médicaux. Si leur nature juridique a été discutée (eteut l’être encore), plus pratiquement, les expertises diligentées pour elles sont-elles recevables devant les tribunaux ?

2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

ots clés : Accident médical (indemnisation) ; CRCI ; Expertises (CRCI)

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The law of March 2002, 4th has created local commissions (CRCI and now CCI) for the compensation of medical damages. Their judicial natureas been discussed (and may be discussed). More practically, are the expertises prescribed by that commission usefully by ordinary Courts?

2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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eywords: Medical damages (compensation); Expertise (CRCI)

La relecture d’ordonnances de référé, certes déjà un peunciennes – s’il ne faut apprécier les jugements que par leurge1 –, et la proximité du colloque organisé le 21 novembre012 par la CNAMed sur l’expertise et le décret du 2 mars0122 peuvent inciter à se pencher sur la dualité des actionsngagées par les victimes d’accidents médicaux, devant laommission et devant le juge compétent. La loi du 4 mars 2002,ertes, prévoit cette situation procédurale (art. L. 1142-7 § 3 et, L. 1142-19 CSP), mais il ne semble pas que les informationsu’elle impose soient toujours effectives, et, surtout, la litispen-ance, d’une part, l’autorité de la chose soit jugée soit décidée,

’autre part, ne recoivent pas de traitement précis. On avaitu relever cette carence dès les premières années de la loi3,ais alors que la jurisprudence n’avait pas encore qualifié, ou,

� Les opinions exprimées au texte restent propres à l’auteur, et ne sauraientngager les institutions auxquelles il a l’honneur d’appartenir.

Adresse e-mail : [email protected] R. Savatier mettait en garde contre Le mythe du dernier arrêt.2 J.O., 3 mars 2012, p. 4061.3 A. Garay : La mission de l’avocat devant les commissions régionales, inanuel des commissions régionales. . . organisation, fonctionnement, question,

t. Hosp. 2004, ss. dir. G. Mémeteau, p. 101, et notre étude critique: les commis-

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lutôt, disqualifié, les CRCI et que pouvaient être soutenueses hypothèses d’autorités administratives indépendantes4 oue juridictions, même si la doctrine avait la prescience de leurlus grande modestie juridique5.

Le juge des référés du tribunal de grande instance de Mar-eille est saisi par un patient reprochant à un chirurgien exercantn clinique privée un défaut d’information. L’on sait quelle for-une connaît ce manquement du médecin à ce que l’on qualifieésormais d’obligation légale ! Il reproche à un second praticienne faute technique, et affirme « avoir à tout le moins été victime’un aléa thérapeutique ayant eu des conséquences anormales ».l sollicite une provision, au visa des articles L. 1142-1 et sui-ants CSP et 809 CPC, sur la base d’un rapport d’un expert

ommis par la CRCI saisie en 2003. Par ordonnance du 3 octobre005, après que l’ONIAM, cité, a conclu à une nouvelle exper-ise, à titre subsidiaire, le juge, constatant que « la procédure

ions régionales, interférences avec les procédures juridictionnelles, op. cit.. 201.4 P. Chaverini, E. Martinez, L. Michelangeli : Les commissions régionales

. .Et. Hosp. 2004, préface J.-F. Mattei.5 F. Blanco : La loi du 4 mars 2002 et les commissions régionales. . ., PU.ix-Marseille 2005, avant-propos D. Matagrin, préface J.-M. Pontier, p. 87.

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miable » est toujours en cours devant la CRCI, déclare préma-urée la demande de provision. Il tient donc compte de l’instanceendante devant la commission, en ajoutant ironiquement qu’il

est hors de question d’ajouter encore à la confusion en instau-ant une expertise parallèle à celle(s) déjà mise(s) en œuvre à laemande de la CRCI ».

Le juge des référés du TGI de Grasse est, lui, saisi parn autre patient reprochant à un chirurgien une faute opéra-oire. Parallèlement, le malade a saisi la CRCI qui a désignéon expert et il a bien respecté l’obligation d’information de’article L. 1142-7 précité. Le juge des référés, par ordonnanceu 3 octobre 20056, sursoit à statuer : « que la mission confiée auocteur L. désigné par la CRCI est quasiment identique à celleue sollicite Monsieur X devant la juridiction des référés ». Mis

part le constat, dans les deux affaires, du dépassement du délaie six mois imparti aux CRCI pour se prononcer (art. L. 1142-8 §

CSP), ce qui n’est pas rare pour divers motifs, c’est l’utilisatione l’expertise CRCI devant le juge civil (ou administratif) quimporte et constitue un des volets de la dualité d’actions ouverte

la victime. Elle livre l’impression, par ailleurs, d’autorité nonas peut-être aux avis mais aux recherches des commissions,e qui ne peut déplaire à ceux regrettant le sort réservé auxommissions que le législateur eût voulu être la voie privilégiéee l’indemnisation du dommage imputable à l’acte médical7.

. Une apparence d’autorité des expertises des CCI

À première étude, si le juge judiciaire utilise les rapports desxperts commis par les CCI, ne confère-t-il pas une autorité

la procédure suivie devant ces commissions, donc, par rico-het, aux avis achevant celle-ci ? Les rapports lui sont utiles ; ilseuvent suffire à éclairer les magistrats comme ils ont instruit laommission. Le droit de la preuve confirme-t-il cet optimismeont les observateurs du jeu des CCI ont bien besoin d’êtreourris ?

.1. Une expertise utile

En premier lieu, l’on sait que la loi du 4 mars 2002 a mis’accent sur la rigueur de l’expertise conduite devant les CCI.lle a, à cette fin, prévu l’établissement d’une liste d’experts, depécialité et en réparation du dommage corporel, par la CNA-ed au vu de deux rapports sur la candidature ou la demande

e renouvellement (celui-ci est loin d’être systématique). Lesommissions doivent en principe désigner leurs experts sur cetteiste, mais il est fréquent que cette obligation (art. L. 1142-12 §

CSP) soit éludée pour des raisons pratiques, ou d’insuffisancee la liste de la commission nationale (art. L. 1142-12 § 2). Ene cas, sont désignés des experts judiciaires, subsidiairement

es praticiens choisis en dehors des listes institués par la loi du9 juin 1971. De même advient-il que la règle de la nominatione deux experts ne soit pas non plus respectée, même lorsque

6 Ordonnance courtoisement communiquée par Me T. Drouineau, Avocat à laour d’appel de Poitiers.7 On renverra à: La naissance des CRCI, R.R.J. 2005-4 p. 2127 et réf.

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e technicien choisi n’a pas été désigné pour participer seul à’expertise. Il s’agit de ce que l’on appelle l’expertise au fond,ui intervient dans le second temps de la procédure devant laCI.

Une double expertise : En effet, dès la saisine de celle-ci,st réalisée une expertise préalable « de recevabilité » auxns d’apprécier le caractère de gravité du dommage invoquéart. R. 1142-14 CSP), facultative, et sur pièces bien que lesextes ne paraissent pas interdire l’examen du demandeur par’expert. À ce premier stade de l’instruction du dossier, l’expert’est plus soumis aux conditions précitées d’inscription ; il peuttre un médecin choisi par le président de la CCI en dehorses listes. Cela est sans doute à regretter, un avis sur dos-ier et par un praticien – certes compétent et consciencieux –’ayant pas nécessairement une vue percante du dommage cor-orel semblant rapide alors qu’il conditionne la recevabilité dea réclamation. On eût pu réunir les deux expertises en uneeule, globale, intervenant en début de procédure et, soumise

la CCI tout entière, permettant à celle-ci de se prononcer sura recevabilité et le fond du procès. Certes, cela eût alourdi etalenti le processus de déclaration de recevabilité et l’on ne sacheas, il est vrai, que la procédure en cet état soulève de gravesritiques. Celles-ci visent plutôt les délais des expertises, leuraractère contradictoire, voire la qualité humaine de la relationntre l’expert et le demandeur. . .

Quoi qu’il en soit, et la question étant posée de la nécessité’être d’abord expert judiciaire pour postuler l’inscription sur laiste de la CNAMed (art. L. 1142-11 CSP), ce que déplore celle-i, apparaît la volonté législative d’entourer l’expertise devanta CCI de fortes exigences profitant à l’élaboration du rapport.

En second lieu, si l’on veut bien considérer que ce rapportide la commission à se prononcer sur « les circonstances, lesauses, la nature et l’étendue des dommages, ainsi que sur leégime d’indemnisation applicable » (art. L. 1142-8 § 1 CSP),’engagement des responsabilités (art. L. 1142-14 § 1 CSP), leeu de la solidarité nationale (art. L. 1142-17 § 1 CSP), ou lesartages des responsabilités et de l’aléa médical (art. L. 1142-8 CSP), tout ce que nous avons écrit sur d’autres pages relevere l’office du juge, on devine que cette analyse des circons-ances médicales de la cause par l’expert engendre les mêmesonséquences que tout autre rapport médical devant une juri-iction, après des raisonnements identiques et des recherchesi approfondies que le secret médical cède devant ces investiga-ions (art. L. 1142-12 § 5 CSP), comme il s’ouvre devant l’expertésigné par un tribunal mais non devant le juge lui-même, ce dontémoigne la jurisprudence succombant à une vision mythique duecret qui, finalement, est chargée de méfiance envers le juge.insi8 :

« Le secret médical posé par l’article R. 4127-4 du code de lasanté publique (C. santé publ., art. R. 4127-4) interdit à une

juridiction de se faire communiquer le dossier médical d’unassuré social ; en revanche, le secret médical ne saurait êtreopposé à un médecin expert appelé à éclairer le juge sur les

8 CA. Lyon, 24 janvier 2012, Juris-Data 018641.

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1.4.2. Preuve de la fauteIl est, en effet, admis que la faute médicale technique s’établit

par expertise dès lors qu’il s’agit de définir les données acquisesde la science que devait respecter le professionnel16, le juge nepouvant, ainsi que le disait Dupin, « départager Hippocrate et

6 G. Mémeteau / Médecin

conditions d’attribution d’une prestation, tant précisé que lemédecin expert est lui-même tenu au secret médical et ne peutrévéler que des éléments de nature à apporter une réponse auxquestions posées. En conséquence, une expertise médicalesur pièces doit être ordonnée pour déterminer la lésion, lessoins et les arrêts de travail en relation causale avec l’accidentdu travail avant dire droit sur la question de leur opposabilitéà l’employeur ».

.2. Un secret réservé ?

On retrouve, dans le décret du 2 mars 2012 une iden-ique méfiance envers les non-médecins, le monopole de laonnaissance des secrets par les médecins (communication àa CNAMed des avis des CRCI, art. R. 1142-41-1 et R. 1142-1-2 CSP). Sous cette réserve, qui n’atteint pas la qualité desxpertises des CCI, on comprend que le juge des référés derasse ait constaté la quasi-identité de mission de l’expert de laRCI et de l’expert dont on lui demandait la désignation. C’était

econnaître une utilisation de rapport CRCI.

.3. Une utilisation de rapport CRCI

Mais, il en avait déjà été jugé ainsi. La Cour d’appel de Ver-ailles, statuant en matière de référé, réservant le pouvoir du jugeu fond d’ordonner une autre mesure d’instruction, avait tenuompte des termes d’un rapport de CRCI9. Plus directement, leribunal administratif de Bordeaux avait utilisé un tel rapport :

qu’il résulte de l’instruction, et notamment des conclusions de’expert désigné par la commission régionale. . . »10. Le tribunaldministratif de Nancy se réfère à ces expertises de commission« notamment »)11, et la Cour administrative d’appel de Nancye suffit d’un tel rapport pour rejeter une demande d’autre exper-ise, le travail des experts de la commission étant « suffisammentrgumenté pour permettre au juge du fond, éventuellement saisi,e se prononcer »12. Par le même arrêt, la Cour, pour accorder

la victime une provision, estime non sérieusement contesta-le l’obligation d’un centre hospitalier, en considérant l’avis dea CRCI ayant provoqué l’offre de l’assureur « au vu du rap-ort d’expertise » (art. L. 1142-14 § 1 CSP), ce qui va plus loinue la considération du rapport : c’est la considération – nous’écrivons ni la chose jugée ni la chose décidée – de l’avis.insi voit-on une invocation utile du rapport CRCI devant le

uge. Sans doute perplexe devant les difficultés de concilieres procédures de droit commun et celle de la loi de 2002, leuge des référés de Marseille, le 9 novembre 2005, rappelantes règles gouvernant la responsabilité de la clinique et cellee ses médecins libéraux, résume le principe de la loi qui n’est

pas d’application exclusive », laisse à la victime le droit d’agirevant le juge et regrette « que le législateur n’ait pas institué uneption excluant les recours multiples ». Il juge que la CRCI joue

9 CA. Versailles, 12 janvier 2006, AJDA. 23 janvier 2006, p. 119, obs. Brondel;alloz 2006, p. 2140, note D. Thouvenin.

10 T.A. Bordeaux, 23 février 2006, no 0500273-2, site: http:/juris-oniam.fr/.11 T.A. Nancy, 2 mars 2010, 0701601, 0901218.12 C.A.A. Nancy, réf., 22 novembre 2010, F. J. Hosp. 015/2011, p. 71.

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un rôle majeur dans le dispositif légal », dont la politique et’interprétation des principes juridiques ne peuvent être ignorés.onc, si la procédure « amiable » est en cours, le juge civil neeut « interférer dans cette procédure » en allouant une provisionvant que la CRCI ne se soit prononcée, ou, plus précisément,

ait intégralement instruit le dossier ». Ce n’est pas non plusne reconnaissance d’autorité de l’avis, même une appréciationage – et économique ! – des articles 146 § 1 et 147 C. P. civ. Leossier constitué par la commission est reconnu comme preuveeut être suffisante dans l’instance civile à venir.

.4. Une intégration dans le droit commun

.4.1. Pluralité de recoursIl est exact, ainsi que le déplore (« hélas à nouveau ! ») le juge

arseillais, que le législateur a offert à la victime de l’accidentédical le double recours devant la commission et devant le

uge, les deux instances pouvant théoriquement être successivesu bien parallèles, si mieux n’aime cette victime saisir directe-ent l’ONIAM lorsqu’elle suppose avoir été en présence de la

éalisation d’un aléa thérapeutique, tout en saisissant ou non leribunal compétent si son préjudice entre, devant le juge admi-istratif, dans les limites de la jurisprudence « Bianchi ». Cetteomplexité mal devinée par le législateur13 ne peut que renvoyerers les principes du droit commun.

En premier lieu, si la CCI est tenue de désigner deux ou unxpert, le juge ne l’est pas, théoriquement. Il peut être éclairéar les pièces du dossier ce qui ne surprendra pas le lecteur de laoi du 4 mars 2002 : on a vu s’exercer sur pièces l’expertise « deecevabilité » de la CRCI. La jurisprudence a pu déclarer uneesponsabilité d’établissements de soins ayant laissé dépérir ouétruire leurs archives, mettant de ce fait obstacle à la productione la preuve. On a conclu que la preuve de l’information médi-ale peut être apportée par tous moyens. . . Les articles 143 et44 du C. proc. civ. accordent au juge la faculté d’ordonneru non une mesure d’instruction14 ; la procédure administra-ive connait cette possibilité15. Ainsi, une mesure d’instructionemeure-t-elle facultative. Cependant, la responsabilité médi-ale échappe à cette souplesse.

13 S. Gibert: L’aléa médical: discussion de l’opportunité de la solution législa-ive adoptée, thèse, Poitiers, 20 juin 2009.14 ex. Cass. Civ.I, 25 avril 1979, Bull. I, no 120, p. Y. Strickler: Procédure civile,aradigme ed. 2008, p. 193.

15 C. Justice adm., Art. R. 532-1.16 Nous nous en tenons à cette hypothèse classique. Il se peut que des sciencesutres que médicales soient dans le procès. Ainsi, la recherche des causes’une infection nosocomiale peut faire solliciter un architecte, un spécialisten climatisation, etc.

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allien »17. Il a besoin de l’expert18 et ce d’autant plus devant’imprécision croissante de ces données desquelles l’infaillibilitécientifique est parfois plus affirmée que prouvée, dont il ne peutuppléer les éventuels doutes ou contradictions, et l’on peut seemander s’il ne s’agit pas d’une règle de fond plus qu’uneègle de preuve. C’est l’expert – qui par équilibre des pouvoirse peut dire le droit – qui est le détenteur du savoir, ce qui insti-ue sa légitimité dont le droit comparé enseigne qu’elle doit êtrebjective19, mais qui va objectiver le jugement à son tour20 àe point qu’ironiquement l’on pourrait se demander si le juge-ent n’est pas rendu « au nom de la science (francaise) » si

’on voulait reprendre, une fois encore, l’éternel débat des rela-ions d’autorité entre le juge et l’expert. Simplement écrira-t-onue, si le tribunal est une réunion de juristes devant le techni-ien, la CRCI possède peut-être plus d’éléments de discussionnterne du rapport, puis qu’y siègent des professionnels de santéart. R.1142-5 CSP).

En second lieu, le juge choisit son expert. Si il est difficilee choisir le bon expert « qui respecte le contradictoire, maîtrise’écheveau des circonstances de l’accident, est diligent, rédigelairement et formule des conclusions nettes et fondées »21,e juge ne peut être lié par les listes d’experts établies devantes juridictions. Sans doute ces listes sont-elles rédigées au vues connaissances avérées des techniciens dont la réinscriptionequiert la connaissance des principes directeurs du procès etes règles de procédure (loi du 29 juin 1971, art. 2, II ; décretu 23 décembre 2004, art. 10 § 2-2◦) de même que le renou-ellement de l’inscription des experts de la CNAMed supposene formation (de base) en droit de la responsabilité médicale.ans être « auxiliaire de justice », l’expert collabore à l’œuvree celle-ci, ce qui invite à lui enseigner plus ou moins le droit durocès. Seulement, la même loi du 29 juin 1971 dispose en sonrticle 1◦ que le juge peut, et non : doit, désigner une personnegurant sur une liste, en ajoutant qu’il peut, « le cas échéant,ésigner toute autre personne de (son) choix ». L’article 2 §

ne considère les listes que « pour l’information des juges »,t l’article 232 C. proc. civ. dispose que le juge peut commet-re « toute personne de sont choix ». Donc, il peut désigner un

17 Arrêt de principe : Cass. Req. 21 juillet 1862, D.P. 1862, 1, 419.18 C.A. Limoges, 25 octobre 1955, JCP. 1956, 2021, obs. R. Savatier v.. Puigelier et J. Sainte-Rose: Le juge et les données contemporaines de la

cience, in: Le monde du droit, Écrits en l’honneur et Jacques Foyer, Economicad. 2008, p. 891.19 O. Leclerc: Le juge et l’expert. Contribution à l’étude des rapports entre leroit et la science, LGDJ. 2005, préface A. Lyon-Caen, p. 364 et s.

20 Outre la thèse précitée d’O. Leclerc, cf. G. Canselier: Les données acquisese la science. Les connaissances scientifiques et la faute médicale en droit privé,hèse Paris I, 3 octobre 2006; N. Nevejans: La participation des sciences de laie et de la santé à la décision du juge civil et pénal, thèse Lille II, 25 janvier000; G. Deharo: La science est-elle un instrument de pouvoir concurrent dans’exercice de l’activité jurisprudentielle ?, J.I.B. 17/mars-juin 2006, p. 33.21 Sic. P.-A. Lecocq, C. Bouillart, J. Saison-Demars, S. Lecocq:’indemnisation amiable des accidents médicaux. Bilan du traitement de5 000 dossiers par les CRCI et l’ONIAM et perspectives d’avenir, RGDM,o spécial, novembre 2009, p. 332; P. Jourdain: De quelques difficultés’application de la loi, L.P.A. 29 juin 2006, no 129, p. 17; P. Mistretta: LesRCI ou les désillusions du règlement amiable des litiges médicaux, JCP. 2006,, 198.

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xpert figurant sur la liste de la CNAMed (et qui, à ce jour encoreoit être également expert judiciaire, art. L. 1142-II § 1 C.S.P.)n cette qualité et nous savons que, parfois, devant le juge civile plaideur demande expressivement qu’un tel choix soit réalisé.l peut aussi, sans référence à une inscription, désigner l’expertéjà choisi par une CRCI. Somme toute, ne s’imposent vrai-ent que les règles du procès équitable22, particulièrement

’indépendance du technicien et la conduite contradictoire de’expertise. Plus subtilement, les décisions citées ne procédaientas à une désignation d’un expert dit CRCI, ni n’auraient puésigner les experts des CRCI. Lorsqu’il y a recours contre uneécision d’assureur ou de l’ONIAM, ou contestation très indi-ecte de l’avis au sens de l’article L. 1142-8 § 3 CSP, il ne s’agitlus, si un technicien est choisi, de cet expert intervenant devanta Commission, dessaisie. Ces décisions prenaient en compte leravail, réalisé déjà ou à achever, dudit expert « CRCI » commelément suffisant de preuve dispensant de désigner un autre tech-icien. Mais, ces rapports n’étaient pas retenus par obligationarce qu’ils avaient été demandés par les commissions régio-ales. En vertu du principe de liberté de la preuve du fait – quee juge qualifiera – le tribunal peut retenir tout élément éclai-ant, et ces rapports en font partie23, la liberté du juge restantauve de suivre ou non les conclusions de ce technicien qui’est pas stricto sensu son expert24 mais celui d’une autre ins-ance. L’expertise est alors disqualifiée même si elle conserveon appellation. Cela est conforme à la faculté laissée au juge’utiliser les expertises venant d’autres procédures25. Aussi bienst effet probatoire reconnu aux investigations ordonnées par lesRCI n’est-elle pas l’affirmation d’une autorité de leurs avis.

. Une négation d’autorité

Le profond et savant travail dirigé par M. le Doyen P.-. Lecocq21 a mis en évidence, et justement critiqué, lesratiques de l’ONIAM et la jurisprudence réduisant, contre’intention du législateur, les CRCI à de simples commissions’instruction des dossiers. Il a aussi insisté sur la censure frap-ant les avis des commissions régionales.

.1. La jurisprudence « Jivaro »

Ainsi que nul n’ignore les tribus Jivaros sont spécialistes enéduction des têtes coupées. En des temps de retour à la natureuthentique, la jurisprudence n’a-t-elle pas été sensible à leurnfluence en se prononcant sur la qualification des CRCI ?

En premier lieu, les décisions retenues ci-avant n’accordent-lles une efficacité qu’aux expertises provoquées par les CRCI.e juge des référés de Grasse (3 octobre 2005) se contente

’ordonner un sursis à statuer dans l’attente des résultats de cettexpertise, mais ne renvoie pas le plaideur devant la commission.urseoir à statuer est réserver la compétence du juge judiciaire

22 O. Leclerc, thèse précitée, p. 349 et s.23 Expertises d’autres instances, liberté de la preuve.24 Cass. Soc. 2 mars 1951, Bull. III, no 176, p. 130.25 Expertises/autres procédures.

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27 Cons. État, 10 octobre 2007, AJDA. 10 décembre 2007, p. 2328, concl.Thiellay; RGDM. 17/2005, 325, obs. Mme Saison-Demars, 355, note A. Leca;Dalloz 2008, pan. p. 512, obs. J. Penneau; Rev. Dr. Santé no 21, janvier 2008, p.

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insi que sa liberté d’appréciation. Bien plus, ce n’est pas enttente de l’avis qu’il met l’instance entre parenthèses maiseulement en attente du rapport quoique l’expression « dans’attente des résultats de l’expertise » soit ambiguë. Certes, leuge marseillais nie pouvoir ignorer « la politique menée par laRCI et son interprétation des principes juridiques aujourd’huicquis », ce qui n’est pas exactement accorder aux avis une auto-ité, plutôt une force d’inspiration et d’argumentation. Ce qu’ilera de l’avis à venir manque de précision. Logiquement, il eniendra compte, mais sera-t-il lié ?

.1.1. Chose jugée ?La loi n’a édicté aucune autorité de chose jugée ou décidée

es avis sur les jugements ni inversement. Doit-on invo-uer l’exemple du jugement disciplinaire médical, dépourvu’autorité de chose jugée devant le juge civil (et, encore, inver-ement) ? Le rapprochement ne serait pas pertinent : la sentenceisciplinaire est un jugement ; l’instance disciplinaire est uneuridiction. Les autres ordonnances ou arrêts, dont on a constatéu’ils utilisent les expertises des CCI, ne poussent pas plusutre. Éclairé par l’avis, l’ONIAM n’est pas lié par celui-ci,

qui émane d’un organisme dépourvu de caractère juridiction-el » et n’aurait d’autre finalité « que de favoriser un règlementmiable du litige » (C.A.A. Versailles, 12 janvier 2006), ce au vue l’article L. 1142-5 § 1 CSP. Certes, « faciliter le règlement »’implique pas un caractère décisionnel, mais ne l’écarte pas nonlus. L’ONIAM n’est pas lié par l’avis « lorsqu’il estime que lesonditions (d’émission d’une proposition) ne sont pas réunies »TSI. Bobigny, 16 février 2006 ; TA. Bordeaux, 23 février 2006).our le juge des référés de Rennes (12 juillet 2007) :

« Attendu que la loi prévoit que la victime a la possibilitéde remettre en cause l’avis des Commissions Régionalesde Conciliation et d’Indemnisation (CRCI) qui n’ont pas lapersonnalité morale et qui ne sont pas des organes juridic-tionnels, et ce à l’occasion d’une action en indemnisation(article L. 1142-8 du Code de la santé publique) ;« Attendu en effet que les avis que les CRCI émettent n’ontpas l’autorité de la chose jugée, que ce soit vis-à-vis desvictimes ou vis-à-vis de l’ONIAM, qu’il s’agit de mesurespréparatoires destinées à faciliter le règlement amiable desdifférends que partant, l’existence d’une démarche préalableauprès de la CRCI et d’une précédente expertise ordonnéepar la CRCI Bretagne, ne suffit pas à exclure, la possibilitéde voir ordonner une nouvelle expertise par la juridiction desréférés ».

On voudra bien admettre que l’argument déduit de l’absencee personnalité morale de la CRCI est de mince valeur : lesribunaux ne possèdent point cette personnalité, et sont des tri-unaux ! Cela dit, le juge civil va même jusqu’à privilégier’expertise judiciaire par rapport à l’expertise CRCI au nom

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e principe généraux de l’expertise ce qui vide l’avis de laommission de toute substance. Peut-être n’est-ce qu’une déci-ion d’espèce rendue sur comparaison de deux rapports.

26 TGI. Nantes, 10 mai 2006, cité par P.-A. Lecocq et alii, précité, p. 241.

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En second lieu, ces prises de position se comprennent à laecture des choix imposés par le Conseil d’État puis par la Coure cassation, qu’elles anticipent, annoncent.

.1.2. Disqualification du CCID’abord, exprimant un avis sur requête de la Cour adminis-

rative de Marseille (sur appel de TA. Bastia, 12 septembre 2005,mplement commenté), la Haute Juridiction estime que les avises CRCI – se déclarant en l’espèce incompétente – ne font pasrief, donc ne peuvent être contestés par la voie du recours pourxcès de pouvoir, dès lors que la victime peut saisir je jugeompétent27.

Elle cantonne le rôle de la commission à faciliter, par desesures préparatoires (ce qui ajoute à l’article L. 1142-5 §

CSP), un éventuel règlement amiable des litiges, sans exclurea saisine du juge compétant, à tout moment ce qui est exact. LaRCI n’est pas une autorité administrative, pas plus qu’une

uridiction. Sans céder à la tentation d’écrire que, dès lors, lesRCI ne servent plus à rien et qu’il serait plus clair de les qua-

ifier de bureaux de l’ONIAM, ce qu’elles ne sont pas, ni neeulent être ; ce que le législateur n’a pas voulu et ce que leslaideurs ne comprendraient pas, mais ce qui entrerait dans laogique de l’avis, nous constatons la difficulté de concilier laégation du grief avec le constat de l’obstacle à l’ouverture’une procédure de règlement amiable, et, plus implicitementu’expressément, l’absence d’autorité des avis (« mesures pré-aratoires ») qui ne lient pas l’ONIAM, bénéficiaire par ricochete l’avis du Conseil d’État. Les principes de l’avis « Sachot »eront intégrés par la jurisprudence. La Cour d’appel de Nancy,ar exemple, le 9 octobre 2008, juge « qu’aucune dispositionu Code de la santé publique ne dispose que l’ONIAM est liéar l’avis émis par la CRCI qui n’a aucun caractère obliga-oire ». Le 25 janvier 2010, le TSI d’Aix-en-Provence voit laommission intervenir, sans autre précision, dans la procéduremiable. On peut aisément contester cette interprétation de laoi qui, d’une part, impose à l’Office d’adresser une offre à laictime dans les conditions prévues par les articles L. 1142-1-I et L. 1142-17 § 1 CSP, d’autre part, sanctionne le refus deette offre par une action en justice contre l’office (art. L. 1142-0 CSP)28. Quelques réserves qu’appelle pour M. le Doyenecocq le libellé de l’article L. 1142-20, sanctionnant tout deême le refus d’offre par une action, cela se comprend mal

i l’offre est à la discrétion de l’Office, l’article L. 1142-17 §

5, note F. Vialla; JCP. 2008, 10007, note B. Apollis et F. Vialla; JCP. 2007, act.01, obs. M. C. Rouault. M. le Doyen Lecocq décrit « la genèse juridictionnellee l’avis », op et loc. cit. p. 244.28 Il s’agit alors d’une action de plein contentieux: TA. Pau, 4 mai 2010; TA.antes, 10 mars 2010.

29 G. Cornu: Linguistique juridique, Montchrestien ed. p. 270; P-A. Lecocq,p et loc. cit.

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onseil d’État. L’article L. 1142-20 sanctionne le manquement cet impératif.

Ensuite, la Cour de cassation a pris le relais, jugeant, le 6 mai01030, que les CRCI sont des commissions administratives donta mission est, mot pour mot, celle définie par le Conseil d’État le0 octobre 2007. Plus explicitement que ne l’avait fait le Conseil’État, la Cour de cassation en déduit que l’ONIAM n’est pas liéar leur avis. Les deux hauts tribunaux adoptent donc la mêmeosition, en des termes identiques. Cela ouvre à l’ONIAM laoie de la plus large réformation des avis, les victimes étant ren-oyées, nonobstant un avis « positif » de la commission, devante juge compétent, ce qu’avait voulu éviter le législateur, il estrai fort maladroit dans l’écriture de sa nouvelle procédure. Aurai, si l’on en fait grief aux auteurs de la loi du 4 mars 2002, onemarquera que leurs successeurs n’ont pas songé à corriger leséfauts processuels du texte et se sont contentés d’empiler sures compétences initiales de l’ONIAM de nouvelles charges.’Office a présenté ses arguments31, déduits de sa charge deomptable public. À supposer que ce ne soit pas dans le choixu montant de son offre qu’il trouve à exercer cette fonction,ul texte ne l’autorise à se constituer juge et partie en fabri-ant, contre les avis, un recours prohibé – on le regrette – par’article L. 1142-8 § 3 CSP, ce d’autant moins que, représentéans les CRCI et participant à leur délibéré (art. L. 1142-6 §

CSP), l’Office en vient à infirmer les décisions auxquelles il participé, ayant eu tout loisir d’exposer sa position devant laRCI. L’emprise de l’Office sur le système va plus loin.

.2. Un lourd secret !

.2.1. Suivi des avisEn premier lieu, l’article L. 1142-8 CSP prévoit la transmis-

ion de l’avis de la CRCI au demandeur, « à toutes les personnesntéressées par le litige » et à l’ONIAM, ainsi destinataire deous les avis, et, nécessairement de tous les dossiers dès lors queon représentant devant la Commission les possède. L’article. 1142-17 § 1 définit plus amplement les intéressés pouvant

ecevoir les avis, l’Office y demeurant, bien sût, mentionné.insi dispose-t-il de tous les avis, et de tous les dossiers, dans

esquels figurent les expertises entre autres. Cela lui permet,t à lui seul, de connaître la jurisprudence des commissions,eurs méthodes de travail, la mise en œuvre globale du systèmee la loi de 2002. La curiosité de ce système a tenu, et tient

artiellement encore, en ce que la Commission nationale desccidents médicaux (art. L. 1142-10 CSP), investie de la mis-ion légale de veiller à une application « homogène » de la loi

30 Cass. civ.I, 6 mai 2010, in C. Bergoignan-Esper et P. Sargos: Les grandsrrêts du droit de la santé, Dalloz, 2010, p. 512; Médecine et droit no 105, nov-éc. 2010, p. 171, nos obs. critiques. Nous remercions M. le Premier Avocat-énéral Mellottée d’avoir bien voulu nous communiquer ses conclusions. Pour

a critique, nous renvoyons à nos obs. précitées.31 D. Martin: L’indemnisation des victimes d’accidents médicaux comme poli-ique publique, Dalloz 2006, chr. p. 3021.

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ar les commissions, et d’évaluer « l’ensemble du dispositif »donc, y compris l’ONIAM, pièce du « dispositif ») ne pouvaitonnaître des avis que ce que l’Office, finalement, lui commu-iquait, ce qui la mettait hors de situation de remplir son rôle.l fallait attendre la loi du 12 mai 2009 pour enrichir l’article. 1142-10 § 3 CSP de l’accès de la CNAMed « aux informa-

ions couvertes par le secret médical », et encore ne fut-ce que leécret du 2 mars 201232 qui mit en œuvre cet accès. Or, l’on neortait du caractère ubuesque de la situation que pour y mieuxentrer. En effet, alors que l’article L. 1142-10 modifié profitait

la commission en soi, les articles R. 1142-41-1 et s CSP issusu décret, transforment, contra legem, la communication ins-itutionnelle en une information intuitu personæ réservée aux

embres médecins et chirurgiens-dentistes de la commissionle président ne possède pas ces qualités !) et, tant on redoute unsage scientifique des avis, et des autres informations dont lesapports d’expertise, l’article R. 1142-41-2 § 2 interdit toute uti-isation « à d’autres finalités que celles ayant justifié leur collectet leur conservation ». On croit savoir que la restriction quant auxersonnes, que la CNAMed ne demandait pas, fut introduitear le Conseil d’État33. Ainsi les membres non-médecins dea commission sont-ils frappés d’une suspicion d’indiscrétion,inon de potentielle vente des avis et expertises aux plus louchesevues !

.2.2. Une censure ?En second lieu, certains d’entre eux n’en seront point

urpris, la CADA ayant proscrit la communication des avisux « universitaires travaillant en droit de la santé », pareux opinions du 1er avril 2004 et 11 septembre 200834,lors que des techniques simples d’occultation des éléments’individualisation peuvent être mises en œuvre, avec, ou enépit de, les techniques informatiques modernes, dont l’Ordrees médecins n’avait pas eu besoin pour publier anonymementa jurisprudence disciplinaire non moins lourde de secrets médi-aux et de la vie privée. Répété par le décret du 2 mars 2002,’outrage ne peut être que délibéré. Quoi qu’il en soit, la doc-rine ne peut remplir sa fonction d’analyste du droit écrit par leégislateur de 2002, pas plus que les parties à l’instance devantes commissions ne pouvant utilement construire leur stratégien connaissance nécessaire de la jurisprudence du CCI. Cela neupposerait d’ailleurs que de pouvoir lire les avis, aussi ano-

apport n’est pas l’avis, ni le jugement. Il en est le pré-requis,ne explication sinon une part de motivation. Ainsi l’ont comprises décisions citées.

32 J.O., 3 mars 2012, p. 4061.33 Nous nous permettons de renvoyer à: Lecture du décret 2012-298 du 2 mars012, colloque CNAMed, Paris, 21 novembre 2012.

34 V. obs. E. Cadeau et G. Mémeteau, RGDM. 13/2004, p. 331; E. Cadeau,JDA. 20 juin 2005, p. 1257; V. Rachet-Darfeuille, RGDM. 31/2008, p. 341.