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Relev´ e et exploitation des isothermes de SF 6 : ´ etude quantitative de l’´ equation d’´ etat d’un gaz r´ eel November 16, 2002 Figure 1: Photographie de l’appareillage destin´ e`al’´ etude de l’´ equilibre liquide–vapeur de SF6 (R´ ef. ENSC 417). Contenu 1 Isothermes de SF 6 2 1.1 en´ eralit´ es ....................................... 2 1.2 Relev´ e des isothermes ................................. 2 1.3 etermination de l’´ equation d’´ etat du fluide ..................... 3 2 Etude de l’´ equilibre liquide–vapeur 6 2.1 Loi des diam` etres rectilignes .............................. 6 2.2 Etude (tr` es) grossi` ere des exposants critiques .................... 7 2.3 Pression de vapeur saturante et chaleur latente de vaporisation .......... 8 3 Comparaison avec un gaz de Van der Waals 9 3.1 Quelques rappels th´ eoriques .............................. 9 3.1.1 Etablissement de l’´ equation d’´ etat de Van der Waals ............ 9 3.1.2 Point critique et ´ equation r´ eduite de van der Waals ............. 11 3.1.3 Equilibre liquide–vapeur : construction de Maxwell ............. 11 3.2 Comparaison avec les isothermes de SF 6 ....................... 12 3.3 ` A propos de la loi des ´ etats correspondants ..................... 13 1

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  • Relevé et exploitation des isothermes de SF6 :

    étude quantitative de l’équation d’état d’un gaz réel

    November 16, 2002

    Figure 1: Photographie de l’appareillage destiné à l’étude de l’équilibre liquide–vapeur de SF6 (Réf. ENSC 417).

    Contenu

    1 Isothermes de SF6 21.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21.2 Relevé des isothermes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21.3 Détermination de l’équation d’état du fluide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

    2 Etude de l’équilibre liquide–vapeur 62.1 Loi des diamètres rectilignes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62.2 Etude (très) grossière des exposants critiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72.3 Pression de vapeur saturante et chaleur latente de vaporisation . . . . . . . . . . 8

    3 Comparaison avec un gaz de Van der Waals 93.1 Quelques rappels théoriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

    3.1.1 Etablissement de l’équation d’état de Van der Waals . . . . . . . . . . . . 93.1.2 Point critique et équation réduite de van der Waals . . . . . . . . . . . . . 113.1.3 Equilibre liquide–vapeur : construction de Maxwell . . . . . . . . . . . . . 11

    3.2 Comparaison avec les isothermes de SF6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123.3 À propos de la loi des états correspondants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

    1

  • 2 1 ISOTHERMES DE SF6

    1 Isothermes de SF6

    1.1 Généralités

    On utilise l’appareil représenté sur figure 1, qui est destiné à l’étude de la compressibilité et dela liquéfaction d’un gaz [1]. Comme nous allons le voir, il permet d’atteindre facilement le pointcritique de l’hexafluorure de soufre SF6 1.

    Le gaz est contenu dans un tube de compression, de volume utile 4 cm3 et dont la paroiest graduée au 1/20e de cm3. Ce tube est en pyrex avec une forte épaisseur, pour résister àla pression importante nécessaire à l’obtention du point critique. Il est entouré d’une enceinteparallélépipédique qui peut être alimentée par une circulation d’eau provenant d’un bain ther-mostaté 2. La pression à l’intérieur du tube de compression est mesurée par un manomètre detype Bourdon.

    1.2 Relevé des isothermes

    Le gaz occupant tout le volume de l’éprouvette, on note le volume V et la pression P pourune température T fixée. Puis, en agissant sur le volant, on effectue lentement une petite com-pression et, après avoir attendu que la pression ait atteint sa valeur d’équilibre, on relève sanouvelle valeur. En répétant cette opération pour différentes températures T1, T2, . . ., on ob-tient un réseau d’isothermes (figure 2) à la Andrews 3.

    Ce diagramme en coordonnées de Clapeyron P −V fait apparâıtre les principales propriétésde la liquéfaction des gaz :

    – En-dessous d’une température de l’ordre de 45◦C, les isothermes présentent un palierhorizontal de liquéfaction, qui correspond à une coexistence de la phase liquide et de laphase gaz. La largeur du palier est d’autant plus faible que la température est plus élevée.

    – Lorsqu’on augmente la température au-delà d’une valeur limite, appelée température cri-tique TC, on n’observe plus la liquéfaction.

    – Lorsqu’on continue à augmenter la température, l’isotherme tend progressivement versl’hyperbole qui caractérise le comportement d’un gaz parfait dans les coordonnées deClapeyron.

    L’isotherme pour la température critique TC ne présente plus de palier mais une tangented’inflexion horizontale au point critique C. Les constantes (pression PC, température TC etvolume massique vC) relatives à cet état sont appelées constantes critiques. Pour le SF6, ellesont pour valeurs 4 :

    1Le gaz SF6 est incolore, ininflammable et ne présente aucune toxicité. Il a de nombreuses applicationsindustrielles, en particulier dans l’industrie électrique. Sa constante diélectrique εR = 2.41 étant supérieureà celle de la plupart des milieux gazeux connus, il est utilisé comme gaz de protection dans les appareillagesélectriques destinés à couper de forts courants électriques sous des tensions élevées.

    2Lorsque l’appareil est sous pression, on veillera à ce que cette enceinte soit toujours remplie d’eau de manièreà servir de protection au cas où une explosion de l’appareil surviendrait. Le constructeur indique cependant danssa notice qu’un tube similaire, soumis à des essais de rupture, s’est fracturé à 115 bars. Cette pression est plusde deux fois supérieure à la pression maximale utilisée dans l’expérience.

    3Thomas Andrews (Dublin, 1813 – ib., 1885), physico-chimiste irlandais, travailla sur la liquéfaction du CO2.Il fut le premier à fournir une description de la coexistence et de l’équilibre des phases liquides et solides des corpspurs. Il montra l’existence d’une température critique au-dessus de laquelle il est impossible de liquéfier un corpsmême en augmentant de manière très importante la pression. Ses travaux, ainsi que ceux de Joule et Thomsonà la même époque, montrèrent que pour liquéfier les gaz d’air, il fallait combiner la détente d’un gaz avec unrefroidissement préalable qui amène sa température en-dessous de la température critique.

    4La conversion d’unité pour le volume critique donné dans la Réf.[2] est effectuée à partir de la masse molaireM(SF6) = 146.06 g/mol.

  • 50

    40

    30

    20

    10

    Pre

    ssio

    n (b

    ar)

    3.02.52.01.51.00.50.0

    Volume (cm3)

    24°C

    29°C

    33°C

    39°C

    44°C

    48°C

    60°C

    1.3 Détermination de l’équation d’état du fluide 3

    Figure 2: Exemples d’isothermes de SF6, correspondant aux températures : 24 ◦C, 29 ◦C,33 ◦C, 39 ◦C, 44 ◦C,48 ◦C et 60 ◦C.

    Référence TC (en K) PC (en bar) vC (en l · mol−1) vC (en cm3 · g−1)[2] 318.7 37.586 0.195 82 (donné) 1.34 11 (converti)[3] 318.80 37.773 0.198 06 (converti) 1.35 6 (donné)

    1.3 Détermination de l’équation d’état du fluide

    Afin de pouvoir comparer nos mesures aux valeurs thermodynamiques tabulées, il est nécessairede déterminer dans un premier temps le nombre de moles de gaz SF6 qui a été introduit dansl’appareil lors de son remplissage. Aux faibles densités (1/V → 0), les gaz suivent la loi des gazparfaits Pv = RT où v représente le volume molaire. Lorsque la densité augmente, le volumemolaire v diminue et le comportement du gaz s’écarte de celui de l’état parfait. On a l’habituded’écrire l’équation d’état du gaz sous la forme d’un développement du viriel :

    P =RT

    v

    [1 +

    B(T )v

    +C(T )

    v2+ . . .

    ](1)

    Les coefficients B(T ) et C(T ) sont appelés second et troisième coefficients du viriel. Ils ne dépen-dent que de la température T et de la nature du gaz, et ils permettent de connâıtre l’état du gaz.

    Nous pouvons remarquer qu’à la limite où 1/V → 0, la courbe PV = f(1/V ) est une droitetelle que

    PV ≈ NRT[1 +

    B′(T )V

    ](2)

    Rappelons que cette équation d’état, qui corrige celle du gaz parfait, peut être obtenue théorique-ment en prenant en compte les interactions à deux corps et en supposant que l’énergie d’interactionreste faible devant l’énergie thermique kT 5.

    5Pour ces développements théoriques, nous renvoyons le lecteur à son cours de physique statistique ou auxouvrages de référence sur le sujet, tels que ceux indiqués dans la bibliographie.

  • 40

    30

    20

    10

    0

    PV

    (ba

    r.cm

    3 )

    3.02.52.01.51.00.50.0

    1/V (cm-3)

    40

    39

    38

    37

    36

    k0

    (bar

    cm

    3 )

    330325320315310305300

    Température (K)

    4 1 ISOTHERMES DE SF6

    Nous traçons donc le réseau des isothermes dans le diagramme PV = f(1/V ) (figure 3),puis, pour chaque isotherme, nous ajustons sur les premiers points en 1/V une variation linéairede la forme

    k0 + k1 ×1V

    .

    Figure 3: Réseau des isothermes dans le diagramme PV = f(1/V ). Les courbes en pointillé correspondent àun ajustement affine sur les premiers points de chaque isotherme.

    Les résultats de ces ajustements multiples, donnés en (bar × cm3), sont reproduits sur letableau ci-dessous.

    T (◦C) 24 29 33 39 44 48 60k0 35.9 ± 0.3 36.3 ± 0.3 37.2 ± 0.5 37.9 ± 0.1 38.4 ± 0.5 38.9 ± 0.2 40.3 ± 0.2k1 −11.8 ± 0.5 −11.3 ± 0.5 −11.0 ± 1.0 −10.8 ± 0.2 −9.8 ± 1.1 −9.8 ± 0.3 −8.8 ± 0.4

    Nous pouvons ensuite examiner la dépendance de chaque coefficient en fonction de la tem-pérature T . Commençons par tracer k0 = f(T ) (figure 4).

    Figure 4: Variation du paramètre k0 en fonction de la température.

    Nous observons une variation linéaire

    PV (bar × cm3) = (−0.9 ± 1.51) + (0.124 ± 0.005) × T (K) ,

  • -300

    -250

    -200

    -150

    B (

    cm3 m

    ol-1

    )

    706050403020

    Température (°C)

    1.3 Détermination de l’équation d’état du fluide 5

    laquelle, aux incertitudes de mesure près, correspond à l’extrapolation du comportement du gazaux faibles densités suivant la loi des gaz parfaits. On détermine par conséquent

    NR = 0.0124 Pa × m3 soit N = 0.0124 ± 0.00058.314

    = (1.49 ± 0.06) × 10−3 mole

    qui correspond à une masse m de SF6 introduit dans l’appareil :

    m =N

    MSF6soit m = 10.2 ± 0.4 µg

    Nous pouvons également déterminer le premier coefficient B(T ) du développement du viriel,et sa variation en fonction de la température pour la gamme d’isothermes tracées. Nous avonsen effet montré que :

    PV = k0 +k1V

    quand1V

    → 0

    soit en remplaçant le volume total V par le volume molaire v = V/N :

    Pv =k0N

    (1 +

    k1/(k0N)v

    )

    Par identification avec l’Éq.(1), nous obtenons ainsi l’expression du coefficient B en fonction desparamètres (k0, k1, N) issus des points de mesure :

    B =k1

    k0N.

    Les valeurs correspondantes du coefficient du viriel B(T ) sont récapitulées dans le tableau ci-dessous, et dans la figure 5 qui compare les valeurs numériques obtenues pour B(T ) avec cellesqu’on peut trouver dans la littérature [3]. :

    T (◦C) 24 33 39 44 48 60T (K) 297 306 312 317 321 333

    B mesuré (en cm3 × mol−1) −221 −198 −191 −171 −169 −147B mesuré (en Å3) −367 −329 −317 −284 −281 −244

    Figure 5: Coefficient du viriel B(T ). Comparaison entre les points déterminés à partir de notre relevé desisothermes du SF6 (•) et ceux donnés dans la littérature [3] (�).

  • 4.0

    3.5

    3.0

    2.5

    2.0

    1.5

    1.0

    1/V

    olum

    e (c

    m-3

    )

    325320315310305300295

    Température (K)

    6 2 ETUDE DE L’ÉQUILIBRE LIQUIDE–VAPEUR

    Notons que nous avons trouvé une valeur négative pour B(T ) 6. Enfin, si l’ordre de grandeurde B ainsi que la forme de sa variation avec la température sont tout-à-fait corrects, nousvoyons qu’il existe une différence assez grande entre les valeurs que nous avons obtenues et cellestabulées. L’origine de cet écart reste à déterminer. Cependant, ne soyons pas complètementnégatifs ! A partir de l’exploitation du réseau des isothermes, mesuré avec suffisamment desoin, nous pouvons en effet être capables d’obtenir une équation d’état du gaz, qui révèle sansambigüıté l’écart au comportement du gaz parfait.

    2 Etude de l’équilibre liquide–vapeur

    2.1 Loi des diamètres rectilignes

    Les limites du domaine de coexistence entre le liquide et la vapeur donnent les volumes desphases liquide Vliq et vapeur Vgaz. Ces volumes tendent vers une valeur commune lorsque latempérature T devient égale à la température critique TC (figure 6).

    Figure 6: Courbe de Mathias. La branche supérieure représente la variation de 1Vliq

    (•) avec la température,tandis que la branches inférieure correspond à la variation de 1

    Vgaz(�) en fonction de la température T . Les

    deux branches pour 1Vliq

    et 1Vgaz

    se raccordent au point critique pour former une courbe sans point anguleux.

    L’expérience montre que le lieu des milieux des cordes verticales 1V

    (+) est une droite (loi des diamètres rectilignes),

    qui permet de déterminer la température critique ainsi que le volume critique.

    En représentant la variation de 1Vliq et de1

    Vgazen fonction de la température T , on peut vérifier

    la loi expérimentale des diamètres rectilignes de Cailletet 7 et et Mathias 8 qui indique quela moyenne de 1Vliq et

    1Vgaz

    est une fonction linéaire de la température T [4] :

    1V

    =12

    (1

    Vliq+

    1Vgaz

    )= a + b T (3)

    6Cela est dû au fait que le potentiel d’interaction U(r) entre deux particules est attractif à grande distance,

    qui sera par exemple de la forme du potentiel de Lennard–Jones : U(r) = 4u0

    [(σr

    )12 − (σr

    )6].

    7Louis-Paul Cailletet (Châtillon-sur-seine, 1832 – Paris, 1913) étudia la compressibilité des gaz sous de fortespressions. Il fut le premier à mettre au point une procédure qui lui permit de liquéfier certains gaz qui, jusqu’alors,étaient réputés permanents, comme l’oxygène et l’hydrogène (1877) : un refroidissement du gaz en-dessous dela température critique, une première compression suivie d’un refroidissement, puis une détente qui refroidit ànouveau. L’appareil utilisé pour cette fiche d’expérience est en fait une version simplifiée de ceux construits parCailletet pour comprimer les gaz et étudier leur compressibilité en fonction de la température.

    8Emile Mathias (Paris, 1861 – Clermont-Ferrand, 1942) étudia les propriétés des fluides au point critique. Ilfut ensuite le directeur de l’Observatoire de Physique du Globe du Puy de Dôme.

  • 3

    2

    1

    0

    1/V

    l - 1

    /Vg

    (cm

    3 )

    80x10-36040200t

    1.0

    0.8

    0.6

    0.4Log

    ( 1

    /Vl -

    1/V

    g )

    -4.5 -4.0 -3.5 -3.0

    Log ( t )

    (a) (b)

    2.2 Etude (très) grossière des exposants critiques 7

    Les constantes a et b sont spécifiques de chaque corps pur. La droite qui représente le lieu de cespoints en fonction de T (figure 6) aboutit au point critique C, ce qui permet de déterminer avecprécision le volume critique VC qui correspond à la masse de gaz introduite dans le dispositifexpérimental.

    On remarquera que les données représentées sur la figure 2 sont insuffisantes pour détermineravec précision les paramètres TC et VC. Il manque en particulier le tracé d’une isotherme auvoisinage de 47 ◦C. Nous pouvons donc seulement dire que la valeur tabulée est en accord avecles isothermes relevées expérimentalement : il existe un palier de liquéfaction pour T = 44 ◦C,et celui-ci a disparu pour T = 48 ◦C. En extrapolant la valeur du volume moyen V pourTC = 320 K, nous en déduisons :

    VC = 0.36 cm3

    Compte tenu de la précédente détermination du nombre de moles N dans l’appareil, cette valeurcorrespond à des grandeurs molaires et massiques :

    vC = 241 cm3 ·mol−1 = 0.241 m3 ·kmol−1 soit vC = 1.65 cm3 ·g−1

    valeurs qui sont également assez éloignées de celles qui sont données dans la littérature [2].

    2.2 Etude (très) grossière des exposants critiques

    Au voisinage de la température critique, les masses volumiques des phases liquide ρliq et vapeurρgaz tendent vers une même valeur ρC, appelée masse volumique critique, avec

    ρliq − ρgaz ∝(

    TC − TTC

    )β(4)

    où β est un exposant critique qui est voisin de 0.35 pour l’ensemble des gaz. Nous pouvons tenterde vérifier cette variation, en traçant l’évolution de 1Vliq −

    1Vgaz

    = f(t) avec t = (TC − T )/TC. Apartir des quelques points expérimentaux, on obtient par ajustement (figure 7) :

    1Vl

    − 1Vg

    ∝(

    TC − TTC

    )(0.42±0.07)(5)

    Là encore, une détermination précise de l’exposant critique β aurait nécessité de relever avecsoin un plus grand nombre d’isothermes au voisinage de la température critique. Il s’agit là demesures qui font aujourd’hui encore l’objet de recherches actives 9.

    Figure 7: Essai de détermination de l’exposant critique β (cf. Éq.(4)). On commence par tracer en coordonnéeslogarithmiques (courbe (a)) la variation de 1

    Vliq− 1

    Vgaz= f(t). Un ajustement par une fonction affine donne une

    dépendance en (2.2106 ± 0.247) + (0.41979 ± 0.071) × Log t. La loi de puissance correspondante (cf. Éq.(5)) estreprésentée sur la courbe (b).

    9Ces expériences sont particulièrement difficiles à mener à bien. Pour avoir une précision suffisante, ellesdoivent par exemple être réalisées en micro-gravité pour s’affranchir des effets de la pesanteur terrestre !

  • 40

    30

    20

    10

    0

    P sat

    (b

    ar)

    320310300290280270260250

    Température (K)

    C

    15

    10

    5

    0

    Lv

    (kJ.

    mol

    -1)

    320315310305300

    Température (K)

    Tc

    8 2 ETUDE DE L’ÉQUILIBRE LIQUIDE–VAPEUR

    2.3 Pression de vapeur saturante et chaleur latente de vaporisation

    Nos mesures expérimentales nous permettent de tracer l’évolution de la pression de vapeursaturante Psat avec la température T (figure 8).

    Figure 8: Evolution de la pression de vapeur saturante Psat en fonction de la température T . Nos mesuresexpérimentales (•) sont comparées aux valeurs (+) données dans la Réf.[3].

    Comme dans tout changement d’état d’un corps pur, le passage liquide → vapeur est carac-térisé par une variation d’enthalpie volumique :

    ∆H = Lvap(T ) (6)

    où Lvap est la chaleur latente de vaporisation. La formule de Clausius–Clapeyron nous permetde calculer Lvap(T ) à partir de la courbe Psat(T ), en connaissant les volumes molaires respectifsvgaz et vliq de la phase gazeuse et de la phase liquide :

    Lvap(T ) = T (vgaz − vliq)dPsatdT

    (7)

    Une telle exploitation est présentée sur la figure 9. On remarque que la chaleur latentediminue lorsque la température T augmente. Elle devrait s’annuler au point critique C oùdisparâıt la discontinuité entre les états gazeux et liquides. Un relevé précis de la courbe Psat(T ),suivi d’une exploitation soignée de ces données, peut nous faire espérer de montrer qu’au pointcritique C, la courbe Lvap(T ) présente une tangente expérimentale.

    Figure 9: Estimation de la variation de la chaleur latente de vaporisation Lvap en fonction de la température T .Les points expérimentaux sont déterminés à partir de la formule de Clausius–Clapeyron et de la détermination

    des paramètres (Psat, vliq, vgaz) pour chacune des isothermes tracées.

  • 9

    3 Comparaison avec un gaz de Van der Waals

    3.1 Quelques rappels théoriques

    3.1.1 Etablissement de l’équation d’état de Van der Waals

    On a cherché à représenter l’équation d’état d’un fluide par une équation unique, qui soit con-sistante avec l’équilibre liquide–vapeur et l’existence du point critique. Pour donner les grandeslignes de ce calcul, rappelons que l’équation d’état d’un gaz parfait pour N particules :

    PV = NkBT (8)

    peut être obtenue à partir de la fonction de partition canonique Q(GP)N du gaz parfait monoatomiqueet de la fonction de partition Z relative à une particule :

    Q(GP)N =

    ZN

    N !avec Z =

    V

    h3(2πmkBT )

    3/2 (9)

    où h et kB sont respectivement les constantes de Planck et de Boltzman. Nous allons modifierde manière empirique cette fonction de partition pour prendre en compte l’existence des inter-actions entre molécules.

    Notons tout d’abord que le volume dans lequel le centre d’inertie des molécules peuvent sedéplacer est plus petit que le volume total V du gaz, puisque les molécules ont un encombrementstérique. On convient ainsi de remplacer le volume V par un volume

    V ′ = V − Nb′ (10)

    où b′ est un volume de l’ordre de celui d’une molécule. Nous représentons par ailleurs les forcesintermoléculaires, qui sont attractives en ≈ 1/r6 à grande distance (forces de van der Waals)et répulsives à très courte distance lorsque les nuages électroniques viennent se recouvrir, par unpuits de potentiel de profondeur constante φ. Il s’introduit alors dans Z un facteur de Boltzmane−φ/kBT . La fonction de partition modifiée va ainsi s’écrire :

    QN =(V − Nb′)N

    N

    (2πmkBT )3N/2

    h3Ne−Nβφ avec β =

    1kBT

    (11)

    soit :

    QN = Q(GP)N

    (1 − Nb

    V

    )Ne−Nβφ (12)

    L’énergie libre du fluide a alors pour expression :

    F = −kBT LogQN soit F = F (GP) − NkBT Log(

    1 − Nb′

    V

    )+ Nφ (13)

    qui nous permet d’obtenir l’équation d’état

    P = −∂F∂V

    =NkBT

    V+ NkBT

    (1

    V − Nb′ −1V

    )− N ∂φ

    ∂V(14)

    soit, en regroupant les différents termes :

    P =NkBT

    V − Nb′ − N∂φ

    ∂V(15)

    On peut obtenir une forme explicite du potentiel φ à partir du potentiel d’interaction E(R)entre deux molécules distantes de R l’une de l’autre, dont une forme possible est par exemple le

  • 10 3 COMPARAISON AVEC UN GAZ DE VAN DER WAALS

    potentiel de Lennard–Jones. En supposant que les molécules sont réparties dans le gaz avecla densité uniforme N/V , on choisit alors, et il s’agit là d’une approximation, d’écrire :

    φ =12

    ∫E(R) N

    VdR = −N

    Va′ avec a′ = −1

    2

    ∫E(R) dR (16)

    expression dans laquelle le facteur 12 correspond à la sommation sur les paires de molécules.L’équation d’état du fluide va alors s’écrire :

    P =NkBT

    V − Nb′ − N2 a

    V 2(17)

    soit, en se ramenant au volume molaire v = VN :(P +

    a

    v2

    )(v − b) = RT (18)

    où l’on a introduit les deux paramètres a = NAa′ et b = NAb′, exprimés en fonction du nombred’Avogadro NA.

    Cette équation (18), connue sous le nom d’équation d’état de Van der Waals (figure 10),peut être interprétée comme une généralisation de l’équation d’état Pv = RT du gaz parfait.Si le terme en v − b a une interprétation transparente en fonction du covolume b des moléculesdu gaz, nous pouvons cependant revenir sur l’interprétation du terme en a/v2. Les moléculesdu gaz s’attirant les unes avec les autres, la force exercée sur une molécule qui frappe une paroiest la somme d’une force exercée par cette paroi, qui correspond à la pression P du gaz, etd’une force attractive qui est exercée par les autres molécules, et qui correspond quant-à elle àla “pression interne”. La force exercée par la paroi sur le gaz, qui est celle à laquelle est sensibleun manomètre, est donc plus faible que dans le cas du gaz parfait.

    Figure 10: Johannes Diderik Van der Waals (Leyden, 1837 – Amsterdam, 1923). Alors qu’il était professeurde lycée, il poursuivit des études de physique. Son travail de thèse sur la continuité des états liquide et gazeux,

    où il démontra l’Éq.(18), lui assurèrent immédiatement une reconnaissance internationale. Devenu professeur à

    l’Université d’Amsterdam, il continua à travailler sur la compréhension des propriétés physiques des états liquides

    et gazeux. Il établit en 1880 la loi des états correspondants dont nous donnerons une brève description à la

    fin de ce texte, et la vérifia expérimentalement. Cette loi servit de guide pour la liquéfaction de l’hydrogène

    en 1898 par James Dewar, puis de l’hélium en 1908 par H. Kamerlingh Onnes. Il donna également une

    théorie thermodynamique de la capillarité, dans laquelle la frontière entre le liquide et le gaz est modélisée par un

    changement graduel mais très rapide de la densité. Il reçut le prix Nobel de physique en 1910 “pour son travail

    sur l’équation d’état des gaz et des liquides”.

  • 3.1 Quelques rappels théoriques 11

    3.1.2 Point critique et équation réduite de van der Waals

    Au point critique C, l’isotherme TC présente un point d’inflexion à tangente de pente nulle, soit :(∂p

    ∂v

    )T

    = 0 et

    (∂2p

    ∂v2

    )T

    = 0 (19)

    En utilisant un logiciel de calcul formel, on résout sans difficulté ces deux équations pourobtenir les coordonnées du point triple en fonction des paramètres a et b :

    PC =a

    27b2vC = 3b TC =

    8a27b R

    . (20)

    On notera que les trois coordonnées PC, vC et TC du point critique ne dépendant que des deuxparamètres a et b de l’Éq. de Van der Waals, il existe une relation qui les relient entre eux :

    PC vCRTC

    =38

    ≈ 0.375 (21)

    expression dont nous pouvons voir si elle est vérifiée ou non en fonction des paramètres PC, vC etTC déterminés expérimentalement pour le point critique de SF6. À partir des valeurs tabulées,nous obtenons : (

    PC vCRTC

    )table

    ≈ 0.322 .

    Nous pouvons à l’inverse calculer les constantes a, b et R en fonction des constantes critiques :

    a = 3PC v2C b =13

    vC R =83

    PC vCTC

    (22)

    et reporter dans l’Éq.(18) de Van der Waals :(P +

    3 PC v2Cv2

    ) (v − vC

    3

    )=

    83

    PC vCT

    TC. (23)

    Si on normalise P , v et T aux coordonnées respectives du point critique :

    P ∗ =P

    PCv∗ =

    v

    vCT ∗ =

    T

    TC(24)

    on obtient alors pour ces coordonnées réduites une équation d’état “universelle” qui ne contientplus aucun paramètre : (

    P ∗ +3

    (v∗)2

    ) (v∗ − 1

    3

    )=

    83T ∗ (25)

    3.1.3 Equilibre liquide–vapeur : construction de Maxwell

    Aux températures inférieures à la température critique T ∗ < 1, l’Éq.(25) conduit à une isothermesans palier de liquéfaction, mais avec une forme caractéristique en “S” dont une partie correspondà un coefficient de compressibilité χT = − 1V

    (∂V∂p

    )T

    négatif. Un tel comportement est en faitinterdit par les principes de la thermodynamique, et les états associés dans le plan (P ∗, v∗) nepeuvent donc exister. D’après la construction de Maxwell, la zone d’équilibre entre le liquideet la vapeur est représentée par un segment horizontal compris entre les volumes P ∗1 et P

    ∗2 , qui

    coupe l’isotherme de Van der Waals pour une pression P ∗sat telle que :∫ P ∗2P ∗1

    P ∗(v∗) dv∗ = P ∗sat (v∗2 − v∗1) (26)

    En calculant la solution de cette équation pour chaque isotherme, on détermine ainsi le palierde liquéfaction pour chaque isotherme T < TC comme cela est représenté sur la figure 11.

  • 1 2 3 4 5 6 7 8Volume molaire réduit

    -1

    -0.5

    0.5

    1

    1.5

    2

    Pression réduite

    12 3 COMPARAISON AVEC UN GAZ DE VAN DER WAALS

    Figure 11: Isothermes de van der Waals, pour T ∗ = 0.73, 0.86, 0.97, 1, 1.06 et 1.32. L’isotherme critiqueT ∗ = 1 est représentée en pointillé. Le palier de liquéfaction correspondant à la pression de vapeur saturante

    P ∗sat(T∗), est obtenu en appliquant la construction de Maxwell.

    3.2 Comparaison avec les isothermes de SF6

    Cette partie de l’étude sera effectuée lors d’une des séances de travaux pratiques de physiquenumérique, consacrée à l’utilisation pratique d’un logiciel de calcul formel. Afin de pouvoirrécupérer les données que vous avez prises durant la séance de TP, nous vous demandons desauvegarder le fichier de vos points expérimentaux sur l’espace disque qui vous est réservé auCRI 10.

    Afin d’illustrer le travail qui devra être effectué, traçons les isothermes obtenues expéri-mentalement pour le SF6 (cf. figure 2), sous leur forme réduite où les grandeurs (P, V ) sontnormalisées à leurs valeurs au point critique que nous avons déterminées expérimentalement :

    P ∗ =P

    P(exp)C

    avec P (exp)C = 37.7 bar

    v∗ =V

    V(exp)C

    avec V (exp)C = 0.45 cm3

    On notera que le volume V (exp)C au point critique est cependant difficile à déterminer de manièreprécise, de sorte que la valeur prise pour effectuer la normalisation de V se trouve entachéed’une erreur importante. Nous pouvons ensuite comparer chacune de ces différentes isothermesà la courbe correspondante du gaz de Van der Waals, calculée pour T ∗ = T/T (exp)C avecT

    (exp)C = 45.5

    ◦C (figure 12).

    A travers les quatre comparaisons représentées sur la figure 12, il est clair que l’équation deVan der Waals ne rend compte que qualitativement des propriétés du fluide. L’accord estcependant meilleur au voisinage de l’isotherme critique TC. Pour reproduire les écarts entre lecomportement réel du gaz et les isothermes “universelles” prévues par l’équation de van derWaals, il est nécessaire d’introduire une équation d’état à quatre paramètres [5], comme parexemple l’équation de Clausius :[

    P +a

    T (v + c)2

    ][v − b] = RT (27)

    10L’enseignant responsable du TP vous expliquera comment effectuer ce transfert.

  • T = 60°CT = 48.8°C

    T =44°CT =39°C

    3.3 À propos de la loi des états correspondants 13

    Figure 12: Comparaison entre les isothermes de SF6, tracées en coordonnées réduites pour la pression P ∗ et levolume v∗, et celles calculées pour l’équation de van der Waals.

    qui différe de celle de van der Waals par l’introduction de la température et d’une constantec dans l’expression de la pression interne.

    Un prolongement intéressant de cette expérience serait par conséquent de tenter d’ajusterles courbes expérimentales par une telle variation, et de déterminer la valeur du paramètre cune fois les paramètres (TC, PC, vC) déterminés précisément.

    3.3 À propos de la loi des états correspondants

    On remarquera que l’équation d’état de Van der Waals est donc la même quelque soit le fluideconsidéré. Ce résultat était prévisible, indépendamment de l’expression de l’équation d’état.Supposons en effet que cette équation soit de la forme :

    f (P, v, T,A, B, R) = 0

    qui ne contient que trois constantes A, B et R. Ces coefficients peuvent donc être déterminésen fonction des coordonnées du point critique C, de sorte que l’équation d’état peut s’écrire

    g (P, v, T, PC vC, TC) = 0 .

    Pour des raisons d’homogéné̈ıté, cette fonction g ne s’exprimera qu’en fonction des coordon-nées réduites, c’est-à-dire :

    h (P ∗, v∗, T ∗) = 0

    Dans ces conditions, si deux coordonnées réduites de deux fluides sont prises égales l’une àl’autre, la troisième coordonnée aura alors la même valeur puisqu’il existe une seule équationréduite. Ce résultat est appelé “loi des états correspondants”.

    La Réf.[1] détaille les possibilités de l’appareil utilisé pour cette fiche d’expérience et montrela cöıncidence des réseaux d’isothermes en coordonnées réduites pour les gaz SF6 et C2H6. Lavérification de cette loi nécessite cependant de purger l’appareil du premier gaz puis de le remplirdu deuxième pour en faire l’étude.

  • 14 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

    Références bibliographiques

    [1] L’exploitation du relevé des isothermes de SF6 proposée dans cette fiche d’expériencess’inspire très fortement d’un article de A. Deguin, J.-P. Gauthier, G. Mesnard et P.Michel, “Appareil d’enseignement pour l’étude des propriétés des fluides au voisinage dupoint critique”, Bulletin de l’Union des Physiciens n◦589, pp. 321–343 (1976).

    [2] On trouvera les principales propriétés physiques de SF6 sur la base de don-nées du NIST The NIST Chemistry WebBook, qu’on peut consulter à l’adressehttp://webbook.nist.gov/chemistry/.

    [3] W. H. Mears, E. Rosenthal, and J. V. Sinka, “Physical Properties and Virial Coeffi-cients of Sulfur Hexafluoride”, J. Phys. Chem. 73, 2254 (1969).

    [4] L. Cailletet et E. Mathias, “Recherches sur les densités des gaz liquéfiés et de leursvapeurs saturées”, Compt. Rend. Acad. Sc. (Paris) 102, 1202 (1886).

    [5] B. E. Poling, J. M. Prausnitz, J. P. O’Connell The Properties of gases ans Liquids(McGraw-Hill, 2001).

    � Quelques références sur l’équation d’état des gaz réels et la justification théoriquedu développement du viriel :

    • M. Le Bellac et F. Mortessagne. Thermodynamique statistique. Dunod (Paris, 2001).Voir l’exercice (3.8.8) sur l’obtention du premier terme du viriel dans la correction àl’équation d’état d’un gaz parfait.

    • B. Diu, C. Guthmann, D. Lederer et B. Roulet. Physique statistique. Masson (Her-mann, 1989). Voir le complément (V.C) sur les gaz réels et le développement du viriel.