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Page 1 sur 41 RELATIVEMENT à la Loi sur les assurances, L.R.O. 1990, chap. I.8, en sa version modifiée RELATIVEMENT à la Loi de 1991 sur l’arbitrage, L.O. 1991, chap. 17, en sa version modifiée ET RELATIVEMENT à un arbitrage ENTRE : SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DE L’ONTARIO REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DES FINANCES (« FONDS D’INDEMNISATION DES VICTIMES D’ACCIDENTS DE VÉHICULES AUTOMOBILES ») demanderesse et AXA ASSURANCE (CANADA) COMPAGNIE D’ASSURANCE ELITE ET INTACT COMPAGNIE D’ASSURANCE défenderesses SENTENCE ARBITRALE Avocats : Marie Sydney, pour la demanderesse Sa Majesté la Reine du chef de l’Ontario Modupe Egunjobi, pour la défenderesse la Compagnie d’Assurance Elite Mark S. Wilson, pour la défenderesse AXA Assurance (Canada) SCOTT W. DENSEM, ARBITRE

RELATIVEMENT à la Loi sur les assurances, L.R.O. 1990 ...€¦ · La seconde période de six mois couverte par la police délivrée à l’ auteur de la réclamation par Elite expirait

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RELATIVEMENT à la Loi sur les assurances, L.R.O. 1990, chap. I.8, en sa version modifiée

RELATIVEMENT à la Loi de 1991 sur l’arbitrage, L.O. 1991, chap. 17, en sa version modifiée

ET RELATIVEMENT à un arbitrage

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DE L’ONTARIO REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DES FINANCES

(« FONDS D’INDEMNISATION DES VICTIMES D’ACCIDENTS DE VÉHICULES AUTOMOBILES »)

demanderesse

et

AXA ASSURANCE (CANADA) COMPAGNIE D’ASSURANCE ELITE ET INTACT COMPAGNIE D’ASSURANCE

défenderesses

SENTENCE ARBITRALE

Avocats :

Marie Sydney, pour la demanderesse Sa Majesté la Reine du chef de l’Ontario

Modupe Egunjobi, pour la défenderesse la Compagnie d’Assurance Elite

Mark S. Wilson, pour la défenderesse AXA Assurance (Canada)

SCOTT W. DENSEM, ARBITRE

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Introduction1

Le présent arbitrage concerne un accident de véhicule automobile survenu le

29 décembre 2011. Arpad Vadasz (l’« auteur de la réclamation ») occupait la place du passager

dans un véhicule appartenant à son amie, Lucia Martins. Il en est sorti pour réserver un espace de

stationnement pour Mme Martins et il a été frappé par un véhicule non identifié.

L’auteur de la réclamation s’est adressé à la demanderesse (SMR) pour obtenir des

indemnités d’accident légales (« IAL »). Cette dernière a traité la demande et délivré un avis de

litige entre assureurs (« ALEA ») aux défenderesses AXA Assurance (Canada) (« AXA ») et la

Compagnie d’assurance Elite (« Elite »), affirmant que le versement des IAL revenait en priorité

à l’une ou l’autre.

La rapidité de la signification des ALEA et la date du début de l’arbitrage ne font pas débat.

La présente sentence arbitrale concerne la question préliminaire de savoir si la police

d’Elite était en vigueur au moment de l’accident. Si Elite était partie à une police d’assurance de

responsabilité automobile valide et en vigueur au moment de l’accident, les parties conviennent

que cette dernière est l’assureur prioritaire aux termes de l’article 268 de la Loi sur les assurances2.

Dans le cas contraire, d’autres procédures d’arbitrage seront nécessaires pour déterminer si AXA

doit répondre à la réclamation de l’auteur concernant les IAL en vertu d’une police d’assurance de

responsabilité automobile qu’elle avait délivrée à son amie, Lucia Martins.

1 Cette introduction est basée sur les faits spécifiquement convenus entre les parties en vue de trancher la question préliminaire, ou qui ne sont pas contestés. 2 L.R.O. 1990, chap. I.8, en sa version modifiée.

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Si AXA doit répondre à la réclamation de l’auteur au titre de la police susmentionnée, elle

aura priorité sur SMR pour ce qui est de la demande d’IAL. Dans le cas contraire, SMR conservera

la responsabilité du paiement de ces indemnités à titre de payeur de dernier recours.

Les questions à trancher

Les questions à trancher sont formulées dans la convention arbitrale3 des parties signée en

plusieurs exemplaires les 17 avril (AXA), 20 avril (Elite) et 23 avril 2015 (SMR). Les voici

résumées :

1) Elite est-elle l’assureur prioritaire tenu de répondre à la réclamation de l’auteur concernant les

IAL liées à un accident survenu le 29 décembre 2011?

2) AXA est-elle l’assureur prioritaire tenu de répondre à la réclamation de l’auteur concernant les

IAL liées à l’accident du 29 décembre 2011 au titre d’une police d’assurance de responsabilité

automobile délivrée à Lucia Martins?

3) Le cas échéant, quel montant SMR est-elle en droit de se faire rembourser par Elite ou AXA

pour les IAL et frais/coûts de rajustement versés à l’auteur de la réclamation ou en son nom?

4) Quelle(s) partie(s) doit(vent) assumer les dépens de l’arbitrage et à raison de quel montant?

La preuve

La question préliminaire a été examinée sur la base d’un exposé conjoint des faits, de

plusieurs documents versés en preuve dans le cadre d’un mémoire conjoint, et des observations

des parties. Les documents suivants ont été versés en pièces :

3 Pièce 1.

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1) convention arbitrale (telle que décrite précédemment);

2) mémoire conjoint (onglets A, 1-15).

Analyse

La première question à résoudre pour déterminer si Elite était partie à une police valide en

vigueur au moment de l’accident est de savoir si cette dernière s’est conformée aux exigences des

articles 236, 237 et 238 de la Loi sur les assurances en notifiant à l’auteur de la réclamation qu’elle

n’avait pas l’intention de renouveler la police qu’elle lui avait délivrée.

La seconde question est la suivante : si Elite ne s’est pas conformée aux dispositions

susmentionnées de la Loi sur les assurances en ce qui regarde la notification de son intention de

ne pas renouveler la police, celle-ci était-elle encore valide à la date de l’accident, soit le

29 décembre 2011?

J’exposerai à présent les faits que j’estime pertinents aux questions à trancher, tels qu’ils

émanent de la preuve contenue dans le mémoire conjoint4.

Le 10 septembre 2009, l’auteur de la réclamation a présenté à Elite une demande de police

d’assurance de responsabilité automobile à l’égard d’un véhicule Chevrolet Venture 2001 lui

appartenant. Il l’a fait par le biais d’un courtier d’Elite, KTX Insurance Solutions (« KTX »).

Le 11 septembre 2009, Elite a établi une police d’assurance de responsabilité automobile

au profit de l’auteur de la réclamation pour une durée de six mois, soit du 20 septembre 2009 au

20 mars 2010.

4 Sauf indication contraire, les faits énumérés dans les paragraphes suivants sont issus de l’exposé conjoint des faits des parties, versé en pièce 2, onglet A. Comme je l’ai déjà noté, cet exposé conjoint a été établi afin de trancher la question préliminaire, qui est l’objet de la présente sentence arbitrale.

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L’auteur de la réclamation s’est vu délivrer une police « Autograph » au titre d’un

programme pilote mis en application par Elite jusqu’en 2011. En résumé, cette police obligeait

l’assuré à installer dans son véhicule un dispositif permettant d’enregistrer des informations sur

son comportement au volant (le « dispositif Autograph »). Il suffisait à l’assuré d’installer le

dispositif Autograph pour bénéficier d’un rabais sur sa prime d’assurance. Suivant les informations

obtenues sur ses habitudes de conduite, l’assuré pouvait obtenir d’autres rabais.

Au moment où la police Elite lui a été délivrée, l’auteur de la réclamation a reçu un

document intitulé [TRADUCTION] « Avis concernant la nouvelle police », qui en expliquait les

conditions, les modalités et les avantages. L’assuré – en l’occurrence l’auteur de la réclamation –

devait compléter un processus d’inscription en ligne, après quoi le dispositif Autograph lui serait

envoyé. Lors de son interrogatoire sous serment (« ISS »), l’auteur de la réclamation a indiqué

qu’après avoir reçu l’avis concernant la nouvelle police, il savait qu’il devait s’inscrire en ligne

pour obtenir le dispositif Autograph.

Le 10 février 2010, Elite a renouvelé la police pour six mois de plus, soit du 20 mars au

20 septembre 2010.

Le 10 mars 2010, l’auteur de la réclamation a téléphoné à Elite parce qu’il n’avait toujours

pas reçu le dispositif Autograph. Il a été informé qu’il ne s’était pas encore inscrit et qu’il devait

le faire avant le 20 mars 2010 pour recevoir le dispositif et prendre part au programme, sans quoi

Elite résilierait sa police en septembre 2010.

Le 19 mars 2010, Elite a contacté l’auteur de la réclamation par téléphone. Ce dernier a

demandé encore une fois pourquoi il n’avait pas reçu le dispositif Autograph. Le représentant

d’Elite lui a proposé de lui passer le service de soutien technique, mais il a refusé. Le représentant

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lui a aussi fourni le numéro de téléphone de KTX, et offert de le mettre en communication avec

un courtier afin qu’il puisse demander une autre police.

Elite a envoyé à l’auteur de la réclamation une lettre recommandée datée du 12 août 2010

indiquant notamment :

[TRADUCTION] […] à partir du 20 septembre 2010 à 00 h 01, nous ne pourrons plus

assurer le ou les véhicules susmentionnés, et ce pour le ou les motifs suivants :

Motif : Règle 56

L’assuré/le demandeur désigné ne s’est pas inscrit en ligne afin de recevoir le

dispositif Autograph de transmission des données au cours des 2 périodes précédentes

(12 mois).

La lettre informait l’auteur de la réclamation qu’il devait contacter KTX s’il souhaitait

obtenir des renseignements supplémentaires ou un devis pour un autre type de police. Le numéro

de téléphone de KTX était indiqué dans la lettre.

La lettre recommandée a été reçue par l’auteur de la réclamation le 18 août 2010. Ce

dernier a reconnu durant son ISS que la signature figurant sur le reçu du bureau de poste concernant

cette lettre était la sienne. D’autres informations fournies durant son ISS ont confirmé qu’il a reçu

une lettre5. Il n’est pas contesté en l’espèce que cette lettre d’avis lui est parvenue.

La seconde période de six mois couverte par la police délivrée à l’auteur de la réclamation

par Elite expirait le 20 septembre 2010. À cette date, ce dernier n’avait pas complété le processus

d’inscription requis pour recevoir le dispositif Autograph. En fait, il ne l’a jamais fait.

5 Voir la pièce 2, onglet 14, page 83, p. 91-92.

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L’auteur de la réclamation a contacté Elite le 21 septembre 2010 pour faire savoir qu’il

n’avait pas reçu le dispositif Autograph. Le représentant d’Elite l’a informé qu’il ne s’était pas

inscrit en ligne pour recevoir le dispositif en question et que sa police était résiliée depuis le

20 septembre 2010. L’auteur de la réclamation a été mis en relation avec KTX afin d’obtenir une

autre police d’assurance.

L’auteur de la réclamation n’a pas souscrit une autre police d’assurance de responsabilité

automobile chez Elite. Autour du 23 septembre 2010, il en a obtenu une chez AXA pour sa

Chevrolet Venture 2001. Il l’a résiliée peu après.

L’accident ayant donné lieu à la réclamation de l’auteur concernant les IAL est survenu le

29 décembre 2011, quinze mois environ après ses derniers contacts avec Elite et/ou KTX. Elite ne

lui a pas envoyé d’autre avis écrit l’informant que sa police ne serait pas renouvelée après le

20 septembre 2010, hormis la lettre recommandée du 12 août précédent.

SMR fait valoir que la lettre d’avis du 12 août 2010 envoyée par Elite ne constituait pas un

avis valide de non-renouvellement, car elle ne remplit pas les exigences des articles 236 et 238 de

la Loi sur les assurances. SMR soutient spécifiquement que l’avis d’Elite est invalide parce qu’il

ne satisfait pas au paragraphe 236(3) et à l’article 238 en ce que la raison fournie ne constituait pas

un motif valide de non-renouvellement déposé auprès du surintendant à la date dudit avis.

Les parties pertinentes de l’article 236 prévoient :

236. (1) Avis d’expiration ou de modification – Si l’assureur n’a pas l’intention

de renouveler un contrat ou s’il propose de renouveler un contrat, mais d’en modifier les

conditions :

a) l’assureur donne à l’assuré nommément désigné un avis écrit d’au

moins trente jours l’informant de son intention ou de sa proposition;

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b) l’assureur donne au courtier, le cas échéant, avec lequel il a négocié le

contrat, un avis écrit d’au moins quarante-cinq jours l’informant de son intention ou de sa

proposition.

(2) Idem – Sous réserve du paragraphe (4), le courtier qui a reçu l’avis de

l’assureur aux termes de l’alinéa (1) b) donne à l’assuré nommément désigné dans le

contrat un avis écrit d’au moins trente jours l’informant de l’intention ou de la proposition

de l’assureur.

(3) Avis motivé – L’avis donné aux termes des paragraphes (1) et (2) énonce les

motifs de l’intention ou de la proposition de l’assureur.

(4) Exception – Le courtier qui, avant d’être tenu d’aviser l’assuré nommément

désigné aux termes du paragraphe (2), négocie avec un autre assureur un contrat de

remplacement dont les conditions sont sensiblement identiques à celles du contrat qui

arrive à expiration est dispensé d’aviser l’assuré aux termes du paragraphe (2).

(5) Validité du contrat – Les contrats d’assurance demeurent en vigueur tant que

les paragraphes (1), (2) et (3) sont observés.

Les parties pertinentes de l’article 238 prévoient :

238. (1) Motifs de résiliation – L’assureur ne peut refuser d’établir ou de

renouveler un contrat, ni le résilier, ni refuser d’offrir ou de maintenir une couverture ou

un avenant que pour un motif dont il dépose l’exposé auprès du surintendant aux termes

du présent article.

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La société mère d’Elite, la compagnie d’assurance Aviva Canada, a déposé auprès du

surintendant des règles de refus6, dont je reproduis ici les parties pertinentes :

[Traduction]

MOTIFS DE REFUS

[…] Remarque :

Si le client n’est pas admissible au programme Autograph, pour l’un des motifs

décrits ci-après, une protection lui sera offerte par un autre membre du groupe

Aviva, à condition qu’il satisfasse aux exigences d’admissibilité et que le courtier

qui fait la demande d’assurance conclue un contrat valide avec un autre membre

du groupe Aviva.

L’assureur refusera de délivrer, résiliera, ou refusera de renouveler un contrat dans

les circonstances suivantes : […]

54. L’assureur suspend, pour quelque raison, le programme Autograph, après avoir

obtenu l’autorisation de la Commission des services financiers de l’Ontario.

55. La période couverte par la police d’assurance n’est pas de six mois.

56. L’assuré/le demandeur désigné ne s’est pas inscrit en ligne afin de recevoir le

dispositif Autograph de transmission des données au cours des 2 périodes

précédentes (12 mois).

SMR ne fait pas valoir que le motif précisé dans la règle de refus était invalide parce

qu’Elite ne l’a pas déposé auprès du surintendant, ou parce que le second a notifié à la première

qu’elle ne pouvait pas l’invoquer7. SMR soutient plutôt que les faits requis pour valider le motif

n’existaient pas encore le 12 août 2010, date à laquelle l’avis a été transmis.

6 Pièce 2, onglet 7. 7Voir les paragraphes 238(4) à 238(13) concernant les conditions dans lesquelles le surintendant peut interdire à l’assureur d’invoquer un certain motif, et la procédure à suivre au cas où ce dernier conteste cette interdiction. Pour les motifs exposés dans le corps de cette sentence arbitrale, ces dispositions ne sont pas pertinentes aux questions à trancher en l’espèce.

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SMR affirme que la règle de refus 56 invoquée par Elite dans son avis de non-

renouvellement exige qu’au moins deux périodes couvertes par la police de l’auteur de la

réclamation se soient écoulées sans qu’il ne se soit inscrit en ligne pour obtenir le dispositif

Autograph. SMR affirme que l’avis du 12 août 2010 fondé sur la règle de refus 56 était prématuré

puisque deux périodes entières ne s’étaient pas encore écoulées. L’auteur de la réclamation aurait

pu s’inscrire afin de recevoir le dispositif Autograph avant l’expiration de la deuxième période le

20 septembre 2010, et Elite n’aurait eu alors aucun motif valide de ne pas renouveler sa police.

SMR avance que les conséquences de l’invalidité de l’avis de non-renouvellement du

12 août 2010 envoyé par Elite sont énoncées au paragraphe 236(5). La police de l’auteur de la

réclamation a été automatiquement renouvelée le 20 septembre 2010 et la protection accordée par

cette police restait pleinement en vigueur jusqu’à ce qu’Elite lui ait envoyé un avis de non-

renouvellement valide. Comme elle ne l’a pas fait avant l’accident du 29 décembre 2011, ni après

d’ailleurs, la police était encore en vigueur à cette date, ce qui fait d’Elite l’assureur prioritaire.

AXA appuie l’argument avancé par SMR et soutient en outre qu’Elite ne devrait pas être

autorisée à invoquer la règle de refus 56 comme motif valide de non-renouvellement, celle-ci

n’étant pas conforme aux Notes techniques pour les règles de souscription de l’assurance

automobile (les « notes techniques ») dans lesquelles la CSFO expose rapidement les questions

que les assureurs doivent prendre en compte pour élaborer des règles de souscription.

Spécifiquement, AXA fait valoir que la règle de refus 56 contrevient à la note technique 3 aux

termes de laquelle les règles de refus ne doivent pas être formulées en termes vagues et compliqués

pouvant donner lieu à diverses interprétations. Je n’entrerai pas dans les détails de l’argument

d’AXA quant à la raison pour laquelle la règle de refus 56 n’est pas conforme aux notes techniques

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de la CSFO liées aux règles de refus, car j’estime, eu égard à l’exposé conjoint des faits soumis

par les parties, que l’argument est théorique.

Le paragraphe 10 de l’exposé conjoint des faits indique :

[TRADUCTION] 10. La règle 56 était un motif valide de refus déposé auprès de la

Commission des services financiers de l’Ontario (CSFO) au moment de l’envoi de la lettre

recommandée. Si la règle trouvait à s’appliquer, Elite avait le droit de refuser de délivrer,

de résilier ou de refuser de renouveler une police.

À mon avis, ce fait admis confirme que les parties reconnaissent que la règle de refus 56

était un motif valide déposé auprès du surintendant, conformément à l’article 238. Le

paragraphe 238(4.1) autorise l’assureur à invoquer un motif déposé auprès du surintendant dans

les 30 jours du dépôt à moins que ce dernier ne lui notifie l’interdiction de le faire. Je ne dispose

d’aucune preuve établissant que le surintendant ait notifié à Elite l’interdiction d’invoquer la règle

de refus 56 parce qu’elle n’était pas conforme aux notes techniques, ou pour quelque autre raison.

Par conséquent, j’estime que l’argument selon lequel la règle de refus 56 ne peut être

invoquée comme motif valide pour refuser de renouveler la politique parce qu’elle n’était pas

conforme aux notes techniques, est dénué de fondement.

Elite fait valoir que l’avis du 12 août 2010 était valide parce qu’il servait l’objectif visé par

les articles 236 et 238. Elle invoque les principes d’interprétation statutaire, et soutient que ces

dispositions doivent être interprétées à la lumière de leur objet, et de l’intention du corps législatif

qui les a incorporées à la Loi sur les assurances.

L’article 236 entend permettre à l’assuré d’obtenir un autre type d’assurance lorsque son

assureur l’informe qu’il ne renouvellera pas sa police à l’expiration de la période actuelle, ou qu’il

a l’intention de la renouveler, mais à d’autres conditions. En prévoyant la signification à l’assuré

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d’un avis de 30 jours (si l’assureur le lui adresse directement), ou de 45 jours s’il est adressé au

courtier d’assurances, qui doit alors le notifier à l’assuré – à moins que le courtier n’établisse une

autre police, l’article 236 accorde à l’assuré assez de temps pour prendre d’autres dispositions afin

de continuer à bénéficier d’une assurance.

L’article 238 vise à protéger l’assuré contre l’assureur qui refuserait de renouveler sa police

pour des motifs n’ayant pas été approuvés par le surintendant des assurances, de manière à ce que

les motifs de refus soient valables et non inappropriés ou arbitraires.

D’après Elite, au regard des faits présents, les deux objectifs législatifs ont été atteints. Il

ressort clairement de l’exposé conjoint des faits et de la déposition fournie par l’auteur de la

réclamation dans le cadre de son ISS qu’il savait très bien qu’Elite avait résilié sa police ou ne

l’avait pas renouvelée après le 20 septembre 2010, et qu’il a pris des mesures pour changer de

protection en souscrivant une autre police chez AXA. Les parties reconnaissent que le motif

invoqué par Elite pour refuser de renouveler la police de l’auteur de la réclamation était valide

dans la mesure où il a été déposé auprès du surintendant, sans que celui-ci ne l’interdise. L’auteur

de la réclamation savait pourquoi sa police ne serait pas renouvelée. Il avait la possibilité d’obtenir

un autre type d’assurance auprès d’une compagnie affiliée à Aviva, mais il a décidé de s’adresser

à un autre assureur, et n’a pas poursuivi sa relation contractuelle avec Elite.

Subsidiairement, Elite soutient que même si l’avis du 12 août 2010 n’était pas

techniquement conforme aux exigences de la règle de refus 56 parce que deux périodes de

couverture ne s’étaient pas encore écoulées lorsque l’avis a été envoyé, la relation contractuelle

entre l’auteur de la réclamation et elle-même avait pris fin bien avant l’accident du

29 décembre 2011.

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Elite prétend qu’au mieux, si son avis de non-renouvellement du 12 août 2010 était

invalide, la police de l’auteur de la réclamation aurait été renouvelée automatiquement pour une

autre période de six mois, ou sans doute jusqu’à ce que celui-ci signifie clairement, comme Elite,

son intention de mettre fin à leur relation contractuelle en obtenant une assurance pour le même

véhicule auprès d’un autre assureur – AXA.

Dans ses observations écrites, Elite affirme en outre que toute relation contractuelle entre

elle et l’auteur de la réclamation ayant trait à la police Autograph qu’elle lui a initialement accordée

aurait pris fin au plus tard en juillet 2011, puisqu’elle avait reçu l’accord de la CSFO en février

2011pour dissoudre ce programme d’assurance de responsabilité automobile, et que toutes les

polices qui en relevaient ont cessé d’exister en juillet 2011.

Les dates spécifiques auxquelles Elite a reçu l’autorisation de la CSFO de mettre fin au

programme d’assurance Autograph, et celles auxquelles toutes les polices Autograph ont cessé

d’exister, ne sont pas indiquées dans l’exposé conjoint des faits ni dans les autres pièces. Toutefois,

les parties conviennent à l’évidence que le programme d’assurance Autograph a pris fin en 2011.

Le paragraphe 4 de l’exposé conjoint des faits indique qu’il s’agissait d’un programme pilote

[TRADUCTION] « mis en application par Elite jusqu’en 2011, date à laquelle il a été interrompu ».

Il me paraît important que ni SMR ni AXA n’aient contesté les dates spécifiques de 2011 indiquées

par Elite dans ses observations écrites.

Pour tous ces motifs, Elite soutient que la relation contractuelle qui la liait à l’auteur de la

réclamation au titre de la police Autograph avait pris fin bien avant l’accident du

29 décembre 2011.

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J’examinerai d’abord la question de savoir si la lettre recommandée du 12 août 2010

envoyée par Elite à l’auteur de la réclamation constituait un avis valide de non-renouvellement

aux termes des dispositions pertinentes de la Loi sur les assurances.

Comme je l’ai déjà indiqué, et comme l’ont reconnu les parties, il ne fait aucun doute à

mon avis que la règle de refus 56 était un motif valide de non-renouvellement de la police de

l’auteur de la réclamation. Il n’y a rien à redire non plus à la forme qu’a prise cet avis de non-

renouvellement envoyé par Elite. Comme l’a fait valoir cette dernière, en dehors du fait que l’avis

de non-renouvellement doit être signifié par écrit, la Loi sur les assurances ne prévoit ni de forme

spécifique ni de modalités de transmission de l’avis à l’assuré. En l’espèce, l’avis a été envoyé par

courrier recommandé et l’auteur de la réclamation a reconnu l’avoir reçu.

La question subtile qui se pose en l’espèce est de savoir si les faits étayant l’application de

la règle de refus 56 doivent exister au moment où l’avis de non-renouvellement est signifié pour

valider le motif ou la raison du non-renouvellement.

Pour résoudre cette question, je dois interpréter le libellé de la règle de refus 56

conformément aux règles d’interprétation statutaire, et à la jurisprudence pertinente à

l’interprétation des polices d’assurance.

L’approche correcte en matière d’interprétation statutaire est résumée dans l’ouvrage

d’Elmer Driedger intitulé Construction of Statutes (2e éd., 1983); cette approche a été adoptée par

la Cour suprême du Canada :

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[TRADUCTION] Aujourd’hui il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les

termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui

s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur8.

Cependant, il est également nécessaire d’interpréter le libellé de la règle de refus 56

conformément aux principes juridiques applicables à l’interprétation des polices d’assurance. Dans

l’arrêt Schneider c. Maahs Estate9, la Cour d’appel de l’Ontario devait interpréter le sens de

l’expression [TRADUCTION] « personne assurée » pour déterminer si un demandeur était couvert

aux termes d’une formule de modification intitulée Protection de la famille (FMPO 44) faisant

partie d’une police d’assurance de responsabilité automobile. Il est important de noter qu’il fallait

trancher cette question pour déterminer lequel des deux assureurs devait répondre en premier aux

réclamations du demandeur. En d’autres mots, dans cette affaire, l’interprétation de l’expression

« personne assurée » retenue par la Cour ne pouvait pas être influencée par le fait que

l’indemnisation du demandeur dépendait de la manière dont la question serait tranchée; tel n’était

pas le cas. La question soulevée par cette affaire concernait deux assureurs et consistait à savoir

lequel d’entre eux devait payer le demandeur qui, de toute façon, serait indemnisé par l’un ou

l’autre.

C’est dans ce contexte que le juge d’appel Laskin a formulé les commentaires suivants à

l’égard de l’interprétation des contrats d’assurance de responsabilité automobile en Ontario :

[TRADUCTION] Une police d’assurance est un contrat et les règles ordinaires

d’interprétation des contrats s’appliquent pour déterminer le sens de l’expression

« personne assurée ». La Cour doit donner effet à l’intention des parties en examinant les

termes qu’elles ont utilisés (renvois omis). Il est vrai que d’élucider l’intention des parties

à une police ontarienne d’assurance de responsabilité automobile a quelque chose de fictif.

8 Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), CanLII 837 (CSC), le juge Iacobucci, au par. 21. 9 2001 CanLII 3018 (ONCA).

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Les dispositions obligatoires de la police de même que les formules de modification

incorporent des clauses et conditions standard élaborées par l’industrie de l’assurance. Les

usagers de véhicules automobiles peuvent accepter ou rejeter la protection offerte, mais ils

ne peuvent en modifier les conditions. La Cour devrait cependant interpréter la police,

notamment les formules de modification comme la FMPO 44, en examinant d’abord les

termes réellement employés.

[…] Au mieux […] la définition […] est ambiguë […] et toute ambiguïté doit être

résolue au détriment de l’assureur […]. Bien que la FMPO 44 ait été approuvée par le

commissaire aux assurances, ses conditions ont été rédigées par l’industrie de l’assurance,

comme je l’ai indiqué. Toute ambiguïté dans les modalités d’un contrat doit être interprétée

au détriment du rédacteur suivant le principe d’après lequel il aurait pu éviter l’ambiguïté.

[…] En règle générale, les clauses d’une police d’assurance qui offrent une

couverture sont interprétées de manière large ou libérale en faveur de l’assuré; inversement,

les clauses excluant la protection sont interprétées strictement au détriment de l’assureur10.

En interprétant les mots-clés employés dans la règle de refus 56 dans leur sens ordinaire et

grammatical, je suis porté à souscrire à l’interprétation de SMR concernant le moment auquel la

Règle peut validement s’appliquer. Le libellé pertinent se lit ainsi : [TRADUCTION] « [L’]assuré

[…] ne s’est pas inscrit […] au cours des 2 périodes précédentes (12 mois) ». Lorsqu’Elite a

envoyé son avis de non-renouvellement du 12 août 2010, 2 périodes, ou les 12 mois couverts par

la police de l’auteur de la réclamation ne s’étaient pas encore écoulés. La deuxième période, ou

les 12 mois de couverture, n’ont pris fin que le 20 septembre 2010. Par conséquent, une simple

lecture de la règle de refus 56 indique que l’avis était prématuré. Les faits justifiant la raison ou le

motif de non-renouvellement n’existaient pas au moment où l’avis a été envoyé.

J’estime que cette interprétation de la règle de refus 56 est étayée par des opinions

judiciaires et arbitrales. Dans la décision Ip c. Scottish & York Insurance Co.11, le juge Price a

10 Schneider c. Maahs Estate, le juge Laskin, aux par. 13, 15 et 22. 11 [2008] O.J. No 4533 (ONSC).

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estimé que l’assureur n’avait pas avancé de défense valide quant au fond d’une demande intentée

par l’assuré pour non-renouvellement injustifié de sa police. L’assureur avait refusé de renouveler

la police d’assurance parce que, d’après lui, l’assuré avait été mêlé à deux accidents avec

responsabilité au cours des cinq dernières années. La Cour a estimé au regard des faits que ça

n’avait pas été le cas, et donc que le motif de refus de renouvellement de la police de l’assuré était

invalide au moment où l’avis a été signifié.

L’arbitre Bruce Robinson est parvenu à une conclusion similaire dans HMQ v. Kingsway12.

Il a estimé que la résiliation par Kingsway de la police d’assurance pour non-paiement de la prime

était invalide puisque cette compagnie était responsable du non-paiement pour avoir retiré plus

que le juste montant du compte bancaire de l’assuré par voie de prélèvement automatique de la

prime. Par conséquent, le motif de résiliation a été jugé invalide au moment où Kingsway a envoyé

sa lettre de résiliation par courrier recommandé à l’assuré.

SMR a fait valoir que l’avis de non-renouvellement prématuré d’Elite pouvait induire

l’auteur de la réclamation en erreur et le porter à croire que même s’il s’était inscrit afin de recevoir

le dispositif Autograph avant la fin des deux périodes, sa police n’aurait néanmoins pas été

renouvelée. Sans admettre qu’elle aurait reconnu la validé de l’avis de non-renouvellement

prématuré d’Elite, SMR fait remarquer que cette dernière n’a pas explicitement indiqué dans son

avis de non-renouvellement que l’auteur de la réclamation pouvait [TRADUCTION] « sauvegarder »

sa police s’il s’inscrivait afin de recevoir le dispositif Autograph avant le 20 septembre 2010.

En ce qui concerne ces arguments, aucune preuve directe ne vient étayer la proposition

suivant laquelle l’avis de non-renouvellement prématuré d’Elite a induit en erreur l’auteur de la

12 5 août 2005.

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réclamation quant à ce qui serait advenu de sa police même s’il s’était inscrit afin de recevoir le

dispositif Autograph. Je ne crois pas qu’il m’appartienne de déterminer si une telle inférence peut

être tirée du témoignage de l’auteur de la réclamation lors de son ISS. À mon avis, cet argument

n’est pertinent que s’il est nécessaire d’établir que ce dernier a subi un préjudice du fait de l’avis

de non-renouvellement prématuré d’Elite. Les articles 236 ou 238 ne font mention d’aucune

exigence de ce type. Soit l’avis de non-renouvellement est valide parce qu’il est conforme aux

délais et motifs prévus aux articles 236 et 238, soit il ne l’est pas. Il n’est pas nécessaire de

démontrer que l’assuré a subi un préjudice en cas de non-conformité.

J’estime qu’il en va de même de la proposition d’après laquelle l’avis de non-

renouvellement d’Elite était peut-être aussi vicié parce qu’il n’informait pas l’auteur de la

réclamation qu’il pouvait sauvegarder sa police en s’inscrivant afin de recevoir le dispositif

Autograph avant le 20 septembre 2010. Je souscris à l’observation d’Elite sur ce point. Pour autant

que l’avis ait été fourni après deux périodes de couverture, la règle de refus 56 autorisait l’assureur

à refuser de renouveler une police d’assurance si l’assuré ne s’était pas inscrit pour recevoir le

dispositif Autograph avant l’expiration des deux périodes. L’assureur n’était pas obligé de

permettre à l’assuré de [TRADUCTION] « sauvegarder » sa police s’il s’inscrivait pour recevoir le

dispositif après en avoir été dûment avisé, comme indiqué. D’un point de vue commercial, je

présume que l’assureur maintiendrait probablement la police et se garderait d’exercer son droit de

ne pas la renouveler. D’un point de vue juridique, cependant, la législation ou la règle n’exigent

nulle part que l’assureur renouvelle la police. Par conséquent, ce dernier n’est aucunement tenu

d’inclure quelque type de sauvegarde dans un avis de non-renouvellement fondé sur la règle de

refus 56 pour que celui-ci soit valide.

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Elite soutient que le but de la disposition sur les avis de non-renouvellement à l’article 236

de la Loi sur les assurances a été rempli en l’espèce puisque les actes de l’auteur de la réclamation

après qu’il a reçu l’avis de non-renouvellement indiquent qu’il savait très bien qu’il n’était plus

assuré par Elite, et qu’il a pris des mesures pour remplacer son assurance en obtenant une police

auprès d’AXA.

C’est peut-être vrai, mais j’estime, pour les motifs que je viens d’évoquer, que l’absence

de préjudice ne rend pas l’avis de non-renouvellement prématuré valide. Comme nous le verrons

cependant, cet argument me paraît mieux fondé pour ce qui est de la question de savoir si la police

d’Elite était encore valide à la date de l’accident, le 29 décembre 2011.

Elite fait également valoir que pour que l’assuré bénéficie d’un avis suffisant afin de

remplacer son assurance, il faut que cet avis lui soit fourni avant l’expiration de la police

d’assurance de manière à ce qu’il puisse prendre des mesures en ce sens. En principe, je pense que

cet argument est correct, mais la question est la suivante : à partir de quel moment convient-il de

donner avis si le non-renouvellement se fonde sur la règle de refus 56? À mon sens, le libellé de

cette règle prévoit un délai spécifique pour ce faire, et l’avis ne peut être fourni avant l’expiration

de deux périodes de six mois couvertes par la police d’assurance.

SMR affirme que dans les circonstances, Elite aurait pu attendre l’expiration de deux

périodes de six mois, et aviser ensuite l’auteur de la réclamation qu’elle avait l’intention de résilier

sa police : cela lui aurait permis d’être indemne de tout risque plus rapidement qu’en attendant

simplement de transmettre un avis de non-renouvellement après l’expiration de deux périodes de

six mois, et qu’en devant patienter jusqu’au terme d’une troisième période pour que la protection

expire.

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J’estime que cette observation de SMR est erronée. Elite n’aurait pas pu résilier la police

de l’auteur de la réclamation de cette manière compte tenu des premiers mots de l’article 11 des

conditions légales ayant trait à la résiliation des polices13. Pour résilier convenablement une police,

l’assureur doit se conformer à cette disposition dont l’introduction soumet toutes les résiliations à

la Loi sur l’assurance-automobile obligatoire, notamment. Le paragraphe 12(1) de cette loi prévoit

que si un contrat d’assurance automobile est en vigueur pendant plus de 60 jours, les seuls motifs

autorisés de résiliation sont les suivants : non-paiement de la prime; l’assuré a donné de faux

renseignements dans sa description de l’automobile, au préjudice de l’assureur; l’assuré a fait

sciemment une déclaration inexacte ou omis de divulguer un fait devant être déclaré dans une

proposition d’assurance, ou une importante modification du risque au sens de la Loi sur les

assurances est intervenue.

Aucun de ces motifs ne se serait appliqué aux faits en présence (en présumant que l’auteur

de la réclamation ait continué de payer sa prime), et sa police était en vigueur depuis bien plus

longtemps que le minimum de 60 jours prévu à l’article 11 des conditions légales. Par conséquent,

même si Elite avait attendu jusqu’à la fin des 12 mois, la seule manière dont elle pouvait mettre

fin à la couverture aurait été de fournir à l’auteur de la réclamation un avis de non-renouvellement

fondé sur la règle de refus 56, auquel cas la police aurait été valide pour une troisième période de

six mois, soit jusqu’au 20 mars 2011.

S’agissant d’interpréter la règle de refus 56 conformément aux principes d’interprétation

applicables aux contrats d’assurance, j’estime que l’analyse du juge Laskin est tout à fait pertinente

à cet égard. La règle de refus 56 procède du système d’assurance automobile de l’Ontario, tel qu’il

13 Les Conditions légales – assurance automobile figurent dans le Règlement de l’Ontario 777/93 pris en vertu de la Loi sur les assurances.

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est régi par l’article 238 de la Loi sur les assurances. Elle a été rédigée par un assureur et approuvée

par le surintendant des assurances, et traite des raisons pour lesquelles l’assureur ne délivrera pas,

ne renouvellera pas ou résiliera l’assurance offerte par une police établie à l’intention de l’assuré.

Toute ambiguïté du libellé doit être interprétée au détriment de l’assureur et en faveur de l’assuré

– ou de telle sorte à élargir la couverture plutôt qu’à la restreindre.

Si le libellé de la règle de refus 56 concernant le moment opportun pour signifier le non-

renouvellement peut faire l’objet d’interprétations contradictoires, le droit en matière

d’interprétation des clauses de protection veut que toute ambiguïté soit résolue de manière à élargir

la couverture plutôt qu’à la restreindre. Dans les circonstances, cela signifie que l’avis de non-

renouvellement ne peut être validement fourni tant qu’au moins deux périodes de six mois de

couverture par la police (12 mois) ne se sont pas écoulées.

Ayant conclu que l’avis de non-renouvellement d’Elite du 12 août 2010 n’était pas valide

au moment où il a été remis à l’auteur de la réclamation, je me pencherai maintenant sur les

conséquences de ce fait sur la question de savoir si la police d’Elite était encore en vigueur lorsque

l’accident du 29 décembre 2011 a eu lieu.

La position de SMR est simple et s’appuie sur une interprétation littérale du

paragraphe 236(5) de la Loi sur les assurances. SMR fait valoir que la police d’Elite reste en

vigueur jusqu’à ce que cette dernière remplisse les exigences des paragraphes 236(1) et (3). Il est

convenu qu’Elite n’a toujours pas envoyé d’avis de non-renouvellement à l’auteur de la

réclamation, en dehors de la lettre invalide du 12 août 2010, et qu’elle n’a pris aucune mesure pour

résilier la police. Par conséquent, suivant SMR, la police d’Elite est restée en vigueur au moins

jusqu’à l’accident du 29 décembre 2011. Bien que ses observations écrites ne le formulent pas

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spécifiquement ainsi, le prolongement logique de l’argument de SMR est que la police d’Elite

pourrait rester en vigueur indéfiniment, à moins qu’elle n’envoie à l’auteur de la réclamation un

avis de non-renouvellement valide ou qu’elle résilie la police (sans doute pour non-paiement de la

prime).

SMR appuie sa position sur des décisions arbitrales et judiciaires. L’affaire HMQ v.

Cooperators14 est, d’un point de vue factuel, celle qui ressemble le plus à l’affaire dont je suis

saisi, du moins pour ce qui est du laps de temps écoulé entre l’avis de non-renouvellement envoyé

par l’assureur et la survenue de l’accident ayant donné lieu au litige.

En juin 1998, un individu avait loué un véhicule auprès d’un concessionnaire pour une

période de 24 mois. Le contrat de location a été cédé à Ford Credit Canada Leasing Company

(« FCC »). FCC disposait d’une entente contractuelle avec Cooperators en vertu de laquelle cette

compagnie était [TRADUCTION] « responsable continue » à l’égard des véhicules de FCC. Cela

signifiait en substance que Cooperators continuerait d’assurer les véhicules de FCC jusqu’à nouvel

ordre. Cooperators savait que ce véhicule avait été loué pour une période de 24 mois. En juin 1998,

elle a établi une police par laquelle le véhicule était assuré initialement pour une période de six

mois et qui désignait l’individu en question et FCC comme les assurés.

Le 6 avril 2000, un accident est survenu, donnant lieu à une demande d’IAL qui était le

fondement du litige. L’accident est arrivé après la période initiale de six mois couverte par la

police, mais pendant la période de location de 24 mois du véhicule.

14 22 novembre 2004, arbitre Bruce Robinson.

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L’arbitre Robinson a estimé que l’individu qui avait loué le véhicule avait annulé

l’assurance de Cooperators le 8 septembre 1998, annulation dont FCC n’avait pas été notifiée,

contrairement à ce qu’exigeaient le contrat entre FCC et Cooperators et la Loi sur les assurances.

L’analyse de l’arbitre Robinson aurait pu s’arrêter là puisqu’il a conclu que la police n’avait

pas été dûment annulée, Cooperators n’ayant pas notifié l’annulation selon les formes prescrites à

l’un des assurés désignés.

Cooperators a fait valoir que comme sa police n’avait été initialement établie que pour une

période de six mois, et qu’elle avait notifié l’annulation à FCC avant l’expiration de ce délai, la

protection n’allait pas plus loin. Comme je l’ai indiqué, l’arbitre Robinson a tiré une conclusion

défavorable à Cooperators sur la foi des faits, et conclu que cette dernière n’avait fourni aucun avis

à FCC.

Dans une remarque qui me paraît techniquement incidente, l’arbitre Robinson a ajouté que

la police de Cooperators avait de toute façon été automatiquement renouvelée à la fin de la période

de six mois puisqu’elle n’avait pas dûment avisé FCC de son intention de ne pas la renouveler,

conformément à l’article 236 de la Loi sur les assurances.

D’après SMR, cette décision permet de soutenir que si un assureur n’a pas l’intention de

renouveler une police et ne fournit pas d’avis suffisant de non-renouvellement au titre de

l’article 236, la police reste indéfiniment en vigueur jusqu’à ce qu’un tel avis soit donné, ou que

la police soit par ailleurs dûment résiliée.

Je ne pense pas que cette affaire appuie la thèse générale avancée par SMR. Le fondement

de la décision de l’arbitre Robinson est que Cooperators n’avait pas dûment résilié la police parce

qu’elle n’avait pas fourni d’avis à FCC ou à l’un de ses assurés désignés. Ses commentaires

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concernant la question liée à l’article 236 étaient incidents. D’autre part, le fait que Cooperators

était liée à FCC par un contrat de [TRADUCTION] « responsabilité continue » me paraît pertinent à

l’analyse de l’arbitre. Le contrat donnait à FCC le droit de s’attendre à ce que Cooperators

maintienne l’assurance du véhicule en question au moins jusqu’à l’expiration de la période de

location de 24 mois. Comme je l’ai indiqué, l’accident ayant donné lieu au litige est survenu à

l’intérieur de cette période.

Cela étant dit, je souscris à la conclusion de l’arbitre Robinson selon laquelle la police sera

automatiquement renouvelée si l’assureur ne fournit pas d’avis de non-renouvellement suffisant

aux termes de l’article 236 de la Loi sur les assurances. Cependant, je n’accepte pas que ce

renouvellement se produise ensuite indéfiniment à chaque date anniversaire de la police quoiqu’il

arrive après le premier renouvellement automatique, à moins qu’un avis suffisant de non-

renouvellement soit fourni au titre de l’article 236.

La décision de l’arbitre Jones dans Primmum (Pembridge) v. HMQ15 concernait une affaire

dans laquelle un accident est survenu environ six heures après la fin de la première période annuelle

couverte par la police d’assurance. Primmum faisait valoir qu’elle avait annulé la police pour non-

paiement, un argument que l’arbitre Jones a rejeté, car l’un des assurés désignés – le locateur –

n’avait pas reçu de lettre de résiliation par courrier recommandé. Comme dans HMQ v.

Cooperators, l’issue de cette affaire tenait à une question de résiliation irrégulière. Encore une fois

donc, les commentaires de l’arbitre concernant la question de l’article 236 soulevée à titre

subsidiaire par Primmum étaient incidents.

15 18 août 2005, arbitre Guy Jones.

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Primmum avait soutenu subsidiairement que sa police était tombée en déchéance six heures

avant l’accident. L’arbitre Jones a repris à son compte certaines des formules de l’arbitre Robinson

dans HMQ v. Cooperators, estimant que l’assureur n’avait pas notifié son intention de ne pas

renouveler la police conformément à l’article 236, de sorte que la police a été automatiquement

renouvelée à sa date anniversaire, et était donc en vigueur six heures plus tard au moment de

l’accident.

Encore une fois, je ne suis pas en désaccord avec l’approche générale de l’arbitre Jones

quant à l’application de l’article 236. Cependant, eu égard aux faits, je ne crois pas que cette affaire

permette de soutenir que la police est renouvelée indéfiniment lorsque l’assureur envoie un avis

de non-renouvellement invalide au titre de l’article 236, quoi qu’il arrive ensuite, à moins de faire

parvenir ultérieurement un avis de non-renouvellement valide.

Je formulerais les mêmes commentaires à l’égard de deux autres décisions invoquées par

SMR, Economical Mutual Insurance Co. v. Pafco Insurance Co.16 et Chenier v. Stephens17. Les

faits en question suffisent pour les écarter.

Dans Economical c. Pafco, l’accident est survenu un jour après l’expiration d’une police

de 30 jours établie par l’assureur; dans Chenier c. Stephens, l’accident a eu lieu trois jours après

l’expiration de la police. Dans la première affaire, la Cour a estimé que l’assureur n’avait pas

envoyé d’avis de non-renouvellement. Dans la seconde, la Cour a conclu que l’assuré n’avait pas

reçu un tel avis.

16 [2001] O.J. No 3419 (ONSC) (« Economical c. Pafco »). 17 [2000] O.J. No 2721 (ONSC), conf. par [2001] O.J. No 674 (ONCA) (« Chenier c. Stephens »).

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Dans aucune de ces affaires, la Cour n’a dû s’interroger sur l’effet d’un avis de non-

renouvellement invalide reçu par l’assuré. Quoi qu’il en soit, il n’a pas été nécessaire de déterminer

si une protection subsistait au-delà de la période couverte par la police, immédiatement après le

renouvellement présumé. J’ai déjà évoqué les circonstances particulières du contrat de

[TRADUCTION] « responsabilité continue » dans HMQ v. Cooperators, et le fait que le fondement

de la décision tenait à une question de résiliation irrégulière.

Les faits en présence ne sont pas les mêmes que dans les décisions citées. En l’espèce,

l’accident n’est pas survenu pendant la période couverte par la police, immédiatement après le

renouvellement contesté du 20 septembre 2010. En fait, l’accident n’a eu lieu que 15 mois plus

tard.

À mon avis, les événements postérieurs au renouvellement contesté du 20 septembre 2010

sont pertinents à la question de savoir si la police d’Elite était encore en vigueur à la date de

l’accident, le 29 décembre 2011.

Je pense qu’il est utile d’examiner les événements survenus après le 20 septembre 2010 en

se demandant comment Elite aurait pu légitimement invoquer la règle de refus 56 pour refuser de

renouveler (laisser expirer) validement la police de l’auteur de la réclamation.

La preuve en l’espèce indique clairement que l’une des conditions du maintien de la police

d’assurance, aux termes du contrat accordé par Elite à l’auteur de la réclamation, voulait qu’il

s’inscrive en ligne afin de recevoir le dispositif Autograph. La police lui a été délivrée avant qu’il

n’ait à effectuer cette inscription, cette condition n’était donc pas préalable à l’établissement de la

police. Par conséquent, il ne fait aucun doute qu’Elite et l’auteur de la réclamation étaient liés par

un contrat d’assurance de responsabilité automobile pour une durée de six mois à partir du

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20 septembre 2009, même si le second ne s’était pas encore inscrit pour recevoir le dispositif

Autograph.

La règle de refus 56 permettait à Elite de mettre fin à sa relation contractuelle avec l’auteur

de la réclamation au cas où ce dernier manquait de s’inscrire pour recevoir le dispositif Autograph

(en présumant par ailleurs qu’aucun autre motif prévu par la Loi sur les assurances ne justifiait de

résilier ou de refuser de renouveler la police). Cependant, je suis d’avis qu’une juste interprétation

de cette règle oblige Elite à maintenir la protection offerte par la police pendant un minimum de

deux périodes de six mois avant de pouvoir refuser de la renouveler au motif que l’auteur de la

réclamation ne s’était pas inscrit pour recevoir le dispositif Autograph.

Or Elite ne pouvait envoyer d’avis de non-renouvellement valide fondé sur la règle de

refus 56 qu’au terme des deux périodes de six mois. Cela signifie que la police aurait été

renouvelée pour une troisième période de six mois. Si un avis de non-renouvellement fondé sur la

règle de refus 56 avait été délivré après le début de cette troisième période, la police aurait pu

validement être non renouvelée (déchoir) au terme de celle-ci. En fait, Elite aurait ainsi été tenue

d’assurer l’auteur de la réclamation au titre de la police durant trois périodes de six mois avant de

pouvoir validement la laisser déchoir en vertu de la règle de refus 56 (en présumant encore une

fois qu’aucun autre motif ne justifiait par ailleurs de résilier la police).

Eu égard aux faits en présence, Elite n’aurait pas pu laisser déchoir la police de l’auteur de

la réclamation aux termes de la règle de refus 56 avant l’expiration de la troisième période de six

mois, soit le 20 mars 2011. Je noterai en passant que cette date est bien antérieure à l’accident du

29 décembre 2011 ayant donné lieu à la demande d’IAL soumise par l’auteur de la réclamation.

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Comme nous l’avons vu, même si Elite aurait pu validement laisser déchoir la police de

l’auteur de la réclamation au titre de la règle de refus 56 bien avant la date de l’accident, elle ne

l’a pas fait. Cela signifie-t-il que sa police reste en vigueur indéfiniment, ou du moins jusqu’à ce

qu’elle prenne des mesures actives en vue de la déchéance ou de la résiliation valide de la police?

J’estime que ce n’est pas le cas, et que la police d’Elite ne reste pas en vigueur indéfiniment jusqu’à

ce qu’elle prenne des mesures en vue de la déchéance ou de la résiliation de la police.

Bien que les contrats d’assurance de responsabilité automobile en Ontario soient régis par

des règles et des règlements statutaires spéciaux, ils ne sont pas moins soumis aux principes du

droit contractuel issus de la common law, sauf si la législation en exclut spécifiquement

l’application.

Les contrats d’assurance de responsabilité automobile en Ontario sont des

[TRADUCTION] « contrats continus », c’est-à-dire qu’une fois le contrat établi, la législation prévoit

que la relation se poursuivra à moins que les parties décident mutuellement d’y mettre fin, ou que

l’une d’entre elles exerce unilatéralement son droit de résiliation ou de non-renouvellement au titre

de la législation.

Cependant, au moment du renouvellement du contrat, les parties doivent s’entendre sur les

conditions de ce qui constitue en effet un nouveau contrat. Aucune d’elles n’est tenue de maintenir

le statu quo quant aux conditions contractuelles. Sous réserve des normes imposées par la loi, les

parties peuvent s’entendre pour en modifier la teneur. Une partie peut proposer un changement des

conditions que sa contrepartie n’est pas tenue d’accepter. À défaut d’entente, le contrat ne sera pas

renouvelé et aucune partie ne sera obligée de poursuivre la relation. Par exemple, au terme d’une

période de six mois ou d’un an, l’assureur peut proposer de maintenir la police, mais moyennant

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une prime supérieure. L’assuré n’est pas tenu d’accepter cette augmentation, mais s’il la refuse,

l’assureur n’est pas obligé de maintenir la protection et la relation peut prendre fin.

En d’autres mots, au moment du renouvellement, les contrats d’assurance de responsabilité

automobile sont comme les autres contrats en ce que chaque renouvellement représente un

nouveau contrat requérant ses propres modalités [TRADUCTION] « d’offre et d’acceptation ».

L’arrêt Patterson c Gallant18 rendu par la Cour Suprême du Canada confirme ce que j’ai

dit dans les paragraphes précédents de la nature des contrats d’assurance de responsabilité

automobile.

L’arrêt Patterson c. Gallant concernait la question de savoir si une police d’assurance

automobile établie à l’Île-du-Prince-Édouard avait été renouvelée automatiquement par l’assureur

qui avait envoyé à l’assuré une nouvelle « carte rose » d’assurance avec un avis d’échéance/offre

de renouvellement. La Cour a conclu que l’assureur, Cooperators, avait simplement fait une offre

de renouvellement à l’assuré qui, pour l’accepter, devait payer la prime proposée. Ce dernier ne

l’a pas fait. Par conséquent, la Cour a estimé que la police était tombée en déchéance et que la

législation de l’Île-du-Prince-Édouard liée à l’assurance automobile n’obligeait pas Cooperators à

prendre d’autres mesures pour résilier ou refuser de renouveler une police tombée en déchéance.

S’exprimant au nom d’une cour unanime, le juge Major a déclaré19 :

On peut attribuer deux sens distincts au «renouvellement» d'une police

d'assurance. Le premier sens est celui qu'on peut lui attribuer relativement aux polices de

durée indéterminée. Ces polices prévoient qu'il est possible de prolonger un contrat

existant, sous réserve des droits de l'une ou de l'autre des parties de le résilier. Dans le cas

18 [1994] 3 R.C.S. 1080. 19 Au paragraphe 10.

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d'une police unique de durée indéterminée, on détermine le moment de la formation du

contrat en se reportant à l'offre et à l'acceptation originales qui sont à l'origine de la garantie.

Par contre, l'autre sens du «renouvellement» d'une police d'assurance vise le cas où un

contrat distinct est conclu à chaque renouvellement. Les renouvellements des polices

d'assurance automobile entrent dans cette dernière catégorie en ce que chaque

renouvellement représente un nouveau contrat avec son offre et son acceptation.

La décision Masters v. Mohammed20 illustre par ailleurs le fait qu’un autre principe de droit

contractuel ordinaire – la répudiation – s’applique aux contrats d’assurance de responsabilité

automobile. L’assuré sollicitait une déclaration de protection à l’encontre de son assureur,

Cooperators, relativement à un accident survenu le 28 octobre 2000. Cooperators avait renouvelé

sa police pour une période de six mois à compter du 11 mars 2000, et estimait qu’elle l’avait

validement résiliée avant l’accident. Cooperators affirmait qu’elle avait envoyé à l’assuré une lettre

recommandée datée du 19 juillet 2000, et qu’elle avait effectué un suivi en lui laissant un message

vocal. Elle n’a pas pu produire de copie de la lettre, mais seulement un bordereau électronique

d’envoi. Le juge Echlin a accepté cette preuve et conclu que la police de l’assuré avait été dûment

résiliée avant l’accident. Il a rejeté la déposition de l’assuré selon laquelle il n’avait reçu ni lettre

recommandée ni message téléphonique l’informant de la résiliation.

Le contexte factuel de cette affaire est pertinent au regard du rejet de la preuve de l’assuré

par le juge Echlin. Celui-ci a conclu que l’assuré était en difficulté financière, et qu’il savait très

bien que son solde bancaire était insuffisant après mai 2000 aux fins des prélèvements mensuels

automatiques de la prime que Cooperators ne manquerait pas d’effectuer. Le juge Echlin a estimé

que l’assuré savait qu’il n’avait pas payé la prime pour les mois de juin, juillet, août, septembre et

octobre 2000, ou qu’il avait volontairement ignoré ce fait. Durant son témoignage, l’assuré a

20 [2007] O.J. No 5554 (ONSC).

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indiqué qu’il savait qu’il devait recevoir une « carte rose » tous les six mois au moment du

renouvellement de sa police, et qu’il en avait besoin pour conduire dans la légalité. Il n’a pas reçu

de carte rose couvrant la période postérieure au 11 septembre 2000. Il n’a pas contacté l’assureur

et n’a pas cherché à savoir pourquoi il n’avait pas reçu cette carte. Il a simplement décidé de

conduire son véhicule sans assurance.

Même si le fondement de la décision est que Cooperators a dûment annulé la police de

l’assuré avant l’accident, le juge Echlin a formulé les commentaires suivants comme motifs

subsidiaires de rejet de la demande de protection de l’assuré21 :

[TRADUCTION] Subsidiairement, j’estime que la police de Cooperators est tombée

en déchéance avant l’accident en question, puisque Mohamed, en manquant ou en refusant

de payer les primes, a répudié son contrat avec Cooperators. Son désintérêt total à l’égard

de la police, l’obligation de verser les primes, le fait qu’il ait continué à conduire sans carte

rose valide et qu’il n’ait même pas cherché savoir ce qu’il en était advenu, tout cela suffit

pour conclure que la protection a pris fin le 11 septembre 2000, bien avant l’accident du

28 octobre suivant.

J’aimerais mentionner une autre décision, celle qu’a rendue l’arbitre Samis dans l’affaire

The Economical Insurance Group v. Wawanesa Insurance22. La question que soulevait ce conflit

de priorité était de savoir si Economical (Perth) avait dûment résilié sa police en faveur de l’auteur

d’une réclamation concernant des IAL.

La police avait été renouvelée antérieurement pour des périodes de six mois. La dernière

de ces périodes antérieures à la résiliation avait commencé à courir le 3 août 2008. La résiliation

notifiée par Economical par lettre recommandée devait prendre effet le 22 janvier 2009. L’arbitre

21 Au paragraphe 27. 22 7 mai 2014 (« Economical c. Wawanesa »).

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Samis a estimé, compte tenu de l’historique des relations entre les parties, que si elle n’avait pas

résilié la police, Economical aurait proposé de la renouveler pour une période supplémentaire de

six mois qui serait allée du 3 février au 3 août 2009. Un autre renouvellement aurait été nécessaire

pour prolonger la protection jusqu’à la date de l’accident – soit le 12 août 2009.

L’essentiel de la décision concernait la preuve liée à la question de la résiliation. En fin de

compte, l’arbitre Samis a conclu qu’Economical avait établi qu’elle avait dûment résilié la police

de l’auteur de la demande d’IAL.

Quant à savoir ce qui se serait produit si toutefois la résiliation d’Economical avait été

invalide, l’arbitre Samis a conclu23 :

[TRADUCTION] […] la police aurait été au terme de la seconde période de

couverture le 3 février 2009. Si elle avait été renouvelée pour une troisième période, celle-

ci aurait pris fin le 3 août 2009. L’accident ayant causé cette perte est postérieur à cette

date, puisqu’il est survenu le 12 août suivant.

Pour conclure que la police d’Economical était en vigueur le 12 août 2009, il

faudrait conclure que la résiliation était sans effet, et que la police est de quelque manière

restée en vigueur de plein droit pour les deux renouvellements subséquents […]

L’arrêt Patterson c. Gallant [1994] 3 R.C.S. 1080 est pertinent. Dans cette affaire,

la Cour suprême du Canada s’est penchée sur ce qu’elle a jugé comme la question

importante du sens du « renouvellement » d’une police d’assurance automobile […] la

Cour suprême du Canada a estimé à cet égard […] « chaque renouvellement représente un

nouveau contrat avec son offre et son acceptation ».

Suivant cette analyse, il ne pouvait pas y avoir de police d’Economical en vigueur

au moment de cet accident à moins de deux autres cycles d’offre et d’acceptation. Bien

entendu, cela ne s’est pas produit. En fait, les communications entre les parties indiquent

23 Aux pages 6 et 7.

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le contraire. La lettre du 23 décembre 2008 adressée par Economical au client montre très

clairement qu’elle ne tenait pas à prolonger l’accord d’assurance.

Pour cette raison additionnelle, je conclus que la police d’Economical n’était pas

en vigueur à la date de l’accident.

Je concéderai que d’un point de vue technique, les remarques du juge Echlin dans

Masters c. Mohamed, et celles de l’arbitre Samis dans Economical c. Wawanesa, sur la question

de la déchéance ou du non-renouvellement des polices dans ces affaires peuvent être tenues pour

incidentes, les arbitres ayant déterminé dans les deux décisions que les polices avaient été dûment

résiliées.

Il me paraît toutefois que l’analyse appliquée par le juge Echlin et l’arbitre Samis est

convaincante et conforme à l’énoncé du droit concernant les renouvellements des contrats

d’assurance automobile par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Patterson c. Gallant.

L’application du droit tel qu’il a été énoncé dans l’arrêt Patterson c. Gallant, et celle de

l’analyse effectuée dans Masters c. Mohamed et Economical c. Wawanesa, aux faits en présence

étayent à mon avis la conclusion portant que la police d’Elite n’était pas en vigueur au moment de

l’accident du 29 décembre 2011.

La preuve issue de l’exposé conjoint des faits et de l’ISS de l’auteur de la réclamation

appuie les conclusions de fait suivantes :

1. L’auteur de la réclamation a reçu le nouvel avis de police lorsque la police d’Elite lui a été

délivrée en septembre 2009. Il a compris qu’il devait s’inscrire en ligne pour recevoir le dispositif

Autograph24.

24 Exposé conjoint des faits, paragraphe 5.

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2. L’auteur de la réclamation savait qu’aux termes de la police Autograph qu’Elite lui avait

accordée, il était tenu d’obtenir le dispositif Autograph et de l’installer dans son véhicule. Il savait

que ce dispositif renseignerait Elite sur son comportement au volant, et que cette police qu’il avait

sollicitée demandait qu’il utilise le dispositif Autograph25.

3. Bien que l’auteur de la réclamation ait sous-entendu dans son témoignage qu’il n’était pas

sûr de savoir comment se procurer le dispositif Autograph, l’ensemble de sa déposition indique

qu’il savait qu’il devait prendre des mesures actives pour obtenir ce dispositif afin de conserver

une protection au titre de la police Autograph. Il a reconnu avoir eu au moins deux échanges

téléphoniques avec Elite durant les première et deuxième périodes de six mois couvertes par sa

police, échanges durant lesquels il a été avisé qu’il devait s’inscrire et se procurer le dispositif

Autograph pour conserver une protection au titre du programme de police Autograph. Je crois qu’il

n’en a rien fait parce qu’il s’est dit, quelque temps après que la police lui a été accordée, que le

dispositif Autograph violerait sa vie privée et permettrait à Elite de [TRADUCTION] « l’espionner ».

Par conséquent, il n’a simplement fait aucun effort pour obtenir le dispositif parce qu’il n’avait pas

l’intention de l’utiliser dans son véhicule. Il n’en a pas informé Elite. J’estime qu’il n’a pas informé

Elite qu’il n’avait pas l’intention de se servir du dispositif Autograph parce qu’il savait que s’il

devait changer de police, il aurait eu à payer une prime plus élevée. J’estime qu’il est raisonnable

d’inférer que l’auteur de la réclamation était satisfait de son assurance au titre de la police

Autograph puisqu’il avait l’avantage d’une prime moins élevée sans faire le moindre effort pour

utiliser le dispositif Autograph, jusqu’à ce qu’Elite ait finalement résilié ou refusé de renouveler

sa police26.

25 ISS, Q. 314 – 318. 26 Exposé conjoint des faits, par. 7 et 8. ISS, Q. 299 – 319, 359, 360.

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4. Elite a envoyé sa lettre recommandée du 12 août 2010 à l’auteur de la réclamation pour

l’informer qu’elle ne renouvellerait pas sa police à compter du 20 septembre 2010 parce qu’il ne

s’était pas inscrit en ligne pour obtenir le dispositif Autograph. Même si j’ai conclu que cet avis

était invalide aux fins de l’article 236 pour les motifs mentionnés, il ne fait aucun doute que

l’auteur de la réclamation l’a reçu, et qu’il a compris qu’Elite n’avait pas l’intention de l’assurer

au titre de la police Autograph après le 20 septembre 201027.

5. Ayant été avisé par Elite qu’elle n’avait pas l’intention de l’assurer après le

20 septembre 2010, et bien qu’il ait obtenu de KTX des devis pour d’autres types d’assurance de

responsabilité automobile, l’auteur de la réclamation a décidé de mettre fin à sa relation

d’assurance avec Elite et a cherché une protection chez un autre assureur. Quelques jours après le

20 septembre 2010, il avait remplacé sa police d’assurance chez Elite par une assurance de

responsabilité automobile auprès d’AXA. La police d’AXA a été établie le 23 septembre 2010 et

l’auteur de la réclamation l’a résiliée peu après28.

Ces faits sont importants parce qu’ils démontrent qu’aussi bien Elite que l’auteur de la

réclamation avaient l’intention de mettre fin à leur relation contractuelle. Même si la première a

manifesté cette intention avant le second, la preuve indique clairement à mon avis que cette

intention était mutuelle dans les jours qui ont suivi le 20 septembre 2010.

Ces faits peuvent aussi passer pour indiquer que l’auteur de la réclamation a effectivement

répudié son contrat avec Elite en omettant délibérément de se conformer aux conditions

essentielles du contrat, ou en s’en désintéressant intentionnellement. S’agissant de ce dernier point,

une fois qu’Elite a signifié son intention de ne pas renouveler le contrat, les actes de l’auteur de la

27 ISS, Q. 327 – 330, 334, 363 – 368. 28 Exposé conjoint des faits, par. 14 et 15, ISS, Q. 332, 344 – 358.

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réclamation, ou plus exactement son inaction, son manquement aux conditions du contrat d’Elite,

combiné au fait qu’il s’était procuré une nouvelle protection, peuvent équivaloir à une répudiation

du contrat entre lui et Elite, qui a donc pris fin au plus tard le 20 mars 2011.

Quoi qu’il en soit, en accordant une force maximale à l’argument du renouvellement

automatique, la conséquence de l’invalidité de l’avis de non-renouvellement d’Elite au titre du

paragraphe 236(5) est à mon avis que la police a été automatiquement renouvelée le

20 septembre 2010 parce que seul l’assureur Elite avait alors exprimé l’intention de mettre fin à la

relation contractuelle. Cette intention n’est devenue mutuelle que dans les jours qui ont suivi le

20 septembre 2010.

Le paragraphe 236(5) énumère les exigences à remplir lorsque l’assureur souhaite

unilatéralement ne pas renouveler le contrat. Cette disposition prévoit que le contrat d’assurance

reste en vigueur jusqu’à ce que l’assureur remplisse ces exigences. Cependant, elle ne l’emporte

pas sur le principe de droit contractuel voulant que les deux parties doivent avoir l’intention de

nouer ou de maintenir des relations contractuelles pour qu’un contrat soit valide. Le

paragraphe 236(5) n’a pas pour effet de maintenir indéfiniment le contrat d’assurance automobile

lorsque les parties ne sont pas d’accord, ou qu’elles ont mutuellement indiqué qu’elles souhaitaient

mettre fin à la relation contractuelle existante.

Une question a été soulevée durant les plaidoiries au sujet de la durée adéquate de la période

de renouvellement, en présumant que la police Elite avait automatiquement été renouvelée le

20 septembre 2010 du fait de l’invalidité de l’avis de non-renouvellement. À titre plus ou moins

subsidiaire à son argument suivant lequel le renouvellement était indéfini jusqu’à la résiliation en

bonne et due forme, ou l’envoi d’un avis de non-renouvellement valide, SMR fait valoir qu’il était

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concevable qu’une période plus longue de renouvellement, par exemple d’un an, ait commencé à

courir. J’estime que cet argument est erroné pour deux raisons. Premièrement, l’historique de la

relation entre les parties indique que le contrat d’assurance était valide pour une période de six

mois à la fois. Deuxièmement, et je crois que ce point est décisif, un examen des règles de refus

montre bien que la période couverte par la police Autograph était limitée à six mois. L’assureur

pouvait refuser de délivrer, résilier ou refuser de renouveler un contrat si la période couverte par

la police n’était pas de six mois29.

À mon avis, le renouvellement automatique découlant de l’application du

paragraphe 236(5) n’était valide tout au plus que pour une période supplémentaire de six mois,

soit jusqu’au 20 mars 2011. À ce moment-là, compte tenu du droit, le contrat n’aurait été encore

renouvelé que si les parties avaient mutuellement souhaité maintenir la relation contractuelle. La

preuve indique le contraire. En fait, elle montre clairement que dans les jours qui ont suivi le

renouvellement automatique survenu le 20 septembre 2010, aucune partie ne souhaitait poursuivre

cette relation contractuelle.

Du point de vue du droit contractuel, l’envoi d’un avis de non-renouvellement prématuré

et donc invalide par Elite peut être interprété comme une rupture de contrat anticipée. D’après la

preuve, l’auteur de la réclamation a accepté cette rupture anticipée, et considéré que le contrat était

parvenu à son terme. Il a mitigé ses dommages en remplaçant son assurance automobile par le plan

de protection d’un autre assureur. Sur le plan contractuel, et en guise de redressement, il aurait pu

réclamer à Elite des dommages correspondant à la différence du coût de la prime de son nouveau

plan de protection pour la période de six mois durant laquelle la police d’Elite aurait été en vigueur,

29 Voir la règle de refus 55.

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soit entre le 20 septembre 2010 et le 20 mars 2011. Dans cette perspective, on pourrait faire valoir

que le contrat d’assurance automobile est parvenu à son terme quelques jours après le

renouvellement automatique du 20 septembre 2010, sous réserve du droit de l’auteur de la

réclamation d’intenter une poursuite pour les dommages susmentionnés.

Bien que cet argument puisse donner lieu à une discussion intéressante concernant le droit

contractuel, je ne suis pas forcé de conclure qu’il s’applique au cas présent. Même si la police

d’Elite a été renouvelée automatiquement le 20 septembre 2010, du fait du paragraphe 236(5),

pour une période supplémentaire de six mois allant jusqu’au 20 mars 2011, ce renouvellement a

pris fin bien avant l’accident du 29 décembre 2011.

Si j’ai eu tort de conclure que la police d’Elite n’a été renouvelée automatiquement que

pour une seule période additionnelle de six mois, du fait de l’invalidité de l’avis de non-

renouvellement, une autre raison me semble justifier que le contrat d’assurance entre Elite et

l’auteur de la réclamation ait pris fin bien avant l’accident du 29 décembre 2011. La preuve dont

je dispose suffit à mon avis pour démontrer que le programme d’assurance automobile Autograph

offert par Elite a été résilié avec l’autorisation du surintendant des assurances des mois avant

l’accident du 29 décembre 2011. Je suis convaincu qu’Elite a prouvé que la police de l’auteur de

la réclamation, une police Autograph régie par les conditions du programme du même nom,

n’aurait pas été en vigueur au moment de l’accident parce que le programme avait pris fin.

Si l’auteur de la réclamation s’était conformé aux conditions de l’assurance au titre du

programme Autograph, et que sa police avait été périodiquement renouvelée pour des périodes de

six mois, Elite n’aurait pas continué à l’assurer en vertu de cette police pour une autre période de

six mois qui aurait couvert l’accident du 29 décembre 2011. Elite avait demandé l’autorisation du

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surintendant des assurances en février 2011 pour mettre fin au programme pilote reposant sur

l’installation des dispositifs Autograph dans les véhicules. Cette autorisation a été accordée et la

police Autograph avait cessé d’exister en juillet 2011. Elite avait prévu une disposition concernant

pareille éventualité en déposant la règle de refus 54 auprès du surintendant des assurances. Cette

règle se lit ainsi :

L’assureur déclinera de délivrer, résiliera ou refusera de renouveler un contrat dans

les circonstances suivantes : […]

54. L’assureur suspend, pour quelque raison, le programme Autograph,

après avoir obtenu l’autorisation de la Commission des services financiers de

l’Ontario.

Si l’auteur de la réclamation s’était conformé aux conditions de l’assurance au titre du

programme Autograph au cours des deux premières périodes de six mois, il est possible qu’Elite

n’aurait pas signifié son intention de ne pas renouveler sa police d’assurance et que les parties

auraient maintenu leur relation contractuelle. Cependant, il est certain qu’en 2011, bien avant

l’accident du 29 décembre, Elite et l’auteur de la réclamation devaient s’entendre sur une police

d’assurance automobile visant à remplacer la police Autograph annulée pour que leur relation se

poursuive. Cela supposait effectivement la négociation d’un contrat tout à fait nouveau, contrat

qu’aucune des parties n’aurait été obligée de conclure à moins de tomber d’accord sur les

conditions et d’avoir toutes deux l’intention d’y souscrire. Tout cela aurait dû se produire bien

avant l’accident du 29 décembre 2011.

Compte tenu de ce qui précède, il me semble qu’accepter l’argument de SMR selon lequel

la police Autograph de l’auteur de la réclamation est en vigueur indéfiniment jusqu’à ce qu’Elite

la résilie en bonne et due forme, ou qu’elle délivre un avis de non-renouvellement valide, revient

à étendre à l’extrême la portée du paragraphe 236(5). Cela créerait une fiction juridique de

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continuité du contrat de police Autograph, alors qu’à partir de la mi-2011 l’assureur, avec

l’autorisation du surintendant des assurances, ne pouvait plus offrir – et donc l’assuré obtenir –

d’assurance automobile au titre de ce programme.

Par conséquent, pour les motifs qui précèdent, je conclus que le fait qu’Elite ait fourni un

avis de non-renouvellement invalide a entraîné le renouvellement automatique de la police

Autograph de l’auteur de la réclamation à partir du 20 septembre 2010. Je crois qu’il est possible

de soutenir que l’entente contractuelle d’Elite avec l’auteur de la réclamation a pris fin quelques

jours après cette date. Quand bien même ce raisonnement n’était pas accepté, et s’agissant

d’appliquer le droit tel que je l’ai énoncé, le renouvellement automatique du 20 septembre 2010 a

prolongé la durée de la police pour six mois supplémentaires tout au plus, soit jusqu’au

20 mars 2011.

À partir de là, aucun autre renouvellement ne pouvait avoir lieu puisque la preuve indique

que les deux parties souhaitaient mettre fin à leur relation contractuelle quelques jours après le

renouvellement automatique du 20 septembre 2010, et que le programme de la police Autograph

a été annulé avec l’approbation du surintendant des assurances en 2011, bien avant la date de

l’accident.

Conclusion

1. L’avis de non-renouvellement d’Elite, qui a pris la forme d’une lettre recommandée datée

du 12 août 2010, ne remplissait pas les exigences de l’article 236 de la Loi sur les assurances parce

qu’il était prématuré. La règle de refus 56 était valide, mais elle supposait que la police Autograph

reste en vigueur pendant deux périodes entières de six mois sans que l’assuré ne se soit inscrit en

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ligne pour recevoir le dispositif Autograph, pour qu’un avis de non-renouvellement fondé sur

ladite règle puisse être valide.

2. Nonobstant l’invalidité de l’avis de non-renouvellement d’Elite, sa police n’était pas en

vigueur au moment de l’accident du 29 décembre 2011. En vertu du paragraphe 236(5) de la Loi

sur les assurances, cette invalidité a entraîné le renouvellement automatique de la police à compter

du 20 septembre 2010. Ce renouvellement automatique a prolongé à son tour la police pour une

période maximale additionnelle de six mois qui s’est achevée le 20 mars 2011. La police n’a pas

été renouvelée après cette date puisqu’Elite et l’auteur de la réclamation ont tous deux signifié leur

intention de mettre fin à leur relation contractuelle peu après le renouvellement automatique ayant

pris effet le 20 septembre 2010.

3. S’agissant de la question préliminaire soulevée dans le présent arbitrage, il est statué

qu’Elite n’est pas l’assureur prioritaire responsable du paiement de la demande d’IAL soumise

par l’auteur de la réclamation. Pour autant que le souhaitent les autres parties, SMR et AXA,

l’arbitrage se poursuivra afin de trancher la question de la priorité entre elles.

4. Elite a gain de cause à l’égard de cette question préliminaire. Elle a le droit de se faire

rembourser par les autres parties ses dépens d’arbitrage, notamment sa part des honoraires et

débours de l’arbitre. Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur le montant des dépens, ou

qu’elles souhaitent soumettre des observations concernant d’autres questions connexes, je les

invite à contacter mon coordonnateur, qui fixera une conférence téléphonique pour discuter des

dispositions à prendre pour régler la question des dépens.

Fait à Toronto le 12 mai 2016.

Scott W. Densem, arbitre