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Remarques sur la métrique du CHRISTUS PATIENS J.G. Brambs, dans sa dissertation de Munich de 18831, se fonde largement sur la métrique pour ajouter un argument nouveau à ceux qui ont été opposés à l'authenticité nazianzénienne du Xplcr'tOC; 1tûcrX<Ùv (ou Christus Patiens) et suggère que, tel la Catomyomachie et Rhodanthe et Dosiclès, il pourrait être de Théodore Prodromos 2 . L'étude est reprise de façon plus résumée dans l'édition Brambs du Christus Patiens parue deux ans plus tard dans la collection Teubner 3 , ouvrage d'accès plus commode. L'autorité de l'érudition allemande fit de la thèse de l'inauthenticité la thèse à peu près unanimement reçue jusqu'à l'édition Tuilier de 1969 4 . Malheureusement André Tuilier n'étudie point la métrique. Il n'apparaît donc pas inutile de reprendre, au moins par sondages, ce problème de la métrique du Christus Pa tiens, en tenant compte aussi du fait qu'on n'est plus réduit, pour les poèmes iambiques de Grégoire de Nazianze, aux éditions des Mauristes 5 . Il est de plus tentant, puisqu'il s'agit de comparer des relevés quanti- tatifs, et de décider si des différences dans ce domaine peuvent être considérées comme significatives, d'user du critère proposé en 1900 par Karl Pearson, qui, en cas de différences systématiques entre un groupe d'observations et un modèle probabiliste, permet d'émettre raisonnable- ment la supposition que ces différences proviennent d'un échantillonnage aléatoireS. Le test de Pearson, ou du X2, ayant depuis plus de trois 1 Brambs, J. G., De Auctoritate tragoediae christianae quae inscribi solet Xptcl"'tOç 1tuaxoov Gregorio Nazianzeno falso attributae, Eichstadii, M. Daentler, 1883, in 8°, 73 p. (Cote bibliothèque nationale de France: Q Münch. ph. 25 - volume relié avec le volume précédent). - Sera référencié Brambs 1883 . 2 Op. cit. pp. 62-72. - Je considérerai simplement cette attribution comme un exemple d'attribution à un Byzantin du XIIe siècle. 3 Christus Patiens, tragoedia christiana, quae inscribi solet Xpla'toç nuaxoov Gregorii Nazianzeno falso attributa, recensuit Dr. J.G. Brambs, Lipsiae, Teubneri, 1885, 172 p. - Voir la préface latine (pp. 3-23). - Sera référencié Brambs 1885. 4 Grégoire de Nazianze, La Passion du Christ, tragédie, Introduction, texte critique, traduction, notes et index de André Tuilier(= Sources chrétiennes 149), Paris, Cerf, 1969,349p .. 5 J'utiliserai en particulier l'édition Jungck du De Vita sua (= C.II, i, 11), Heidelberg, 1974. 6 Pearson, Karl, "On the Criterion that a given System of Deviations from the Probable in the Case of a Correlated System of Variables is such that it can he reasonably supposed to have arisen from Random Sampling", Philosophical Magazine (London, Edinburgh and Dublin), 5th ser. 50, July-December 1900,157-175. 93

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Page 1: Remarques sur la métrique du Christus Patiens...ment la supposition que ces différences proviennent d'un échantillonnage aléatoireS. Le test de Pearson, ou du X2, ayant depuis

Remarques sur la métrique du CHRISTUS PATIENS

J.G. Brambs, dans sa dissertation de Munich de 18831, se fonde largement sur la métrique pour ajouter un argument nouveau à ceux qui ont été opposés à l'authenticité nazianzénienne du Xplcr'tOC; 1tûcrX<Ùv (ou Christus Patiens) et suggère que, tel la Catomyomachie et Rhodanthe et Dosiclès, il pourrait être de Théodore Prodromos2. L'étude est reprise de façon plus résumée dans l'édition Brambs du Christus Patiens parue deux ans plus tard dans la collection Teubner3, ouvrage d'accès plus commode.

L'autorité de l'érudition allemande fit de la thèse de l'inauthenticité la thèse à peu près unanimement reçue jusqu'à l'édition Tuilier de 19694. Malheureusement André Tuilier n'étudie point la métrique. Il n'apparaît donc pas inutile de reprendre, au moins par sondages, ce problème de la métrique du Christus Pa tiens, en tenant compte aussi du fait qu'on n'est plus réduit, pour les poèmes iambiques de Grégoire de Nazianze, aux éditions des Mauristes5.

Il est de plus tentant, puisqu'il s'agit de comparer des relevés quanti­tatifs, et de décider si des différences dans ce domaine peuvent être considérées comme significatives, d'user du critère proposé en 1900 par Karl Pearson, qui, en cas de différences systématiques entre un groupe d'observations et un modèle probabiliste, permet d'émettre raisonnable­ment la supposition que ces différences proviennent d'un échantillonnage aléatoireS. Le test de Pearson, ou du X2, ayant depuis plus de trois

1 Brambs, J. G., De Auctoritate tragoediae christianae quae inscribi solet Xptcl"'tOç 1tuaxoov Gregorio Nazianzeno falso attributae, Eichstadii, M. Daentler, 1883, in 8°, 73 p. (Cote bibliothèque nationale de France: 8° Q Münch. ph. 25 - volume relié avec le volume précédent). - Sera référencié Brambs 1883 . 2 Op. cit. pp. 62-72. - Je considérerai simplement cette attribution comme un exemple d'attribution à un Byzantin du XIIe siècle. 3 Christus Patiens, tragoedia christiana, quae inscribi solet Xpla'toç nuaxoov Gregorii Nazianzeno falso attributa, recensuit Dr. J.G. Brambs, Lipsiae, Teubneri, 1885, 172 p. -Voir la préface latine (pp. 3-23). - Sera référencié Brambs 1885. 4 Grégoire de Nazianze, La Passion du Christ, tragédie, Introduction, texte critique, traduction, notes et index de André Tuilier(= Sources chrétiennes n° 149), Paris, Cerf, 1969,349p .. 5 J'utiliserai en particulier l'édition Jungck du De Vita sua (= C.II, i, 11), Heidelberg, 1974. 6 Pearson, Karl, "On the Criterion that a given System of Deviations from the Probable in the Case of a Correlated System of Variables is such that it can he reasonably supposed to have arisen from Random Sampling", Philosophical Magazine (London, Edinburgh and Dublin), 5th ser. 50, July-December 1900,157-175.

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quarts de siècle été utilisé avec succès dans les expenences des agro­nomes (pour négliger les autres usages de ce critère statistique 7), il paraît normal de penser à en faire usage maintenant quand on veut comparer des relevés numériques8 - ceci quelle que soit la répugnance du philologue (l'homme qui répugne le plus au monde à l'argument d'autorité) à utiliser des résultats reposant en partie sur des raisonnements qu'il ne comprend qu'en partie. Mais il convient aussi de ne pas confondre calcul et magie, et de simplement se souvenir de quelques règles simples et de bon sens qu'on oublie parfois lorsqu'on utilise révérencieusement et sans trop comprendre des notions de probabilité : 1) un événement improbable n'est pas un événement impossible - c'est simplement un cas rare; 2) si l'on a décidé qu'il était déraisonnable, le cas paraissant alors devoir être trop rare, de supposer qu'un groupe d'observations relève d'un simple échantillonage aléatoire pris dans une population présentant des variations conf onnes à un modèle probabiliste, restent deux hypothèses à examiner, soit (a) l'appartenance à deux populations différentes, chacune relevant d'un modèle probabiliste (b) la non validité du modèle probabiliste ; 3) enfin, même si l'on est amené à conclure qu'il est raisonnable de supposer que le modèle et le groupe d'observations relèvent de deux populations diffé­rentes, une telle conclusion ne nous dit rien sur les causes de cette différence9. Même si notre étude, introduisant la notion de hasard, nous amène à penser raisonnablement que sur certains points la métrique du XPlcr'tOÇ nacrXffiv est plus différente de (du reste de ?) l'oeuvre de Grégoire de Nazianze que ne le pennettraient de simples variations aléatoires, ce serait manquer à tout bon sens que de conclure que la seule cause possible est seulement une différence d'auteur.

Quel est le problème de la métrique du Xplcr'tOÇ nacrXffiv, écrit en trimètres iambiques ? C'est que le trimètre iambique oscille entre deux modèles extrêmes.

7 Méfions-nous des succès qui pourraient être dus à la self fulfilling prophecy et des cas où nécessité ou déontologie interdit l'expérimentation en double blind. 8 J'utiliserai la table du X2 figurant p. 264 à la fin de J'ouvrage de Charles Muller, Initiation à la statistique linguistique, Paris, Larousse, 1968. 9 Ainsi Karl Pearson (art. cit. pp. 167-169), après avoir observé que les résultats de 26.306 coups de dés transmis par le Professeur W.F.R. Weldon, ou ceux de la roulette de Monte Carlo en juillet 1892, étaient mathématiquement peu probables selon les lois du hasard, se garde bien d'émettre la moindre hypothèse sur l'origine de ces différences. Savoir s'il s'agit là de dés ou de roulette mal équilibrés, volontairement ou non, de dés ou de roulette lancés de façon particulière, volontairement ou non, d'erreur d'observation ou de transmission, volontaire ou non, etc., relève d'un autre type d'enquête, commerciale ou policière ou administrative ou ....

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(1) Le premier modèle est celui d'une métrique purement quanti­tative, où la quantité des syllabes dépend des règles bien connues de la prosodie et est donc en principe nettement déterminée, mais où l'on admet des substitutions de pieds trisyllabiques et même parfois du quadrisyllabique procéleusmatique. Si l'on pousse à l'extrême les possi­bilités de substitution, on obtient le trimètre iambique de la comédie, ou plus exactement d'Aristophane.

(2) L'autre modèle est celui que nous avons maintenant coutume d'appeler le dodécasyllabe byzantinlO. Il s'agit d'une métrique syllabique et accentuelle. Le vers a douze syllabes, l'avant dernière est accentuée (paroxytonèse), il y a au moins tendance à des règles accentuelles avant la césure.

On peut donc en présenter comme schéma lI; '001 '0

xxxxxxxxxxxx '1

x syllabe o absence d'accent , accent 1 césure

Quant à la quantité des syllabes, sans être obligatoirement tout à fait indifférente, elle tend à l'être par admission systématique de n, t, D,

les dichrona12,comme brèves ou longues à volonté, par un usage très libre des allongements et abrégements dus à la position, et même parfois par refus de tenir compte de la quantité de voyelles et de diphtongues marquée pourtant par une différence orthographique.

J'ajoute qu~ ce qui complique les choses est qu'il n'y a pas évolution linéaire entre le trimètre iambique purement quantitatif et le dodécasyl­labe byzantin, permettant une simple interprétation chronologique. Chacun sait que le trimètre iambique des tragiques admet moins de substitutions que celui d'Aristophane, celui des iambographes de l'époque archaïque encore moins; de nouveau, et avant le byzantinisme du dodécasyllabe, le trimètre des auteurs tardifs d'épigrammes présente peu de substitutions, ce qui a permis de qualifier le trimètre qu'ils

10 Voir l'article de Paul Maas, "Der byzantinische Zwolfsilber", Byz. Zeitschr. , 12, 1903, 278-323 (reproduit en Kleine Schriften, 1973, 242-288). - Certains, faisant remarquer que les Byzantins emploient le terme d'iambes préfèrent parler de trimètre byzantin. 11 Je simplifie, en particulier en ce qui concerne les usages à la césure. 12 Terme employé dès Denys le Thrace, à l'époque hellénistique, cf. Kuhn, p. 17 (Kuhn, Symbolae ad doctrinae Peri dichronôn pertinentes / = Breslauer Philologïsche Abhandlungen, 6, 3, 1892/, 140 p.).

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emploient de trimètre didactique - façon de rattacher les usages métri­ques au genre littéraire et non à la date. Et, de plus, la paroxytonèse peut exister sans être voulue. Ainsi un même vers peut être à la fois un trimètre iambique classique parfait et un dodécasyllabe byzantin parfait. Ceci n'empêche pas que des comparaisons concrètes portant sur des points que met en évidence l'opposition de ces deux modèles peuvent être chose intéréssante.

C'est pourquoi, par sondages plus ou moins importants, je m'en vais maintenant présenter mes relevés et mes hypothèses portant principa­lement sur la comparaison entre le Xptcr-roç; nâcrXffiv (que je désignerai parfois par le signe CP) tel que son texte apparaît dans l'édition Tuilier, d'une part, et, d'autre part, le De Vita sua (= C. II, i, 11) de Grégoire de Nazianze (que je désignerai parfois par le sigle DVS) tel que son texte apparaît dans l'édition Jungck13. A titre accessoire, je présenterai parfois des comparaisons internes, ou des comparaisons avec des textes en trimètres iambiques classiques ou des textes byzantins dodéca­syllabiques.

La comparaison portera sur quatre points, la dodécasyllabie, la paro­xytonèse, l'accentuation à la césure, les fautes (ou licences) concernant la quantité.

1 La dodécasyllabie

Brambs n'avait maintenu dans son édition que huit infractions à la dodécasyllabie14. Adoptant le texte de Tuilier, j'en trouve douze, ou éventuellement treize (le cas ambigu étant celui du vers 559 où l'on ne trouve que douze syllabes si l'on estime qu'il y a synalèphe). Les douze cas que je retiens finalement dans le Christus Patiens sont les vv. 626, 756, 1048, 1165, 1437, 1450, 1570, 1585, 1674, 1892, 2029, 2219.

Les quatre cas supplémentaires s'expliquent par des différences de texte, Brambs corrigeant, cependant que Tuilier conserve le texte des manuscrits. Ainsi:

. 756 Brambs adopte dans son texte une correction déjà suggérée par Duebner.

13 Gregor von Nazianz, De Vita sua, Einleitung, Text, Uebersetzung, Kommentar. Herausgegeben ... von Christoph Jungck (Wissenschaftiliche Kommentare zu griechischen und lateinischen Schriftstellern), Heidelberg, Carl Winter Universistatsverlag, 1974. 14 Liste en Brambs 1885, p. 19. Brambs 1883, pp. 31-35, dans son étude des pieds trisyllabiques, en notait 11 dans le texte de l'édition Duebner.

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· 1048 Brambs, à la suite de Duebner, corrige le texte des manuscrits en assimilant le texte du XptO"1:0C; nûcrXillv à celui du vers d'Euripide qui l'inspire (f.lÉye8oc; CP : nÉv80ç Bacch. 1244). Si l'on regarde les contextes et leur sens, le CP ne saurait avoir conservé le texte euripidéen authentique ; inversement, sans doute mevgeqo" pourrait être une mélecture de llENeOr qui pourrait sembler d'abord convenir aussi au contexte du CP, mais l'introduction du mot euripidéen banalise le texte chrétien et le rend finalement opposé à la réaction de la Théotokos telle qu'elle apparaît dans ce passage où elle ne mène pas tant le deuil qu'elle médite sur la grandeur insondable des desseins de Dieu; Tuilier a donc eu raison de conserver le texte des manuscrits ; et la modification du texte euripidéen dans ce passage par l'auteur du Christus Patiens est une de ces subtiles variations textuelles et sémantiques dont il est coutumier.

· 1585 Brambs corrige le texte en supprimant un 81> pourtant présent en Bacch. 10 dont ce vers est une adaptation très proche.

· 1892 Brambs corrige le texte en supprimant un crù. Bacch. 1262 (dodécasyllabique) n'est pas, dans le détail de l'expression, assez proche de ce vers pour servir d'argument en faveur de la correction de Brambs.

Pour les huit autres cas, seuls trois (626, 1450, 2219) sont empruntés textuellement à Euripide; 1165 est très proche d'Euripide. Pour les autres vers, l'adaptation est plus lointaine. Il faut enfin mettre à part 1674, supposé simplement provenir de la partie perdue des Bacchantes et pour lequel la comparaison de détail est donc impossible.

L'hypothèse de Brambs, selon laquelle les infractions à la dodécasyllabie dans le Christus Pa tiens s'expliquent par le caractère de centon euripidéen du texte, ainsi que son insistance sur la volonté de dodécasyllabie comme explication des modifications au texte euripidéen sont donc chose contestable15.

Ceci dit, sur les 2507 trimètres iambiques du texte dialogué du Xptcr'toç nûcrXillv 16, relever seulement 12 exceptions à la dodécasyllabie (notées plus loin ND) nous donne un rapport qui semble tout de suite

15 En 1883, dans son étude des pieds trisyllabiques (pp. 31-35), Brambs va jusqu'à dire que l'auteur du CP n'introduit de lui-même dans un vers euripidéen adopté et adapté aucun pied trisyllabique, ce qui est faux si l'on conserve le texte de la tradition manuscrite du CP pour le vers 1048. Il est vrai qu'il ne fait là que suivre là une correction de Duebner. 16 Je retire la prière finale (71 vers, tous dodécasyllabiques), les 30 vers d'hypothésis (numérotés à part par Tuillier, tous dodécasyllabiques), les trois lignes 1461 à 1464, qui ne sont peut-être pas senties comme des vers (elles viennent d'un passage lyrique de l'Agamemnon d'Eschyle) et, à moins de corrections (et il n'en a pas encore été proposé), ne sont en tout cas pas des trimètres iambiques, enfin les 21 lignes d'exclamations extra metrum qui figurent dans le numérotage des vers par Tuilier (130, 132, 358, 433, 448, 609, 617,682,694,866,1046,1071,1078,1460,1818,2031,2043,2054,2097,2295,2504).

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bien faible 17. La chose devient remarquable si l'on compare avec les 1950 trimètres iambiques du De Vita sua imprimés dans l'édition Jungck18, et les 153 cas de ND que j'y relève19. On obtient un X2 de 166, 95 20. Pour un seul degré de liberté, ce qui est le cas ici21, cette valeur dépasse de beaucoup celle de 10, 827 qui donne une probalité d'appartenance aléatoire à la même population d'une valeur de 0, 00l. La probabilité diminuant quand le X2 croît22, elle est donc ici encore bien plus faible. Il apparaît raisonnable de conclure que, du point de vue de la dodécasyllabie, le Christus Patiens et le De Vita sua ne relèvent pas de la même métrique du trimètre iambique.

ND D Total

TABLEAU 1 (Effectifs théoriques :c ) CP DVS 92,8 72, 2 2414, 2 1877, 8 2507 1950

Total 165 4292 4457

17 Ille serait encore plus si l'on tenait compte de la prière finale (1212578), ou de la prière finale et de l'hypothésis (1212608). 18 C'est le nombre qu'indique Jungck, op. cit., n.45, p. 39; il y a en effet un vers numéroté 1726a - Remarquons que, si l'on voulait faire des calculs totalement rigoureux d'après l'édition Jungck, il faudrait aussi exclure des calculs les deux vers condamnés par lui (746, 1574) et les trois vers comportant des mots encadrés par la crux, vers dont le texte est donc incertain. 19 Jungck (Op. cit. n. 25, p. 37) donne seulement le rapport 1/12. Il semble qu'il raisonne en termes de pieds résolus: trois vers (86, 225, 355) comprennent deux résolutions ; mais même 156/2950 ne fait pas 1/12 mais exactement 1/12, 5 . Négligence par Jungck de tout ce qui suit la virgule? ou oubli d'au moins un cas de ND dans mon relevé? 20 Comme il est normal en cas de comparaison entre deux échantillons différents, je calcule les effectifs théoriques (notés c ) en supposant que les rapports des cas de ND à l'ensemble des trimètres iambiques du poème seraient identiques pour le DVS (1950 vers imprimés) et pour le dialogue du CP (2507 trimètres iambiques). Le total général des vers étant de 1950 + 2507 = 4457, celui des cas de NP étant de 153 + 12 = 165, ceci nous donne: c NP en CP = (165 x 2507) : 4457 = 92, 8 et c NP en DVS = (165 x 1950) : 4457 = 72,2 . On sait que x,2 = ~ (0 - c )2 / c ; 0 étant employé comme symbole des effectifs relevés dans l'observation. - Voir les tableaux 1 et II . 21 Cf. Ch. Muller, op. cit., p. 98. 22 Je reproduis, d'après Ch; Muller (op. cU., p. 241), la correspondance des valeurs du x,2 et (en gras) des probabilités pour un degré de liberté: 0, 016 : 0, 90 ; 0, 148 : 0, 70 ; 0, 455 : 0,30; 1,074: 0, 30; 2, 706: 0,10; 3, 841: 0, 05; 5, 412: 0, 02; 6, 635: 0, 01; 10,827: 0, 001. Je n'ai trouve nulle part les valeurs correspondant à des probabilités inférieures à 1/1000 ; si l'on poursuit mentalement la courbe, il n'est pas absurde d'imaginer des probalités de l'ordre de un sur cent mille ou un sur un million pour la valeur en question de 166, 95.

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NDCp DCp NDDVS DDVS

c 92,8 2414, 2 72,2 1877,8

TABLEAU II (X2) o 12 2495 153 1797

o-c - 80,8 + 80, 8 +80,8 -80,8

(0 - c )2/c 70,35 2,70 90,42 3,48 X2= 166,95

Ces calculs sont impressionnants ; mais en partie à tort. La rhéto­rique des chiffres, comme celle des lettres, met en forme et rend fort le discours faible, mais d'une force parfois seulement apparente.

D'abord, en effet, je suis incapable de faire une contre épreuve en usant du même type de calcul, pour comparer la dodécasyllabie du XptcY'toç; nûcrxwv et celle du dodécasyllabe ou du trimètre byzantin telle qu'elle apparaît dans des textes du XIIe siècle qui peuvent être considérés comme caractéristiques de cette métrique ; les éditions de ces textes ne présentent en effet pour des poèmes entiers aucune infraction à la dodécasyllabie. Du coup les effectifs théoriques à utiliser dans le calcul seraient trop faibles23. Nous sommes donc renvoyés directement à la décision littéraire et philosophique du philologue qui doit savoir si, dans le cas particulier, on doit considérer un effectif très faible comme un quasi néant, assimilable au néant, ou comme un presque rien, qui s'y oppose - bref, dans le cas particulier, devons-nous, par exemple, assi­miler ou opposer la dodécasyllabie du Christus Patiens édité par Tuilier (12 ND sur 2507 trimètres du dialogue) à celle des poèmes historiques de Théodore Prodromos édités par Horander (0 ND sur 2263 trimètres byzantins24) ? Autre problème posé au philologue, l'appréciation du travail des éditeurs et de leurs choix, et en particulier de la part qu'y a tenu leur conception de la langue-et-style, de l'usus scribendi, de l'auteur

23 Tous les effectifs théoriques seront inférieurs à 10 ou certains inférieurs à 5, puisqu'il s'agit de trouver une moyenne en proportion entre le Christus Patiens qui comprend 12 ND (sur un total de 2507 trimètres iambiques) et un autre poème qui ne comprend aucun ND : trouver deux nombres dont l'un des deux est supérieur à 1G'12 de leur somme, cependant qu'aucun des deux n'est inférieur aux 5/12 de leur somme, est un problème dont la solution est impossible. Pour la condition restrictive à l'usage du test de Pearson à laquelle je me réfère, voir Ch. Muller, op. cit., p. 99. - A titre d'exemple, un calcul d'effectifs théoriques de ND en cas de comparaison entre le CP et les dodécasyllabes figurant dans les poèmes historiques de Théodore Prodromos édités par Hôrander (Wolfram Hôrander, THEODOROS PRODROMOS Historische Gedichte (= Wiener byzan­tinische Studien, Bd. XI), Wien, Verlag der ôsterreichen Akademie der Wissenschaften, 1974) donnerait respectivement un effectif théorique de 6, 307 et de 5, 693. Si l'on est assez peu raisonnable pour calculer un X2 et en déduire une probabilité d'appartenance à la même population, on trouve 10,85895, donc une probabilité à peine inférieure à 0, 001 (ou, selon une autre notation, à un sur mille), probabilité très faible mais non infime. 24 Op. cit., p. 123 et 126.

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dans le texte qu'ils éditent. Il ne peut être question ici de refaire le travail d'éditeur des byzantinologues qui ont édité les auteurs du XIIe siècle, mais nous avons déjà pu constater plus haut comment une simple absence de faveur pour la dodécasyllabie chez l'éditeur avait pu faire augmenter de moitié le nombre de vers non dodécasyllabiques entre l'édition Brambs et l'édition Tuilier du Christus Patiens.

Après avoir ainsi remarqué qu nous n'étions pas vraiment poussés par le calcul à identifier la dodécasyllabie du Xptcr'toç 1tacrxrov à celle du XIIe siècle, nous devons maintenant interpréter la distinction que nous avons été raisonnablement admis à admettre sur ce point entre la métrique de ce poème et celle du De Vita sua.

Une première question concerne la valeur du De Vita sua pour repré­senter la métrique iambique de Grégoire de Nazianze et l'exactitude métrique du texte édité par Tuilier du Christus Pa tiens.

Il faut d'abord constater que le De Vita sua édité par Jungck se distingue non seulement du Christus Patiens mais aussi, quoique bien moins, de l'ensemble des trimètres iambiques cap&adociens édités par les Mauristes sous le nom de Grégoire de Nazianze et étudiés par Paul Stoppel26. Présentant grossièrement les choses, je me contente de relevés et de rapports, soit:

DVS Jungck: 153ND/2945 à 2950 = 1/12

GN MaurStoppel : 440ND27/755O = 1/17. CP Tuilier: 12/2507 = 1/209

Nous n'avons aucune raison de douter de l'attention avec laquelle Stoppel a procédé à son relevé d'après l'édition des Mauristes2B• Mais celle-ci est un textus receptus dérivant finalement surtout de manuscrits byzantins tardifs tendant à normaliser le texte selon la métrique du

25 Outre la question des Dubia et spuria non attribués, y figurent aussi sous le nom de Grégoire de Nazianze les Iambes à Séleucos, qui sont d'Amphiloque d'Iconium. 26 Stoppel, P., Quaestiones de Gregorii Nazianzeni poetarum scenicorum imitatione et arte metrica, Diss. Rostock 1881, 68p .. - La partie dont les résultats doivent être utilisés ici est l' "Altera pars. De pedibus solutis qui in Gregorii Nazianzeni senariis exstant" (pp. 20-66). '%l Jungck (p. 37, n. 29), qui raisonne en termes de pieds résolus, dit 450. 2B Sur un point, celui des doubles résolutions, j'ai été amené à vérifier sur l'édition mauriste reproduite en Migne l'exactitude de Stoppel : dans le DVS, il n'en signale (p. 65) qu'un cas (au vers 225). On constate que dans l'édition Jungck c'est aussi le cas des vers 86 et 355. Mais justement, pour ces deux vers, Jungck établit un texte qui compte une syllabe de plus que celui imprimé par Migne.

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trimètre byzantin et en particulier à réduire les vers à douze syllabes. C'est ce que Jungck a pu constater en procédant à l'édition du De Vita sua: il y a en particulier tout un groupe de manuscrits des XVe et XVIe siècles qu'il nomme ô (manifestement pour deteriores) qui procèdent ainsi29 ; il faut donc, comme il est normal en raison des progrès des techniques de l'édition, se fier davantage au rapport de 1 à 12 que l'on trouve chez Jungck qu'à celui de 1 à 17 qui résulte des relevés pourtant plus étendus de Stoppel. On pourrait cependant se demander si Jungck n'a pas parfois un peu trop réagi contre la métrique byzantine: dans quelques cas où l'histoire du texte laisse un choix à l'éditeur qui doit de toute façon conclure que divers copistes ont procédé indépendamment à la même modification, il n'est pas toujours impossible de faire un choix différent de celui de Jungck, et ceci diminuerait peut-être un peu le nombre de pieds résolus30; mais le nombre de ces cas demeure très faible et une lecture attentive de l'édition Jungck ne m'a jamais convaincu que ce choix différent s'imposait. On pourrait aussi penser que les choix éditoriaux de Tuilier, en raison de son absence de préoccupation de la métrique, n'ont pas assez augmenté par rapport à l'édition Brambs le nombre de cas d'absence de dodécasyllabie : on pourrait en effet estimer que dans certains cas la dodécasyllabie a été introduite au cours des âges par une tradition manuscrite, même unanime, influencée par la métrique byzantine ; le cas paraît vraisemblable pour certains vers empruntés à Euripide et à peine modifiés31; je ne puis estimer le nombre de pieds résolus qui seraient ainsi introduits; en raison de la proportion assez faible de vers euripidéens adoptés sans modifications sémantiques, j'ai l'impression qu'il serait cependant assez faible.

Les quelques réserves dévelopées dans les lignes précédentes ne me conduisent donc pas à supposer qu'il soit possible d'aboutir de cette

29 Jungck, op. cit., p. 37 et 44 (et note 34 à la p. 44). Ces manuscrits, note-t-il, ne sont d'ailleurs pas les seuls qui manifestent cette tendance: voir note 28 à la p. 37. 30 Peut-être serait-ce le cas du vers 1455, ou, un peu plus vraisemblablement, du vers 1751, ceci à titre d'exemple. De plus (cas unique), au vers 625 la ND est introduite par une correction éditoriale que suit Jungck et qui, peut-être, ne s'impose pas. 31 Prenons quelques exemples dans des cas où l'édition Tuilier ne diffère pas de l'édition Brambs. Ainsi Médée 21 j3oq. /.û;v OPKOUÇ ùvaK(û.sî 01: OSÇlà.Ç us CP 51 ... ùvaKaÀ&î OSçtà.ç où d'ailleurs l'omission de 8); aboutit effectivement à la dodécasyllabie, mais n'a pas besoin pour se produire chez le copiste de l'influence de la métrique byzantine. En CP 1118, vers adaptant Tr. 937, on peut supposer que le texte primitif du CP serait ... Èxpiiv ae atÉcj>avov ... plus proche du ... Éxpiiv ,.u; a1:Écj>avov '.. d'Euripide que le ... a' !:xpiiv atÉcj>avov... ou ... Èxpiiv a1:Écj>avov ... des manuscrits du CP. Ces exemples de modifi­cations, interprétées par Brambs comme dues à l'auteur du CP, pourraient aussi bien et mieux être attribués à la tradition manuscrite. De même peut-être certaines des substitutions de synonymes pourraient-elles être attribuées à la tradition manuscrite du CP, quand d'autres ont aussi une valeur sémantique que ne considère pas Brambs : voir Brambs 1883, pp. 31-35 .

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façon à un rapprochement métrique notable entre la métrique du Christus Pa tiens et celle du De Vita sua 32.

Un peu plus inquiétante pour l'usage du test de Pearson est sans doute la non homogénéïté que l'on constate du point de vue de la dodécasyllabie à l'intérieur du De Vita sua. Jungck a fait remarquer33 qu'il n'y a dans ce poème aucune résolution, ou, si l'on préfère, qu'il y a partout dodécasyllabie pour les 132 vers compris entre le vers 1594 et le vers 1727 exclus. Si nous nous amusons à comparer, selon le test de Pearson, les 134 vers allant de l'un à l'autre de ces deux vers, inclus cette fois, aux 91 vers allant du vers 946 au vers 1036, inclus également - c'est-à-dire le passage comprenant la proportion non nulle la plus faible d'infractions à la dodécasyllabie (2/134 = 1/67) à celui qui en comprend la proportion la plus forte (17/91 = un peu moins de 1/5), on aboutit à un X? de 20, 73, c'est-à-dire à une probalité très nettement inférieure à 0, 001. Plaisanterie évidemment que ce calcul, qui ne fait que traduire en d'autres termes l'absence d'homogénéïté que nous avons signalée à l'origine34; mais absence d'homogénéïté gênante, qui, consta­tée à l'intérieur d'un même poème, peut inciter à se méfier des conclu­sions tirées de l'absence d'homogénéïté entre deux poèmes.

Une autre présentation des mêmes faits, un peu grossière puisqu'elle repose sur le relevé du nombre à la page35 de vers non dodécasyllabiques dans le De Vita sua, peut être plus évocatrice parce qu'elle se prête à représentation graphique. Je mets ci-dessous en ordonnée le nombre de vers non dodécasyllabique à la page, en abscisse, sous forme d'une succession de croix, le nombre de pages qui rentre dans chacune de ces catégories, soit:

32 En supposant que des éditions nouvelles aboutissent pour le De Vita sua à une réduction de 10 % des vers ne présentant pas de dodécasyllabie et pour le CP à des cas de ND trois fois plus nombreux, le X2 serait encore de 93, 02 ! (sans doute au lieu de 166, 95, mais il n'est que de 10, 827 pour une probalité de 0, 001). 33 Jungck, op. cit., p. 37, note 25 in fine. 34 Un choix d'échantillons aussi différents pourrait intervenir dans une population d'ensemble présentant une distribution parfaitement normale; mais ne faudrait-il pas que son effectif fut plus élevé que le nombre de vers du DVS pour que ce ne fût pas un choix délibéré? 35 Pour utiliser des pages régulières de 41 vers à la page, je commencerai à la page 58 de l'édition Jungck (commençant au vers 78) et je terminerai page 144 (qui se termine au vers 1880).

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Oxxxxx lxxxx 2xxxxxx 3xxxxxxx 4xxxxxxxxxxx 5xxxxxx 6xxxx 7 8 9x

On voit que la courbe que l'on peut tracer en suivant les extrémités de mes séries de croix ressemble à la courbe de Gauss (ou courbe en cloche, ou courbe en chapeau de gendarme), qui traduit une distriburtion aléatoire; mais elle présente un double gauchissement vers les extrêmes au lieu de s'effiler progressivement aux deux extrémités. Faut-il géné­raliser et se souvenir que le solécisme est une figure de style aussi bien que l'hellénisme? Ou même dire que le caractère littéraire d'un texte se définit souvent par son originalité? C'est en tout cas quelque chose qui peut faire considérer de façon différente en ce domaine la très faible probabilité d'appartenance à une même population.

Revenons à des considérations métriques de philologie plus tradi­tionnelle. Même dans le De Vita sua les vers comprenant des pieds avec résolution constituent l'exception (environ 1 sur 12 ou 13) ; ce sont donc eux qui ont besoin d'explication de même qu'on cherche souvent à expliquer les vers spondaïques chez Homère (environ 1 sur 18). Or on constate que l'emploi de ces pieds avec résolution s'explique souvent par l'emploi de noms propres36, ou de termes techniques37, souvent chrétiens38, ou de termes pittoresques39 - lexèmes dont on attend la présence dans un poème personnel du Théologien, mais qui s'imposent moins dans la thématique et le style du Christus Patiens.

Il faudra se souvenir de l'ensemble de ces remarques quand nous considérerons une interprétation d'ensemble.

36 Ainsi vv. 1003, 1032, 1132, 1183, 1519, 1574, 1800, etc .. 37 Ainsi vv. 2, 743, 755, 1017, 1168, 1219, 1284, 1576, etc .. 38 Ainsi vv. 743, 1153, 1168, 1284, 1763, etc .. 39 Ainsi vv. 1730(-csxvuùpwv), 182Hf:xPE!-!f:nçov).

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II La paroxytonèse

Constatant que la paroxytonèse n'est pas absolue, Brambs attache moins d'importance, au moins dans sa dissertation4O, à cette paroxy­tonèse qu'à une dodécasyllabie qu'il s'efforce de rendre absolue. Elle n'en est pas moins remarquable, si l'on compare le Christus Patiens au De Vita sua.

D'après mes relevés, sur les 2578 vers du Xpto"tOC; 1tacrxrov 41, je trouve l'absence de paroxytonèse (notée parfois ultérieurement NP) seulement dans 532 cas. Dans ce relevé, comme dans celui que je fais pour le De Vita sua, je considère que seuls répondent à une règle de paroxytonèse les vers qui, sur leur avant dernière syllabe, présentent graphiquement l'accent aigu ou l'accent circonflexe42.

D'après quelques sondages rapides, il me semble qu'une part impor­tante des cas d'absence de paroxytonèse (entre le quart et la moitié ou plus selon les passages du Christus Patiens ) se trouve dans des vers qui ne sont pas textuellement repris d'Euripide43. Aussi, plutôt que de suivre Brambs lorsqu'il suggère que la modification apportée à Euripide dans le vers 1613 du Christus Patiens, vers qui adapte le vers 136 d'Oreste, avait pour but d'introduire la paroxytonèse44, je préfère noter des cas où la modification apportée par l'auteur de XplO"'tOC; mlcrxrov à Euripide supprime une paroxytonèse qui existait45.

Pourtant ici, une fois encore, l'utilisation du test de Pearson fait apparaître une différence qu'il est raisonable de ne pas négliger. La proportion plus faible d'absence de paroxytonèse dans le Christus Pa tiens que dans le De Vita sua (532 cas sur 2578 vers contre 716 cas sur 1950 vers) nous donne un X2 d'un peu plus de 143, moins important sans doute que dans le cas de la dodécasyllabie, mais dépassant encore tellement celui de 10, 827(qui donne la probalité de 0,001 pour

40 Brambs 1883, p. 37. Mais Brambs 1885, p. 19. 41 En dépit d'une certaine incohérence, j'ai ici tenu compte aussi dans mes statistiques de la prière finale. 42 Il est possible que Jungck emploie des règles plus subtiles pour la paraxytonèse ; ceci, outre les erreurs d'observation toujours possibles chez l'un ou chez l'autre, même lorsqu'on refait ses décomptes, peut expliquer les différences entre mon compte et celui de Jungck pour le DeVita sua: il relève (p. 39, note 45) 1245 cas de paroxytonèse sur 1950 vers (donc 705 cas de NP) ; j'en relève, sur son édition, 716. 43 Ceux qui disposent de la présentation parallèle du texte de Tuilier et des passages empruntés préparée pour le colloque où fut présentée cette communication pourront facilement vérifier ou contester cette affirmation. 44 Brambs 1885, p. 19. 45 Ainsi Christus Patiens 1195, 1321, 1488, 1522, 1525 - ceci exempli gratia .

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l'appartenance à la même population) qu'il paraîtrait normal de considérer que les deux poèmes relèvent pour la paroxytonèse d'une métrique différente.

Mais le problème est une question esthétique, peut-être même au sens physiologique du mot, de seuil et de sensibilité.

Nul n'a jamais attribué à Euripide une métrique accentuelle. Pour­tant sur deux sondages faits au hasard dans les tragédies d'Euripide, l'un marque une prépondérance de la paroxytonèse qui pourrait sembler assez nette.

a) Dans les 100 trimètres iambiques de Médée qui vont du vers 214 au vers 313, il y a 66 vers paroxytoniques et 34 non paroxytoniques.

b) Par contre, dans les 100 trimètres iambiques des Bacchantes qui commencent au vers 43446, il y a 48 vers paroxytoniques et 52 qui ne le sont pas.

Dans le De Vita sua où nous avons noté, sur 1950 vers, 1234 qui présentent la paroxytonèse contre 716 qui ne la présentent pas (soit, pour ceux pour qui les pourcentages sont évocateurs, 63 % de paroxytonèse : autrement dit un pourcentage d'ensemble inférieur à celui des 100 vers de Médée cités plus haut), les relevés à la pagé7 s'étagent entre un pourcentage encore bien inférieur et un autre bien supérieur, soit:

a) 21 cas de paroxytonèse contre 20, environ 50 % de paroxytonèse ; b) 33 cas de paroxytonèse contre 8, environ 80 % de paroxytonèse48. Dans le Christus Pa tiens, la paroxytonèse, plus importante globa-

lement (quelque 79 %), semble encore plus irrégulière et peut-être plus importante dans les passages qui subissent le moins l'influence d'Euripide. Ainsi:

a) Les 36 vers allant du vers 2138 au vers 2173 et où il y a un seul souvenir d'EUIjpide (au premier vers de cette tirade) comprennent un seul vers non paroxytonique (vers 2153) ; soit, si l'on veut, une paroxytonèse à 97 % ;

b) Les 71 vers de la prière finale ne comprennent que 7 vers non paroxytoniques ; soit une paroxytonèse à 90 %41);

46 Soit 434 à 518 + 642-643 + 645-667 inclus. 47 Toujours la page de Jungck, à 41 vers. 48 Si comme pour les cas de ND, je faisais pour les cas de NP une représentation graphique des cas de NP à la page (complête de 41 vers), on constaterait, bien que de façon un peu moins marquée peut-être et se traduisant surtout par l'applatissement de la courbe plutôt que par une remontée aux extrêmes, une faveur analogue pour les extrêmes. Je reproduis ici simplement les données chiffrées: pour 8 NP à la page, 2 pages; 9 1 ; 10 0 ; 11 3 ; 125 ; 134 ; 14 7 ; 156 ; 162 ; 175 ; 184 ; 195 ; 202 . 49 Il n'est peut-être pas absurde de comparer grâce au test de Pearson l'ensemble de ces deux passages du Christus Patiens (passages qui semblent particulièrement marqués par la paroxytonèse) à l'ensemble des deux pages du De Vita sua qui présentent le moins de NP (p. 120 + p. 130: vv. 1349-1384 + 1554-1594): on compare ce qui semble être deux maxima

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c) Inversement, les 102 premiers vers totalement empruntés à Euri­pide (pour les trouver, il faut aller jusqu'au vers 1194) comprennent 47 vers non paroxytoniques ; soit une paroxytonése à un peu plus de 50 %.

Où peut-on ressentir la ligne de partage ? Entre Euripide et le De Vita sua? entre le De Vita sua et le Christus Patiens ? à l'intérieur même du Christus Patiens ?

Essayons de faire encore quelques calculs en prenant cette fois pour terme de comparaison des poèmes du Xne siècle, typiques du dodéca­syllabe byzantin. Si l'absence de paroxytonèse (NP) est pour le Christus Pa tiens de 532 cas pour 2578 (soit, en moyenne, d'à peu près 1 cas sur 5, mais avec des variations allant, pour les passages que j'ai spécia­lement étudiés d'à peu près 1 cas sur 2 à 1 cas sur 36), chez Théodore Prodromos on trouve a) dans la Catomyomachie 1 absence de paroxy­tonèse pour 384 vers50, b) dans Rhodanthe et Dosiclès, 44 irré~larités de ce type pour 4605 vers (soit une moyenne de NP de 1/105 1), c) 18 pour les 2263 dodécasyllabes figurant dans les Historische Gedichte édités par Horander (soit une moyenne de NP de quelque 1/13152). Notons de plus que, de ce point de vue de la paroxytonèse, les différentes poésies de Théodore Prodromos citées ne contrastent pas de façon significative. Si l'on compare les Historische Gedichte et Rhodanthe et Dosiclès53, on aboutit à un X? de 0,6664, soit une probabilité d'apparte­nance à la même population comprise entre 0,90 (90 %)et 0,70. Les Historische Gedichte étant celle des deux oeuvres qui bénéficie d'une édition modeme54, ce sont eux que je vais comparer au Christus Patiens - il n'est en effet pas possible de comparer les Historische Gedichte aux seuls passages du Christus Patiens à peu près dépourvus de souvenirs d'Euripide (pratiquement, les deux premiers passages présentés plus haut55), car le calcul conduirait à des effectifs théoriques trop faibles56. En comparant donc ainsi, du point de vue de la paroxytonèse, les 2578

de paroxytonèse. On obtient un X2 de 6, 0651, une probabilité comprise entre 0, 02 et 0, 01-ce qui est faible, mais non infime, contrairement à certains des cas précédents. 50 Voir l'édition Hunger (Hunger, H., Der byzantinische Katz-Miiuse-Krieg ( = Byzantina Vindobonensia IID, Graz - Wien - Kôln, 1968), p. 37 (introduction) et 114 et 116 (texte). Encore s'agit-il du vers 324, fait d'allitérations et d'assonances autour d'une exclamation: 1tCtî 1tCtî KpetÀ.I .. e 1tCtî 1tCt1tCtî 1tCtî ùÉcr1t01:Ct. 51 Voir, Hunger, op. dt., p. 37. Il donne ce relevé d'après Hilberg, "Kann Theodor Prodromos der Verfasser des XptcrtoC; 1tûcrxrov sein ?", Wiener Studien, 8, 1886,282-314. 52 Hôrander, op. cit., p. 126. 53 On ne peut faire le calcul pour la Catomyomachie, les effectifs théoriques de NP étant trop faibles. 54 L'édition Hôrander est de 1974. Pour Rhodanthe et Dosiclès l'édition Herscher (Erotici Scriptores Graeci, II, 287-434), que Hilberg, dans son article de 1886, s'est contenté de corriger sur certains points, est de 1859. 55 Christus Patiens, vv. 2138-2173 + prière finale. 56 Pour l'ensemble de ces 107 vers, c = 1, 17 !

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vers du Christus Patiens aux 2263 dodécasyllabes des Historische Gedichte de Théodore Prodromos, on aboutit à un X2 de 471, 09, de loin supérieur à tout ce que nous avons rencontré jusqu'ici, et donc à une probabilité encore plus infime que tout ce que nous avons jusqu'ici vu, que les différences entre ces deux poèmes soient, de ce point de vue, purement aléatoires.

L'abîme qui, de Théodore Prodromos, sépare le Christus Patiens 57 ne supprime pas le fossé qui le sépare du De Vita sua. Si l'on est par conséquent tenté d'écarter la datation basse58 et de revenir à la datation haute et à l'attribution des manuscrits, cette attribution à Grégoire de Nazianze qui se présente d'abord à l'esprit en cas de datation haute, il reste encore à expliquer, puisqu'on ne peut le combler, ce fossé entre certains traits métriques de deux poèmes différents qui seraient d'un même auteur. Faut-il se souvenir que Grégoire de Nazianze a plusieurs métriques, y compris une métrique accentuelle 59 ? Ne pourrait-il aussi tendre parfois à user de la paroxytonèse dans le trimètre iambique?

ID L'accentuation à la césure

Dans le dodécasyllabe byzantin l'accentuation avant césure est plus libre que l'accentuation en fin de vers; le schéma que j'en ai tracé plus haut correspond simplement à ce qui en est la structure dominante6O• Et la variation est assez importanteSl . On comprend que l'on n'ait pas étudié l'accentuation à la césure dans le Christus Patiens. Je donnerai simplement certains relevés, classés par proportion croissante d'accen-

57 Disons plus précisément "qui sépare, du point de vue de la paroxytonèse, le Christus Patiens des Historische Gedichte de Théodore Prodromos". 58 Evidemment, Théodore Prodromos, que j'ai considéré comme représentatif de la datation basse, vu mon ignorance, ne serait peut-être pas le seul à considérer! 59 Voir, où il défend en particulier l'authenticité de l' ''YIlVOÇ ElÇ Geav (C. 1, i, 29), Fernandez Marcos, Natalio, "Observaciones sobre los himnos de Gregorio Nacianceno", Emerita, 36,1968,231-245; aussi Mathieu, Jean-Marie, "Authenticité de l'Exhortatio ad uirgines (C. l, ii 3)", in Mossay, J., (ed.) II Symposium nazianzenum, Paderborn, 1983,145-158. 60 Voir Hiirander, op. cit., 126-127, pour les relevés concernant les Historische Gedichte de Théodore Prodromos. 61 Voir Hunger, op. cit., 38, pour les relevés concernant la Catomyomachie. Si l'on calcule, grâce au test de Pearson la probabilité d'appartenance à la même population entre d'une part les HG et un passage arbitrairement choisi d'Euripide (Médée 214-313), d'autre part entre les HG et la Catomyomachie (qui comprend plus d'exceptions à ce que j'ai présenté comme la règle que les HG ), la probabilité n'est pas tellement différente (dans le premier cas X2 de 12,49 - probabilité un peu inférieure à 0, 001 us dans le deuxième cas X2 de 10, 74 - probabilité très légèrement supérieure à 0, 00l).

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tuation à la césure conforme à la structure dominante du trimètre byzantin sans en tirer aucune conclusion, ce qui me paraît impossible.

Grégoire de Nazianze, De Vita sua, 431-53062 : 35/95 = 36 % Christius Patiens, 431-53063 : 41/94 = 43 % Euripide, Médée, 214-31364 : 46/100 Théodore Prodromos, Catomyomachie : 210/384 = 55 % Christus Patiens, 2138 à 217365 : 19/33 = 57 % Théodore Prodromos, Historische Gedichte : 1433/2258 = 63 %

Des comparaisons concernant l'accentuation à la césure seraient peut-être possibles, mais seulement grâce à une étude plus fine, tenant compte selon les échantillons des proportions des divers types d'accen­tuation dans les deux types de césures (c'est-à-dire des proportions des six fins possibles de premier hémistiche66), ce que je n'ai pas fait.

IV Fautes de quantité

En ce qui concerne la prosodie et la comparaison que nous pouvons faire entre le De Vita sua de Grégoire de Nazianze et le Christus Patiens, on sait que la prononciation commence à ne plus distinguer longues et brèves dès l'époque hellénistique, ce qui facilite les confusions proso­diques dans les dichrona. On sait aussi que les originaires de Cappa­doce sont en particulier renommés pour leur négligence de la quantité67. Dans le cas de cette prosodie essentiellement érudite, il faut en outre tenir compte des licences que facilite quelque précédent homérique.

Pour une étude prosodique qualitative, ce qui doit nous intéresser est surtout l'allongement incorrect de e ou de 0 et non pas les fautes sur les dichrona68. Pour le Xpta'toç 1tacrxrov, les descriptions qualitatives géné-

62 100 vers (95 si l'on ne tient compte que des dodécasyllabes) choisis au hasard dans le DVS. 63 100 vers (94 si l'on élimine 2 lignes extra metrum et 4 cas ambigus ) choisis au hasard dans le CP. 64 100 vers choisis au hasard. 65 Tirade de 36 vers où il y a un seul souvenir euripidéen (3 cas ambigus), d'où calcul sur 33. 66 Voici les 6 fins possibles de premier hémistiche: 1) C5 proparoxyton; 2) C5 paroxyton; 3) C5 oxyton; 4) C7 proparoxyton; 5) C7 paroxyton; 6) C7 oxyton - je rappelle que, de ce point de vue, propérispomène est assimilé à paroxyton, périspomène à oxyton. 67 Philostrate, Vie des sophistes, 2, 13 (= p. 594 Olearius), à propos du sophiste Pausanias de Cappadoce. 68 Il faut toutefois noter que, pour le DVS, Jungck (op. cit., p. 35) remarque que l'allongement de l'a bref s'y produit seulement devant nasale, roulée ou sifflante, et une fois devant <1> .

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raIes ont été menées par Brambs69, pour le De Vita sua, par Jungck70. Ce dernier constate que, pour les 1950 vers du De vita sua, on trouve 7 allongements irréguliers de 6 ou de 0, mais qui s'expliquent par leur place devant nasale, roulée ou siffiante. Pour le Christus Patiens, Brambs71 signale, sans les expliquer, 7 cas d'allongement irrégulier de ces voyelles. Si nous regardons le détail, nous trouvons :

a) 1 cas (v. 2204) où 1'0 long est manifestement du à une étymologie qui rattache l'adverbe Ku'tôntv à l'adjectif KU'tÜ:mÔC; ;

b) 3 cas (vv. 72, 81, 1037) d'allongement de l'e dans des composés de aYY6Àoc; (influence du verbe à:yyr)"Àffi ou allongement devant labiale ?) ;

c) 2 cas (vv 1861, 2000) d'allongement de 1'6 devant $, selon le modèle homérique bien connu (M 208) de l'allongement d'o devant $ ;

d) 1 cas (v. 2493) de nom propre non hellénique. Bref, du point de vue qualitatif, la prosodie du Christus Patiens ne

semble pas différer de celle du De Vita sua.

Essayons une étude quantitative d'après deux échantillons. Prenons au hasard les 100 vers qui vont du vers 431 au vers 530, tant dans le De Vita sua que dans le Christus Pa tiens.

Dans le Christus Pa tiens, il y a 32 vers qui comprennent des fautes de quantité72.

Dans le De Vita sua, il y a 8 vers qui comprennent des fautes de quantité73.

A moins que les poèmes soient fort peu homogènes et que nos échantillons soient. ainsi gauchis, l'auteur du Xpt<J'tOC; mX<JXffiv s'est montré en prosodie bien plus négligent que celui du De Vita sua 74.

Au moment de conclure on est tenté de répéter la remarque finale désabusée qu'il est arrivé à Paul Maas d'écrire et selon laquelle en métrique tout ce qtii n'est pas banal est contestable75. Je ne sais si des relevés plus poussés pourraient aboutir à donner, de la métrique du

69 Brambs 1883, p. 29-31, résumé en Brambs 1885, p. 18. 70 Loc. cit. en note 66. 71 Pour les vers en question, le texte de l'édition Tuilier n'est pas différent de celui de l'édition Brambs. 72 Ce sont les vers 431, 432, 438, 440, 447, 452, 455, 456, 457, 461, 464, 465, 466, 467, 480, 487, 488,490,494,495,497,499,500, 502, 503, 505, 506, 507, 508, 513, 525, 527. Ils comprennent 37 fautes de quantité (ou 38 ; car je suis incapable de savoir quelle devrait être la quantité de l'a dans l'infinitif aoriste BKKl.lvacrm au v. 495). 73 Ce sont les vers 437, 446, 465, 496, 499,509,513,530. Peut-être n'y a-t-il que 7 vers faux si la faute de quantité dans le nom propre de Sasimes se situe au v. 496 et non au v. 446 et qu'il y a donc deux fautes au vers 496. 74 Le x2 est de 18, ce qui donne une probalité d'appartenance à la même population nettement inférieure à 0, 001 (probabilité pour laquelle le X2 serait de 10,827). 75 Paul Maas, Greek Meter, translated by Hugh Lloyd-Jones: "almost aIl that is not trivial is problematic".

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Page 18: Remarques sur la métrique du Christus Patiens...ment la supposition que ces différences proviennent d'un échantillonnage aléatoireS. Le test de Pearson, ou du X2, ayant depuis

Christus Patiens comparée à celle des (autres ?) oeuvres du Nazianzène autre chose qu'une impression. Je garde l'impression que l'auteur du Christus Pa tiens comme celui du De Vita sua savent que dans les trimètres iambiques des anciens les pieds résolus sont l'exception, mais que, de plus, celui du Christus Pa tiens tend davantage peut-être à la dodécasyllabie (mais ce peut être une question de sujet traité) et en tout cas à la paroxytonèse ; que tous deux ont une prosodie analogue. de lecture et d'érudition, mais que celui du Christus Patiens est plus négligent que celui du De Vita sua. On peut expliquer ces différences par une différence d'auteur mais il ne me semble pas qu'elles suffisent à la prouver. Peut-être, si l'on défend l'authenticité nazianzénienne du XplO""tOÇ mxO"xrov, pourrait-on parler d'une "métrique du centon"76 et supposer que Grégoire de Nazianze, ou bien gêné par un travail rapide occasioné par la loi scolaire de Julien, ou bien interrompu par la mort, aurait négligé sa prosodie et compensé certains défauts par une dodécasyllabie plus rigide ainsi qu'une paroxytonèse plus poussée et empruntée à une métrique accentuelle plus populaire ? Mais faut-il se laisser aller à ces imaginations?

Jean-Marie MATHIEU Université de Caen

76 L'expression a été employée, à titre hypothétique, dans la discussion qui a suivi la première forme de cette communication, par Jean Bernardi.

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