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Édito Course de vitesse… Nous allons interrompre la publication de cette lettre jusqu’à la rentrée. Non qu’il n’y aura rien à analyser en juillet et en août concernant la droite ! On peut même faire le pari du contraire… Mais, il n’est pas inutile de prendre un peu de recul tant les tâches qui nous atten- dent sont nombreuses et rudes. Dans ce moment, en eet, de crises politiques, il en va de savoir quelle force politique, à gauche ou à droite, sera en capacité, la pre- mière, de pouvoir reformuler, dans les problèmes du pays et face aux dangers que représente l’extrême droite, un espoir politique. C’est tout le travail que les socialistes doivent faire sur eux-mêmes cet automne avec, notamment, les Etats Généraux, à la fois, pour redéfinir une cohérence poli- tique et mettre en œuvre une rénovation de leurs propres pratiques politiques. Ce n’est pas aisé lorsqu’il faut, en même temps, exercer les responsabilités du gou- vernement. Mais, la nouveauté et les dicultés ne sont pas un argument. Le temps est venu de le faire pour éviter des crises plus graves. Notre objectif est d’adapter notre modèle social pour qu’il puisse perdurer dans une Europe réorientée. Cela n’a sans doute pas été susamment explicité depuis 2012. Mais, c’est la clef pour ce que nous faisons et avons à faire. C’est à partir de là, qu’il faut apprécier ce qui nous oppose à l’extrême droite et à la droite. Le Front national reprend le vocabulaire du social – c’est le tournant opéré par Marine Le Pen, après plus de deux décennies d’ultra-libéralisme –, mais ne conçoit sa défense que dans l’isolement du pays, avec son cortège de politiques d’exclusion. Du côté de l’UMP, nous portons beaucoup d’attention à ses rivalités vio- lentes et à ses aaires « abracadabrantesques » - pour parler comme Jacques Chirac hier…-, mais il vaut la peine de lire les propositions que ses leaders, et candidats futurs à l’élection présidentielle, égrènent régulièrement. Celles-ci vont toutes dans le même sens, elles remettent profondément en cause notre modèle social. Le der- nier en date, François Fillon, le 25 janvier dernier, présenté souvent, on ne sait trop pourquoi, comme un gaulliste social, parle de supprimer la durée légale du travail, de ne conserver que « quelques normes fondamentales » dans le code du travail, de réduire les plafonds de l’indemnisation du chômage, d’interdire le remplacement des fonctionnaires partant à la retraite dans des secteurs entiers de la fonction pu- blique, de reculer encore l’âge de la retraite etc… Le dicton populaire dit que « comparaison n’est pas raison »… Il y a là une part de vérité, tant nous nous considérons d’abord nous-mêmes, et les socialistes au pre- mier chef. Pourtant, réaliser cet exercice permettrait de voir où sont les vrais enjeux. Alain BERGOUNIOUX Regards droite sur la 3 juillet 2014 - n° 43 Édité par la cellule Veille et Ripostedu Parti socialiste

Regards sur la droite n° 43

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ÉditoCourse de vitesse…Nous allons interrompre la publication de cette lettre jusqu’à la rentrée. Nonqu’il n’y aura rien à analyser en juillet et en août concernant la droite ! On peutmême faire le pari du contraire…Mais, il n’est pas inutile de prendre un peu de recul tant les tâches qui nous atten-dent sont nombreuses et rudes. Dans ce moment, en effet, de crises politiques, il enva de savoir quelle force politique, à gauche ou à droite, sera en capacité, la pre-mière, de pouvoir reformuler, dans les problèmes du pays et face aux dangers quereprésente l’extrême droite, un espoir politique.

C’est tout le travail que les socialistes doivent faire sur eux-mêmes cet automneavec, notamment, les Etats Généraux, à la fois, pour redéfinir une cohérence poli-tique et mettre en œuvre une rénovation de leurs propres pratiques politiques. Ce n’est pas aisé lorsqu’il faut, en même temps, exercer les responsabilités du gou-vernement. Mais, la nouveauté et les difficultés ne sont pas un argument. Le tempsest venu de le faire pour éviter des crises plus graves. Notre objectif est d’adapternotre modèle social pour qu’il puisse perdurer dans une Europe réorientée. Cela n’asans doute pas été suffisamment explicité depuis 2012. Mais, c’est la clef pour ceque nous faisons et avons à faire.

C’est à partir de là, qu’il faut apprécier ce qui nous oppose à l’extrême droite et à ladroite. Le Front national reprend le vocabulaire du social – c’est le tournant opérépar Marine Le Pen, après plus de deux décennies d’ultra-libéralisme –, mais neconçoit sa défense que dans l’isolement du pays, avec son cortège de politiquesd’exclusion. Du côté de l’UMP, nous portons beaucoup d’attention à ses rivalités vio-lentes et à ses affaires « abracadabrantesques » - pour parler comme Jacques Chirachier…-, mais il vaut la peine de lire les propositions que ses leaders, et candidats futurs à l’élection présidentielle, égrènent régulièrement. Celles-ci vont toutes dansle même sens, elles remettent profondément en cause notre modèle social. Le der-nier en date, François Fillon, le 25 janvier dernier, présenté souvent, on ne sait troppourquoi, comme un gaulliste social, parle de supprimer la durée légale du travail,de ne conserver que « quelques normes fondamentales » dans le code du travail,de réduire les plafonds de l’indemnisation du chômage, d’interdire le remplacementdes fonctionnaires partant à la retraite dans des secteurs entiers de la fonction pu-blique, de reculer encore l’âge de la retraite etc…

Le dicton populaire dit que « comparaison n’est pas raison »… Il y a là une part devérité, tant nous nous considérons d’abord nous-mêmes, et les socialistes au pre-mier chef. Pourtant, réaliser cet exercice permettrait de voir où sont les vrais enjeux.

Alain BERGOUNIOUX

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3 juillet 2014 - n° 43

Édité par la cellule“Veille et Riposte“du Part i social is te

Le Front national, détail de l’histoire ?Ni influence, ni financements pour détruire del'intérieur ce que les Européens ont construitpatiemment depuis 60 ans. Pas facile de s’enten-dre avec des étrangers, des mouvementspourtant d’extrême droite, pour la plupart,lorsqu’on s’affiche sous les couleurs du FN !Marine Le Pen a manqué son pari. Incapables derassembler les six autres partis eurosceptiquespour former un groupe, la présidente du Frontnational et son allié néerlandais, Geert Wilders,ont échoué dans leurs négociations avec les par-tis d’extrême droite danoise et anglaise qui n’ontpas manqué de pointer la xénophobie sur la raceet le sexe du parti fron-tiste. Ironie de l’histoire,l’UKIP de Nigel Farageest parvenu, lui, à consti-tuer un groupe, grâceaux renforts des eurodé-p u t é s i t a l i e n s d uMouvement 5 étoiles deBeppe Grillo et de l’euro-députée Joëlle Bergeron,transfuge du FN, quis’était illustrée pendantla campagne en sedéclarant favorable àl’octroi du droit de voteaux étrangers pour lesélections locales. Unesortie qui lui avait valu les foudres de Marine LePen. La vedette, ce sera donc bien l’élu britan-nique ! Pas moins de 25 députés, sur un total de 751,sont requis pour former un groupe et bénéficierainsi d’une plus grande visibilité, en sus de sub-ventions. Seuls le PVV de Geert Wilders, le Partide la liberté autrichien (FPÖ), la Ligue du Norditalienne et le Vaams Belang flamand ont donnéleur accord. Exit les 24 élus du FN qui siègerontdonc en tant que non-inscrits, perdant ainsi dupoids et une manne financière estimée à plus de3 millions d’euros. Qu’ils se rassurent, ils seronten bonne compagnie avec, à leur côté, les élus duparti néonazi grec d’Aube dorée et le représen-tant du NPD allemand, avec lesquels ils ontpourtant refusé de s’associer. Ambiance… Cerisesur le gâteau, ils devront patienter cinq ans aumoins pour voir leur parti rejoindre un groupe.Le fameux plan conclu entre Wilders et Le Pen

pour « détruire de l’intérieur » l’Union euro-péenne a vécu !

Antisémitisme déclaré. Un parti anti-européenélu aux européennes qui, finalement, n'auraaucun pouvoir au Parlement européen. On en sourirait presque, dès lors que la « normalisa-tion » a du plomb dans l’aile. Et que les idéesdont le FN se revendique ne trouvent guèred’écho, même si le terreau reste inlassablementle même : repli identitaire et retour à la souverai-neté nationale face à un monde métissé, rongépar la crise.

Il n’en demeure pasmoins que l’ambition de retrouver la « souve-r a i n e t é t e r r i t o r i a l e ,monétaire et budgétaire», de proscrire le Coranque Geert Wilders seplait à comparer auMein Kampf d’Hitler, etde combattre l’islam,sous toutes ses formesn’ont pas l’heur de plaireaux autres partis euro-sceptiques. Et ce, mêmesi l’élément-clé du dis-cours antisystème portépar cet ensemble hété-

roclite demeure la peur, sur fond de rejet del’Union et d’affirmation des identités régionalesou nationales. Ce qui les unit, n’en demeure pas moins leur atta-chement commun au nationalisme. Et cettevolonté, pour le moins surprenante, de se proté-ger du « virus » de l’invasion et de l’immigration.Le FN, le PVV et le Parti du progrès se retrouvent,de ce point de vue, très clairement dans l’affirma-tion d’un sentiment de pureté nationale mis à mal par le métissage… Principe selon lequel la Nation s’est forgée autour d’une catégorie spé-cifique de citoyens, de race blanche, porteurs devaleurs et traditions supposément ancestrales.L’antisémitisme déclaré de Jean-Marie Le Penn’en fait pas moins tâche. Une faute « politique »à en croire sa fille, et non morale. C’est bien là leproblème. N’est-ce pas lui qui regrettait, il y apeu, qu’à Vienne, en 2012, lors de ce merveilleuxbal, il n’y ait eu qu’un petit tour de valse entre sa

Le FN, le PVV et le Parti du progrèsse retrouvent très clairement

dans l’affirmation d’un sentimentde pureté nationale mis à mal

par le métissage… Principe selonlequel la Nation s’est forgée

autour d’une catégorie spécifiquede citoyens, de race blanche,

porteurs de valeurs et traditionssupposément ancestrales.

fille, Marine, et Martin Graf, négationniste autri-chien ? Qui ne se souvient, par ailleurs, que, dans unevidéo, supprimée depuis du site du FN, lepatriarche suggère de faire une « fournée » avecles artistes qui se déclarent hostiles à son parti.Cette nouvelle sortie d’un homme visiblementgalvanisé par les bons résultats de son mouve-ment aux municipales etaux européennes, a sus-cité des réactions mitigéesdans les rangs de l’ex-trême droite européenne.D’autant qu’elle ne fait ques’ajouter aux nombreuxdérapages verbaux dont ils’est rendu coupable dansle passé, de l’universitéd'été du Cap d'Agde, où iltourna en dérision lepatronyme de MichelDurafour, alors ministrede la Fonction publique etdes Réformes administra-tives, contre lequel ilproféra des injures antisé-mites, à la négation del’existence des chambresà gaz, point de détail del’histoire de la SecondeGuerre mondiale.

Un parti jugé infréquentable. Cette propagandeet la dernière sortie dont le président honoraires’est rendu coupable ont semé le trouble jusquedans les rangs des partis populistes européens.Elles ne sont pas étrangères à l’échec de MarineLe Pen et de sa stratégie de dédiabolisation duniveau européen. Nigel Farage ne s’y est pastrompé, en pointant, au détour d’hune phrase,

les relents antisémites du fondateur du FN et lesrapports pour le moins ambigus que Marine LePen et son parti entretiennent avec les Polonaisdu Congrès de la nouvelle droite (KNP), dont lesthèses révisionnistes et les positions sexistes ethomophobes sèment d’ailleurs le trouble dansles rangs mêmes du PVV de Geert Wilders quiverse, pour sa part, davantage dans l’islamopho-

bie. C’est là le principalenseignement decette séquence poli-tique : le FN est jugéinfréquentable parune majorité d’élusnationalistes. « Le nationalisme et lahaine de l'autre – desarguments dont leFront national use etabuse - ne font pasbon ménage avec letravail parlementaire,surtout dans uneassemblée telle que leParlement européen »,précise la délégationfrançaise « Socialisteet Démocrate », dansun communiqué. Le danger nationalisten’en demeure pas

moins présent, avec le groupe constitué parNigel Farage. Seuls des résultats concrets per-mettront de les mettre sous l’éteignoir. C’est toutl’enjeu du texte « Une nouvelle direction pourl'Europe », adopté par le groupe Socialiste etDémocrate, qui s’est fixé pour objectif de réorien-ter l’Europe. Puisse-t-il y parvenir.

B.T.

Nigel Farage ne s’y est pastrompé, en pointant, au détour

d’hune phrase, les relentsantisémites du fondateur du FN

et les rapports pour le moinsambigus que Marine Le Pen etson parti entretiennent avec les

Polonais du Congrès de lanouvelle droite (KNP), dont les

thèses révisionnistes et lespositions sexistes et homophobessèment d’ailleurs le trouble dans

les rangs du PVV de Geert Wildersqui verse, pour sa part,

davantage dans l’islamophobie.

DÉCRYPTAGE & DÉBATS

Quelle est votre analyse du vote au regarddes scrutins municipaux et européens ?

Ce qui me frappe le plus, c'est à quel pointces deux scrutins marquent une accen-tuation de la crise politique larvée queconnaît le pays. Il y a déjà l'abstention quia, encore une fois, progressé aux munici-pales pour atteindre un nouveau recordhistorique. Il y a ensuite l'affaiblissementnotable de la gauche qui est un autreaspect essentiel de cette séquence électo-rale. Depuis 1978, le camp du PremierMinistre perd systématiquement les élec-tions. A la seule exception de la présiden-tielle de 2007. Mais cette année, la défaite

de la gauche a pris des proportions parti-culières. Déjà, aux municipales, où les élussocialistes étaient pourtant appréciés dansdes villes que l'on pouvait considérercomme des fiefs. Quant aux Européennes,elles se sont caractérisées par un reculsans précédent de la gauche. La troisièmegrande leçon de l'élection, très importante,elle aussi, mais un peu moins commentée,réside dans les mauvais résultats de l'UMP.La victoire aux Municipales était un succèsen « trompe-l'œil », en quelques sortespar forfait de l'électorat de gauche. Il est,de ce point de vue, essentiel de soulignerque l'UMP a réuni moins de suffrages en

Jean-Yves Dormagen est Professeur de Science Politique. Il est,par ailleurs, Directeur du Département de Science Politique de l’UMI CEPEL, à l’Université Montpellier I. Spécialiste de sociologie électorale, il a co-rédigé, avec Céline Braconnier, l’ouvrage « La démocratie de l'abstention »,Gallimard, rééditée en 2013.

2014 qu'en 2008, pourtant un mauvaiscru électoral pour la droite. La conquêtede dizaines de municipalités de gauchea occulté ce fait majeur : l'UMP ne profitepas de la crise de la gauche. Malgré uncontexte qui devrait lui être favorable,elle n'est pas parvenue à élargir ni mêmeà stabiliser sa base électorale. Les Euro-péennes ont permis de le vérifier. C'estlà, peut-être, l'élément le plus importantde cette séquence électorale : la mécaniquede l'alternance gauche/droite qui opéraitcomme une soupape pour l'ensembledu système politique pourrait ne plusfonctionner. C'est cela qui génère la pro-gression de l'abstention et du vote Frontnational. Nous ne sommes plus très éloi-gnés d'une crise de régime.

Pourquoi ?Parce que le sys-tème institutionnelne parvient plus àfaire correspondreles attentes desélecteurs, l'offrepolitique et les po-litiques publiquesmises en œuvre.Et tout cela ne re-lève pas d'un pro-blème de commu-nication ou destyle de leadership,contrairement à ceque certains com-mentaires pour-raient laisser penser. On est, en réalité,face à une crise de type structurel. Larègle la plus importante, dans un systèmepolitique, c'est la loi électorale. C'est ellequi conditionne le système des alliances,l'organisation des partis et la structurede la représentation. Le scrutin majoritaireà deux tours est, selon moi, le facteurinstitutionnel le plus déterminant dufonctionnement de la Ve République. Il aété conçu pour fonctionner dans un sys-tème bipolaire, au sein duquel une grandecoalition de gauche s'oppose à une grandecoalition de droite. Il était parfaitementajusté aux années 1970 où la coalitionréunissant socialistes et communistess'opposait à l'alliance de l'UDF et du RPR.Ces deux coalitions reposaient sur desaccords programmatiques, s'opposaient

sur de grands clivages économiques etsociétaux et, surtout, rassemblaient l'es-sentiel d'un corps électoral, à l'époquetrès mobilisé. L'arrivée de la gauche aupouvoir, en 1981, l'émergence du Frontnational dans les années 1980, la pro-gression de l'extrême gauche dans lesannées 1990 avaient déjà compliqué cecadre. Mais, il tenait encore jusqu'auxannées 2000. La gauche plurielle qui ras-semblait communistes, écologistes et so-cialistes s'inscrivait encore dans cette logique tendanciellement bipolaire, d'au-tant que le FN n'avait pas les capacitésqui sont les siennes, aujourd'hui, de per-turber la mécanique de l'alternancegauche/droite. Même si le 21 avril 2002était, en quelques sortes, une préfiguration

de la crise actuelle. Au-jourd'hui, tout le systèmeest profondément dés-tructuré.

Que voulez-vous direpar là ?Que si l'on se place ducôté de l'offre politique,le système n'est plusvraiment bipolaire. Lagauche a rarement étéaussi divisée. Ce qui de-vrait être considéré pourl'avenir comme plus pro-blématique encore queson faible niveau élec-toral. Car, la logique élec-torale impose le rassem-

blement de la gauche au second tour. Cemême système électoral risque égalementd'inciter une grande partie de l'UMP àdes alliances avec le Front national, si cedernier devient incontournable pour l'em-porter au scrutin majoritaire. Le système institutionnel oblige ainsi àdes alliances entre des forces pourtantéloignées sur le fonds et, à l'inverse, pro-duit une opposition parfois un peu arti-ficielle entre des forces assez largementen accord sur les politiques qui sontconduites. Les clivages traversent enréalité les camps sur lesquels reposenotre système démocratique. Le FN profitede ce désajustement qui donne l'appa-rence de la véracité à sa dénonciationdu système "UMPS".

« Le système institutionnel ne parvient plus à faire

correspondre les attentes desélecteurs, l'offre politique et lespolitiques publiques mises en

œuvre. Et tout cela ne relèvepas d'un problème de

communication ou de style deleadership contrairement à ce

que certains commentairespourraient laisser penser. »

Comment faut-il interpréter le votre pro-FNet la forte poussée de l’abstention dans lesbanlieues et les quartiers populaires ?

Vous avez raison d'employer les termes « banlieues » et « quartiers » au pluriel.Aujourd'hui, les milieux populaires n'ontsans doute jamais été aussi divers. Et, ilssont traversés par toute une série de cli-vages. On doit, a minima, distinguer les"cités" qui se trouvent à la périphérie im-médiate des centre-villes et le périurbain,voire le rurbain, souvent plus éloignés.Pour aller vite, les cités se caractérisentpar une très forte présence d'étrangers etde Français d'origine africaine. C'est unepopulation très abstentionniste qui,lorsqu'elle se mobilise, vote massivementpour la gauche. C'estdans ce type dequartier que Ségo-lène Royal, en 2007,puis François Hol-lande, en 2012, ontréalisé leurs meil-leurs résultats, par-fois jusqu'à 80 % dessuffrages. Lors desderniers scrutins, ony a atteint des tauxd'abstention extrê-mement élevés : par-fois moins de 20 %de participation. Nombre de grandesvilles ont été perduespour quelques cen-taines de voix. Cetteabstention recorddes quartiers popu-laires y a contribué. Le périurbain et lerurbain accueillent plutôt, entre autres,les segments des milieux populaires quise perçoivent comme "Français de souche"et les "petits-moyens". Cette fraction desclasses populaires avait été bien mobiliséepar la candidature Sarkozy, en 2007, et leFN y réalise de très bons scores. Pourcomprendre cette géographie sociopoli-tique, il est important de prendre en comptele processus d'ethnicisation des questionssociales qui affecte, en premier lieu, lesmilieux populaires. Cette ethnicisationprospère sur les ruines de l'ancienne iden-tité de classe. Elle conduit à expliquer dansles catégories de la race ou de l'oppositionFrançais/étrangers tous les problèmes so-

ciaux : les problèmes d'emploi, de logement,de sécurité... De ce point de vue, on a tortde réduire le vote FN à un comportementprotestataire. Il y a malheureusement, aucontraire, une assez forte adéquation entreles catégories qui structurent les percep-tions d'une partie de l'électorat et le discoursde l'extrême droite. Le combat aujourd'huiest bien celui de l'hégémonie culturelle,tout particulièrement, en milieu populaire.

Le FN a montré sa capacité de remporter lesélections européennes, en dépit de l’absten-tion massive des classes populaires. Cela si-gnifie-t-il que ce parti possède des réservesélectorales qui se situent en-dehors de cescatégories ?

C'est une question trèsimportante : quellessont réellement lesbases sociales du phé-nomène frontiste ? Si l'on en croit les son-dages, la réponse se-rait relativement sim-ple : les électeurs duFN seraient principa-lement des jeunes, lesmilieux populaires, lespeu diplômés exer-çant des professionsmanuelles ou faible-m e n t q u a l i fi é e s . Le problème, c'est quel'on a là le profil typede l'abstentionniste,tout particulièrementà des élections commel e s E u r o p é e n n e s .

Jusqu'à présent, l'abstention était d'ailleurs,contrairement à une idée reçue, plutôt dé-favorable au FN : le parti d'extrême droitea toujours fait des scores plus faibles auxEuropéennes qu'à la présidentielle. Faceaux résultats du dernier scrutin, on peutdonc faire deux hypothèses : soit le FN aencore des réserves électorales impor-tantes, soit son électorat est, en réalité,plus composite et diversifié que ne le lais-sent penser les études par sondages. J'airéalisé, il y a un an, une étude un peu ex-périmentale pour mesurer le potentiel duFN pour le compte de la fédération socia-liste de l'Aude. Nous l'avions établi autourde 30 %, soit le résultat obtenu par le FNaux Européennes dans ce département.

« On a tort de réduire le voteFN à un comportement

protestataire. Il y amalheureusement, au

contraire, une assez forteadéquation entre les

catégories qui structurent lesperceptions d'une partie del'électorat et le discours del'extrême droite. Le combat

aujourd'hui est bien celui del'hégémonie culturelle, toutparticulièrement, en milieu

populaire. »

Mais, surtout, cette étude permettait derepérer une forte sous-déclaration de cevote parmi les électeurs les plus âgés.Peut-être s'agit-il d'un phénomène assezsystématique qui conduit à sous-évaluerla force actuelle du FN parmi les retraités? Il faudrait mener d'autres études de cetype pour mieux établir les caractéristiquesde l'électorat frontiste.

Comment expliquer la désaffection grandis-sante des jeunes vis-à-vis de la politique ?

En réalité, cette désaffection n'est pasnouvelle. Depuis que l'on mesure la poli-tisation, on constate que celle-ci augmenteavec l'âge. Les jeunesont toujours été moinspolitisés en moyenneque les 45-75 ans. Cequi est, en revanche,plus inédit, c'est à quelpoint ils s'abstiennentmassivement. Pour unscrutin tel que les mu-nicipales, les 50-64 ansvotent deux fois plusque les 18-24 ans : en-viron 80 % de partici-pation contre 40 %. C'estdonc en premier lieu ladémobilisation de la jeu-nesse qui alimente les records d'absten-tion. Pourtant, les jeunes restent mobili-sables, comme le prouve leur participationélevée lors des deux dernières électionsprésidentielles, y compris la jeunesse desquartiers les plus populaires qui s'étaientremarquablement mobilisée, en 2007.Les jeunes générations sont sans douteencore moins que leurs ainés sensiblesà la norme civique participationniste.Elles sont peu politisées, donc particuliè-rement dépendantes de campagnes trèsclivantes et de forte intensité. Quand iln'y a plus de campagne électorale, toutparticulièrement dans les media, commece fut le cas lors des dernières Euro-péennes, alors il n'y a presque plus dejeunes dans les bureaux de votes, le jourde l'élection. Je voudrais aussi attirer votreattention sur un facteur moins connu,mais assez décisif : celui de la mal-ins-cription. Les jeunes sont particulièrementmobiles. Ils déménagent fréquemmentpour leurs études, pour trouver un emploi...Or, nombre d'entre eux basculent dans

la mal-inscription. Ils restent inscrits àleur ancienne adresse ou chez leurs pa-rents pendant de nombreuses années.Pour voter, il leur faut soit produire uneprocuration, soit accomplir un déplace-ment qui peut être important. Selon noscalculs, 31 % des 25-34 ans sont ainsimal-inscrits. C'est là un facteur détermi-nant d'abstention, surtout pour des scru-tins locaux ou des Européennes. Cetteabstention de la jeunesse n'est pas sansconséquence sur les rapports de forcespolitiques. Si l'on veut favoriser le retourde la jeunesse vers les urnes, il faudraréformer en profondeur une procédure

d'inscription deve-nue anachroniquedans une sociétéaussi mobile quela nôtre.

L’abstention est-elle un dangerpour la démo-cratie ?Tout dépend com-ment on conçoit ladémocratie. Desuniversitaires amé-ricains sont allésjusqu'à théoriser

que l'abstention était un indicateur debonne santé démocratique. Elle mani-festerait l'absence de passions électorales,la réduction des clivages et serait ainsil'expression d'une sorte de consensusau sein d'une société apaisée. Bien évi-demment, on peut développer de toutesautres interprétations de l'abstention. Onpeut voir dans ce phénomène, aucontraire, une incapacité de la politiqueà satisfaire les demandes du corps élec-toral. Au-delà de ces débats largementidéologiques, il parait difficile de contesterque l'abstention obéit à de puissants dé-terminismes sociaux. Elle repose princi-palement sur l'auto-exclusion des plusjeunes, des moins diplômés et globale-ment des milieux populaires. Cela estvrai en France comme aux Etats-Unis. La démocratie de l'abstention qui se meten place sous nos yeux est donc une dé-mocratie dans laquelle le corps électoralest nettement plus âgé, plus diplômé etplus souvent composé de membres descouches moyennes et supérieures que

« Les jeunes générations sontsans doute encore moins que

leurs ainés sensibles à lanorme civique

participationniste. Elles sontpeu politisées, donc

particulièrement dépendantesde campagnes très clivantes

et de forte intensité. »

la population dans son ensemble. Or, iln'est pas irréaliste de considérer que lacomposition du corps électoral influe surles programmes présentés aux électeurset, dans une certaine mesure, aussi surles politiques publiques qui sont jugéesprioritaires. Dans cette perspective, l'abs-tention est peut-être moins un enjeu pourla démocratie comme institution formelleque comme politique publique substan-tielle.

L'abstention a-t-elle des conséquences di-rectes sur les rapports de forces politiques ?

Ce que l'on appelle l'abstention différentielle,c'est-à-dire l'iné-gale participationselon les préfé-rences politiques,est encore assezmal connue. Mais,tout parait indi-quer qu'elle a étéd é t e r m i n a n t edans la dérouteélectorale de lagauche, et toutparticulièrementdu Parti socialiste,cette année. Nom-bre d'électeurs deFrançois Hollande n'ont pas changé leurvote pour un candidat de droite ou duFN, mais se sont, en revanche, abstenus.Des études par sondages indiquent quele différentiel de participation entre lesélecteurs de gauche et de droite pourraitavoir été de 10 points. C'est évidemmentconsidérable. De même, lorsqu'on observela carte électorale, l'on s'aperçoit que cesont les villes et les quartiers où FrançoisHollande avait réalisé ses meilleurs ré-sultats qui se sont le plus démobilisés.Tout cela confirme à quel point une électionse joue d'abord et avant tout dans la ca-pacité à mobiliser son propre camp.

La reconnaissance du vote blanc peut-ellecontribuer à ramener les abstentionnistesvers les urnes ?

Non, je ne le pense pas. Cette réforme meparait assez anecdotique. Si l'on voulaitvraiment reconnaître le vote blanc, il fau-drait le comptabiliser avec les exprimés.J'avoue ne pas très bien comprendre ce

que le fait de distinguer "blancs" et "nuls"modifie substantiellement. La réforme re-pose même sur une sorte de contre-sens: croire que les blancs exprimeraient unrefus de l'offre électoral, tandis que les"nuls" seraient le résultat d'une erreurtechnique commise par l'électeur. Qui-conque a assisté à des dépouillementssait que c'est tout le contraire. Les bulletinsnuls contiennent très souvent des mes-sages politiques. Souvent, ils exprimentdu mécontentement, voire de la colère.Paradoxalement, cette réforme va conduireà sous-évaluer cette part de colère quis'exprime, via les votes dits "nuls".

Comment est-il possi-ble de relancer l’inté-rêt de nos concitoyensà la chose politique ?Quelles sont les pistesà explorer ?La France est en état dedépression électorale etpolitique. Quarante ansde routinisation de l'al-ternance ont puissam-ment désenchanté le rap-port à la politique. Lesmajorités changent sys-tématiquement, mais les

citoyens ont l'impression que les politiquespubliques restent identiques. L'écart devientainsi toujours plus problématique entrela mise en scène de la représentation po-litique - tout particulièrement durant lescampagnes électorales - et les politiquesconduites au lendemain des élections. Regardez ce qui s'est passé en 2012 : pourla première fois, aucun "état de grâce" n'aaccompagné l'élection du Président. Il y acomme une sorte d'épuisement du modèlesur lequel repose notre système démo-cratique.

Propos recueillis par B.T.

« 31 % des 25-34 ans sontmal-inscrits. C'est là un facteur

déterminant d'abstention,surtout pour des scrutins

locaux ou des Européennes.Cette abstention de la

jeunesse n'est pas sansconséquence sur les rapports

de forces politiques. »

UMP : le choc des rivalitésLa double offensive de François Fillon mérite deretenir l’attention. Elle illustre l’état des ran-coeurs et la violence des interpellations, au seinde l’UMP. Elle confirme un climat délétère oùtous les coups sont désormais permis. Eninterne, et d’un point de vue tactique, l’ex-Pre-mier ministre de Nicolas Sarkozy a décidéd’exploiter à fond le registre de la morale enpolitique, contre son ancien patron et ses amis,empêtrés dans les démêlés des comptes decampagne. Il veut en découdre avec lui, coûteque coûte, ne serait-ce que pour se venger dutraitement dont il prétend avoir été victime, de2007 à 2012.

Une tentative de passage en force. Sadémarche vise aussi à instruire le procès enrègle de Jean-François Copé, qu’il accuse tou-jours de « lui avoir volé » la victoire lors duCongrès très controversé de novembre 2012. François Fillon estime àtort ou à raison, qu’il anon seulement un ave-nir, mais aussi undestin politique, et quel’heure est venue pourlui de s’émanciper detous ceux qui l’ontbridé jusqu’ici, et aupremier chef, de Nico-las Sarkozy. Pour sepositionner, dans laperspective du congrèsde novembre prochain,dont le résultat restetrès aléatoire, mais aussi de l’élection présiden-tielle de 2017, et donc des primaires de 2016,auxquelles il est plus que jamais candidat, ilsemble prêt à faire flèche de tout bois quitte àenfourcher le discours de l’ultra-libéralismeéconomique le plus rétrograde.

Pour des raisons de fond ou de posture -sansdoute les deux -, François Fillon propose, eneffet, un programme économique digne de ladeuxième moitié du dix-neuvième siècle. Ilannonce la fin du Code du travail et des 35heures, oubliant au passage que la durée heb-domadaire moyenne pour un temps plein,aujourd’hui, est de 38 heures et qu’une tellemesure conduirait à la déflation salariale dignedes décrets lois de 1934. Il feint d’ignorer égale-

ment que la productivité du salarié françaisreste l’une des meilleures du monde.Il prévoit aussi 50 milliards d’économies dansles dépenses publiques sur un an, au risque deprovoquer la récession et de générer l’effondre-ment des commandes publiques, et donc, del’activité économique.Il justifie la suppression de l’ISF au nom de lalutte contre l’évasion fiscale, au lieu d’envisager,comme devrait le faire un homme d’Etat, derenforcer les moyens de lutte contre cette plaiesociale et politique que représentent la fraudeet l’évasion fiscale. Il accentue, d’ailleurs, le rai-sonnement, en prônant la réforme des droits demutation dans le sens d’un creusementassumé de l’inégalité des chances, sans parlerde l’inégalité des droits.Il confirme la volonté d’instaurer à marche for-cée une TVA dite « sociale », en recommandant,pour commencer, une hausse de 3 points du

taux normal de TVA, soitenviron 33 milliardssupplémentaires, pourmieux financer la baissedes cotisations socialespatronales, organiser le démantèlement duSMIC et diminuer l’im-pôt sur les sociétés,sans aucune contrepar-tie.

Pour François Fillon, il faut « libérer » les plus fortunés « des

contraintes fiscales » Il convient aussi de creu-ser toujours davantage les inégalités depatrimoines qui constituent, pourtant, d’ores etdéjà, la principale injustice dans ce pays.Il s’inscrit, enfin, dans une démarche de ruptureavec toute logique de dialogue social et denégociation collective. Dans le programme deMonsieur Fillon, il n’y a pas de place pour l’exer-cice intelligent de la démocratie sociale. Il plaidemême délibérément pour un processus de « heurts » avec les Français. Il tend à confondreconfrontation démocratique et guerre civile.

Ce discours contredit en partie les orientationssuivies lorsqu’il était le Premier ministre deNicolas Sarkozy. Il n’est même plus en phaseavec celui du PPE, en Europe. Il porte le choix de

Pour des raisons de fond ou deposture - sans doute les deux -,

François Fillon propose unprogramme économique digne

de la deuxième moitié du dix-neuvième siècle.

la déflation salariale et de l’inégalité sociale,comme matrice de la lutte « contre le déclin ». Il fait du monde du travail la variable d’ajuste-ment d’options qui servent exclusivementl’économie financière contre la production, larente au détriment du monde du travail.

L’abandon de toute référence « travailliste ».En fait, François Fillon tente de profiter d’unecrise industrielle réelle qu’il a lui-même large-ment contribué à générer pendant près d’unedécennie à la tête de l’Etat, pour liquider toutesles conquêtes sociales qui ont fait l’exceptionfrançaise et la force de notre pacte républicaindepuis 1945.Il n’a pas seulement un discours de « notaire deprovince », comme le luireproche Nicolas Sar-kozy. Il s’exprime en faitcomme un liquidateurde ce qui a fait l’attracti-vité économique etsociale du pays depuisle CNR. Il programme « un Munich social »que dénonçait pourtantavec justesse, sonancien mentor, PhilippeSeguin. Il est vrai queFrançois Fillon sembledésormais plus prochedes thèses exprimées par « la droite forte » quede celles du gaullisme « social et participatif ».

Une crise multidimensionnelle. Tout celaexprime aussi la difficulté de l’UMP à rebondiraprès le double séisme de mai dernier. Le trium-virat issu de ce collapsus reste ouvertementcontesté par les amis de Nicolas Sarkozy. Enoutre, ce trio se contredit déjà, y compris auregard de la préparation des primaires ou de laligne économique et sociale à suivre.Les conséquences des aveux en direct du direc-teur de cabinet de Jean-François Copécontinuent de produire et d’amplifier desdégâts. Le feuilleton politico-judiciaire se nourritpresque chaque jour, dans un contexte dedéfiance voire de décomposition. La décision du Conseil constitutionnel de juillet2013 visant à ne pas valider les comptes decampagne de Nicolas Sarkozy apparaît,aujourd’hui, comme opportune et salutaire. Enrevanche, l’épisode du « Sarkothon » qui s’en estsuivi, suscite rétrospectivement critiques, iro-nies, polémiques acerbes chez la majorité des

dirigeants de l’UMP, les élus de cette formationet, surtout, chez les militants et les sympathi-sants qui ont contribué au renflouement, debonne foi. A telle enseigne que des parlemen-taires, anciens ministres comme XavierBertrand, ou Bernard Debré attaquent nommé-ment l’ancien Chef de l’Etat pour sa duplicité.

Les liens entre la société de communicationvisée et la galaxie d’entreprises de production sedévoilent quotidiennement, au fur et à mesuredes investigations et des publications. Ils créentmanifestement un trouble au sein de l’ensem-ble de la droite, qui ne peut se reconnaître dansun tel contexte. D’autant que ceux-ci semblentau cœur des astuces et artifices pour organiser

le large dépassementdes comptes de cam-pagne présidentielle de2012. Tous ces compor-tements montrent unecontradict ion récur-r e n t e e n t r e l e spratiques de l’ancienChef de l’Etat et l’Etat dedroit.Les ramifications avecla gestion du groupeparlementaire confir-ment la déliquescenced’un système à bout de

souffle. La détermination de François Fillon etde ses amis sur le terrain de la morale et de lagestion transparente des comptes, trouve làson explication, et son prétexte.

Sortir de la facilité. L’UMP ne pourra doncéchapper plus longtemps à une triple clarifica-tion à propos de sa gestion courante, de lanature et de la forme de la dernière campagneprésidentielle, et de sa dette exorbitante. Sans cette clarification préalable, le congrès del’automne prochain risque de générer de nou-veaux imbroglios. Comment, en effet, sansavoir réglé ce préalable, définir un ordre debataille précis, organiser un calendrier des pri-maires, préparer l’élection d’un nouveauprésident et de nouvelles équipes ?Comment expliciter un projet européen, et donc,choisir entre les thèses de Laurent Wauquiez,d’Alain Juppé ou de François Fillon ? Comment préciser la stratégie d’alliance et évi-ter ainsi la poursuite d’une dévitalisation del’UMP par le FN ? D’autant que la nature et lestermes d’un rapprochement avec un centre

François Fillon tente de profiterd’une crise industrielle réellequ’il a lui-même largement

contribué à générer pendantprès d’une décennie à la tête del’Etat, pour liquider toutes les

conquêtes sociales qui ont faitl’exception française et la force

de notre pacte républicaindepuis 1945.

droit, lui-même divisé, sont loin d’être acquis. Ils’agit, pourtant, d’un sujet crucial dans la nou-velle configuration politique tripartite.

Enfin, il faut que l’UMP précise sa ligne écono-mique, financière et sociale. L’hymne aunéo-libéralisme et à la déflation ne réglera rien.Il peut même aggraver le chômage et, surtout,l’ampleur de la dette, comme les exemplesgrecs, espagnols ou portugais l’ont montré.Sur ce chapitre, l’UMP a besoin d’une vraie curede désintoxication, ainsi que de courage et de

lucidité. Cela passe par la sortie d’un « copié-collé », à mi-chemin entre les errances dutea-party et les impasses d’un thatchérismed’une autre époque.Il est temps pour le parti de droite, de rompreavec les facilités pratiques et idéologiques, pourtenter de redevenir à la fois un parti d’alter-nance et de gouvernement, et ainsi essayerd’échapper au risque de la décomposition.

M.B.