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À terme, il devrait évoluer pour faciliter le suivi d’autres antibiotiques sensibles. L’idéal serait donc de l’utiliser au sein d’une équipe mobile d’infectiologie intégrant un clinicien infectiologue. Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Haute Autorité de santé. Stratégie d’antibiothérapie et prévention des résistances bactériennes en établissement de santé; 2008, http:// www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/bon_usage_ des_antibiotiques_rapport_complet.pdf. [2] Circulaire DHOS/E 2 - DGS/SD5A n o 2002-272 du 2 mai 2002 relative au bon usage des antibiotiques dans les établissements de santé et à la mise en place à titre expérimental de centres de conseil en antibiothérapie pour les médecins libéraux. Legifrance. http://circulaire. legifrance.gouv.fr. [3] Réseau de surveillance des bactéries multirésistantes-RAISIN. Surveil- lance des bactéries multirésistantes dans les établissements de santé en France-Résultats 2010. Réseau BMR-RAISIN; 2010 , http://www. cclinparisnord.org/BMR/BMR2010.pdf. [4] Réseau d’alerte d’investigation de surveillance des infections nosoco- miales. Bilan des épisodes impliquant des entérobactéries productrices de carbapénèmases en France Bilan des signalements 2004-2010. RAISIN; 2010 [Consulté le 15 juin 2012]http://www.cclinparisnord. org/ PH/Reunion101210/101210_Vaux.pdf. [5] Institut de veille sanitaire. Épisodes impliquant des entérobactéries productrices de carbapénèmases en France : situation épidémiologique au 3 octobre 2012. InVS 2012 [http://www.invs.sante.fr/Dossiers- thematiques/Maladies-infectieuses/Infections-associees-aux-soins/ Surveillance-des-infections-associees-aux-soins-IAS/Enterobacteries- productrices-de-carbapenemases-EPC/Episodes-impliquant-des- enterobacteries-productrices-de-carbapenemases-en-France]. [6] Circulaire NDGS/RI/DGOS/PF/2010/413 du 6 décembre 2010 relative à la mise en oeuvre de mesure de contrôles des cas importés d’entérobactéries productrices de carbapénèmases (EPC). Legifrance. http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2010/12/cir_32240.pdf. [7] Gauzit R, Gutmann L, Brun-Buisson C, Jarlier V, Fantin B. Recommandations de bon usage des carbapénèmes. Antibiotiques 2010;12:183-9. Aurore Berthe-Aucejo 1 , Anaïs Papon 1 , Catherine Doit 2 , José Costa 3 , Olivier Bourdon 1,4 1 Hôpital Robert-Debré, service de pharmacie, 75019 Paris, France 2 Hôpital Robert-Debré, service de microbiologie, 75019 Paris, France 3 Hôpital Robert-Debré, service d’informatique, 75019 Paris, France 4 Université Paris-DescartesSorbonne-Paris-Cité, 75006 Paris, France Correspondance : Olivier Bourdon, hôpital Robert-Debré, service de pharmacie, 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France. [email protected] Reçu le 30 janvier 2013 Accepté le 30 avril 2013 Disponible sur internet le : 8 novembre 2013 ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.04.020 Remplacement de la fluindione par la warfarine chez le sujet âgé Warfarin switch from fluindione in elderly patients L’efficacité des anti-vitamines K (AVK) est largement démon- trée chez le sujet âgé, même s’ils sont difficiles à manier et comportent des risques bien connus dans cette population. En France, la fluindione (Previscan W ) est majoritairement utilisée, représentant 81,4 % des prescriptions d’AVK en 2011 versus 9,5 % pour la warfarine (Coumadine W ) [1], bien que la lit- térature soit en faveur d’une utilisation de la warfarine. Cepen- dant, le remplacement de la fluindione par la coumadine n’est pas clairement recommandé. Dans un établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes, l’analyse de la littérature a amené les praticiens à remplacer la fluindione par la warfarine, tout en surveillant la biologie, la fréquence des contrôles nécessaires et la tolérance. Ce retour d’expérience permet de relancer la problématique : doit-on modifier les habitudes françaises et prescrire en pre- mière intention de la warfarine au lieu de la fluindione, voire même remplacer la fluindione par la warfarine chez la per- sonne âgée ? Le protocole de l’étude recommandait le changement de la fluindione vers la warfarine selon un guide posologique [2], en y associant une surveillance clinique et biologique pendant trois mois. L’objectif principal était de montrer que l’équilibre théra- peutique était meilleur sous warfarine que sous fluindione. Les pourcentages de temps dans la zone thérapeutique ont été recueillis selon la méthode de Rosendaal et comparés sur deux périodes de six mois (au cours d’une même saison). La figure1 illustre, d’après les données d’un patient, les différentes pério- des et les critères de jugement. Les données appariées ont été comparées par des tests de Wilcoxon. Parmi les 200 résidents de l’établissement, 19 recevaient un traitement par AVK : 13 de la fluindione, 2 de l’acénocoumarol, et 4 de la warfarine. Les résidents (huit femmes et cinq hommes) avaient une moyenne d’âge de 90 5 ans, et une clairance rénale moyenne estimée par la méthode de Cockcroft et Gault à 62 24 mL/min. La stabilité du traitement était meilleure sous warfarine. En moyenne, l’INR était dans la fourchette thérapeutique 63 13 % du temps sous fluindione contre 81 9 % du temps sous warfarine (p = 0,002). Les épisodes de sous-dosage étaient moins fréquents sous warfa- rine, de même que les épisodes de risque hémorragique (respectivement, p = 0,032 et p = 0,034). La fréquence de surveillance des INR était considérablement diminuée sous warfarine (p = 0,003). Alors que les prescripteurs surveillaient l’INR en moyenne tous les 7 jours avant le changement, ils ne le 221 Lettres à la rédaction tome 43 > n82 > février 2014

Remplacement de la fluindione par la warfarine chez le sujet âgé

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À terme, il devrait évoluer pour faciliter le suivi d’autresantibiotiques sensibles. L’idéal serait donc de l’utiliser ausein d’une équipe mobile d’infectiologie intégrant un clinicieninfectiologue.

Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits

Remplacement de la fluindionepar la warfarine chez le sujet âgéWarfarin switch from fluindione in elderlypatients

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d’intérêts en relation avec cet article.

Références[1] Haute Autorité de santé. Stratégie d’antibiothérapie et prévention des

résistances bactériennes en établissement de santé; 2008, http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/bon_usage_des_antibiotiques_rapport_complet.pdf.

[2] Circulaire DHOS/E 2 - DGS/SD5A no 2002-272 du 2 mai 2002 relative aubon usage des antibiotiques dans les établissements de santé et à lamise en place à titre expérimental de centres de conseil enantibiothérapie pour les médecins libéraux. Legifrance. http://circulaire.legifrance.gouv.fr.

[3] Réseau de surveillance des bactéries multirésistantes-RAISIN. Surveil-

lance des bactéries multirésistantes dans les établissements de santéen France-Résultats 2010. Réseau BMR-RAISIN; 2010 , http://www.cclinparisnord.org/BMR/BMR2010.pdf.

[4] Réseau d’alerte d’investigation de surveillance des infections nosoco-miales. Bilan des épisodes impliquant des entérobactéries productricesde carbapénèmases en France – Bilan des signalements 2004-2010.RAISIN; 2010 [Consulté le 15 juin 2012]http://www.cclinparisnord. org/PH/Reunion101210/101210_Vaux.pdf.

[5] Institut de veille sanitaire. Épisodes impliquant des entérobactériesproductrices de carbapénèmases en France : situation épidémiologiqueau 3 octobre 2012. InVS 2012 [http://www.invs.sante.fr/Dossiers-thematiques/Maladies-infectieuses/Infections-associees-aux-soins/Surveillance-des-infections-associees-aux-soins-IAS/Enterobacteries-productrices-de-carbapenemases-EPC/Episodes-impliquant-des-enterobacteries-productrices-de-carbapenemases-en-France].

[6] Circulaire NDGS/RI/DGOS/PF/2010/413 du 6 décembre 2010 relative àla mise en oeuvre de mesure de contrôles des cas importésd’entérobactéries productrices de carbapénèmases (EPC). Legifrance.http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2010/12/cir_32240.pdf.

[7] Gauzit R, Gutmann L, Brun-Buisson C, Jarlier V, Fantin B. Recommandationsde bon usage des carbapénèmes. Antibiotiques 2010;12:183-9.

Aurore Berthe-Aucejo1, Anaïs Papon1, Catherine Doit2,José Costa3, Olivier Bourdon1,4

1Hôpital Robert-Debré, service de pharmacie,75019 Paris, France

2Hôpital Robert-Debré, service de microbiologie,75019 Paris, France

3Hôpital Robert-Debré, service d’informatique,75019 Paris, France

4Université Paris-Descartes–Sorbonne-Paris-Cité,75006 Paris, France

Correspondance : Olivier Bourdon,hôpital Robert-Debré, service de pharmacie, 48, boulevard

Sérurier, 75019 Paris, [email protected]

Reçu le 30 janvier 2013Accepté le 30 avril 2013

Disponible sur internet le : 8 novembre 2013

� 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservéshttp://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.04.020

tome 43 > n82 > février 2014

L’efficacité des anti-vitamines K (AVK) est largement démon-trée chez le sujet âgé, même s’ils sont difficiles à manier etcomportent des risques bien connus dans cette population. EnFrance, la fluindione (PreviscanW) est majoritairement utilisée,représentant 81,4 % des prescriptions d’AVK en 2011 versus9,5 % pour la warfarine (CoumadineW) [1], bien que la lit-térature soit en faveur d’une utilisation de la warfarine. Cepen-dant, le remplacement de la fluindione par la coumadine n’estpas clairement recommandé.Dans un établissement hospitalier pour personnes âgéesdépendantes, l’analyse de la littérature a amené les praticiensà remplacer la fluindione par la warfarine, tout en surveillant labiologie, la fréquence des contrôles nécessaires et la tolérance.Ce retour d’expérience permet de relancer la problématique :doit-on modifier les habitudes françaises et prescrire en pre-mière intention de la warfarine au lieu de la fluindione, voiremême remplacer la fluindione par la warfarine chez la per-sonne âgée ?Le protocole de l’étude recommandait le changement de lafluindione vers la warfarine selon un guide posologique [2], eny associant une surveillance clinique et biologique pendant troismois. L’objectif principal était de montrer que l’équilibre théra-peutique était meilleur sous warfarine que sous fluindione. Lespourcentages de temps dans la zone thérapeutique ont étérecueillis selon la méthode de Rosendaal et comparés sur deuxpériodes de six mois (au cours d’une même saison). La figure1

illustre, d’après les données d’un patient, les différentes pério-des et les critères de jugement. Les données appariées ont étécomparées par des tests de Wilcoxon.Parmi les 200 résidents de l’établissement, 19 recevaient untraitement par AVK : 13 de la fluindione, 2 de l’acénocoumarol,et 4 de la warfarine. Les résidents (huit femmes et cinqhommes) avaient une moyenne d’âge de 90 � 5 ans, et uneclairance rénale moyenne estimée par la méthode de Cockcroftet Gault à 62 � 24 mL/min. La stabilité du traitement étaitmeilleure sous warfarine. En moyenne, l’INR était dans lafourchette thérapeutique 63 � 13 % du temps sous fluindionecontre 81 � 9 % du temps sous warfarine (p = 0,002). Lesépisodes de sous-dosage étaient moins fréquents sous warfa-rine, de même que les épisodes de risque hémorragique(respectivement, p = 0,032 et p = 0,034). La fréquence desurveillance des INR était considérablement diminuée souswarfarine (p = 0,003). Alors que les prescripteurs surveillaientl’INR en moyenne tous les 7 jours avant le changement, ils ne le

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période 1 = avec la fluind ione période 2 = avec la warfarinestabilisa�on

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Données d’un patient :

Lettres a la redaction

surveillaient plus que tous les 14 jours sous warfarine. Mais lafréquence de surveillance était formalisée, ce qui constitue unbiais pour notre analyse. La tolérance clinique était bonnepuisqu’aucun événement indésirable n’a été recueilli. Lesposologies étaient conformes aux celles attendues d’aprèsl’outil utilisé, avec une tolérance de 1 mg, à l’exception dedeux patients qui recevaient des posologies plus basses qu’es-timées (de 0,5 à 1 mg par jour en moyenne).Dans notre étude, l’équilibre thérapeutique est amélioré souswarfarine, conformément à ce qui est attendu de la pharma-codynamie puisque la littérature rapporte une stabilité aug-mentée par la prise d’AVK à demi-vie plus longue (35 à 45 hpour la warfarine contre 31 h pour la fluindione) [3]. L’efficacitéde l’anticoagulation est corrélée au temps passé dans la zonecible. On considère qu’un patient est bien anticoagulé pour untemps passé dans la fourchette thérapeutique au moins égal à70 % [4]. Cet objectif est atteint pour 11 de nos 13 patientstraités par warfarine (85 %), contre seulement 2 avec lafluindione (15 %). Aucune étude à notre connaissance nepermet de comparer la tolérance. Il convient de rappelerqu’un autre dérivé de l’indanedione, la phénindione PindioneW,est aujourd’hui retiré du marché à cause de ses réactionsd’hypersensibilité. Quinze néphropathies interstitielles sousfluindione ont été rapportées dans la littérature, à rapprocherdes autres atteintes immunoallergiques, telles que hépatites,thrombopénies ou pneumopathies interstitielles [5]. Chez lesujet âgé, plus fragile, les données de pharmacovigilanceencouragent l’usage de la warfarine, étudiée depuis desannées.Les arguments pharmacodynamiques et scientifiques sontincontestables. Les arguments médicaux sont moins forts car

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peu d’études comparant la warfarine à la fluindione ont étémenées. Mais le faible niveau de risque de passage d’unemolécule à l’autre avec une surveillance adaptée les troispremiers mois justifie à notre sens la préférence d’untraitement AVK conduit avec la warfarine, en attendant uneétude à plus large échelle. Dans notre établissement, l’équilibrethérapeutique a été amélioré et la surveillance de l’INR a étédiminuée en faveur d’un plus grand confort du patient.

Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflitsd’intérêts en relation avec cet article.

Références[1] Miyasaka Y, Barnes M, Gersh B, Cha S, Bailey K, Abhayaratna W et al.

Secular trends in incidence of atrial fibrillation in Olmsted County,Minnesota, 1980 to 2000, and implications on the projections for futureprevalence. Circulation 2006;114:119-25.

[2] Pautas E, Badie C, Peyron I, Gouin-Thibault I, Golmard JL, Gouronnec Aet al. Equivalences de posologies entre warfarine et fluindione chez lespatients ages : construction d’un nomogramme. Rev Med Int2011;32(S1):59.

[3] Hemker H, Frank H. The mechanism of action of oral anticoagulants andits consequences for the practice of oral anticoagulation. Haemostasis1985;15:263-70.

[4] Drouet L, Fiessinger JN, Boneu B, Decousus H. Mobilisation pour lesantivitamines K. Sang Thrombose Vaisseaux 2000;12:347-9.

[5] Beauchamp C, Enache I, Haskour A, Martin L. Néphropathie interstitielleaiguë à la fluindione : à propos de trois cas. Nephrol Ther 2008;4:339-46.

Laure Peyro Saint Paul1, Jocelyne Martin2, Ihsan Moslemi1,Claire Le Hello1, Agnès Le Querrec1

1CHU de Caen, service recherche clinique, 14000 Caen, France2Hôpital de Carentan, 50500 Carentan, France

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Correspondance : Laure Peyro Saint Paul,CHU de Caen, service recherche clinique, avenue Georges-

Clemenceau, 14000 Caen, [email protected]

Reçu le 8 mars 2013Accepté le 10 juin 2013

Disponible sur internet le : 1er novembre 2013

� 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservéshttp://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.06.018

Une polyradiculonévrite atypiqueAn atypical polyradiculoneuritis

Les polyradiculonévrites (PRN) correspondent à des atteintesnerveuses périphériques diffuses particulières par leur extensionproximale aux racines et leur mécanisme principalement démyé-linisant. Elles se traduisent par des signes et symptômes moteurset sensitifs de distribution généralement symétrique, atteignantaussi bien la racine que l’extrémité des membres et pouvantdonc s’étendre aux muscles du tronc et aux nerfs crâniens.Elles peuvent être aiguës, subaiguës ou chroniques [1]. Denombreuses variantes telles que les formes motrices ou sensi-tives pures ou prédominantes, focales ou multifocales, enfin, lesformes avec dégénérescence axonale distale prédominantessont maintenant admises. Sinnreich et al. ont décrit récemmentune forme de PRN chronique (PRNC) définie par le terme dechronic immune sensory polyradiculoneuropathy ou CISP [2].Le cas clinique présenté ici est celui d’un patient dont lessymptômes ont fait évoquer une PRNC, mais dont la présenta-tion sensitive et les résultats des examens complémentairessont atypiques. Il s’agissait en fait d’une neurosyphilis tertiaire.La neurosyphilis tertiaire est rare de nos jours. Son délaid’apparition est de 3 à 20 ans. Les tableaux cliniques sontvariables [3].

Observation

Monsieur J, né le 18/01/1958, n’avait pas d’antécédent parti-culier. Il rapportait une notion de piqûre de tique il y a plusieursannées, sans érythème migrant. Il était cadre, marié et avaitdeux enfants.L’histoire de la maladie a débuté six à huit mois avant sonhospitalisation avec l’apparition de paresthésies et d’hypo-esthésie des deux pieds à type de « pieds cotonneux »,remontant secondairement dans les jambes. Il ne notait pasd’anomalie des membres supérieurs, ni de l’extrémité cépha-lique. Le périmètre de marche n’était pas modifié et il pour-suivait son travail.

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Lors d’une consultation de neurologie en secteur libéral, unearéflexie ostéotendineuse des membres inférieurs et unehypoesthésie en selle sans trouble vésico-sphinctérien avaientété notées. L’électroneuromyogramme (ENMG) réalisé à cetteoccasion confirmait l’abolition des réflexes T et trouvait desconductions motrices des nerfs tibiaux et fibulaires dans leslimites inférieures de la normale, normalement voltées pourl’âge, des latences F subnormales ou discrètement prolongées,des potentiels sensitifs d’amplitude un peu réduite et dessignes d’atrophie neurogène modérée dans la loge antéroex-terne de la jambe droite et dans le court extenseur des orteils.L’imagerie par résonnance magnétique (IRM) lombaire nenotait pas d’anomalie hormis un débord discal harmonieuxmodéré en L4–L5.Le patient était admis dans le service de Neurologie pourpoursuite du bilan d’une « polyradiculopathie chroniqueatypique » évoluant depuis huit mois. À l’entrée, il était enbon état général, sans perte de poids, sa marche était« talonnante », mais restait possible sur les pointes, sur lestalons et en tandem. Il existait une instabilité à la stationdebout et un signe de Romberg. La force musculaire étaitnormale aux quatre membres. L’aréflexie tendineuse étaitcomplète aux membres inférieurs et au membre supérieurdroit. Les réflexes cutanéo-plantaires étaient en flexion. Lesréflexes pupillaires étaient normaux. Il n’existait qu’une hypo-esthésie du bord externe de la plante des pieds. Il n’y avait pasde trouble thermoalgique. Un trouble proprioceptif du membreinférieur droit était discuté. Il n’y avait pas d’anomalie del’extrémité céphalique, ni syndrome rachidien. Il existait uneanesthésie en selle mais le toucher rectal retrouvait dessphincters interne et externe fonctionnels.L’ENMG réalisé au cours de l’hospitalisation a mis en évidenceune abolition effective des réflexes des membres inférieurs. Lesconductions étaient normales, y compris pour les réponsesmotrices spinales F. En dépit des signes sensitifs d’appel,les potentiels sensitifs distaux étaient parfaitement normaux.Les latences F normales n’apportaient pas d’argument en faveurd’une démyélinisation particulière des racines, mais l’abolitiondes réponses T confirmait l’aréflexie tendineuse clinique. Lespotentiels évoqués somesthésiques des nerfs tibiaux n’étaientpas normaux par l’absence des réponses lombaires N23. Lesévénements corticaux N33 étaient seuls discrètement retardés.Une nouvelle IRM pan-médullaire s’avérait aussi normale que lapremière.Un bilan biologique exhaustif a été réalisé (tableau I). Lescauses métaboliques, carentielles, diabétique, toxiques, médi-camenteuses, néoplasiques, paranéoplasiques, inflammatoireset infectieuses ont été écartées. En fait, seule la sérologie de lasyphilis était revenue positive : TPHA positif (1/40 960), VDRLet FTA IgG positifs et anticorps IgM positifs.Une ponction lombaire a été réalisée. La biochimie était anor-male avec une protéinorrachie à 0,97 g/L. Il n’y avait pas de

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